DE LA RÈGLE À LA PRATIQUE : Comment faire face à la coïnfection tuberculose/VIH ? - ACTION.org

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PARTENARIAT INTERNATIONAL DE
                                    PLAIDOYER EN SANTÉ MONDIALE

DE LA RÈGLE À LA PRATIQUE :
Comment faire face à la coïnfection tuberculose/VIH ?
“L’ensemble des acteurs participant à la lutte contre le VIH/sida doit aujourd’hui, et plus que
                   jamais, concentrer ses efforts sur la problématique de la coïnfection TB/VIH. La tuberculose
       tue plus de 1 000 personnes vivant avec le VIH par jour—un chiffre intolérable. Ce rapport prouve que
         si l’on prend les mesures nécessaires, la tuberculose ne sera plus synonyme de condamnation pour
         les personnes vivant avec le VIH. En collaborant, les milieux de la lutte antituberculeuse et anti-sida
                                   donneront enfin à cette double épidémie redoutable l’attention qu’elle mérite.”

                                                                           Mike Podmore, Directeur de STOPAIDS

Auteur

Mandy Slutsker

Contributeurs

Ce travail n’aurait pas été́ possible sans la contribution et l’expérience de toutes les organisations partenaires d’ACTION,
en particulier celles situées en Australie, en France, au Kenya, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Nous remercions
particulièrement les personnes ayant réalisé les interviews : Rachael Crockett, James Ndimbili, Bruno Rivalan, Victoria
Treland, Faith Cordell, David Bryden, et Sarah Kirk ; les codeurs des interviews Waiswa Nkwanga, Maggie McCarten-
Gibbs, Yanira Garcia et Xochitl Sanchez ; ainsi que l’analyste Amanda Ryan.

Remerciements

Nous remercions les professionnels de santé, les représentants des Gouvernements, des organismes donateurs et
des organisations non gouvernementales ainsi que les personnes vivant avec la tuberculose et le VIH/sida qui ont
accepté́ d’être interrogées en Côte d’Ivoire, à Haïti, en Indonésie, au Kenya, en Afrique du Sud et en Ukraine.

Acronymes

ARV           antirétroviral ou antirétroviraux                VIH           Virus de l’immunodé cience humaine

SIDA          Syndrome d’immunodéficience acquise              TPI           Traitement préventif à l’isoniazide

TSC           Travailleur de santé communautaire               ONG           Organisation non Gouvernementale

POP           Plan opérationnel du pays                        PEPFAR        Plan présidentiel d’aide d’urgence à la lutte

TPC           Traitement préventif au cotrimoxazole                          contre le sida

MDI           Ministère du Développement International         IST           Infection sexuellement transmissible

              du Royaume-Uni                                   TB            Tuberculose

GHESKIO       Groupe Haïtien d’Étude du Sarcome de             ONUSIDA       Programme commun des Nations Unies sur
              Kaposi et des Infections Opportunistes, une                    le VIH/sida
              ONG dédiée au VIH/sida
                                                               OMS           Organisation Mondiale de la Santé

Crédit photographique pour la couverture : Marcus Rose.
Sommaire

DE LA RÈGLE À LA PRATIQUE :
Comment faire face à la coïnfection tuberculose/VIH ?

Les progrès accomplis dans la lutte contre ce duo mortel.................................................................... 6

Méthodologie.............................................................................................................................................. 9

Conclusions...............................................................................................................................................11

          Conclusion 1 : La lutte contre la coïnfection TB/VIH repose encore principalement sur les
          programmes tuberculose, pourtant sous-financés......................................................................... 14

          Conclusion 2 : Le manque d’outils adaptés : un obstacle dans la lutte contre la coïnfection....... 18

          Conclusion 3 : Malgré des avancées politiques, peu de changement sur le terrain..................... 21

          Conclusion 4 : Des investissements en ressources humaines nécessaires.................................. 24

          Conclusion 5 : Une aide internationale encore insuffisante............................................................ 27

Recommandations................................................................................................................................... 34

Notes..........................................................................................................................................................36

                                                      ACTION, Partenariat international de plaidoyer pour la santé mondiale // www.action.org                       3
Crédit photo : TomFrom
                   Maguire.
                       Policy to Practice: How the TB-HIV Response Is Working
Synthèse

En 2015, la tuberculose est devenue la maladie                • Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la
infectieuse la plus meurtrière au monde, dépassant              tuberculose et le paludisme (Fonds Mondial) doit
le VIH/sida. Une tendance notamment due au                      s’assurer que les demandes de financement incluant
manque de coordination dans la lutte contre ces                 la tuberculose et le VIH, rédigées sous forme de notes
deux épidémies, ayant eu pour conséquence un                    conceptuelles conjointes, aboutissent effectivement
ralentissement des progrès. Alors que la tuberculose            à un programme commun. Pour ce faire, les budgets
et le VIH se renforcent mutuellement et pourrait donc           des programmes nationaux TB et VIH doivent refléter
se combattre de concert, la riposte mondiale n’a pas            fidèlement le coût des activités conjointes. Le Fonds
su tirer parti de cet interdépendance pour accélérer            mondial doit également continuer à investir dans
les progrès.                                                    des programmes innovants, comme la formation de
                                                                travailleurs communautaires ou l’amélioration de la
Suite au rapport « De la rhétorique à la réalité » publié       collecte de données.
par ACTION en 2014, la présente publication analyse
les mesures prises depuis lors par les Gouvernements          • Le Ministère britannique du Développement
des pays fortement touchés par la coïnfection TB/               International (MDI) doit promouvoir clairement
VIH et par les bailleurs de fonds pour faire de la lutte        et publiquement l’intégration des programmes TB
contre la coïnfection une réalité au niveau national. Le        et VIH et faire en sorte que les investissements
rapport examine ensuite les besoins persistants pour            dans les systèmes de santé se fassent en faveur
lutter efficacement contre ces épidémies. A partir de           d’activités conjointes.
la liste des 12 activités de collaboration prioritaires de
l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), ACTION             • Le Plan présidentiel d’aide d’urgence à la lutte
a évalué le passage de la règle à la pratique dans la           contre le sida (PEPFAR) doit continuer à investir
lutte contre la coïnfection, en se basant sur l’analyse         dans des activités de lutte contre la coïnfection
de documents et d’entretiens réalisés auprès des                TB/VIH porteuses. PEPFAR doit travailler avec les
principaux acteurs de ce combat.                                Gouvernements et les autres bailleurs pour garantir
                                                                la durabilité́ des programmes dans les zones à
Résumé des recommandations                                      moins forte incidence de VIH.

• Les partenaires internationaux (Gouvernements,              • La Banque mondiale doit continuer à soutenir
  organismes bailleurs, société civile et secteur               les Gouvernements en investissant massivement
  privé) doivent collaborer pour combler le manque              dans les infrastructures et particulièrement dans les
  de ressources humaines et d’outils adaptés à la               laboratoires. La Banque mondiale doit promouvoir
  prévention, au diagnostic et au traitement de la              les bonnes pratiques en matière de coordination TB/
  coïnfection TB/VIH.                                           VIH dans les systèmes de santé, en renforçant les
                                                                investissements et l’assistance technique.
• Les Gouvernements des pays fortement
  affectés doivent développer des plans nationaux
  stratégiques conjoints contre la TB et le VIH (comme
  ceux élaborés avec succès en Afrique du Sud). Les
  programmes VIH doivent être rendus responsables
  du résultat des activités communes TB/VIH. Ces
  Gouvernements doivent prioriser et augmenter leurs
  investissements dans les programmes TB sous-
  financées et vers les professionnels de santé. Ils
  doivent enfin inclure société civile et secteur privé
  dans la lutte et améliorer la collecte et le suivi des
  données TB/VIH.

                                        ACTION, Partenariat international de plaidoyer pour la santé mondiale // www.action.org   5
Les progrès accomplis dans la lutte contre ce duo mortel

                         La TB et le VIH ont été qualifiés de “duo mortel”                   internationales de l’OMS et en partie financés par
                         parce que chacune de ces épidémies accélère la                      les bailleurs internationaux. En 2004, l’OMS a publié
                         progression de l’autre, en intensifie les dommages et               des directives pour répondre à la coïnfection TB/
                         entrave les efforts visant à l’éradiquer. La tuberculose            VIH. Le rapport de l’OMS soulignait la nécessité de
                         demeure la première cause de mortalité chez les                     lier les services TB/VIH et définissait un ensemble
                         personnes atteintes du VIH, provoquant la mort d’une                d’activités communes pouvant être mises en oeuvre.5
                         personne vivant avec le VIH.1                                       Quatre ans plus tard, cette politique est devenue
                                                                                             la stratégie des “3 i” : Intensification du dépistage
                         L’année dernière, de nouvelles données publiées par                 des cas de tuberculose, traitement préventif à
                         l’OMS ont révélé que la tuberculose était devenue                   l’Isoniazide et contrôle de l’Infection. Cette stratégie
                         la maladie infectieuse la plus meurtrière au monde,                 vise à augmenter la détection et la prévention de la
                         dépassant le VIH/sida. Cette progression de l’épidémie              TB chez les personnes vivant avec le VIH grâce à
                         s’explique notamment par le fait que la riposte à la                une appropriation des activités de collaboration par
                         coïnfection n’a pas bénéficié des financements et de                les services luttant contre le VIH.6 En 2012, l’OMS a
                         l’attention ayant permis des progrès rapides dans la                actualisé ses recommandations et précisé 12 activités
                         lutte contre le VIH/sida.                                           spécifiques essentielles au renforcement des services
                                                                                             de santé et à l’amélioration de l’état de santé des
                                                                                             personnes touchées ou menacées par la tuberculose
La TB est désormais la maladie infectieuse la plus                                           et le VIH.7 En 2014, ACTION a mené une enquête
meurtrière au monde                                                                          pour évaluer si ces directives se sont traduites en
                                                                                             engagements aux niveaux mondial et national. Cette
                                                                                             évaluation a donné suite à la publication d’un rapport
                                                                                             intitulé « Du discours à la réalité ».

                                                                                             ACTION a constaté que, malgré des initiatives
                                                                                             audacieuses, la lutte contre la TB et le VIH devait être
               VIH/sida              Coïnfection                 Tuberculose                 intensifiée.
                 800,000                 400,000                     1,1 Million
                                                                                             À mesure que les directives mondiales visant à
                                                                                             combattre le duo TB/VIH ont été actualisées et
                                                                                             formalisées, les pays sont passés du discours à la
                                                                                             pratique, en adaptant les recommandations de l’OMS
                                                                                             et en améliorant la portée des activités communes
Nombre de décès dans le monde en 2014.
                                                                                             TB/VIH. C’est ainsi qu’en 2014, 77 % des personnes
Données tirées du Rapport mondial 2015 sur la tuberculose de l’OMS                           coïnfectées ont été placées sous ARV.8 Parallèlement,
                                                                                             certaines opportunités ont été manquées : seuls 47 %9
                                                                                             des personnes sous ARV ont fait l’objet d’un dépistage
                         Les traitements contre la tuberculose et le VIH                     de la TB et seulement 51 %10 des patients tuberculeux
                         sont pourtant intimement liés. Si les programmes                    ont été testés au VIH. En outre, la moitié seulement
                         intégraient efficacement les services TB et VIH, les                du nombre estimé de PVVIH ayant développé une TB
                         patients ayant besoin d’un traitement pourraient                    ont été diagnostiquées et ont bénéficié de soins.11
                         être détectés et de nombreuses vies pourraient
                         être sauvées : les traitements antirétroviraux (ARV)                En 2014 le rapport publié par ACTION a permis de
                         réduisent de 65 % le risque d’infection à la TB chez                montrer que les 12 activités de collaboration TB/
                         les personnes vivant avec le VIH (PVVIH),2 alors                    VIH recommandées par l’OMS n’avaient pas été
                         qu’une tuberculose non diagnostiquée et non traitée                 mises en œuvre de façon homogène dans les pays
                         accélère la progression du VIH.3,4                                  fortement affectés et par les bailleurs. En outre,
                                                                                             bien que disposant de moins de ressources que les
                         La lutte contre la tuberculose se décline au niveau                 programmes VIH, ce sont les programmes TB qui ont
                         national en directives et plans stratégiques,                       réalisé la majorité des efforts dans la lutte contre la
                         eux-mêmes basés sur les recommandations                             coïnfection, les programmes VIH faisant peu de cas

6                        De la règle à la pratique : Comment fonctionne la réponse à la coïnfection TB-VIH
Les progrès accomplis dans la lutte contre ce duo mortel

des recommandations de l’OMS. Pour pallier à ces                                         • Les Gouvernements des pays fortement affectés
défaillances, ACTION recommandait que les plans                                            par la coïnfection TB/VIH doivent procéder à des
stratégiques nationaux VIH priorisent les activités                                        demandes de financement communes pour les deux
de collaboration TB/VIH. Tout en mettant un accent                                         maladies (via une seule et même note conceptuelle),
particulier sur le dépistage à la tuberculose de                                           en accord avec les directives du Fonds mondial de
toutes les personnes vivant avec le VIH, les plans                                         novembre 2013.
devront permettre à tous les patients d’avoir accès
aux services de prévention, de traitement et de soins                                    • PEPFAR doit étendre le déploiement des machines
de la tuberculose. Ces services doivent faire l’objet                                      GeneXpert (machines de test rapide la tuberculose
d’un contrôle et d’un suivi annuel. Les programmes                                         en seulement 2 heures, qui détectent l’ADN
nationaux de lutte contre la TB devraient aussi veiller                                    tuberculeux et la résistance aux traitements dans les
à réduire les difficultés d’accès aux soins dues aux                                       échantillons de crachat).
frais devant être payés directement par les patients.
                                                                                         • Le MDI britannique doit mener une analyse complète
Enfin, ACTION émettait des propositions aux acteurs
                                                                                           des programmes de santé dans les pays à forte
internationaux :
                                                                                           prévalence de coïnfection TB/VIH.

                  Les directives internationales en matière de lutte
                  contre la coïnfection
        80%

                                       Politique
        70%                         intermédiaire
                                   sur les activités
                                   de collaboration                                           Politique des 3 I
        60%                             TB-VIH                                                   de l’OMS

        50%

        40%

        30%
                                                                                                                  Politique de l’OMS
                                                                                                                   sur les activités
        20%                                                                                                        de collaboration
                                                                                                                        TB-VIH

        10%

          0%
                     2004           2005          2006           2007          2008           2009          2010           2011          2012           2013          2014

                                Dépistage du VIH chez les                                Patients TB-VIH                                    Dépistage de la chez les patients
                                patients TB                                              sous ARV                                           sous ARV

Sources : Etude faite sur des patients TB soumis à un dépistage du VIH et sur des patients TB-VIH sous ARV tirés de la base de données du programme TB de l’OMS, 16 juin
2016. Les données sur le numérateur de dépistage de la TB proviennent du Rapport 2015 sur la lutte contre la tuberculose dans le monde de l’OMS “WHO TB burden estimates”
[fichier de données, nom de la variable “HIV_TBSCR”], extrait de http://www.who.int/tb/country/data/download/en. Les données sur le dénominateur de dépistage TB, le nombre de
personnes sous ARV, ont été extraites des publications ONUSIDA suivantes : indicateur de base de données SIDinfo d’ONUSIDA “Nombre de personnes bénéficiant d’ARV,
2010-2015”, extrait de http://aidsinfo.unaids.org ; données de 2004 extraites de http://www.who.int/3by5/pr_en.pdf?ua=1; indicateur 2005-2009 “Personnes ayant accès au
traitement”, extrait de http://www.unaids.org/sites/default/files/en/media/unaids/contentassets/documents/epidemiology/2013/gr2013/20130923_FactSheet_Global_en.pdf.

                                                           ACTION, Partenariat international de plaidoyer pour la santé mondiale // www.action.org                               7
Les progrès accomplis dans la lutte contre ce duo mortel

                 • La     Banque     mondiale    doit   fournir   des                virale durablement supprimée.12 Prenant exemple sur
                   recommandations spécifiques pour lutter contre la                 l’ONUSIDA, le Partenariat Halte à la tuberculose vise,
                   coïnfection TB/VIH en fonction des investissements                dans le Plan mondial pour mettre fin à la tuberculose
                   faits par les pays touchés dans le domaine de la                  2016-2020, une cible complémentaire « 90-90-
                   santé.                                                            90 » pour la tuberculose cherchant à « atteindre
                                                                                     90 % des personnes ayant besoin d’un traitement,
                 Deux ans plus tard, ACTION examine les progrès                      dont 90 % des populations clefs, et atteindre un taux
                 réalisés par les Gouvernements et les bailleurs de                  de succès des traitements d’au moins 90 % ».13 Pour
                 fonds pour renforcer la lutte contre la coïnfection dans            que ces objectifs ambitieux soient atteints, les activités
                 les pays fortement affectés. Depuis la publication du               communes TB/VIH ne doivent pas seulement passer
                 premier rapport en 2014, deux nouveaux objectifs                    du discours à la réalité mais également de la règle à
                 adoptés par la communauté internationale doivent                    la pratique.
                 être pris en compte pour procéder à cette nouvelle
                 évaluation. En octobre 2014, l’ONUSIDA a adopté
                 la cible « 90-90-90 » visant à diagnostiquer 90 %
                 des personnes vivant avec le VIH, à traiter 90 %
                 des personnes diagnostiquées et à garantir que
                 90 % des personnes sous ARV aient une charge

Crédit photo : David Bryden.

8                De la règle à la pratique : Comment fonctionne la réponse à la coïnfection TB-VIH
Méthodologie

En 2014, ACTION considérait que les directives                      des 41 pays fortement affectés par la coïnfection TB/
de l’OMS sur la collaboration entre les services TB                 VIH, ACTION a de nouveau examiné les documents
et VIH étaient suffisamment claires pour que les                    de réglementation et de mise en œuvre des projets
Gouvernements et les bailleurs puissent traduire ces                mis à disposition du public afin de déterminer si les
recommandations dans leurs plans d’action en un an                  activités communes étaient citées plus souvent qu’en
ou deux. De plus, au vu des menaces que représentent                2014.ii
la tuberculose et le VIH/sida pour la santé publique,
ACTION estimait que la société civile devrait être en               Étant donné que l’analyse comprend maintenant
mesure de consulter facilement ces documents de                     un ensemble différent de pays (41 au lieu des 32
réglementation, de financement et de mise en œuvre,                 analysés en 2014), ACTION a élaboré de nouveaux
et que de tels documents préciseraient clairement                   référentiels pour l’année 2014 qui permettront
les engagements pris par les Gouvernements et                       des comparaisons pertinentes avec les données
bailleurs pour répondre à chacune des maladies et à                 de 2016. Pour compléter le rapport, six pays ont
la coïnfection.                                                     été sélectionnés pour faire l’objet d’une analyse
                                                                    qualitative afin de contextualiser les conclusions de
ACTION a donc évalué en 2014 comment                                l’analyse des documents, de déterminer les obstacles
Gouvernements et bailleurs ont traduit les directives               au développement des activités communes TB/VIH et
de l’OMS sur la coïnfection en engagements et en                    d’évaluer à quel point les politiques coïncident avec
politiques.14 ACTION s’est penché sur les pays où les               ce que vivent réellement les patients.
activités communes pourraient avoir le plus d’impact
sur la tuberculose, et s’est pour cela focalisé sur les             Ce rapport ainsi que le précédent ont ciblé les
32 pays avec le plus fort pourcentage de coïnfection                principaux acteurs publics (Gouvernements et
au VIH parmi les patients tuberculeux (soit 20 %                    organismes donateurs) afin d’influencer leurs
et plus). ACTION a étudié d’une part les plans                      politiques et d’informer le plaidoyer. Bien que cela
stratégiques nationaux TB et VIH de ces pays et                     dépasse le champ de cette étude, d’autres acteurs,
d’autre part les plans des bailleurs afin de vérifier que           y compris l’OMS elle-même et le secteur privé, ont
les 12 activités communes TB/VIH recommandées                       un rôle important à jouer pour façonner à la fois les
soient mentionnées.i                                                politiques publiques et leur mise en œuvre.

Afin de mesurer les progrès accomplis deux ans plus
tard, ACTION a décidé d’étudier plus largement le poids
de la coïnfection TB/VIH. A partir du classement OMS

i.    Même s’il est difficile de suivre le financement spécifique des programmes dédiés à la coïnfection TB/VIH, les bailleurs
      analysés étaient sélectionnés en fonction de la portée de leurs financements VIH/sida ou TB, ainsi que sur leurs capacités
      potentielles à étendre le financement TB/VIH à grande échelle selon l’engagement de leur Gouvernement dans l’aide publique
      au développement.

ii.   La liste de l’OMS des pays fortement affectés par la coïnfection TB/VIH pour la période 2016/2020 est passée de 41 à 30 pays.
      Cependant, le présent rapport s’est basé sur la liste des 41 pays définis comme « pays TB/VIH prioritaires » de 2009 à 2015. Ce
      même groupe de 41 pays a été utilisé de 2009 à la fin de l’année 2015, y compris pour rapporter les statistiques de coïnfection
      TB/VIH du Rapport 2015 sur la lutte contre la tuberculose dans le monde de l’OMS. De plus, la liste des 41 pays a été utilisée
      par le Fonds mondial pour déterminer les pays qui doivent soumettre des notes conceptuelles communes pour la TB et le VIH.

                                             ACTION, Partenariat international de plaidoyer pour la santé mondiale // www.action.org    9
Méthodologie

Pays fortement affectés par la coinfection TB-VIH selon l’OMS, 2009-2015

Afrique du Sud   Burkina Faso    Congo            Haïti            Malawi            Ouganda            Rwanda             Tchad               Zambie
Angola           Burundi         Côte d’Ivoire    Inde             Mali              République         Sierra Leone       Thaïlande           Zimbabwe
                                                                                     centrafricaine
Birmanie         Cambodge        Djibouti         Indonésie        Mozambique                           Soudan             Togo
                                                                                     RD Congo
Botswana         Cameroun        Éthiopie         Kenya            Namibie                              Swaziland          Ukraine
                                                                                     Russie
Brésil           Chine           Ghana            Lesotho          Nigéria                              Tanzanie           Vietnam

Documents analysés                                                            Interviews réalisées
26 plans stratégiques nationaux TB                                            *certaines des interviews s’adressent à deux personnes
36 plans stratégiques nationaux VIH                                           17 interviews à Haïti
35 subventions TB du Fonds mondial                                            15 Interviews en Afrique du Sud
60 subventions VIH du Fonds mondial                                           11 interviews en Ukraine
13 subventions TB/VIH du Fonds mondial                                        10 interviews au Kenya
12 programmes du MDI britannique                                              9 interviews en Côte d’Ivoire
28 Plans Opérationnels Pays (POP) du PEPFAR                                   8 interviews en Indonésie
21 projets de la Banque Mondiale
                                                                              Les frontières, les noms et les désignations présentés sur cette carte
                                                                              n’impliquent de la part d’ACTION, ou de ses partenaires dans les pays,
                                                                              aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoire, ville,
                                                                              zone ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites.

10                  De la règle à la pratique : Comment fonctionne la réponse à la coïnfection TB-VIH
Conclusions

L’étude des plans stratégiques nationaux et des                   financés, les outils adaptés manquent, les avancées
différents documents des organismes donateurs a                   politiques ne se sont pas traduites concrètement au
révélé qu’il était plus facile pour les citoyens et les           niveau des infrastructures, et les investissements en
activistes de consulter les documents concernant                  ressources humaines demeurent insuffisants. Autant
les activités TB/VIH, et donc d’en exiger la mise en              d’obstacles à une réponse efficace à la coïnfection,
œuvre. Il ne fait cependant aucun doute que certaines             que le soutien financier des bailleurs internationaux
activités communes ont été négligées, ralentissant                ne suffit pas à surmonter.
les progrès dans la lutte contre la coïnfection.

Depuis 2014, les Gouvernements ont pris des mesures
allant dans le bon sens mais des défis considérables
demeurent : le renforcement des activités TB/VIH
essentielles dépend toujours de programmes TB sous-

      TB/VIH : Intégration ou collaboration ?
      L’objectif principal des recommandations de l’OMS ainsi que des plans nationaux et de l’aide des bailleurs est de « réduire la charge de la
      TB et du VIH chez les personnes à risques ou infectées par les deux maladies. »15 Les entretiens menés à travers six pays ont montré qu’il
      existe différents moyens d’atteindre cet objectif, allant de la collaboration entre les services à leur intégration complète. Ce qui a fonctionné
      dans un certain contexte n’est pas forcément applicable dans un autre, l’important étant l’expérience du patient et la possibilité de recevoir
      les traitements et les soins adéquats aux deux maladies.
      Certaines personnes interrogées dans le cadre de ce rapport ont évoqué les « guichets uniques », un exemple typique d’intégration
      réussie : un seul prestataire de soins propose aussi bien les services TB que VIH. Le modèle de « guichet unique » a été mis en place
      dans de nombreuses cliniques rurales par défaut : lorsqu’il n’y a qu’une clinique et qu’un prestataire de soins au sein d’une communauté,
      cette personne gère tout, des soins prénataux au diabète en passant par la TB et le VIH. Cependant, bien que le modèle du « guichet
      unique » semble idéal, il n’est pas forcément adapté à tous les établissements et à toutes les situations. D’autres personnes interrogées
      soulignent que certaines défaillances au sein des établissements de santé – comme des systèmes de ventilation de mauvaise qualité
      et des mesures de contrôle des infections inadaptées – peuvent constituer un frein à l’intégration des services TB et VIH au sein d’un
      même espace. Comme de nombreuses cliniques VIH ne disposent pas des infrastructures adaptées pour lutter contre la tuberculose,
      les professionnels de santé vivent dans la crainte d’être infectés par ce virus. Les administrateurs des infrastructures ne veulent pas
      que des patients dont l’immunité est compromise ou que des femmes enceintes patientent dans des salles où des personnes toussent.
      De nombreuses cliniques qui ont été visitées pour cette étude ont alors décidé de dispenser les services TB et VIH au sein de la même
      structure, mais dans différentes pièces. Cette solution inclut de patienter une première fois pour recevoir les ARV et une nouvelle fois
      pour se faire tester de la tuberculose, ce qui est perçu comme pénible est long par les patients, mais qui leur permet d’éviter une nouvelle
      infection.

                                           ACTION, Partenariat international de plaidoyer pour la santé mondiale // www.action.org                  11
Conclusions

                                                                              Analyse des plans strategiques nationaux
                                                                        (L’analyse comprend les derniers plans stratégiques à disposition du
Les éléments probants en faveur                                         public rédigés en anglais ou en français par les 41 pays fortement af-
des activités communes TB/VIH                                                             fectés par la coïnfection TB/VIH)
                                                                                                                                           Plans            Plans
                                                                                                                                       stratégiques     stratégiques
En matière de diagnostic, de traitement et de                                                                                          nationaux TB    nationaux VIH
prévention de la TB et du VIH/sida, les règles sont                   12 activités de collaboration                                    (26 au total)    (36 au total)
claires : le dépistage et le traitement précoce de la
TB et du VIH améliorent les chances de survie et la                    A.1    Mettre en place et renforcer une entité de
qualité de vie et diminuent les risques de contagion                          coordination des activités conjointes TB/VIH                 73%            33%
des deux maladies. Il est alors essentiel que les                             fonctionnelle à tous les niveaux
personnes vivant avec le VIH fassent l’objet d’un
dépistage de routine régulier de la TB et que toutes les               A.2    Déterminer la prévalence du VIH chez les patients
personnes infectées par une TB active soient dépistés                         tuberculeux et la prévalence de la TB chez les              58%             33%
au VIH, ce service représentant le point d’entrée des                         personnes vivant avec le VIH

patients pour un futur traitement. Il est très clairement
prouvé que la prévention est une activité nécessaire                   A.3    Réaliser une planification commune TB/VIH pour
car les ARV pour les personnes vivant avec le VIH16                           l’intégration des services TB et VIH                        88%             72%
et traitement préventif à l’isoniazide (TPI) permettent
tous deux de réduire les risques d’infection à la
TB active. Lorsqu’ils sont combinés, les ARV et le                     A.4    Surveiller et évaluer les activités de collaboration
                                                                              TB/VIH                                                      100%            83%
TPI réduisent le risque d’infection à la TB jusqu’à
90 %.17, 18 De même, le traitement préventif au
cotrimoxazole (TPC), un antibiotique de large spectre
                                                                       B.1    Intensifier le dépistage de la TB et garantir un
utilisé pour prévenir les infections, améliore l’état de
                                                                              traitement antituberculeux de qualité                       100%            78%
santé des personnes vivant avec le VIH infectées par
la TB active.19 Pour plus d’efficacité, ces interventions
devraient faire partie de la réponse commune à la                      B.2    Initier la prévention TB avec un traitement préventif
coïnfection.                                                                  à l’isoniazide et un traitement antirétroviral précoce      88%             56%

                                                                       B.3    Assurer le contrôle de l’infection TB dans les
                                                                              établissements de santé et les lieux collectifs             85%             42%

                                                                       C.1    Fournir une assistance et un dépistage du VIH aux
                                                                              patients présumés atteints de TB et aux patients            100%            53%
                                                                              diagnostiqués

                                                                       C.2    Dispenser des actions de prévention du VIH aux
                                                                              patients présumés atteints de TB et aux patients            42%             19%
                                                                              diagnostiqués

                                                                       C.3    Fournir un traitement préventif au cotrimoxazole
                                                                              pour les patients tuberculeux vivant avec le VIH            88%             44%

                                                                       C.4    Garantir des interventions de prévention, des
                                                                              traitements et des soins VIH pour les patients              42%             31%
                                                                              tuberculeux vivant avec le VIH
                                   0%                40 – 59%

                                   1 – 19%           60 – 79%          C.5    Fournir un traitement antirétroviral pour les patients
                                                                              tuberculeux vivant avec le VIH                               81%            58%
                                   20 – 39%          80 – 100%

12                  De la règle à la pratique : Comment fonctionne la réponse à la coïnfection TB-VIH
Conclusions

                                                    Analyse des documents des bailleurs
                  (Comprend les documents de réglementations et mise en œuvre des projets actifs des bailleurs pour les
                                        41 pays fortement affectés par la coïnfection TB/VIH)

                                                                           Subventions TB du Subventions VIH du Subventions TB/VIH   Projets du MDI                     Projets de la Banque
                                                                             Fonds mondial     Fonds mondial     du Fonds mondial     britannique     POP du PEPFAR           mondiale

12 activités de collaboration                                                 (35 au total)      (60 au total)      (13 au total)     (12 au total)     (28 au total)        (21 total)

A.1   Mettre en place et renforcer une entité de coordination des
      activités conjointes TB/VIH fonctionnelle à tous les niveaux               6%                 0%                 0%               25%               7%                 11%

A.2   Déterminer la prévalence du VIH/sida chez les patients
      tuberculeux et la prévalence de la TB chez les personnes                   6%                 0%                 0%               17%               7%                 16%
      vivant avec le VIH

A.3   Réaliser une planification commune TB/VIH pour l’intégration
      des services TB et VIH                                                    31%                 5%                 8%               42%              64%                 32%

A.4   Surveiller et évaluer les activités de collaboration TB/VIH               91%                57%                54%               33%              86%                 63%

B.1   Intensifier le dépistage de la TB et garantir un traitement
      antituberculeux de qualité                                               100%                43%                62%              50%               93%                 58%

B.2   Initier la prévention TB avec un traitement préventif à
      l’isoniazide et un traitement antirétroviral précoce                      23%                13%                23%                8%              75%                  0%

B.3   Assurer le contrôle de l’infection TB dans les établissements
      de santé et les lieux collectifs                                          31%                 2%                 0%                8%              71%                 32%

C.1   Fournir une assistance et un dépistage du VIH aux patients
      présumés atteints de TB et aux patients diagnostiqués                     83%                27%                31%                8%              86%                 16%
      tuberculeux

C.2   Dispenser des interventions de prévention du VIH aux patients
      présumés atteints de TB et aux patients diagnostiqués                      0%                 2%                 0%                0%               0%                  5%
      tuberculeux

C.3   Fournir un traitement préventif au cotrimoxazole pour les
      patients tuberculeux vivant avec le VIH                                   23%                 3%                 0%                0%              82%                  0%

C.4   Garantir des interventions de prévention, des traitements et
      des soins contre le VIH pour les patients tuberculeux vivant               6%                 2%                23%                0%              14%                  5%
      avec le VIH

C.5   Fournir un traitement antirétroviral pour les patients tuberculeux
      vivant avec le VIH                                                        63%                32%               38%                 0%              93%                  5%

                                                  ACTION, Partenariat international de plaidoyer pour la santé mondiale // www.action.org                                                      13
Conclusions

                 Conclusion 1 : La lutte contre la coïnfection TB/VIH repose encore principalement
                 sur les programmes tuberculose, pourtant sous-financés

              Deux ans après la première évaluation par ACTION                    2. Enquêtes de prévalence TB et VIH conjointes
              de la réponse à la coïnfection TB/VIH, les activités                   (33 %)
              de collaboration reposent encore principalement
              sur les programmes de lutte contre la tuberculose.                  3. Lutte contre les infections (42 %)
              L’observation des programmes mis en place par
              les Gouvernements et les bailleurs de fonds montre                  4. Actions de prévention du VIH pour les personnes
              que les modestes progrès réalisés s’accompagnent                       touchées par la TB (19 %)
              parfois d’un léger recul dans certains domaines. Même               5. TPC (44 %)
              si les programmes nationaux TB et VIH intègrent
              tous deux des activités communes dans leurs plans                   6. Traitement et soins pour les patients tuberculeux
              stratégiques, les services VIH se sont moins investis                  vivant avec le VIH (31 %)
              que les services TB dans ce travail de collaboration.
              Les plans stratégiques VIH font état de 6 activités de              Alors que les actions essentielles de prévention du
              collaboration TB/VIH en moyenne contre 10 activités                 VIH, telles que la modification des comportement et
              pour les plans TB.                                                  la circoncision masculine, étaient systématiquement
                                                                                  inclues dans les plans stratégiques VIH, elles n’étaient
                                                                                  pas clairement indiquées pour les patients coïnfectés
                                                                                  TB/VIH. Il en est de même pour les traitements contre
« La plus importante des mesures d’intégration est                                le VIH qui sont mentionnés dans les programmes VIH
                                                                                  mais pas spécifiquement en tant que réponse à la
relative à l’expérience du client… si une personne                                coïnfection TB/VIH.
est contaminée, quelles difficultés va-t-elle
                                                                                  L’OMS recommande que tous les adultes vivant avec
rencontrer pour accéder aux soins dont elle a                                     le VIH reçoivent un TPC dans les pays connaissant
besoin ? »                                                                        des épidémies de paludisme ou de graves infections
                                                                                  bactériennes comme la tuberculose.20 Etant donné
– Représentant de la société civile en Afrique du Sud                             que le TPC doit être administré à toutes les personnes
                                                                                  séropositives dans ces pays, on devrait s’attendre à
                                                                                  ce que l’ensemble des programmes VIH nationaux
                                                                                  fassent du TPC une priorité dans leurs plans. Or, ce
                                                                                  n’est le cas que pour moins de la moitié des plans
              L’Afrique du Sud fait figure d’exception avec le
                                                                                  nationaux VIH, alors que 88 % des plans nationaux TB
              développement d’un plan stratégique commun pour
                                                                                  mentionnent cette pratique. Au sein des pays étudiés,
              la TB, le VIH et les IST (infections sexuellement
                                                                                  même si le TPC ne fait pas partie des priorités des
              transmissibles) qui inclut l’ensemble des 12 activités
                                                                                  programmes VIH, il est administré partout où cela
              de collaboration recommandées. Ce plan stratégique
                                                                                  s’avère nécessaire. Par exemple, malgré la non-
              commun est le seul de ce type ayant été implanté
                                                                                  inclusion par la Tanzanie du TPC dans son plan
              parmi les pays gravement touchés par la coïnfection
                                                                                  VIH stratégique, le pays a mis sous TPC 97 % des
              TB/VIH.
                                                                                  patients atteints de tuberculose qui bénéficiaient de
              Six activités essentielles manquaient dans la majorité              soins VIH.21 De plus la planification commune de la
              des 36 plans stratégiques VIH examinés :                            réponse à la coïnfection TB/VIH repose largement
                                                                                  sur les programmes TB : 73 % de ces programmes
              1. Mise en place et renforcement d’un organisme                     comprenaient la mise en place et le renforcement
                 de coordination des activités de collaboration                   d’un organisme de coordination des activités TB/VIH
                 (mentionné dans seulement 33 % des plans VIH)

14            De la règle à la pratique : Comment fonctionne la réponse à la coïnfection TB-VIH
Conclusions

dans leurs plans stratégiques et 88 % comprenaient        national TB et, début 2016, le programme national de
une planification conjointe.                              lutte contre le VIH/sida et les IST a également recruté
                                                          un coordinateur TB/VIH. Les deux coordinateurs
Certains pays où les plans stratégiques TB et VIH         collaboreront désormais dans le cadre de leurs
ont tous deux inclus une planification conjointe          services respectifs et de façon transversale afin
pour garantir une meilleure coordination entre les        d’améliorer la communication et de garantir que
programmes peuvent servir de modèle. Les entretiens       les plans nationaux stratégiques TB et VIH soient
menés au Kenya ont permis de comprendre comment           correctement mis en œuvre.
certaines avancées ont été permises. Il y a toujours
eu un coordinateur TB/VIH au sein du programme

           Nombre moyen d’activités de collaboration par document

                                                                      Nombre moyen d’activités de collaboration TB/VIH
                                                                         mentionnées dans les documents officiels

    Pays sévèrement touchés ou bailleurs                                2014                                           2016

   Plans stratégiques nationaux TB                                        9                                              10

   POP du PEPFAR                                                          8                                               7

   Plans stratégiques nationaux VIH                                       5                                               6

   Subventions TB actives du Fonds mondial                                5                                               5

   Subventions TB/VIH actives du Fonds
   mondial
                                                                          -                                               2

   Projets de la Banque mondiale                                          2                                               2

   Subventions VIH actives du Fonds mondial                               2                                               2

   Projets du MDI britannique                                             1                                               2

                                    ACTION, Partenariat international de plaidoyer pour la santé mondiale // www.action.org   15
Conclusions

      Des programmes de lutte contre le VIH                               civile ivoirienne avant d’ajouter : «Nous avions le
                                                                          même problème au début de l’épidémie de VIH et
      réticents à entreprendre des activités
                                                                          les docteurs et infirmières mettaient trois paires de
      de lutte contre la TB                                               gants avant de pratiquer un examen sur une femme
                                                                          enceinte séropositive. »
      Les gestionnaires des programmes VIH/sida peuvent
      se montrer réticents à mettre en place des activités                Si les activités communes TB/VIH sont principalement
      de lutte contre la tuberculose pour plusieurs raisons,              réalisées par les programmes de lutte contre la
      en particulier par peur que la généralisation de la lutte           tuberculose c’est aussi parce que les programmes
      contre la coïnfection TB/VIH se fasse au détriment des              VIH se concentrent sur la généralisation des ARV,
      activités de lutte contre le VIH. « Lorsque le budget du            pierre angulaire des cibles 90-90-90 développées
      programme VIH [était] élaboré… je faisais pression                  en 2014 par l’ONUSIDA. Etant donné que le
      pour que les financements des machines [Gene]                       traitement ARV précoce est également stratégique
      Xpert proviennent de ces fonds car [les programmes                  pour minimiser les risques d’infections à la TB,
      VIH] sont les premiers à utiliser cette technologie.                les programmes VIH considèrent que cet accès
      Ils semblaient alors très réticents » nous a confié un              facilité aux ARV est leur principale contribution à la
      conseiller technique sud-africain.                                  réponse à la coïnfection TB/VIH au lieu de donner
                                                                          la priorité à d’autres activités. Cependant, seuls
      Malgré ces réserves apparentes de la part des
                                                                          58 % des plans VIH avaient prévu d’administrer
      programmes nationaux VIH, PEPFAR, premier bailleur
                                                                          le traitement ARV aux personnes infectées par la
      de fonds à destination de la lutte contre le VIH, utilise
                                                                          tuberculose alors que cela était programmé par
      son influence pour corriger les comportements et les
                                                                          81 % des plans stratégiques nationaux TB. Il est alors
      pratiques. PEPFAR insiste pour que les programmes
                                                                          indéniable qu’un accent doit être mis sur la fourniture
      VIH considèrent les activités communes TB/VIH
                                                                          d’ARV aux patients atteints d’une TB active.
      comme étant de leur responsabilité. Au cours des
      dernières années, PEPFAR a fait du déploiement
      des machines GeneXpert et de leurs cartouches une
                                                                          Des programmes TB au sous-
      priorité en employant ce qui était parfois considéré                financement chronique
      comme des fonds VIH permettant aux personnes
      séropositives d’avoir accès à un diagnostic adapté de               Malgré     l’inclusion   davantage    d’activités     de
      la tuberculose.                                                     collaboration dans leurs plans stratégiques, les
                                                                          programmes TB nationaux ont beaucoup moins de
      Le fait que les prestataires de soins VIH jouent un                 ressources dans lesquelles puiser pour réaliser ces
      rôle limité dans les activités communes TB/VIH                      activités. En 2014, 19,2 milliards de dollars ont été
      peut également résider dans la stigmatisation et la                 déployés pour des programmes VIH dans les pays à
      désinformation persistante autour de la tuberculose.                faibles et moyens revenus, soit environ trois fois les
      Des personnes interrogées lors de cette étude                       6,6 milliards de dollars dépensés pour la TB.22 Même
      ont expliqué que certains professionnels de santé                   si les coûts des programmes VIH et TB sont différents,
      évitaient volontairement les patients atteints de                   la réponse à la tuberculose demeure largement sous-
      tuberculose par méconnaissance du contrôle des                      financée, avec un déficit annuel mondial de 1,4 milliard
      maladies infectieuses.                                              de dollars.23 De nombreux pays fortement affectés
                                                                          par la coïnfection TB/VIH connaissent des déficits de
      Tandis que les appréhensions qui existaient chez                    financement importants de leurs programmes TB. Les
      le personnel soignant le VIH ont été largement                      programmes TB indonésien et kenyan connaissent
      surmontées grâce à des campagnes de sensibilisation,                un sous-financement chronique, avec 66 % et 45 %
      la tuberculose est un thème parfois négligé durant les              de leurs budgets prévus par les programmes TB non
      formations sanitaires.                                              financés.24, 25

      « Les professionnels de santé qui ne travaillent pas                Les pays qui luttent contre ces deux pandémies
      dans des centres spécialisés TB ont peur du virus,                  comptent sur les bailleurs internationaux, comme
      c’est pourquoi ils sont réticents à dépister leurs                  le Fonds mondial, pour combler leurs budgets TB
      patients » explique un représentant de la société                   nationaux. Le panel d’examen technique du Fonds

16    De la règle à la pratique : Comment fonctionne la réponse à la coïnfection TB-VIH
Conclusions

mondial estime dans son dernier rapport que ce
sous-financement chronique des programmes TB
nationaux est un réel problème26 mais malgré cela,
les pays ne demandent pas d’augmentation de leurs
                                                                               CÔTE D’IVOIRE : faire
budgets TB dans leurs notes conceptuelles destinées                            correspondre projets ambitieux
au Fonds mondial. Pour répondre à ce problème                                  et ressources disponibles pour
le panel d’examen technique a suggéré aux pays                                 obtenir des résultats
bénéficiaires de « réviser leur répartition des fonds
au sein de leurs programmes…en faveur de la lutte
                                                                    La Côte d’Ivoire est l’un des pays d’Afrique de l’Ouest et Centrale les
contre la tuberculose.»27
                                                                    plus touchés par le VIH et la TB : presque un patient tuberculeux sur
                                                                    quatre est infecté par le VIH. Des progrès ont été accomplis, 75 % des
Les rapports de force politiques existants au sein
                                                                    personnes coïnfectées sont sous ARV,28 mais il reste beaucoup à faire.
des différents ministères de la santé, l’insuffisance
                                                                    L’intégration TB/VIH en Côte d’Ivoire est en grande partie développée
des fonds alloués aux programmes VIH et le
                                                                    par le plan stratégique national TB. Ce dernier stipule que le TPC et
plafonnement des subventions destinées à la lutte
                                                                    les ARV doivent être fournis aux patients tuberculeux mais les deux
contre la tuberculose (fixé à 18 % du total) par le                 procédures ne sont pas mentionnées dans le plan stratégique national
Fonds mondial sont autant de raisons qui rendent la                 VIH. La Côte d’Ivoire ne fait pas exception à la tendance mondiale de
réattribution des fonds au programme TB difficile à                 sous-financement des programmes TB : il manque 56 % des fonds
gérer pour les organismes de coordination nationaux.                nécessaires au programme TB, ce budget ne représente que 0,69 %
                                                                    des dépenses de santé totales du pays et 1/10e du programme VIH soit
Un responsable de programme national TB interrogé                   6,3 %.29, 30
a déclaré que, malgré la planification commune,
«lorsqu’ils [les responsables des programmes]                       Tandis que les programmes TB et VIH de Côte d’Ivoire ont historiquement
conçoivent le budget, la plus grande partie est                     fonctionné indépendamment l’un de l’autre, le Gouvernement a
finalement attribuée à la lutte contre le VIH/sida et               pris l’initiative d’intégrer la lutte contre la tuberculose dans le plan
                                                                    stratégique national VIH pour 2016-2020 (qui n’était pas public au
non contre la tuberculose ».
                                                                    moment de l’analyse d’ACTION). Le plan donnera la priorité aux
Les subventions VIH sont à 59 % moins susceptibles                  diagnostics précoces en généralisant le dépistage VIH et l’accès aux
de financer des activités communes TB/VIH, alors                    ARV pour les patients atteints de TB, tout en favorisant le dépistage de
même qu’elles disposent de 4 fois plus de fonds et                  la tuberculose chez les séropositifs. Des initiatives ont aussi été mises
                                                                    en place pour améliorer la collecte de données relatives à la TB et au
que la tuberculose est la cause principale de décès
                                                                    VIH et pour mettre à disposition des systèmes de surveillance dans
chez les séropositifs.
                                                                    toutes les cliniques VIH et TB. Même si le processus a été long, des
                                                                    progrès dans la coordination des activités se font sentir. Malgré tout,
                                                                    des investissements plus conséquents de la part du Gouvernement et
                                                                    des bailleurs de fonds seront nécessaires pour appliquer ces politiques
                                                                    publiques sur le terrain.

                                     ACTION, Partenariat international de plaidoyer pour la santé mondiale // www.action.org             17
Conclusions

         Conclusion 2 : Le manque d’outils adaptés : un obstacle dans la lutte
         contre la coïnfection

      Le manque de médicaments, d’outils de diagnostics                   personnes bénéficiant d’ARV avaient fait l’objet
      et de vaccins adaptés pour lutter contre la TB                      d’un dépistage TB.32 Ce chiffre a ensuite lentement
      représentent de réels obstacles dans la lutte contre                progressé grâce au déploiement du GeneXpert,
      la coïnfection TB/VIH. Des années de négligence, un                 particulièrement efficace pour diagnostiquer la TB chez
      déficit de financement et l’absence de volonté politique            les personnes vivant avec le VIH. Les programmes
      sont autant de raisons qui expliquent qu’il n’existe                VIH ont alors peu à peu accordé une plus grande
      ni de vaccin efficace pour prévenir la forme la plus                importance au dépistage de la tuberculose. En 2012,
      courante de TB, ni de systèmes de diagnostic rapide                 USAID, UNITAID, PEPFAR et la Fondation Bill &
      facilement accessibles, ni de traitement antibiotique               Melinda Gates ont conclu un accord avec le fabricant
      court (10 jours) et simple pour traiter la maladie.                 de machines GeneXpert afin de réduire son coût de
      Malgré de récentes avancées dans le traitement et                   40 % dans les pays en développement, en faisant
      le schéma thérapeutique de la TB résistante aux                     baisser le prix à 10 dollars par cartouche.33 Plus de
      traitements, une grande partie du personnel de santé                six millions de cartouches GeneXpert sont achetées
      et des personnes vivant avec la TB sont encore                      chaque année dans le secteur public à ce prix.34 Le
      obligées de combattre la maladie avec des outils                    rapport 2014 d’ACTION a recommandé à PEPFAR
      archaïques.                                                         d’étendre le déploiement des machines GeneXpert.
                                                                          Ces deux dernières années, PEPFAR est passé
      Suite aux deux progrès majeurs que sont le                          de l’échelle réduite d’un test pilote au financement
      développement des machines GeneXpert et                             beaucoup plus important des machines GeneXpert
      l’amélioration des études (et donc des données) sur                 afin de faire de cette technologie le principal outil de
      la prévalence, les programmes nationaux TB et VIH                   diagnostic de la tuberculose chez les PVVIH.
      ont pu améliorer le diagnostic de la tuberculose :
                                                                          Le « GeneXpert » est non seulement beaucoup
      • Le développement des machines GeneXpert depuis                    plus fréquemment mentionné dans les documents
        2014 a montré l’influence que peuvent avoir des outils            stratégiques étudiés, mais de nombreux cliniciens
        adaptés dans la lutte contre la TB. En 2014 seuls                 ont en outre affirmé que lorsqu’une machine était
        68 % des plans VIH mentionnaient l’intensification                disponible dans un centre de soin elle devenait
        du dépistage de la tuberculose chez les séropositifs.             le premier outil de diagnostic de la tuberculose
        Une défaillance dans le domaine du diagnostic qui a               utilisée chez les personnes vivant avec le VIH. Cela
        été surmontée, puisque aujourd’hui le dépistage est               s’est vérifié dans le Plan stratégique national sud-
        l’activité conjointe la plus citée dans les programmes            africain pour la TB, le VIH et les IST qui se focalise
        VIH nationaux (78 % des plans stratégiques).                      particulièrement sur le dépistage et le diagnostic de
                                                                          la TB. Le système de santé sud-africain a en effet
      • Le panel d’examen technique du Fonds mondial
                                                                          traduit cette politique dans la pratique en ayant utilisé
        a reconnu que les données complémentaires
                                                                          à ce jour les trois quarts des cartouches GeneXpert
        fournies par les enquêtes de prévalence sur la
                                                                          achetées dans le monde.35
        tuberculose d’USAID et du Fonds mondial, ainsi que
        l’amélioration des données de l’OMS, ont permis de                Néanmoins les machines GeneXpert ne sont pas
        faire du dépistage une nouvelle priorité.31                       toujours disponibles ou accessibles dans les zones
                                                                          les plus démunies, ce qui pourrait expliquer les
      Rendre des outils tels que le GeneXpert disponible
                                                                          problèmes des pays dont les plans stratégiques VIH
      permet donc de réaliser des progrès notables
                                                                          n’incluent toujours pas le diagnostic TB. Le fait que
      dans la lutte contre la coïnfection. Auparavant, les
                                                                          les Gouvernements ne fassent pas du dépistage
      programmes VIH peinaient à fournir un dépistage
                                                                          de la tuberculose et de l’acquisition de machines
      TB aux patients PVVIH. En 2004, seuls 14 % des

18    De la règle à la pratique : Comment fonctionne la réponse à la coïnfection TB-VIH
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