Des agriculteurs en danger - La Terre de chez nous

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Des agriculteurs en danger - La Terre de chez nous
V o l . 8 6 , n o 21 – 27 mai au 2 juin 2015 – w w w . l a t e r r e . c a – U n c a h i e r – 3 2 p a g es – 2,25 $

    Des agriculteurs
    en danger
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   Étiquetage d’origine
   4 à 0 pour
                                                                                                                                                                   PIERRE-YVON BÉGIN/TCN

   le Canada
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                                                                                                                       21

                                                                                                                                                                       1

                                                                                  une facture indigeste
                                                                                                                       Messageries Dynamiques

                                                                                                                                                                   78313 02664

                                                                                  PAGE 3
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                                                                                                                                                                       7
Des agriculteurs en danger - La Terre de chez nous
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COMMERCE INTERNATIONAL

4 à 0 pour le Canada
                                            et son collègue du Commerce inter-
                                            national, Ed Fast, ont salué le verdict
           JULIE MERCIER                    de l’OMC et demandé aux États-Unis
           jumercier@laterre.ca             d’abolir « leur politique protectionniste
                                            et discriminatoire d’étiquetage […] ».
  L’Organisation mondiale du com-           Un avis partagé par l’industrie. « La
merce (OMC) tranche une fois de plus        législation du COOL doit être modi-
en faveur du Canada. Dans un 4e ver-        fiée. C’est uniquement en procédant
dict sans appel, elle juge la réglementa-   ainsi que les États-Unis empêcheront le
tion américaine de l’étiquetage du pays     Canada d’exercer son droit de bloquer
d’origine de la viande discriminatoire      les exportations de porcs américains », a
envers le bétail canadien.                  précisé l’ex-président du Conseil cana-
  En vigueur depuis 2008, le Country        dien du porc et producteur du Québec,
of Origin Labeling (COOL) oblige les        Jean-Guy Vincent. En effet, le Canada

                                                                                                                                                                                  OHIO FARMERS UNION
détaillants américains à mentionner         a maintenant la possibilité d’imposer
sur les paquets de viande le lieu de        des mesures de rétorsion sur un large
naissance, d’élevage et d’abattage du       éventail de produits américains expor-
bétail. À trois reprises (novembre 2011,    tés en sol canadien. Outre le bœuf et le
juin 2012 et octobre 2014), l’OMC a         porc, la liste comprend plusieurs fruits,
déterminé que le COOL allait à l’en-        le maïs, des produits céréaliers, le sirop
contre des obligations commerciales         d’érable, le ketchup, le jus d’orange, le
                                                                                               L’étiquetage du pays d’origine constitue une mesure
des États-Unis et s’avérait discrimi-       vin et les spiritueux. L’OMC pourrait
natoire envers les bovins et les porcs      donner sa bénédiction aux mesures de          protectionniste, estime l’Organisation mondiale du commerce.
canadiens. Le plus récent jugement,         rétorsion à la fin de l’été. Selon l’indus-
dévoilé le 18 mai, signe une 4e vic-        trie canadienne de l’élevage, les dom-                        Québec                     sionné des pertes d’environ 50 $/bête
toire pour le Canada et le Mexique.         mages causés par le COOL dépassent              Depuis sa mise en place, le COOL         pour les éleveurs d’ici, calcule M. Roy.
Le ministre de l’Agriculture, Gerry Ritz,   1 G$/année.                                   complique l’existence des producteurs      Ce dernier espère maintenant que le
                                                                                          de bœuf du Québec. « Le COOL a fait        gouvernement américain se conformera
                                                                                          très mal », résume André Roy, directeur    au jugement de l’OMC. « Pour les pro-
                                                                                          mise en marché bouvillons d’abattage à     ducteurs, l’objectif, c’est que le COOL
 UNE INDUSTRIE INTÉGRÉE :                                                                 la Fédération des producteurs de bovins
                                                                                          du Québec. Plusieurs petits abattoirs
                                                                                                                                     soit retiré, pas que des mesures de rétor-
                                                                                                                                     sion soient mises en place », témoigne-
 • Les États-Unis constituent le premier marché d’exportation du                          américains et certains gros joueurs ont    t-il. Pour l’instant, Washington n’a pas
   bœuf canadien;                                                                         ainsi cessé de s’approvisionner en bou-    indiqué son intention de se plier au der-
                                                                                          villons québécois. D’autres établisse-     nier jugement de l’OMC. Toutefois, le
 • 77,5 % du bœuf canadien est exporté aux États-Unis;
                                                                                          ments ont réduit leurs achats et mis en    20 mai, le comité sur l’agriculture de la
 • Le Canada est le premier fournisseur des États-Unis en bœuf                            place des mesures particulières, telles    Chambre des représentants a adopté un
   nourri aux grains.                                                                     que des journées spécifiques d’abattage.   projet de loi réclamant l’abrogation du
   Source : Canada Beef                                                                   Ces disparitions d’acheteurs sur le mar-   COOL pour la viande de bœuf, de porc
                                                                                          ché et ces coûts logistiques ont occa-     et le poulet.
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                                                                                                                                                             ACTUALITÉ

Facture de 17 000 $ dure à digérer
                                           c’est que le cultivateur qui est aussi
                                           propriétaire d’un boisé pourra bénéfi-
          PIERRE-YVON BÉGIN                cier du remboursement de taxes pour ce
          pybegin@laterre.ca               boisé. »
                                             La propriété forestière de Gaétan
  SAINT-BLAISE-SUR-RICHELIEU               Delisle s’étend sur un mille de long par
— Gaétan Delisle ne digère pas la fac-     sept arpents de large. Sa facture pour le
ture de plus de 17 000 $ qu’il devra       nettoyage du cours d’eau, explique-t-il,
acquitter pour le nettoyage de deux        est établie en fonction de la superficie
cours d’eau verbalisés.                    de son lot. Or, révèle-t-il, ce boisé com-
  La note est d’autant plus difficile      prend quelques secteurs marécageux

                                                                                                                                                                                        PIERRE-YVON BÉGIN/TCN
à accepter pour ce producteur fores-       qui ont pour effet de retenir l’eau et d’en
tier de Saint-Blaise-sur-Richelieu en      limiter son apport. « Ils ne tiennent pas
Montérégie que les travaux n’ont pas       compte du fait qu’il s’agit d’un boisé »,
lieu dans son boisé. Pire, il estime que   rage-t-il.
l’empiétement des cultures dans les          Directeur général de la Fédération          Producteur forestier à Saint-Blaise-sur-Richelieu, Gaétan Delisle ne digère pas la facture
                                                                                         de 17 000 $ qu’il va recevoir pour le nettoyage de deux cours d’eau verbalisés. Il estime
cours d’eau y est en grande partie res-    des producteurs forestiers du Québec,         que l’empiétement des cultures dans la bande riveraine y a provoqué en grande partie de
ponsable de l’accumulation des sédi-       Marc-André Côté confirme la contribu-         l’accumulation de sédiments.
ments.                                     tion des propriétaires de boisés privés à
                                           la protection des ressources hydriques.

           Les propriétaires
                                           Sans connaître le dossier de Gaétan
                                           Delisle, il ne peut se prononcer sur ce       « C’est vrai que ça n’a pas d’allure »
                                           cas particulier. Il lui apparaît toutefois                                                       – CHRISTIAN ST-JACQUES
         forestiers participent
                                           « illogique » de taxer les propriétaires
         à la protection de la             forestiers qui participent à la protection      Loin de contester le rapport du               permissives parce qu’elles donnent une
           qualité de l’eau.               de la qualité de l’eau par le maintien du     COVABAR relativement à la piètre                chance aux producteurs.
                                           couvert forestier.                            condition des bandes riveraines en                Christian St-Jacques concède aussi
                                             « Tu taxes celui qui t’aide », dit-         milieu agricole dans le bassin versant de       qu’il n’a jamais eu connaissance de l’im-
  En tant que producteur forestier,        il pour illustrer l’absurdité de cette        la rivière L’Acadie, Christian St-Jacques,      position d’amendes par une municipalité
Gaétan Delisle déplore le fait qu’il ne    taxation. Rappelons que la Fédération         président de la Fédération de l’UPA de          à des producteurs agricoles pour non-res-
peut profiter du programme de rem-         réclame depuis au moins 20 ans l’ad-          la Montérégie, reconnaît la gravité de          pect des bandes riveraines. Sur le terrain,
boursement de taxes pour payer sa fac-     missibilité des producteurs forestiers au     la situation par ces mots. Il admet son         dit-il, la situation est bien variable et ne
ture au même titre que les agriculteurs.   programme de remboursement de taxes           impuissance à faire appliquer la régle-         correspond pas aux nombreuses mises en
  « L’ironie dans tout ça, déclare-t-il,   au même titre que les agriculteurs.           mentation, rappelant avoir multiplié            garde de l’Union des producteurs agri-
                                                                                         les efforts ces dernières années pour           coles (UPA) et des MRC.
                                                                                         convaincre les producteurs de leur utilité.       « Ça fait au moins 15 ans qu’on en
                                                                                           Il a déclaré que l’on ne pouvait rien         parle », déplore-t-il, déçu de constater le

Des bandes riveraines inadéquates                                                        faire, parce que l’application des règle-
                                                                                         ments sur les bandes riveraines est tou-
                                                                                                                                         faible taux d’adhésion au message. Le
                                                                                                                                         président ne désespère pas pour autant,
                                                                                         jours sous la juridiction des municipalités.    révélant que « quelque chose s’en vient
   Les bandes riveraines dans le bassin    d’importants problèmes d’érosion et           Selon lui, dans l’ensemble, elles sont bien     cet automne ». P.-Y.B.
versant de la rivière L’Acadie, secteur    de contamination.
Napierville, sont inadéquates tant dans      « L’érosion des berges et la pauvreté
leur composition que dans leur dimen-      des bandes riveraines sont générali-                           Sur le Web laterre.ca
sion.                                      sées dans le secteur couvert en 2014 »,                        Actualités/Élevage
   Le Comité de concertation et de         peut-on lire dans le rapport. Un son-                          ÚLa grippe aviaire coûte cher aux États-Unis
valorisation du bassin de la rivière       dage mené par le COVABAR indique                               Actualités/En région
Richelieu (COVABAR) en arrive à            que peu d’inspecteurs imposent des                             ÚRéorganiser l’entreprise pour améliorer sa qualité de vie
cette conclusion. Dans son rapport de      amendes aux contrevenants et que les
                                                                                                          Concours de photos Semis 2015
caractérisation du bassin de la rivière    actions devant les tribunaux sont encore                       ÚFaites-nous parvenir vos plus belles photos de semis.
L’Acadie, secteur Napierville, publié      plus rares. « Ce laxisme dans l’applica-                       Partagez vos photos et vidéos avec nous.
en janvier dernier, l’organisme à but      tion des sanctions donne l’impression
non lucratif présente un bilan peu         que le problème est de moindre impor-
                                                                                                          La question de la semaine
reluisant.                                 tance », souligne aussi le rapport.
                                                                                                          ÚPartenariat transpacifique : le fédéral protégera-t-il la gestion
   Les mesures effectuées sur le ter-        Rappelons qu’en milieu agricole, la                           de l’offre?
rain et le calcul des indices de qua-      largeur de la bande riveraine doit être
                                                                                                          Venez répondre sur : laterre.ca
lité amènent l’organisme à dresser un      d’au moins trois mètres. Elle doit éga-
portrait préoccupant de la santé de        lement compter un mètre sur le replat,                         Résultats du sondage
ce bassin versant. Le Comité arrive        quand le talus se situe à moins de trois                       ÚContraintes aux travailleurs étrangers : craignez-vous le départ
                                                                                                           de nos entreprises?
aussi à la conclusion que la culture       mètres de la ligne des hautes eaux.
                                                                                                          Oui 59 % / Non 37 % / Je ne sais pas 4 %
intensive sur le territoire entraîne       P.-Y.B.
Des agriculteurs en danger - La Terre de chez nous
PAGE 4     LA TERRE DE CHEZ NOUS, 27 mai 2015

Inciter les automobilistes                                                                                                                         — Statistiques —

                                                                                                                                                            30 %
à partager la route                                                                                                                                 Accidents mortels dus
                                                                                                                                                   à un virage inapproprié

                                               fois que des machineries agricoles de          sur les véhicules lents », précise

           MARTIN MÉNARD
                                               largeur excessive circulent en aval.
                                                          La strate politique
                                                                                              M. Caron.
                                                                                                Les comportements de conduite
                                                                                                                                                            30 %
           mmenard@laterre.ca
                                                                                                                                                Accidents mortels dus à une
                                                          se met de la partie                 téméraires, les dépassements dange-
                                                                                                                                                 tentative de dépassement
                                                 Au cours de la dernière assemblée            reux et la vitesse des automobilistes
  Le milieu agricole se mobilise               générale de la Fédération des pro-             à proximité des véhicules agricoles
pour inciter les automobilistes à faire        ducteurs de cultures commerciales              demeurent un problème bien réel,
preuve de plus de prudence lorsqu’ils
empruntent une route de campagne en
                                               du Québec, Yves Philie a exhibé la
                                               photo d’une affiche employée lors des
                                                                                              souligne Daniel Bernier, responsable
                                                                                              du dossier sécurité routière à l’UPA. Il
                                                                                                                                                            46 %
                                                                                                                                                Mortalités qui se produisent
pleine période des travaux agricoles.          travaux agricoles en Ontario et sur            ajoute que le gouvernement ne semble              en fin d’après-midi ou tard
  Les producteurs de la Montérégie-            laquelle on pouvait lire « Caution :           pas chaud à l’idée d’entreprendre une                       en soirée
Ouest ont acheté 240 panneaux de               Slow moving vehicle » (Attention :             campagne de sensibilisation spéci-
signalisation qu’ils installent eux-           véhicule lent). Il demande le même             fique au secteur agricole.
mêmes, chaque jour, afin d’avertir les
usagers que la prochaine portion de
                                               genre d’initiative au Québec.
                                                 Au niveau national, des producteurs
                                                                                                « Selon la SAAQ, la cause première
                                                                                              des accidents, c’est le manque de visi-
                                                                                                                                                            15 %
                                                                                                                                              Collisions mortelles alors que la
route pourrait être glissante en raison        ont formé un comité sur la sécurité rou-       bilité de la machinerie agricole. Le            largeur de la machine agricole
de boue ou de fumier provenant des             tière et tentent d’apporter des solutions.     nouveau règlement visant à accroître             excède la voie de circulation
pneus de leurs tracteurs. « L’impact             De son côté, le deuxième vice-               la visibilité est en place depuis peu.
est positif. Nous avons observé une            président de l’Union des producteurs           Ils veulent d’abord s’assurer d’une
baisse du nombre d’accidents ici en            agricoles (UPA), Martin Caron, ren-            bonne implantation. Ensuite, ils docu-          panneaux amovibles aux producteurs
région et je pense que nos pancartes           contrera à nouveau en juin prochain            menteront le problème pour mieux                pour signaler la présence de machine-
ont contribué à ce résultat », analyse         les fonctionnaires du MTQ et de la             cibler une éventuelle campagne », note          rie de largeur excessive. « Le minis-
Michel Hébert, un agriculteur de               Société de l’assurance automobile du           M. Bernier.                                     tère envisage cependant des affiches
Howick, au sud de Montréal.                    Québec (SAAQ). « On maintient la                 Questionnée par la Terre, la SAAQ             de sensibilisation qui inciteraient les
  Les producteurs de cette région              pression auprès d’eux. On voudrait un          a mentionné qu’elle ne prévoit pas de           automobilistes à la prudence lorsqu’ils
demandent au ministère des Transports          plan de communication destiné aux              campagne de sensibilisation particulière        circulent en secteur agricole durant la
du Québec (MTQ) de mettre à leur dis-          automobilistes. Et inclure dans les            consacrée au milieu agricole. Quant au          période de travaux », précise Martin
position des panneaux indiquant cette          cours de conduite certaines notions            MTQ, il n’envisage pas de fournir des           Girard, relationniste au MTQ.                 MONTÉRÉGIE
                                                                                                                                                                                            DE L’UPA DE LA
                                                                                                                                                                                            FÉDÉRATION

Des producteurs de la Montérégie ont acheté et installé des affiches avertissant les automobilistes que la chaussée pourrait être glissante à cause de la boue ou du fumier provenant des
pneus de leurs tracteurs. Les affiches sont retirées le soir après les travaux et réinstallées au besoin les jours suivants.
Des agriculteurs en danger - La Terre de chez nous
LA TERRE DE CHEZ NOUS, 27 mai 2015                       PAGE 5

Voie publique :                                                                                                                                               — Statistiques —

                                                                                                                                                                         750
des agriculteurs en danger                                                                                                                                      Accidents par année
                                                                                                                                                               impliquant un véhicule
                                                                                                                                                                      de ferme
MARTIN MÉNARD                                 devant moi pour ensuite flanquer les           accident implique une machinerie agri-

  En cette période de travaux agricoles,
                                              freins jusqu’à ce que son auto s’immo-
                                              bilise. Inutile de dire que si je n’avais
                                                                                             cole, c’est nous qui nous faisons cruci-
                                                                                             fier. La caméra pourrait alors prouver                                         7
des producteurs sont stressés lorsqu’ils      pas freiné à fond, je serais monté sur lui.    notre non-responsabilité », dit-il.                             Accidents mortels en 2014
circulent sur la voie publique. Ils se        Une fois mon tracteur arrêté en pleine                 Un manque de respect
sentent en danger.
  « C’est assez hallucinant! On se croi-
                                              route, le conducteur m’a regardé, a pris
                                              le temps de m’envoyer un doigt d’hon-
                                                                                               Depuis décembre 2013, les produc-
                                                                                             teurs doivent se conformer au nouveau
                                                                                                                                                                         201
                                                                                                                                                            Personnes blessées en 2014
rait sur une piste de course, dénonce un      neur et est reparti. C’est complètement        règlement sur la visibilité et la circu-
producteur de la Montérégie, Stéphane         anormal, mais c’est ce qu’on vit », ren-       lation des machineries agricoles de
Bisaillon. Certains automobilistes sont       chérit M. Philie.                              largeur excessive. Celui-ci impose des                       listes. « La personne dans le véhicule
très cavaliers. Ils tentent de nous dépas-      Yves Philie s’est acheté une caméra          dispositifs de visibilité supplémentaires,                   d’escorte sort souvent son bras et l’agite
ser sur des lignes doubles, même dans         qui se fixe sur le tableau de bord.            dont une voiture d’escorte lorsque la                        pour dire aux gens de modérer. Certains
les courbes. »                                Celle-ci enregistre continuellement la         machinerie fait plus de 5,3 m (17 pi)                        lui répondent en klaxonnant, ou avec
  La situation diffère d’une région à         façon de conduire des automobilistes.          de largeur. Sauf que les escortes, en                        un doigt d’honneur. Ce n’est pas par-
l’autre. Chose certaine, des producteurs      Il encourage ses confrères à l’imiter.         plus d’occasionner des contraintes de                        tout comme ça, mais ici il n’y a aucun
dont la ferme est située près des routes      « L’agriculteur n’est ni protégé physi-        logistique aux producteurs, ne sont pas                      respect », témoigne Stéphane Bisaillon.
passantes y goûtent. Surtout dans un          quement ni judiciairement. Quand un            toujours respectées par les automobi-                           Dans l’Outaouais, Stéphane Alarie
contexte où les distances parcourues par                                                                                                                  fait remarquer qu’en dépit de l’ajout
les agriculteurs augmentent. La machi-                                                                                                                    de clignotants et de bandes réfléchis-
nerie grossit et le trafic automobile s’in-                                                                                                               santes, les automobilistes manquent de
tensifie, en raison de l’étalement urbain.                                                                                                                prudence. « Même si nos tracteurs res-
  « Dans mon secteur, c’est fou. La route                                                                                                                 semblent à des arbres de Noël, les gens
est très sinueuse; les occasions de dépas-                                                                                                                font des manœuvres dangereuses. Le
ser sont rares. Même un dimanche après-                                                                                                                   gouvernement doit les conscientiser »,
midi, le gars avec sa Porsche ne veut pas                                                                                                                 souligne-t-il.
                                                                                                                                                             Un pas dans la bonne direction
                                                                                                                                                             Les producteurs contactés recon-
         « Quand un accident
                                                                                                                                                          naissent que certains accidents routiers
             implique une                                                                                                                                 impliquant de la machinerie ne sont pas
         machinerie agricole,                                                                                                                             toujours causés par des automobilistes
          c’est nous qui nous                                                                                                                             et que l’ajout d’éléments de visibilité
                                                                                                                                                          s’avère bénéfique pour la sécurité de
          faisons crucifier. »
                                                                                                                                                          tous. Par exemple, la voiture d’escorte
                                                                                                                                                          qui apparaissait comme un irritant
de tracteur devant lui. Encore moins un                                                                                                                   majeur est devenue utile pour David
planteur à maïs de huit rangs! S’il y a                                                                                                                   Proulx, de la Ferme Bio-Nic inc. « Je
quatre pieds d’espace à côté de moi, il                                                                                                                   dirais que sur 97 % de notre parcours,
essaie aussitôt de me dépasser. Sauf que                                                                                                                  l’escorte ne sert à rien. Mais elle est
les poteaux, les boîtes aux lettres et les                                                                                                                très pratique pour le pont que nous
voitures à sens inverse viennent vite…                                                                                                                    devons traverser, qui fait seulement
C’est dangereux, autant pour lui que                                                                                                                      7,6 m de large [25 pi]. Le planteur
pour moi », témoigne Yves Philie, de                                                                                                                      en fait 6,7 m [22 pi]. Avant qu’on ait
Saint-Mathieu, au sud de Montréal.                                                                                                                        l’escorte, les automobilistes devaient
  Ce producteur a encore en tête un cas                                                                                                                   parfois reculer. Dans les courbes, l’es-
                                                                                                                                            YVES PHILIE

de rage au volant où un automobiliste                                                                                                                     corte les réveille. C’est bon. Bref, on
s’impatientait derrière son tracteur arti-                                                                                                                fait notre part, mais les automobilistes
                                              Yves Philie encourage les producteurs à installer sur leur tracteur une caméra pour tableau
culé. « Aussitôt qu’il m’a dépassé, il a      de bord, d’une valeur d’environ 50 $, afin de montrer aux autorités la réalité du comporte-                 aussi doivent faire la leur », souligne
donné un coup de roue pour se placer          ment de certains automobilistes.                                                                            ce producteur de Nicolet.
Des agriculteurs en danger - La Terre de chez nous
PAGE 6 LA TERRE DE CHEZ NOUS, 27 mai 2015

ÉDITORIAL

SRDI : un instrument d’une valeur
stratégique exceptionnelle
                                                          information de qualité sur leurs marchés. Le            l’information indépendante et de qualité, chaque
                                                          lancement en 2011 du système de recueil et de           producteur, dans chaque région, doit acheminer
                                                          diffusion de l’information (SRDI), qui compile les      à la Fédération les renseignements requis pour
                       MARCEL                             données relatives aux transactions de grains et         chaque vente de grains. Ces données sont ensuite
                                                          qui dresse un portrait quotidien du marché local,       compilées et on publie, chaque jour, des prix et
                       GROLEAU                            répond à cette exigence et fait certainement partie     des bases de prix moyens pour chaque variété,
                       Président général de
                       l’Union des producteurs            des plus grandes réalisations de la Fédération.         dans chaque région. Plus le nombre de participants
                       agricoles                                                                                  sera élevé, plus les compilations seront précises et
                                                          L’absence d’information indépendante et de qualité      pertinentes pour les producteurs.
                                                          sur les marchés locaux est une problématique
                                                          vécue par les producteurs de grains depuis              Ainsi, le SRDI pourra fournir de l’information
                                                          les débuts de la Fédération. Le principe de             encore plus précise permettant notamment de
Il y a 40 ans cette année, les producteurs de             transparence des marchés est à la base même de la       connaître l’état de l’offre en matière de volume au
grains québécois ont pris la décision historique          création du SRDI. Le système permet notamment           fil des mois de l’année. Les producteurs pourront
d’unir leurs forces et de se regrouper au sein            de gérer efficacement les risques, présents et à        mieux planifier leur mise en marché en obtenant un
de la Fédération des producteurs de cultures              venir, lorsque des décisions doivent être prises.       portrait clair des meilleures occasions d’affaires. La
commerciales du Québec (FPCCQ). La production             Les références boursières et la valeur du dollar        collaboration des 11 500 producteurs de cultures
de céréales, tout comme l’agriculture en général, a       canadien étant très volatiles d’une année à l’autre,    commerciales est donc essentielle au succès et à la
beaucoup évolué au Québec depuis ce temps. Lors           et même au fil des mois, un outil comme le SRDI         pérennité du système.
du cocktail tenu pour souligner le 40e anniversaire       représente une valeur stratégique exceptionnelle
de la Fédération, les présidents qui se sont succédé      pour les producteurs.                                   Tous les intervenants de la filière, à commencer
ont pris la parole.
                                                                                                                  par la Financière agricole du Québec et le
                                                          Avec ce système, les producteurs disposent              gouvernement du Québec, tirent profit des
Ces discours m’ont permis de saisir tout le travail       d’une information basée sur des transactions            avantages découlant d’une plus grande
réalisé depuis 1975 par la FPCCQ, bientôt les             réelles, ce qui leur permet d’effectuer des             transparence des marchés. Cet outil unique fait
Producteurs de grains du Québec. La culture du            analyses spécifiques du marché local pour les           l’envie de bien des producteurs ontariens et de
grain constitue la base de l’alimentation humaine.        livraisons immédiates et futures. La transparence       l’Ouest canadien. Comme agriculteur, et surtout
Cette production essentielle assure la sécurité           des marchés est fondamentale, qu’il s’agisse            comme producteur de grains, nous investissons
alimentaire de tous les pays. Au Québec, elle             de données sur les prix, de la production, de           dans des outils technologiques pour travailler au
a aussi permis l’émergence des productions                l’entreposage, des exportations, des importations       millimètre près dans nos champs et pour obtenir
animales. On ne le dit pas souvent, mais les              ou des mouvements de grains, et ce, partout au          toujours plus d’information en temps réel sur l’état
producteurs de grains et de viande profitent l’un et      Canada.                                                 de nos cultures. Recueillir plus de précisions sur
l’autre de leur présence sur le territoire. L’assurance                                                           les marchés, c’est exactement la même chose. Cela
stabilisation des revenus agricoles est aussi un des                                                              contribue à prendre les bonnes décisions, au bon
                                                          Par l’entremise du SRDI, les producteurs ont
facteurs déterminants qui a permis l’établissement                                                                moment. Et ça, ça peut faire une différence.
                                                          clairement exprimé le besoin de mettre en place un
de ces deux secteurs.
                                                          outil de mise en marché afin de vendre eux-mêmes
                                                          leurs grains de façon optimale. Toutefois, cet outil
La force d’une économie repose sur la profitabilité       nécessite la collaboration de tous les producteurs
des entreprises. Pour prospérer et prendre                de grains pour fonctionner. Pour obtenir de
de bonnes décisions, elles ont besoin d’une

                                                                                                                                                                                               www.laterre.ca
                                                                                                                  Directeur                                 Coordonnateur                           Rédacteur en chef
                                                                                                                  André Savard                              ventes et distribution                  Bernard Blanchard
                                                                                                                  Directrice                                Pierre Leroux                           Chefs de pupitre
                                                                                                                  de production                             Ventes                                  Richelle Fortin
                                                                                                                  Brigit Bujnowski                          Christian Guinard                       Julie Desbiens
                                                                                                                  Directrice marketing et                   Sylvain Joubert                         Impression
                                                                                                                  développement                             Daniel Lamoureux                        Imprimerie Transmag
                                                                                                                  Laëtitia Parriaux                         Marc Mancini
                                                                                                                                                                                                    Distribution en kiosque
                                                                                                                                                            Susan Rooke
                                                                                                                  Coordonnateur                                                                     Messageries Dynamiques
                                                                                                                  administration et                                                                 Abonnement
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                                                                                                                  Vincent Bélanger-Marceau
                                                                                                                  ABONNEMENT AU QUÉBEC
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                                                                                                                  2 ans :     104,63 $
                                                                                                                  3 ans :     136,82 $
                                                                                                                  Paiement par chèque ou mandat
                                                                                                                  à l’ordre de La Terre de chez nous
                                                                                                                              NUMÉRO GÉNÉRAL 1 800 528-3773
                                                                                                                  RÉDACTION                            PUBLICITÉ                                ABONNEMENTS ET
                                                                                                                  450 679-8483                         450 679-8483                             PETITES ANNONCES
                                                                                                                  poste 7270                           poste 7712                               1 877 679-7809
                                                                                                                  tcn@laterre.ca                       pub@laterre.ca                           abonnement@laterre.ca

                                                                                                                  ÉDITEUR
                                                                                                                  L’Union des producteurs agricoles
                                                                                                                  555, boulevard Roland-Therrien, bureau 100
                                                                                                                  Longueuil (Québec) J4H 3Y9

                                                                                                                            Dépôts légaux : Bibliothèque nationale du Québec - 1992 Bibliothèque nationale du Canada ISSN 0040 - 3830
                                                                                                                            La Terre de chez nous, ISSN 0040-3830, is published weekly, 51 times per year except first week of January by La
                                                                                                                            Terre de chez nous c/o USACAN Media Corp. at 123A Distribution Way Building H-1, Suite 104, Plattsburgh, N.Y.
                                                                                                                            12901. Periodicals postage paid at Plattsburgh, N.Y. POSTMASTER send address changes to La Terre de chez nous,
                                                                                                                            P.O. Box 2888, Plattsburgh, N.Y. 12901. Nous reconnaissons l’appui financier du gouvernement du Canada par
                                                                                                                            l’entremise du Fonds du Canada pour les périodiques, qui relève de Patrimoine canadien. Convention de la poste
                                                                                                                            publication N° 40069165 N° d’enregistrement
                                                                                                                            07665, retourner toute correspondance ne pouvant
                                                                                                                            être livrée au Canada au Service des publications
                                                                                                           www.laterre.ca   555, boul. Roland-Therrien, Longueuil QC J4H 3Y9.                                                (2012-09-05)
Des agriculteurs en danger - La Terre de chez nous
LA TERRE DE CHEZ NOUS, 27 mai 2015         PAGE 7

                                                                                                                  PARTENARIAT TRANSPACIFIQUE

Les producteurs sur le qui-vive
JULIE MERCIER

  Tous les yeux sont tournés vers Guam, une île du
Pacifique, alors que les négociateurs des 12 pays parti-
cipant au Partenariat transpacifique (PTP) viennent de
conclure plus d’une semaine de discussions.
  Les Producteurs laitiers du Canada (PLC) ont
dépêché à Guam leur président, Wally Smith, et leur
directeur du commerce international, Yves Leduc. La

                                                                                                                                                                                      MAECD
Coalition GO5 du Québec a également un observateur
sur place. Cette coalition regroupe les productions sous     Les ministres du Commerce du Partenariat transpacifique pourraient se rencontrer à la fin mai ou en juin.
gestion de l’offre, soit les œufs, la volaille et le lait.
Le lundi 25 mai, les membres de GO5 ont d’ailleurs           le fédéral a autorisé l’importation supplémentaire de         des peccadilles. Selon le président des Producteurs de
tenu une conférence de presse afin de demander au            17 700 tonnes de fromages européens, ce qui équi-             lait du Québec, Bruno Letendre, les retombées de 9 G$
gouvernement Harper de réaffirmer son engagement à           vaut à la production laitière de tout le Saguenay–Lac-        de l’éventuel partenariat ne font pas le poids avec les
préserver la gestion de l’offre. Ils étaient accompagnés     Saint-Jean. « C’est comme si l’on faisait disparaître         19 G$ générés par la gestion de l’offre pour l’économie
de différents partenaires de l’industrie, notamment les      les producteurs de lait de la région. On a été échau-         canadienne.
présidents de la Coop fédérée et d’Agropur, de même          dés avec l’accord Canada-Europe; on ne veut pas que             Pour l’instant, la tenue d’une rencontre ministérielle
que du ministre de l’Agriculture du Québec, Pierre           ça se répète avec le PTP », a déclaré Daniel Côté,            du PTP, à la fin du mois, n’a toujours pas été confir-
Paradis.                                                     président des Producteurs de lait du Saguenay–Lac-            mée, a précisé à la Terre Thérèse Beaulieu, porte-
                         Pertes                              Saint-Jean. Les PLC calculent que ce nouvel accès             parole des PLC. Au moment de mettre sous presse, le
  Les producteurs sous gestion de l’offre sont inquiets,     fera perdre entre 110 et 150 M$ de revenus à la ferme.        président américain, Barack Obama, n’avait pas obtenu
car ils ont toujours du mal à digérer l’accord de libre-     Pour les 11 pays partenaires du Canada dans le PTP,           l’autorité de promotion du commerce, ou fast track, un
échange avec l’Europe. En dépit de ses promesses,            les 17 700 tonnes accordées à l’Europe représentent           mandat ferme du Congrès pour aller négocier le PTP.
Des agriculteurs en danger - La Terre de chez nous
PAGE 8     LA TERRE DE CHEZ NOUS, 27 mai 2015

ACÉRICULTURE

Le sirop d’érable soumis
à une étude exhaustive
PIERRE-YVON BÉGIN                                            ser le sirop d’érable au peigne fin.             « Il va s’apercevoir qu’en fin de           le camp du ministre », anticipe-t-il des
                                                             Le président de la Fédération, Serge          compte, on n’a pas perdu de marché             conclusions de l’observateur spécial.
  La Fédération des producteurs                              Beaulieu, admet qu’il se serait bien          tant que ça », réplique Serge Beaulieu.              Défendre les récalcitrants
acéricoles du Québec promet de                               passé de cet examen. Il se souvient           Celui-ci fait notamment valoir que               Le président de la Fédération ose
« collaborer » avec l’observateur spé-                       malheureusement trop bien du « rap-           l’agence de vente a réussi à augmen-           espérer que le ministre Paradis ne soit
cial nommé par Québec pour pas-                              port Bolduc qui n’avait donné droit au        ter ses résultats au cours des quatre          pas en train de défendre les acéricul-
                                                             chapitre qu’aux opposants ». Rappelons        dernières années. De plus, souligne-           teurs qui « ont le don de se poser en
                                                             qu’en 2004, le ministère de l’Agricul-        t-il, les producteurs acéricoles ont amé-      victimes », a récemment statué un juge
                                                             ture avait mandaté Normand Bolduc             lioré leur efficacité. Il admet cependant      de la Cour supérieure. Serge Beaulieu
                                                             afin d’examiner les conditions de pro-        volontiers son incapacité à empêcher           admet que 20 à 25 cas de producteurs
                                                                                                                                                          font l’objet d’une enquête par la Régie.
                                                                                                                                                          En contrepartie, souligne-t-il, les pro-
                                                                                                                                                          ducteurs se disent satisfaits de leur
                                                                            « J’ai dû rencontrer plus de 1 500 producteurs,                               Fédération à près de 75 %.
                                                                          et personne ne m’a dit qu’il n’était pas content .»                               À preuve, il dit n’avoir eu que de bons
                                                                                                                                                          commentaires au cours de la récente
                                                                                                                                                          journée portes ouvertes tenue par les
                                                                                                                                                          fabricants d’équipement acéricole.
                                                             duction et de mise en marché du secteur       d’autres régions comme les États-Unis          Certains producteurs, rapporte-t-il, lui
                                                             acéricole « ainsi que d’autres irritants      de se développer.                              ont même témoigné leur satisfaction
                                                             reliés à ce secteur ».                          « Le Québec ne recule pas, il avance         de voir la Fédération « enfin passer à
                                                               Cette fois, le ministre Pierre Paradis      et il reste des choses à faire pour qu’il      l’action ».
                                                             a chargé un haut fonctionnaire de car-        avance encore plus », ajoute Serge               « J’ai dû rencontrer plus de 1 500 pro-
                                                             rière, Florent Gagné, de lui faire rapport    Beaulieu. Il estime qu’il n’est pas normal     ducteurs, et personne ne m’a dit qu’il
                                              ARCHIVES/TCN

                                                             de l’état de la situation. Le ministre se     qu’il faille attendre deux ans pour avoir      n’était pas content », indique-t-il,
                                                             dit inquiet de l’avenir de l’industrie acé-   une décision de la Régie des marchés           convaincu que l’envoyé du ministre
Le président de la Fédération des produc-                    ricole québécoise, croyant voir son rôle      agricoles et alimentaires du Québec.           va aussi constater que les producteurs
teurs acéricoles du Québec, Serge Beaulieu.                  de leader mondial s’éroder.                     « Je pense que la balle va être dans         « sont derrière nous ».

Un observateur intéressé
PIERRE-YVON BÉGIN                                                                              Scruter à la loupe
                                                                               Originaire d’Alma au Lac-Saint-Jean et sociologue
  Néophyte en matière d’acériculture, Florent Gagné                          de formation, Florent Gagné a été directeur général
vient de se voir confier le mandat de mener une étude                        de la Sûreté du Québec de 1998 à 2003. Parmi ses
exhaustive de la situation du sirop d’érable.                                récents mandats, il a notamment assumé la fonction
  Haut fonctionnaire de carrière, souvent chargé de                          de tuteur de la Ville de Laval en juin 2013 à la suite
missions difficiles, celui-ci doit faire rapport avant la                    du départ fracassant du maire Gilles Vaillancourt.
fin de l’année au ministre de l’Agriculture, inquiet                           Florent Gagné se définit comme un « observateur
de voir le Québec perdre son rôle de leader mondial.                         intéressé », refusant l’étiquette d’enquêteur en raison
  « C’est un secteur où je pars à neuf », admet                              de sa connotation négative.
Florent Gagné en entrevue téléphonique avec la                                                                                            Florent Gagné
Terre. Celui-ci dit faire acte d’humilité, soulignant en
contrepartie qu’il connaît fort bien l’appareil public,                                  « C’est un secteur où je pars                    bien me taper tous les papiers dans une lecture
ayant été sous-ministre dans différents ministères. Il                                    à neuf .» – Florent Gagné                       approfondie des textes », déclare-t-il. Il promet de
indique d’ailleurs avoir déjà secondé Pierre Paradis,                                                                                     « faire ses devoirs » avant d’entreprendre la consul-
lorsque ce dernier était ministre des Affaires munici-                                                                                    tation des divers intervenants, son plan de travail
pales en 1989-90.                                                              Les rumeurs de rébellion rapportées par la presse          demeurant à préciser. Son rapport étant attendu
  « C’est la volonté du ministre, ajoute-t-il, d’avoir                       nationale ce printemps et des actions devant les tri-        avant Noël, il certifie qu’il pourra s’acquitter de
quelqu’un qui se plonge dans ça sans avoir au                                bunaux suscitent « un questionnement » chez lui.             sa mission avant le début de la prochaine saison
départ ni un parti pris ni une connaissance appro-                           Lecteur avide et « très studieux », Florent Gagné            acéricole.
fondie. Vraiment, regarder la situation telle qu’elle                        précise qu’il va consacrer les prochaines semaines             « Ce n’est pas un exercice qu’on peut faire en vase
apparaît en vue de le conseiller sur des actions                             à scruter à la loupe tous les rapports et documents          clos et le point de vue des intéressés est prioritaire »,
futures. »                                                                   concernant la production de sirop d’érable. « J’aime         assure-t-il.
Des agriculteurs en danger - La Terre de chez nous
LA TERRE DE CHEZ NOUS, 27 mai 2015   PAGE 9

                                                                                                                       ZONAGE

Mobilisation pour la protection des terres
                                              Chaque année, la zone agricole est
                                            amputée de 4 000 hectares. À l’heure
           ÉTIENNE DUPUIS                   actuelle, les terres cultivées ne repré-
           edupuis@laterre.ca               sentent que 2 % du territoire au Québec.

  À la suite de l’examen du mandat de              « Les terres agricoles ne sont pas en

                                                                                                                                          ÉTIENNE DUPUIS/TCN
la Commission de protection du terri-         attente de développement », a indiqué en
toire agricole du Québec (CPTAQ),            conférence de presse, la semaine dernière,
                                            le directeur général de la Fondation David
plusieurs organisations ont lancé un           Suzuki pour le Québec, Karel Mayrand
cri du cœur la semaine dernière pour la                          (à droite sur la photo).
protection des terres agricoles (voir nos
textes en pages 10 et 11).
  « Nous sommes inquiets de la perte
de territoire agricole, a lancé Marcel
Groleau, président général de l’Union
des producteurs agricoles [UPA]. Nos
élus, eux, ne semblent pas préoccupés. »
  Les parlementaires cherchaient à
savoir pourquoi la CPTAQ refusait
autant de demandes des promoteurs ou
des municipalités, lors des audiences
de la Commission de l’agriculture, des
pêcheries, de l’énergie et des ressources
naturelles (CAPERN), la semaine
dernière, a noté Marcel Groleau.
« Pourtant, contrairement à la croyance
populaire, la CPTAQ autorise 80 % des
demandes », a-t-il mentionné.
               À l’unisson
  Présents à la conférence de presse,
Équiterre, le Mouvement ceinture verte
et la Fondation David Suzuki ont tous
critiqué la position de certains élus
qui voudraient voir les pouvoirs de la
CPTAQ transférés aux municipalités.
  « On assiste à un assaut tous azimuts
contre les terres agricoles, a lancé le
directeur général de la Fondation David
Suzuki pour le Québec, Karel Mayrand.
Si on remet ces pouvoirs dans les mains
des municipalités, le territoire urbain
va s’agrandir. » Selon lui, on doit ren-
forcer le rôle de la CPTAQ. « Elle est
notre rempart pour empêcher la perte de
terres agricoles », a noté M. Mayrand.
Il a ajouté que les terres sont des res-
sources stratégiques pour le futur aussi
importantes que l’eau.
           Un coup de pouce
                à Paradis
  Les organisations présentes lors de la
conférence de presse souhaitent que leur
prise de position donne des arguments
au ministre de l’Agriculture, Pierre
Paradis, dans la défense de la CPTAQ.
« Quand les promoteurs se font refu-
ser une demande, ils vont cogner chez
leur député, a indiqué Marcel Groleau.
Ces députés mettent de la pression sur
le ministre parce qu’ils croient que la
CPTAQ est trop rigide et qu’elle freine
le développement du Québec. »
Des agriculteurs en danger - La Terre de chez nous
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POLITIQUE

« Il faut éviter
les raccourcis! »
                                                  – MARCEL GROLEAU

                                               rappelé Marcel Groleau. On avance
                                               aussi que la CPTAQ bloque le déve-
            YVON LAPRADE                       loppement des collectivités. »
            ylaprade@laterre.ca                   Chiffres en mains, le président de
                                               l’Union a voulu démontrer que la
  QUÉBEC — Il faut « éviter les                CPTAQ a plutôt autorisé, au cours des
raccourcis dangereux » en faisant por-         10 dernières années, 76 % des projets
ter à la Loi sur la protection du territoire   industriels et commerciaux.
et des activités agricoles les problèmes          En outre, la Commission a accepté
de dévitalisation dans les villages du         96 % des projets institutionnels, d’uti-
Québec.                                        lité publique, d’énergie, de transport et
  C’est la mise en garde qu’a faite le         de communication.
président général de l’Union des pro-             Dans le secteur résidentiel, la CPTAQ
ducteurs agricoles (UPA), Marcel               a autorisé 53 % des projets qui lui
Groleau, la semaine dernière. Il a             ont été soumis, tandis que 77 % des
défendu vigoureusement cette loi               demandes d’autorisation pour exclusion
devant la Commission de l’agriculture,         de territoire de la zone agricole ont été
des pêcheries, de l’énergie et des res-        acceptées.
sources naturelles (CAPERN).                      « Tout ce que l’on demande, a confié
  Il a répondu aux nombreuses ques-            Marcel Groleau à la Terre, c’est qu’on
tions des parlementaires qui cherchaient       protège les activités agricoles. Pour ça,
à comprendre comment il serait pos-            il faut continuer d’y aller au cas par cas
sible de « moderniser » cette loi vieille      pour les demandes provenant du milieu
de près de 37 ans.                             industriel et commercial. »
  Il a été à la fois question d’agricul-          Le président de l’UPA a en outre pro-
ture et du développement des régions.          fité de la tribune de la CAPERN pour
Le député libéral de Beauce-Sud,               dénoncer les réductions de personnel
Robert Dutil, a mis la table. « Je n’ai        « auxquelles [la CPTAQ] a dû faire face
pas l’impression que vous reconnaissez         au cours des dernières années ».
cette réalité-là. Je ne vois pas de virage        « La CPTAQ doit être dotée des res-
qui va changer ça, la dévitalisation des       sources humaines et financières suffi-
villages. »                                    santes », peut-on lire dans le mémoire
  Marcel Groleau est revenu à la charge.       de l’Union, déposé à la Commission,
« Je ne crois pas qu’on puisse imputer à       mardi dernier.
la Loi [sur la protection du territoire et                 Relancer le débat
des activités agricoles] la dévitalisation        Chose certaine, les propos du pré-
des régions », a-t-il maintenu.                sident de l’UPA ont relancé le débat sur
  « Moi, je demeure à Thetford Mines           la valorisation du métier d’agriculteur,
et je vois des villages où la popula-          en 2015. « Ce sont toujours les agricul-
tion est vieillissante, a-t-il donné en        teurs qui se font repousser dans leurs
exemple. Il y a des raisons à ça. Les          droits pour satisfaire l’intolérance gran-
jeunes sont moins intéressés à y demeu-        dissante de la population », a déploré
rer et les emplois leur semblent moins         Marcel Groleau, lui-même producteur
intéressants. »                                laitier à Thetford Mines.
  Défaire des mythes sur la CPTAQ                 « À preuve : plus de 200 municipali-
  Le passage de Marcel Groleau devant          tés ont adopté un règlement pour limiter
la CAPERN – il était accompagné de la          les activités dans le porc, la volaille et
directrice générale de l’UPA, Guylaine         le veau de lait. À quelle heure pourra-
Gosselin, et de Me Stéphane Forest – a         t-on se servir de notre tracteur? Pas
en outre permis à l’Union de « défaire         avant 7 heures du matin? Il va falloir
des mythes » à propos de la préten-            que vous fassiez quelque chose pour
due sévérité des décisions prises par la       ça, a martelé le président de l’UPA,
Commission de protection du territoire         s‘adressant aux parlementaires. Il va
agricole du Québec (CPTAQ).                    falloir que les producteurs puissent pra-
  « Plusieurs prétendent que la                tiquer leur métier en zone agricole. Mais
Commission refuse trop souvent les             là, on constate que la zone agricole au
demandes qui lui sont adressées, a             Québec ne fait que rapetisser… »
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La CPTAQ doit composer avec
des effectifs réduits
YVON LAPRADE                               ment. Moi, j’aime faire mon ouvrage et
                                           si je n’arrive pas à le faire, je suis ben
  La Commission de protection du terri-    déçu! »
toire agricole du Québec (CPTAQ) doit        Chose certaine, les commissaires sont
composer avec des effectifs réduits, au    appelés à faire preuve d’une grande
moment où la pression s’accentue pour      polyvalence pour bien saisir l’évo-
qu’elle rende des décisions encore plus    lution des dossiers qui leur sont sou-
rapidement sur les questions de zonage.    mis, semaine après semaine, a évoqué
  « Ce n’est pas en réduisant le person-   Réjean St-Pierre.
nel à la Commission qu’on améliore           « Les demandes [de modifications]

                                                                                                                                                                                 YVON LAPRADE/TCN
les choses, a déploré le député péquiste   qui touchaient principalement des pro-
André Villeneuve, critique en matière      jets résidentiels ont été remplacées par
de dossiers agricoles. Or, on apprend de   d’autres, a-t-il souligné. Ce sont main-
la bouche de la présidente de la CPTAQ     tenant des demandes pour les pipelines,      Réjean St-Pierre et Yves Baril.
[Marie-Josée Gouin] que les effectifs      les champs d’éoliennes, au Lac-Saint-
vont passer de 96 à 85. »                  Jean et en Gaspésie, les projets de Gaz      villes du Québec, dont la moitié dans         de la CPTAQ », a-t-il mentionné.
  La présidente de la Commission, en       Métro. »                                     la Communauté métropolitaine de               Mais qui est imputable? a rétorqué la
poste depuis 2010, a abordé la ques-                Des hectares grugés                 Montréal », a-t-il dit.                       députée caquiste Sylvie D’Amours, res-
tion devant la Commission de l’agri-         Guy Lebeau, qui a passé nombre               « Il y a des portions de territoire qu’il   ponsable des dossiers agricoles.
culture, des pêcheries, de l’énergie et    d’années à titre de commissaire à la         faut préserver », a-t-il ajouté.                La députée juge par ailleurs que « ce
des ressources naturelles (CAPERN)         CPTAQ, a pour sa part livré un témoi-          L’ex-commissaire s’est lui aussi porté      n’est pas assez » que la Loi sur la pro-
la semaine dernière. Elle a également      gnage fort documenté.                        à la défense du travail des membres de        tection du territoire agricole n’ait été
admis que les délais, c’est « un sujet »     « Il se gruge 2 000 hectares de terre      la Commission. « Il ne faudrait pas           révisée « que deux fois en 37 ans ».
qui revient sans cesse.                    par année dans l’ensemble des grandes        jeter le blâme sur les commissaires             Il faudra voir la suite des choses.
  « La pression est là pour les délais
de traitement, a-t-elle soulevé. Et les
demandes d’autorisation augmentent.
On est une petite équipe [d’enquêteurs,
d’analystes] pour surveiller [l’applica-
tion de la loi]. »
       Enjeux de performance
  Les enjeux de « performance » et
d’efficacité de la CPTAQ ont été lon-
guement abordés par les parlementaires.
  Réjean St-Pierre, le doyen des com-
missaires – il y siège depuis 20 ans
–, a exposé qu’il « ne demanderait
pas mieux » que de sauter certaines
étapes pour rendre des décisions pour
un renouvellement « si la loi nous le
permettait ».
  Yves Baril, vice-président de la
CPTAQ, a renchéri que « ce n’est pas
le souhait de la CPTAQ de retarder les
délais indûment ».
  « On peut appliquer le gros bon sens,
mais on a des critères à suivre, a-t-il
soumis. Nous sommes préoccupés par
cette efficacité. »
            Casser du sucre
  Visiblement, il n’apprécie pas
qu’on « casse du sucre sur le dos de la
Commission », comme il l’a évoqué
devant les parlementaires.
  « Des heures, on en fait en masse,
a-t-il insisté. Pensez-vous qu’on est
satisfaits des délais? On fait de notre
mieux avec les outils qu’on a présente-
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TERRES

Des immigrants pour exporter des pommes
ÉTIENNE DUPUIS                                De son côté, la présidente des            Québec, on est au fait ce qui se fait de    d’augmenter leur part de marché inté-
                                            Producteurs de pommes du Québec,            mieux dans l’industrie. »                   rieur puisque les producteurs d’ici ne
  La Terre a révélé en primeur, la          Stéphanie Levasseur, ne cache pas son            Pallier au manque de relève            fournissent que 50 % de la demande.
semaine dernière, que l’ancien bras droit   étonnement. « On se demande où ils            CNP dit également vouloir faire venir     Stéphanie Levasseur ajoute que CNP
du premier ministre Harper, Dimitri         vont trouver les sites pour produire,       une soixantaine d’investisseurs étran-      sera accueilli comme n’importe quel
Soudas, préparait la venue d’une entre-     mentionne-t-elle. Les bonnes terres sont    gers au Québec qui désirent produire        autre producteur qui souhaite s’installer
prise qui veut acheter des terres pour      déjà en culture. À moins qu’ils veuillent   des pommes. « Il manque de relève en        au Québec.
produire des pommes au Québec. Ce           se procurer des sites déjà en verger? »     agriculture », soutient Dimitri Soudas.
projet laisse pantois les Producteurs de      Flou dans ses explications sur la         Ces gens-là vont injecter de l’argent
pommes du Québec.                           manière dont CNP veut s’implanter           dans l’économie québécoise, note-t-il.
  « Notre entreprise veut acheter des
terres, produire des pommes et les
                                            au Québec, Dimitri Soudas a toutefois
                                            laissé entendre que l’entreprise vou-
                                                                                        M. Soudas travaillera avec le ministère
                                                                                        de l’Immigration pour faciliter l’arrivée
                                                                                                                                     Une entreprise
exporter, explique Dimitri Soudas en
se défendant d’agir à titre de lobbyiste
                                            lait aider les producteurs de la Belle
                                            Province à se moderniser. « Nous
                                                                                        de ces investisseurs.
                                                                                          De son côté, Stéphanie Levasseur se
                                                                                                                                     canadienne
pour Canadian Nectar Products (CNP).        sommes à la fine pointe de la techno-       demande où et comment s’installeront           L’entreprise Canadian Nectar
La demande mondiale est plus forte que      logie dans la production de pommes.         ces investisseurs étrangers. « Nous          Products est canadienne, aux dires
l’offre présentement. On veut créer de      On peut venir en aide aux producteurs       sommes à peine 500 pomiculteurs au           de Dimitri Soudas. Il n’a toutefois
la richesse au Québec. »                    d’ici », soutient Dimitri Soudas, qui a     Québec, indique-t-elle. Soixante nou-        pas été en mesure de confirmer à la
  M. Soudas, membre du conseil d’ad-        cependant refusé de dévoiler la forme       veaux producteurs, c’est beaucoup. »         Terre qu’elle n’avait pas d’intérêts
ministration de CNP, indique qu’il fera     que prendrait un partenariat avec un          La présidente ne voit toutefois pas        étrangers. CNP possède notamment
des représentations auprès du premier       agriculteur.                                d’un mauvais œil la volonté de CNP           500 acres de terres à l’Île-du-Prince-
ministre et du ministre de l’Agriculture      Cette déclaration agace la présidente     de développer le marché extérieur pour       Édouard, des terres agricoles en
pour s’assurer que l’arrivée de l’entre-    des Producteurs de pommes du Québec.        les producteurs du Québec, rappelant         Géorgie et une usine au Chili. E.D.
prise se fasse dans les règles de l’art.    « Ça frise le mépris, constate-t-elle. Au   cependant leur objectif à court terme
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