Des agriculteurs en danger - La Terre de chez nous
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
V o l . 8 6 , n o 21 – 27 mai au 2 juin 2015 – w w w . l a t e r r e . c a – U n c a h i e r – 3 2 p a g es – 2,25 $ Des agriculteurs en danger À LIRE EN PAGES 4 ET 5 STÉPHAN DESROCHERS Étiquetage d’origine 4 à 0 pour PIERRE-YVON BÉGIN/TCN le Canada PAGE 2 Nettoyage de cours d’eau: Vol 86 #21 21 1 une facture indigeste Messageries Dynamiques 78313 02664 PAGE 3 2,25$ 10013 7
PAGE 2 LA TERRE DE CHEZ NOUS, 27 mai 2015 COMMERCE INTERNATIONAL 4 à 0 pour le Canada et son collègue du Commerce inter- national, Ed Fast, ont salué le verdict JULIE MERCIER de l’OMC et demandé aux États-Unis jumercier@laterre.ca d’abolir « leur politique protectionniste et discriminatoire d’étiquetage […] ». L’Organisation mondiale du com- Un avis partagé par l’industrie. « La merce (OMC) tranche une fois de plus législation du COOL doit être modi- en faveur du Canada. Dans un 4e ver- fiée. C’est uniquement en procédant dict sans appel, elle juge la réglementa- ainsi que les États-Unis empêcheront le tion américaine de l’étiquetage du pays Canada d’exercer son droit de bloquer d’origine de la viande discriminatoire les exportations de porcs américains », a envers le bétail canadien. précisé l’ex-président du Conseil cana- En vigueur depuis 2008, le Country dien du porc et producteur du Québec, of Origin Labeling (COOL) oblige les Jean-Guy Vincent. En effet, le Canada OHIO FARMERS UNION détaillants américains à mentionner a maintenant la possibilité d’imposer sur les paquets de viande le lieu de des mesures de rétorsion sur un large naissance, d’élevage et d’abattage du éventail de produits américains expor- bétail. À trois reprises (novembre 2011, tés en sol canadien. Outre le bœuf et le juin 2012 et octobre 2014), l’OMC a porc, la liste comprend plusieurs fruits, déterminé que le COOL allait à l’en- le maïs, des produits céréaliers, le sirop contre des obligations commerciales d’érable, le ketchup, le jus d’orange, le L’étiquetage du pays d’origine constitue une mesure des États-Unis et s’avérait discrimi- vin et les spiritueux. L’OMC pourrait natoire envers les bovins et les porcs donner sa bénédiction aux mesures de protectionniste, estime l’Organisation mondiale du commerce. canadiens. Le plus récent jugement, rétorsion à la fin de l’été. Selon l’indus- dévoilé le 18 mai, signe une 4e vic- trie canadienne de l’élevage, les dom- Québec sionné des pertes d’environ 50 $/bête toire pour le Canada et le Mexique. mages causés par le COOL dépassent Depuis sa mise en place, le COOL pour les éleveurs d’ici, calcule M. Roy. Le ministre de l’Agriculture, Gerry Ritz, 1 G$/année. complique l’existence des producteurs Ce dernier espère maintenant que le de bœuf du Québec. « Le COOL a fait gouvernement américain se conformera très mal », résume André Roy, directeur au jugement de l’OMC. « Pour les pro- mise en marché bouvillons d’abattage à ducteurs, l’objectif, c’est que le COOL UNE INDUSTRIE INTÉGRÉE : la Fédération des producteurs de bovins du Québec. Plusieurs petits abattoirs soit retiré, pas que des mesures de rétor- sion soient mises en place », témoigne- • Les États-Unis constituent le premier marché d’exportation du américains et certains gros joueurs ont t-il. Pour l’instant, Washington n’a pas bœuf canadien; ainsi cessé de s’approvisionner en bou- indiqué son intention de se plier au der- villons québécois. D’autres établisse- nier jugement de l’OMC. Toutefois, le • 77,5 % du bœuf canadien est exporté aux États-Unis; ments ont réduit leurs achats et mis en 20 mai, le comité sur l’agriculture de la • Le Canada est le premier fournisseur des États-Unis en bœuf place des mesures particulières, telles Chambre des représentants a adopté un nourri aux grains. que des journées spécifiques d’abattage. projet de loi réclamant l’abrogation du Source : Canada Beef Ces disparitions d’acheteurs sur le mar- COOL pour la viande de bœuf, de porc ché et ces coûts logistiques ont occa- et le poulet.
LA TERRE DE CHEZ NOUS, 27 mai 2015 PAGE 3 ACTUALITÉ Facture de 17 000 $ dure à digérer c’est que le cultivateur qui est aussi propriétaire d’un boisé pourra bénéfi- PIERRE-YVON BÉGIN cier du remboursement de taxes pour ce pybegin@laterre.ca boisé. » La propriété forestière de Gaétan SAINT-BLAISE-SUR-RICHELIEU Delisle s’étend sur un mille de long par — Gaétan Delisle ne digère pas la fac- sept arpents de large. Sa facture pour le ture de plus de 17 000 $ qu’il devra nettoyage du cours d’eau, explique-t-il, acquitter pour le nettoyage de deux est établie en fonction de la superficie cours d’eau verbalisés. de son lot. Or, révèle-t-il, ce boisé com- La note est d’autant plus difficile prend quelques secteurs marécageux PIERRE-YVON BÉGIN/TCN à accepter pour ce producteur fores- qui ont pour effet de retenir l’eau et d’en tier de Saint-Blaise-sur-Richelieu en limiter son apport. « Ils ne tiennent pas Montérégie que les travaux n’ont pas compte du fait qu’il s’agit d’un boisé », lieu dans son boisé. Pire, il estime que rage-t-il. l’empiétement des cultures dans les Directeur général de la Fédération Producteur forestier à Saint-Blaise-sur-Richelieu, Gaétan Delisle ne digère pas la facture de 17 000 $ qu’il va recevoir pour le nettoyage de deux cours d’eau verbalisés. Il estime cours d’eau y est en grande partie res- des producteurs forestiers du Québec, que l’empiétement des cultures dans la bande riveraine y a provoqué en grande partie de ponsable de l’accumulation des sédi- Marc-André Côté confirme la contribu- l’accumulation de sédiments. ments. tion des propriétaires de boisés privés à la protection des ressources hydriques. Les propriétaires Sans connaître le dossier de Gaétan Delisle, il ne peut se prononcer sur ce « C’est vrai que ça n’a pas d’allure » cas particulier. Il lui apparaît toutefois – CHRISTIAN ST-JACQUES forestiers participent « illogique » de taxer les propriétaires à la protection de la forestiers qui participent à la protection Loin de contester le rapport du permissives parce qu’elles donnent une qualité de l’eau. de la qualité de l’eau par le maintien du COVABAR relativement à la piètre chance aux producteurs. couvert forestier. condition des bandes riveraines en Christian St-Jacques concède aussi « Tu taxes celui qui t’aide », dit- milieu agricole dans le bassin versant de qu’il n’a jamais eu connaissance de l’im- En tant que producteur forestier, il pour illustrer l’absurdité de cette la rivière L’Acadie, Christian St-Jacques, position d’amendes par une municipalité Gaétan Delisle déplore le fait qu’il ne taxation. Rappelons que la Fédération président de la Fédération de l’UPA de à des producteurs agricoles pour non-res- peut profiter du programme de rem- réclame depuis au moins 20 ans l’ad- la Montérégie, reconnaît la gravité de pect des bandes riveraines. Sur le terrain, boursement de taxes pour payer sa fac- missibilité des producteurs forestiers au la situation par ces mots. Il admet son dit-il, la situation est bien variable et ne ture au même titre que les agriculteurs. programme de remboursement de taxes impuissance à faire appliquer la régle- correspond pas aux nombreuses mises en « L’ironie dans tout ça, déclare-t-il, au même titre que les agriculteurs. mentation, rappelant avoir multiplié garde de l’Union des producteurs agri- les efforts ces dernières années pour coles (UPA) et des MRC. convaincre les producteurs de leur utilité. « Ça fait au moins 15 ans qu’on en Il a déclaré que l’on ne pouvait rien parle », déplore-t-il, déçu de constater le Des bandes riveraines inadéquates faire, parce que l’application des règle- ments sur les bandes riveraines est tou- faible taux d’adhésion au message. Le président ne désespère pas pour autant, jours sous la juridiction des municipalités. révélant que « quelque chose s’en vient Les bandes riveraines dans le bassin d’importants problèmes d’érosion et Selon lui, dans l’ensemble, elles sont bien cet automne ». P.-Y.B. versant de la rivière L’Acadie, secteur de contamination. Napierville, sont inadéquates tant dans « L’érosion des berges et la pauvreté leur composition que dans leur dimen- des bandes riveraines sont générali- Sur le Web laterre.ca sion. sées dans le secteur couvert en 2014 », Actualités/Élevage Le Comité de concertation et de peut-on lire dans le rapport. Un son- ÚLa grippe aviaire coûte cher aux États-Unis valorisation du bassin de la rivière dage mené par le COVABAR indique Actualités/En région Richelieu (COVABAR) en arrive à que peu d’inspecteurs imposent des ÚRéorganiser l’entreprise pour améliorer sa qualité de vie cette conclusion. Dans son rapport de amendes aux contrevenants et que les Concours de photos Semis 2015 caractérisation du bassin de la rivière actions devant les tribunaux sont encore ÚFaites-nous parvenir vos plus belles photos de semis. L’Acadie, secteur Napierville, publié plus rares. « Ce laxisme dans l’applica- Partagez vos photos et vidéos avec nous. en janvier dernier, l’organisme à but tion des sanctions donne l’impression non lucratif présente un bilan peu que le problème est de moindre impor- La question de la semaine reluisant. tance », souligne aussi le rapport. ÚPartenariat transpacifique : le fédéral protégera-t-il la gestion Les mesures effectuées sur le ter- Rappelons qu’en milieu agricole, la de l’offre? rain et le calcul des indices de qua- largeur de la bande riveraine doit être Venez répondre sur : laterre.ca lité amènent l’organisme à dresser un d’au moins trois mètres. Elle doit éga- portrait préoccupant de la santé de lement compter un mètre sur le replat, Résultats du sondage ce bassin versant. Le Comité arrive quand le talus se situe à moins de trois ÚContraintes aux travailleurs étrangers : craignez-vous le départ de nos entreprises? aussi à la conclusion que la culture mètres de la ligne des hautes eaux. Oui 59 % / Non 37 % / Je ne sais pas 4 % intensive sur le territoire entraîne P.-Y.B.
PAGE 4 LA TERRE DE CHEZ NOUS, 27 mai 2015 Inciter les automobilistes — Statistiques — 30 % à partager la route Accidents mortels dus à un virage inapproprié fois que des machineries agricoles de sur les véhicules lents », précise MARTIN MÉNARD largeur excessive circulent en aval. La strate politique M. Caron. Les comportements de conduite 30 % mmenard@laterre.ca Accidents mortels dus à une se met de la partie téméraires, les dépassements dange- tentative de dépassement Au cours de la dernière assemblée reux et la vitesse des automobilistes Le milieu agricole se mobilise générale de la Fédération des pro- à proximité des véhicules agricoles pour inciter les automobilistes à faire ducteurs de cultures commerciales demeurent un problème bien réel, preuve de plus de prudence lorsqu’ils empruntent une route de campagne en du Québec, Yves Philie a exhibé la photo d’une affiche employée lors des souligne Daniel Bernier, responsable du dossier sécurité routière à l’UPA. Il 46 % Mortalités qui se produisent pleine période des travaux agricoles. travaux agricoles en Ontario et sur ajoute que le gouvernement ne semble en fin d’après-midi ou tard Les producteurs de la Montérégie- laquelle on pouvait lire « Caution : pas chaud à l’idée d’entreprendre une en soirée Ouest ont acheté 240 panneaux de Slow moving vehicle » (Attention : campagne de sensibilisation spéci- signalisation qu’ils installent eux- véhicule lent). Il demande le même fique au secteur agricole. mêmes, chaque jour, afin d’avertir les usagers que la prochaine portion de genre d’initiative au Québec. Au niveau national, des producteurs « Selon la SAAQ, la cause première des accidents, c’est le manque de visi- 15 % Collisions mortelles alors que la route pourrait être glissante en raison ont formé un comité sur la sécurité rou- bilité de la machinerie agricole. Le largeur de la machine agricole de boue ou de fumier provenant des tière et tentent d’apporter des solutions. nouveau règlement visant à accroître excède la voie de circulation pneus de leurs tracteurs. « L’impact De son côté, le deuxième vice- la visibilité est en place depuis peu. est positif. Nous avons observé une président de l’Union des producteurs Ils veulent d’abord s’assurer d’une baisse du nombre d’accidents ici en agricoles (UPA), Martin Caron, ren- bonne implantation. Ensuite, ils docu- panneaux amovibles aux producteurs région et je pense que nos pancartes contrera à nouveau en juin prochain menteront le problème pour mieux pour signaler la présence de machine- ont contribué à ce résultat », analyse les fonctionnaires du MTQ et de la cibler une éventuelle campagne », note rie de largeur excessive. « Le minis- Michel Hébert, un agriculteur de Société de l’assurance automobile du M. Bernier. tère envisage cependant des affiches Howick, au sud de Montréal. Québec (SAAQ). « On maintient la Questionnée par la Terre, la SAAQ de sensibilisation qui inciteraient les Les producteurs de cette région pression auprès d’eux. On voudrait un a mentionné qu’elle ne prévoit pas de automobilistes à la prudence lorsqu’ils demandent au ministère des Transports plan de communication destiné aux campagne de sensibilisation particulière circulent en secteur agricole durant la du Québec (MTQ) de mettre à leur dis- automobilistes. Et inclure dans les consacrée au milieu agricole. Quant au période de travaux », précise Martin position des panneaux indiquant cette cours de conduite certaines notions MTQ, il n’envisage pas de fournir des Girard, relationniste au MTQ. MONTÉRÉGIE DE L’UPA DE LA FÉDÉRATION Des producteurs de la Montérégie ont acheté et installé des affiches avertissant les automobilistes que la chaussée pourrait être glissante à cause de la boue ou du fumier provenant des pneus de leurs tracteurs. Les affiches sont retirées le soir après les travaux et réinstallées au besoin les jours suivants.
LA TERRE DE CHEZ NOUS, 27 mai 2015 PAGE 5 Voie publique : — Statistiques — 750 des agriculteurs en danger Accidents par année impliquant un véhicule de ferme MARTIN MÉNARD devant moi pour ensuite flanquer les accident implique une machinerie agri- En cette période de travaux agricoles, freins jusqu’à ce que son auto s’immo- bilise. Inutile de dire que si je n’avais cole, c’est nous qui nous faisons cruci- fier. La caméra pourrait alors prouver 7 des producteurs sont stressés lorsqu’ils pas freiné à fond, je serais monté sur lui. notre non-responsabilité », dit-il. Accidents mortels en 2014 circulent sur la voie publique. Ils se Une fois mon tracteur arrêté en pleine Un manque de respect sentent en danger. « C’est assez hallucinant! On se croi- route, le conducteur m’a regardé, a pris le temps de m’envoyer un doigt d’hon- Depuis décembre 2013, les produc- teurs doivent se conformer au nouveau 201 Personnes blessées en 2014 rait sur une piste de course, dénonce un neur et est reparti. C’est complètement règlement sur la visibilité et la circu- producteur de la Montérégie, Stéphane anormal, mais c’est ce qu’on vit », ren- lation des machineries agricoles de Bisaillon. Certains automobilistes sont chérit M. Philie. largeur excessive. Celui-ci impose des listes. « La personne dans le véhicule très cavaliers. Ils tentent de nous dépas- Yves Philie s’est acheté une caméra dispositifs de visibilité supplémentaires, d’escorte sort souvent son bras et l’agite ser sur des lignes doubles, même dans qui se fixe sur le tableau de bord. dont une voiture d’escorte lorsque la pour dire aux gens de modérer. Certains les courbes. » Celle-ci enregistre continuellement la machinerie fait plus de 5,3 m (17 pi) lui répondent en klaxonnant, ou avec La situation diffère d’une région à façon de conduire des automobilistes. de largeur. Sauf que les escortes, en un doigt d’honneur. Ce n’est pas par- l’autre. Chose certaine, des producteurs Il encourage ses confrères à l’imiter. plus d’occasionner des contraintes de tout comme ça, mais ici il n’y a aucun dont la ferme est située près des routes « L’agriculteur n’est ni protégé physi- logistique aux producteurs, ne sont pas respect », témoigne Stéphane Bisaillon. passantes y goûtent. Surtout dans un quement ni judiciairement. Quand un toujours respectées par les automobi- Dans l’Outaouais, Stéphane Alarie contexte où les distances parcourues par fait remarquer qu’en dépit de l’ajout les agriculteurs augmentent. La machi- de clignotants et de bandes réfléchis- nerie grossit et le trafic automobile s’in- santes, les automobilistes manquent de tensifie, en raison de l’étalement urbain. prudence. « Même si nos tracteurs res- « Dans mon secteur, c’est fou. La route semblent à des arbres de Noël, les gens est très sinueuse; les occasions de dépas- font des manœuvres dangereuses. Le ser sont rares. Même un dimanche après- gouvernement doit les conscientiser », midi, le gars avec sa Porsche ne veut pas souligne-t-il. Un pas dans la bonne direction Les producteurs contactés recon- « Quand un accident naissent que certains accidents routiers implique une impliquant de la machinerie ne sont pas machinerie agricole, toujours causés par des automobilistes c’est nous qui nous et que l’ajout d’éléments de visibilité s’avère bénéfique pour la sécurité de faisons crucifier. » tous. Par exemple, la voiture d’escorte qui apparaissait comme un irritant de tracteur devant lui. Encore moins un majeur est devenue utile pour David planteur à maïs de huit rangs! S’il y a Proulx, de la Ferme Bio-Nic inc. « Je quatre pieds d’espace à côté de moi, il dirais que sur 97 % de notre parcours, essaie aussitôt de me dépasser. Sauf que l’escorte ne sert à rien. Mais elle est les poteaux, les boîtes aux lettres et les très pratique pour le pont que nous voitures à sens inverse viennent vite… devons traverser, qui fait seulement C’est dangereux, autant pour lui que 7,6 m de large [25 pi]. Le planteur pour moi », témoigne Yves Philie, de en fait 6,7 m [22 pi]. Avant qu’on ait Saint-Mathieu, au sud de Montréal. l’escorte, les automobilistes devaient Ce producteur a encore en tête un cas parfois reculer. Dans les courbes, l’es- YVES PHILIE de rage au volant où un automobiliste corte les réveille. C’est bon. Bref, on s’impatientait derrière son tracteur arti- fait notre part, mais les automobilistes Yves Philie encourage les producteurs à installer sur leur tracteur une caméra pour tableau culé. « Aussitôt qu’il m’a dépassé, il a de bord, d’une valeur d’environ 50 $, afin de montrer aux autorités la réalité du comporte- aussi doivent faire la leur », souligne donné un coup de roue pour se placer ment de certains automobilistes. ce producteur de Nicolet.
PAGE 6 LA TERRE DE CHEZ NOUS, 27 mai 2015 ÉDITORIAL SRDI : un instrument d’une valeur stratégique exceptionnelle information de qualité sur leurs marchés. Le l’information indépendante et de qualité, chaque lancement en 2011 du système de recueil et de producteur, dans chaque région, doit acheminer diffusion de l’information (SRDI), qui compile les à la Fédération les renseignements requis pour MARCEL données relatives aux transactions de grains et chaque vente de grains. Ces données sont ensuite qui dresse un portrait quotidien du marché local, compilées et on publie, chaque jour, des prix et GROLEAU répond à cette exigence et fait certainement partie des bases de prix moyens pour chaque variété, Président général de l’Union des producteurs des plus grandes réalisations de la Fédération. dans chaque région. Plus le nombre de participants agricoles sera élevé, plus les compilations seront précises et L’absence d’information indépendante et de qualité pertinentes pour les producteurs. sur les marchés locaux est une problématique vécue par les producteurs de grains depuis Ainsi, le SRDI pourra fournir de l’information les débuts de la Fédération. Le principe de encore plus précise permettant notamment de Il y a 40 ans cette année, les producteurs de transparence des marchés est à la base même de la connaître l’état de l’offre en matière de volume au grains québécois ont pris la décision historique création du SRDI. Le système permet notamment fil des mois de l’année. Les producteurs pourront d’unir leurs forces et de se regrouper au sein de gérer efficacement les risques, présents et à mieux planifier leur mise en marché en obtenant un de la Fédération des producteurs de cultures venir, lorsque des décisions doivent être prises. portrait clair des meilleures occasions d’affaires. La commerciales du Québec (FPCCQ). La production Les références boursières et la valeur du dollar collaboration des 11 500 producteurs de cultures de céréales, tout comme l’agriculture en général, a canadien étant très volatiles d’une année à l’autre, commerciales est donc essentielle au succès et à la beaucoup évolué au Québec depuis ce temps. Lors et même au fil des mois, un outil comme le SRDI pérennité du système. du cocktail tenu pour souligner le 40e anniversaire représente une valeur stratégique exceptionnelle de la Fédération, les présidents qui se sont succédé pour les producteurs. Tous les intervenants de la filière, à commencer ont pris la parole. par la Financière agricole du Québec et le Avec ce système, les producteurs disposent gouvernement du Québec, tirent profit des Ces discours m’ont permis de saisir tout le travail d’une information basée sur des transactions avantages découlant d’une plus grande réalisé depuis 1975 par la FPCCQ, bientôt les réelles, ce qui leur permet d’effectuer des transparence des marchés. Cet outil unique fait Producteurs de grains du Québec. La culture du analyses spécifiques du marché local pour les l’envie de bien des producteurs ontariens et de grain constitue la base de l’alimentation humaine. livraisons immédiates et futures. La transparence l’Ouest canadien. Comme agriculteur, et surtout Cette production essentielle assure la sécurité des marchés est fondamentale, qu’il s’agisse comme producteur de grains, nous investissons alimentaire de tous les pays. Au Québec, elle de données sur les prix, de la production, de dans des outils technologiques pour travailler au a aussi permis l’émergence des productions l’entreposage, des exportations, des importations millimètre près dans nos champs et pour obtenir animales. On ne le dit pas souvent, mais les ou des mouvements de grains, et ce, partout au toujours plus d’information en temps réel sur l’état producteurs de grains et de viande profitent l’un et Canada. de nos cultures. Recueillir plus de précisions sur l’autre de leur présence sur le territoire. L’assurance les marchés, c’est exactement la même chose. Cela stabilisation des revenus agricoles est aussi un des contribue à prendre les bonnes décisions, au bon Par l’entremise du SRDI, les producteurs ont facteurs déterminants qui a permis l’établissement moment. Et ça, ça peut faire une différence. clairement exprimé le besoin de mettre en place un de ces deux secteurs. outil de mise en marché afin de vendre eux-mêmes leurs grains de façon optimale. Toutefois, cet outil La force d’une économie repose sur la profitabilité nécessite la collaboration de tous les producteurs des entreprises. Pour prospérer et prendre de grains pour fonctionner. Pour obtenir de de bonnes décisions, elles ont besoin d’une www.laterre.ca Directeur Coordonnateur Rédacteur en chef André Savard ventes et distribution Bernard Blanchard Directrice Pierre Leroux Chefs de pupitre de production Ventes Richelle Fortin Brigit Bujnowski Christian Guinard Julie Desbiens Directrice marketing et Sylvain Joubert Impression développement Daniel Lamoureux Imprimerie Transmag Laëtitia Parriaux Marc Mancini Distribution en kiosque Susan Rooke Coordonnateur Messageries Dynamiques administration et Abonnement service à la clientèle Postes Canada Vincent Bélanger-Marceau ABONNEMENT AU QUÉBEC 1 an : 65,54 $ 2 ans : 104,63 $ 3 ans : 136,82 $ Paiement par chèque ou mandat à l’ordre de La Terre de chez nous NUMÉRO GÉNÉRAL 1 800 528-3773 RÉDACTION PUBLICITÉ ABONNEMENTS ET 450 679-8483 450 679-8483 PETITES ANNONCES poste 7270 poste 7712 1 877 679-7809 tcn@laterre.ca pub@laterre.ca abonnement@laterre.ca ÉDITEUR L’Union des producteurs agricoles 555, boulevard Roland-Therrien, bureau 100 Longueuil (Québec) J4H 3Y9 Dépôts légaux : Bibliothèque nationale du Québec - 1992 Bibliothèque nationale du Canada ISSN 0040 - 3830 La Terre de chez nous, ISSN 0040-3830, is published weekly, 51 times per year except first week of January by La Terre de chez nous c/o USACAN Media Corp. at 123A Distribution Way Building H-1, Suite 104, Plattsburgh, N.Y. 12901. Periodicals postage paid at Plattsburgh, N.Y. POSTMASTER send address changes to La Terre de chez nous, P.O. Box 2888, Plattsburgh, N.Y. 12901. Nous reconnaissons l’appui financier du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du Canada pour les périodiques, qui relève de Patrimoine canadien. Convention de la poste publication N° 40069165 N° d’enregistrement 07665, retourner toute correspondance ne pouvant être livrée au Canada au Service des publications www.laterre.ca 555, boul. Roland-Therrien, Longueuil QC J4H 3Y9. (2012-09-05)
LA TERRE DE CHEZ NOUS, 27 mai 2015 PAGE 7 PARTENARIAT TRANSPACIFIQUE Les producteurs sur le qui-vive JULIE MERCIER Tous les yeux sont tournés vers Guam, une île du Pacifique, alors que les négociateurs des 12 pays parti- cipant au Partenariat transpacifique (PTP) viennent de conclure plus d’une semaine de discussions. Les Producteurs laitiers du Canada (PLC) ont dépêché à Guam leur président, Wally Smith, et leur directeur du commerce international, Yves Leduc. La MAECD Coalition GO5 du Québec a également un observateur sur place. Cette coalition regroupe les productions sous Les ministres du Commerce du Partenariat transpacifique pourraient se rencontrer à la fin mai ou en juin. gestion de l’offre, soit les œufs, la volaille et le lait. Le lundi 25 mai, les membres de GO5 ont d’ailleurs le fédéral a autorisé l’importation supplémentaire de des peccadilles. Selon le président des Producteurs de tenu une conférence de presse afin de demander au 17 700 tonnes de fromages européens, ce qui équi- lait du Québec, Bruno Letendre, les retombées de 9 G$ gouvernement Harper de réaffirmer son engagement à vaut à la production laitière de tout le Saguenay–Lac- de l’éventuel partenariat ne font pas le poids avec les préserver la gestion de l’offre. Ils étaient accompagnés Saint-Jean. « C’est comme si l’on faisait disparaître 19 G$ générés par la gestion de l’offre pour l’économie de différents partenaires de l’industrie, notamment les les producteurs de lait de la région. On a été échau- canadienne. présidents de la Coop fédérée et d’Agropur, de même dés avec l’accord Canada-Europe; on ne veut pas que Pour l’instant, la tenue d’une rencontre ministérielle que du ministre de l’Agriculture du Québec, Pierre ça se répète avec le PTP », a déclaré Daniel Côté, du PTP, à la fin du mois, n’a toujours pas été confir- Paradis. président des Producteurs de lait du Saguenay–Lac- mée, a précisé à la Terre Thérèse Beaulieu, porte- Pertes Saint-Jean. Les PLC calculent que ce nouvel accès parole des PLC. Au moment de mettre sous presse, le Les producteurs sous gestion de l’offre sont inquiets, fera perdre entre 110 et 150 M$ de revenus à la ferme. président américain, Barack Obama, n’avait pas obtenu car ils ont toujours du mal à digérer l’accord de libre- Pour les 11 pays partenaires du Canada dans le PTP, l’autorité de promotion du commerce, ou fast track, un échange avec l’Europe. En dépit de ses promesses, les 17 700 tonnes accordées à l’Europe représentent mandat ferme du Congrès pour aller négocier le PTP.
PAGE 8 LA TERRE DE CHEZ NOUS, 27 mai 2015 ACÉRICULTURE Le sirop d’érable soumis à une étude exhaustive PIERRE-YVON BÉGIN ser le sirop d’érable au peigne fin. « Il va s’apercevoir qu’en fin de le camp du ministre », anticipe-t-il des Le président de la Fédération, Serge compte, on n’a pas perdu de marché conclusions de l’observateur spécial. La Fédération des producteurs Beaulieu, admet qu’il se serait bien tant que ça », réplique Serge Beaulieu. Défendre les récalcitrants acéricoles du Québec promet de passé de cet examen. Il se souvient Celui-ci fait notamment valoir que Le président de la Fédération ose « collaborer » avec l’observateur spé- malheureusement trop bien du « rap- l’agence de vente a réussi à augmen- espérer que le ministre Paradis ne soit cial nommé par Québec pour pas- port Bolduc qui n’avait donné droit au ter ses résultats au cours des quatre pas en train de défendre les acéricul- chapitre qu’aux opposants ». Rappelons dernières années. De plus, souligne- teurs qui « ont le don de se poser en qu’en 2004, le ministère de l’Agricul- t-il, les producteurs acéricoles ont amé- victimes », a récemment statué un juge ture avait mandaté Normand Bolduc lioré leur efficacité. Il admet cependant de la Cour supérieure. Serge Beaulieu afin d’examiner les conditions de pro- volontiers son incapacité à empêcher admet que 20 à 25 cas de producteurs font l’objet d’une enquête par la Régie. En contrepartie, souligne-t-il, les pro- ducteurs se disent satisfaits de leur « J’ai dû rencontrer plus de 1 500 producteurs, Fédération à près de 75 %. et personne ne m’a dit qu’il n’était pas content .» À preuve, il dit n’avoir eu que de bons commentaires au cours de la récente journée portes ouvertes tenue par les fabricants d’équipement acéricole. duction et de mise en marché du secteur d’autres régions comme les États-Unis Certains producteurs, rapporte-t-il, lui acéricole « ainsi que d’autres irritants de se développer. ont même témoigné leur satisfaction reliés à ce secteur ». « Le Québec ne recule pas, il avance de voir la Fédération « enfin passer à Cette fois, le ministre Pierre Paradis et il reste des choses à faire pour qu’il l’action ». a chargé un haut fonctionnaire de car- avance encore plus », ajoute Serge « J’ai dû rencontrer plus de 1 500 pro- rière, Florent Gagné, de lui faire rapport Beaulieu. Il estime qu’il n’est pas normal ducteurs, et personne ne m’a dit qu’il ARCHIVES/TCN de l’état de la situation. Le ministre se qu’il faille attendre deux ans pour avoir n’était pas content », indique-t-il, dit inquiet de l’avenir de l’industrie acé- une décision de la Régie des marchés convaincu que l’envoyé du ministre Le président de la Fédération des produc- ricole québécoise, croyant voir son rôle agricoles et alimentaires du Québec. va aussi constater que les producteurs teurs acéricoles du Québec, Serge Beaulieu. de leader mondial s’éroder. « Je pense que la balle va être dans « sont derrière nous ». Un observateur intéressé PIERRE-YVON BÉGIN Scruter à la loupe Originaire d’Alma au Lac-Saint-Jean et sociologue Néophyte en matière d’acériculture, Florent Gagné de formation, Florent Gagné a été directeur général vient de se voir confier le mandat de mener une étude de la Sûreté du Québec de 1998 à 2003. Parmi ses exhaustive de la situation du sirop d’érable. récents mandats, il a notamment assumé la fonction Haut fonctionnaire de carrière, souvent chargé de de tuteur de la Ville de Laval en juin 2013 à la suite missions difficiles, celui-ci doit faire rapport avant la du départ fracassant du maire Gilles Vaillancourt. fin de l’année au ministre de l’Agriculture, inquiet Florent Gagné se définit comme un « observateur de voir le Québec perdre son rôle de leader mondial. intéressé », refusant l’étiquette d’enquêteur en raison « C’est un secteur où je pars à neuf », admet de sa connotation négative. Florent Gagné en entrevue téléphonique avec la Florent Gagné Terre. Celui-ci dit faire acte d’humilité, soulignant en contrepartie qu’il connaît fort bien l’appareil public, « C’est un secteur où je pars bien me taper tous les papiers dans une lecture ayant été sous-ministre dans différents ministères. Il à neuf .» – Florent Gagné approfondie des textes », déclare-t-il. Il promet de indique d’ailleurs avoir déjà secondé Pierre Paradis, « faire ses devoirs » avant d’entreprendre la consul- lorsque ce dernier était ministre des Affaires munici- tation des divers intervenants, son plan de travail pales en 1989-90. Les rumeurs de rébellion rapportées par la presse demeurant à préciser. Son rapport étant attendu « C’est la volonté du ministre, ajoute-t-il, d’avoir nationale ce printemps et des actions devant les tri- avant Noël, il certifie qu’il pourra s’acquitter de quelqu’un qui se plonge dans ça sans avoir au bunaux suscitent « un questionnement » chez lui. sa mission avant le début de la prochaine saison départ ni un parti pris ni une connaissance appro- Lecteur avide et « très studieux », Florent Gagné acéricole. fondie. Vraiment, regarder la situation telle qu’elle précise qu’il va consacrer les prochaines semaines « Ce n’est pas un exercice qu’on peut faire en vase apparaît en vue de le conseiller sur des actions à scruter à la loupe tous les rapports et documents clos et le point de vue des intéressés est prioritaire », futures. » concernant la production de sirop d’érable. « J’aime assure-t-il.
LA TERRE DE CHEZ NOUS, 27 mai 2015 PAGE 9 ZONAGE Mobilisation pour la protection des terres Chaque année, la zone agricole est amputée de 4 000 hectares. À l’heure ÉTIENNE DUPUIS actuelle, les terres cultivées ne repré- edupuis@laterre.ca sentent que 2 % du territoire au Québec. À la suite de l’examen du mandat de « Les terres agricoles ne sont pas en ÉTIENNE DUPUIS/TCN la Commission de protection du terri- attente de développement », a indiqué en toire agricole du Québec (CPTAQ), conférence de presse, la semaine dernière, le directeur général de la Fondation David plusieurs organisations ont lancé un Suzuki pour le Québec, Karel Mayrand cri du cœur la semaine dernière pour la (à droite sur la photo). protection des terres agricoles (voir nos textes en pages 10 et 11). « Nous sommes inquiets de la perte de territoire agricole, a lancé Marcel Groleau, président général de l’Union des producteurs agricoles [UPA]. Nos élus, eux, ne semblent pas préoccupés. » Les parlementaires cherchaient à savoir pourquoi la CPTAQ refusait autant de demandes des promoteurs ou des municipalités, lors des audiences de la Commission de l’agriculture, des pêcheries, de l’énergie et des ressources naturelles (CAPERN), la semaine dernière, a noté Marcel Groleau. « Pourtant, contrairement à la croyance populaire, la CPTAQ autorise 80 % des demandes », a-t-il mentionné. À l’unisson Présents à la conférence de presse, Équiterre, le Mouvement ceinture verte et la Fondation David Suzuki ont tous critiqué la position de certains élus qui voudraient voir les pouvoirs de la CPTAQ transférés aux municipalités. « On assiste à un assaut tous azimuts contre les terres agricoles, a lancé le directeur général de la Fondation David Suzuki pour le Québec, Karel Mayrand. Si on remet ces pouvoirs dans les mains des municipalités, le territoire urbain va s’agrandir. » Selon lui, on doit ren- forcer le rôle de la CPTAQ. « Elle est notre rempart pour empêcher la perte de terres agricoles », a noté M. Mayrand. Il a ajouté que les terres sont des res- sources stratégiques pour le futur aussi importantes que l’eau. Un coup de pouce à Paradis Les organisations présentes lors de la conférence de presse souhaitent que leur prise de position donne des arguments au ministre de l’Agriculture, Pierre Paradis, dans la défense de la CPTAQ. « Quand les promoteurs se font refu- ser une demande, ils vont cogner chez leur député, a indiqué Marcel Groleau. Ces députés mettent de la pression sur le ministre parce qu’ils croient que la CPTAQ est trop rigide et qu’elle freine le développement du Québec. »
PAGE 10 LA TERRE DE CHEZ NOUS, 27 mai 2015 POLITIQUE « Il faut éviter les raccourcis! » – MARCEL GROLEAU rappelé Marcel Groleau. On avance aussi que la CPTAQ bloque le déve- YVON LAPRADE loppement des collectivités. » ylaprade@laterre.ca Chiffres en mains, le président de l’Union a voulu démontrer que la QUÉBEC — Il faut « éviter les CPTAQ a plutôt autorisé, au cours des raccourcis dangereux » en faisant por- 10 dernières années, 76 % des projets ter à la Loi sur la protection du territoire industriels et commerciaux. et des activités agricoles les problèmes En outre, la Commission a accepté de dévitalisation dans les villages du 96 % des projets institutionnels, d’uti- Québec. lité publique, d’énergie, de transport et C’est la mise en garde qu’a faite le de communication. président général de l’Union des pro- Dans le secteur résidentiel, la CPTAQ ducteurs agricoles (UPA), Marcel a autorisé 53 % des projets qui lui Groleau, la semaine dernière. Il a ont été soumis, tandis que 77 % des défendu vigoureusement cette loi demandes d’autorisation pour exclusion devant la Commission de l’agriculture, de territoire de la zone agricole ont été des pêcheries, de l’énergie et des res- acceptées. sources naturelles (CAPERN). « Tout ce que l’on demande, a confié Il a répondu aux nombreuses ques- Marcel Groleau à la Terre, c’est qu’on tions des parlementaires qui cherchaient protège les activités agricoles. Pour ça, à comprendre comment il serait pos- il faut continuer d’y aller au cas par cas sible de « moderniser » cette loi vieille pour les demandes provenant du milieu de près de 37 ans. industriel et commercial. » Il a été à la fois question d’agricul- Le président de l’UPA a en outre pro- ture et du développement des régions. fité de la tribune de la CAPERN pour Le député libéral de Beauce-Sud, dénoncer les réductions de personnel Robert Dutil, a mis la table. « Je n’ai « auxquelles [la CPTAQ] a dû faire face pas l’impression que vous reconnaissez au cours des dernières années ». cette réalité-là. Je ne vois pas de virage « La CPTAQ doit être dotée des res- qui va changer ça, la dévitalisation des sources humaines et financières suffi- villages. » santes », peut-on lire dans le mémoire Marcel Groleau est revenu à la charge. de l’Union, déposé à la Commission, « Je ne crois pas qu’on puisse imputer à mardi dernier. la Loi [sur la protection du territoire et Relancer le débat des activités agricoles] la dévitalisation Chose certaine, les propos du pré- des régions », a-t-il maintenu. sident de l’UPA ont relancé le débat sur « Moi, je demeure à Thetford Mines la valorisation du métier d’agriculteur, et je vois des villages où la popula- en 2015. « Ce sont toujours les agricul- tion est vieillissante, a-t-il donné en teurs qui se font repousser dans leurs exemple. Il y a des raisons à ça. Les droits pour satisfaire l’intolérance gran- jeunes sont moins intéressés à y demeu- dissante de la population », a déploré rer et les emplois leur semblent moins Marcel Groleau, lui-même producteur intéressants. » laitier à Thetford Mines. Défaire des mythes sur la CPTAQ « À preuve : plus de 200 municipali- Le passage de Marcel Groleau devant tés ont adopté un règlement pour limiter la CAPERN – il était accompagné de la les activités dans le porc, la volaille et directrice générale de l’UPA, Guylaine le veau de lait. À quelle heure pourra- Gosselin, et de Me Stéphane Forest – a t-on se servir de notre tracteur? Pas en outre permis à l’Union de « défaire avant 7 heures du matin? Il va falloir des mythes » à propos de la préten- que vous fassiez quelque chose pour due sévérité des décisions prises par la ça, a martelé le président de l’UPA, Commission de protection du territoire s‘adressant aux parlementaires. Il va agricole du Québec (CPTAQ). falloir que les producteurs puissent pra- « Plusieurs prétendent que la tiquer leur métier en zone agricole. Mais Commission refuse trop souvent les là, on constate que la zone agricole au demandes qui lui sont adressées, a Québec ne fait que rapetisser… »
LA TERRE DE CHEZ NOUS, 27 mai 2015 PAGE 11 POLITIQUE La CPTAQ doit composer avec des effectifs réduits YVON LAPRADE ment. Moi, j’aime faire mon ouvrage et si je n’arrive pas à le faire, je suis ben La Commission de protection du terri- déçu! » toire agricole du Québec (CPTAQ) doit Chose certaine, les commissaires sont composer avec des effectifs réduits, au appelés à faire preuve d’une grande moment où la pression s’accentue pour polyvalence pour bien saisir l’évo- qu’elle rende des décisions encore plus lution des dossiers qui leur sont sou- rapidement sur les questions de zonage. mis, semaine après semaine, a évoqué « Ce n’est pas en réduisant le person- Réjean St-Pierre. nel à la Commission qu’on améliore « Les demandes [de modifications] YVON LAPRADE/TCN les choses, a déploré le député péquiste qui touchaient principalement des pro- André Villeneuve, critique en matière jets résidentiels ont été remplacées par de dossiers agricoles. Or, on apprend de d’autres, a-t-il souligné. Ce sont main- la bouche de la présidente de la CPTAQ tenant des demandes pour les pipelines, Réjean St-Pierre et Yves Baril. [Marie-Josée Gouin] que les effectifs les champs d’éoliennes, au Lac-Saint- vont passer de 96 à 85. » Jean et en Gaspésie, les projets de Gaz villes du Québec, dont la moitié dans de la CPTAQ », a-t-il mentionné. La présidente de la Commission, en Métro. » la Communauté métropolitaine de Mais qui est imputable? a rétorqué la poste depuis 2010, a abordé la ques- Des hectares grugés Montréal », a-t-il dit. députée caquiste Sylvie D’Amours, res- tion devant la Commission de l’agri- Guy Lebeau, qui a passé nombre « Il y a des portions de territoire qu’il ponsable des dossiers agricoles. culture, des pêcheries, de l’énergie et d’années à titre de commissaire à la faut préserver », a-t-il ajouté. La députée juge par ailleurs que « ce des ressources naturelles (CAPERN) CPTAQ, a pour sa part livré un témoi- L’ex-commissaire s’est lui aussi porté n’est pas assez » que la Loi sur la pro- la semaine dernière. Elle a également gnage fort documenté. à la défense du travail des membres de tection du territoire agricole n’ait été admis que les délais, c’est « un sujet » « Il se gruge 2 000 hectares de terre la Commission. « Il ne faudrait pas révisée « que deux fois en 37 ans ». qui revient sans cesse. par année dans l’ensemble des grandes jeter le blâme sur les commissaires Il faudra voir la suite des choses. « La pression est là pour les délais de traitement, a-t-elle soulevé. Et les demandes d’autorisation augmentent. On est une petite équipe [d’enquêteurs, d’analystes] pour surveiller [l’applica- tion de la loi]. » Enjeux de performance Les enjeux de « performance » et d’efficacité de la CPTAQ ont été lon- guement abordés par les parlementaires. Réjean St-Pierre, le doyen des com- missaires – il y siège depuis 20 ans –, a exposé qu’il « ne demanderait pas mieux » que de sauter certaines étapes pour rendre des décisions pour un renouvellement « si la loi nous le permettait ». Yves Baril, vice-président de la CPTAQ, a renchéri que « ce n’est pas le souhait de la CPTAQ de retarder les délais indûment ». « On peut appliquer le gros bon sens, mais on a des critères à suivre, a-t-il soumis. Nous sommes préoccupés par cette efficacité. » Casser du sucre Visiblement, il n’apprécie pas qu’on « casse du sucre sur le dos de la Commission », comme il l’a évoqué devant les parlementaires. « Des heures, on en fait en masse, a-t-il insisté. Pensez-vous qu’on est satisfaits des délais? On fait de notre mieux avec les outils qu’on a présente-
PAGE 12 LA TERRE DE CHEZ NOUS, 27 mai 2015 TERRES Des immigrants pour exporter des pommes ÉTIENNE DUPUIS De son côté, la présidente des Québec, on est au fait ce qui se fait de d’augmenter leur part de marché inté- Producteurs de pommes du Québec, mieux dans l’industrie. » rieur puisque les producteurs d’ici ne La Terre a révélé en primeur, la Stéphanie Levasseur, ne cache pas son Pallier au manque de relève fournissent que 50 % de la demande. semaine dernière, que l’ancien bras droit étonnement. « On se demande où ils CNP dit également vouloir faire venir Stéphanie Levasseur ajoute que CNP du premier ministre Harper, Dimitri vont trouver les sites pour produire, une soixantaine d’investisseurs étran- sera accueilli comme n’importe quel Soudas, préparait la venue d’une entre- mentionne-t-elle. Les bonnes terres sont gers au Québec qui désirent produire autre producteur qui souhaite s’installer prise qui veut acheter des terres pour déjà en culture. À moins qu’ils veuillent des pommes. « Il manque de relève en au Québec. produire des pommes au Québec. Ce se procurer des sites déjà en verger? » agriculture », soutient Dimitri Soudas. projet laisse pantois les Producteurs de Flou dans ses explications sur la Ces gens-là vont injecter de l’argent pommes du Québec. manière dont CNP veut s’implanter dans l’économie québécoise, note-t-il. « Notre entreprise veut acheter des terres, produire des pommes et les au Québec, Dimitri Soudas a toutefois laissé entendre que l’entreprise vou- M. Soudas travaillera avec le ministère de l’Immigration pour faciliter l’arrivée Une entreprise exporter, explique Dimitri Soudas en se défendant d’agir à titre de lobbyiste lait aider les producteurs de la Belle Province à se moderniser. « Nous de ces investisseurs. De son côté, Stéphanie Levasseur se canadienne pour Canadian Nectar Products (CNP). sommes à la fine pointe de la techno- demande où et comment s’installeront L’entreprise Canadian Nectar La demande mondiale est plus forte que logie dans la production de pommes. ces investisseurs étrangers. « Nous Products est canadienne, aux dires l’offre présentement. On veut créer de On peut venir en aide aux producteurs sommes à peine 500 pomiculteurs au de Dimitri Soudas. Il n’a toutefois la richesse au Québec. » d’ici », soutient Dimitri Soudas, qui a Québec, indique-t-elle. Soixante nou- pas été en mesure de confirmer à la M. Soudas, membre du conseil d’ad- cependant refusé de dévoiler la forme veaux producteurs, c’est beaucoup. » Terre qu’elle n’avait pas d’intérêts ministration de CNP, indique qu’il fera que prendrait un partenariat avec un La présidente ne voit toutefois pas étrangers. CNP possède notamment des représentations auprès du premier agriculteur. d’un mauvais œil la volonté de CNP 500 acres de terres à l’Île-du-Prince- ministre et du ministre de l’Agriculture Cette déclaration agace la présidente de développer le marché extérieur pour Édouard, des terres agricoles en pour s’assurer que l’arrivée de l’entre- des Producteurs de pommes du Québec. les producteurs du Québec, rappelant Géorgie et une usine au Chili. E.D. prise se fasse dans les règles de l’art. « Ça frise le mépris, constate-t-elle. Au cependant leur objectif à court terme
Vous pouvez aussi lire