DEUTSCHE BILDER - EINE SPURENSUCHE

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DEUTSCHE BILDER - EINE SPURENSUCHE
P. 3 —    En Filigrane              Sabrina Biro
                                  P. 26 —
P. 5 —    Une évolution logique   	Nothing can stop me now

P. 6 —    Eva Leitolf

Deutsche
Bilder – eine                     P. 30 —   Yannic Bartolozzi
                                            Toblerone

Spurensuche
                                    Alizé Hafner
                                  P. 34 —

                                  	Inventaire

                                  P. 38 —   Filipe Borges
                                            Le projet loup

P. 16 —

En Filigrane
P. 18 —   Bérénice Mercier
          En Campagne             P. 42 —   Diego Saldiva
                                            Bye Bye Brazil

P. 22 —   Antoine Bruy
          Desires

                                  P. 46 —	Remerciements
                                           Partenaires
                                  P. 47 —	Impressum
DEUTSCHE BILDER - EINE SPURENSUCHE
DEUTSCHE BILDER - EINE SPURENSUCHE
En Filigrane

                                          Le projet Spurensuche (à la recherche des traces) propose d’aborder
                                    un champ élargi de la photographie, en interrogeant le dialogue du texte
                                    et de l’image.
                                          L’enquête mémorielle sert de fil conducteur. Dans une évocation de
                                    l’oubli et de l’absence, les étudiant(e)s ont rassemblé des fragments de
                                    mémoire liés au territoire suisse ainsi qu’à l’intimité de sa population.
                                    Cette documentation (images, textes et archives) aborde le souvenir par
                                    allusion, par touches imperceptibles, en écho à la démarche d’Eva Leitolf
— Ariane
                                    développée dans Deutsche Bilder – eine Spurensuche (2006-2008). Le
 Pollet
                                    contenu visuel de cette série se réduit à des paysages vides et silencieux,
 Historienne de la photographie,
 Doctorante FNS à l’Université      d’apparence anodine. Combinées à des textes retraçant méticuleuse-
 de Lausanne. Chargée d’un          ment le déroulement factuel et le traitement judiciaire d’une criminalité
 atelier d’écriture avec les étu-
 diants pour En Filigrane.          raciste latente, ces images prennent un tout autre sens, de l’anonymat
                                    on bascule dans le lieu de mémoire, le silence devient critique sociale, la
                                    tension s’insinue dans le calme apparent.
                                          L’espace, la nuance entre l’évocation et l’oubli, entre ce qui peut être
                                    vu et ce qui est laissé à l’imagination a permis aux étudiant(e)s d’aborder
                                    des sujets aussi variés que des faits de société (guerre mondiale, ges-
                                    tion du loup en Valais), des stéréotypes (immigration, maisons closes) ou
                                    l’intime (corps, grenier d’une maison), dans une perspective commune
                                    d’engager une réflexion sur la naissance de la signification et les possi-
                                    bilités du langage visuel.
                                          Attiré par le battage médiatique et l’effervescence suscitée par la
                                    présence du loup en Valais, Le projet loup de Filipe Borges développe un
                                    point de vue personnel et articule le clivage nature/culture, authentique/
                                    artificiel, dans une enquête sur l’impact de cette présence sauvage dans
                                    un milieu naturel tout à fait exploité et dominé par l’homme.
                                          Proche de l’archéologie du quotidien, la démarche d’Alizé Hafner
                                    sonde les strates de son histoire familiale. Comme un album de famille,
                                    Inventaire aborde le souvenir par l’objet, et plus particulièrement par son
                                    accumulation. Le geste photographique se fait instrument de conserva-
                                    tion capable de cartographier une vie révolue, entassée dans un grenier.
                                          La série Nothing can stop me now de Sabrina Biro se tourne aussi
                                    vers l’inventaire pour se réapproprier une part de son intimité, évoquer
                                    un passé attaché à des lieux, des objets, que la pratique photographique
                                    matérialise et réactualise. Ici, les lieux de vie deviennent des lieux de
                                    mémoire vive.
                                          Dans le sillage du style documentaire (frontalité, rigidité du cadrage,
                                    sobriété), la série Desires d’Antoine Bruy enquête sur les salons de mas-
                                    sage en milieu urbain et résidentiel. Abordés sous l’angle de l’hétérotopie
                                    (utopie réalisée), ces lieux marquent une césure, un temps d’arrêt, bien
                                    qu’immergés dans un quotidien des plus courants.
                                          Diego Saldiva interroge le stéréotype culturel et identitaire. Bye Bye
                                    Brazil capte la vie d’immigrés brésiliens en Suisse et interroge la perti-
                                    nence du recours à la caricature dans le processus d’intégration.
                                          Tandis que Bérénice Mercier suit la démarche des Spurensuche,
                                    dans la région de Vallorbe, zone de passage durant la Seconde Guerre
                                    mondiale et à l’heure actuelle avec la présence du Centre d’enregistre-
                                    ment pour requérants d’asile. En Campagne, présente deux temporalités
                                    simultanées, un présent photographié qui bascule dans le passé par l’in-
                                    termédiaire du texte.
DEUTSCHE BILDER - EINE SPURENSUCHE
Enfin, Yannic Bartolozzi traque un objet insolite : le Toblerone – bar-
                                  rage antichars en béton armé en forme de pyramide (d’où son assimila-
                                  tion au chocolat du même nom). Paradoxalement ces reliques obsolètes
                                  de la Seconde Guerre mondiale s’illustrent par leur intégration tant en
                                  milieu rural qu’urbain et questionnent notre rapport au territoire ainsi
                                  qu’au temps.
                                       À la manière de certains procédés optiques, les démarches envisa-
                                  gent le texte et l’image comme un tout et l’aborde à travers une vision
                                  binoculaire, soit dans une juxtaposition de deux entités planes (texte et
                                  image) qui finissent par se superposer et générer une troisième image
                                  en relief.
                                       Ici, la figure du spectateur se fait primordiale, en tant que récepteur
                                  de ces souvenirs ; son rôle est de générer cette image en relief, de se
                                  l’approprier et de la reformuler en y ajoutant des pans de sa propre ex-
                                  périence. L’évocation de la mémoire implique une communication avec
                                  l’autre, une transmission, un partage qui réactualise ce passé oublié.
                                       L’intérêt du projet se situe à plusieurs niveaux : enquête mémorielle
                                  poursuivie au fil des mois, rédaction d’une documentation, échange avec
                                  le spectateur, autant de démarches artistiques qui viennent se réunir et
                                  se prolonger dans l’élaboration de l’exposition : En Filigrane, Photoforum-
                                  PasquArt à Bienne. Cet événement fédérateur et collectif incite les étu-
                                  diant(e)s à réfléchir et à s’investir dans le processus de monstration jus-
                                  que dans ses moindres détails — de la production des séries de tira-
                                  ges jusqu’à leur accrochage, en passant par le respect des délais et la
                                  collaboration avec d’autres étudiant(e)s ainsi que des professionnels du
                                  domaine — avec toutes les joies et les difficultés qu’une telle aventure
                                  réserve. — AP

                                       Ce projet En Filigrane est une aventure pédagogique dans le sens où
                                  les étudiant(e)s ont participé à toutes les étapes du processus d’élabora-
                                  tion de la publication et de l’exposition.
                                       Le choix des images, l’élaboration du budget, la rédaction du texte
— Virginie
                                  de présentation, la mise en page de la publication, la réalisation de la
 Otth
                                  maquette d’exposition, des impressions, et au final l’installation dans
    Enseignante à l’Ecole
    de photographie
                                  l’espace, toutes ces étapes ont été suivies par des professionnels et des
    de Vevey / CEPV               enseignant(e)s afin de donner aux étudiant(e)s une expérience réaliste de
                                  l’ensemble des processus.
                                       Il est parfois paradoxal d’allier une expérience pédagogique et une
                                  logique de production, où le résultat prime sur la démarche.
                                       Je remercie en ce sens : Ariane Pollet qui a aidé les étudiant(e)s pour
                                  l’écriture de leur texte, Ann Griffin et Nicolas Jeanmairet pour les quel-
                                  ques jours qu’ils ont passés avec les étudiant(e)s afin de concevoir la
                                  mise en page de cette publication, et bien sûr Eva Leitolf qui a suivi de
                                  très près tous les travaux et qui a été en contact de manière permanente
                                  avec eux pendant près de neuf mois, des premières pages de la publica-
4    CEPV (2010) — En Filigrane   tion jusqu’à la mise au mur. — VO
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Une évolution logique

                            Quel est le rôle du PhotoforumPasquArt dans le projet En Filigrane ?
                      Pour y répondre, un détour historique est indispensable.
                            Le PhotoforumPasquArt de Bienne se définit comme une plateforme
                      dédiée à la photographie contemporaine, un laboratoire de réflexion sur
                      son évolution et son positionnement dans le monde de l’image. Née en
                      1984 d’une initiative visionnaire, cette association s’est attachée dès ses
                      débuts à faire connaître une discipline qui était alors largement négligée
                      et à révéler son rôle capital dans le renouvellement de la représenta-
— Daniel
                      tion visuelle. Le public a pu ainsi s’initier à la photographie à travers des
  Mueller
                      expositions célébrant son histoire tout en valorisant la richesse de ses
 Directeur du
 PhotoforumPasquArt   pratiques. En 25 ans d’activité, le PhotoforumPasquArt a donc contribué
                      à dessiner, en plus de 200 expositions individuelles, monographiques et
                      thématiques, un panorama pluriel et innovant de la photographie. Il a ac-
                      quis une position d’envergure nationale avec une devise fondamentale :
                      susciter l’éveil du regard.
                            Au cours de son évolution récente, le PhotoforumPasquArt a mis l’ac-
                      cent sur le soutien aux talents émergents pour lesquels il joue un rôle de
                      tremplin. Cette orientation se reflète dans le programme annuel où figu-
                      rent de jeunes artistes qui ont l’opportunité d’une première exposition
                      significative. Brigitte Lustenberger, Raphael Hefti, Pétur Thomsen, Rolf
                      Siegenthaler, Anne Golaz, Augustin Rebetez ou encore Mirko Martin sym-
                      bolisent quelques exemples de cette politique. Elle s’incarne aussi à tra-
                      vers le partenariat étroit avec les Journées photographiques de Bienne :
                      depuis 2005 la galerie biennoise contribue à la thématique du festival
                      en produisant le travail d’une jeune créatrice ou d’un jeune créateur qui
                      se voit ainsi offrir une visibilité précieuse. Enfin, cet effort s’exprime au
                      moyen de l’exposition-concours SELECTION | AUSWAHL & Prix Photo-
                      forum. Cette manifestation nationale permet aux photographes de sou-
                      mettre des travaux qui sont sélectionnés par un jury indépendant. Et le
                      Prix Photoforum, distinction d’encouragement, récompense la meilleure
                      proposition avec un montant de CHF 5’000.–, ce qui le place parmi les
                      prix importants pour la photographie en Suisse.
                            Le projet En Filigrane, mené en partenariat avec la Formation su-
                      périeure de l’Ecole de Photographie de Vevey et l’artiste allemande Eva
                      Leitolf, s’inscrit logiquement dans l’évolution du PhotoforumPasquArt. Il
                      s’agit pour lui d’une collaboration sans précédent qui lui permet d’of-
                      frir un cadre de qualité et des conditions « réelles » à une classe de la
                      Formation supérieure pour la mise en valeur d’un projet pédagogique
                      ambitieux. Ce soutien est non dénué d’une certaine prise de risque qui
                      doit être inhérente à la politique d’un espace destiné à la promotion de
                      la photographie. Montrer des travaux personnels qui sont le fruit d’un
                      cheminement intense, engagé et sincère constitue cependant un privi-
                      lège. Et la démarche prend un supplément de sens lorsque les travaux
                      des étudiant(e)s côtoient ceux d’une intervenante comme Eva Leitolf, en
                      l’occurrence la remarquable série Deutsche Bilder – eine Spurensuche.
                            Le PhotoforumPasquArt est particulièrement heureux d’avoir pu
                      contribuer à la réalisation du projet En Filigrane dont la présente publica-
                      tion constitue une indispensable trace. Il tient à remercier les personnes
                      de la Formation supérieure du CEPV qui en ont assuré l’encadrement, à
                      savoir Léonore Veya, Virginie Otth et Nicolas Savary. Il n’oublie pas bien
                      sûr Eva Leitolf, dont la compétence et l’élan ont rendu cette aventure
                      possible. — DM
DEUTSCHE BILDER - EINE SPURENSUCHE
— Eva Leitolf

Deutsche
Bilder – eine
Spurensuche
2006-2008

6   CEPV (2010) — En Filigrane
DEUTSCHE BILDER - EINE SPURENSUCHE
Mit ihrem zwischen 1992 und 2008 ent-
standenen Werkkomplex Deutsche Bilder
– eine Spurensuche setzt sich die Fotografin
Eva Leitolf mit fremdenfeindlich motivierten
Gewalttaten in Deutschland und dem gesell-
schaftlichen Diskurs zu diesen auseinander.
     Ihre Anfang bis Mitte der 1990er Jahre
entstandenen Bilder zeigen Tatorte von
Anschlägen, Sympathisanten im Umfeld und
unbeteiligte Zuschauer. Als Eva Leitolf diese
Arbeit 2006 wieder aufnimmt, reduziert sie
die Bildinhalte auf die Orte des Geschehens
und verbindet sie mit akribisch recherchierten
Texten zum Tathergang sowie der juristischen,
medialen und politischen Aufarbeitung. Ihre
als Langzeitstudie konzipierte Arbeit hinterfragt
den gesellschaftlichen Umgang mit fremden-
feindlich motivierter Gewalt und lotet zugleich
die Möglichkeiten und Grenzen des Abbildba-
ren aus.

    Bei SNOECK/Köln ist ein gleichnamiges
Fotobuch erschienen.

     Dans sa série Deutsche Bilder – eine Spu-
rensuche (Images d’Allemagne – à la recherche
de traces) réalisée entre 1992 et 2008, la photo-
graphe Eva Leitolf traite des actes de violence
de nature xénophobe en Allemagne et du discours
social qui en découle.
     Les premières photographies prises jusqu’au
milieu des années 1990 montrent le théâtre
des attentats, des sympathisants et des curieux
aux alentours. Lorsque l’artiste reprend ce travail
en 2006, elle réduit le contenu de ses images
à la simple représentation des lieux qu’elle relie
à des textes retraçant méticuleusement le dérou-
lement des faits ainsi que leur traitement poli-
tico-judiciaire et médiatique. Ce projet de longue
durée questionne le rapport de la société à la cri-
minalité raciste et explore les limites des capaci-
tés d’évocation de la photographie.

   Un ouvrage éponyme est paru aux éditions
SNOECK/Köln.
DEUTSCHE BILDER - EINE SPURENSUCHE
Althaldensleben („Olln“),
                                 2007
                                     Am 12. Dezember 2006 werden sechs
                                 im Stadtteil aufgeklebte Plakate mit dem
                                 Wortlaut „Alles was nicht weiß ist muss
                                 draußen bleiben“ und „Olln bleib sauber!!“
                                 sichergestellt. Das Ermittlungsverfahren
                                 wird wegen des Verdachtes auf Volksverhet-
                                 zung gegen Unbekannt geführt und Anfang
                                 2007 der Staatsanwaltschaft Magdeburg
                                 übergeben.

                                 Althaldensleben (« Olln »),
                                 2007
                                      Le 12 décembre 2006, six affiches ont
                                 été placardées dans le district d’Althaldens-
                                 leben. Elles portaient les messages suivants :
                                 « Toutes les personnes de couleur dehors ! »
                                 et « Gardons Olln propre ! ». Une investigation
                                 a été menée contre X pour incitation à la
                                 haine raciale et les résultats ont été présentés
                                 au procureur de Magdeburg début 2007.

8   CEPV (2010) — En Filigrane
DEUTSCHE BILDER - EINE SPURENSUCHE
DEUTSCHE BILDER - EINE SPURENSUCHE
Schöna,
                                  Sächsische Schweiz,
                                  2006
                                      In der Gemeinde Reinhardtsdorf- Schöna
                                  erhält die NPD bei der Landtagswahl 2004
                                  23,1% der Stimmen. Sie pflegt laut Presse-
                                  berichten enge Verbindungen zur verbotenen
                                  SSS (Skinheads Sächsische Schweiz), einer
                                  Gruppe, die sich zum Ziel gesetzt hat, die Ge-
                                  gend „ausländerfrei“ zu machen.

                                  Schöna,
                                  Sächsische Schweiz,
                                  2006
                                        Lors des élections de 2004 en Saxe, le
                                  parti fasciste national démocrate a obtenu
                                  23,1% des suffrages à Reinhardtsdorf-Schöna.
                                  D’après un article de presse, ce parti entre-
                                  tient des contacts étroits avec le groupe illégal
                                  SSS (Sächsische Schweiz Skinheads), qui s’est
                                  fixé l’objectif de débarrasser la région des
                                  étrangers.

10   CEPV (2010) — En Filigrane
Kreisverkehr,
                                  Oschersleben,
                                  2007
                                       Ein vietnamesischer Imbissbetreiber wird
                                  am 5. August 2006 von vier jungen Männern
                                  zum Anhalten gezwungen. Ihm wird mit dem
                                  Tod und mit einem Anschlag auf seinen Imbiss
                                  gedroht. Die Männer beschädigen seinen
                                  Kleintransporter mit Fußtritten und Flaschen.
                                  Da dem Angegriffenen die Flucht aus dem
                                  Kreisverkehr nicht gelingt, startet er durch und
                                  fährt dabei einen Täter an, der leicht verletzt
                                  wird. Der Vietnamese fährt sofort zur Polizei
                                  und zeigt den Vorfall an. Gegen die Männer,
                                  die unter Alkoholeinfluss standen, werden
                                  Ermittlungsverfahren wegen Bedrohung, Nöti-
                                  gung und Sachbeschädigung eingeleitet.
                                  Zwei erwachsene Täter werden zu einer Geld-
                                  strafe von 60 beziehungsweise 40 Tagessätzen
                                  von je 10 Euro verurteilt. Einer legt dagegen
                                  Berufung ein. Der beteiligte Jugendliche wird
                                  verwarnt und muss 250 Euro Schadenswieder-
                                  gutmachung an das Opfer zahlen.

                                  Rond-point,
                                  Oschersleben,
                                  2007
                                        Le 5 août 2006, le propriétaire d’un res-
                                  taurant traiteur vietnamien a été contraint de
                                  stopper son van par quatre jeunes hommes
                                  le menaçant de mort et d’attaquer sa boutique.
                                  Les agresseurs ont endommagé le van avec
                                  des bouteilles et des coups de pied. La victime,
                                  après avoir en vain essayé de sortir du rond-
                                  point, a appuyé sur l’accélérateur, heurtant et
                                  blessant légèrement l’un des agresseurs.
                                  L’homme vietnamien a tout de suite rapporté
                                  l’incident à la police. Une enquête a été ouverte
                                  contre les hommes qui étaient sous l’emprise
                                  de l’alcool, pour menace, intimidation et
                                  dommages criminels. Deux adultes ont été
                                  condamnés à des amendes de 600 € et 400 €.
                                  L’un a fait appel de son jugement. Un mineur
                                  a reçu un avertissement et a été condamné
                                  à payer des dommages et intérêts de 250 €
                                  à la victime.

12   CEPV (2010) — En Filigrane
Teichanlage,
                                  Viersen,
                                  2007
                                       Ein 22-Jähriger erklärt bei der Polizei in
                                  Viersen, er sei am 10. Juli 2006 von vier jungen
                                  Männern wegen seiner Hautfarbe beleidigt
                                  und angegriffen worden. Ihm sei es gelungen,
                                  sich erfolgreich zur Wehr zu setzen und zu
                                  fliehen. Der Staatsschutz der Mönchenglad-
                                  bacher Kriminalpolizei nimmt die Ermittlungen
                                  auf, kann aber keine Täter ermitteln.

                                  Étang,
                                  Viersen,
                                  2007
                                       Un homme de vingt-deux ans s’est plaint
                                  à la police de Viersen d’avoir été insulté ver-
                                  balement et agressé physiquement le 10 juillet
                                  2006 par quatre jeunes hommes, du fait de sa
                                  couleur de peau. Il a déclaré avoir réussi à se
                                  défendre lui-même et à s’enfuir. Le département
                                  de sécurité publique de la police de Mönchen-
                                  gladbach s’est chargé de l’enquête mais n’a
                                  pas été en mesure d’identifier les auteurs de
                                  l’agression.

14   CEPV (2010) — En Filigrane
Eva Leitolf
Deutsche Bilder – eine Spurensuche, 2006-2008

24 c-prints, 81 x 69 cm, encadrées, palette, text folders
Traduction en français : Pyramid
Copyright Eva Leitolf — www.evaleitolf.de
étudiant(E)s de 2 ème année       1
en Formation supérieure
en Photographie,
école de photographie
de Vevey / CEPV

                                  2

— En
                                  3

Filigrane
                                  4

                                  5

                                  6

                                  7

16   CEPV (2010) — En Filigrane
— Bérénice Mercier

En Campagne
— Antoine Bruy

Desires
— Sabrina Biro

Nothing can
stop me now
— Yannic Bartolozzi

Toblerone
— Alizé Hafner

Inventaire
— Filipe Borges

Le projet loup
— Diego Saldiva

Bye Bye Brazil
En Campagne
1

                                       L’opération Tannenbaum était le 3ème plan d’invasion de la Suisse
                                  établi par l’Oberkommando Der Wehrmacht (Grand Quartier Général alle-
                                  mand). Après l’invasion de la France en 1940, les troupes se sont arrêtées
                                  à la frontière suisse, et l’ordre d’exécution de l’opération n’a jamais été
                                  donné.

                                      Le 17 juin 1940, mon grand-père a rencontré des soldats de la Wehr-
                                  macht au col de Jougne. Ils ont conversé des deux cotés d’une barrière.
                                  La même année, les vaches qui passaient la douane étaient fouillées.
— Bérénice
  Mercier                              Il y a un fort situé à 521’385/173’561 selon les coordonnées suis-
                                  ses qui a été construit entre 1937 et 1939. Il était composé de six bloc-
                                  khaus à une casemate, mais a conservé l’aspect extérieur d’un chalet de
                                  montagne. Vingt-trois bunkers de béton armé s’étendent au Nord-Est de
                                  Vallorbe sur environ 8 kilomètres.

                                       Depuis le 13 novembre 2000, 37’000 requérants d’asile sont passés
                                  par le centre d’enregistrement et d’office de Vallorbe. Il y a cinq centres
                                  de ce type sur le territoire helvétique, tous situés à proximité de la fron-
                                  tière, et inscrits dans la loi sur l’asile. Tout est règlementé.

                                      La Blitzkrieg est une guerre éclair qui implique une invasion blindée
                                  du territoire par les routes.

                                       Le point le plus bas sur lequel se cartographie la frontière, aux alen-
                                  tours de Vallorbe, est à 519’423/176’120 selon les coordonnées suis-
                                  ses, et à 818 mètres au-dessus du niveau de la mer. C’est également le
                                  point de rencontre entre la route principale et la ligne frontière. — BM

18   CEPV (2010) — En Filigrane
20   CEPV (2010) — En Filigrane
Images tirées de la série « En Campagne » (2010)

12 impressions jet d’encre, 40 x 40 cm, encadrées
Vitrine comprenant le journal de recherche,
une carte d’identité et une carte géographique
Desires
2

                                      Desires est le titre d’une série consacrée aux salons de massages, ter-
                                  me ambigu et politiquement correct qui prête souvent à confusion pour
                                  désigner ce que l’on nomme plus communément des maisons closes.

                                       Adoptant une démarche de style documentaire, j’ai choisi de photo-
                                  graphier les chambres vides de toute présence humaine. Les images sont
                                  frontales et empruntent à première vue une rigidité familière, celle de l’école
                                  de Düsseldorf. Ce travail semble m’avoir propulsé dans la peau d’un photo-
                                  graphe sociologue qui aurait pour seule exigence une approche scientifique
— Antoine                         et systématique.
  Bruy
                                       Dans ces photographies, il est frappant de constater que ces lieux aux
                                  couleurs criardes, aux intérieurs parfois surchargés, nous paraissent inuti-
                                  lisés, dépourvus des traces qui témoigneraient d’un quelconque passage.
                                  Le kitsch est à son comble, pourtant, le spectateur pourrait être troublé par
                                  la froideur qui se dégage de ces chambres où des hommes en manque
                                  d’amour et de sexe viennent s’abandonner l’espace d’un quart d’heure.

                                       Il est évident que le dispositif employé (utilisation du flash) joue un rôle ;
                                  celui d’éclipser les ambiances tamisées qui sont de rigueur et de mettre
                                  en valeur les détails les plus infimes. L’impression est mitigée ; difficile de
                                  dire où nous nous trouvons. Petit à petit, des éléments s’accordent : un mi-
                                  roir au plafond, une lampe de chevet racoleuse, une photographie de deux
                                  femmes nues qui s’enlacent, flanquée au-dessus d’un lit. Ce n’est qu’après
                                  une inspection minutieuse que le doute laisse place à la certitude. Même
                                  ces endroits qui passent inaperçus la plupart du temps n’échappent pas
                                  aux stéréotypes, loin de là. Par contre, ces images viennent défaire un cliché
                                  répandu, celui qui prétend que la prostitution est sale, glauque, et pratiquée
                                  dans des chambres insalubres. Ce que ces images nous donnent à voir est
                                  au contraire d’une propreté digne des hôpitaux les plus stériles.

                                        Après avoir travaillé sur les salons, j’ai eu le souci de les recontextua-
                                  liser, de montrer le milieu qui les entoure, en associant des images des
                                  quartiers et des espaces intermédiaires : salles d’attentes, halls d’entrée et
                                  autres sortes d’antichambres. En effet, il me paraît intéressant d’insister sur
                                  le fait que ces lieux ne sont pas uniquement concentrés dans les « quartiers
                                  rouges » mais qu’ils sont situés n’importe où, qu’ils se mêlent incognito à
                                  notre vie de tous les jours sans que les « non initiés » ne se doutent de quoi
                                  que ce soit. Cette mise en relation suggère la co-présence de ces réalités,
1. Citation de                    de ces deux univers d’apparence antinomique et incompatible.
   Charles Perraton

                                      Le concept du poster comme objet de désir et de représentation des
                                  désirs s’est imposé pour l’exposition.

                                       Desires s’appuie sur la théorie des hétérotopies de Michel Foucault. Ce
                                  concept définit des lieux au sein de la structure sociale, simultanément phy-
                                  siques et mentaux, offrant une autre perception du temps et de l’espace et
                                  donc une nouvelle vision de la société. « En nous permettant de voir autre-
                                  ment l’espace auquel nous appartenons, l’hétérotopie nous plonge au cœur
                                  de l’expérience d’une inquiétante étrangeté. Elle propose une expérience
                                  qui permet de voir autrement et de transformer la réalité familière en un
                                  espace autre par la dramatisation du regard.1 » — AB

22   CEPV (2010) — En Filigrane
24   CEPV (2010) — En Filigrane
Images tirées de la série « Desires » (2010)

4 impressions jet d’encre, 120 x 80 cm, pliage poster
8 impressions jet d’encre, 60 x 40 cm, pliage poster
Nothing can
3

                                  stop me now
                                  Des lieux
                                       Des lieux où je pouvais vibrer, me sentir exister, m’affranchir de
                                  l’autorité.
                                  Des lieux qui contrastaient avec ce qui m’entourait, qui bouleversaient
— Sabrina                         de leur anarchie séduisante l’ordre et la rigueur que je ne pouvais plus
  Biro                            supporter.
                                  Des lieux où je pouvais valider, exprimer et vivre ce qui se passait au plus
                                  profond de moi, cette révolte que je ne pouvais plus contenir, qui n’en
                                  pouvait plus d’être muselée.
                                  Des lieux où j’étais fascinée par ce qui s’y passait et les gens qui y évo-
                                  luaient, des gens auxquels je pouvais m’identifier, auxquels je voulais
                                  m’identifier et auxquels je voulais ressembler.
                                  Des lieux qui sentaient la liberté, la liberté de faire ce que l’on veut, d’être
                                  qui l’on veut, de porter ce que l’on veut, de dire ce que l’on veut, de pen-
                                  ser ce que l’on veut, quand on le veut et comme on le veut. Parfois, la
                                  liberté de ne vivre de rien, de n’avoir besoin de rien et d’en être satisfait.
                                  La liberté d’envoyer tout chier, de cultiver la contradiction, de revendiquer
                                  la différence, par principe… et s’en faire une raison de vivre.
                                  Des lieux où j’avais l’impression d’accéder à moi-même.

                                  Des objets
                                       Des objets qui étaient les symboles de cette liberté, qui définissaient
                                  cet état que je voulais atteindre.
                                  Des objets qui étaient des prolongements de moi-même, qui consti-
                                  tuaient mon identité et qui la définissaient.
                                  Des objets qui me permettaient d’afficher ma révolte, de la revendiquer.
                                  Des objets qui s’exprimaient à ma place ou avec moi.
                                  Des objets qui me permettaient de m’identifier aux uns et de me démar-
                                  quer des autres.
                                  Des objets qui semblaient me procurer une sensation de liberté, qui me
                                  permettaient de la palper, de la rendre réelle et accessible comme pour
                                  m’assurer qu’elle était bien là.
                                  Des objets dont j’avais besoin pour me sentir libre, comme si l’habit fai-
                                  sait le moine et que cela pouvait suffire.

                                  Des images
                                       Des images et un geste, le geste photographique.
                                  Un besoin compulsif de fixer le monde qui m’entourait, comme pour le
                                  valider, m’assurer qu’il était bien tel que je le percevais. Pour en garder
                                  une trace, pour témoigner, comme si j’avais conscience que tout pouvait
                                  m’échapper d’un instant à l’autre. Pour rendre le monde supportable et
                                  acceptable. Pour le comprendre et lui donner du sens. Pour reprendre le
                                  contrôle ou ne pas le perdre. Pour recouvrer la raison et ne pas succom-
                                  ber à la folie. Pour reprendre cette liberté qui m’avait échappé ou me
                                  convaincre qu’elle était toujours là. — SB

26   CEPV (2010) — En Filigrane
Images tirées de la série
« In the flesh : 2003-2010 »
1

28   CEPV (2010) — En Filigrane
2

1. « Discman : 1995-2006 » (2010)
2. « Montreux Jazz Festival : 1999-2004 » (2010)

Impression sur blueback, 200 x 200 cm, nombre variable
vitrines avec tirages jet d’encre, tirages argentiques et
polaroïds.
Toblerone
4

                                       « Toblerone », célèbre pyramide en chocolat, est aussi le nom romand
                                  donné à un type spécifique de barrages antichars utilisé dès la Seconde
                                  Guerre mondiale. Il s’agit de blocs de béton armé de 14 tonnes, géné-
                                  ralement coulés sur place et disposés stratégiquement en ligne. Ils cou-
                                  vrent la totalité du territoire suisse et parfois sur plusieurs kilomètres. Ils
                                  créent un obstacle de terrain artificiel capable de stopper l’avancée de
                                  l’envahisseur lorsque le paysage ne présente aucune barrière naturelle.

                                       N’ayant jamais servis, mais ayant été longtemps entretenus, ces blocs
— Yannic                          sont en excellent état de conservation, et pour des raisons esthétiques,
  Bartolozzi                      historiques, écologiques, touristiques et économiques, leur intégration
                                  est généralement préférée à leur destruction.

                                      Paradoxalement, bien que parfaitement obsolètes, ces blocs sont
                                  ancrés dans le paysage et dans la culture suisse, à tel point qu’ils font dé-
                                  sormais partie de notre quotidien. Ces vestiges de guerre sont présents
                                  dans des lieux aussi divers que les forêts, les bords de rivières, de part et
                                  d’autre des routes et des chemins de fer, et, plus curieusement, dans des
                                  parkings de centre commerciaux, au cœur de quartiers d’habitations et
                                  même dans des jardins privés.

                                       Dans ce travail, je m’intéresse à l’évolution du paysage et de la
                                  culture suisse autour de ces monuments qui n’évoluent plus depuis leur
                                  construction. Je me sers du médium photographique pour extraire ces
                                  vestiges du passé et pour les confronter au présent, afin de créer une
                                  tension temporelle qui met en valeur certaines notions telles que la créa-
                                  tion involontaire d’un monument historique et le devenir de nos construc-
                                  tions actuelles. — YB

30   CEPV (2010) — En Filigrane
1
2

                                      3

                                          5

32   CEPV (2010) — En Filigrane   4
6

                                                 7

Série « Toblerone », mars à août 2010
1. Dans le lac (mai 2010)
2. Villa (mars 2010)
3. Réduit (mars 2010)
4. Parking (juillet 2010)
5. Propriété privée (août 2010)
6. Zone industrielle (juillet 2010)
7. Entrée (août 2010)

Impressions jet d’encre, 45 x 56 cm, encadrées
Inventaire
5

                                        Un peu à la manière d’une archéologue, je travaille ici sur la mémoire
                                  et l’héritage familial par le biais de la photographie.

                                        Ce médium me permet de rassembler des objets, des souvenirs et
                                  d’en faire un état des lieux, celui de mon galetas, où sont entreposées en
                                  vrac des reliques du passé, telles que des cadres, des jouets, des pou-
                                  pées ou encore de vieux gants de boxe en une panoplie d’objets aussi
                                  marquants qu’obsolètes. Dans « Inventaire », l’objet est en quelque sorte
                                  utilisé à l’instar d’une photo de famille, comme une trace visuelle tangi-
— Alizé                           ble permettant de figer des bribes de mémoire. Par ailleurs, j’interroge
  Hafner                          également le changement apporté par le numérique dans la tradition du
                                  portrait de famille, désormais pixélisé, amassé et retenu dans l’ordinateur.
                                  La tension entre le patrimoine virtuel et le patrimoine physique m’incite
                                  à m’interroger sur le phénomène d’accumulation et de conservation qui
                                  touche de nombreux foyers. C’est un riche passé qui laisse des traces et
                                  qui raconte des tranches de vie.

                                       Mon approche est méthodique, j’organise ce lieu comme un site ar-
                                  chéologique, le divisant en zones. Les prises de vues sont effectuées sur
                                  la base d’un plan détaillé de la soupente, quadrillé de façon à pouvoir
                                  restituer les emplacements des différentes pièces qui sont regroupées,
                                  notifiées, inventoriées et classées. Le galetas est alors l’album de famille
                                  qui retient tout un passé que j’ouvre de façon à cartographier l’intime
                                  d’une vie entassée.

                                       La lumière est artificielle, à la façon du light painting, elle focalise
                                  l’objet et accentue l’impact de l’image.

                                       Le procédé numérique me permet d’obtenir des résultats instanta-
                                  nés. Cette rapidité d’exécution s’est affirmée par la construction d’un stu-
                                  dio sommaire à l’intérieur même du grenier, intensifiant ainsi le sentiment
                                  d’immersion dans le lieu. Par respect pour la démarche archéologique,
                                  les objets ont été ensuite remis minutieusement à leur place.

                                       Dans quelques mois, la plupart de ces objets aura été jetée, remet-
                                  tant en jeu la pérennité des souvenirs. Je souhaite en garder la trace et
                                  les façonner en nature morte avant qu’ils ne disparaissent. Il ne restera
                                  ensuite que cette empreinte photographique symbolisant leur propre fi-
                                  nitude. Pour souligner le travail de mémoire, chaque photographie est
                                  accompagnée d’une fiche technique de l’objet, décrivant ses caractéris-
                                  tiques. Cet objet-fiche possède une valeur égale à celle de la photogra-
                                  phie, c’est le lien, le trait d’union entre l’objet et la mémoire. — AH

34   CEPV (2010) — En Filigrane
Images tirées de la série « Inventaire » (2010)
36   CEPV (2010) — En Filigrane
Images tirées de la série « Inventaire » (2010)

Nombre variable d’impressions jet d’encre et de listes
sur papier recyclé, 14,8 x 21 cm, encadrées
Le projet
6

                                   loup Ces dernières années, des loups ont régulièrement migré vers la
                                   Suisse depuis les Alpes françaises et italiennes. Leur réapparition sur
                                   le territoire helvétique et en particulier en Valais donne lieu à un débat
                                   survolté sur les mesures à prendre. Les décisions politiques de gestion
— Filipe                           du loup votées par la Confédération tentent de rendre compatible la pro-
  Borges                           tection du loup et « l’élevage traditionnel d’animaux […] dans les régions
                                   de montagne, sans restrictions intolérables. » 1

                                        Si l’on a parfois l’impression d’être entouré de paysages « sauva-
                                   ges » et de nature « vraie », les forêts et pâturages alpins sont rigoureu-
                                   sement entretenus pour maintenir les activités humaines en montagne.
                                   Comment, dès lors, la faune sauvage, les éleveurs, les chasseurs et les
                                   touristes arrivent-ils à cohabiter, malgré leurs intérêts parfois divergents
                                   et sur un espace disponible relativement réduit ?

                                        J’ai entrepris de m’infiltrer au cœur de cette problématique, malgré
                                   le fait qu’elle soit étrangère à mon mode de vie plutôt citadin. En en-
                                   quêtant sur la présence du loup dans les Alpes valaisannes, j’ai voulu
                                   confronter la représentation du paysage « naturel et authentique » inspi-
                                   rée par le travail de Nicolai Howalt 2, et la gestion scientifique et politique
                                   d’un territoire restreint et exploité. Ainsi, j’ai collecté des traces, interrogé
                                   des témoins, et écrit sur cette aventure dans un canton que j’ai souhaité
                                   apprivoiser par l’image.

                                        Naturellement, la représentation du loup, animal extrêmement furtif
                                   et rarement photographié dans son milieu naturel, donne lieu à des pro-
                                   jections, des récits légendaires et des discours écologiques stéréotypés
                                   et largement véhiculés par les mass médias. — FB

1. Plan loup, office fédéral
   de l’environnement OFEV,
   projet du 26.1.2004
2. HOW TO HUNT / Nicolai Howalt.

38   CEPV (2010) — En Filigrane
1
En redescendant (en rampant tellement je suis
                                                     essoufflé), il me raconte qu’il a vu un loup un
                                                     jour. « Mais si j’avais su que c’en était un,
                                                     je ne serais même pas descendu de la jeep ».
                                                     Il avait cru que c’était un gros chien. Ils se sont
                                                     regardés sans bouger et Fabrice est reparti.
                                                     « Il n’avait pas l’air méchant, mais c’était impres-
                                                     sionnant ».

2

LIDDES                                               SAINT-MAURICE
05.06.2010                                           10.05.2010

      Fabrice travaille au Service de l’Agricul-          Je me décide à prendre la route pour Saint
ture ; il est député au Grand Conseil valaisan       Maurice. Je veux voir le loup exposé au Collège
et est un passionné de chasse. On se donne           de l’Abbaye. L’animal avait été abattu suite aux
rendez-vous à sept heures du matin à Liddes,         attaques dans le Val d’Illiez. Il avait été taxider-
un village de montagne sur la route du Grand-        misé et exposé là-bas en fanfare. Canal 9 était
Saint-Bernard en direction de l’Italie. Il se        même venu faire un reportage au collège…
trouve que je n’ai dormi que trois heures la         Je prends rendez-vous avec le recteur de l’école.
nuit précédente. J’étais à la Fête de la Fleur       Mais quand j’arrive, il n’y a ni recteur ni loup.
d’Amigne. Cette fête réunit tous les encaveurs
du village autour d’un cépage qui n’est pro-
duit qu’à Vétroz : l’Amigne. J’ai eu toutes les
peines du monde à me lever, mais je suis à
l’heure. Fabrice m’attend au pas de la porte.
Il fait à peine jour et le soleil est encore caché
derrière les sommets. Il m’emmène dans
une région qu’il qualifie de « garde-manger
à loups ». En effet c’est un district franc fédé-
ral, une sorte de réserve naturelle. C’est à la
combe de l’A. On monte en jeep, et ensuite
à pied jusqu’à la Tsissette.
      Il observe constamment et se tourne vers
moi de temps en temps pour me dire : « Prends
tes jumelles et regarde là-bas au-dessus du
névé » en pointant du doigt la montagne. Mais
je ne vois rien.
      Au bout d’un certain temps, je vois enfin
une biche et c’est le déclic. A partir de là, je
vois des bêtes partout ! Des marmottes, des
biches, des chamois mais « pas assez, c’est
anormal de voir si peu de chamoix à cette
période de l’année, je me demande ce qui se
passe ».
      On en voit pourtant un magnifique qui
se cachait derrière un rocher et qui détale en
sautillant quand on tente de s’en approcher.

40   CEPV (2010) — En Filigrane                      3
Je parcours toute l’école à la recherche du                               MAYENS-DE-CONTHEY
loup. Le recteur se trouve en réunion, d’après                            31.07.2010
sa secrétaire.
     J’évite un peu les concierges, mais je finis
                                                                          Texte tiré du Livre de lecture des degrés élémentaires et moyens, écoles
par leur demander de l’aide. Ils m’indiquent                              primaires du valais, 5ème édition, édité par le Département de l’instruction
que l’animal est exposé près de la bibliothèque,                          publique du canton du Valais, 1948.

dans le musée d’histoire naturelle de l’école.
Il est bien là, au fond d’un couloir sans lumière.                              Avec mon amie, nous passons la soirée,
                                                                          dans son chalet, aux Mayens. J’y trouve un
                                                                          livre daté de 1948 destiné aux élèves du degré
                                                                          élémentaire de l’Ecole primaire en Valais.
                                                                                « Le loup a beaucoup de force. Il porte
                                                                          avec sa gueule un mouton, sans le laisser
                                                                          toucher à terre, et court en même temps plus
                                                                          vite que les bergers, en sorte qu’il n’y a que
                                                                          les chiens qui puissent l’atteindre et le forcer
                                                                          à lâcher prise. Lorsqu’on le tire et que la balle
                                                                          lui casse quelque membre, il crie et cepen-
                                                                          dant, lorsqu’on l’achève à coups de bâton,
1. Le Vèla, 08.07.2010
                                                                          il ne se plaint pas comme le chien ; il est plus
2. Champi, 08.07.2010                                                     dur, moins sensible, plus robuste ; il marche,
3. Fabrice, député au grand conseil valaisan, Liddes, 05.06.2010
4. Collège de l’Abbaye, St. Maurice, 10.05.2010                           court, rôde, des jours entiers et des nuits ;
21 impressions jet d’encre, 35 x 23 cm, verre, autocollants vinyle,
                                                                          il est infatigable, et c’est peut-être de tous les
lecteurs MP3, écouteurs                                                   animaux le plus difficile à forcer à la course.
                                                                                Quoique féroce, le loup est timide. Lorsqu’il
                                                                          tombe dans un piège, il est si fort, si longtemps
                                                                          épouvanté, qu’on ne peut le tuer sans qu’il
                                                                          ne se défende, ou le prendre vivant sans qu’il
                                                                          ne résiste.
                                                                                On peut lui mettre un collier, l’enchaîner,
                                                                          le museler, le conduire ensuite partout où l’on
                                                                          veut sans qu’il ose donner le moindre signe de
                                                                          colère ou même de mécontentement.»

                                                                      4
Bye Bye
7

                                          Brazil
                                               Dans les années 1920, São Paulo accueillait la Semaine d’Art Moder-
                                          ne. Mise à part la volonté de rompre avec les codes esthétiques du 19e
                                          siècle, les modernistes brésiliens ont surtout tenté de créer une identité
                                          nationale indépendante ; une nouvelle mentalité culturelle décentrée du
— Diego                                   point de vue européen, quelque chose de brésilien. Une métaphore intel-
  Saldiva                                 lectuelle est venue illustrer ces idéaux : l’Anthropophagie.

                                               En tant que manifeste anthropophage, Macunaïma ou les héros sans
                                          aucun caractère 1 énonce les intentions de ce mouvement : « une œuvre
                                          de nationalisme critique, mais pas xénophobe, qui incarne en Macunaïma
                                          le Brésilien qui ne possède pas de civilisation et donc pas de conscience
                                          traditionnelle. Cet Indien hybride nous déclare : ‹Je suis un Indien Tupi
                                          qui joue du luth›. Miraculeusement blanchi puis renoirci, grand séducteur
                                          de la reine des Amazones, il ne cesse de répéter malicieusement : ‹J’ai la
                                          flemme›. Et pourtant, il part à la recherche de son talisman volé, le muira-
                                          quitá, c’est-à-dire de son identité, entraînant le lecteur dans ses aventures
                                          à travers tout le Brésil, jusqu’à sa métamorphose finale en étoile, toujours
                                          en quête de son profil ethnique et de son caractère national. » 2

                                                Malgré le renouvellement multiculturel, Macunaïma approfondit aussi
                                          les caractéristiques d’une caricature sociale brésilienne. Pour cette rai-
                                          son, j’ai choisi de croiser les idées des anthropophagies culturelles avec
                                          la situation des immigrants brésiliens en Suisse, qui semblent mener une
                                          « recherche du muiraquitá » à l’étranger. Cette approche fait émerger cer-
                                          tains questionnements : quel emploi fait-on du cliché dans la construc-
                                          tion d’une nouvelle réalité/identité ? Une fois installé dans un nouveau
                                          territoire, quels aspects culturels doit-on conserver ou rejeter pour réus-
                                          sir à se l’approprier et à s’intégrer ? — DS

1. Mário de Andrade, Macunaïma
   ou le héros sans aucun
   caractère, trad. franç. J. Thiériot,
   éd. Flammarion, Paris, 1979.
2. Dominique Berthet, Vers une
   esthétique du métissage,
   éd. de L’Harmattan, Paris, 2002.

42   CEPV (2010) — En Filigrane
1

                                                      2

                                                           Son accent est clairement brésilien, je peux
                                                      l’entendre quand elle hèle une collègue depuis
                                                      la caisse enregistreuse. Je me demande ce que
                                                      je vais dire quand ce sera à mon tour de payer.
                                                      – Est-ce qu’elle est vraiment brésilienne ? Peut-
                                                      être que je me trompe.

                                                           Debout, elle demande encore quelquechose,
3
                                                      tout le supermarché l’entend. Sa peau foncée et
                                                      ses cheveux crépus, séparés en deux, plaqués,
                                                      ne bougent pas. Je n’ai plus de doute.

                                                           Elle est devant moi. Je pense lui dire que
                                                      les chocolats sont des cadeaux pour mes parents.
                                                      — Au Brésil, on aime ces trucs de l’étranger —
                                                      Non. Mais il faut vite dire quelque chose, il faut
                                                      montrer que les brésiliens savent distinguer leurs
                                                      compatriotes, un bonjour c’est déjà bien.

                                                      – « Oi. »

                                                          Elle me regarde. C’est le plus long silence
Images tirées de la série « Bye Bye Brazil » (2010)
1. Sans Titre 2010                                    qu’elle a expérimenté aujourd’hui. Ses prochains
2. Sans Titre 2010
3. Sans Titre 2010                                    mots viennent comme s’ils pouvaient couper l’air :
5 impressions jet d’encre, 29 x 23 cm,
3 impressions jet d’encre, 18 x 23 cm, encadrées      – «Neunundvierzig und fünfundfünfzig, bitte.»
Remerciements                           partenaires

L’Ecole de Photographie de
Vevey remercie :
Daniel Mueller, Directeur du
PhotoforumPasquart ;
Eva Leitolf, photographe, artiste ;
Mathieu-Bernard Reymond,
enseignant au CEPV ; IDPURE
(Ann Griffin, Nicolas Jeanmairet
et Thierry Hausermann)
                                        Centre d’enseignement professionnel de Vevey
Eva Leitolf remercie :                  Av. Nestlé 1 – Case postale – CH - 1800 Vevey 1
Les étudiant(e)s et les enseignants     Tél. +41 (0)21 557 14 00 – Fax +41 (0)21 557 14 04
du CEPV avec lesquels elle a            www.cepv.ch – secretariat.cepv@vd.ch
travaillé, Daniel Mueller, IDPURE,
Marlies Ranegger-Belzner et
Bernd Katzbichler pour leur
généreux soutien

Bérénice Mercier remercie :
M. Charly Jaillet et M. Willy Helfer
                                        Faubourg du Lac 71
Antoine Bruy remercie :                 CH - 2502 Bienne
Guillaume Herbaut ; ses parents :       Tél. +41 (0)32 322 44 82 – Fax +41 (0)32 322 45 13
Martine et Jean-Marc Bruy et
bien sûr, toutes les personnes
qui l’ont autorisé à pénétrer dans
les salons de massages afin de
les photographier.

Sabrina Biro remercie :
Rinzing Thaptsangky ; For Noise
Festival et l’espace autogéré
                                                          Département de la formation,
de Lausanne.
                                                          de la jeunesse et de la Culture
                                                          Rue de la Barre 8 – CH - 1014 Lausanne
Yannic Bartolozzi remercie :
                                                          Tél. +41 (0)21 316 30 30
tous les gens qui l’ont laissé entrer
                                                          www.vd.ch
sur leurs propriétés pour photo-
graphier des toblerones ; l’Asso-
ciation de la ligne fortifiée de la
Promenthouse et la bibliothèque
militaire fédérale qui a effectué
des recherches de documentation
sur les toblerones.

Filipe Borges remercie :
Jacques Blanc, Fabrice Ançay,
                                        Ernst&Olga Gubler-Hablützel Stiftung
Christine Cavalera et Véronique
                                        Bleicherweg 45 – CH - 8002 Zürich
Mottiez pour leur aide précieuse.
                                        Tél. +44 202 77 77 – Fax +44 206 16 86
                                        www.gubler-habluetzel.ch
Diego Saldiva remercie :
Lívia, Chica, Magda Laderach,
Andrea da Rocha, Maria José
Perrin, Viviane et Edileusa,
Francisca et Rose pour avoir
ouvert leur maison ; Nicolas
Savary pour l’équipement ;
Roberto et Eloisa Saldiva,              Le magazine suisse du design et de la création visuelle
Bernard et Susanne Cormier              Ch. du Pré 4a – Case postale – CH - 1110 Morges 1
pour le support financier et            Tél. +41 (0)21 802 50 84 – Fax +41 (0)21 802 50 76
Noémie Saldiva pour le support          www.idpure.ch
immatériel.

                                        Centre d’Impression Edipresse s.a.
                                        Ch. de Mochettaz 8 – CP 80 – CH -1030 Bussigny
                                        Tél. +41 (0)21 349 57 57 – Fax +41 (0)21 349 57 39
46   CEPV (2010) — En Filigrane         www.cie-imprimeries.ch
Impressum

Conception                             Graphisme et mise en page
Eva Leitolf, photographe, artiste      Ann Griffin et Nicolas Jeanmairet
et intervenante en Formation           de chez IDPURE (Morges) pendant
supérieure en Photographie, Ecole      un workshop du 25 au 27 août 2010.
de photographie de Vevey / CEPV
                                       —
Virginie Otth, enseignante à l’Ecole
de photographie de Vevey / CEPV        Police de caractère
                                       Theinhardt
Nicolas Savary, responsable de         (distribuée par Optimo Genève)
la Formation supérieure en Photo-
graphie, Ecole de photographie         —
de Vevey / CEPV
                                       Impression
—                                      Centre d’Impression Edipresse s.a.
                                       Christoph Stutz (Commercial)
Photographies                          christoph.stutz@edipresse.ch
Eva Leitolf                            Tél. +41 (0)21 349 57 43
et                                     www.cie-imprimeries.ch
Yannic Bartolozzi, Sabrina Biro,
Filipe Borges, Antoine Bruy,           —
Alizé Hafner, Bérénice Mercier,
Diego Saldiva, étudiant(e)s            Papier
de 2ème année en Formation             80 g/m2 amélioré FSC-Mixed
supérieure en Photographie,
Ecole de photographie de               —
Vevey / CEPV
                                       Tirage :
—                                      3000 exemplaires

Textes                                 —
Ariane Pollet, Daniel Mueller,
Eva Leitolf, Virginie Otth,            © images: Eva Leitolf
Yannic Bartolozzi, Sabrina Biro,       et CEPV / 2010
Filipe Borges, Antoine Bruy,
Alizé Hafner, Bérénice Mercier,
Diego Saldiva

—

Coordination
Virginie Otth, enseignante
à l’Ecole de photographie
de Vevey / CEPV

Nicolas Savary, responsable de
la Formation supérieure en Photo-
graphie, Ecole de photographie
de Vevey / CEPV

Léonore Veya, responsable
de l’Ecole de photographie de
Vevey / CEPV
CEPV | 2010
En Filigrane

En Filigrane est une collaboration entre l’école de photographie de Vevey
et le PhotoforumPasquArt initiée en 2010 par Eva Leitolf, photographe,
intervenante dans le cadre de la Formation supérieure en Photographie.
A partir de sa recherche intitulée Deutsche Bilder – eine Spuchensuche,
les étudiant(e)s ont développé un travail autour de la mémoire, l’histoire
et l’identité suisse.
Cette enquête photographique a pris la double forme d’une exposition
au PhotoforumPasquArt en octobre 2010 et de la publication présente.
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