Dossier Centenaire de la croix de Guerre des TOE - p.I à p.XVI - Association nationale des croix de guerre et de la ...
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Dossier Centenaire de la croix de Guerre des TOE p.I à p.XVI Trentième anniveraire de la guerre du Golfe N° 343 - Mars 2021 - 1er trimestre
■ ÉDITORIAL SOMMAIRE 3 ASSOCIATION NATIONALE DES CROIX ............................................................................................................ DE GUERRE ET DE LA VALEUR MILITAIRE Fondée en 1919. Déclarée conformément à la loi du 1-VII-1901. Approuvée par le ministre ■ HISTOIRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 de l’Intérieur. Reconnue d’utilité publique : décret du 22 avril 1963. Affiliée à la Fédération nationale André Maginot - Gr. 31 ■ DOSSIER CENTRAL DÉTACHABLE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . I-XVI Comité d’honneur : Général d’armée (2S) Bertrand Centenaire de la croix de Guerre des théâtres d’opérations extérieurs Ract-Madoux, Amiral (2S) Alain Oudot de Dainville, Général d’armée DR (2S) Denis Favier, Médecin général inspecteur (2S) Jean-Louis André, Général d’armée aérienne (2S) Stéphane Abrial, Renaud Denoix de Saint Marc, vice-président du Conseil d’Etat (H), la Ville de Paris Présidents d’honneur : Général (2S) Jacques Larchet Chef d’escadrons (H) François Castanier ■ CULTURE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Président national : Michel Bachette-Peyrade Vice-Présidents : Alain Bonnet, Daniel Gyre ■ INSTITUTION CIVILE DÉCORÉE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 Secrétaire général : Emmanuel Montanié Secrétaire général adjoint : ■ VILLE DÉCORÉE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 Fabrice Tedoldi Trésorière nationale : Jacqueline Combémorel ■ VIE DES SECTIONS. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 Chancelier : Christian Bayol Conseil d’administration : Michel ■ INFORMATIONS SERVICES. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 Bachette-Peyrade, Christian Blondel, Alain Bonnet, Michel Bugeaud, François Castanier, Pierre Castillon, Jacqueline Combémorel, Franck ■ CARNET . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 Galland, Jean Folia, Daniel Gyre, Emmanuel Montanié, Loïc Salmon, Fabrice Tedoldi (conseiller technique). Des informations complémentaires sur la Défense, ADRESSE DU SIÈGE SOCIAL : renouvelées périodiquement, sont accessibles sur le site internet : A.N.C.G.V.M. Hôtel national des Invalides Cour d’honneur escalier H www.croixdeguerre-valeurmilitaire.fr 129, rue de Grenelle - 75007 PARIS « Croix de guerre et Valeur militaire » TRÉSORIÈRE NATIONALE : Jacqueline Combémorel - 01 44 42 38 47 « Valeur Militaire » Courriel : tresoriere.ancgvm@sfr.fr PERMANENCE SECRÉTARIAT : REVUE CROIX DE GUERRE ET VALEUR MILITAIRE Directeur de la publication : Michel Bachette-Peyrade mardi, mercredi et jeudi 9h30-16h00 Rédacteur en chef : Loïc Salmon - 01 44 42 38 47 - Courriel : bulletincgvm@sfr.fr Charlette Dumont - 01 44 42 38 47 Secrétaire de rédaction : Nelly Gosselin Courriel : ancgvm@sfr.fr Imprimerie : Centr’Imprim 36101 Issoudun Cedex Dépôt légal N°202103.0010 Commission paritaire N° 0321 A O6885 I.S.S.N. 1247-9918
CROIX DE GUERRE ET VALEUR MILITAIRE ÉDITORIAL Messieurs les chefs de corps et commandants des unités décorées, Mesdames et Messieurs les élus des villes décorées, Mesdames et Messieurs les représentants des Institutions civiles décorées, mes chers camarades, Je reprends la plume pour ce premier numéro de l’année 2021, toujours placée sous la menace du développement insaisissable du virus. Notre congrès national 2021, prévu à Lorient (Morbihan) du 3 au 5 juin prochain, est pour l’instant maintenu. Les autorités civiles et militaires du Morbihan nous ont d’ores et déjà réservé le meilleur accueil. Avec malheureusement les réserves aujourd’hui d’usage, la contrainte d’un potentiel confinement ou bien les restrictions de couvre-feu. La décision du maintien ou de l’annulation de cet événement majeur dans la vie de notre association sera prise lors d’une réunion de notre bureau national le 27 avril 2021. Dans tous les cas, notre assemblée générale sera maintenue le 3 juin 2021 à 10h00 sous un format à définir. Les éléments de cette assemblée générale figurent en page 18 de ce numéro de la revue et seront diffusés aux sections locales. Nous avons appris avec tristesse le décès du président de la section de Valenciennes, notre camarade Daniel Leroy. Habitant Berlaimont (croix de Guerre 1914-1918), Daniel Leroy fut longtemps un trésorier efficace de la section de Valenciennes. Il en était le président depuis 2014. Daniel Leroy n’a ménagé ni son temps ni sa peine pour animer sa section, et recruter de nouveaux adhérents et villes décorées du Nord pour sa section. Merci Daniel pour cette marque du courage. Nous consacrons ce numéro spécial de notre revue « Croix de Guerre et Valeur Militaire » à la croix de Guerre des théâtres d’opérations extérieurs (TOE), dont on célèbre cette année le centenaire de la création. Je tiens à remercier ici nos amis du Service historique de la Défense ayant accordé leur concours à la réalisation de la brochure historique insérée dans la revue. Merci également au général d'armée François Lecointre, chef d'État-major des armées, qui nous fait l'honneur et l’amitié de préfacer ce document dédié à cette belle décoration que nombre d'entre vous ont reçue pour leur courage et leur bravoure en Indochine, au Bataillon de Corée et plus récemment pour la guerre du Golfe, il y a tout juste trente ans, et les opérations au Kosovo en 1999. La fin d’année verra se tenir la journée d’étude, consacrée aux « Institutions civiles décorées de la croix de Guerre » et organisée par notre association avec le concours du Service historique de la Défense. Cet événement devrait se tenir, sous réserve des restrictions d’ordre sanitaire, à Paris le 9 décembre prochain dans les locaux de l’Ecole nationale d’administration. En 2002, celle-ci a intégré l’Ecole nationale de la France d’outre-mer, décorée de la croix de Guerre des TOE et dont l’histoire est relatée dans ce numéro. Je vous remercie à nouveau de transmettre au siège national toutes les difficultés rencontrées par nos membres et leurs familles en cette période incertaine. Continuez à prendre soin de vous, de vos administrés ou de vos subordonnés, et de leurs familles, sans relâche jusqu’à l’issue de la pandémie. Bien fidèlement. Michel BACHETTE-PEYRADE, président national N° 343 - Mars 2021 - 1er trimestre 3
CROIX DE GUERRE ET VALEUR MILITAIRE Il y a 30 ans, la guerre A peine le rideau de fer levé, l’Occident découvre, le 2 août 1990, l’invasion du Koweït par l’Irak, puissance régionale qui sort à peine de huit ans de conflit fratricide avec l’Iran. Immédiatement, cet évènement sur fond de maîtrise des ressources pétrolifères apparaît comme un défi grave pour la communauté internationale. Forte de la résolution 660 de l’ONU qui conduit à des sanctions économiques immédiates, une coalition de 35 états va devoir recourir à la guerre pour obtenir l’évacuation du pays. A la suite de cette guerre, dite du Golfe, 11 formations terrestres et 6 formations aériennes françaises portent l’inscription « Koweït 1990-1991 » sur leurs drapeaux et étendards. Les forces maritimes françaises de (500 hommes) et d’appareils du bler ses forces. Les bases d’une action H l’océan Indien déjà présentes sont im- transport aérien militaire, en mesure coordonnée sont jetées, tandis que la médiatement renforcées et participent de bénéficier de l’appui de la Force aé- diplomatie œuvre toujours. Le I à la mise en place d’un embargo inter- rienne tactique. La force aéroterrestre contexte apparaît comme différent, national et œuvrent au prépositionne- française est positionnée comme estime le général Roquejeoffre, ment d’éléments d’alerte (opérations force de dissuasion sur le Camp du Roi «parce que s’accumulent des me- S « Artimon » et « Salamandre »). Khaled. La France décide alors de dou- naces jamais rassemblées dans un T Longue montée en puissance Le 5 septembre, un premier détache- O ment arrive à Yambu pour aider l’Ara- bie Saoudite (opération « Busiris»). I Le 15, l’opération Daguet est déclen- chée suite à la violation de l’enceinte R de l’ambassade de France au Koweït. Le président de la République, Fran- çois Mitterrand, justifie l’engagement E de la France par la nécessité de faire respecter « l’Etat de droit ». Dès le 19, une mission d’évaluation aux ordres du général de corps d’ar- mée Roquejeoffre, commandant la Force d’action rapide, est lancée et le lendemain, la division « Daguet » (2.600 hommes), commandée par le général de brigade Mouscardes, est formée autour du noyau de la 6ème Division légère blindée. Ce corps est soutenu par un groupement logistique L’offensive aéroterrestre française ©RNI 4 N° 343 - Mars 2021 - 1er trimestre
CROIX DE GUERRE ET VALEUR MILITAIRE du Golfe (2 août 1990-28 février 1991) même conflit [récent] : le danger aé- de repli ou de riposte. En tête, avec, à du conflit tranche avec la volonté du roterrestre, le danger chimique et le sa droite, les éléments de la 101ème président de la République d’incarner danger terroriste permanents ». Division d’assaut américaine, la divi- pleinement le chef de guerre devant sion Daguet fait preuve de vitesse et l’opinion publique. Opération d’audace, en contournant systémati- La professionnalisation de l’armée aéroterrestre éclair quement la 45ème Division irakienne française est acquise. Le retour d’ex- Le 17 janvier 1991 marque le début soumise à l’action combinée avions- périence met en avant la nécessité de l’opération « Tempête du Désert » hélicoptères et à des appuis feux four- d’améliorer la mobilité, avec le déve- avec la participation de 12 Mirage nis. Des unités irakiennes s’effondrent loppement du futur avion de transport H 2000, 5 Mirage F1 CR et 16 Jaguar d’emblée. tactique A 400M, et l’interopérabilité du dispositif à la bataille aérienne des- L’attaque des forces lourdes blindées par « l’interarmisation » et les ré- I tinée à affaiblir le potentiel irakien. Es- mécanisées est avancée de 24 h sur seaux de commandement. timée à 10 jours, cette phase est al- l’axe central et, au bout de 48 h, l’ob- Cette guerre a constitué un laboratoire longée du fait d’une météorologie jectif final, l’aérodrome d’Al Salman par ses défis logistiques et de soutien S défavorable, qui empêche d’apprécier situé à 250 km du point initial, est at- du combattant ainsi que sa médiatisa- les résultats des raids et la protection teint. Après la guerre, le général tion. Elle a confirmé des concepts de T des forces irakiennes ayant bénéficié Schwarzkopf, chef du Commande- matériels majeurs (lance-roquettes de mois de travaux d’enfouissement. ment central des Etats-Unis et sur le multiple, hélicoptère Tigre) ou de les En parallèle, la division Daguet rejoint terrain commandant en chef de la co- réorienter (système sol-air de O une zone de déploiement opération- alition internationale, précisera « Peu moyenne portée), tandis que cer- nel au Nord de Rafha. de personnes savent qu’à la fin du taines dotations voient leur durée de I Le 8 février, le général Mouscardes, premier jour d’attaque terrestre, après vie allongée du fait de leur bon com- rapatrié sanitaire, est remplacé par le avoir réalisé leur percée fantastique, portement (véhicules blindés VAB et R général de brigade Janvier. L’attente les forces françaises [étaient celles] AMX-10 RC). est consacrée aux derniers prépara- qui avaient le plus profondément pé- Dès 1992, sont créées des structures tifs, entraînements spécifiques et der- nétré en Irak ». interarmées : le commandement opé- E niers renforcements par 50 rotations Débordé, l’Irak accepte les résolutions rationnel interarmées, qui préfigure le maritimes pour transporter l’ensem- du Conseil de sécurité de l’ONU. Le Centre de planification et de conduite ble du personnel, 4.000 véhicules et cessez-le-feu entre en vigueur dès le des opérations ; la Direction du rensei- 75.000 t de matériel. 28 février 8h. Les opérations généra- gnement militaire, afin de ne plus dé- Le 24 février à 5h30, les forces terres- lisées de déminage peuvent débuter pendre du renseignement allié ; le tres alliées sont engagées en Irak et et provoqueront 2 morts pour un total Commandement des opérations spé- au Koweït, avec pour objectif d’isoler de 7 morts et 38 blessés. ciales. et de détruire la Garde républicaine irakienne. L’ordre est donné d’atta- Conséquences Chef de bataillon Eva Renucci quer la zone désertique « Rocham- pour les armées chargée de recherches beau », pour éviter toute manœuvre Au bilan, la gestion politico-militaire Service historique de la Défense N° 343 - Mars 2021 - 1er trimestre 5
CROIX DE GUERRE ET VALEUR MILITAIRE Le Pacte de L’année1949 constitue à bien des égards un tournant dans l’intensification de la Guerre froide : cette année-là, est fondée l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), première alliance militaire multilatérale et pérenne en temps de paix, sous l’égide des États-Unis, alors seule puissance nucléaire capable d’un emploi opérationnel de l’arme ultime. Face à cette double menace, les territoires sous contrôle direct ou indirect de l’Union soviétique demeurent largement désarmés. Certes, l’Union soviétique procède à sant pas de l’industrie de défense mo- souvent expérimentés, seraient un ses premiers essais atomiques, mais derne des Soviétiques. atout non négligeable. Afin que les sa- H ne dispose ni des bombes, ni des vec- tellites soient plus qu’une zone-tam- teurs en nombre suffisant pour ripos- Création retardée pon destinée à absorber le choc d’une I ter à des frappes américaines. En Eu- Si le Pacte de Varsovie ne naît pas im- agression impérialiste, l’URSS com- rope continentale, l’équilibre des médiatement après la guerre, ni mence par purger leurs corps des offi- forces conventionnelles semble très même juste après la création de ciers, puis suscite l’expansion de leurs S favorable à l’armée soviétique, car les l’OTAN, c’est d’abord parce que Sta- effectifs (jusque-là demeurés faibles) pays occidentaux refusent encore line fait face à d’autres priorités et avant de leur livrer les matériels et les T d’assumer le coût d’une défense à la d’autres urgences : consolider la domi- licences de production pour construire, hauteur du défi stratégique que repré- nation des partis communistes dans notamment, des chars et des avions sente l’empire militarisé de Staline. les États de sa sphère d’influence (Eu- de combats modernes. Chaque « ar- O De plus, certains pays sont enlisés rope centrale et orientale, Asie de mée populaire » se voit ainsi équipée dans des guerres coloniales (Indo- l’Est) et garantir la loyauté totale des de chars T-54/55, d’avions de chasse I chine) ou se concentrent sur leur re- nouveaux dirigeants, parmi lesquels MiG-15 puis des illustres successeurs construction (Italie, toute nouvelle Ré- se trouvent des partisans d’une ligne de ces excellents et robustes maté- R publique fédérale allemande). Mais plus autonome vis-à-vis de l’Union so- riels. Par ailleurs, une armée est-alle- cet avantage net du camp socialiste viétique. C’est pourquoi entre 1945 mande (la NVA) est créée, sanctuari- semble alors fragile, car les Améri- et le tout début des années 1950, sant l’emprise soviétique sur la E cains et leurs alliés résistent à l’expan- l’axe d’effort est plus politique et «Mitteleuropa» et gelant toute réuni- sion du communisme, notamment en idéologique que militaire. L’armée so- fication. Surtout, une structure de Corée. Ce conflit de haute intensité viétique dégrossit et se modernise, commandement est mise en place. par excellence illustre certaines fai- sans vraiment partager les fruits de C’est Nikita Khrouchtchev, successeur blesses occidentales, mais aussi une son développement avec ses institu- de Staline, qui fonde cette organisa- véritable capacité de mobilisation di- tions « sœurs » et, de fait, quasi vas- tion appelée à durer jusqu’aux der- plomatique, un savoir-faire technolo- sales, inhibant plutôt leur modernisa- niers mois de l’Union soviétique. gique et des qualités de commande- tion technologique. La Guerre de ment. En outre, les nouveaux soutiens Corée fait prendre conscience à Sta- Fonctionnement de l’URSS – Corée du Nord ou Chine line qu’en cas de confrontation, les Le Pacte de Varsovie est signé dans la maoïste – s’avèrent aussi combattifs petites armées de l’Est, encore récem- ville éponyme le 14 mai 1955 : il est que militairement indigents, ne dispo- ment dotées de cadres compétents et tout autant une structure politique 6 N° 343 - Mars 2021 - 1er trimestre
CROIX DE GUERRE ET VALEUR MILITAIRE Varsovie (1955-1991) qu’un organe de commandement in- principaux. Si la Bundeswehr ouest-al- alors que l’Europe communiste terallié pour les huit armées (toute lemande constitue rapidement un connaît des difficultés économiques, l’Europe communiste, moins la You- atout appréciable pour l’OTAN, struc- que l’intégration et l’interopérabilité goslavie de Tito). Sur le plan idéolo- ture désormais bien rodée, le Pacte ne au sein du Pacte se renforcent. De gique, le Pacte encourage les coopéra- monte que lentement en puissance. grands exercices sont menés, rassem- tions et systématise les séjours de D’abord, parce que les pays membres blant parfois des dizaines de milliers formation dans les pays amis, c’est-à- manquent d’autonomie et sont le plus d’hommes et un matériel considéra- dire essentiellement l’incontournable souvent en retard de quelques années ble, comme « Vltava » en 1966 en passage, pour les officiers les plus pro- sur la technologie soviétique, qui ne Tchécoslovaquie. Certaines de ces H metteurs des pays satellites, dans une leur est livrée que précautionneuse- grandes manœuvres auront un but po- académie militaire soviétique, parfois ment. Ensuite, parce que leurs indus- litique : montrer la puissance sovié- I à plusieurs reprises, plus rarement tries de défense, prisonnières du fonc- tique, voire préparer une intervention dans celle d’un pays-frère (Tchécoslo- tionnement parfois rigide du Conseil contre un pays satellite rebelle. vaques en Pologne, etc.). Les hauts d’assistance économique mutuelle S fonctionnaires militaires du Pacte sont (Comecon), n’ont pas la liberté des Divisions internes ainsi évalués, contrôlés et solidement grandes entreprises ouest-euro- En effet, le Pacte n’est pas aussi unifié T arrimés à la locomotive soviétique, péennes, soutenues par des États sou- qu’il n’y paraît. Alors que l’OTAN s’ac- malgré des frictions et des déceptions. vent protectionnistes en matière d’ar- commode de régimes politiques diffé- Sur le plan militaire, l’Union sovié- mement malgré l’essor des rents (le Portugal de Salazar ou la Tur- O tique prend résolument la tête du vo- coopérations. Enfin, le Pacte avait quie kémaliste et militariste), l’Union let opérationnel du Pacte, en s’adju- d’abord été pensé comme une ré- soviétique ne tolère pas les diver- I geant les postes de commandement ponse politique aux efforts de consoli- gences de ligne. Ainsi, la Hongrie en dation du fait les frais, après avoir voulu quitter R bloc occi- l’alliance militaire, lorsque les parti- dental. sans du réformateur Imre Nagy sont C’est sur- écrasés par les armes en 1956. Puis, E tout au dé- en Tchécoslovaquie, le « Printemps de but des an- Prague » des révisionnistes autour nées 1960, d’Alexander Dubček mène à l’inter- dans le vention du 21 août 1968. Les forces contexte soviétiques, appuyées par les troupes tendu de la polonaises, hongroises, est-alle- crise de mandes et bulgares, occupent le terri- Cuba et toire tchécoslovaque et imposent un Nikita S. Khrouchtchev lors d’une visite officielle en France, en 1960. © SHD N° 343 - Mars 2021 - 1er trimestre 7
CROIX DE GUERRE ET VALEUR MILITAIRE retour au conservatisme néostalinien, le cas des Polonais et des Tchécoslo- sent à un effondrement le plus sou- jusqu’en 1989. D’allié, le pays de- vaques, qui livrent des armes à l’Algé- vent pacifique des gouvernements vient occupé. Ce coup de force suscite rie. Plus largement, les membres du communistes. En Roumanie, l’armée quelques réactions symboliques, Pacte entretiennent des liens tant mi- abandonne le président Ceausescu et comme le suicide par immolation du litaires que de coopération civile avec contribue à sa chute. Ailleurs, les sol- Polonais Ryszard Siwiec, et surtout les pays d’obédience socialiste ou re- dats restent dans leurs casernes. Les des défections : celle de la Roumanie, cherchant l’assistance soviétique, nouveaux régimes pluralistes se reti- qui reste membre du Pacte mais re- aussi bien en Afrique qu’au Moyen- rent les uns après les autres du Pacte, fuse de participer à l’invasion, et celle Orient. à commencer par la République démo- H de l’Albanie, déjà brouillée avec Mos- cratique allemande bientôt intégrée à cou et qui officialise la rupture. Malgré Fin du Pacte la République fédérale allemande, et les réticences, l’URSS de Brejnev par- À la fin des années 1980, le Pacte donc à l’OTAN. Puis, tous ses mem- I vient à maintenir intacte et opération- continue de représenter la principale bres ayant annoncé leur départ, Gor- nelle la structure de commandement. menace à laquelle les armées occi- batchev acte la dissolution du Pacte le S De surcroît, les dirigeants est-euro- dentales se préparent à faire face. 1er juillet 1991. Par des accords bila- péens peuvent s’appuyer sur des ar- Modernes, intégrant la composante téraux, les troupes soviétiques se reti- mées disciplinées, dont les officiers NRBC (nucléaire, radiologique, biolo- reront dans les années suivantes des T sont majoritairement membres du gique et chimique) des effectifs im- pays d’Europe centrale et orientale, Parti ccommuniste, soucieux de ne portants et des matériels lourds plé- mettant un terme à des décennies de O pas s’engager dans de mortifères po- thoriques, les armées du Pacte font présence soviétique et de coopération lémiques idéologiques, et bénéfi- encore peur. Leur disparition est militaire asymétrique. ciaires de privilèges économiques no- d’abord politique. Le renoncement de I tables, en particulier les officiers Mikhaïl Gorbatchev à l’emploi de la Paul Lenormand supérieurs et généraux, véritables ap- force et l’extrême précaution des professeur agrégé et docteur en R paratchiks du socialisme tardif. chefs militaires des satellites vis-à-vis histoire, chargé de recherches, des manifestations populaires de d’études et d’enseignement E Aide aux pays tiers 1989, entre autres facteurs, condui- Service historique de la Défense Si le Pacte de Varsovie est véritable- ment une structure européenne qui n’inclut pas de grands pays socialistes comme la Chine ou le Vietnam, il fa- vorise pourtant les échanges directs ou non avec le monde colonial ou en voie de décolonisation. Les pays membres servent souvent d’intermé- diaire entre l’Union soviétique et les interlocuteurs indépendantistes qui re- cherchent le soutien de Moscou. C’est Un MiG-23 soviétique lors d’une démonstration en région parisienne.© SHD 8 N° 343 - Mars 2021 - 1er trimestre
CROIX DE GUERRE ET VALEUR MILITAIRE Le train blindé tchécoslovaque « Orlik » décoré de la croix de Guerre française 1914-1918 Née de la réorganisation géographique de l’Europe à l’issue de la première guerre mondiale, la Tché- coslovaquie est une parcelle de l’ancien Empire austro-hongrois. Les efforts pour réaliser l’unité des Tchèques et pour les ramener au combat du côté allié, commencent en 1916. Leur fonction première de transport de troupes, les trains blindés prennent une valeur symbolique. Après de nombreux pourparlers no- miers prisonniers. En 1915, il y a la Družina à un long périple vers l’Est H tamment avec Thomàs G. Masaryk, 4.000 prisonniers tchèques en pour embarquer à Vladivostock, avec professeur de philosophie, et Edouard France, 50.000 en Russie et 10.000 le 6ème Régiment en arrière-garde. I Benes, un de ses élèves devenu pro- en Italie. Leur engagement contre les fesseur d’économie politique, les Al- Austro-Hongrois pèserait dans la ba- Les trains blindés liés comprenant encore les Russes, lance des forces en présence. En tchèques de 1918 à S commencent à considérer que la 1916, ils sont 300.000 en Russie. août 1920 haine des Tchèques et des Slovaques Le 16 décembre, le décret établissant La progression se fait en suivant la T contre les Autrichiens pourrait être uti- l’existence de l’armée tchèque est si- voie ferrée. Il devient urgent d’assurer lisée à leur profit. gné. La révolution russe renverse l’an- la défense de l’arrière-garde, et d’au- Le Conseil national des pays tchèques cien régime et un accord entre les Bol- tant plus que les « Rouges » passent O est créé à Paris avec le soutien d’Aris- cheviks et les Tchèques autorise à l’action contre les Tchèques. jeune armée tchèque, la Česka tide Briand. Au front, l’embryon de la ceux-ci à employer le Transsibérien Parmi tous les trains blindés, l’auto- I pour rejoindre le front Ouest. Cepen- moteur « Zaamourietz » est un des Družina ou brigade tchèque, remporte dant les Allemands et les Ukrainiens engins symboliques de la révolution ses premiers succès et fait ses pre- empêchent ce mouvement et obligent russe. Il est construit en 1916 pour R E Très belle photo de l’automoteur qui opérait avec ou indépendamment du train blindé ORLIK (ici la locomotive est absente). On note l’officier tchèque à gauche, avec un groupe d’officiers japonais. On note aussi les derniers aménagements comme le projecteur sur le toit. (Coll. Paul MALMASSARI) N° 343 - Mars 2021 - 1er trimestre 9
CROIX DE GUERRE ET VALEUR MILITAIRE l’armée russe, avec un blindage de 16 peut noter que celle-ci est calme et le 1922. A la chute de Vladivostok, Orlik mm et deux canons de 57 mm.Au mo- « le train blindé Orlik (…) veille sur rejoint l’armée de Zhang Zongchang ment de la première amélioration, l’ordre ». Le 8 avril 1920, à Tchita, un en Chine. huit mitrailleuses sont ajoutées. incident avec les Japonais oblige Paul Malmassari, L’autorail fait partie d’un train blindé l’équipage fort de quatre officiers et directeur de la Fondation pour composé d’une locomotive et deux cent hommes à leur remettre le train, la mémoire de la guerre d’Algérie wagons blindés. Stationné à Odessa coup de force sans lendemain, car les et des combats du Maroc pour des réparations à la fin de 1917, négociations diplomatiques rétablis- et de Tunisie la Révolution russe le surprend et il sent la situation le 13 avril. Après le passe en mains ukrainiennes puis bol- rembarquement des dernières troupes (1) Petit aigle en tchèque, également H chéviques, enfin allemandes en tchèques le 24 mai 1920, le train est le nom d’un château. Le nom «Orlik» 1918. Un seigneur de la guerre ukrai- remis aux Japonais, qui occupent la est très populaire chez les soldats nien l’utilise jusqu’à ce que les région, mais les Américains exigent tchèques. Le 4ème Régiment possède I «Rouges» le capturent à nouveau à qu’il soit donné aux « Blancs ». Ces un autre « Orlik », construit à Penza Kiev. Endommagé lors de combats derniers l’utilisent jusqu’à l’automne en mai 1918. S contre les anarchistes, il est ensuite engagé contre les Roumains. Après une remise en état à Odessa, le T train est engagé contre les Allemands, puis mis sous le commandement de la O Première Armée révolutionnaire sous le nom de « Lénine ». Lorsque les Bol- chéviques affrontent la Légion I tchèque, celle-ci capture l’autorail in- tact à Simbirsk le 22 juillet 1918 et R le rebaptise « Orlik » (1) deux jours après. Il est alors affecté au 4ème Ré- giment et participe immédiatement E aux opérations sur la voie ferrée Oulia- nov-Tchita. En octobre 1918, le train est partagé en «Orlik I» et «Orlik II», qui opèrent respectivement à Priytovo et Abdu- lino. A nouveau sous sa forme inté- grale, il assure la sécurité du Transsi- bérien pendant l’été 1919, période pendant laquelle les sabotages sont incessants. Quand le train est affecté Le diplôme original, signé à Tchita, est conservé aux archives militaires tchèques. à la gare d’Irkoutsk, le général Janin (Vojenský Ústředni Archív, VHA) 10 N° 343 - Mars 2021 - 1er trimestre
LA CROIX DE GUERRE DES THÉÂTRES D’OPÉRATIONS EXTÉRIEURS
Editorial Parmi les plus belles décorations décernées à nos soldats de ASSOCIATION NATIONALE l’armée française, la croix de Guerre des théâtres d’opérations DES CROIX DE GUERRE extérieurs tient une place historique et très particulière. ET DE LA VALEUR MILITAIRE Elle constitue dès 1921, il y a cent ans, à l’image de la prestigieuse croix de Guerre 1914-1918, le prix du sang, mais souvent aussi le prix de souffrances, sur des théâtres d’opérations très éloignés de la métropole, souvent oubliés de nos concitoyens peu au fait des données géopolitiques de l’époque. Opérations de pacification, d’assistance au développement ou de lutte contre les totalitarismes qui asservissent les peuples, qui furent l’honneur de la France protectrice des opprimés. L'Association nationale des croix de guerre et de la valeur militaire, forte des valeurs morales dont elle est la gardienne, Fondée en 1919. Déclarée avait par conséquent un devoir impérieux de servir une fois de conformément à la loi plus la « marque du Courage », que constitue la croix de Guerre du 1-VII-1901. Approuvée des théâtres d’opérations extérieurs, et ses titulaires, soldats, par le ministre de l’Intérieur. Reconnue unités militaires, villes et aussi institutions civiles, à l'image des d’utilité publique : décret du 22 avril croix de Guerre de nos valeureux combattants des deux guerres 1963. Affiliée à la Fédération nationale mondiales. André Maginot - Gr. 31 Colonel Michel BACHETTE-PEYRADE Président national ADRESSE POSTALE : ANCGVM Sommaire Hôtel national des Invalides 129, rue de Grenelle 75700 PARIS Cedex 07. Courriel : ancgvm@sfr.fr Une croix de Guerre... après la guerre Imprimerie Centr’Imprim p. VI 36101 Issoudun Cedex Des insignes peu modifiés Des informations p. VII La croix des guerres complémentaires du bout du monde sur la Défense, p. VIII renouvelées périodiquement, sont disponibles sur le site : Quelques portraits www.croixdeguerre-valeurmilitaire.fr de récipiendaires p. IX à XI Vous pouvez les retrouver toutes en cliquant Les unités décorées sur «Actualités» ou «Archives». Facebook : p. XII L’ANCGVM « Croix de guerre et Valeur militaire » à l’honneur Twitter : p. XIII à XV « Valeur Militaire ».
Préface du chef d’État-major des armées S ix ans après la « croix de Guerre », la loi du 30 avril 1921 institue la « croix de Guerre spéciale au titre des théâtres extérieurs d’opérations ». D’emblée, cette croix de Guerre des TOE va s’inscrire dans la continuité de son illustre devan- cière. D’abord parce que la rétroactivité de la loi de 1921 fait qu’elle couvre toutes les opérations depuis le 11 novembre 1918. Ensuite parce qu’elle vise au même but : commémorer les citations obtenues par les militaires dans leurs actions au service de la France et marquer la reconnaissance de la patrie devant des actes de bravoure exceptionnels au combat. Prudents – ou réalistes –, les législateurs de 1921 prévoient que la croix de Guerre des TOE commémorera les opérations « qui auraient lieu à l’avenir » et ne lui fixent donc pas de terme. C’est la raison pour laquelle cette croix sera attribuée tout au © EMA long du XXème siècle. La liste des campagnes qui ouvrent droit à la croix de Guerre des TOE propose un reflet fidèle des en- gagements de l’armée française entre les deux guerres puis après 1945 : Levant, Orient, Maroc, Afrique équatoriale française, Afrique occidentale française, Indochine, III missions militaires. Si la croix de Guerre des TOE peut être attribuée à un militaire ou à une unité, elle n’exclut pas la dimension collective, bien au contraire. Toute unité militaire titulaire d’au moins deux citations à l’ordre de l’armée peut ainsi arborer la fourragère aux couleurs de la croix de Guerre des TOE. Qu’elle soit individuelle ou collective, la distinction participe magnifiquement à la construction et à l’entretien de l’esprit de corps, qualité militaire fondamentale et condition inaltérable du succès des armes. Il est frappant de constater que cette croix de Guerre des TOE sera encore attribuée après 1989 et l’effondre- ment de l’URSS. A ceux qui étaient intimement convaincus de vivre « la fin de l’Histoire » et prédisaient déjà la disparition de la guerre, le Golfe en 1990-91 et le Kosovo en 1999 apporteront un démenti cinglant. Outre ces deux théâtres, l’armée française est engagée à travers le monde, depuis plus de trente ans, dans des opé- rations dont le niveau de violence est – ponctuellement – comparable à celui des conflits passés. En témoignent les multiples croix de la Valeur militaire décernées aux femmes et aux hommes qui servent la France, avec bravoure, constance et humilité. S’il ne fallait mettre à l’honneur qu’une seule de ces croix de Guerre des TOE, je choisirais de citer Geneviève de Galard, décorée le 29 avril 1954, au sein du camp retranché de Diên Biên Phu, et dont l’exemple inspire aujourd’hui encore les jeunes générations de militaires. Enfin, je pense que le fait de croiser ici et là des militaires d’active décorés de la croix de Guerre des TOE, loin d’être anachronique, porte un témoignage essentiel auprès de nos conci- toyens, celui de la violence du monde dans lequel nous vivons. Violence qui appelle en retour, plus que jamais, le courage, l’audace et le dévouement des hommes et des femmes qui choisissent de servir sous les armes en acceptant lucidement la charge de contraintes et de danger qui les exposeront et justi- © EMA fient pleinement les croix que nous leur décernons. Général d’armée François LECOINTRE
IV
LA GUERRE AILLEURS, LA BRAVOURE PARTOUT LA CROIX DE GUERRE DES THÉÂTRES S D’OPÉRATIONS EXTÉRIEURS i les croix de Guerre, créées à l’occasion de taires qui se sont distingués sur le champ de ba- la Grande Guerre et de la seconde guerre taille. Cette déclinaison originale de la croix de mondiale, ont été décernées pour des Guerre instaurée en 1915 en constitue un prolon- conflits spécifiques, il n’en est pas de même pour gement, atypique, témoignant de l’intérêt de la croix de Guerre des théâtres d’opérations ex- conserver et adapter un principe de décoration térieurs (TOE), laquelle, dès son instauration, fut qui a fait ses preuves pendant la première guerre prévue pour être décernée à l’occasion d’opéra- mondiale. Alors qu’elle fête son centenaire, la tions de guerre actuelles mais aussi futures. croix de Guerre des TOE est une décoration pres- C’est donc une croix de Guerre « ouverte » que le tigieuse et d’une grande modernité, qui a jalonné législateur a créée en 1921, offrant par-là même de nombreux conflits du XXe siècle dans lesquels un moyen de continuer à récompenser les mili- la France a été engagée. Citation à l’ordre de la brigade d’un officier au titre de la guerre d’Indochine. V Musée de la Légion d’honneur et des ordres de chevalerie. Citation collective pour les opérations du Maroc pendant l’entre-deux-guerres. Musée de la Légion d’honneur et des ordres de chevalerie. Dessin original représentant la croix de Guerre des TOE, avec trois citations. Musée de la Légion d’honneur et des ordres de chevalerie.
UNE CROIX DE GUERRE… APRÈS LA GUERRE D ans l’immédiat après-guerre, tions législatives de l’automne 1919. le maréchal Fayolle avait été Sans doute cette prégnance du monde nommé président de la combattant a-t-elle permis d’accélérer commission d’examen des récom- le processus législatif, puisque c’est en penses. Cette instance avait notam- effet sans discussion que le projet de ment pour rôle de fixer la date de loi est adopté par la Chambre des dé- cessation d’attribution de citations putés le 21 février 1921, puis par le entraînant le droit au port de la croix Sénat le 16 avril. La loi put ainsi être de Guerre au titre de la première promulguée le 30 avril, soit six ans guerre mondiale. Or de nombreux presque jour pour jour après la créa- combats engageaient encore des tion de la croix de Guerre 1914, qui troupes françaises, en particulier en avait connu tant de difficultés avant de Afrique et au Levant, ou éclataient Maréchal Émile Fayolle. voir le jour. sporadiquement dans un contexte où L’article 1er de la loi du 30 avril 1921 ins- les troupes françaises étaient déjà fortement sollici- tituant une « croix de Guerre spéciale au titre des la « croix de Guerre des théâtres d’opérations tées. L’efficacité du dispositif imaginé en 1915 a ra- théâtres extérieurs d’opérations » (sic) prévoit que extérieurs [est] destinée à commémorer les ci- pidement laissé à penser que sa reprise permettrait tations individuelles obtenues aux divers éche- de continuer à ce que les citations obtenues sur les lons des armées de terre et de mer au cours des différents théâtres d’opérations soient elles-aussi opérations exécutées depuis le 11 novembre VI matérialisées sur le ruban d’une décoration spéci- 1918, ou qui auraient lieu dans l’avenir, pour ser- fique, puisque la croix de Guerre 1914-1918 n’était vices de guerre caractérisés directement liés à plus appropriée. Un premier projet de loi, présenté que « ce serait donc faire œuvre équitable, tout l’expédition. » C’est par un décret du 12 septembre à la Chambre des députés en juillet 1920, concluait en donnant à nos soldats un stimulant réclamé par leurs chefs, que de ne pas leur refuser la ré- de la loi. Son article 3 précise que « la croix de 1921 que furent fixées les modalités d’application compense due à leur bravoure. » Le souci de la Guerre des TOE sera conférée aux militaires et civils qui auront obtenu, pour faits de guerre, une citation individuelle à l’ordre des divers échelons plus grande équité dans le traitement des combat- des armées de terre et de mer, au cours des tants se justifiait, outre par une intention louable des opérations exécutées depuis le 11 novembre pouvoirs publics, par le fait que nombre de ces sol- 1918 ou qui auront lieu dans l’avenir ». On relève dats avaient, quelques années plus tôt seulement, participé à la Grande Guerre et y avaient reçu pour certains la croix de Guerre. Comment, qu’outre la date fixée, à titre rétroactif, à dès lors, expliquer que des actes de celle de l’armistice de la Grande Guerre, bravoure similaires aient pu donner instaurant de fait une véritable conti- lieu à une décoration spécifique alors, nuité dans la façon de récompenser les et que tel ne soit plus le cas pour des combattants, le décret ouvre de façon opérations de guerre postérieures ? très large les possibilités d’attribution Enfin, il convient de rappeler l’impor- de la nouvelle décoration. tance des anciens combattants dans Ensemble d’insignes et de décora- Ses rédacteurs se doutaient-ils de la tions d’un officier parachutiste, le la société française de l’immédiat lieutenant Coulombeau, ayant justesse de leurs prévisions ? La croix après-guerre, à l’image de leur pré- servi en Indochine. de Guerre des TOE allaient en effet, pour sence, si importante à la Chambre des Parmi elles, deux croix de Guerre des décennies, incarner l’une des des TOE. députés, que l’on parle d’une « Cham- Musée de la Légion d’honneur et «marques du courage», à l’image de bre bleu-horizon » depuis les élec- des ordres de chevalerie. son « aînée ».
L DES INSIGNES PEU MODIFIÉS es insignes de la croix de croix de Guerre 1914-1918, Guerre des TOE sont iden- puisqu’il est bleu ciel bordé tiques à ceux de la croix d’une bande rouge de chaque de Guerre décernée au titre de la côté. Si le vert composait le première guerre mondiale. En ruban de la croix de Guerre effet, elle présente la même 1914-1918 (et sera d’ailleurs forme (croix à quatre branches repris pour le ruban de la pattées, avec deux glaives croi- Décorations du général Henry croix de Guerre 1939), tel Martin qui était titulaire sés entre les branches, pointes de 12 citations et des trois croix n’est pas le cas pour la croix vers le haut), les mêmes dimen- de Guerre existantes. de Guerre des TOE. Ce chan- sions (37 mm) et le même métal Il fut grand-croix de la Légion gement est probablement lié d’honneur. (bronze dit « florentin », même au fait que le choix du vert, si se rencontrent parfois des lors des débats de 1915, per- réalisations du secteur privé en mettait d’incarner l’espoir, métal argenté ou doré, voire en Croix d’officier de celui du retour à la France des la Légion d’honneur, argent ou en or). L’avers est croix de Guerre 1939, provinces perdues. Le bleu également le même, avec croix de Guerre des ciel a peut-être, en outre, évo- l’effigie de la République entou- TOE et croix de la qué l’outre-mer et les loin- Valeur militaire du rée de la simple légende général Paul Vanuxem tains, au même titre que celui « REPUBLIQUE FRANÇAISE ». (1904-1979), totalisant employé pour le ruban de la Ce n’est que le revers des in- 25 citations. Médaille coloniale, créée en Musée de la Légion signes qui est modifié, puisque d’honneur et des ordres 1893. Les deux rubans se les dates de la Grande Guerre y de chevalerie. côtoieront d’ailleurs souvent VII sont remplacées par la légende sur la poitrine des soldats du « THEATRES D’OPERATIONS XXe siècle. Il convient de EXTERIEURS ». Celle-ci est inscrite sur trois lignes, noter que lors de l’adoption du projet de loi au la première convexe, la deuxième droite et la der- Sénat, le général Hirschauer, ancien gouverneur nière concave. Certaines fabrications privées portent militaire de Strasbourg et alors récemment élu à la la légende sur trois lignes horizontales, d’autres por- chambre haute, avait insisté pour que le ruban de tent simplement les trois lettres « TOE ». Enfin, un la nouvelle croix de Guerre se distinguât nettement modèle très prisé des collectionneurs, est dit « à la de celui du modèle 1914. Le rouge, évoquant le faute d’orthographe ». En effet, il a la particularité sang versé, restant une permanence malheureuse de présenter une erreur d’accord, puisque l’adjectif de tous les conflits, c’est le vert qui a été supprimé y est accordé avec le nom « opérations », alors que et remplacé. ce sont bien les théâtres qui sont extérieurs… La si- Les agrafes fixées sur le ruban pour y matérialiser TOE et celle créée en 1915 traduit le continuum militude entre les insignes de la croix de Guerre des les citations sont restées quant à elles inchangées: étoiles de bronze, d’argent et de vermeil pour les voulu par le législateur ; renforçant la considération citations à l’ordre du régiment ou de la brigade, à accordée à ceux des soldats qui ont eu à combattre l’ordre de la division, et à l’ordre du corps d’armée; après la Grande Guerre. Conformément à l’esprit de palmes de bronze et, le cas échéant, d’argent pour la loi, et contrairement au modèle instauré en 1915 remplacer cinq palmes de bronze (encore que cet dont le millésime changeait à chaque nouvelle année usage, comme le montre l’iconographie, ne semble du conflit, le revers ne fait mention non plus à des pas avoir été répandu). Parfois, certains titulaires dates, mais à des espaces, de façon suffisamment y ajoutèrent une ancre de marine ou quelque sym- imprécise pour que la décoration puisse, sans chan- bole colonial pour affirmer leur identité, sans que gement, convenir pour des conflits différents. ces agrafes fantaisistes ne revêtissent de caractère Le ruban quant à lui se distingue de celui de la officiel.
Vous pouvez aussi lire