" Elles sOnt l'Inserm " - La parole à Anne Keriel, Chargée de recherche - L'Inserm en région Occitanie ...

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Interview / 15-03-2019

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  La parole à Anne Keriel, Chargée de recherche

Quel est votre parcours professionnel ? Qu’est-ce qui a suscité votre curiosité
pour les sciences ?

Après un Master de physiologie préparé en partie au Canada (Montréal), un Doctorat de biologie
cellulaire et moléculaire (Strasbourg) et un stage postdoctoral (Montpellier), j’ai été recrutée à
l’Inserm comme chercheur, initialement dans le domaine de la virologie (Adénovirus / Rétrovirus).
En 2010, j’ai fait une reconversion thématique pour travailler sur les bactéries appelées Brucella. J’ai
intégré à cette occasion une équipe de Nîmes portée par David O’Callaghan, devenue unité Inserm
1047 au 1er janvier 2011. J’évolue depuis dans cet environnement de travail privilégié.

Les métiers scientifiques me sont familiers depuis mon enfance. Ayant plusieurs chercheurs dans mon
cercle proche, je suis « tombée dans la marmite » très jeune. Je traînais dans les laboratoires étant
enfant, ce qui est aujourd’hui inimaginable naturellement. L’odeur enivrante de l’éther est ma
« singulière » madeleine de Proust.
Mon goût pour les sciences de la vie m’a ensuite dirigée vers mes domaines de recherche actuels.

Brucella…en quelques mots simples, expliquez-nous ?
Les Brucella sont des bactéries responsables de la brucellose, une maladie transmissible des animaux
(élevage ou faune sauvage) vers l’homme. Son diagnostic est très difficile à établir car ses
manifestations cliniques peuvent être extrêmement variées («maladie aux cents visages»).
La brucellose se manifeste généralement comme une mauvaise grippe, caractérisée par de la fièvre,
une très grande fatigue, des sueurs nocturnes et des douleurs articulaires. Mais elle peut également
revêtir un caractère sévère et chronique, et engendrer des conséquences cardiaques ou
neurologiques très graves.

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Interview / 15-03-2019

En quoi consiste votre activité professionnelle ? Quel est l’enjeu de votre
travail ?
Schématiquement, mon travail consiste à mieux comprendre comment les Brucella causent la
maladie. Ces bactéries ayant la particularité de pouvoir se cacher à l’intérieur des cellules animales,
d’en prendre en quelque sorte le contrôle, pour s’y multiplier, j’étudie les interactions entre les
bactéries et les cellules pour tenter de trouver un moyen de bloquer cette multiplication.

L’enjeu de mon travail et de l’ensemble de l’unité est de permettre d’améliorer la gestion de la
brucellose. Il s’agit en deux temps :
• de la diagnostiquer précocement. Notre laboratoire est le Centre National de Référence des
   Brucella. A ce titre, nous réalisons des tests en cas de suspicion de cas humain pour confirmer le
   diagnostic ;
• de la prévenir, et de s’en protéger. Il existe aujourd’hui des traitements antibiotiques très lourds
   pour combattre la brucellose, mais pas de vaccin.

Si cette maladie est désormais rare en France, grâce aux mesures prophylactiques mises en place
depuis les années 80, elle reste très fréquente dans les régions pauvres du monde où la pratique des
métiers de l’élevage reste forte (top 10 des maladies infectieuses avec plusieurs millions de cas/an).
Les conséquences de la brucellose ne sont plus alors seulement médicales, mais également
économiques, humanitaires : les troupeaux contaminés sont décimés pour juguler la propagation,
laissant les populations sans aucune ressource.
La notion de service public, que l’on fait sienne lorsque l’on intègre un Institut comme l’Inserm, trouve
dans cette réalité brutale tout son sens.

                                                               Cellules de placenta humain infectées par
                                                               des Brucella (grossissement 1000x)

                                                               En vert : les bactéries ;
                                                               En bleu : l'ADN des cellules (« noyau ») ;
                                                               En rouge : la surface des cellules
                                                               (« membrane plasmique »).

Crédit photo : Dr S. Hielpos, Unité 1047 Inserm
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Interview / 15-03-2019

Quels sont les principaux défis que vous cherchez à relever dans votre métier ?
Travailler sur des microorganismes pathogènes pose non seulement des problématiques de risque
biologique pour les expérimentateurs, mais demande aussi de repousser les limites technologiques
pour pouvoir étudier ce danger invisible à l’œil nu.

Qu’appréciez-vous le plus dans votre métier ?
Sans doute la stimulation intellectuelle qu’il génère. Notre
travail est une succession d’énigmes à résoudre. Une
nouvelle idée émerge chaque jour. On expérimente, et nos
résultats nous orientent vers une nouvelle énigme. Les
outils qui se perfectionnent sans cesse nous permettent de
réaliser ce qui n’était pas envisageable auparavant. Plus on
avance dans la compréhension, plus on réalise qu’il reste
encore beaucoup de chose à découvrir. C’est vertigineux !
Dans ce métier, il n’y a pas deux jours pareils. Il offre par
ailleurs une grande liberté, dans l’organisation de nos
journées, mais également dans la direction que l’on
souhaite donner à nos projets de recherche. Cette liberté
est indispensable pour prendre du recul et alimenter la
réflexion scientifique.

Une autre partie de mon travail, à laquelle je tiens
particulièrement, est la transmission du savoir. J’enseigne
à la paillasse, en formant de jeunes chercheurs, mais aussi
à l’université. Je participe également chaque année à des
opérations de communication grand public (Fête de la
Science, Nuit des Chercheurs, conférences…).
La vulgarisation scientifique oblige à prendre du recul et à développer des qualités didactiques pour
bien se faire comprendre et partager notre enthousiasme pour ce métier.

Les femmes sont sous-représentées dans les domaines de la science, la
technologie, l’ingénierie, les mathématiques (Source ONU Femmes)…Y’a-t-il
des obstacles à lever dans votre métier lorsque l’on est une femme ?

Je ne ressens pas cette disparité de genre dans mon environnement immédiat. Je n’ai au-delà jamais
été confrontée à de la discrimination de la part de collègues masculins. J’ai souvent eu le sentiment
que mes compétences étaient reconnues. Peut-être parce que j’évolue dans un domaine où… la
majorité de mes collègues sont des femmes !
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Interview / 15-03-2019

  Quels conseils donneriez-vous à un jeune souhaitant s’orienter vers votre métier ?

  Pour faire de la recherche, il est bien entendu indispensable d’être curieux, rigoureux, d’avoir le sens de
  l’observation et du travail en équipe. Mais le plus important, quel que soit le thème de recherche qui
  nous attire, est de ne pas avoir peur du changement. La capacité d’adaptation est selon moi la qualité
  première d’un chercheur.

  Si vous n’aviez pas embrassé cette carrière, qu’auriez-vous aimé faire ?

  J’ai longtemps hésité entre les études vétérinaires et la recherche en santé humaine. En travaillant sur
  une zoonose (maladie animale transmissible à l’Homme), j’ai en quelque sorte combiné mes intérêts pour
  la santé animale et la santé humaine.

  Un mot de la fin ?

  Le plus important pour être épanoui dans ce métier est d’y prendre du plaisir. Il faut s’enthousiasmer de
  chaque petite découverte, s’amuser des imprévus, rester ouvert et curieux. C’est cela qui permet de
  continuer à avancer.

Site de l’unité Inserm 1047
https://u1047.edu.umontpellier.fr/research/theme-1-brucella-virulence-and-t4ss/

L’Inserm en un coup d’œil
https://www.inserm.fr/connaitre-inserm/inserm-en-coup-oeil

Crédit photos
Unité Inserm 1047

Interview
C. Pereira – Responsable Communication DR Inserm Occitanie Méditerranée
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