Le dossier électronique du patient, entre euphorie et amertume
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L’ACTUALITÉ EN MÉDECINE DENTAIRE 243 La Confédération suscite de grandes Le dossier électronique attentes avec le dossier électronique du du patient, entre euphorie patient alors que de nombreuses questions et amertume sont encore sans réponses. Les médecins- dentistes ne sont pas concernés directe- ment pour l’instant. La SSO suit les récents développements de près. Texte : Andrea Renggli, rédactrice SDJ ; photo : Istock Le système de santé suisse doit devenir santé du patient. Selon Adrian Schmid, 2020 n’est qu’une première étape numérique. Le principal pilier de la responsable du centre de compétences et La feuille de route d’eHealth Suisse est « Stratégie Cybersanté Suisse 2.0 » de de coordination eHealth Suisse, il est de ambitieuse. Les institutions de soins sta- la Confédération et des cantons est le la responsabilité du patient qu’une infor- tionnaires – hôpitaux, cliniques de ré- dossier électronique du patient (DEP), mation de cette importance soit acces- adaptation et cliniques psychiatriques – un ensemble de documents médicaux sible à tous les professionnels de la santé ont l’obligation de proposer le DEP au plus personnels enregistrés sur un serveur en qui le suivent. « La personne qui a un DEP tard d’ici avril 2020. Les établissements Suisse. Patients, médecins et autres pro- décide elle-même des informations qui y médico-sociaux et les maisons de nais- fessionnels de la santé, chiropraticiens sont enregistrées ou pas. Mais il faut être sance suivront d’ici 2022. Le DEP sera en ou physiothérapeutes par exemple, conscient des conséquences possibles de revanche facultatif tant pour les patients pourront consulter ces informations cette décision. Les professionnels de la que pour la médecine de ville. en tout temps. santé peuvent aider les patients dans leurs Le DEP peut-il, dans ces conditions, être choix. » pleinement utile et efficace dès son intro- De nombreux avantages D’autres raisons conduiront également duction ? Adrian Schmid confirme qu’il est Les avantages du DEP, une meilleure qua- à des dossiers incomplets. En effet, c’est important pour le succès du DEP qu’il soit lité de traitement et une sécurité plus éle- le professionnel de la santé qui décide, utilisé le plus rapidement possible par de vée pour les patients, sont indiscutables. à chaque étape de soin qu’il réalise, quels nombreux prestataires de soins. Mais il est Par exemple, le médecin saura dès le dé- sont les documents utiles pour la pour- surtout primordial pour le démarrage offi- but de la prise en charge si son patient est suite du traitement et qu’il va donc copier ciel que les hôpitaux aient affilié leur in- allergique à un médicament particulier. dans le DEP. Or, cette appréciation peut frastructure au réseau DEP le jour J. « Cela Les rapports relatifs aux traitements déjà varier d’un professionnel à l’autre. À cet ne constitue cependant pas la fin du pro- entrepris, les radiographies, les résultats égard, eHealth Suisse prépare des outils cessus. Au contraire, ce n’est que le point d’analyses de laboratoire, les rapports de d’aide à la mise en œuvre. de départ ! » Les responsables d’eHealth sortie de l’hôpital ou les directives antici- pées du patient facilitent l’échange d’in- formations entre les professionnels et favorisent la gestion intégrée des soins. Le dossier électronique du patient Les doublons pourront ainsi être évités. De plus, le DEP est pratique pour le pa- Le dossier électronique du patient (DEP) est un système secondaire. Cela signifie qu’il tient, car il lui permet de conserver en un ne contient que des copies de documents utiles pour le traitement du patient, et en- seul endroit divers documents médicaux core, uniquement à condition que le patient ait donné son accord pour cette copie. tels que ses directives anticipées, sa carte Le système primaire, à savoir la documentation que chaque médecin ou prestataire de donneur d’organes ou son carnet de de soins doit tenir à jour pour chaque patient, reste en place indépendamment du DEP. vaccination. Des associations appelées « communautés » et « communautés de référence » se chargent des aspects organisationnels et techniques du DEP. Elles doivent assurer la Le patient décide disponibilité des données ainsi que leur protection et leur sécurité conformément aux Toutefois, la question de savoir quels do- prescriptions légales. Les communautés peuvent être organisées à l’échelon cantonal, cuments ne seront pas enregistrés dans régional ou national (p. ex. une communauté de référence d’un type de prestataire). le DEP est tout aussi cruciale. Reprenons Elles doivent être certifiées par la Confédération. Les professionnels de la santé et les l’exemple d’une allergie médicamen- institutions de soins peuvent choisir librement la communauté à laquelle ils souhaitent teuse, et supposons que le pharmacien s’affilier. Quant aux patients, ils peuvent ouvrir un dossier électronique auprès des consulte systématiquement le DEP de communautés de référence. Plusieurs communautés et communautés de référence ses patients. Si l’information concernant sont en cours de constitution. La liste est disponible sur le site d’eHealth Suisse l’allergie n’est pas saisie dans son dossier, (www.ehealthsuisse.ch). cela peut représenter un risque pour la SWISS DENTAL JOURNAL SSO VOL 129 3 2019 P
244 L’ACTUALITÉ EN MÉDECINE DENTAIRE Suisse sont bien conscients que les sys- La population suisse consciente très intéressés par le DEP, les médecins tèmes informatiques de nombreux méde- des avantages installés, en particulier les plus âgés, re- cins installés ne pourront, dans un pre- Il est également clair qu’il faudra un cer- doutent la charge de travail liée à ce chan- mier temps, pas lire tous les types de tain temps jusqu’à ce qu’une majorité des gement. Mais Adrian Schmid pense que si fichiers. C’est pour cette raison que l’on patients dispose d’un DEP. Le centre de de nombreux patients en font la demande, peut s’attendre à ce que les documents compétences et de coordination eHealth et si une dynamique correspondante se soient pour l’instant enregistrés principa- Suisse ne se fixe aucun délai à cet égard. développe dans une région de soins, ces lement au format PDF dans le DEP, même « Beaucoup d’habitants de ce pays sont praticiens-là se laisseront convaincre si cela ne représente pas un grand pro- déjà conscients des avantages du DEP. également. De plus, les milieux politiques grès par rapport aux modalités actuelles L’expérience du canton de Genève montre ont émis certains signes qui donnent à d’échange électronique des données. Un qu’après un début hésitant, le nombre penser que les praticiens ambulatoires gain d’efficacité ne sera réalisable qu’à d’utilisateurs peut soudain augmenter très pourraient aussi être obligés, un jour, de partir du moment où les données seront rapidement », précise Adrian Schmid. La participer au DEP. enregistrées sous une forme structurée. vitesse à laquelle ce point est atteint dé- Médecins, médecins-dentistes, hôpitaux pend, entre autres, du nombre de méde- Qui finance tout cela ? et pharmaciens peuvent accélérer ce pro- cins installés qui s’affilient au réseau DEP. Un autre point, qui reste en travers de la cessus en exigeant de leur fournisseur de Alors que les services d’aide et de soins à gorge de certains médecins, est celui du logiciel les modifications nécessaires. domicile et les pharmacies se montrent financement. Qui paye pour la mise à jour
L’ACTUALITÉ EN MÉDECINE DENTAIRE 245 des données du DEP ? Grâce à une inter- tion et à la gestion du DEP soit économi- Et les médecins-dentistes dans tout cela ? pellation de la conseillère nationale Edith quement supportable, ce qui n’est pas le Les médecins-dentistes, à l’instar de tous Graf-Litscher (TG), la réponse est claire : cas pour l’instant. Les prestations corres- les médecins installés, ne sont pour l’ins- pour les prestataires de soins dont les pondantes fournies par la médecine de tant pas obligés de participer au DEP. La prestations sont prises en charge par ville ne sont donc pas rémunérées. Or, SSO est fondamentalement favorable au l’assurance obligatoire des soins, les frais pour la FMH, il s’agit clairement d’une DEP, elle suit avec attention les évolutions de gestion du dossier du patient sont déjà charge supplémentaire importante, tant du dossier et participe parfois active- compris dans les tarifs en vigueur. Que sous l’angle de l’infrastructure que de l’ex- ment à la discussion, notamment dans ce dossier soit électronique ou analogique ploitation. Cela explique en partie pour- le groupe de travail interprofessionnel ne fait aucune différence. En revanche, quoi la FMH s’oppose à l’obligation de par- des professions médicales (IPAG). « Nous d’autres professionnels de la santé tels ticiper au DEP pour la médecine de ville. sommes tout à fait conscients des chances que les droguistes ou les ostéopathes, qui D’autres questions importantes demeu- et de l’utilité du DEP à long terme. Mais peuvent aussi tenir un DEP, sont autorisés rent, elles, sans réponses: qui est juridi- nous voyons aussi la multitude de pro- à facturer les coûts correspondants aux quement responsable de la validité des blèmes actuels, qui rendent très difficile patients. données enregistrées dans le DEP? Qui tout pronostic sur la date d’une utilisation La FMH, l’association professionnelle du a le droit d’effacer des données? Le DEP généralisée », commente Christoph Senn, corps médical suisse, n’est pas de cet avis. conduit-il à un assouplissement inaccep- membre du Comité central de la SSO et Elle exige que la charge liée à la participa- table du secret médical? chef du Département Santé et affaires sociales. Risque résiduel inévitable En janvier 2018, des hackers ont dérobé les données médicales de près de 3 mil- lions de Norvégiens. L’auteur présumé serait « une puissance étrangère ». Une telle situation pourrait-elle se produire en Suisse ? Quel niveau de sécurité offre le DEP ? Adrian Schmid se veut rassurant. « Le DEP présente l’avantage que le légis- lateur a pu définir des exigences claires – et très strictes – que les exploitants des systèmes techniques doivent respecter. Mais comme de nouvelles techniques d’attaque peuvent apparaître très rapide- ment, il est essentiel que les communau- tés et les communautés de référence se préparent avec soin et qu’elles déve- loppent consciencieusement le système de gestion des risques prescrit. » La sécu- rité des données relève, en fin de compte, de leur responsabilité. Il n’est en revanche pas possible d’influer sur le risque résiduel constitué par les pa- tients eux-mêmes qui, par imprudence, permettent l’accès de tiers à leur ordina- teur ou à leur smartphone. Selon Adrian Schmid, il est prévu de conseiller aux pa- tients, lors de l’ouverture d’un DEP, de suivre les recommandations du fournis- seur du DEP concernant la sécurité infor- matique. Reste à savoir si ce conseil sera suivi et si les recommandations seront effectivement mises en œuvre. Cet image devrait appartenir au passé dans un avenir prévisible. Avec l’introduction du dossier patient électronique, le système de santé suisse fait un grand pas vers la numérisation. SWISS DENTAL JOURNAL SSO VOL 129 3 2019 P
Les experts et les scientifiques ont mauvaise Les temps presse. Taxés d’élitisme, ils ne sont plus sont durs écoutés lors des débats politiques. L’auteur américain Tom Nichols part en quête des pour la science raisons de cette évolution et esquisse un scénario d’avenir assez pessimiste. Texte : Andrea Renggli, rédactrice SDJ ; photo : marchforscience.com Le 22 avril 2017, aux États-Unis et partout quelle ils sont confrontés dans l’espace sonnes ayant accès à l’information et à ailleurs dans le monde, des milliers de public est inhabituelle. Pour le professeur l’éducation n’a jamais été aussi élevé scientifiques ont participé à une « marche et auteur américain Tom Nichols, cette qu’aujourd’hui. Tom Nichols dénonce pour la science » afin d’attirer l’attention situation est préoccupante. Son dernier plutôt les personnes qui étalent fièrement sur l’importance de leur travail et mani- livre, The Death of Expertise, est une mise leur ignorance et leur manque d’informa- fester contre le développement croissant en garde contre cette méfiance envers les tion, qualifiant les gens instruits d’élite de « faits alternatifs ». À notre époque, où faits et la science, qui menacerait jusqu’à indésirable n’ayant aucune idée de la vie les Fake News et les théories du complot la démocratie. des « citoyens normaux ». Ils ne se con- font de plus en plus d’adeptes, les scienti- tentent pas d’exprimer des critiques fon- fiques et les experts ont mauvaise réputa- Tout le monde sait « googler » dées sur les déclarations d’experts ou de tion. En soi, cela n’a rien de nouveau. En Les gens ne sont pas plus bêtes qu’avant, scientifiques, mais rejettent toute autori- revanche, l’ampleur de l’hostilité à la- bien au contraire. Le nombre de per- té, en arguant que leur propre opinion a SWISS DENTAL JOURNAL SSO VOL 129 3 2019 P
L’ACTUALITÉ EN MÉDECINE DENTAIRE 247 Depuis 2017, les scientifiques et leurs sympa- Les sentiments au-dessus des faits thisants protestent avec une « marche pour Tom Nichols admet que les scientifiques la science » contre les « faits alternatifs » et la mise en place d’une « ère postfactuelle ». ont leur part de responsabilité dans cette situation. À chaque révélation de résul- tats de recherche manipulés, ou quand la mauvaise conception d’une étude impose une révision de résultats de recherche reste quasiment toujours visible. Celui qui déjà publiés, la réputation de la science cherche suffisamment longtemps trouve est égratignée et les adversaires des faits des arguments pour défendre n’importe se sentent confortés. quelle idée. L’auteur envisage l’avenir avec pessi- Selon Nichols, le plus gros problème de misme. Ces derniers temps, les discus- cet immense réservoir d’informations sions politiques donnent l’impression que qu’est le Web se situe au niveau de la les sentiments des électeurs sont plus im- qualité du contenu : 90 % ne valent rien ! portants que les faits. Ce relativisme des Il s’agit d’idées qui ne sont pas mûre- opinions empêche un véritable débat pu- ment réfléchies, d’affirmations sciem- blic, pourtant essentiel à une démocratie. ment fausses ou tout simplement de Il étaye sa thèse avec deux exemples très banales sottises. Or, toutes ces informa- actuels, le vote sur le Brexit et l’élection tions sont à portée de main, sans distinc- présidentielle américaine. La situation tion, et semblent, à première vue, aussi en Suisse ne semble pas aussi marquée pertinentes. Du coup, continue Tom que celle décrite dans le livre. Cela tient Nichols, de nombreuses personnes n’ar- éventuellement au fait que les Suisses ont rivent plus à faire la différence entre des l’habitude de mener un débat politique et faits sérieux et le flot de données « cra- de s’informer sérieusement avant chaque chées » par un moteur de recherche. votation. Tout s’apprend, même la recherche sur Tom Nichols ne donne aucune recette Google. miracle pour favoriser la compréhension entre les experts et les citoyens. Il exhorte Discuter avec des adeptes de théories plutôt ces derniers à assumer leur respon- du complot sabilité de peuple souverain et à s’infor- Selon Tom Nichols, la culture du dialogue mer. Les experts peuvent seulement es- s’est modifiée, constituant ainsi un fac- sayer de préserver le dialogue et tenir teur supplémentaire de défiance des ci- ainsi tête au populisme et au climat hos- toyens envers les experts. Il cite, entre tile à la science. la même valeur que des faits vérifiables. autres, l’influence des médias sociaux. Après tout, tout le monde est capable Leurs algorithmes et leurs bulles de filtres de faire une recherche sur Google. Et de contribuent en effet à une confrontation toute façon, le bon sens a toujours raison. de plus en plus rare à des avis contraires Celui qui conteste ce credo est jugé irres- aux nôtres, ce qui réduit notre tolérance pectueux. à leur égard. Mais des comportements Tous les médecins, quelle que soit leur fondamentalement humains peuvent spécialité, connaissent ce problème. Les aussi compliquer la discussion. Il prend patients leur font certes confiance quand l’exemple du biais de confirmation : notre ils réalisent des gestes techniques, comme cerveau privilégie les informations qui recoudre une plaie ou extraire une dent confirment nos attentes. Même les scien- de sagesse. Mais quand il s’agit de la vac- tifiques ne sont pas à l’abri de ce phéno- cination d’un nourrisson contre la rou- mène, mais les règles applicables aux geole, l’avis d’une star hollywoodienne travaux scientifiques essayent de le pré- leur semble tout aussi valable que celui venir. du pédiatre. Tom Nichols explique l’émergence des théories du complot à l’aide de ce méca- La Toile n’est pas (seule) responsable nisme. Et il nous met en garde ! Le méde- Rejeter toute la faute sur le Web serait cin ou le médecin-dentiste ne peut pas évidemment pratique, écrit encore Tom sortir gagnant d’une discussion avec une Nichols. Mais les choses sont en réalité personne persuadée d’une théorie du plus compliquées. Du fait de leur simpli- complot. Quelqu’un qui croit dur comme cité, les fausses vérités ont toujours été fer qu’une puissance maléfique veut em- attrayantes. Elles se répandent tout sim- poisonner l’humanité avec les fluorures Tom Nichols : The Death of Expertise. The Cam- plement plus rapidement aujourd’hui, présents dans les dentifrices ne se laissera paign against Established Knowledge and Why it grâce aux médias numériques. Et une fois pas convaincre par des arguments scien- Matters. Oxford University Press. New York 2017. en ligne sur le Web, toute information tifiques. 252 pages, 30 francs environ. SWISS DENTAL JOURNAL SSO VOL 129 3 2019P
248 L’ACTUALITÉ EN MÉDECINE DENTAIRE Daniela Frey Perez se rend régulièrement Des brosses à dents dans les Caraïbes pour enseigner l’hy- qui traversent giène dentaire aux enfants et aux adultes. Née d’une idée spontanée, cette initiative l’Atlantique s’est transformée en un véritable petit projet social. Texte et photos : màd/Andrea Renggli Exporter à l’étranger le succès du modèle un grand évènement dans une école de aux dents ou souffre d’un problème aux suisse de la prophylaxie de la carie, tel est Saint-Domingue – une première. Plus gencives, il me demande conseil. » Danie- l’objectif de la petite œuvre caritative Bel- de 400 enfants et 200 adultes se sont dé- la Frey Perez a renoncé à se rendre en Haïti la Risa (SDJ 5/2017). Daniela Frey Perez est placés pour l’occasion. Après la présenta- l’automne dernier, car la tuberculose s’y hygiéniste dentaire et monitrice dentaire tion du projet, la Suissesse, aidée de onze était déclarée dans un foyer pour enfants scolaire. Son objectif est de sensibiliser les enfants, a expliqué aux participants l’im- au printemps. Mais fort heureusement, enfants et les adultes à une bonne hygiène portance d’un bon brossage des dents la situation est à présent revenue à la nor- bucco-dentaire et à des habitudes ali- et comment le réaliser. « Étant la seule male. Les enfants ont été soignés avec des mentaires saines. Dans les écoles, mais blonde à peau claire, tous les regards antibiotiques. Après trois mois de pause en aussi les orphelinats et les foyers, elle en- étaient braqués sur moi en permanence, raison du risque de contagion élevé, l’hy- seigne aux enfants comment se nettoyer ce qui m’a rendue encore plus nerveuse. giéniste dentaire haïtienne a pu reprendre les dents correctement. Le personnel lo- De plus, je n’avais encore jamais parlé es- son travail. Et sa première mission a été cal – enseignants et éducatrices – est éga- pagnol devant un public aussi nombreux. réalisée sans délai : suite à l’infection, il a lement formé. Mais je suis fière d’avoir pu transmettre fallu changer toutes les brosses à dents. Le dernier voyage de Daniela Frey Perez des connaissances à autant d’enfants », en 2018 remonte à l’automne, lorsqu’elle raconte Daniela Frey Perez. www.bellarisa.ch ; compte pour les dons : s’est rendue en République dominicaine. À l’hôtel où elle a l’habitude de descendre, Daniela Frey Perez, Au lieu d’aller à la rencontre de classes in- elle fait déjà partie des habitués. « Les gens IBAN : CH32 8121 1000 0077 1580 7, dividuelles, elle a, cette fois-ci, organisé me connaissent. Quand quelqu’un a mal mention : Bella Risa L’automne dernier, Daniela Frey Perez a montré aux enfants et aux adultes de Saint-Domingue comment se nettoyer les dents correctement. SWISS DENTAL JOURNAL SSO VOL 129 3 2019 P
L’ACTUALITÉ EN MÉDECINE DENTAIRE 249 NOUVELLES DES UNIVERSITÉS Genève : Le Dr Alexander Dudic a obtenu son titre de PhD à l’Université de Göteborg, Suède Le Dr Alexander Dudic, spécialiste en Ortho- Nous félicitons grandement le Dr Alexander La thèse peut être téléchargée en PDF à dontie et chercheur à l’Université de Ge- Dudic pour son engagement et son travail partir du site web de l’Université de Göte- nève, a reçu le PhD de l’Institut d’Odonto- mené pendant ces années pour l’élabora- borg : hdl.handle.net/2077/56914 logie à l’Université de Göteborg (Sahlgren- tion de sa thèse et nous lui souhaitons plein ska Academy) en Suède pour sa thèse succès dans la carrière académique. Texte et photo : màd intitulée : « Influencing factors of ortho- dontic tooth movement and root resorption and evaluation of its radiographic diagnos- tic means » (Facteurs influençant le mou- vement orthodontique et la résorption dentaire et l’évaluation de son diagnostic radiographique). Pour obtenir son titre de PhD, comme étu- diant doctorant à l’Université de Göteborg, Alexander a dû compléter plusieurs étapes. Il a d’abord suivi des cours théoriques, équi- valents à six mois d’études à plein temps, sur la méthodologie scientifique, les statis- tiques, la méthodologie de la recherche cli- nique, et d’autres sujets. Il a ensuite mené cinq projets de recherche, qui ont été pu- bliés dans des journaux orthodontiques. La thèse est une synthèse de ces cinq publica- tions sur le sujet. La thèse a été supervisée par le Prof. Stavros Kiliaridis et la PD Dr Ca- therine Giannopoulou de l’Université de Genève et le PD Dr Ken Hansen de l’Univer- sité de Göteborg, Suède. Après la défense de sa thèse qui a duré trois heures avec, comme opposition acadé- mique, le PD Dr Frank Weiland de l’Université de Graz, Autriche, Alexander a obtenu son titre d’Odont Dr/PhD à l’Université de Göte- Le Dr Alexander Dudic au centre avec le Prof. Stavros Kiliaridis (à gauche) et le PD Dr Frank Weiland borg, Suède. (à droite) SWISS DENTAL JOURNAL SSO VOL 129 3 2019 P
L’ACTUALITÉ EN MÉDECINE DENTAIRE 251 NOUVELLES DES SOCIÉTÉS DE DISCIPLINE SGDMFR Schweizerische Gesellschaft für dentomaxillofaziale Radiologie SSRDMF Société suisse de radiologie dentaire et maxillo-faciale SSRDMF Società svizzera di radiologia dentomaxillofacciale SADMFR Swiss Association of Dentomaxillofacial Radiology Congrès de la Société suisse de radiologie dentaire et maxillo-faciale (SSRDMF) du 12 juin 2019, à Interlaken Concours de communications libres destiné aux médecins-dentistes assistants en formation postgrade La SSRDMF a inséré dans le programme passionnant du congrès 2019 un forum pour permettre à de jeunes chercheurs spécialisés en radiologie dentaire de présenter leurs travaux dans le cadre d’un concours qui s’adresse à la relève. Ce concours est ouvert à des consœurs et confrères suisses et étrangers. Les médecins-dentistes de toutes les disciplines peuvent présenter des travaux pour lesquels une méthode radiologique dentaire joue un rôle déterminant. Le résumé (abstract) doit être rédigé au format électronique conformément aux directives IADR (objectifs, matériel et méthode, résultats, conclusion) et parvenir par courrier électronique au secrétariat de la SSRDMF le 12 mai 2019 au plus tard. Le temps de parole des présentations admises est limité à 10 minutes, suivi d’une discussion de 5 minutes. Le prix de la relève SSRDMFR est doté de 2750 francs. Les auteurs des trois meilleurs travaux recevront respectivement 1500, 750 et 500 francs. Tous les participants admis au concours des espoirs seront également invités à participer au congrès. Adresse e-mail : dorothea.dagassan@unibas.ch D. Dagassan-Berndt, Dr méd. dent. Secrétaire SSRDMF Congrès de la Société Suisse pour la Chirurgie Orale et la Stomatologie (SSOS) Centre de Congrès La Poste, Viège, samedi 22 juin 2019 Concours de communications libres destiné aux médecins-dentistes assistants en formation postgrade Dans le cadre du congrès annuel de la SSOS,ation postgrade en Chirurgie orale, de même qu’à ceux qui l’ont terminée depuis 12 mois au plus. Le temps de parole est limité à 10 minutes et le sujet doit être en rapport avec la Chirurgie orale ou la Stomatologie. La com- munication fait l’objet d’une discussion immédiate. Le résumé (abstract) doit être rédigé sous forme numérique au format IADR (objectifs, matériel et méthode, résultats, conclusion) et parvenir par courrier électronique au secrétariat SSOS, au plus tard le 31 mai 2019. Le concours de communications libres de la SSOS est doté d’un montant de CHF 2250.–. Le lauréat du meilleur travail se verra récompensé par une somme de CHF 1000.–, le deuxième de CHF 750.– et le troisième de CHF 500.–. Tous les participants acceptés à participer sont invités gratuitement au congrès et recevront un remboursement des frais de voyage de CHF 100.–. Courriel : info@ssos.ch Dr Vivianne Chappuis Objet : « Concours Visp 2019 » Secrétaire SSOS SWISS DENTAL JOURNAL SSO VOL 129 3 2019 P
252 L’ACTUALITÉ EN MÉDECINE DENTAIRE MÉDECINE Un nouveau test sanguin permet de déceler Détecter la précocement des signes de la maladie démence plus tôt d’Alzheimer et pourrait faciliter la recherche de nouveaux médicaments. Mais ce test est encore loin d’être utilisable à une large échelle. Les aspects éthiques restent égale- ment à clarifier. Texte : Felicitas Witte, médecin et journaliste Graphiques : Emanuele Fucecchi Quand un membre de la famille souffre équipe, d’une récente description du test plaques séniles ou plaques amyloïdes, de démence due à la maladie d’Alzhei- dans le magazine « Nature Medicine ».1 empêchent la communication des cel- mer, inévitablement chacun s’interroge : Le neurobiologiste est professeur au lules nerveuses entre elles et entraînent à quelle vitesse la maladie va-t-elle pro- Centre allemand des maladies neurodé- leur mort (ill. 1). Mais bien que les cher- gresser et les capacités intellectuelles de génératives et à l’Institut Hertie de re- cheurs aient une idée du mécanisme de la la personne aimée diminuer ? Combien cherche clinique sur le cerveau HIH de maladie, la recherche d’un médicament de temps encore arrivera-t-elle à gérer le l’Université de Tübingen. « Le test est s’avère difficile. quotidien, à partir de quand des soins se- bien plus confortable pour les patients « Nous avons probablement commencé ront nécessaires ? Jusqu’à quand va-t-elle que les examens actuels. Il est, en outre, le traitement de la maladie beaucoup trop me reconnaître ? Et moi, vais-je un jour plus simple et moins cher. » Le chercheur tard dans les études cliniques réalisées aussi tomber malade ? Jusqu’à présent, il a été étonné de trouver des signes de la jusqu’à présent, c’est-à-dire lorsque les n’y a pas de réponses à ces questions. Pas maladie dans le sang de certains patients fonctions cérébrales avaient déjà diminué plus qu’il n’existe de traitement pour ra- plus de 16 ans avant l’apparition des pre- et que le patient présentait des symp- lentir la progression de la maladie. Les miers symptômes. « Avec plusieurs me- tômes. Les médicaments ne peuvent alors chercheurs ont régulièrement essayé de sures sanguines, nous avons pu prédire plus empêcher la progression de la dé- nouveaux médicaments, mais les études assez précisément le degré futur de perte mence », explique Giovanni Frisoni, ont tourné court sans apporter le succès des fonctions cérébrales. » Le test est chercheur sur la maladie d’Alzheimer et tant attendu. toutefois encore loin de pouvoir être uti- directeur du Centre de la mémoire aux Or, des chercheurs de l’Université de lisé à une large échelle – sans parler des Hôpitaux Universitaires de Genève. Il se- Tübingen viennent de mettre au point questions éthiques. rait donc important de détecter les modi- un nouveau test qui permet de détecter fications dans le cerveau le plus tôt pos- des modifications dans le sang plusieurs Utilisation trop tardive des médicaments sible et de tester les médicaments dès années avant l’apparition des premiers Selon l’hypothèse actuelle, la maladie ce moment-là. « C’est pour cela que je symptômes. « Notre test va faire avancer d’Alzheimer serait due à l’accumulation trouve ce nouveau test sanguin très pro- la recherche d’un médicament efficace », de deux protéines dans le cerveau : bêta- metteur. » La tomographie par émission se réjouit Mathias Jucker, auteur, avec son amyloïde et tau. Ces agrégats, nommés de positons (TEP) permet certes de visua- liser les plaques, et les protéines bêta- amyloïdes et tau sont aussi décelables dans le liquide céphalo-rachidien. Mais En cause : génétique et mode de vie selon le Genevois, la TEP est coûteuse, complexe et implique une exposition aux Dans la forme sporadique de la maladie d’Alzheimer, la plus fréquente, les gènes ont radiations. Quant à la ponction du liquide une certaine influence, mais le mode de vie joue, lui aussi, un rôle important. Il en va céphalo-rachidien, elle est pénible pour autrement dans la forme à transmission autosomique dominante (MAAD) qui touche le patient. moins de 1 % des patients atteints d’Alzheimer et dans laquelle les gènes ont le rôle Le test de Mathias Jucker mesure les principal. Une mutation est alors présente sur l’un des trois gènes PSEN1, APP ou restes de la dégénération des neurofila- PSEN2. Une personne dont l’un des parents est atteint de MAAD a une probabilité de ments, à savoir les chaînes légères de 50 % de développer la maladie à son tour, en général entre 30 et 50 ans. Les symp- neurofilaments (ill. 2). Les neurofilaments tômes, l’évolution et le traitement de la MAAD sont en revanche identiques à ceux constituent en quelque sorte le squelette de la forme « classique ». des cellules nerveuses. Des modifications de la concentration des chaînes légères SWISS DENTAL JOURNAL SSO VOL 129 3 2019 P
L’ACTUALITÉ EN MÉDECINE DENTAIRE 253 Ill. 1 : Selon l’hypothèse actuelle, la maladie d’Alzheimer serait due à l’accumulation dans le cerveau de deux protéines, la bêta-amyloïde et la tau. Ces agrégats, nommés plaques séniles ou plaques amyloïdes, empêchent la communication des cellules nerveuses entre elles et entraînent leur mort. ont été observées dans les liquides corpo- Modifications dans le sang 16 ans bonne santé. « Nous avons pu mettre en rels de souris souffrant de lésions céré- auparavant évidence une augmentation du taux san- brales et de maladies neurologiques. Les L’équipe de Mathias Jucker a analysé guin en moyenne 6,8 ans avant l’appari- chercheurs ont également noté une 405 échantillons sanguins de personnes tion des symptômes de la maladie d’Alz- bonne corrélation entre la concentration souffrant de maladie d’Alzheimer à trans- heimer », précise le chercheur. « Nous dans le liquide céphalo-rachidien et celle mission autosomique dominante (MAAD, avons même constaté chez certains pa- dans le sang. Mais il n’existait jusqu’à voir encadré). Les personnes ayant une tients que, plus de 16 ans avant les pre- présent aucune étude ni sur l’évolution mutation de l’un des trois gènes suivants, miers symptômes, la valeur était certes de la concentration en neurofilaments au protéine précurseur de l’amyloïde (APP), encore normale, mais qu’elle commençait cours d’une maladie neurodégénérative préséniline 1 ou préséniline 2 (PSEN1/ déjà à monter. » Lequel des trois gènes de ni sur la possibilité de l’utiliser comme PSEN2), vont avec certitude développer la MAAD présentait une mutation chez le biomarqueur précoce. En fait, le corps une maladie d’Alzheimer. Or, dans patient n’a joué aucun rôle. Plus les neu- dégrade rapidement les neurofilaments. l’étude, ces personnes avaient des taux rofilaments augmentaient chez ces por- Mais les chaînes légères ne se dégradent de neurofilaments dans le liquide cépha- teurs de mutations génétiques, plus la dé- pas si vite et sont donc mesurables dans lo-rachidien comme dans le sang nette- générescence du tissu cérébral progressait le sang. ment plus élevés que les personnes en en parallèle. « Nous avons prédit à quelle SWISS DENTAL JOURNAL SSO VOL 129 3 2019 P
254 L’ACTUALITÉ EN MÉDECINE DENTAIRE Ill. 2 : Un nouveau test, développé par des chercheurs de Tübingen, mesure les restes de la dégénération des neurofilaments, à savoir les chaînes légères de neurofilaments. Les neurofilaments constituent en quelque sorte le squelette des cellules nerveuses. Les patients atteints d’Alzheimer présentent une concentration élevée de neurofilaments dans le sang plusieurs années déjà avant l’apparition des symptômes. Les protéines bêta-amyloïde et tau jouent un rôle dans le développement de la maladie d’Alzheimer, l’alpha-synucléine dans celle de Parkinson ou encore dans la démence à corps de Lewy. vitesse les capacités cognitives allaient bêta-amyloïde, a permis, dans quelques très pénibles, voire effrayants pour ce qui diminuer. Et le développement effectif études, de prédire avec une probabilité est de la TEP, pourraient ainsi être épar- de la maladie nous a donné raison dans élevée si la personne allait un jour déve- gnés à certains patients », ajoute Robert la plupart des cas – tant chez les patients lopper une maladie d’Alzheimer. Un autre Perneczky. présentant déjà des symptômes que chez test mesure le taux sanguin de la protéine Si l’un des médicaments empêchant la les personnes asymptomatiques au dé- tau. Une concentration élevée indique elle formation d’amyloïde actuellement testés part », ajoute Mathias Jucker. aussi une démence, bien que des valeurs fait ses preuves, le test des neurofilaments Le processus pathologique cérébral dé- élevées aient été relevées chez certaines développé par Mathias Jucker pourrait marre vraisemblablement jusqu’à 20 ans personnes sans troubles cognitifs. « Les ensuite servir à en contrôler l’efficacité. avant l’apparition de symptômes. En pre- tests seront complémentaires », estime En effet, le taux de neurofilaments devrait nant les premiers signes cliniques comme Robert Perneczky, psychiatre en géronto- alors se stabiliser. Selon le chercheur, son référence, il se produit tout d’abord une logie à l’Imperial College de Londres et à test présente, pour l’instant, un grand in- accumulation de bêta-amyloïde dans le l’Université Ludwig-Maximilian de Mu- térêt avant tout pour les études cliniques. cerveau pendant les 15 à 20 années précé- nich. « Tout dépendra du patient d’une « Il est beaucoup plus facile de contrôler dentes. S’y ajoute ensuite une diminution part, et des nouveaux médicaments l’efficacité d’un nouveau médicament en du métabolisme du cortex, pendant 10 à d’autre part. » Le test sanguin de l’amy- prenant des échantillons sanguins plutôt 15 ans, et enfin une atrophie progressive loïde pourrait ainsi être spécialement qu’en réalisant des imageries coûteuses du cerveau dans les 5 à 10 dernières an- indiqué à des fins diagnostiques, quand du cerveau ou des analyses pénibles du nées sans symptômes. « D’où l’impor- le médecin n’est pas certain de l’origine liquide céphalo-rachidien. » tance d’intervenir précocement. Et pour d’une démence : maladie d’Alzheimer ou À Tübingen, la mesure des neurofilaments cela, nous avons besoin de marqueurs plutôt médicaments, dépression, dys- est également réalisée hors études, par biologiques de la phase présymptoma- fonction de la glande thyroïde ou carence exemple lorsque la cause d’une démence tique », conclut le chercheur allemand. en vitamines. Une concentration impor- n’est pas clairement déterminée. « Si le tante d’amyloïde dans le sang, repérée taux de neurofilaments reste stable, le Éviter aux patients des examens pénibles grâce au test, constituerait un indice fiable patient et ses proches peuvent être rassu- D’autres chercheurs travaillent aussi d’une maladie d’Alzheimer que le méde- rés. L’état du patient ne va probablement d’arrache-pied pour développer des tests cin pourrait alors confirmer avec une TEP pas se dégrader davantage, et il ne résulte sanguins de la maladie d’Alzheimer. L’un et une ponction de liquide céphalo-rachi- pas de la maladie d’Alzheimer », explique d’entre eux, mesurant le taux sanguin de dien. « Ces examens lourds, souvent jugés Mathias Jucker. SWISS DENTAL JOURNAL SSO VOL 129 3 2019P
L’ACTUALITÉ EN MÉDECINE DENTAIRE 255 Questions éthiques en suspens ment. Ce sera peut-être différent dans tient. » L’accompagnant peut, par Toutefois, certains aspects sont encore quelques années, mais, pour l’instant, il exemple, s’asseoir à côté du fauteuil flous. Par exemple, rien ne permet d’af- est hors de question de laisser le patient de soins et tenir la main du patient. Par- firmer à ce stade que les résultats obtenus seul avec un tel diagnostic et le sentiment fois, le traitement est impossible, car le sont transposables à la forme sporadique terrible que la médecine est impuis- patient ne comprend pas ce qui lui arrive de la maladie d’Alzheimer, pourtant sante. » et s’agite trop ou devient agressif. « Si beaucoup plus fréquente. De plus, le test toutes les précautions n’apportent pas n’est pas encore validé, ses valeurs pré- Cabinet dentaire respectueux des personnes le résultat voulu, il vaut mieux reporter dictives négatives et positives ne sont pas démentes le rendez-vous », conseille encore le psy- encore connues. Selon Silke Schicktanz, Le traitement de personnes atteintes de chiatre. « Les patients ont parfois une professeur de culture et d’éthique en bio- démence est un défi pour le médecin- mauvaise journée et le prochain rendez- médecine à l’Université de Göttingen, « le dentiste. Il faut porter une attention par- vous se passera peut-être beaucoup test ne devrait en aucun cas être utilisé au ticulière à la douleur. « Les malades ne mieux. » En cas d’intervention impor- quotidien tant que ses valeurs prédictives ressentent plus aussi fortement les dou- tante, il peut s’avérer utile de donner un ne sont pas clairement établies. De nom- leurs, car la neurodégénérescence atteint calmant avant le traitement, en collabo- breux médecins auront besoin d’une for- aussi les zones du cerveau qui enregistrent ration avec un anesthésiste, voire de le mation complémentaire pour pouvoir la douleur », explique le psychiatre Robert réaliser sous anesthésie générale. interpréter correctement la prédiction Perneczky. « Il peut alors arriver que les Certains chercheurs voient une corréla- des risques. Et même si le médecin s’y gencives soient blessées pendant le traite- tion entre la parodontite et la démence, connaît déjà, il ne peut décrire valable- ment dentaire sans que le patient s’en ce que d’autres démentent. Selon leur ment le risque encouru que s’il dispose aperçoive. » Même si le patient ressent la théorie, si cette corrélation est avérée, de données précises sur la qualité du douleur, ses capacités cognitives réduites éviter la parodontite permettrait de dimi- test. » De plus, selon Nikola Biller-An- l’empêchent souvent de le communiquer. nuer le risque de démence. Or, Robert dorno, directrice de l’Institut d’éthique « Les patients atteints de démence ne Perneczky estime que « nous avons trop biomédicale et d’histoire de la médecine disent pas leur douleur, mais modifient peu de données pour être affirmatifs. Il de l’Université de Zurich, il serait tout à leur comportement : ils s’agitent ou de- existe quelques études bien conduites qui fait urgent de vérifier si la législation ac- viennent agressifs. En présence de tels ont abouti à des résultats intéressants. En tuelle protège suffisamment les patients types de comportement lors de soins den- allant au-delà des conséquences stricte- qui choisissent ces tests prédictifs non taires, il faudrait toujours penser à la dou- ment dentaires, elles pourraient nous génétiques : « La liberté de réaliser ou non leur comme cause possible. » aider à mieux comprendre le mécanisme le test doit être garantie. Les assureurs ou Le psychiatre ajoute qu’une ambiance pathogène de la maladie d’Alzheimer. Les la société ne doivent pas exercer de pres- adaptée aux personnes démentes peut fa- épisodes inflammatoires, tels une paro- sion pour que toutes les personnes d’âge ciliter les choses : de la lumière claire, des dontite, semblent avoir un impact bien mûr fassent ‹ vérifier › leurs capacités murs aux couleurs vives et joyeuses ainsi plus important dans le développement de mentales prévues d’ici 10 à 15 ans. » qu’un environnement calme. « En effet, la maladie d’Alzheimer que ce que nous Si un patient lui demandait aujourd’hui la ces patients sont souvent sensibles aux pensions jusqu’à présent. » réalisation d’un tel test, le chercheur sur bruits. » L’idéal est de parler avec des les démences Giovanni Frisoni refuserait. phrases courtes, simples, et de faire par- Littérature « Le test n’est pas encore validé et nous ticiper les proches. « La présence d’un 1 Preische O et al. : Nature Medicine, ne disposons encore d’aucun médica- proche est cruciale, elle rassure le pa- online 21.1.2019 Des médicaments d’urgence périmés? Avec un abonnement au SSO Emergency Support Service vous ne courrez plus ce risque. SSO Emergency Support Service www.sso.ch SWISS DENTAL JOURNAL SSO VOL 129 3 2019 P
L’ACTUALITÉ EN MÉDECINE DENTAIRE 257 Revues Fin de carrière et transition est liée à une perte de prestige et d’enga- instrumentable des tubules dentinaires gement. de 18 dents humaines endodontiquement Ziliak R : Beyond the mass : Planning for Il importe de planifier à temps les années traitées et non traitées fut déterminé. En a successful transition. Dent Econ 108 : de retraite et la santé financière qui va analysant des segments radiculaires, l’ef- 88–89, 2018 les accompagner. Cette stratégie doit être fet d’une obturation canalaire sur la per- www.dentaleconomics.com/articles/print/ développée précocement afin d’être bien sistance bactérienne fut évalué. Des dents volume-108/issue-6/money/beyond-the- préparé lors de la décision de vente. Il endodontiquement traitées, certaines math-planning-for-a-successful-transi- importe d’en parler avec sa famille, ses obturées, d’autres non obturées, puis tion.html proches, avec d’autres retraités, avec des extraites, furent examinées afin d’analy- organisations caritatives, des organisa- ser la présence de bactéries dans la den- La vente d’un cabinet procède d’une ac- tions de loisirs, avec quiconque suscep- tine. tion financière doublée d’une démarche tible d’offrir une vision cohérente de la L’objectif du traitement radiculaire est émotionnelle. La plupart des médecins- retraite d’un médecin-dentiste. d’empêcher la repopulation bactérienne dentistes planifient avec soin les aspects Michel Perrier, Lausanne dans l’espace canalaire. Ce but s’avère financiers de leur retraite en s’assurant contestable car une analyse au micro-CT qu’ils puissent s’effectuer harmonieuse- a montré que le volume total des zones ment. D’autres cherchent à déterminer ce dentinaires inaccessibles était au moins que deviendra leur rôle lors de la transition L’endodontie en question trois fois plus important que celui du et échouent dans leurs objectifs. canal accessible. Ce volume augmente Les étapes financières de préparation à Burkovski A, Karl M : Lack of evidence for encore en présence d’une adhésion insuf- une remise de cabinet consistent à créer, the necessity of root canal obturation. fisante du produit d’obturation à la den- gérer et distribuer la fortune accumulée Quintessence Int 50 (1) : 22–28, 2019 tine. De plus, les bactéries logées dans de manière réfléchie, concertée et straté- www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/30411092 la dentine ne semblent pas être affectées gique. Rares cependant sont les méde- par l’action désinfectante, étant même cins-dentistes qui anticipent l’aspect L’obturation canalaire reste un sujet de capables de proliférer et de dégrader les émotionnel de la remise de leur cabinet. recherche toujours pertinent. Les patients produits utilisés. Ils ont été habitués à leur rôle dans la dépensent des sommes substantielles pour Au cours de cette étude, la croissance construction et le maintien relationnels bénéficier de ce type de traitement. En bactérienne observée dans les groupes avec leurs patients, dans la gestion d’une dépit de l’évolution technique et métho- avec et sans produit d’obturation a mon- entreprise et dans la direction d’une dologique développée ces dernières an- tré que le protocole d’élimination du bio- équipe soignante. Une fois la transition nées, un traitement radiculaire comprend film était inefficace. Une précédente étude faite, ils choisissent en général soit de de- encore et toujours trois phases, à savoir le avait indiqué qu’après instrumentation et venir associé ou partenaire, soit de quitter nettoyage, la mise en forme et l’obturation irrigation, seuls 84 % des canaux restaient la profession. du système canalaire. Le nettoyage et la exempts de bactéries. Les méthodes uti- Le statut d’associé ou de partenaire assure désinfection semblent en être les mesures lisant de la gutta-percha et un agent de un plan de continuité pour quelques an- les plus décisives en raison de la variété scellement ne pouvaient empêcher la sur- nées. Les avantages de cette option sont des bactéries et des levures qui ont ten- vie et la recolonisation bactérienne. Ces avant tout économiques mais psycholo- dance à former des biofilms plus difficiles résultats sont compatibles avec d’autres giques aussi. De plus, le vendeur ne de- à vaincre. L’efficacité des désinfectants publications décrivant toutes le problème vient ainsi plus responsable du cabinet couramment utilisés a été maintes fois de la persistance bactérienne. et de ses charges, mais continue à prati- évaluée avec des résultats contradictoires. Les auteurs concluent que les concepts quer dans l’intérêt de la communauté. Le problème de base revient à l’invasion thérapeutiques actuels n’éliminent pas Souvent, il lui est aussi possible d’encadrer bactérienne qui diffuse dans les tubules complètement les bactéries du système les nouveaux venus, de contribuer à rete- dentinaires pour s’y loger en résistant aux canalaire. Celles-ci sont capables de reco- nir des patients et d’encourager d’anciens processus de désinfection qui ne les at- loniser des volumes internes. Même si une membres du personnel à rester en place. teignent pas. Cette situation soulève la restauration occlusale est indiquée pour L’inconvénient du nouveau statut d’em- question de l’indication et de l’adéquation éviter une réinfection d’origine externe, ployé est la perte de pouvoir en tant que du traitement endodontique. Une étude les bénéfices du traitement endodontique propriétaire et employeur. sur l’animal a jadis montré que des dents restent discutables. D’autres recherches Le médecin-dentiste qui vend son cabinet traitées avec ou sans obturation ne pré- sont attendues concernant l’établisse- établit un plan de relève afin de pouvoir sentaient aucune différence dans la cica- ment de méthodes plus performantes, quitter les lieux dans un laps de temps trisation de lésions périapicales. ainsi que l’étude des réactions de l’hôte donné. L’aspect négatif peut en être la Dans la présente étude, en utilisant la mi- par rapport à un canal non obturé. charge émotionnelle qui en résulte et qui crotomographie numérisée, le volume non Michel Perrier, Lausanne SWISS DENTAL JOURNAL SSO VOL 129 3 2019 P
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