Le Monde En finir avec la faim! L'agriculture bio. Et les récoltes sont abondantes.

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Le Monde En finir avec la faim! L'agriculture bio. Et les récoltes sont abondantes.
Le Monde
                                         N° 1 / Janvier 2015

                                         JAB 1004 Lausanne
                                         www.swissaid.ch

En finir avec la faim!
L’agriculture bio. Et les récoltes sont abondantes.
Le Monde En finir avec la faim! L'agriculture bio. Et les récoltes sont abondantes.
2    éditorial

                                                                                                                                               Focus: agriculture bio
                                                                                                                                                 – Colombie: comment les paysans
                                                                                                                                                   de Bahía Solano récoltent-ils leur
                                                                                                                                                   riz quotidien ?                                              4
                                                                                                                                                 – En finir avec la faim! Interview avec
                                                                                                                                                   Justin Lekoto, expert agricole bio
                                                                                                                                                   en Afrique de l'Ouest                                        6
                                                                                                                                               Lutte contre la violence conjugale en Inde
                                                                                                                                                 «Ma belle-fille a réussi à me dissuader
                                                                                                                                                 de la rouer de coups»                    8
                                                                                                                                               Stop à l'excision en Guinée-Bissau !
                                                                                                                                                 Pour la première fois, des parents sont
                                                                                                                                                 jugés pour avoir fait exciser leur fille                       9
                                                                                                                                               Négoce des matières premières
                                                                                                                                                 La transparence oubliée par le
                                                                                                                                                 Conseil fédéral                                              10
Chère lectrice, cher lecteur,                                                                                                                  Sous haute surveillance
                                                                                                                                                 Glencore déverse du pétrole en pleine
                                                                                                                                                 nature au Tchad                                              11

   En Suisse, les aliments bio ne cessent de gagner de nouvelles parts de                                                                      Dialogue entre paysannes
marché. Un phénomène également constaté par Max Havelaar : chez                                                                                  Retour sur les coulisses et les insolites
                                                                                                                                                 du Tour de Suisse                                            12
nous, les produits certifiés bio et commerce équitable ont la cote. C’est
pourquoi les bananes portent aussi bien l’étiquette Max Havelaar que le                                                                        Legs
label bio du bourgeon.                                                                                                                           L'engagement de Cäcilia Koch pour
                                                                                                                                                 les femmes au Tchad                                          15
   Dans les pays pauvres, cependant, les petits producteurs peuvent rare-
ment faire certifier leurs produits par des labels internationaux : les exi-
gences de qualité sont trop élevées, les coûts trop importants, et les
mécanismes de contrôle trop complexes. Ces familles produisent pour
leur propre subsistance et pour les marchés locaux et régionaux. Pour-
tant, elles cultivent souvent du «bio». Car loin d’être un luxe, le «bio» est
tout simplement la meilleure stratégie de survie.
   Le travail que nous menons depuis des décennies avec des organisa-           Le Monde
                                                                                                                         N° 1 / Janvier 2015

                                                                                                                         JAB 1004 Lausanne
                                                                                                                         www.swissaid.ch
                                                                                                                                               Couverture :
                                                                                                                                               Rosa Moreno, petite paysanne colombienne de Bahía Solano,
tions paysannes prouve que les investissements dans l’agriculture biolo-                                                                       se réjouit des dernières tomates de la saison qui poussent
                                                                                                                                               dans son jardin potager bio.
gique portent leurs fruits. J’ai par exemple récemment rendu visite à des       En finir avec la faim!
                                                                                L’agriculture bio. Et les récoltes sont abondantes.

groupes de femmes au Myanmar (Birmanie), qui m’ont fièrement montré
leurs potagers et m’ont expliqué comment la nouvelle installation de
compostage leur a permis d’accroître la productivité. Aujourd’hui, elles
cultivent des produits variés et ont une alimentation bien plus saine et
diversifiée.                                                                                                                                   Photo : Gabriel Castro
   Nos collègues des programmes de SWISSAID en Amérique latine sont
celles qui ont recueilli le plus d’expériences en matière d’agriculture éco-                                                                   Impressum
logique. Dans cette région, les méthodes biologiques, qui demandent
                                                                                                                                               Edité par SWISSAID,
beaucoup de travail mais qui sont gratuites, donnent des récoltes si abon-                                                                     Fondation suisse pour la coopération au développement
                                                                                                                                               Bureau de Berne : Lorystrasse 6a, 3000 Berne 5, centrale
dantes que les familles de paysans sont de plus en plus nombreuses à les                                                                       téléphonique 031 350 53 53, rédaction 031 350 53 73,
adopter. En Equateur, les aliments sans produits chimiques sont même                                                                           fax 031 351 27 83, courriel : postmaster@swissaid.ch
                                                                                                                                               Antenne romande : rue de Genève 52, 1004 Lausanne,
vendus avec succès sur les marchés locaux sous la marque «Bio Granja».                                                                         téléphone 021 620 69 70, fax 021 620 69 79, courriel :
                                                                                                                                               postmaster@swissaid.ch Rédaction : Pia Wildberger, Zora Schaad,
   Nombre de paysans souhaitent se perfectionner en agriculture écolo-
                                                                                                                                               Catherine Morand, Amandine Etter, Sébastien Dutruel Rédaction
gique. Grâce à vous, chers donateurs et donatrices, nous pouvons leur                                                                          photos : Eliane Baumgartner Traduction : cb service Lausanne.
                                                                                                                                               Graphisme, mise en pages et prépresse : Brandl & Schärer AG,
proposer des cours et permettre ainsi à des familles parmi les plus dému-                                                                      Olten. Impression : Stämpfli AG, Berne. Imprimé sur papier FSC.
nies de prendre leur destin en main et de vivre du produit de leur terre.                                                                      Le Monde SWISSAID paraît au minimum quatre fois par an. Une
                                                                                                                                               fois par année, un montant de 5 francs est déduit des dons à titre
   Je vous en remercie de tout cœur.                                                                                                           de taxe d’abonnement, afin de pouvoir bénéficier du tarif postal
                                                                                                                                               réduit pour les journaux.
                                                                                                                                               Compte postal : CP 30-303-5
                                                                                                                                               IBAN: CH20 0900 0000 3000 0303 5
                                                                                                                                               BIC/SWIFT: POFICHBEXXX

                                                                                                                                               SWISSAID porte le label de qualité du ZEWO attribué aux
                                                                                                                                               institutions d’utilité publique. Il garantit une affectation
Caroline Morel, directrice de SWISSAID                                                                                                         désintéressée des dons, effectuée en connaissance de cause.

Swissaidle monde                                                                                                                                                                                          1/2015
Le Monde En finir avec la faim! L'agriculture bio. Et les récoltes sont abondantes.
V ente d ' i ns i gnes                   3

                                        Les élèves de Dombresson motivés pour aider

                                        Une classe de Dombresson s’est
                                        beaucoup investie dans la vente
                                        d’insignes de SWISSAID, et a en-
                                        suite eu le privilège de rencontrer
                                        le président de la Confédération
                                        Didier Burkhalter, neuchâtelois
                                        comme eux.

                                                                                      Les élèves ont entonné l'hymne neuchâtelois lors de leur rencontre avec Didier Burkhalter. Ci-dessous, l'insigne
                                                                                      2015 – un taille-crayon amusant.

                                        C    haque début d’année, des milliers
                                             d’élèves de toute la Suisse vendent
                                        des insignes pour le compte de SWIS-
                                                                                      «La vente des insignes
                                                                                      a permis à mes élèves
                                                                                                                                                              de solidarité, confirme Mélanie Rey-
                                                                                                                                                              mond. Ils ont été très motivés pour la
                                                                                                                                                              vente, et plusieurs d’entre eux ont
                                                                                      de vivre un acte de
                                        SAID. L’argent ainsi récolté permet                                                                                   acheté un petit animal en bois, l’insigne
                                        d’appuyer de nombreux projets. Les
                                                                                      ­solidarité. Ils étaient                                                2014, pour leur usage personnel.»
                                        classes qui se sont le plus investies          très motivés.»
                                        dans cette belle action de solidarité in-                                                                             La vente des insignes 2015
                                        ternationale sont ensuite invitées au                                                                                 a démarré !
                                        Palais fédéral à Berne, pour y rencon-        passée. «Ils ont adoré, témoigne Méla-                                  Avant d’aller vendre ces petits objets
                                        trer le président de la Confédération.        nie Reymond, leur enseignante. Le fait                                  fabriqués par des artisans en Inde, les
                                           C’est ainsi que le 6 novembre au           qu’il vive toujours à Neuchâtel les a                                   élèves étudient avec leur enseignant(e)
                                        matin, une vingtaine d’élèves d’une           touchés, et ils ont apprécié qu’il chan-                                les conditions dans lesquelles ils ont
                                        classe de l’école primaire de Dombres-        tonne avec eux l’hymne neuchâtelois».                                   été produits; et à quoi l’argent récolté
                                        son dans le canton de Neuchâtel,              Une journée dont ils se souviendront                                    va servir. Ce sont souvent pour elles et
                                        conduits par leur enseignante Mélanie         longtemps, impressionnés qu’ils furent                                  eux leur premier contact avec d’autres
                                        Reymond, ont embarqué pour Berne à            par la disponibilité et l’amabilité du pré-                             réalités, ainsi qu’avec une action
                                        bord d’un bus spécialement affrété.           sident qui a pris le temps de leur signer                               concrète de solidarité internationale.
                                        Auparavant, les élèves avaient                des autographes.                                                        «Et cela permet également de travailler
                                        consciencieusement préparé les ques-              Didier Burkhalter n’a pas manqué de                                 des notions scolaires différemment
                                        tions qu’ils souhaitaient poser à Didier      féliciter les élèves de Dombresson,                                     qu’avec des fiches et des exercices»,
                                        Burkhalter, comme par exemple «est-           ainsi que ceux des classes venues de                                    apprécie encore Mélanie Reymond. Les
Photos : Eliane Baumgartner, SWISSAID

                                        ce que c’est difficile d’être président ?»,   Spiegel (Berne), Engelburg (Saint-Gall)                                 échos recueillis aussi bien auprès des
                                        ou encore «vouliez-vous déjà devenir          et Altendorf (Schwyz) pour la solidarité                                élèves qu’auprès des enseignants
                                        président lorsque vous étiez jeune ?»         dont ils ont fait preuve à l’égard d’en-                                montrent que cette vente d’insignes
                                                                                      fants et de leurs parents moins favori-                                 représente une bien belle aventure. La
                                        L’hymne neuchâtelois                          sés qu’eux, en vendant des insignes                                     vente d’insignes 2015 a lieu aux mois
                                        sous la coupole                               destinés à soutenir des projets de                                      de février et mars. A nous tous et toutes
                                        Visiblement, la rencontre entre les pe-       SWISSAID en Afrique, en Asie et en                                      de faire un bel accueil à ces élèves mo-
                                        tits Neuchâtelois et leur président, ori-     Amérique latine. «La vente des insignes                                 tivés et engagés en faveur d’un monde
                                        ginaire du même canton, s’est très bien       a permis à mes élèves de vivre un acte                                  meilleur !           Catherine Morand

                                        1/2015                                                                                                                                         Swissaidle monde
Le Monde En finir avec la faim! L'agriculture bio. Et les récoltes sont abondantes.
4     a g r i c u lt u r e b i o

Toute la communauté s’investit dans la bonne
humeur pour la pénible récolte du riz.

La renaissance des riziculteurs
de Río Valle

Fortuno et Mariangela, Chino,                 inondées : elles sont au sec, comme                               nés. Parfois, ils sont obligés de couper
Negrita, Tres Meses . . . tels sont           ailleurs les champs de blé et de seigle.                          des branches pour dégager le passage.
les noms poétiques des variétés               L’eau n’est pourtant pas loin. Située à
locales de riz, à nouveau cultivées           seulement un ou deux mètres de pro-                               Remédier aux effets pervers de la
en Colombie depuis le début des               fondeur, la nappe phréatique est ali-                             mondialisation
années 2000, grâce à l’appui de               mentée presque quotidiennement. La                                Aussi reculé soit-il, l’endroit n’a pas été
SWISSAID.                                     région reçoit en effet quatre à six fois                          épargné par la mondialisation. Dans les
                                              plus de précipitations que le Plateau                             années 90, la Colombie a commencé à
                                              suisse, qu’on ne peut pas vraiment                                importer du riz bon marché, diminuant
                                              qualifier d’aride.                                                progressivement sa propre production.

D    ans le hameau d’El Valle, sur la côte
     pacifique de Colombie, on pourrait
croire que le couple formé par Alberto
                                                  Mais Alberto Arías et Nubia Bermu-
                                              dez sont loin d’être arrivés. Leur pi-
                                              rogue les attend au bord du Río Valle;
                                                                                                                Au lieu de cultiver eux-mêmes du riz,
                                                                                                                les habitants d’El Valle devaient alors
                                                                                                                dépenser de l’argent pour acheter des
Arías et Nubia Bermudez part en               ils y placent leurs outils et une marmite                         aliments. Ce n’est qu’après le passage
voyage. Mais tel n’est pas le cas : leurs     avant de se mettre en route. «Mainte-                             à l’an 2000 qu’ils ont recommencé à
                                                                                                                                                              Photos : Hans Haldimann, Gabriel Castro

outils sur l’épaule, ils se mettent sim-      nant, nous allons nous baigner», plai-                            planter davantage de riz, et ce avec
plement en route pour aller récolter le       sante Nubia Bermudez en montant             Les riziculteurs de   l’aide de SWISSAID. Ici poussent
riz. El Valle fait partie de la commune de    dans la fine embarcation instable. Mais     Río Valle tiennent    jusqu’à 14 variétés locales qui portent
Bahía Solano, deux localités difficile-       elle n’en dira pas plus, car c’est le mo-   beaucoup à ce que     des noms comme Fortuno et Marian-
ment accessibles. Aucune route ne les         ment de ramer. Le couple remonte                                  gela, Chino, Negrita, Tres Meses. Cha-
                                                                                          les hommes et les
relie au reste du pays ; on ne peut s’y       d’abord le large et lent Río Valle avant                          cune a ses propriétés et ses utilisations
rendre qu’en bateau ou à bord d’un            de s’engager sur l’étroit Río Angía.
                                                                                          femmes se relai-      particulières.
petit avion.                                  Deux heures de traversée au beau            ent pour couper et        Autrefois, les gens vivaient en haut
    Contrairement à ce que l’on pourrait      milieu de la végétation, croisant en che-   pour ramasser les     à côté de leurs rizières. Mais les jeunes
croire, les rizières d’El Valle ne sont pas   min des oiseaux et des arbres déraci-       récoltes.             sont descendus au village, où il y a plus

Swissaidle monde                                                                                                                                     1/2015
Le Monde En finir avec la faim! L'agriculture bio. Et les récoltes sont abondantes.
a g r i c u lt u r e b i o            5

                                                                                                                               vient dans la région, la riziculture a pris
                                                                                                                               un nouvel élan. «Ils nous apportent de
                                                                                                                               nouvelles connaissances concernant
                                                                                                                               les engrais, la lutte contre les maladies,
                                                                                                                               etc.», explique Leonor Murillo. «Autre-
         Les riziculteurs de Bahia Solano fe-                                                                                  fois, nous ignorions tout cela. Mainte-
         ront une apparition sur la RTS, dans                                                                                  nant, nous savons comment combattre
         l'émission «ensemble». Celle-ci sera                                                                                  les nuisibles.»
         diffusée le dimanche 15 février 2015                                                                                     Les binômes continuent de couper
         à 12h30 sur RTS1 et 19h55 sur                                                                                         et de frapper à un rythme qui repose
         RTS2. La version italienne sera elle                                                                                  sur de longues années d’expérience.
         visible le samedi 14 février 2015 sur                                                                                 «Nous faisons cela depuis notre en-
         LA1. L'émission sera consacrée à ce                                                                                   fance, raconte Ismael Cordoba, ce sont
         projet de SWISSAID et à la lutte des                                                                                  des gestes que nos parents nous ont
         familles paysannes pour améliorer                                                                                     appris !» Lorsque les petits conteneurs
         leurs conditions de vie.                                                                                              en forme de bateau sont remplis, on
                                                                                                                               retire les feuilles et les restes de pani-
                                                                                                                               cule jusqu’à ce qu’il n’y ait plus que des
                                                                                                                               grains de riz.

                                                                                Une récolte rythmée                            Des serres improvisées
                                                                                Aujourd’hui, c’est jour de récolte. Al-        A présent, le riz doit être séché. Autre-
                                                                                berto Arías aiguise sa faucille et sa          fois, les riziculteurs du Río Valle
                                                                                machette, vérifie le tranchant des             ramenaient leur récolte au village et
                                                                                lames avec le pouce, puis sourit : «Avec       l’étalaient dans la rue pour la faire sé-
                                                     Ci-dessus: Alberto Arías
                                                                                ça, je peux tout raser ici !» Peu après,       cher. Cette méthode fonctionnait à peu
                                                     et Nubia Bermudez en
                                                     route pour leurs champs une petite procession se fraye un che-            près, mais il y avait toujours une voiture
                                                     de riz. Ci-contre: la pay- min à travers les fourrés : deux hommes        pour passer dessus et éparpiller les
                                                     sanne Sixta Tulia Rivas    portant une sorte de canoë court sur la        grains. Et comme il s’agit de voies non
                                                     dans son jardin potager. tête, suivis de femmes et d’hommes               goudronnées, il n’était pas rare que de
                                                     Ses récoltes de légumes
                                                     et de riz ont presque dou-
                                                                                munis de faucilles. Ils récoltent par          petites pierres se mêlent au riz.
                                                     blé depuis sa conversion groupe de deux : Alberto Arías coupe à               Avant la récolte, les paysans ont
                                                     à l'agriculture bio.       plusieurs reprises des brins de riz            construit un abri à l’aide de bâches en
                                                                                jusqu’à ce qu’il ait rassemblé une touffe      plastique, une sorte de serre que le vent
         d’animation et où leurs enfants peuvent                                assez grande. Il passe ensuite cette           peut traverser. Désormais, le riz sèche
         fréquenter l’école. En contrepartie, ils                               dernière à sa compagne Nubia, qui la           en quelques heures. «Autrefois, il fallait
         acceptent d’effectuer les deux heures                                  frappe trois fois sur le petit bateau, le      deux à trois jours de séchage, indique
         de trajet pour rejoindre leurs champs.                                 conteneur pour le riz. Les grains se           Ruperto Nagles, aujourd’hui, en un seul
         Une fois sur place, ils y restent une se-                              détachent de la panicule et tombent            jour, tout est sec !»
         maine : ils amènent avec eux des provi-                                dans le canoë. Nubia Bermudez jette                Les innovations portent leurs fruits.
         sions et des ustensiles de cuisine et                                  les tiges qui, par terre, vont se décom-       «C’est notre repas !» se réjouit Leonor
         campent dans une hutte de paille per-                                  poser et fertiliser le sol. Le tout se passe   Murillo tandis qu’elle coupe une nou-
         manente. Tous cuisinent et mangent                                     à un rythme effréné.                           velle touffe et la fait passer. «En plus,
         ensemble.                                                                                                             nous gagnons de l’argent dessus ! Car
                                                                                Egalité hommes femmes pour la                  ce que nous ne consommons pas, nous
                                                                                récolte                                        le vendons au marché.»
  co loMb iE                                                                    Les riziculteurs du Río Valle tiennent                                 Hans Haldimann
                                                                                beaucoup à ce que les hommes et les
         Colombie
    CARAÏBES
                                                                                femmes se relaient, c’est-à-dire à ce
                                                                                que les rôles soient régulièrement in-         Votre
                    Cartagena                                                   versés. «Nous pratiquons cette activité        aide
                                                                                comme un sport, déclare Leonor Mu-             concrète
PANAMA              Sincelejo
                   Montería                                                     rillo, l’une des paysannes les plus
                            Simití   VÉNÉZUÉLA                                  âgées, qui vient de prendre la place et        75 francs
                                                                                la faucille d’Alberto, «celui ou celle qui     Avec cette somme, vous financez par
                                                                                coupe le plus a gagné !»                       exemple dix mètres de bâche pour
    Cupica        Pueblorico
    Nuquí          Caramanta
                                                                                    Mais c’est la communauté toute             faire sécher le riz en Colombie, afin
                                      Sogamoso                                  entière qui gagne. Ici, personne ne            que celui-ci ne soit plus étendu sur la
                    Manizales
                           bogotá                                               parle du fait que le riz est cultivé selon     route. Une clôture, qui protège les
PACIFIQUE
             Buenaventura                                                       des méthodes biologiques – cela va de          cultures des animaux sauvages, coûte
                                                                                soi. Après tout, on ne parle pas non           135 francs.
                                                                                plus du fait que la terre tourne autour        SWISSAID – Aider avec courage.
                                                                                du soleil. Depuis que SWISSAID inter-

ÉQUATEUR
                                           BRÉSIL
         1/2015   PÉROU                                                                                                                                 Swissaidle monde
Le Monde En finir avec la faim! L'agriculture bio. Et les récoltes sont abondantes.
6    a g r i c u lt u r e b i o

«On peut vivre confortablement
d’un hectare de terre agricole»
Au centre Songhaï, les formations ont lieu à ciel ouvert, dans des champs d’essai.

Le Bénin abrite un centre                   diversification des cultures, qui est dé-     «L’agriculture     Quelles sont les caractéristiques
de formation à l’agriculture                terminante. Car on peut vivre conforta-                          de l’agriculture au Bénin ?
                                                                                          bio permet au
biologique que les chargés                  blement d’un hectare de terre agricole.                          Chez nous, c’est l’agriculture tradition-
                                                                                          ­producteur de
de programme de SWISSAID                                                                                     nelle qui prédomine. Elle se passe de
pour l’Afrique de l’Ouest ont               Pouvez-vous nous donner un                     dégager un        fertilisants et vit des produits de la forêt
visité récemment. ­Rencontre                exemple ?                                      ­bénéfice plus    et de sols sans produits chimiques. Là
avec Justin Lekoto, ­responsable            Lorsque l’on cultive 15 hectares de             important dans   où on élève du bétail, le fumier sert
d’information du ­centre                    coton avec usage intensif de produits           la mesure        d’engrais. De l’autre côté de l’échelle,
Songhaï.                                    chimiques, on doit vendre le produit à          où il n’achète   se trouvent les producteurs de coton
                                                                                                                                                            Photos : Sarah Mader, SWISSAID

                                            profit afin de pouvoir acheter ensuite          ni pesticides    qui doivent utiliser des engrais
                                            des aliments. Et c’est exactement là                             chimiques sur des sols déjà épuisés,
                                                                                            ni engrais.»
Les méthodes de culture                     que le bât blesse. Il faut intégrer la pro-                      afin de stabiliser les récoltes.
écologiques sont-elles efficaces            duction alimentaire aux exploitations.
pour lutter contre la faim ?                Un producteur de coton peut vivre                                Comment voyez-vous l’agriculture
Justin Lekoto : Quand on a faim, il faut    confortablement de ses terres et même                            écologique au Bénin ?
se demander pourquoi. Au Bénin, le          gagner de l’argent s’il mise sur des                             Les méthodes de culture traditionnelles
principal problème réside dans la           cultures mixtes, en plus du coton.                               doivent être modernisées et amélio-

Swissaidle monde                                                                                                                                   1/2015
Le Monde En finir avec la faim! L'agriculture bio. Et les récoltes sont abondantes.
a g r i c u lt u r e b i o          7

rées. Et nous devons trouver les              Le centre Songhaï
moyens de protéger les sols et l’envi-
ronnement. Ici, au centre Songhaï, les        Justin Lekoto est responsable d’information du          internationaux au centre Songhaï. L’objectif était
paysans voient que c’est possible.            centre Songhaï, premier centre de formation pour        de développer leurs propres programmes et pro-
Nous essayons, dans le cadre d’une            la diffusion de l’agriculture biologique en Afrique     jets dans le domaine de l’agriculture écologique.
approche intégrée, d’associer élevage         de l’Ouest, situé au sud du Bénin. Des paysans y        Actuellement, ils s’occupent des questions de
et production agricole. Notre priorité        suivent des formations continues, qui leur per-         mise en œuvre de l’approche intégrée dans les
est la diversification, mais ce n’est pas     mettent de se former en méthodes de culture éco-        pays où SWISSAID est active.
simple, car tous les paysans ne peuvent       logique améliorées.
pas devenir éleveurs. Les mentalités,            Les chargés de programme de SWISSAID du
les traditions ou les moyens financiers       Tchad, du Niger et de la Guinée-Bissau ont derniè-
l’interdisent. On peut cependant déve-        rement assisté à un cours dispensé par des experts      www.songhai.org
lopper l’élevage des chèvres ou celui
des poules dans les champs. Il est éga-
lement essentiel d’investir dans la fu-
ture génération, en formant les jeunes                                                  proposer leurs produits – on les connaît       «Le principal
paysans.                                                                                sur le marché. Ils les vendent bien, car       ­argument en faveur
                                                                                        leurs marchandises ont un meilleur
                                                                                                                                        de nos produits
Quelle est la politique agricole du                                                     goût. Au Bénin, il existe aujourd’hui
Bénin ?                                                                                 une catégorie de consommateurs qui
                                                                                                                                        bio est leur durée
La politique agricole du pays est entiè-                                                se préoccupent des questions de santé           de conservation
rement axée sur l’exportation. Mais                                                     en rapport avec l’alimentation. Ils ne          qui est nettement
l’Etat doit changer d’orientation ! Le                                                  sont pas nombreux, mais ils demandent           plus élevée.»
président a toutes les cartes en main                                                   des produits bio.
pour offrir une plate-forme aux idées
de l’agriculture biologique et créer                                                    Comment voyez-vous l’avenir de
d’autres centres agricoles comme le         Plus besoin de désherber : les bâches       l’agriculture biologique au Bénin ?
nôtre.                                      ­empêchent les mauvaises herbes de          Les jeunes se forment et je suis
                                             ­proliférer.                               convaincu que l’agriculture biologique
                                                                                        est promise à un bel avenir. Les pay-
                                            Quelles difficultés rencontrez-             sans ont également commencé à prati-
                                            vous ?                                      quer la culture mixte. Mais tout cela
                                            L’une des principales difficultés est que   prend du temps. Récemment, j’ai vu
                                            l’agriculture écologique demande plus       des paysans acheter de la matière orga-
                                            de travail que les méthodes conven-         nique pour fabriquer des engrais – cela
                                            tionnelles. En outre, les paysans ont un    me donne de l’espoir ! 
Les champs d'essai du centre
­Songhaï permettent aux paysannes           énorme déficit d’informations. Pour              Propos recueillis par Sarah Mader
 et paysans d'identifier les plantes        l’élevage, enfin, ils n’ont souvent pas
 les plus prospères.                        accès à des microcrédits, pourtant es-
                                            sentiels.

                                            Comment diffuser plus largement
                                            l’agriculture écologique ?
                                            Il faut mettre en avant les succès et
                                            aménager des champs d’essai dans
                                            des exploitations modèles afin que les
                                            paysans puissent apprendre les mé-
                                            thodes sur le terrain. Il est également                   Votre
                                            important de se focaliser sur les béné-                   aide
                                            fices potentiels. Au Bénin, les prix des                  concrète
                                            produits bio sur les marchés ne sont
                                            pas encore supérieurs à ceux des pro-                     50 francs
                                            duits conventionnels. Mais dans la                        Ce certificat cadeau permet l’achat de 100 pous-
                                            mesure où il ne doit acheter ni engrais                   sins qui permettent de démarrer un petit élevage
                                            ni pesticides, le producteur dégage un                    de volaille. Outre la vente des œufs, une famille
                                            bénéfice plus important.                                  de paysans peut utiliser la fiente des animaux
                                                                                                      comme engrais pour ses champs. Il en résulte
                                            Qu’en est-il de la commercialisa-                         des sols plus fertiles et de meilleurs rendements.
                                            tion des produits ?                                       Une chèvre qui nécessite peu de soins et dont
                                            Le principal argument en faveur de nos                    le fumier améliore la qualité des sols coûte
                                            produits bio est leur durée de conserva-                  35 francs.
                                            tion qui est nettement plus élevée. Les                   SWISSAID – Aider avec courage.
                                            agriculteurs bio savent aussi comment

1/2015                                                                                                                                      Swissaidle monde
Le Monde En finir avec la faim! L'agriculture bio. Et les récoltes sont abondantes.
8       violence domestique

         «Ma belle-fille a réussi à me dissuader de la
         rouer de coups»
         En Inde, la violence domestique contre
         les femmes est répandue dans toutes les
         couches de la population – et l’Etat ne fait
         pas grand-chose pour enrayer le phéno-
         mène. SWISSAID soutient une organisa-
         tion qui aide les femmes victimes de mal-
         traitances et qui sensibilise les hommes
         pour éviter qu’ils ne deviennent violents.

ranzösisch

         P   lus d’unEtiers
            Equat       u r des Indiennes ont déjà été
             l’objet de violences au sein de leur foyer. Le
         coupable n’est pas un inconnu, mais leur propre
                                                                           c oloMbi E

         mari, père ou beau-père. Dans toutes les                            CARAÏBES
           PACIFIQUE
         couches    de la population  indienne, soumettre
                                  COLOMBIE                                                  Cartagena
         les femmes en les frappant n’étonne personne.
         Mais la violence n’en est pas moins doulou-                    PANAMA              Sincelejo
                                                                                           Montería
         reuse, dégradante et brutale.
                                  Ibarra Elle n’est pas lé-             Hommes et femmes s’engagent pour lutter contre la violence domestique.
                                                                                                   Simití    VÉNÉZUÉLA
         gale non plus. Néanmoins, il reste du chemin à
                          quito
         parcourir jusqu’à   ce que l’Etat protège les vic-             Wadagaon dans l’Etat de Maharashtra ; il in-           de manière ciblée aux hommes non mariés. Ils
         times  de maltraitance et en punisse les auteurs.
             COTOPAXI                                                   carneCupica
                                                                               désormaisPueblorico
                                                                                         un modèle de comportement             doivent être sensibilisés avant de commencer
                                      Latacunga                                          Caramanta
                                                                             Nuquí au sein
                                                                        exemplaire         de sa communauté.
                                                                                                        Sogamoso               eux aussi à lever la main sur leur femme.»
                                      Ambato                                                Manizales
         La volonté est là, mais . . . TUNGURAHUA                                                  bogotá
                   Guaranda       Riobamba
         PourBOLÍVAR
               changer ce mode de         fonctionnement pa-
                                       CHIMBORAZO
                                                                        Ta, ma, notre
                                                                        PACIFIQUE     maison
                                                                                   Buenaventura
                                                                                                                               Impliquer l’Etat
         triarcal, il faut de laAlausí
                                persévérance, un long travail           La collaboration avec les autorités se trouve à        HMF encourage les femmes à faire valoir leurs
RAÏBES
         de persuasion, de la volonté. Et, parfois,  l’espoir
                                                   PÉROU
                                                                        un tournant. Un pas en avant a été réalisé grâce       droits et les soutient dans leurs démarches au-
         renaît, après le récit d’un changement radical                 à l’enregistrement en commun de la propriété           près de la police ou des tribunaux. Comités de
         de comportement : «Autrefois, pour moi, c’était                foncière par les couples mariés. «Le maire nous        médiation qui viennent en renfort de la police,
         normal de frapper ma belle-fille. Depuis qu’elle               aÉQUATEUR
                                                                           présenté le registre foncier sur lequel figurent    cours pour les responsables des groupes d’en-
         fréquente le comité des femmes, elle connaît                   les noms des deux époux, témoigne Sigrid       Bur-
                                                                                                                     BRÉSIL    traide et sensibilisation et collaboration avec les
         ses droits et elle se révolte. Cela m’a ouvert les             ri, collaboratricePÉROU
                                                                                            de SWISS­AID, après sa visite      fonctionnaires constituent les autres piliers de
         yeux. Ma belle-fille a réussi à me dissuader de                dans cette commune. Les femmes sont désor-             son action. Derrière tout ce travail de convic-
         la rouer de coups.» La personne qui raconte sa                 mais propriétaires de la terre à part égale avec       tion, il y a l’espoir que l’Etat s’intéressera
         «conversion» est un vieil homme à barbe                        leur mari !» Elle a pu constater le profond désir      bientôt à cette question et que la violence do-
         blanche, un notable que les hommes de l’admi-                  de changement auquel aspire ce village. Le long        mestique au sein de la société indienne ne sera
         nistration communale respectent. Shankar                       et patient travail de persuasion mené par l’orga-      plus acceptée de manière tacite. Zora Schaad
         Pandurang
             iNd E Patil est le chef du petit village de                nisation  partenaire de SWISSAID a sans aucun
                                                                            taN zaNiE
                                                                        doute contribué à ce nouvel état d’esprit.

         Inde                                                           Chercher le dialogue, avant de        recourir         Votre
                                                                        à la violence
                                                                                                           KENYA
                                                                                                                               aide
                                                                        Depuis 1992 dans la région d’Osmanabad, la             concrète
          PAKISTAN                                CHINE
                                                                        Halo  Medical Foundation (HMF)KILIMANJARO
                                                                         BURUNDI                            s’occupe des
                                                                        femmes et de leurs blessures physiques et psy-
TNAM
                 New delhi                  NÉPAL                       chiques. L’organisation propose des conseils et
         MADHYA PRADESH                                                 travaille étroitement avec différents groupes          125 francs
                                                                                                                                                                                     Photo : Lorenz Kummer, SWISSAID

                                                          BANGLADESH                              dodoma
                                  Bhopal                                d’entraide où les femmes peuvent parler de             Avec cette somme, vous pouvez par exemple
                     Indore            Jabalpur
                                                                        leurs blessures à l’âme, en savoir
                                                                                                         Darplus  sur leurs
                                                                                                             es Salaam         financez, en Inde, une formation complète
                           Nagpur         Raipur
                                       Chandrapur
                                                              MYANMAR   droits, et remettre en question la violence des        d'animateur en faveur d'un homme. Des thè-
             Mumbai        Beed
                                                                        hommes. Ces groupes sont dirigés par des ani-          mes tels que la masculinité, les bases légales
             Ratnagiri     Pune             CHHATTISGARH
                         Sagara                                         mateurs, hommes et femmes, formés par HMF,             et les stratégies d'action contre les violences
                                                                          ZAMBIE
                                               GOLFE DU                 qui se sont distingués par leur engagement et          envers les femmes sont abordés.
             MAHARASHTRA                       BENGALE
                                                                        jouissent de la confiance de la population.Lindi
                                                                                                                     ­Sigrid   SWISSAID – Aider avec courage.
                                                                                                                    Mtwara
                                                                        Burri raconte : «Certains animateursMasasi
                                                                                                               s’adressent
                                                                                        MALAWI              Nanyumbu
                                         SRI LANKA
                                                                                                            MOZAMBIQUE
         Swissaidle monde                                                                                                                                                   1/2015
Le Monde En finir avec la faim! L'agriculture bio. Et les récoltes sont abondantes.
EN B R E F           9

                                  Nicaragua: succès pour l’aide d’urgence
                                  aux victimes de la sécheresse

                                  B   onne nouvelle pour les plus de 1300 familles
                                      de paysans au Nicaragua qui ont bénéficié
                                  de l’aide d’urgence de SWISSAID, après la ter-
                                                                                        cette sécheresse ait été la pire depuis 32 ans,
                                                                                        l’Etat s’était contenté de distribuer quelques
                                                                                        colis alimentaires. Les familles de petits pay-
                                  rible sécheresse de 2014. Grâce aux pluies, par-      sans étaient pourtant dans le dénuement le plus
                                  fois abondantes, du mois d’octobre, les produc-       total : les sacs de récolte étaient désespérément
                                  teurs ont réalisé fin novembre une récolte de         vides et il n’y avait plus de semences pour les
                                  haricots et de maïs satisfaisante. Malgré des         prochaines semailles, car les paysans, en déses-
                                  pertes de maïs en raison du manque de précipi-        poir de cause, les avaient consommées.
                                  tations peu après les semailles de septembre, la         SWISSAID a alors mis à disposition des com-      Après la sécheresse, les semailles de septembre
                                  récolte suffit à remplir les banques de semences      munautés paysannes des semences tradition-          ont enfin donné une récolte satisfaisante.
                                  des villages.                                         nelles améliorées et des pompes pour amener
                                     Au cours des six premiers mois de l’année          l’eau des rares ruisseaux restants aux champs.
                                  passée, la sécheresse s’était abattue sur de          La priorité de cette action était de réapprovi-     méthodes de culture écologiques. Il était égale-
                                  vastes zones de ce pays extrêmement pauvre :          sionner les banques de semences pour que les        ment essentiel de prodiguer une aide d’urgence
                                  les plantes avaient séché dans les champs et les      familles puissent recommencer à cultiver leurs      simple et rapide, ce que nous avons pu réaliser
                                  récoltes de haricots et de maïs – les aliments de     champs et ainsi assurer eux-mêmes leur survie.      grâce à la précieuse contribution de nos dona-
                                  base – avaient été totalement perdues. Bien que       Cet objectif a été atteint, notamment grâce aux     teurs.                                     PW

                                  Guinée-Bissau :
                                  non à l’excision !

                                  L   ’excision est interdite depuis 3 ans
                                      en Guinée-Bissau, petit Etat d’Afri-
                                  que de l’Ouest. En novembre dernier, et
                                  pour la deuxième fois depuis l’entrée
                                  en vigueur de cette loi, deux exciseu-
                                  ses et quatre parents ont été traduits
                                  devant la justice pour leur implica-
                                  tion dans sept cas d’excision. Selon
                                  l’agence de presse AFP, tous les préve-      Affiches utilisées pour le travail de sensi-
                                  nus ont déclaré à la Cour avoir agi en       bilisation. Ci-dessus : ensemble, nous
                                                                               mettons un terme à l’excision. A droite :
                                  accord avec leur foi.
                                                                               Stop ! Ça suffit s’il vous plaît !
                                     Il y a dix ans, l’excision était encore
                                  un sujet tabou. Aujourd’hui, la situation
                                  s’est améliorée dans les villes, grâce à
                                  la sensibilisation, à l’ouverture d’esprit   soient traduites en justice. C’est abso-       «C’est absolu-        ciseuses d’autres sources de revenus,
                                  des chefs religieux et à l’interdiction de   lument nécessaire. Mais la loi seule ne        ment nécessaire       par exemple en tant que couturière ou
                                  cette pratique. Mais dans les commu-         suffit pas à mettre un terme à cette                                 productrice d’huile.
                                                                                                                              que les personnes
                                  nautés rurales comme celles des              pratique, c’est pourquoi le travail de                                   A Bafatá, une petite ville à l’est du
                                                                                                                              soient traduites
Photos : SWISSAID Guinée-Bissau

                                  Mandinka, des Fula et des Biafada, la        sensibilisation et de prévention est tout                            pays, deux exciseuses avaient déjà été
                                  pratique reste largement répandue. Se-       aussi important», explique Alfredo             en justice.»          condamnées il y a deux ans à trois ans
                                  lon un rapport du ministère de la Santé      Handem, représentant de SWISSAID                                     de prison. Aujourd’hui, le procureur re-
                                  de 2012, sur une population de 1,7 mil-      en Guinée-Bissau.                                                    quiert au moins sept ans d’emprison-
                                  lion de personnes, au moins 320 000              SWISSAID lutte contre ce phéno-                                  nement à l’encontre des parents et des
                                  femmes et filles sont encore touchées        mène en menant un travail de sensibi-                                exciseuses. Le verdict n’était pas enco-
                                  par cette mutilation génitale. «Nous         lisation auprès des chefs de village, des                            re tombé, lors du bouclage de ce maga-
                                  nous réjouissons que ces personnes           filles et des mères et en offrant aux ex-                            zine.                                PW

                                  1/2015                                                                                                                                     Swissaidle monde
Le Monde En finir avec la faim! L'agriculture bio. Et les récoltes sont abondantes.
10   m at i è r e s p r e m i è r e s

                                                                                                                       HONDURAS

                                                                                                                              Rancho Grande     Waslala
                                                                                                                            Jinotega
                                                                                                                                       Matagalpa
                                                                                                                                                   Matiguas
                                                                                                                       Terrabona      San Dionisio

                                                                                                                                                                  CARAÏBES
                                                                                                                             Managua

                                                                                                                                  Rivas

                                                                                                                  PACIFIQUE
                                                                                                                                             COSTA RICA

                                                                                                                  Mya N Mar

Transparence dans le négoce des matières premières :                                                                                               KACHIN STATE

le Conseil fédéral
                                                                                                                   INDE            Myitkyina

                                                                                                               BANGLADESH            Bhamo                 CHINE

                                                                                                                                                                  VIÊTNAM
                                                                                                                                          Lashio

rate le coche                                                                                            parence des paiements dans SHAN
                                                                                                                                           Mandalay
                                                                                                                                             le secteur
                                                                                                         négoce ne pose pas de problème en termes
                                                                                                         concurrence – un fait que
                                                                                                                                                 STATE du
                                                                                                                                                         de
                                                                                                                                                       LAOS
                                                                                                                                         le Conseil fédéral,
                                                                                                                                     Naypyidaw
                                                                                                         avec sa politique timorée, semble continuer à
Le débat sur la transparence des flux                                                                    ignorer.GOLFE
                                                                                                                   Le projet
                                                                                                                        DU     de loi est actuellement en
­ nanciers des entreprises actives dans le
fi                                                                                                                BENGALE
                                                                                                         consultation   et sera ensuite
                                                                                                                                  Rangun délibéré au Parle-
secteur des matières premières se trouve                                                                 ment.                                   THAÏLANDE
en Suisse dans une phase décisive.                                                                           SWISSAID va continuer à s’engager en fa-
                                                                                                         veur d’une plus grande transparence dans le
                                                                                                         secteur des matières premières. Cela repré-
                                                                                                         sente un instrument de premier plan pour lutter

L   e Conseil fédéral a procédé fin novembre
    2014 à la mise en consultation du volumi-
neux projet de loi sur la révision du droit de la
                                                     obtenir du Parlement la compétence d’étendre
                                                     l’obligation de transparence au négoce par voie
                                                     d’ordonnance, si d’autres pays devaient fran-
                                                                                                         contre ce qu’il est convenu d’appeler la «malé-
                                                                                                         diction des matières premières». C’est en effet
                                                                                                         la seule possibilité pour les populations des
société anonyme. Ce projet contient également        chir ce pas.                                        pays producteurs de pouvoir demander des
des dispositions relatives à la transparence des                                                         comptes à leurs autorités quant à l’utilisation
paiements effectués aux Etats et aux entre-          SWISSAID va continuer à s’engager                             N i gEr
                                                                                                         des richesses   générées par les ressources natu-
prises publiques par les sociétés actives dans le    En novembre 2014, le géant du négoce Trafi-         relles. SWISSAID et la Déclaration de Berne ont
secteur des matières premières. Reste que, se-       gura, dont le siège se trouve en Suisse, a annon-   récemment publié une étude qui illustre l’am-
lon le Conseil fédéral, seuls les paiements rela-    cé son intention de publier, dès 2015, les          pleur de ces paiements dans le négoce des
tifs aux opérations extractives seront soumis à      paiements effectués à des sociétés d’Etat, dans     matières premières.     Entre 2011 et 2013, les
                                                                                                                             ALGÉRIE
cette obligation. Les opérations de négoce se-       les pays membres de l’ITIE. Ainsi l’une des prin-   négociants suisses ont payé quelque 55 mil-
ront exemptées, alors qu’elles constituent l’es-     cipales sociétés de négoce a devancé le Conseil     liards de dollars à des gouvernements africains
sentiel de l’activité des traders suisses.           fédéral en matière de transparence des paie-        pour des livraisons de pétrole. Cela correspond
    Le projet de loi sur la transparence des paie-   ments. Cet exemple montre aussi que la trans-       à 12% des revenus de ces Etats, et représente
ments proposé par le Conseil fédéral est étroi-                                                          plus du double
                                                                                                                    MALI
                                                                                                                           de la totalité du volume d’aide
tement calqué sur les dispositions adoptées                                                              au développement octroyée à ces pays.
au sein de l’Union européenne. La Grande-                                                                           TILLABÉRI   Abala      Lorenz Kummer
                                                                                                                                       Dankassari
Bretagne est le premier pays européen à les                                                                     Téra
                                                                                                                                              Arzérori
                                                                                                                       Niamey
concrétiser par une loi, entrée en vigueur le 1er                                                                                    Dogondoutchi
                                                                                                                                                                            Photos : Michael Würtenberg

                                                                                                                Torodi          Harikanassou
décembre 2014. Dans le cas de la Suisse, l’ex-                                                                     Koygolo       DOSSO
clusion du négoce des matières premières ré-                                                                                                               NIGÉRIA
                                                                                                                           Gaya
duit cependant l’exercice à un simple alibi, car
les activités extractives de toutes les grandes
sociétés de négoce basées en Suisse sont déjà
soumises aux règles de transparence euro-                                                                Lien vers l'étude «Big Spenders» :
péennes. Le Conseil fédéral souhaite cependant                                                           www.swissaid.ch/fr/etude-negoce-petrole

Swissaidle monde                                                                                                                                              1/2015
PACIFIQUE
                                                COLOMBIE                                          Cartagena

                                                                          PANAMA                 Sincelejo
                                                                                                Montería                                                m at i è r e s p r e m i è r e s           11
                                                Ibarra
                                                                                                          Simití     VÉNÉZUÉLA

                                    quito

             COTOPAXI
                          Glencore sous     Latacunga
                                            Ambato
                                                                               Cupica
                                                                               Nuquí
                                                                                               Pueblorico
                                                                                                Caramanta
                                                                                                                       Sogamoso

                          haute surveillance
                                                         TUNGURAHUA                               Manizales
                          Guaranda       Riobamba                                                        bogotá
                                                                          PACIFIQUE
                      BOLÍVAR                 CHIMBORAZO                                   Buenaventura
                                       Alausí

                          au Tchad                              PÉROU

                          Une organisation de la société
                          civile tchadienne a donné l’alerte               ÉQUATEUR
                                                                                                                              BRÉSIL
                          après avoir constaté un déverse-
                                                                                               PÉROU
                          ment de brut en pleine nature
                          par la société suisse Glencore.

          i N dE                                                             ta N z a N iE

                                                                                                                    KENYA
                                                                          Le pétrole a été déversé
                                                                          par un chauffeur de
PAKISTAN                                             CHINE
                                                                          ­cBURUNDI
                                                                             amion dans une                         KILIMANJARO
                                                                           ­carrière proche d'un
                                                                            village.
        New delhi                                NÉPAL
MADHYA PRADESH

              mières
         Indore
                    Bhopal

           mierNagpur
                          L
              e géant suisse des matières
                       Glencore
                         Jabalpur
                 plan dans Raipur
                                  joue
                                        BANGLADESH
                                       un  rôle de
                                                   pre-
                                                   pre-
                            l’exploitation du pétrole
                                                                                                           qu’utilisent
                                                                                                          dodoma     les paysans pour se rendre
                                                                                                           aux champs et au village voisin».
                                                                                                                   Dar es Salaam
                                                                                                                                                            avec les autorités, la CNPCIC vient de
                                                                                                                                                            régler une amende de 400 millions de
                                                                                                                                                            dollars pour pouvoir continuer à exploi-
                                             MYANMAR
 Mumbai
           au Tchad,
                Beed l’un des pays les plus pauvres
                         Chandrapur                                                                        Glencore veut limiter la liberté                 ter le pétrole tchadien. Les autorités en
 Ratnagiri de laPune
                 planète, où CHHATTISGARH
                              SWISSAID appuie des                                                          de circulation                                   ont également profité pour renégocier
           organisations
             Sagara         de la société civile, qui                       ZAMBIE                         La société suisse a entrepris des tra-           en leur faveur les contrats qui les lient.
                                 GOLFE DU
           jouent un rôle de lanceur
 MAHARASHTRA                     BENGALEd’alerte.                                                          vaux de pompage    Lindi et de réhabilitation
              C’est le cas de la CPPL, la Commis-                                                          de la zone sinistrée.
                                                                                                                              Mtwara Mais aux yeux de       La population proteste contre
                                                                                                                       Masasi
           sion Permanente Pétrole Local, qui a                                                            la CPPL, ce n’est pas suffisant. Elle a          la vie chère
           envoyé une mission      sur le terrain pour
                           SRI LANKA
                                                                          Les servicesMALAWI de                      Nanyumbu
                                                                                                           demandé aux autorités d’envoyer une              Reste aux autorités tchadiennes à
           constater les dégâts environnemen-                             sécurité de                      commission       d’enquête indépendante,
                                                                                                                     MOZAMBIQUE                             mieux prendre en compte l’améliora-
           taux qui lui avaient été signalés, géné-                       Glencore ont                     pour   s’assurer   de la qualité et de la fia-   tion des conditions de vie d’une popu-
           rés par le déversement sauvage de                              tenté d'intimider                bilité des   travaux   de dépollution.           lation qui souffre de la cherté de la vie.
           pétrole sur le site de Bémangra, exploi-                                                            Les services de sécurité de Glencore         Des manifestations ont eu lieu le 11
                                                                          la mission de
           té par la société suisse Glencore. Dans                                                         ont tenté d’intimider la mission de la           novembre 2014 pour protester, entre
 Photos : Ldd. CPPL

           un rapport publié le 26 octobre 2014, la
                                                                          la CPPL venue                    CPPL en leur confisquant leur appareil           autres, contre la pénurie de carburant
  t ch ad  mission de la CPPL confirme la pré-                            ­constater
                                                                               g u iN Ea  les
                                                                                            -b i s s au de photo, avant de le leur restituer,               et des prix de l’essence qui ont été mul-
           sence d‘ «une étendue de brut pétrolier                         dégâts sur                      suite aux interventions d’autres organi-         tipliés par trois. Le comble pour un pays
           dans une carrière non loin de la route                          le terrain.                     sationsSÉNÉGAL
                                                                                                                      basées dans la capitale N’Dja-        pétrolier !            Catherine Morand
                                                                                                           mena. Dans son rapport, l’organisation
                                                                                                           estime
                                                                                                                Farimd’ailleurs «inconcevable et hors
                                                                                                Bigene                      Contuboel
                                                                                    Cacheu
                                                                                                                 Djalicundaque Glencore restreigne la
                                                                                                           de question                                      Votre
                                                                                                                                                            aide
                                                                                                             OÏO
                          Tchad                                                 Tchur Brick                liberté de circulation»
                                                                                                   Sao Vicente
                                                                                                                             Bafatá    sur le site pétro-
                                                                                                     Bula
                                                                             Calequisse      Canchungo lier, ce qui      empêcherait les habitants de
                                                                                                                     BAFATA                                 concrète
                                                                                         CACHEU                        Bambadinca
          NIGER                                                                                            pouvoir donner      l’alerte, et les organisa-
                                                                                                       bissau
                                                                             Ilha de Pecixe                tions de la Xitole
                                                                                                                         société civile de jouer pleine-
                                                                                                           ment leur rôle.                                  75 francs
                                                                 SOUDAN      Arquipélago                                                                    Avec cette somme, vous financez par
                                                                             dos Bijagós
                                                                                                           L’amende payéeGUINÉE
                                                                                                                                par la ­Chine               exemple une heure d'émission de ra-
                                                                                                           En juillet dernier, la société pétrolière        dio au Tchad. Celle-ci informe les pay-
NIGÉRIA                         N’djaména                                                                  chinoise CNPCIC (China Petroleum                 sans au sujet de leurs droits, mais aus-
                                              Mongo                         ATLANTIQUE
                                                                                                           Company International Chad) s’était vu           si sur les techniques agricoles
                                 Gélendeng
                                                                                                           retirer ses 5 permis d’exploitation après        écologiques. Dans les pays du Sud, la
                            Pala                                                                           avoir également déversé du brut en               radio est un des principaux moyens de
                                           Sarh
                       Moundou         Koumra                                                              pleine nature. La société civile s’était là      communication.
                                   Doba                                                                    aussi mobilisée pour lui demander des            SWISSAID – Aider avec courage.
CAMEROUN                               RÉP. CENTRAFRICAINE
                                                                                                           comptes. Après un intense bras de fer

                          1/2015                                                                                                                                                     Swissaidle monde
12   D i a lo g u e e n t r e pays a n n e s

Les paysannes des 4 continents, accompagnées de Markus Ritter, président de l'Union suisse des paysans et de Barbara Dürr, présidente
des paysannes saint-galloises.

Dans les coulisses
du Tour de Suisse des paysannes

E   n octobre 2014, huit paysannes du
    Myanmar (Birmanie), du Tchad, de
la Colombie et du Canada ont sillonné
                                           – appuyées par SWISSAID dans leur
                                           pays respectif – séjournaient à l’étran-
                                           ger pour la première fois. Leurs impres-
                                                                                                                leur a semblé bénéficier leur statut de
                                                                                                                paysanne.

la Suisse pendant deux semaines en         sions ont été aussi intenses que va-                                 Découvrir d’autres réalités
compagnie de SWISSAID, pour aller à        riées. En plus des échanges avec leurs                               Cet événement a représenté une belle
la rencontre de leurs collègues helvé-     collègues sur des sujets liés à l’agricul-                           opportunité d’en savoir plus sur la réa-
tiques, dans leurs fermes.                 ture, d’autres questions ont ponctué ce                              lité de paysannes sous d’autres cieux.
   Lors de sept haltes en Suisse ro-       Tour de Suisse. Des situations inédites                              Comme le résume parfaitement Yvonne
mande et alémanique, ces paysannes         pour elles ont éveillé leur curiosité,                               Grendelmeier de l’Union suisse des
d’ici et d’ailleurs ont échangé sur de     comme lorsqu’elles ont utilisé pour la                               paysannes et des femmes rurales, qui a
nombreux thèmes : le rôle déterminant      première fois un ascenseur. Les petits                               co-organisé avec SWISSAID ce dia-
qu’elles assument sur les exploitations    déjeuners à base de pain et de fromage                               logue entre paysannes : «Ces échanges
familiales, les innombrables tâches        ou encore la douche quotidienne à                                    et la découverte de parcours de vie
qu’elles accomplissent au quotidien ;      l’eau chaude courante ont également                                  aussi différents nous ont ouvert les
mais aussi sur des questions plus tech-    suscité de nombreuses questions.                                     yeux, à moi ainsi qu’à beaucoup de
niques concernant l’acquisition de             Durant ce Tour de Suisse inédit, les                             mes collègues.»         Fabio Leippert
connaissances en matière d’agroécolo-      paysannes des quatre continents ont
gie ou de semences. Ces partages           été très sollicitées par les médias. Elles
d’expériences ont fait apparaître de       ont chaque fois répondu aux interviews
nombreux points communs entre pay-         avec beaucoup de pertinence, sans se
sannes des quatre continents.              laisser intimider : leur énergie positive,
                                                                                        «Ces échanges et la
                                           leur décontraction et leur plaisir à
                                                                                                                                                           Photos : SWISSAID

Nombreuses sollicitations                  échanger étaient palpables. Elles ont
                                                                                        découverte de par-
­ édiatiques
m                                          également été impressionnées par le          cours de vie aussi
La plupart des paysannes venues du         sens de l’organisation de leurs collè-       différents nous ont
Tchad, de la Colombie et de Birmanie       gues suisses, et la considération dont       ouvert les yeux.»

Swissaidle monde                                                                                                                                  1/2015
D i a lo g u e e n t r e pays a n n e s          13

Paroles de paysannes

San Wai, Myanmar :                                    Marta Cecilia Pinto
«C’est formidable de rencon-                          Senejoa, Colombie :
trer des femmes qui sont fières                       «Ici, en Suisse, les paysannes
d’être paysannes. Dans mon                            ont beaucoup de bétail. En Co-
pays, c’est malheureusement                           lombie, c’est plutôt la culture
très rare.»                                           des légumes et des céréales qui
                                                      prédomine. C’est pourquoi j’ai
                                                      particulièrement apprécié la vi-
                                                      site des serres et l’échange avec
                                                      des spécialistes de la culture
                                                      maraîchère et des semences.»

Dorcas Ndigueroïm,                                    Nancy Caron, Canada :
Tchad :                                               «Le fait que des animaux diffé-
«Que ce soit dans les fermes                          rents soient aussi proches les
ou dans les parkings, en                              uns des autres m’a beaucoup
Suisse, il y a des machines                           étonnée. Au Canada, il est in-
pour tout.»                                           terdit pour des raisons d’hy-
                                                      giène de mettre des poules,
                                                      des cochons et des vaches à
                                                      un même endroit. Les fermes
                                                      bio ne fonctionneraient jamais
                                                      de cette façon.»

Yaini Contreras Jimenez,                              Lar Mya Mee, Myanmar :
Colombie :                                            «Je peux enfin cueillir l’une de
«Avec le Ribelmais, les pay-                          ces pommes directement sur
sans en Suisse préparent des                          l’arbre. Chez moi, elles sont
plats très similaires à ceux que                      hors de prix.»
nous cuisinons avec nos varié-
tés de maïs traditionnelles. Et
la préservation des semences
locales vous tient tout autant à
cœur qu’à nous.»

Monia Grenier, Canada :                               Momini Serrobé, Tchad :
«La passion de l’agriculture                          «On m’a dit qu’en Suisse, il y
nous unit. La terre n’appartient                      avait parfois trop de fumier.
pas au paysan. Il n’est là que                        Chez nous, c’est exactement le
pour s’en occuper et la trans-                        contraire. Nous n’en avons pas
mettre en bon état aux généra-                        assez et nous devons payer les
tions suivantes. C’est l’une des                      nomades pour qu’ils campent
raisons pour lesquelles notre                         dans nos champs et que leurs
rencontre a été si fructueuse.»                       troupeaux fertilisent ainsi les
                                                      sols.»

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14   forum

La vie au fil de l’eau
au Niger et à Genève
F   aire couler son robinet, boire un coup, arro-
    ser son potager, laver ses légumes puis sa
vaisselle. Des gestes anodins ? Pas pour tous !
A l’occasion de la Journée mondiale de l’eau et
en collaboration avec la commune de Vernier
(GE), l’association SWISSAID Genève vous con-
vie à une soirée de discussions avec projection
de courts-métrages. De l’accès public à l’eau à
son utilisation dans l’agriculture et l’industrie,
des spécialistes compareront les défis qu’une
ville comme Genève et un pays rural comme le
Niger doivent relever, à travers des exemples
concrets, notamment les projets «eau» de
SWISSAID au Niger. Rendez-vous est pris le
jeudi 19 mars, à 19h00 dans le Centre de quar-
tier de Poussy, 56 ch. de Poussy, 1214 Vernier.

www.swissaid.ch/fr/vernier-eau

«J’espère que le moratoire                                                              L’agriculture écologique,
sur les OGM en Suisse ne sera                                                           pour en finir avec la faim
jamais levé !»
E  n novembre 2014, SWISSAID Ge-
   nève a organisé un débat à l’issue
de la projection du film argentin «De-
                                                                                        P   our lutter contre la faim, SWISSAID promeut une agriculture
                                                                                            écologique, qui donne d’excellents résultats. Dans le livre
                                                                                        passionnant publié il y a quelques mois par Bruno Parmentier,
sierto verde», diffusé dans le cadre du                                                 spécialiste français des problèmes agricoles et alimentaires,
festival «Filmar en América Latina» à                                                   l’encouragement aux techniques de production agroécologique,
Genève. Ce film époustouflant raconte                                                   et le soutien à l'agriculture familiale sont présentés comme au-
par le menu la véritable catastrophe                                                    tant de solutions pertinentes pour lutter contre la faim dans le
que représente pour l’Argentine la                                                      monde et relever les défis du futur en matière d’alimentation.
culture de soja transgénique, qui em-                                                       Dans sa préface, Olivier de Schutter, rapporteur spécial des
poisonne riverains et paysans, «sprayés                                                 Nations Unies sur le droit à l’alimentation de 2008 à 2014, rend
comme des plantes» par des tonnes de                                                    hommage au livre de Bruno Parmentier, qui met en perspective
pesticides et d’engrais extrêmement                                                     les défis posés par des fléaux tels que la sous-alimentation, la
toxiques.                                                                               malnutrition et l’obésité, «triple fardeau qui continue à peser sur
   Ce documentaire met en scène des                                                     les gouvernements», tout en proposant des pistes pour en sortir.
mères, elles-mêmes souvent victimes                                                         «La faim est politique, son éradication aussi», rappelle Bruno
de cancer, qui se battent à Cordoba                                                     Parmentier, qui demeure optimiste, malgré le réchauffement de
pour que leurs enfants puissent vivre                                                   la planète, l’accaparement des terres ou la production d’agrocar-
dans un environnement sain. «Le fossé                                                   burants au détriment des aliments. Il
est toujours plus grand entre les finan-                                                compte sur l’engagement des citoyens
ciers qui profitent du tout-soja transgé-   exportait jadis. La faim guette désor-      et des ONG actives sur ces questions,
nique et celles et ceux qui en souffrent    mais l’Argentine, un comble pour ce         dont SWISSAID, pour faire reconnaître
dans leur corps», a estimé le réalisateur   grand pays agricole. «J’espère que le       par leurs gouvernements la faim
Ulises de la Orden lors du débat à l’is-    moratoire sur les OGM en Suisse ne          comme le principal problème que doit
                                                                                                                                                              Photos : SWISSAID Niger / Ldd.

sue du film.                                sera jamais levé», a-t-il lancé en appre-   affronter l’humanité en ce 21e siècle. Et
   Son film est un réquisitoire impla-      nant par le vice-président de SWIS-         les encourager à faire les bons choix
cable contre l’agro-industrie qui a         SAID Genève Laurent ­Jimaja que le          pour l’éradiquer.
transformé son pays en un «désert           moratoire sera remis en cause en 2017.
vert», où ne pousse pratiquement plus       Dans cette perspective, ce film mérite-     «Faim Zéro, en finir avec la faim dans
que du soja transgénique, au détriment      rait en tout cas d’être largement diffu-    le monde» de Bruno Parmentier, La
des nombreuses autres cultures qu’il        sé.                  Catherine Morand      Découverte, juillet 2014

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