Le MRAC en attente de l'AfricaMuseum - n 48 - Décembre 2018 - Mémoires du Congo

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Le MRAC en attente de l'AfricaMuseum - n 48 - Décembre 2018 - Mémoires du Congo
n°48 - Décembre 2018
                         Trimestriel - n° d'agrément : P914556
                   Expéditeur : MdC, rue d'Orléans, 2 - 6000 Charleroi

Le MRAC en attente
 de l’AfricaMuseum
                  des Ancie
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Le MRAC en attente de l'AfricaMuseum - n 48 - Décembre 2018 - Mémoires du Congo
Le président et les administrateurs de Mémoires du Congo

Editorial                          et du Ruanda-Urundi, auxquels se joignent les présidents et administrateurs
                                           des cercles partenaires, vous souhaitent de joyeuses fêtes.
                                      Que 2019 soit pour chacun d’entre vous une année pleine de bonheur.

C
                a y est ! Le temps de Noël est venu. Des mil-        Il est temps de penser à l’avenir de la
                liers de loupiottes éclairent nos rues. L’odeur      République Démocratique du Congo,
                du chocolat chaud accompagné de cougnous             du Rwanda et du Burundi et s’il faut
                fait le régal de ces journées écourtées. Les         se pencher sur le passé, nous le
                intérieurs de nos maisons sont garnis pour           ferons sans sourciller pourvu que
                égayer les soirées entre membres de notre            la vérité soit écrite. Le passé est là pour
                famille et nos amis. Les cartes de vœux ou les       éclairer l’avenir et nous devons y puiser
                mails chaleureux nous souhaitent d’agréables         tout ce qui peut améliorer la vie de nos
fêtes et une excellente année nouvelle. C’est ce que nous            n’dukus d’Afrique centrale. Joyeux Noël et
vous souhaitons à tous, amies et amis de “Mémoires du                Bonne Année aux uns et aux autres.
Congo”. Nous espérons vous revoir encore et encore tout              Un tout grand merci à vous qui nous aidez à remplir nos
au long de 2019. Que cette année soit propice à tous vos             obligations à l’égard des membres fondateurs de MdC : ces
désirs et aux nôtres, ceux de vous satisfaire et vous apporter       derniers nous ont imposé de recueillir vos témoignages et
au travers de notre magazine et de nos “Mardis de MdC”               ceux de nos parents et surtout de les diffuser aux nouvelles
une connaissance toujours plus profonde de notre histoire            générations. Merci à nos membres ordinaires, de soutien et
commune avec les Congolais, les Rwandais et les Burundais.           d’honneur, et particulièrement à ceux qui se sont affiliés à
Vous lirez dans la carte blanche écrite par André de Maere           vie : MM. Robert Bodson, Thierry Claeys Bouuaert, Robert
d’Aertrycke que nous désirons rencontrer les membres de              Crem, Frank Demaeght, Pierre-Edouard Fischer, Roger
la diaspora congolaise de Bruxelles pour tisser des liens qui        Gilson, Yvan Goffart, Thierry Jungers, Patrick Maselis et
nous permettront de nous apprécier les uns et les autres.            moi-même.				■ Paul Vannès

 Sommaire                                                            Nécrologie
 Mémoires du Congo et du Ruanda-Urundi
 Périodique n° 48 - Décembre 2018                                    L’Association a le pénible
 Editorial - Nécrologie                                          2
 Programme des Mardis                                            3   devoir de porter à la connais-
 Carte blanche                                                   4
 L'afrique centrale à l'honneur                                  5   sance de ses membres le
 Industrialisation du Congo (6)                                  6
 Archéologie africaine : patrimoine swahili (2b)                12   décès, en date du 8 octobre
 Subversion au Congo belge                                      18
 Les Russes au Congo belge                                      24   2018, d’Anne Claessens,
 Les Mirage de Mobutu                                           28   épouse de Jacques Hanot.
 Histoire d'une amitié (1)                                      32
 Dr Louise Fleming                                              35   La défunte était un membre
 Cacher ce noir que je ne puis voir                             36
 Le CO2 pour masquer la vraie pollution                         39   fidèle du Forum, au sein du-
 Associations : calendrier 2018                                 41
 UROME-KBUOL                                                    42   quel elle avait à cœur de par-
 Echos des mardis                                               44
 Echos du Forum                                                 46   tager son expérience.
 Plaidoyer royal pour les Virunga                               48
 A l'épicentre du Congo                                         49   Elle avait eu le talent de valoriser sa carrière d’infirmière,
 Clap de fin à Spa                                              50
 Afrikagetuigenissen                                            51   spécialiste en physio-electro thérapie, au Congo.
 Tam-Tam - ARAAOM                                               52
 Contacts - ASAOM                                               55
                                                                     Tous ceux qui ont eu le bonheur de côtoyer Anne gardent
 Nyota - CRAA
 Bulletin - RCLAGL
                                                                58
                                                                56
                                                                     d’elle un souvenir admiratif.
 Administration des cercles partenaires                         58   Que son mari et sa famille trouvent ici l’expression de
 Bibliographie                                                  64
 Photo de la couverture © F. Hessel (8 novembre 2018)                nos condoléances émues.

2       Mémoires du Congo n°48         MdC
                                         asbl   Décembre 2018
Le MRAC en attente de l'AfricaMuseum - n 48 - Décembre 2018 - Mémoires du Congo
Programme des                                         MÉMOIRES DU CONGO
                                                                 et du Ruanda-Urundi asbl
   “Mardis de Mémoires du Congo”                                 Périodique trimestriel - Agrément postal : BC 18012
                                                                 N° 48 - Décembre 2018
         Leuvensesteenweg, 17 à Tervuren.                        Editeur responsable : Paul Vannès.
              Auditorium 3e étage.                               Rédacteur en chef & coordonnateur des revues partenaires : Fernand Hessel
                                                                 Correctrice : Françoise Devaux
  Prix à payer : 30€ (23€ Moambe + 7€ participation aux frais)
                                                                 Maquette et mise en page : New Look Communication
     A verser au compte de MdC, au plus tard une semaine
                 avant la date de la manifestation               Comité des responsables thématiques
         IBAN – BE45 3630 0269 1889 BIC BBRUBEBB                 Thierry Claeys Bouuaert (histoire post-coloniale), Guido Bosteels
         Seul le payement enregistré une semaine avant           (textes en néerlandais), André de Maere d’Aertrycke (histoire
           le mardi concerné vaut réservation ferme.             coloniale), Marc Georges (santé), Fernand Hessel (éducation),
                                                                 Françoise Moehler-De Greef (culture), Paul Roquet (société),
                                                                 André Schorochoff (justice), Jean-Pierre Sonck (défense), Pierre
                Mardi 12 février 2019                            Van Bost (économie).
10h15 : Témoignage d’Anne Claessens, épouse de                   Dépôt des articles
                                                                 Les articles sont reçus :
Jacques Hanot. Infirmière spécialisée en physiothérapie,         - par mail à l'adresse : redaction@memoiresducongo.be
active au Centre de Rééducation pour Handicapés                  - par téléphone : 0495 51 51 71
Physiques de Kinshasa.                                           - par courier postal : rue d'Orléans, 2 – 6000 Charleroi
                                                                 Conseil d’administration
11h30 : “Léopold II, un souverain absolu pas si absolu           Président : Paul Vannès, Vice-Président : vacant
que ça !” par André Schorochoff. Son œuvre dans les              Comité de gestion : à constituer
domaines législatifs, exécutifs et judiciaires.                  Trésorier : Guy Dierckens, Solange Brichaut,
                                                                 Secrétaire : Nadine Evrard.
12h30 : Moambe du Chef Hofman                                    Administrateurs : Thierry Claeys Bouuaert représentant aussi CBL-
14h30 : Bienvenue à Marly-Gomont.                                ACP, Marc Georges, Fernand Hessel, Guy Lambrette, représentant
                                                                 aussi le CRAOM, Etienne Loeckx, José Rhodius,
Film de Julien Rambaldi. En 1975, Seyolo Zantako,                Patricia Van Schuylenbergh.
médecin fraîchement diplômé originaire de Kinshasa,              Siège social
saisit l’opportunité d’un poste de médecin de campagne           avenue de l’Hippodrome, 50 - B-1050 Bruxelles
dans un petit village français.                                  info@memoiresducongo.be
                                                                 Siège administratif
                                                                 rue d'Orléans, 2 – B 6000 Charleroi. Tél. 00 32 (0)71 33 43 73
                 Mardi 12 mars 2019                              Numéro d’entreprise : 478.435.078
10h15 : Témoignage de l’Ir Deweer, qui nous relate               Site public : www.memoiresducongo.org
                                                                 BIC : BBRUBEBB
l’histoire et les activités de Vicicongo.                        IBAN : BE95 3101 7735 2058
11h30 : “Le Guide du Voyageur”, guide incontournable             Secrétariat
des voyageurs au Congo belge par le Sénateur Alain               Secrétaire : Andrée Willems
Destexhe                                                         Cotisations 2019
                                                                 Cotisation ordinaire : 25 €. Cotisation de soutien : 50 €
12h30 : Moambe du Chef Hofman                                    Cotisation d’Honneur : 100 €. Cotisation à vie : 1.000 €
14h30 : Courts métrages sur la vie coloniale :                   Tous les membres reçoivent la revue.
Léopoldville en 1958, le Jardin du Frère Gillet, L’action        Compte bancaire de Mémoires du Congo
                                                                 (Pour les revues partenaires Tam-Tam, Contacts, Nyota et
sociale de la Forminière et l’Université Lovanium.               Bulletin, voir le compte bancaire de chaque association,
                                                                 en page 63).
                                                                 BIC : BBRUBEBB - IBAN : BE95 3101 7735 2058
                                                                 Ne pas oublier la mention “Cotisation 2019” ou “abonnement
                                                                 2019”. Les dames, sont priées, lors des versements, de bien
                                                                 vouloir utiliser le nom sous lequel elles se sont inscrites comme
                                                                 membres.
                                                                 Fichier d’adresses
                                                                 Si vous changez d’adresse, merci de nous communiquer vos
                                                                 nouvelles coordonnées et votre adresse mail. Merci également de
                                                                 communiquer l’adresse de toute personne intéressée à devenir
                                                                 membre de Mémoires du Congo et du Ruanda-Urundi ou à
                                                                 s’abonner à la revue.
                                                                 Simple abonnement à la revue
                                                                 Pour recevoir la revue, il suffit de virer 25 € au compte de
                                                                 l’association avec mention de l’adresse et de l’année.
                                                                 Publicité
                                                                 Tarifs sur demande, auprès du siège administratif
                                                                 Copyright
                                                                 Les articles sont libres de reproduction dans des publications
                                                                 poursuivant les mêmes buts que la revue source, moyennant
                                                                 mention du numéro de la revue et de l’auteur de la revue source,
 Cordiale invitation à tous de la part                           et envoi d’une copie de la publication à la rédaction.

         des amis portugais                                      © 2019 Mémoires du Congo et du Ruanda-Urundi.

                                                                                      Mémoires du Congo n°48   MdC
                                                                                                                 asbl
                                                                                                                        Décembre 2018    3
Le MRAC en attente de l'AfricaMuseum - n 48 - Décembre 2018 - Mémoires du Congo
Carte blanche
MAIN TENDUE À LA DIASPORA
AFRICAINE DE BELGIQUE
L'Administrateur de Territoire honoraire du Congo belge, André de Maere d’Aertrycke, en
poste successivement à Rutshuru, Butembo et Beni, s’adresse directement à ses compatriotes
d’origine congolaise, burundaise et rwandaise, en termes lucides, courageux et bienveillants,
aux fins d’instaurer le dialogue que tout citoyen de bonne volonté souhaite.

C
PAR ANDRE DE MAERE D’AERTRYCKE                                   (admda33@gmail.com)

                 e n’est pas par hasard                                                Nous comprenons la profonde
                 que vos parents,                                                      frustration que ce triste constat
                 vos grands-parents                                                    provoque en vous et vous amène
                 ou vous-mêmes,                                                        à vouloir en attribuer la faute à nous,
                 avez choisi notre                                                     Belges, allant jusqu’à adopter une
                 pays, la Belgique,                                                    attitude haineuse à notre égard.
                 comme terre d’ac-
                 cueil. Notre passé                                                    Nous avons pourtant aussi beau-
commun, avec ses abus incontes-                                                        coup souffert des mutineries et
tables, ses inévitables maladresses                                                    des émeutes, survenues après leur
et comportements regrettables, mais                                                    accession à l’indépendance, dans
aussi et surtout, ses réalisations                                                     vos pays d’origine ; meurtres, viols,
remarquables, qu’avec vous – com-                                                      humiliations, pillages et spoliations
ment aurions-nous pu y arriver sans                                                    ne nous ont pas été épargnés. Nous
vous ? – nous avons pu mener à                                                         aurions de ce fait toutes les raisons
bien en l’espace de deux générations                                                   de vous en vouloir.
                                                       André de Maere d'Aertrycke
à peine, a créé entre nos peuples,
pourtant si différents au départ,              la mise en place des infrastructures    Nous comprenons aussi votre dé-
des liens inaltérables.                        indispensables à son développe-         ception face à la discrimination
                                               ment durable, que ce soit en ma-        dont vous êtes hélas encore sou-
Car ce n’est pas rien, ce que nous             tière d’enseignement et de soins        vent victimes, que ce soit lors de
avons pu réaliser ensemble ! Après             médicaux, dispensés gratuitement        la recherche d’un emploi ou d’un
avoir mis fin aux razzias des escla-           aux quatre coins du territoire, ces     logement et que cela puisse aussi
vagistes venus de l’Est africain et aux        résultats extraordinaires suscitèrent   attiser des sentiments haineux à
cruelles guerres tribales qui sévis-           à l’époque, l’admiration de tous.       notre égard.
saient avant notre arrivée, nous nous
sommes attelés, avec vous et avec              Hélas, les lendemains qui devaient      Pourtant, ce n’est pas en ressassant
la collaboration active de vos chefs           chanter et que vous avaient promis      nos griefs réciproques, que nous
coutumiers, à la tâche exaltante de            vos leaders, lors de l’accession de     améliorerons notre sort. Faisons
mener ce vaste espace que nous                 vos pays à l’indépendance, n’ont        loyalement l’effort d’oublier nos ran-
gérions au centre de l’Afrique, sur            pas vu le jour et ne sont pas près      cunes, de tourner la page du passé,
la voie du progrès. Les résultats de           d’advenir, loin s’en faut. Et c’est     d’unir nos efforts et d’utiliser nos
ces efforts, consentis en commun,              pour échapper au triste sort qui        compétences, dans le respect de nos
furent spectaculaires.                         vous est réservé dans votre pays        diversités, pour aller de l’avant, réso-
                                               d’origine, que vous avez décidé de      lument, vers un monde meilleur ! ■
Que ce soit dans la mise en valeur             le quitter et de venir chez nous, en
des immenses richesses minières                Belgique, dans l’espoir d’y mener
dont regorgent vos pays d’origine,             une vie meilleure.

4     Mémoires du Congo n°48   MdC
                                asbl   Décembre 2018
Le MRAC en attente de l'AfricaMuseum - n 48 - Décembre 2018 - Mémoires du Congo
Société

L’AFRIQUE CENTRALE
A L’HONNEUR
Par un heureux concours de circonstances, l’Afrique centrale a été mise à l’honneur
à trois reprises en 2018. La République démocratique du Congo d’abord avec le prestigieux
prix Nobel accordé à un de ses fils et l’élévation à la dignité de Bourgmestre de Ganshoren
(Bruxelles) d’un Congolais devenu Belge, le Rwanda ensuite avec la nomination d’une de
ses filles comme Secrétaire générale de la Francophonie. Cet honneur exceptionnel rejaillit
quelque peu sur notre pays qui a eu l’avantage d’administrer les deux.
La revue se joint au concert de félicitations.

PAR FERNAND HESSEL

                       F                                           N                                                    D
                          ils d’un pasteur                               ée en 1961 à                                    e père kasaien
                          protestant, De-                                Kigali dans                                     et de mère
                          nis Mukwege                                    une famille                                     kivutienne,
                     est né Bukavu en                              Tu t s i , L o u i s e                         Pierre Kompany
                     1955. Il y fit ses                            Mushikiwabo ob-                                voit le jour à Coster-
                     études primaires                              tient en 1984 un                               mansville (ancien
                     et secondaires (di-                           diplôme d’anglais                              nom de Bukavu)
                     plôme d’Etat en                               à l’université natio-                          en 1947. Il possède
    Denis MUKWEGE    1974), avant de se        Louise MUSHIKIWABO  nale du Rwanda à             Pierre KOMPANY    deux gènes domi-
diriger vers des études de médecine,         Butare. Elle quitte le Rwanda pour les         nants : le football et la politique. Pour
à l’Unikin d’abord, puis à la Faculté de     Etats-Unis où elle fait des études d’in-       le football, il le donnera en héritage à
médecine du Burundi.                         terprétariat, ce qui lui sauvera la vie        son fils Vincent.
                                             lors du génocide de 1994 où elle perdit
Le diplôme en poche, il se met au ser-       la plupart des membres de sa famille.          Pour la politique, il en fait son affaire.
vice de l’hôpital de Lemera, au sud de                                                      Au campus de Kinshasa où il fait des
Bukavu. Dès 1984 il obtient une bourse       Parfaite trilingue (kynyarwanda, fran-         études d’ingénieur, il est actif dans la
d’études pour suivre une spécialisation      çais, et anglais), elle regagne le pays en     contestation du régime mobutien ; et
en gynécologie à Angers en France.           2008, après avoir épousé un Américain.         échappe de justesse en 1969 au mas-
Il parachève sa carrière universitaire       Le président Kagame la nomme Mi-               sacre d’une quarantaine d’étudiants
en obtenant un doctorat en sciences          nistre des Affaires étrangères et de la        ayant fait mouvement du campus vers
médicales à l’ULB.                           Coopération en 2009, poste qu’elle ne          le rond-point de Ngaba.
                                             quittera qu’en 2018, quand sa candida-         En 1975 il croit utile pour sa sécurité de
Par son engagement, contre vents et          ture au poste de Secrétaire générale de        gagner la Belgique, où il finira, après
marées politiques internes, il acquiert      l’Organisation internationale de la Fran-      des années de vaches maigres, par ob-
une renommée mondiale, que l’attri-          cophonie (OIF) est acceptée (Sommet            tenir le statut d’exilé politique, et où il
bution du Nobel de la Paix est venue         XVII à Erevan en Arménie).                     parachèvera ses études d’ingénieur.
couronner en 2018. A titre entièrement                                                      Son entrée en politique lui ouvrira les
mérité. C. Braeckman lui a consacré un       Sa nomination crée quelque remous du           voies qu’il souhaite pour devenir Belge.
ouvrage sous le titre qui deviendra sa       fait que le Rwanda a adopté l’anglais          Militant PS au départ, il passe à droite.
carte de visite : L’homme qui répare les     comme langue nationale en 2003. La
femmes. Et T. Michel lui a consacré un       France se fit nonobstant son meilleur          Il déménage d’Etterbeek à Gansho-
film éponyme.                                allié, non sans visée politique. Et les        ren, où il finit par se hisser au poste
Le bon docteur, modeste pour lui-même        autres électeurs ont misé sur sa com-          de bourgmestre, dès 2019. Homme de
mais ambitieux pour ses malades, conti-      pétence.                                       consensus et d’humanisme, il ne tardera
nue son action salutaire                                                                    pas à imprimer sa marque.
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                                                                                                                 asbl
                                                                                                                        Décembre 2018   5
Le MRAC en attente de l'AfricaMuseum - n 48 - Décembre 2018 - Mémoires du Congo
Economie

L'INDUSTRIALISATION
DU CONGO                                                  (7)

Les agro-industries et les industries du bois
De laborieux et constants efforts dans le domaine agricole ont permis de développer au Congo une
agriculture performante qui permit d’une part, non seulement d’éviter les disettes et de nourrir les
Congolais à leur faim, mais aussi d’exporter des surplus de denrées alimentaires et, d’autre part,
d’assurer au pays des revenus conséquents grâce à une agriculture industrielle de produits mis sur
le marché mondial. On vit ainsi se développer deux formes d’agricultures : une agriculture indigène
centrée principalement sur les productions alimentaires et une agriculture européenne basée sur de
grandes exploitations de produits destinés au traitement industriel ou à l’exportation.

PAR PIERRE VAN BOST
Au temps de l’Etat Indépendant                  d’agriculture tropicale furent organisés    agricole de Gembloux, qui effectua
du Congo (1885-1908)                            à l’école d’Horticulture et d’Agriculture   une mission au Congo en 1896. Laurent
                                                de Vilvorde et quelques agents agri-        émit de sérieuses critiques au sujet du
A l'arrivée des Européens, tout était à         coles et éleveurs de bétail partirent       manque de formation des quelques
faire dans le domaine de l'agriculture et       au Congo, au service de l’Etat. Près        agronomes envoyés au Congo ainsi
Léopold II veilla à la mise en place de         des stations de l’Etat on créa dix-huit     que du peu de pouvoir de décision des
tout un programme de développement              stations expérimentales avec des plan-      fonctionnaires quant aux plantations
agricole. Avant de pouvoir mettre en            tations de caféiers, de cacaoyers, de       de l'Etat, entreprises parfois dans des
valeur et développer les ressources             lianes et d’arbres à caoutchouc, mais,      terrains peu fertiles, si pas stériles. Il
agricoles du pays, il fallut d’abord            faute de personnel expérimenté, ces         préconisa de fonder de nouveaux et
établir un inventaire des possibilités,         expériences se soldèrent par un échec.
étudier les sols, la flore, la faune et         La recherche agronomique prit une           1. Vue du Jardin botanique d’Eala. A droite la
le climat. En 1889, sur insistance du           nouvelle orientation avec Emile             maison du directeur. Photo Jean Malvaux, Cdt
Roi, des cours théoriques et pratiques          Laurent, chargé de cours à l'Institut       Dubreucq, “A travers le Congo Belge”, 1909

                                                                                                                                       1

6      Mémoires du Congo n°48   MdC
                                 asbl   Décembre 2018
Le MRAC en attente de l'AfricaMuseum - n 48 - Décembre 2018 - Mémoires du Congo
importants postes agricoles dans de         la constitution du sol, la flore, la faune     En 1933 la tonne de coton chutait au
meilleurs sols et de créer un important     et les climats dans diverses régions.          dixième de sa valeur, le cours du café
jardin d'essai sous l'équateur, à Coquil-   Durant la Première Guerre mondiale,            Robusta tombait à 50% et la tonne
hatville, le Jardin botanique d'Eala.       Leplae introduisit la culture du coton         d'huile de palme perdait plus de 70% !
Ce Jardin rendit de grands services à       pratiquée par les indigènes. (2)               La ruine des planteurs et des récol-
l’agriculture au Congo. Il contribua à      Pendant la Première Guerre mondiale,           tants indigènes fut évitée par des
la formation pratique et scientifique       le Congo Belge s'acharna à travailler,         mesures aussi audacieuses qu'éner-
du personnel des plantations, il réa-       produire et exporter. Cela se fit avec         giques : réduction massive des coûts
lisa l’acclimatation, la sélection et la    succès, les exportations des produits          de transports, suppression des droits
diffusion de nombreuses essences            végétaux grimpant de 19.000 tonnes             de sortie et des taxes, création d'un
et initia de nombreux Congolais aux         en 1913 à plus de 53.000 tonnes quatre         “Fonds d'assistance temporaire à l'Agri-
méthodes modernes de culture. (1)           années plus tard.                              culture”, instaurant un crédit agricole,
Mais malgré tous ces efforts, les statis-   En 1917, pour vaincre les carences             permettant aux sociétés cotonnières
tiques de l’Etat Indépendant du Congo       de l’agriculture indigène, une ordon-          d'acheter les récoltes indigènes au
montrent que peu de progrès avaient         nance-loi imposa aux chefferies in-            prix d’avant la crise.
été réalisés par l’agriculture entre les    digènes de pratiquer, chaque année,            En 1932, l’Université de Louvain créa
années 1893 et 1908.                        à leur bénéfice exclusif, des cultures         les Centres Agronomiques de Louvain
                                            vivrières ou de rapport. Cette pratique        dans la Colonie, la Cadulac, dont le but
Le Congo devenu belge                       que le Gouvernement appela “cultures           premier était de former des assistants
(1908-1960)                                 éducatives” souleva de vives critiques,        agricoles indigènes. Le principal centre
                                            certains y voyant un retour au temps           fut installé à Kisantu.
En 1908, la Belgique reprit le Congo        si décrié de l’E.I.C. avec la récolte obli-    En 1933, le roi Albert Ier chargea son
et poursuivit en l’intensifiant la poli-    gatoire du caoutchouc, mais elle allait        fils, le prince héritier Léopold, d’une
tique agricole entamée par Léopold          toutefois déterminer l’orientation future      mission au Congo Belge en vue d’y
II. En 1910, on créa une “Direction         de l’agriculture congolaise.                   étudier le développement de l’agri-
générale de l'Agriculture » au sein du      La hausse des cours des produits               culture. ➟
ministère des Colonies dont la direction    agricoles après la Première Guerre
fut assurée par Edmond Leplae qui           mondiale et les résultats encourageants
s'attacha vingt-trois années durant au      obtenus dans les stations expérimen-
développement et au perfectionnement        tales de l’Etat, attirèrent les capitaux       2. Edmond Leplae (1868-1941), directeur du
                                                                                           service de l’Agriculture au sein du ministère
des cultures et des élevages indigènes      belges au Congo et de nombreuses
                                                                                           des Colonies, vu ici avec des travailleurs
et cela avec l'aide de stations de re-      entreprises agricoles virent le jour.
                                                                                           à Elisabethville en 1911, s’attacha 23
cherches totalement réorganisées. Il        Hélas peu après, la crise économique           années durant au développement et au
fit installer des laboratoires, des sta-    mondiale qui éclata à la fin de l’année        perfectionnement des cultures et de l'élevage
tions météorologiques et des centres        1929, toucha le Congo et l’agriculture         indigènes. René J. Cornet,
d’expérimentation chargés d’étudier         congolaise fut cruellement atteinte.           “Les Phares verts”, Ed. Cuypers, 1965

                                                                                                                                       2

                                                                                      Mémoires du Congo n°48   MdC
                                                                                                                asbl
                                                                                                                       Décembre 2018       7
Le MRAC en attente de l'AfricaMuseum - n 48 - Décembre 2018 - Mémoires du Congo
Economie                                L'industrialisation du Congo (7) : les agro-industries et les industries du bois

4. Séchoir rotatif à café datant de 1929, à l’usine
centrale de la Société Biaro. Rapport Biaro 1925-
1950.
                                                                                                                                                   4
A son retour, le Prince proposa l’éta-
blissement d’un programme dont
l’exécution fut confiée à un organisme
scientifique, l’Institut National pour
l’Etude Agronomique du Congo Belge,
l’Inéac. (3)
Pendant la Deuxième Guerre mondiale,
les productions de coton et de noix de
palme et de palmistes, s'intensifièrent.
Après 1945, on passa de l'économie
de guerre à un véritable boom, dont
le moteur fut le Plan Décennal 1949-
1959. Cinq produits agricoles, le café,
les fruits du palmier Elaeis, le coton,                la mise en place de jeunes plants, les                café apporta l’essor économique, ma-
le caoutchouc et les bois, totalisaient                colons se lançant dans cette culture                  tériel et social aux populations dans
un tiers des exportations globales du                  devaient disposer de fonds suffisants                 les zones rurales où elle fut implantée.
Congo.                                                 pour subsister pendant ces années.
                                                       Heureusement, ils purent compter                      Les produits du palmier élaeis
Le café                                                sur l’aide financière de la Société du                Les fruits du palmier se présentent en
Le fruit du caféier est une baie qui                   Crédit au Colonat qui leur accorda des                régime comportant des noix palmistes
contient deux fèves : le café. Après                   prêts hypothécaires. Les coopératives                 formées d’une enveloppe pulpeuse
récolte les baies sont traitées dans                   de planteurs et l’Inéac leur apportèrent              oléifère, dont on extrait l’huile de
une usine de conditionnement où                        un soutien technique et leur livrèrent                palme, entourant un noyau dur qui
elles sont séchées dans des séchoirs                   des plants sélectionnés.                              contient une ou plusieurs amandes
mécaniques avant d'être décortiquées                   En 1958, les productions de café Ro-                  oléagineuses appelées amandes pal-
pour séparer les fèves des coques.                     busta furent de 38.882 tonnes pour                    mistes, dont on extrait l’huile palmiste.
Vers 1922, des entreprises privées ma-                 les plantations européennes et de                     En 1911, Lord Leverhulme comprit le
nifestèrent de l’intérêt pour la culture               6.626 tonnes pour les plantations in-                 parti que son industrie du savon, le
du café Robusta et la création de la                   digènes ; pour le café Arabica, elles                 groupe anglais Lever Brothers, pouvait
Société des Exploitations Agricoles et                 furent respectivement de 7.276 et de                  tirer du Congo. Par convention passée
Industrielles de la Biaro, en 1925, mar-               1.006 tonnes. A l'époque, le Congo                    avec le Gouvernement de la Colonie,
qua le point de départ de l’extension                  Belge était le 10e producteur mondial                 il s’engagea à mettre en valeur des
de cette culture. Quant aux plantations                de café. L’extension de la culture du                 palmeraies naturelles et fonda à cet
d’Arabica, elles débutèrent vers 1925-
1926 dans les régions élevées du Kivu
et de l’Ituri. (4)
La création et l’entretien d’une plan-
tation de café demande une main-
d’œuvre abondante qui n’était pas
toujours disponible, ce qui mit un frein
à l’extension de plantations.
De plus, comme il faut plusieurs an-
nées pour qu’une plantation devienne
rentable, les premières récoltes de café
ne pouvant se faire que trois ans après

      3. Abri mycologique de l’Inéac à Yangambi.
    La photo montre des plantules de caféiers sur
        lesquelles on étudie expérimentalement la
                                     trachéomycose.
      F. Pierot, “Lumière sur l'Afrique belge”, 1958                                                                                               3

8        Mémoires du Congo n°48       MdC
                                        asbl   Décembre 2018
Le MRAC en attente de l'AfricaMuseum - n 48 - Décembre 2018 - Mémoires du Congo
effet la Société des Huileries du Congo      Léopoldville, Elisabethville et Lusambo.       dans la fabrication de produits médi-
Belge, les H.C.B., chargée d’aménager        Dans les années 1930, le Gouverne-             caux et de beauté. Il convient aussi
ces palmeraies, de créer des usines et       ment décida d’orienter l’agriculture           de mentionner que l’Inéac joua un
d’organiser le transport des produits        indigène vers le paysannat et imposa           rôle important dans l’amélioration du
usinés. La convention imposait des           aux planteurs congolais de créer des           rendement des palmeraies.
conditions assurant aux industries           plantations de palmiers ; des accords
et au commerce belges, ainsi qu’aux          furent passés avec les entreprises euro-       Le coton
indigènes du Congo, de grands avan-          péennes pour le traitement industriel          Le fruit du cotonnier se présente sous
tages. Les H.C.B. mirent en œuvre des        de la production indigène.                     la forme d’une capsule déhiscente
moyens considérables et, en 1919, outre      En 1958, les entreprises européennes           contenant des graines oléagineuses
leur usine principale de Leverville,         exploitaient 3.146 hectares de pal-            couvertes de poils tégumentaires blancs
elles possédaient au Congo 7 grandes         meraies naturelles aménagées, les              de longueur variable : le coton.
usines à vapeur capables de traiter par      indigènes en exploitaient 12.763 ; les         Le coton récolté est séché au soleil sur
an quelque 120.000 tonnes de noix            plantations artificielles couvraient une       des nattes ou des claies. Ce coton brut,
de palme. En 1957, elles en avaient          superficie de 235.757 hectares, dont           appelé coton-graine, est livré pour
vingt équipées de façon moderne,             88.700 appartenaient à des indigènes.          traitement à une usine d’égrenage
dont plusieurs électrifiées. Au début, la    Les produits du palmier élaeis occu-           qui retire les graines des fibres. Le
société n’exploitait que des palmeraies      paient en tonnage le premier rang              coton-fibre ainsi obtenu est ensuite
naturelles mais, à partir de 1935, elle      parmi les exportations de produits             pressé en balles de 100 kg. Le coton
entreprit un programme d’établisse-          végétaux de la Colonie et ils prenaient        est la fibre naturelle la plus utilisée au
ment de grandes plantations et, en           une place de première envergure sur            monde pour la fabrication de textiles.
1957, elle possédait plus de 40.000          le marché mondial, qu’ils approvision-         Quant à la graine de coton, elle four-
hectares de plantations de palmiers          naient à concurrence d’un quart envi-          nit par pression, de 12 à 15% d’huile
sélectionnés. Dès leur implantation          ron. Au cours du temps, les producteurs        brute, 45% de tourteaux ou de farine
dans le bassin congolais les H.C.B. se       d’huile de palme au Congo n’ont pas            de coton, 27% de coques et de 5 à 7%
dotèrent d'une flotte fluviale et elles      limité leurs efforts pour perfectionner        d’un duvet de fibre très court, le linter,
disposaient de leurs propres instal-         les techniques d’extraction de l’huile,        utilisé dans la fabrication d’explosifs.
lations portuaires et de stockage à          mais ils ont également porté leur action       Après raffinage, l’huile est utilisée
Léopoldville. (5)                            sur l’amélioration de la qualité de l’huile    comme huile alimentaire ou de friture.
De nombreuses entreprises suivirent          produite. C’est ainsi que d’une matière        Les résidus, acides gras éliminés lors
les traces des H.C.B. et s’intéressèrent     grasse à usage industriel, l’huile de          du raffinage, trouvent, purifiés, un
à l’exploitation industrielle du pal-        palme était devenue un oléagineux              débouché en savonnerie et le reste
mier élaeis. A la veille de la Deuxième      alimentaire des plus fins.                     est transformé en tourteaux pour
Guerre mondiale, on dénombrait au            L’huile de palmiste est utilisée dans          l'alimentation du bétail. ➟
Congo 110 huileries mécaniques et            la préparation des beurres végétaux
                                                                                            5. Usine et installations des Huileries du
218 huileries à bras. Il existait aussi      et dans la confiserie. Soumise à un            Congo Belge à Leverville, au Kwilu. Illustration
trois huileries de palmistes, installées à   raffinage spécial, elle intervient aussi       Congolaise, 19334

                                                                                                                                         5

                                                                                       Mémoires du Congo n°48   MdC
                                                                                                                 asbl
                                                                                                                        Décembre 2018        9
Le MRAC en attente de l'AfricaMuseum - n 48 - Décembre 2018 - Mémoires du Congo
Economie                               L'industrialisation du Congo (7) : les agro-industries et les industries du bois

                                                      réalisation. Leur rôle fut limité à de la             Les exploitations forestières et
Au Congo, la culture du coton était                   sous-traitance, travaillant à façon pour              l’industrie du bois
exclusivement pratiquée par des pay-                  le compte des planteurs qui restaient                 La forêt congolaise couvre approxi-
sans indigènes dans le cadre de leurs                 propriétaires de leur coton jusqu’à sa                mativement 120 millions d’hectares,
activités familiales et faisait partie du             vente sur les marchés mondiaux. [6]                   soit près de la moitié de l’ancienne
système de rotation des cultures pro-                 Le traitement de la récolte de coton                  colonie. On y trouve des essences les
posé par l’Inéac pour assurer la conser-              était assuré, en 1957, par 12 sociétés                plus variées pouvant fournir des bois
vation des terrains. Les cultivateurs de              européennes qui possédaient 102                       aux usages les plus divers : menuiserie,
coton bénéficiaient de l’assistance des               usines d’égrenage et 11 huileries.                    ébénisterie, charpenterie, parquetage,
sociétés cotonnières et de l’Etat qui se              La Compagnie Cotonnière Congo-                        travaux hydrauliques, constructions
chargea de la propagande cotonnière,                  laise, la Cotonco, la première socié-                 navales, bois de mines, traverses de
de la distribution de graines provenant               té cotonnière créée en 1920, avec la                  chemins de fer, marqueterie, tournage,
de l’Inéac, de l’assistance d’agronomes               participation de différents groupes                   tonnellerie, caisserie, déroulage et
qui guidaient les indigènes dans le                   financiers belges, était la plus impor-               tranchage. Cette forêt est une richesse
choix des terres et enseignaient les                  tante de ces sociétés traitant à elle                 naturelle dont la mise en valeur n’était
méthodes culturales.                                  seule environ 60% de la production                    possible que dans les régions proches
Le coton, produit d’exportation, n’avait              totale de la Colonie.                                 des cours d’eau et des axes de trans-
de valeur que sur les marchés mon-                                                                          ports. De plus, pour être rentable, une
diaux qui en déterminaient les prix en                En 1958, près de 830.000 Congolais                    exploitation forestière doit disposer
fonction des cours influencés par le                  cultivaient du coton, les superficies sous            d’une main-d’œuvre importante ou
mécanisme de l’offre et de la demande.                culture avoisinaient les 340.000 hec-                 d’un matériel suffisamment abondant
Pour amener le coton sur le marché                    tares et la production de coton-graine                et perfectionné pour assurer un travail
mondial, il doit être conditionné, em-                fut de 142.495 tonnes. Cette année-là,                rationnel et continu.
ballé, transporté.                                    le Congo Belge exporta 34.410 tonnes                   Aussi, désireux d’éviter le gaspillage du
                                                      de coton-fibre, 1.359 tonnes de linters               capital ligneux et de la main-d’œuvre,
Des sociétés cotonnières achetaient le                et 320 tonnes de déchets. Il exporta en               l’Etat n’encouragea que les exploitations
coton-graine à des conditions fixées                  outre 5.796 tonnes d’huile de coton.                  disposant de capitaux importants.
chaque année par le Gouvernement                      La valeur à l’exportation du coton, y                 Aussi, longtemps l’exploitation fores-
et elles en assuraient l’égrainage, le                compris celle des tourteaux et d’huile,               tière se limita à l’ouverture de petits
conditionnement, le transport et la                   représentait un peu plus d’un milliard                chantiers où le bois nécessaire aux
                                                      de francs, soit quelque 6% des ex-                    besoins locaux était débité à la main
   6. Salle d’égrenage de l’usine de la Cotonco       portations totales de la Colonie. Une                 par des scieurs de long. Peu à peu, des
   à Businga, dans le territoire de Banzyville. F.    partie du coton produit était utilisée                scieries mécaniques ont été installées
    Pierot, “Lumière sur l'Afrique belge », 1958.     par l'industrie textile congolaise.                   dans différentes régions fournissant

                                                                                                                                                  6

10     Mémoires du Congo n°48        MdC
                                       asbl   Décembre 2018
poutres, charpentes, planches néces-        placages tranchés, des fabriques de        tation excessive et l’érosion qui en est
saires à la construction de bâtiments       meubles en divers endroits du Congo        très souvent le corollaire.
et à la fabrication de meubles. (7)         et, au Maniema, une scierie débitant       L’Inéac collabora avec le secteur des
Les Compagnies de transport fer-            des traverses de chemins fer destinées     bois congolais pour rechercher des
roviaire et fluvial étaient autorisées      à l’exportation vers l’Afrique du Sud.     solutions aux problèmes de l’exploi-
à couper sur les terres domaniales          Quelque 1.600 entreprises diverses         tation des richesses forestières, de
non occupées ni mises en culture le         vivaient de la sylviculture ainsi que      l’aménagement et de la conservation
bois nécessaire à la construction et à      des industries de transformation et        des forêts, ainsi qu’au problème de
l’entretien des lignes et de leurs dé-      du commerce du bois. (8)                   la déforestation et de la dégradation
pendances ainsi que pour la chauffe         Bien que moins de 2% de la forêt           des sols.
des chaudières des bateaux et des           congolaise était réellement exploité,                                  A suivre ■
locomotives à vapeur.                       le Gouvernement jugea nécessaire de
Après la Deuxième Guerre mondiale,          prendre des mesures de protection
l’industrialisation des exploitations       pour préserver le capital sylvestre du     7. La scierie à vapeur de la Compagnie des Chemins
forestières s’est largement développée      pays. La sauvegarde des richesses fo-      de Fer des Grands Lacs à Stanleyville, mise en
et de nouvelles activités virent le jour,   restières fit l’objet des préoccupations   service en 1904. “Le Congo – Moniteur colonial”,
                                                                                       1905.
entre autres des usines de tranchage,       des pouvoirs publics, conscients des
de déroulés, de contreplaqués, de           dangers que comportent une défores-

 7

                                                                                                       Plan de
                                                                                                  l’étude complète
                                                                                                      1. Introduction (n°42)
                                                                                                       2. Transports (n°43)
                                                                                            3. Industries minières A UMHK (n°44)
                                                                                                4. Industries minières B (n°45)
                                                                                                5. Industries minières C (n°46)
                                                                                                  6. Sources d'énergie (n°47)
                                                                                                    7. Agro-industries (n°48)
                                                                                          8. Industries de transformation A (n°49)
                                                                                          9. Industries de transformation B (n°50)
                                                                                          10. Industries de transformation C (n°51)
                                                                                                       11. Le colonat (n°52)
                                                                                            12. La Main-d’œuvre indigène (n°53)

                                                                                       8. Usine de contreplaqués de Lukula,
     8                                                                                 déroulage d’une grume. DR.

                                                                                  Mémoires du Congo n°48   MdC
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Culture

PATRIMOINE SWAHILI (2b)
Pour bien fixer les idées, arrêtons-nous un instant à l’étymologie du mot culture, tiré du latin
“colere”, terme qui signifie à la fois habiter et honorer.

L
PAR EMILY BEAUVENT                                (Texte et photos)

              a culture dans le sens d’ha-               moins comme nous. C'est alors un             Zanzibar ou des Comores, formaient
              biter est fixe, limitée à un               bien précieux qu’il faut protéger et         une unité de culture prospère et re-
              ensemble de gens (ethnie,                  soigner : ne pas perdre les traditions,      nommée. Ces populations parlent des
              nation, collégialité, terroir,             plutôt les mettre sous cloche. Mais si       langues voisines, variantes du kiswa-
              village) liés par un certain               on met une culture sous cloche, ne           hili, et partagent un certain nombre
              nombre de faits : langue,                  contribue-t-on pas à sa disparition ?        de valeurs propres.
              traditions (comment cuire                  Et enfin, colere signifie honorer, véné-     C'est avant tout une culture urbaine,
              le poisson, quand mettre                   rer. C'est ici que ça peut mal tourner :     africaine et musulmane. Nous envisa-
un chapeau, quel dieu honorer dans                       si nous vénérons notre culture, nous         gerons donc cette culture d’Afrique de
telle et telle circonstances, mémoire                    allons en faire un culte, un sentiment       l’Est un peu à la manière d’un inven-
collective, sens du beau …). Elle est                    identitaire qui part de "notre poisson       taire à la Prévert ... sans le raton-laveur !
constamment évolutive, mouvante et                       est mieux cuit" et arrive à "notre culture
changeante (phénomènes d'accultu-                        est meilleure".                              1) La langue
ration par exemple et tout simple-                       On entre dans une hiérarchie et on           Le kiswahili est né sur la côte d'Afrique
ment, passage du temps). Elle peut                       ouvre la porte à tous les nationalismes...   orientale, fruit de la symbiose de
être adoptée par d'autres, surtout                       Le terme swahili viendrait de sawahil,       peuples d'origines diverses. Il appar-
dans ses aspects les plus superficiels                   pluriel du mot arabe sahel qui signi-        tient à l’ensemble linguistique bantou ;
mais s'exporte malaisément. L’autre                      fie côte ou frontière. Les populations       c’est la langue de l’Afrique noire qui
traduction est cultiver, soigner, proté-                 concernées sont d’origine bantoue            compte le plus grand nombre de lo-
ger. La culture, partagée par tout un                    avec des apports arabes et, dans une         cuteurs (langue maternelle et langue
groupe, rassure : on n'est pas seul,                     moindre mesure, persans et indiens.          seconde). On y retrouve aussi des mots
on a toujours des compatriotes, des                      Les cités-États côtières comme Mom-          arabes notamment dans les chiffres
coreligionnaires qui pensent plus ou                     basa, Kilwa, Lamu, et les archipels de       mais aussi des mots indiens baloutches,

1. Bois de mangrove et briques de corail à Lamu (Ke).

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                                          asbl   Décembre 2018
des mots portugais, anglais… Le fait
                                      de parler cette langue définit de nos
                                      jours une communauté composée de
                                      personnes attachées à leurs traditions
                                      historiques et sociales propres. En
                                      Tanzanie, elle est la langue nationale,
                                      alors qu’au Kenya, elle se place après
                                      l’anglais. À l'intérieur du continent, elle
                                      est utilisée à des degrés divers jusque
                                      dans l'Est du Congo, de Kisangani à
                                      Lubumbashi, mais aussi au nord de la
                                      Zambie. Cette extension géographique
                                      explique la grande variété dialectale
                                      du kiswahili, qui est encore renforcée
                                      par les traditions culturelles locales.

                                      2) La littérature
                                      Le plus ancien document écrit en
                                      langue swahilie et en caractères arabes
                                      est la lettre d’une sultane datée de 1711.
                                      D’autres lettres du XVIIIe rédigées à
                                      Kilwa étaient destinées à des Portu-
                                      gais du Mozambique. Le plus ancien
                                      poème rédigé en kiswahili daterait du
                                      XVIIe siècle, mais nous n’en possédons
                                      pas le manuscrit original. La fameuse
2. Plafond en bois de mangrove        Chronique de Kilwa, mise par écrit
                                      vers 1520, fut rédigée en arabe. Les
                                      inscriptions et pièces de monnaie an-
                                      ciennes sont toutes en graphie arabe.
                                      Les Swahilis commencèrent donc pro-
                                      bablement à retranscrire leur langue,
                                      à l'aide de l'alphabet arabe, vers les
                                      XVIe - XVIIe siècles.

                                      3) L’architecture
                                      L’architecture swahilie est née vers le
                                      Xe siècle... Il reste très peu de traces
                                      des origines. Il faut se référer aux
                                      nombreuses ruines de la côte à Gede,
                                      Juma, Mnarani, Mafia, Pemba, Songo
                                      Mnara... Mais les constructions ont
                                      utilisé et utilisent toujours les mêmes
                                      matériaux de base que sont le bois de
                                      mangrove et le corail (1). Le plus beau
                                      corail est débité en “briques” et sert
                                      à l’élévation des murs. Le corail plus
                                      médiocre est brûlé au charbon de bois
                                      pour livrer la chaux qui recouvre les
                                      murs et le stuc dans lequel sont creu-
                                      sées les zidaka (niches) qui décorent
                                      les intérieurs. La structure du bois de
                                      mangrove conditionne la largeur des
3. Baraza à Zanzibar                  constructions aux pièces longues et ➟

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Culture                Patrimoine swahili (2b)

étroites. (2) Les Swahilis ont depuis            rez-de-chaussée – qui disposent de            de milliers de petits clous à tête de
longtemps d’excellentes notions d’ur-            peu de ventilation – sont réservées           cuivre.” Emily RUETE (1894-1924),
banisme ; on trouve dans leurs villes            aux serviteurs et à l’entrepôt pour           Princesse Salme, fille du sultan de
des canalisations d’eau, des égouts,             les marchandises et les produits des          Zanzibar.
des salles d’eau et des toilettes dans           plantations. Plus on monte les étages         S’agissant des portes, la coutume veut
les maisons… La maison commence,                 plus l’habitat devient noble. “Chez les       qu’avant de construire une maison, on
au niveau de la rue, par le banc de              personnes riches et d’un rang élevé,          choisisse d’abord la porte qui caution-
pierre, “baraza” (3), qui flanque la             les chambres sont garnies de tapis            nera le statut social du propriétaire…
monumentale porte d’entrée et qui                de Perse ou de nattes les plus fines.         Il semble que ces portes fassent bien
joue un important rôle social. On s’y            Les murs épais et blanchis à la chaux,        partie d’une vieille tradition de la côte
assied pour engager la conversation              sont garnis depuis le bas jusqu’en haut       swahilie. Au XVIe siècle, le Portugais
avec les voisins ou les passants… La             de somptueuses niches partagées en            Duarte Barbosa mentionne dans son
maison swahilie s’organise vers l’in-            compartiments et dont les tablettes,          “Livro” les belles portes sculptées de
térieur, depuis le porche de l’entrée            formant étagères, supportent les plus
“daka” où le maître de maison reçoit             jolis et les plus précieux bibelots : cris-
avec une tasse de “çay” ou de “kawa”             taux de prix, poteries élégantes, fines
accompagnée du “halwa”, pâte su-                 porcelaines artistement décorées…
crée délicieuse. Puis, à travers la cour,        Dans un coin de la chambre s’élève
jusqu’à “n’dani”, la chambre du chef de          un grand lit de bois de rose dont les
famille, à la décoration très élaborée           admirables sculptures sont dues à l’art
et enfin jusqu’aux chambres parallèles           indien. Une mousseline ou un tulle
et étroites, de plus en plus sombres             blanc l’enveloppe tout entier. Les lits
au fur et à mesure que l’on s’éloigne            sont très élevés sur pieds, en sorte que
du puits de lumière. Les maisons de              pour y accéder, on doit monter sur
Stone Town à Zanzibar (Unesco) et                une chaise ou user de la main d’une
de la ville de Lamu (Kenya) reflètent            femme de chambre comme échelon
aujourd’hui ce que devaient être les             naturel. L’espace sous le lit est souvent
villes portuaires d’autrefois.                   utilisé pour coucher soit la nourrice
Leurs hautes maisons délimitent des              d’un enfant soit une garde-malade... (5)
ruelles étroites qui préservent de la            Les tables sont rares et ne se trouvent
chaleur (4).                                     que chez les personnes de rang élevé;
Comme l’ancienne maison des Swa-                 mais il y a beaucoup de sièges de
hilis, la demeure suit une structure             toutes sortes et de toutes couleurs. (6)
tournée vers l’intérieur. La “beyt” est
organisée autour d’une cour centrale à           Nous avons aussi des armoires, des
ciel ouvert qui permet à la lumière et           commodes garnies de carreaux de
à l’air de se répandre dans les étroites         faïence (7) et une sorte de bahut en
chambres et les étages. Les pièces du            bois de rose joliment travaillé et orné                                  4. Ruelle à Lamu

                                                                5. Lit                                                            6. Divan

14     Mémoires du Congo n°48   MdC
                                 asbl   Décembre 2018
Kilwa qu’il a admirées lors de son pé-      vention purement locale à partir de        des Grands Lacs. Elle est étroitement
riple dans l’Océan Indien. Avec l’abon-     formes architecturales peut-être préis-    liée à la culture et au mode de vie
dance du bois et la maîtrise acquise par    lamiques. Même si l’Islam ne favorise      swahili. Le taarab est semblable à
les artisans dans le travail du stuc, les   pas cette personnalisation des tombes,     une poésie chantée. En arabe, le mot
portes font naturellement partie des        certaines étaient très élaborées avec      désigne une émotion d’une grande
maisons swahilies. Une porte typique        des parois gravées comme les murs          ampleur, une communion des sens
est rectangulaire, dans un bois de teck     des maisons et incrustées d’assiettes      qui emporte l’âme dans le tourbillon
résistant au climat et aux termites. Elle   importées d’Orient. Une citation du        de la musique. Il parle d’amour et de
est double avec un montant central et       Coran pouvait en achever le décor. (9)     relations humaines mais il est aussi
une chaîne et les panneaux ne sont                                                     utilisé pour éviter les conflits ou les
pas sculptés. Le cadre et le linteau        4) La musique                              disputes au sein de la communauté.
en font toute la beauté artistique. La      Le Taarab est un genre musical très        Souvent des poèmes anonymes sont
porte est l’expression de la culture de     populaire à Zanzibar mais aussi en         adressés aux orchestres qui y puiseront
l’Océan Indien, étroitement liée au         Tanzanie et au Kenya. Il utilise les       leur nouveau répertoire.
commerce et aux dhows des mous-             instruments les plus hétéroclites : le
sons. Des motifs sculptés à la poupe        qanun indien (10), cithare à 72 cordes     5) La vie quotidienne
des dhows s’invitent sur les linteaux       qui repose à plat et que l’on effleure     L’heure
comme le poisson ou les vagues tandis       comme une harpe, les tambourins, le        Un des aspects des plus anecdotiques
que les dessins de chaînes évoquent la      violon et l'accordéon qui lui donnent      de la culture swahilie est la gestion du
sécurité. Des rosettes et des fleurs de     un touche occidentale, l’oud (man-         temps. À 6 heures, heure du lever du
lotus venues de l’Inde voisinent avec       doline) et le dumbek (percussion) du       soleil, correspond la première heure
des dattes de Somalie ou d’Arabie pour      Moyen-Orient, et enfin des tambours        du matin, à 18 heures, heure du cou-
exprimer l’abondance et la santé. (8)       africains qui donnent le rythme…           cher du soleil correspond la première
Quant aux tombes à piliers, elles ne        Née à la cour des sultans omani, cette     heure de la nuit. Ainsi 3 heures du
se rencontrent nulle part ailleurs dans     musique est influencée par l’Egypte,       jour correspond à 9 heures du système
le monde musulman et sont une in-           le Moyen Orient, l’Inde et… l’Afrique      international ! ➟

7. Zidaka et armoire à décor de faïence                  8. Porte à Zanzibar

                                                                                  Mémoires du Congo n°48   MdC
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