Les origines du logement social à Rennes - ou le temps des habitations à bon marché par Benjamin Sabatier
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Les origines du logement social à Rennes ou le temps des habitations à bon marché par Benjamin Sabatier
Les origines du logement social à Rennes ou le temps des habitations à bon marché JUILLET 2006 Histoire de Rennes Dossier Les origines du logement social à Rennes ou le temps des habitations à bon marché par Benjamin Sabatier Les prémices d’une politique du logement social . . . . . . . . . . . . . 3 De l’initiative privée à l’intervention publique. . . . . . . . 4 La création des Offices publics d’HBM. . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Le temps des réalisations : une laborieuse mise en œuvre . . . . . . . 6 Une loi pour relancer le logement : la loi Loucheur . . . . . . . . . . . . . . . 10 Deux collaborations : « Les maisons des Étudiant(e)s » . . . . . . . . . . . . . 14 La fin des HBM . . . . . . . . . . . . . . . 16
L iée aux débuts de la révolution industrielle, la politique française relative au logement social est timide au regard de ses voisins européens ; cependant, plusieurs lois favorisent la création d’habitations destinées aux ouvriers en France1 et à Rennes. Quelles sont ces initiatives prises par les pouvoirs publics afin d’aider au développement de ce type de construction ? Quelles sont les implications au niveau local ? Une première phase qui comprend deux lois : celle du 13 avril 1850 pour l’assainissement des habitations insalubres, pas ou peu appliquée, et celle de 1894, qui offre un cadre à la construction de logements sociaux par l’initiative privée. Puis, une deuxième phase marquée par la loi du 23 décembre 1912, dite loi Bonnevay, qui met en place l’intervention publique. Enfin, la loi du 13 avril 1928, plus connue sous le nom de loi Loucheur, donne une nouvelle impulsion à la construction de logements dits HBM2. Ainsi, à Rennes, des cités sont construites par les offices publics d’HBM, alors qu’en parallèle des sociétés coopératives continuent à aider au financement de nouvelles habitations. Une circulaire du 10 avril 1907 donne une définition du logement social3 : ce sont des habitats que l’on attribue à des familles sans grands revenus, des ouvriers et des employés, des familles nombreuses ou des invalides. Trois critères peuvent caractériser les HBM : elles sont destinées à des personnes peu fortunées, leur valeur locative ne peut dépasser le maxima fixé par la loi et elles doivent être salubres. Le développement des HBM est un phénomène d’abord urbain4, lié à la hausse de la population des villes5, mais aussi en réaction au développement du « taudis ». C’est dans ce contexte que les premières lois sur les logements insalubres sont mises en place. Les prémices d’une politique du logement social La première est promulguée le 13 avril 1850 sur l’initiative d’Armand de Melun, député d’Ille-et-Vilaine6. Elle prévoit la création de commissions d’assainissement et donne la possibilité aux municipalités de mettre fin au taudis par la démolition des immeubles insalubres. Elle n’est malheureusement que peu appliquée. En 1854, une enquête nationale est menée dans les départements français sur les conditions de vie des ouvriers. La situation n’est pas bonne : le rapport d’enquête de la Commission cantonale d’hygiène sur les « habitations d’ouvriers et indigents, corps de logis des fermes » indique ainsi à Fougères qu’« en général les habitations d’ouvriers sont très défectueuses. Dans la ville et particulièrement dans les rues de Vitré, de Marchix, des Fontaines, d’Antrain et de Sévigné. Elles sont le plus souvent au-dessous du sol, manquent d’ouvertures, sont étroites et basses d’étage, l’air y est humide, s’y renouvelle difficilement et son volume insuffisant par rapport au nombre d’habitants. L’ordre et la propreté y laissent à désirer ; la literie très défectueuse se compose d’une paillasse et d’une calière trop rarement renouvelées »7. La situation rennaise est sensiblement la même, on pense alors aux quartiers de la rue de Saint-Malo ou de la rue de Brest dont certaines maisons sont encore debout au milieu des années 1960. Auparavant, le docteur Toulmouche, professeur à l’École préparatoire de médecine et de pharmacie de Rennes, donne des indications sur le taux de mortalité de la ville, lequel est très important dans les quartiers ouvriers. Il décrit ainsi les logements ouvriers au début du XIXe siècle : « Les escaliers sont la plupart du temps nullement ou insuffisamment éclairés ; dégradés, rarement nettoyés malgré que les marches recouvertes d’une boue tenace, grasse, à moitié desséchée, y forment une croûte. Les étages sont bas, divisés en chambres avec ou sans cabinet, dans lesquelles se loge toute une famille. Il n’y a pour ouvertures qu’une fenêtre et la porte. Une vaste cheminée enfume cet intérieur. Les étages
Les origines du logement social à Rennes ou le temps des habitations à bon marché supérieurs sont encore plus misérables (…) en sorte que les malheureux qui les habitent sont réduits à réchauffer leurs membres engourdis par le froid avec quelques portions de fagots ou de charbon allumés dans une terrine. (…) Le plus souvent, il existe des latrines communes, ouvertes, sans lunette, construites dans un angle, sans aucunes fermetures, en sorte que leurs entrées sont encombrées d’immondices dont il s’exhale des gaz irritants et une odeur insupportable »8. Il faut attendre 1881 pour qu’une commission des logements insalubres voie le jour dans la ville de Rennes sous l’initiative du maire Edgar Le Bastard9. Cette commission a cependant des pouvoirs limités10. La propriété est un droit sacré auquel il est difficile de s’attaquer. En France,les idées issues du socialisme utopique et de Fourier se concrétisent dans quelques réalisations remarquables comme le Familistère de Guise de Jean-Baptiste Godin, édifié à partir de 1858. Des logements ouvriers sont également construits rue Rochechouart à Paris par Napoléon III en 1863. Des pavillons sont établis par le chocolatier Meunier à Noisiel en 1874, d’autres par Schneider au Creusot ou par la Fondation Rothschild à Paris. Ce sont là des exceptions au XIXe siècle dans le paysage français. L’initiative vient exclusivement des patrons11. Le Bastard, maire de Rennes et propriétaire d’une tannerie, construit vers 1890, « près de son usine située au canal Saint-Martin un ensemble d’habitations d’une pièce disposées en U autour d’un petit puits destinées à loger gratuitement les ouvriers de l’entreprise »12. Mais, durant cette seconde moitié du XIXe siècle, les réalisations demeurent encore rares et ne sortent pas de l’initiative individuelle. Il faut attendre une nouvelle loi qui va donner un cadre à la création de sociétés d’HBM. De l’initiative privée à l’intervention publique. Ainsi, au début du XXe siècle, la loi Siegfried du 30 novembre 1894 fixe un cadre juridique aux sociétés d’HBM. Elle confère des prêts à taux réduits auprès de la Caisse des dépôts et consignations, permet une exonération des impôts directs, donne une assurance à la veuve en cas de décès du père de famille ainsi que des aides pour les sociétés prêteuses. Mais elle est aussi connue pour instaurer, sur la base du volontariat, des comités de patronage dans les départements. Deux comités sont créés en Ille-et-Vilaine en 1896 (un à Fougères et un à Rennes13). Ils délivrent des certificats de salubrité après une visite des maisons des propriétaires qui demandent une subvention au titre des HBM. Il arrive que des certificats ne soient pas attribués à cause de la non-conformité des logements visités. Ainsi, la maison Bénis, visitée en 1908 par le comité, se voit refuser le certificat : « La maison Bénis se compose de quatre pièces louées isolément à raison d’une par ménage. Il semble à la commission que pour pouvoir être considéré comme salubre, un logement devrait être composé d’au moins deux pièces. (…) Le Comité, considérant qu’on ne peut regarder comme salubre un logement d’une seule pièce, refuse le certificat à la maison Bénis »14. Le comité considère que la pièce unique pour une famille n’est pas conforme. Elle correspond en effet davantage aux taudis décrits par le docteur Toulmouche dans lesquels vivent de nombreux ouvriers. Par la suite, la loi Strauss, promulguée le 12 avril 1906, oblige la création d’au moins un comité par département. Le comité local de Rennes, qui fusionne avec celui de Fougères en 1898, prend alors le nom de « comité départemental de patronage des HBM » ; son président est l’ingénieur en chef du département, Corbeaux, et le vice-président, Janvier15, président du syndicat des entrepreneurs. Il y a aussi Pinault, le maire de Rennes, Le Hérissé, député, et Ballé16, architecte des bâtiments de l’État. En 1901, Janvier fournit un rapport
sur les HBM dans lequel il explique sa préférence pour les maisons individuelles aux cités ouvrières collectives17. Il est donc très tôt engagé sur la question, une initiative qu’il va réitérer par la suite en tant que maire. Il faut cependant constater que l’action n’a pas dépassé le cadre de l’initiative privée et celle des comités est toujours limitée. On trouve encore en France quarante départements sans comités de patronage à la veille de la Grande Guerre. De même, l’action n’est pas égale dans tout le département et comme le constate le comité en 1910 : « Il est notamment très frappant que dans une ville comme Fougères, centre industriel important, le problème du logement ouvrier ait jusqu’à présent fort peu attiré l’attention. »18 À Rennes, le conseil municipal, dans sa séance du 24 mars 1908 sous la présidence de Pinault, décide l’exemption de l’impôt foncier et de celui des portes et fenêtres19 pour les HBM. Le 10 avril, la loi Ribot institue les SACI20. La Caisse d’épargne de Rennes va ainsi créer la SACI d’Ille-et-Vilaine en 1913 qui offre des prêts avantageux21, mais elle ne se charge ni de la construction, ni de la gestion des HBM. En parallèle, deux sociétés coopératives sont créées à Rennes. La première, la Ruche ouvrière, est fondée en 190222. Elle commence par bâtir des maisons individuelles dans des lotissements aménagés. Ainsi, en 1905, une cité HBM, est construite par Charles Rallé allée André-Chesnier23. C’est un des premiers exemples connus de la Ruche encore visible. Par la suite, Ma Maison24 est constituée en 1910 par Périnet25, Morcrette et Boley lors de réunions au café de la Poste. Suite à ces réunions préliminaires, le 29 mai 1910, cinquante personnes se réunissent dans la salle du présidial à la mairie de Rennes, et enfin, le 10 août 1910, un décret annonce la création de la société. Périnet, Daboval et Boley, membres de Ma Maison, vont également participer au comité de patronage. La société ne vend pas, mais loue avec une promesse d’attribution et c’est le sociétaire qui décide avec l’architecte des plans et du prix de la construction. Dès 1912, Périnet envoie des lettres aux principaux industriels rennais comme Oberthür et Zwingelstein afin de les sensibiliser à sa société coopérative26. C’est aussi la volonté de la Ruche créée dix ans plus tôt qui explique ainsi qu’« une des habitudes qu’il est le plus urgent d’inculquer aux personnes de la classe aisée, serait précisément de faire dans la gestion de leur fortune une part aux placements “sociaux” »27. Au début de l’année 1913, Périnet démissionne de Ma Maison, Oscar Leroux le remplace à la présidence en tant qu’« administrateur de talent et mutualiste convaincu »28 selon les propos d’un des fondateurs. C’est le temps des initiatives individuelles : des logements sociaux sont construits par la fondation Marçais-Martin près de Pontchaillou avant 1914 par Le Ray. Ils sont détruits lors des bombardements de la Seconde Guerre mondiale29. En 1912, un autre projet de Ma Maison prévoit une cité jardin dans le quartier des Mottais entre le faubourg de Fougères, le boulevard de Metz et le boulevard Sévigné. C’est Georges Nitsch qui est chargé de dresser les plans, mais le projet est ajourné faute de subventions30. Des HBM sont néanmoins créées dans ce quartier par plusieurs architectes comme Lecointre, Ballé ou Nitsch. Ce sont toujours des initiatives ponctuelles et des logements individuels. La loi du 23 novembre 1912, dite loi Bonnevay, marque une étape importante car elle institue les offices publics à organisation tripartite. Les pouvoirs publics entrent en scène. Les communes sont alors autorisées à faciliter la réalisation d’HBM même à but locatif, en confiant la construction à des offices publics.
Les origines du logement social à Rennes ou le temps des habitations à bon marché La création des Offices publics d’HBM. Ainsi, à partir de 1913, vont être créées des Offices publics d’Habitations à bon marché31 au sein des municipalités. C’est ce que décide la ville de Dinard dès 1915, mais son office ne se réunit pour la première fois qu’en 1921. Dans une délibération du 19 septembre 191932, la ville de Rennes décide de mettre en place un office public, constitué le 24 avril 1920. L’office se compose de six membres du conseil municipal, six membres nommés par le préfet et enfin six autres par des institutions des HBM et de prévoyance sociale33. Dès sa création, Wilfrid Guillaume34 est président. Ainsi, la création de l’Office de la Ville de Rennes est une initiative de la municipalité Janvier, lequel explique ses motivations : il veut louer à bas prix des logements collectifs et non favoriser l’accession à la propriété ni donner des logements gratuits. Janvier sent ici l’importance de l’action municipale : « Je m’empressai donc, dans mes voyages à Paris, d’aller prendre au ministère du Travail et de la Prévoyance sociale tous les renseignements nécessaires pour organiser dans notre ville une œuvre qui réponde aux besoins pressants de l’heure actuelle (…) »35. Pour le maire, les sociétés existantes n’ont qu’un moyen d’action limité et seule une institution publique et non une société privée peut, par le moyen des offices, favoriser la construction de logements ouvriers. Afin de marquer l’implication de la ville, le conseil municipal dote l’office d’une subvention de 150 000 francs payable en dix annuités36. Une circulaire ministérielle de septembre 1918 relative aux habitations à bon marché explique ceci : « Le devoir social de combattre avec la dernière énergie la tuberculose et l’alcoolisme, de régénérer au moyen du logement une race affaiblie par les pertes sanglantes qu’elle aura subies et les privations dues à la cherté de la vie, s’imposera avec un caractère d’urgence qui ne souffrira aucun atermoiement »37. L’alcoolisme doit être combattu. Bahon, conseiller municipal, indique ainsi que « plus que jamais la lutte au taudis devient nécessaire ; plus que jamais il est difficile aux familles nombreuses de trouver un asile sain et simplement convenable. J’ajoute que l’établissement légal de la journée de 8 heures rend indispensable l’attrait d’un logis riant. L’ouvrier, qui aura plus de loisirs, a besoin d’un intérieur agréable qui l’invite à rentrer chez lui ; c’est autant de pris au cabaret »38. C’est aussi grâce à la loi Bonnevay que l’Office départemental des HBM, présidé par Lefas39, est institué par décret du 12 mai 1921 sur la demande du conseil général, qui explique que « l’Office peut acquérir des terrains, pour les revendre après les avoir lotis en parcelles et aménagés, sans aucun bénéfice, en terrain à construire ou en jardins »40. Dans une lettre adressée au maire en 1921, le président explique que « rentrent dans la mission de cet office : l’aménagement, la construction et la gestion de maisons salubres régies par la loi du 12 avril 1906 ; l’assainissement de maisons existantes ; la création de cités jardins et celle de jardins ouvriers »41. L’Office entre en activité rapidement42 bien que la conjoncture ne soit pas toujours favorable. Le temps des réalisations : une laborieuse mise en œuvre Le 1er mai 1927 est organisé un congrès des organismes d’HBM de la région nord-ouest où des architectes comme Ballé et Nitsch sont présents43. Ils proposent alors de limiter à
Plan d’une maison monolithe système Périgault, Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 3 X 12 HBM trois ou quatre les types de plans afin d’abaisser les coûts de la construction. Cette baisse peut être effectuée par l’emploi de certains matériaux économiques44 et par l’utilisation des ressources locales pour leur proximité. Nitsch propose également la construction d’un cellier au lieu d’une cave. Le principe sériel permet aux artisans de produire toute l’année, mais tout le monde ne partage pas cette idée de standardisation qui implique une certaine uniformité de l’habitat. Cependant, pour Nitsch, il y aura toujours des différences car les chantiers seront confiés à des entrepreneurs locaux et non à des sociétés de construction. Cette intervention se révèle en partie exacte car de nombreux entrepreneurs locaux proposent des constructions à bas prix ainsi que des sociétés de construction comme la société industrielle de travaux ou la Société de constructions économiques. Ils offrent en effet des plans-types de maisons construites à partir d’éléments standardisés. Ainsi, l’entrepreneur Périgault propose une maison monolithe en ciment aggloméré pour les adhérents de la société de Crédit immobilier d’Ille-et-Vilaine. La société envoie ainsi au comité de patronage un plan type et un devis type pour accélérer les procédures afin d’obtenir le certificat de salubrité. La maison se présente en rez-de-chaussée surélevé de deux pièces sur caves et grenier. La construction, couverte en tuile mécanique, est en « béton de caillou et gravillon » pour le soubassement et en béton armé système Périgault pour l’élévation45.
Les origines du logement social à Rennes ou le temps des habitations à bon marché Tomine, entrepreneur spécialisé en menuiserie, propose quant à lui, dès le début des années 1920, plusieurs types de maisons en bois avec variantes de deux ou trois pièces avec ou sans caves46. Mais, le bois n’est pas considéré comme un matériau durable (loi du 5 décembre 1922, art. 3). En 1924, Tomine élabore un nouveau système à double- paroi de plâtre et bois avec des fondations en béton, mais cette solution est à nouveau refusée. Cette dernière va faire couler beaucoup d’encre. En effet, le comité de patronage semble voir d’un mauvais œil la construction de telles maisons et il ne semble pas prêt à accorder le certificat de salubrité indispensable à l’obtention des subventions bien que la municipalité semble tolérer ce type de construction. Cependant, dans une lettre du 6 mai 1924, le ministre du Travail et de la Prévoyance sociale écrit que « le Comité permanent du Conseil supérieur des habitations à bon marché a estimé que le bénéfice de la législation sur les habitations à bon marché ne pouvait être accordé à des constructions en bois, dont la salubrité est insuffisante et qui seraient mal défendues contre l’incendie »47. Cette volonté d’abaisser les coûts de la construction par la standardisation revient sans cesse et il semble alors que des abus ont lieu comme l’indique le comité de patronage en 192648. L’abbé Trochu fait alors plusieurs reproches à Leroux, président de la société Ma Maison. Il va en effet l’accuser dans son journal Ouest-Éclair de fraudes multiples au sein de la Société comme de faire des maisons jumelles en hauteur, de dépasser les maxima des loyers et de profiter pour lui-même des prêts avantageux que permet la Société. L’affaire est grave et portée devant les tribunaux. Leroux en sort blanchi et Trochu doit s’excuser et verser une amende. Cette affaire montre toutes les difficultés des sociétés et des offices de rester dans les prix fixés par la loi. Ainsi, Périnet, ancien président fondateur de Ma Maison, mécontent de ne pas récupérer sa police d’assurance, lâche dès 1913 sur un ton comminatoire qu’« il y a encore des juges même à Rennes, il y a aussi des contrôleurs des contributions auxquels il serait possible de signaler que sur les 7 maisons construites par la Société, au moins deux excèdent d’un dixième les limites de la valeur assignées par la loi »49. Ces maisons sont construites au sein de lotissements, souvent défectueux, au début des années 1920. Il faut attendre 1925 pour qu’une loi vienne donner un cadre à l’aménagement des lotissements afin de délivrer des parcelles en bon état aux futurs propriétaires pour lesquels les sociétés coopératives tentent de proposer des maisons à des prix très réduits. L’Office de la ville de Rennes, quant à lui, veut louer à bas prix ses logements. Dès 1922, un projet de construction est lancé par l’Office municipal. Wilfrid Guillaume entreprend rapidement toutes les démarches et décide d’organiser un concours remporté par Hyacinthe Perrin, architecte rennais. Pendant ce temps, un terrain, situé rue de Nantes, proche de l’arsenal et de la gare, est en cours d’acquisition. Le quartier s’équipe pour accueillir la population ouvrière. Ainsi, une crèche est projetée à proximité dans les terrains de Villeneuve et une école primaire est édifiée sur la rue de Nantes50. Le plan de Perrin suit la configuration actuelle en trois îlots, avec deux rues nouvelles formant un T, la rue Charles Bougot et la rue de la Paix. Guillaume explique qu’il a des promesses de vente de terrains faubourg de Nantes et rue Ange Blaise et que « le projet définitivement arrêté ensuite par le conseil d’administration de l’Office, dans sa séance d’aujourd’hui 4 mai, prévoit 146 logements avec 480 pièces. Le conseil s’est préoccupé de construire le plus possible d’habitations destinées à des familles nombreuses et il a adopté, de préférence, le type des maisons individuelles avec petits jardins : 66 maisons individuelles seront édifiées contre 4 maisons collectives »51. Le parti de ce premier projet est donc un compromis entre maisons individuelles et immeubles collectifs. Le devis est fixé à 2 900 000 F. Une
Plan de maison en bois de Tomine, 2e variante du type A, Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 3 X 13 HBM Plan de maison en bois de Tomine, variante du type B, Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 3 X 13 HBM
Les origines du logement social à Rennes ou le temps des habitations à bon marché Le Foyer rennais Le Foyer rennais Vue de la rue la Paix Vue des passages voutés depuis les jardins subvention de l’État d’un montant de 966 600 F est attendue (le tiers du prix de revient), elle est complétée par deux emprunts : un premier de 435 000 F à 8% au Crédit foncier de France, ainsi qu’un autre de 1 498 400 F à 2,5% à la Caisse des dépôts et consignations sous garantie de la ville. En 1925, Perrin doit revoir sa copie pour répondre aux exigences de l’État avec des logements plus grands à destination des familles nombreuses. Ce projet prévoit la construction de 84 maisons individuelles et trois collectives. Mais, à la même date, Guillaume perd son mandat de conseiller municipal et de facto son siège de président de l’Office. Bougot le remplace quelques mois, puis Le Guyon, président de la Chambre de commerce. Les autres membres, nommés par le conseil municipal sont Bardet, Bougot, Galesne, Leroux et Tromeur. Les problèmes de financement et les retards, dus en partie à l’instabilité monétaire et à des difficultés administratives, viennent entraver la bonne marche du projet. La construction commence néanmoins sans les financements assurés, la STPR52 de Paris est chargée des travaux. Mais, alors que les fondations sont à peine entamées, des difficultés de paiement surviennent. Un procès doit régler le litige entre les deux parties. La situation semble bloquée et met l’office dans une situation difficile. En 1927, le président Le Guyon et les membres de l’Office démissionnent en bloc53, il faut attendre la loi Loucheur qui va permettre de débloquer la situation. Une loi pour relancer le logement : la loi Loucheur À la fin des années vingt, la construction est en forte baisse en France. Cette crise est due à la hausse du prix des matériaux et de la main d’œuvre et à la dévaluation rapide du franc depuis plusieurs mois comme l’indique un rapport du comité de patronage en 1927 : « Il est à noter que les travaux de constructions de maisons ouvrières ont subi un certain 10
Le Foyer rennais Le Foyer rennais Vue de la Rue Charles-Bougot Vue des commerces sur la rue de Nantes ralentissement pendant l’année écoulée du fait que les prix des matériaux et de la main- d’œuvre ont atteint des chiffres fort élevés, occasionnés par la crise financière dont a souffert tout le pays »54. Promulguée le 13 juillet 1928, la loi Loucheur55 doit relancer la construction en France par un plan de 260 000 logements à édifier en cinq ans. De plus, cette loi crée une nouvelle catégorie de logements (les immeubles à loyer moyen) et ouvre ainsi l’aide de l’État à une nouvelle catégorie sociale, celle des employés, des petits fonctionnaires et des rentiers, par la construction de logements plus grands, avec salle commune et salle de bains. La loi Loucheur favorise également l’accession à la petite propriété par la réduction de l’apport minimum en argent des familles. Elle propose un apport en terrain, en matériaux ou en journées de travail pour compenser la dépense56. Depuis plusieurs années, le dossier de l’Office de la Ville de Rennes traîne. Entre-temps le projet Perrin est abandonné et, en 1928, Le Ray propose la création d’une nouvelle cité- jardin57. Il conçoit un ensemble de treize petits immeubles collectifs de deux ou trois étages carrés sur rez-de-chaussée surélevé, représentant en tout 160 logements de une à quatre pièces avec douze chambres, dix garages et huit magasins sur la rue de Nantes. Les immeubles, de deux ou trois étages, ont un décor polychrome, donné par le parement en schiste, brique et moellon enduit. L’Office a ainsi changé son projet pour ne retenir que la construction de logements collectifs qui répondent davantage aux besoins de la population à cette époque58. La construction du Foyer rennais reprend en juin 1928 et se termine à la fin de 1933. C’est le premier et le seul chantier de l’Office municipal d’HBM avant la Seconde Guerre mondiale. Îlot d’immeubles collectifs dans une mer de pavillonnaire, cet édifice est donc l’aboutissement de débuts difficiles pour la société. En parallèle, les sociétés coopératives d’HBM continuent d’élever des maisons pour leurs sociétaires. Elles ont adopté les plans proposés par les entrepreneurs comme Tomine, Périgault ou Badault et par les architectes comme Jules Depais, Albert Hec, Pierre Laloy, 11
Les origines du logement social à Rennes ou le temps des habitations à bon marché Marcel Guillet, Paul Lory ou Abel Lecointre. Ainsi, Albert Hec travaille pour la société Ma Maison et propose des plans en conformité avec la loi Loucheur. En 1929, il dessine ainsi la maison de Josse, employé de chemin de fer, route de Vern, près du tramway à vapeur. La maison, de plan massé et construite par l’entrepreneur Briand, se présente en rez-de-chaussée surélevé, composé de trois pièces à feu plus une cuisine, sur caves59. Grâce à la loi Loucheur, l’Office départemental entame, dès 1929, une série de travaux dans le département et à Rennes. Il aménage ainsi le terrain en lotissement à la Thébaudais rue du Docteur-Ferrand. L’architecte du département Pierre Laloy et l’entrepreneur Pichon réalisent les plans de la cité. Laloy crée ainsi en mai 1930 deux modèles de maisons jumelles sur un plan symétrique60. Le groupe B est de plan massé alors que le groupe A se présente en L. Ces maisons présentent trois chambres, une salle commune dallée en mosaïque, un cellier, une cuisine, des WC et deux greniers. Les fondations sont en moellons, les murs en briques Plan d’Albert Hec pour Josse, route de Vern creuses et parpaing enduits en mortier de chaux et jetis Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 3 X 42 HBM, tyrolien. La sobriété et la standardisation permettent ainsi une économie notable. Badault participe à la mise en place de ce lotissement et propose son plan-type A’61 pour Delavier, rue Adolphe Leray. La maison se présente de plain-pied (une salle commune et trois chambres avec cellier et WC en annexe) avec fosse morte. Badault fait ainsi une demande à la Ville pour son client Delavier le 12 mai 1930 : « Monsieur Delavier étant propriétaire d’un terrain situé [rue perpendiculaire à la rue Adolphe Leray au droit des piliers d’entrée de la Thébaudais “propriété de Mr le colonel Charpy”] me demande de lui construire en accord avec la loi Loucheur et l’Office Public Départemental d’Habitations à bon marché une maison d’habitation type A’ conformément aux plans ci joints »62. Ces différentes constructions permettent des économies de matériaux et peuvent être rapprochées des bâtiments exécutés un peu plus tard sur le boulevard Villebois-Mareuil. En effet, en 1933, les architectes parisiens Béguin et Talma construisent des groupes d’immeubles et de maisons pour le même office sur le boulevard Villebois- Mareuil. Cet ensemble est composé de 136 logements collectifs et 59 individuels. La situation est idéale. Le Plan de Badault pour Delavier à la Thébaudais terrain est situé dans la partie sud de la ville, près de Arch. mun. Rennes, 749 W 7 la gare de triage sur une parcelle en triangle, avec au nord la voie ferrée et au sud le cimetière de l’Est. C’est un endroit propice à la construction de ce type de 12
logements destinés en priorité à des cheminots, car le terrain est bon marché, ce qui permet d’abaisser le coût d’ensemble de la construction. La rue Arthur- Fontaine sépare le lotissement en deux secteurs dont l’accès principal se fait entre les deux immeubles qui encadrent l’entrée de la cité. Les immeubles, en U et en L, à l’intérieur desquels les architectes aménagent deux vastes cours servant d’espace de circulation, sont sur rez-de-chaussée surmonté de quatre étages carrés et des commerces sont aménagés sur le boulevard. Cette œuvre de Béguin et Talma rejoint le mouvement moderne par la sobriété de la décoration donné par l’enduit sur les façades mais aussi par l’utilisation des toits-terrasses et par le rationalisme dans la composition. Derrière les immeubles viennent s’ajouter 59 pavillons autour de trois rues. Cette disposition permet une économie des matériaux de construction, les maisons ayant toutes un Plan de Badault pour Delavier à la Thébaudais, ou deux murs en commun. Arch. mun. Rennes, 749 W 7 En parallèle, l’Office départemental s’occupe de l’aménagement de jardins ouvriers. Ainsi, dans un rapport présenté par le conseil d’administration le 1er août 1929 présidé par Lefas, l’Office donne les résultats obtenus depuis la promulgation de la loi Loucheur et évoque la création de jardins ouvriers. « Le conseil d’administration de l’Office ayant su par M Pinault qu’un grand nombre d’ouvriers rennais, obligés par leur profession d’habiter des appartements, ne pouvaient pas trouver de petits jardins leur permettant une distraction saine et la culture des légumes pour les besoins de leur famille, nous avons recherché la possibilité de donner satisfaction à ces nombreux ouvriers »63. L’Office crée des jardins ouvriers dans les prairies Saint-Martin. Le maire François Château pense en 1935 qu’il s’agit de lotissements aménagés par l’Office. Le président le rassure mais lui indique qu’il est cependant possible, malgré ses indications interdisant l’établissement de domiciles, que certains ouvriers au chômage logent avec leur famille dans leurs abris de jardin afin d’échapper aux intempéries64. En plus de ces constructions et ces aménagements pour Immeuble bd Villebois-Mareuil les ouvriers rennais, l’Office départemental s’engage exemple de maison jumelée aux côtés de l’université de Rennes sur deux projets de cités accueillant des étudiantes et des étudiants. 13
Les origines du logement social à Rennes ou le temps des habitations à bon marché Maison des Étudiantes Maison des Étudiantes Maison des Étudiantes Façade principale vers 1932 Vue intérieure escalier Vue intérieure salle commune (Coll. Marie-Antoinette Gallacier-Brisou) Deux collaborations : « Les maisons des Étudiant(e)s » Dès la fin des années 1920, un partenariat entre l’université et l’Office se met en place. Rennes est une ville où résident de nombreux étudiants qui manquent de logements ou sont mal logés. Les deux partenaires veulent construire dans un premier temps une cité abritant des étudiantes, puis une maison des étudiants. Pour les étudiantes, on pense d’abord à acquérir un terrain rue du Thabor, derrière la faculté de droit. L’architecte Gallacier65 dresse un premier projet mais, au dernier moment, un terrain est donné par la ville rue Jules-Ferry qui permet d’abaisser le coût de la construction. Gallacier est obligé de revoir sa copie dans l’urgence. Le premier projet de la rue du Thabor par Gallacier, qui présente un plan en Y avec rez- de-chaussée sur deux étages carrés et étage de combles, n’est donc pas retenu66. Sur le nouveau projet en T, Gallacier ajoute un étage carré. La construction, en ossature de béton armé, est en granite pour le soubassement, surmonté de moellon. La décoration est sobre et joue sur la polychromie des matériaux. L’avant-corps est traité de manière géométrique ce qui confère à l’édifice une dimension Art déco que l’on retrouve à l’intérieur dans un programme de mosaïque confié à Odorico67. Le succès est immédiat, l’Office pense dès 1934 procéder à l’agrandissement de la Maison des Étudiantes. En parallèle, un premier projet de cité des Étudiants est imaginé ruelle Saint-Martin en avril 1929. L’édifice, en V, est prévu sur quatre niveaux comme la maison des étudiantes68. Il n’est pas réalisé car un terrain plus vaste est donné par la ville sur le boulevard de Sévigné qui permet d’abaisser le coût de la construction. L’édifice, en U, est élevé en fort retrait d’alignement sur une parcelle traversant. Il présente un style régionaliste un peu sévère par l’emploi des matériaux, mais d’une conception tout à fait originale dans le paysage rennais. Pour les deux constructions, on fait appel aux mêmes entrepreneurs, Richer se charge du gros œuvre et Odorico de la décoration et du revêtement en mosaïque. Grâce à la loi Loucheur, le nombre de construction augmente. Mais, à partir de 1935, il y a un fort ralentissement voire un coup d’arrêt des HBM. L’Office de la ville de Rennes tente en 1937 de construire des HBM à l’aide de subventions accordées par le gouvernement 14
Maison des Étudiants Maison des Étudiants Façade principale orientée au Nord Façade sur la cour (Coll. Marie-Antoinette Gallacier-Brisou) (Coll. Marie-Antoinette Gallacier-Brisou) pour les travaux de lutte contre le chômage. Le projet d’Yves Lemoine n’est pas réalisé en raison d’une mauvaise conjoncture69 : il y a une crise du secteur de la construction. Ainsi, de 1936 à 1938, le prix des habitations a augmenté de 46%. Bougot explique que le devis dépasse de 47% le maximum des prix fixés par la loi et que les prix des matériaux ont augmenté de 100% depuis l’établissement du devis : « C’est dire qu’il est absolument impossible à l’Office de construire, et notre projet de 32 logements est enterré, à moins de construire des maisons en briques. ». Château, maire et entrepreneur, ajoute que « même avec des Maison des Étudiantes - Vue de la salle commune constructions en briques, vous dépasserez les chiffres (Coll. Marie-Antoinette Gallacier-Brisou) fixés par la loi »70. Bougot est à la fois mécontent et soulagé que le projet n’aboutisse pas : « Nous pourrions remercier votre commission de ce rejet, car à l’heure actuelle, il nous serait impossible de construire dans les limites de notre projet établi au début de 1937, pour la raison bien simple que depuis cette époque, on peut fixer l’augmentation du prix de la construction de 15% à 20%. Nous déplorons seulement cette décision qui va priver 32 familles de locaux sains et agréables, loués à des prix très modérés »71. Le temps des grands chantiers menés par les offices est terminé. Maison des Étudiants Vue du hall d’accueil 15
Les origines du logement social à Rennes ou le temps des habitations à bon marché La fin des HBM Il faut attendre quelques mois après la Seconde Guerre mondiale pour voir les premiers projets se réaliser. Afin de faire face au manque de logements, la loi du 3 septembre 1947 institue un régime provisoire de prêt pour permettre la réalisation immédiate de nouvelles constructions par les organismes d’HBM. Un premier projet de l’Office de Rennes envisage en 1948 la construction de 64 logements boulevard de Verdun autour du square de la Touche. La municipalité Milon participe au projet et donne un terrain en mars 194972. Les plans sont réalisés par Lemoine et l’adjudication est lancée en 1951. Il s’agit d’un projet de 15 immeubles (dont neuf sont réalisés) de deux ou trois étages, dont un jumelé, qui se rapproche des réalisations de cités-jardins avant-guerre. À la fin de l’année 1952, les logements sont loués. De même, l’Office départemental construit 24 logements à Villeneuve, 48 sur le boulevard Clemenceau et 98 logements à Saint-Cyr à l’emplacement de l’ancienne gare de transport d’Ille-et-Vilaine. La Société bretonne d’HBM réalise quant à elle 72 logements rue de Vern pour les cheminots. Tous ces programmes prennent fin vers 1955. En tout, 632 logements sont réalisés par les offices entre 1947 et 195273. Ainsi, la période 1850-1950 est celle des prémices du logement social en France et voit l’apparition des HBM. La loi du 21 juillet 1950 changera l’appellation HBM en Habitation à loyer modéré (HLM). Une nouvelle ère du logement social commence. Les premières solutions concernant l’habitat ouvrier à Rennes ont tardé à émerger. Il faut attendre le tout début du XXe siècle pour voir les premières initiatives rennaises grâce aux sociétés coopératives. Entre les deux guerres, les constructions sont nombreuses à partir de la mise en place des offices publics, bien qu’il soit difficile de les quantifier précisément. La loi Loucheur permet de donner un nouveau souffle à la construction de logements destinés aux familles ayant des revenus modestes. Même s’il ne s’agit pas de « grande architecture », des solutions innovantes et originales voient le jour à Rennes comme la cité-jardin du Foyer rennais ou les cités destinées aux étudiants. Il faut en effet éviter de penser que le logement social de l’époque n’est pas de bonne qualité et, comme l’indique Bougot, « en construisant comme nous l’avons fait, nous évitons pour l’avenir les grosses réparations que connaissent déjà les Offices ayant bâti légèrement : le bon marché n’est pas le plus souvent le meilleur marché »74. Le logement social prend du retard à Rennes qui n’est pas un bassin industriel important comme Mulhouse ou Saint-Étienne. De plus, sous le Front Populaire, les difficultés sont nombreuses, le contexte est difficile et, bien que le gouvernement lance de vastes plans contre le chômage, la construction stagne. À partir de 1936 et jusqu’à la guerre, les constructions d’HBM sont inexistantes. Enfin, dans l’ensemble, le pavillonnaire domine dans l’aménagement de lotissements : l’image de l’ouvrier dans sa maison et son jardin est un symbole fort. Les immeubles sont encore rares, seulement huit cités sont construites avant la Seconde Guerre mondiale. En revanche, après la guerre, le collectif devient la norme, mais il faut attendre le milieu des années cinquante pour voir une relance réelle du logement social. 16
Notes 1 Les travaux de R.-H. Guerrand sur le 7 Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 5 M 69. Pontchaillou à partir de 1895. Il délivre des logement social en France et en Europe certificats de salubrité pour le Comité de rendent compte de ce phénomène. 8 TOULMOUCHE (A.), Recherches statistiques patronage dont il devient le secrétaire. sur l’hygiène et la mortalité de la Ville de 2 Habitations à bon marché. Rennes, Paris, J.-B. Baillère, 1849, p. 24-25. Voir 17 Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 3 X6 HBM, aussi, GUERRAND (R-H.), op. cit., p. 65. Délibération du comité de patronage, séance 3 Arch. mun. Rennes, 4Q7, Circulaire du 10 du 29 juin 1901. avril 1907 sur l’exemption des contributions 9 Arch. mun. Rennes, 5 C 36, Exposé général Janvier n’assiste pas à la séance mais on foncières portes et fenêtres. présenté par le sénateur maire de Rennes procède à la lecture de son rapport qui est « Pour reconnaître à une maison le caractère à la première réunion de la commission le une analyse du rapport du Dr Fleury sur les d’HBM, la loi distingue d’abord entre 11 octobre 1881, Rennes, imprimerie rennaise HBM du département de la Loire. « Après les maisons collectives et les maisons L. Caillot, 1 881. La commission est instaurée avoir dit un mot de la situation industrielle individuelles. (…) par délibération du Conseil municipal du si différente de l’Ille et Vilaine et de la Loire, Sur le point de savoir ce qu’il faut entendre 23 mars 1881. M. Janvier signale une opinion du Docteur par « maison collective » et « maison 10 Ibid. p. 6 : « La commission est chargée Fleury. Il se dégage en effet du rapport individuelle », il est difficile de donner des de rechercher et d’indiquer les mesures de celui-ci qu’il a en médiocre estime les indications absolument précises ; on peut indispensables d’assainissement des premières cités ouvrières de la Loire, édifiées dire cependant que, d’une façon générale, logements et dépendances insalubres mis du reste sur un plan uniforme que l’on une maison est individuelle ou collective en location ou occupés par d’autres que le retrouve partout dans l’Est de la Rance, et selon que, par l’agencement des moyens propriétaire, l’usufruitier ou l’usager. Dans ce que toutes ses préférences se portent sur les d’accès et de dégagement, etc., elle est but, elle doit visiter les lieux signalés comme constructions séparées abritant tout au plus destinée à ne recevoir normalement qu’un insalubres, déterminer l’état d’insalubrité et deux ménages quand il s’agit de familles seul ménage ou qu’elle comporte, au en indiquer les causes ainsi que les moyens sédentaires. M Janvier se rallie à l’opinion du contraire, plusieurs logements dont chacun d’y remédier. Elle désigne les logements qui Docteur Fleury et rappelle les observations se suffit à lui-même et peut abriter une ne sont pas susceptibles d’assainissement. En qu’il a pu faire lui-même pendant son tour famille. (…) dehors de ces attributions ainsi définies, les de France. Elles ne l’ont pas conduit, en effet, Ceci posé, sont considérées comme HBM : propositions de la Commission n’ont aucune à approuver le système des cités ouvrières. 1° Les maisons collectives, lorsque la valeur valeur légale. Elle ne peut donner son avis M Janvier conclut en définissant ce qu’il locative réelle de chacun des logements que sur des espèces qui lui sont soumises ; faut entendre par l’habitation à bon marché qu’elles comportent ne dépasse pas, au elle ne peut agir par voie de réglementation et en estimant qu’il serait bon de se livrer moment de la construction, le chiffre fixé générale. » à une propagande par la voie de la presse, tous les cinq ans, pour chaque commune, par propagande qui devrait être appuyée par une commission spéciale siégeant au chef- 11 À Rennes, des logements sont créés près l’exemple d’une ou deux maisons modèles lieu du département ; des usines Oberthür pour les ouvriers de sa de l’habitation à bon marché, telles qu’elles 2° Les maisons individuelles, lorsque leur papeterie, mais, selon O. Fouéré, l’initiative ne seront offertes à l’acheteur ou au locataire valeur locatives réelle ne dépasse vient pas d’Oberthür lui-même. selon les conditions énumérées et clairement pas plus d’un cinquième le chiffre déterminé expliquées par la presse. » par la même commission pour les maisons 12 FOUÉRÉ (O.), Les Habitations à Bon Marché, collectives. » Les communes entre 30000 émergence d’une typologie, Rennes 1900- 18 Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 3 X 7 HBM, et 200000 hab. ont un maxima fixé alors à 1939, Rennes, U.H.B., mémoire de maîtrise Rapport d’activité du Comité de patronage 325 francs et 250 pour la banlieue à 10 km d’histoire de l’art, LOYER (F.) dir., 1986, p. 6. en 1910 alentours. 13 Le comité local des HBM est institué à 19 Cet impôt, instauré par le Directoire, est 4 Il faut cependant signaler que ce Rennes par décret du 7 août 1896. supprimé en 1917. phénomène tend à toucher également de plus en plus pendant la période les régions 14 Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 3 X 6 HBM, séance 20 Société Anonyme de Crédit immobilier. La rurales du département comme le montre du 17 juillet 1908. première Société de Crédit Immobilier est un rapport de l’Office départemental en fondée à Arras par Ribot en 1908. 15 Jean Janvier est membre actif du comité 1929. « Nous constatons que les demandes à partir de 1901 en qualité de président 21 La municipalité rennaise aide la Société de constructions d’habitations à bon marché du syndicat des entrepreneurs et juge au de Crédit Immobilier de Rennes par une sont déposés pour une grande partie par tribunal de commerce. Maire de Rennes de subvention de 15 000F. des ruraux, environ 50% ». Arch. dép. Ille- 1908 à 1923, il est très impliqué dans l’aide et-Vilaine, 3 X 27 HBM, Rapport présenté 22 Société par action, approuvée par décret aux ouvriers ; on pense alors aux fameuses par le Conseil d’Administration de l’Office ministériel le 3 juillet 1903, « La Ruche représentations du maire sur un chantier de départemental au préfet, le 1er août 1929. Ouvrière Rennaise a pour objet de travailler à construction par l’artiste Camille Godet dans une salle de la Maison du Peuple, construite l’amélioration du logement populaire. Elle se 5 Il y a à Rennes environ 70 000 habitants vers à partir de 1919 rue d’Échange par Le Ray. propose particulièrement : 1 896 et près de 99 000 habitants en 1936. Voir aussi : ANDRIEUX (J.-Y.), LAURENT (C.) 1° D’aider, par des avances de fonds, des 6 Armand de Melun, catholique social, né en éd., Quelques souvenirs, Jean Janvier, Maire de ouvriers ou employés à devenir propriétaires 1807, se présente aux élections de mai 1849 Rennes, Rennes, P.U.R., 2000. de maisons construites pour eux et selon et se fait élire député en Ille-et-Vilaine ; leur goûts ; son frère Anatole le sera dans le Nord au 16 Julien Ballé (1864-1942), architecte, fils 2° De construire elle-même des maisons même moment. Il se retire de la politique en d’un agent voyer, entre à l’École nationale individuelles ou collectives destinées à la 1 851. Voir GUERRAND (R.-H.), Propriétaires supérieure des Beaux Arts en 1882. location simple, pour fournir des logements et locataires : les origines du logement social Architecte de l’État et des Hospices civils à salubres à ceux qui pour des raisons diverses en France, 1850-1914, Paris, Quintette, 1987, partir de 1894, il est notamment connu pour ne peuvent ou ne veulent pas acquérir leur p. 54-55. la construction des pavillons de l’hôpital de propre maison ; 17
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