Magazine - VENIR POUR LA NATURE REVENIR POUR LA CULTURE

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Magazine - VENIR POUR LA NATURE REVENIR POUR LA CULTURE
TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR

                             magazine

                  VENIR POUR LA NATURE
                  REVENIR POUR LA CULTURE

                                No 2 | été 2019 | 4,251$
                                          le gaboteur magazine
Magazine - VENIR POUR LA NATURE REVENIR POUR LA CULTURE
Conseil scolaire francophone provincial
     de Terre-Neuve-et-Labrador

                                  Enseigner ou aller à l’école
                                  EN FRANÇAIS
                                  à Terre-Neuve-et-Labrador,
                                  c’est possible !

                                   PÉNINSULE DE
          SAINT-JEAN                                             LABRADOR
                                   PORT-AU-PORT

   École des Grands-Vents M-6       École Sainte-Anne        Centre éducatif l’ENVOL
                                  (La Grand’ Terre) M-12       (Labrador City) M-12
    École Rocher-du-Nord 7-12
                                École Notre-Dame-du-Cap            École Boréale
                                 (Cap Saint-Georges) M-8   (Happy Valley-Goose Bay) M-12

   www.csfp.nl.ca | 709.722.6324 | 888.794.6324
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sommaire

                                                                                                                                                       01
                           18          Madeleine Florent et des milliers d’autres bénévoles ont construit
                                       la East Coast Trail. Ce joyau de la péninsule d’Avalon fête ses 25 ans.
                                                                                                                                                       19
JACINTHE TREMBLAY

                                                                                                    JACINTHE TREMBLAY
                                                    ÉMILE GARNIER

                                                                                                                                                       HUGO LEBLANC

                             08                                              14
                                                                    Né à Montréal et accroché au
                                                                                                                                 16                                            26
                     Les microbrasseries sont en                                                                        Nos chiens et nous sommes                       L’agenda festif estival est
                    essor. Chris Conway participe                   Labrador : récit d’une double                       sous la loupe à l’Université                  chargé. Aperçu d’événements
                                                                          appartenance.
                            au mouvement.                                                                               Memorial de Terre-Neuve.                         où il y aura du français
                                                                                                                                                                                 dans l’air.

                    www.gaboteur.ca                                      ! /gaboteur                                       " /legaboteur                                $ /le_gaboteur
Magazine - VENIR POUR LA NATURE REVENIR POUR LA CULTURE
E R V I C E
UN S           O N E
FRANCO ! P   H
   UNIQUE
          Ateliers, cours, activités sportives,
          repas communautaires, bulletin
          mensuel, trousse de bienvenue et
          bien plus, le tout, offert en français.
                                                                      ive      , Labrador City
                                                        308 Hudson Dr
                                              L’AFL vise la promotion et
                                        l’épanouissement de la francophonie
  info@afltnl.ca (709) 944-6600         et encourage le bilinguisme canadien
                                              dans l’Ouest du Labrador.
Magazine - VENIR POUR LA NATURE REVENIR POUR LA CULTURE
mot de la rédaction

                                        ous tenez entre vos mains ou vous lisez

                                                                                                                                                 En couverture
                                        à l’écran le deuxième rejeton en format
                                       magazine du Gaboteur, le bimensuel
                                      d’information en français de Terre-Neuve-
                                                                                                                                                 Cette photo de la harpiste
                                     et-Labrador, fabriqué ici, par des gens d’ici,
                                                                                                                                                 Sarah Veber, par Greg
                                    depuis 1984.
                                                                                                                                                 Locke, fait partie d’une série
                                      Dans cette seconde mouture, la place                                                                       de portraits créés pour la
                                   d’honneur est réservée à l’Histoire ainsi                                                                     Newfoundland Symphony
                                  qu’aux petites et grandes histoires qui rendent                                                                Orchestra (NSO). Son chef
                                 vibrante la vie ici. Ce Gaboteur magazine,                                                                      principal depuis 1992 est
                                été 2019, raconte aussi l’avenir qui se bâtit, au                                                                le Québécois Marc David,
                               quotidien, dans notre province, dans ses villes                                                                   aujourd’hui également
                              comme dans ses communautés rurales, sur l’île et                                                                   directeur artistique de cet
                             au Labrador.                                                                                                        orchestre qui compte plus
                               Est-ce parce que, le 5 octobre prochain, ce                                                                       d’une dizaine de musiciens
                           journal célèbrera le 35e anniversaire de son                                                                          d’expressions française.
                          lancement qu’autant d’Histoire et d’histoires se
                         retrouvent dans nos pages en cet été 2019 ?
                           C’est peut-être l’influence des fées ou du                                                                            Greg Locke loge sur le Web
                                                                                                                                                 au straylight.ca
démoniaque rameur de l’île Rouge ? Allez savoir.
   Ce magazine vous invite à découvrir la culture, sous toutes ses coutures,                                                                     La NSO est au nsomusic.ca
qui nous anime, en français, sur les pentes de nos falaises, sur les rives de
nos grands lacs, de nos rivières et de l’Atlantique Nord, les jours de soleil, de
brouillard ou de pluie.
   Nous espérons qu’au fil de ses pages, vous percerez un des secrets parmi
les mieux gardés de cette province à 99,4 % anglophone : la langue française
et ses multiples déclinaisons y sont étonnamment vivantes.
   Nous vous invitons à en savourer la lecture entre vos cueillettes de thés
sauvages, en prenant une pause au détour d’un sentier, en écoutant des
musiciens locaux dans un festival ou dans une des nombreuses brasseries
artisanales de la province.
   Nous souhaitons aussi que ce magazine vous donnera le goût de larguer les
amarres avec Le Gaboteur – le journal, à compter de septembre prochain et
pour longtemps.
                 G

                               Jacinthe Tremblay, pour l’équipage du Gaboteur                                                                                                                         ÉTÉ 2019

                                                                                                        Mais qu’est-ce que c’est que ce nom ?
                                  Le Gaboteur magazine est le cousin du journal
                                                                                                        Un gaboteur, c’est un bateau qui transporte des marchandises ou des
                                  francophone de Terre-Neuve-et-Labrador
                                                                                                        personnes de port en port. C’est aussi une personne qui se promène un peu
                                  Le Gaboteur. Lancé en 1984, ce journal
                                                                                                        partout et rapporte des nouvelles.
                                  indépendant est publié par la société sans
                                  but lucratif LE GABOTEUR INC.
                                                                                                        RÉDACTRICE EN CHEF Jacinthe Tremblay JOURNALISTE ET ADJOINTE À LA RÉDACTION Marilynn Guay
                                                                                                        Racicot COLLBORATEURS.TRICES Noémie Albert, Laurence Berthou-Hébert, Julie Comtois,
                                  SIÈGE SOCIAL               65, chemin Ridge, bureau 252A
                                                                                                        Amanda Cornect, Dwight Cornect, Éric Cyr, Charles Garnier, Marie-Michèle Genest, Jud Haynes, Michel
                                                             St. John’s NL A1B 4P5                      Savard, Gabriel Tremblay-Gaudette et Étienne Villaume CONCEPTION GRAPHIQUE Patrice Francœur
                                                             709 753-9585                               PUBLICITÉ Patrice Potvin
                                                             info@gaboteur.ca
                                  CONSEIL D’ADMINISTRATION   Nathalie Brunet, présidente,               IMPRESSION                    Advocate Printing
                                                             Ysabelle Hubert, vice-présidente,          TIRAGE                        10 000
                                                             Flora Salvo, secrétaire,
                                                             Cyr Couturier, trésorier                                                 ISSN 0836-8155
                                                             Nancy Boutin, relations avec les membres
                                  DIRECTION GÉNÉRALE         Jacinthe Tremblay
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géographie

                                  Ajustez vos montres !
     TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR INSISTE POUR ÊTRE EN DÉCALAGE HORAIRE AVEC LE RESTE DE LA PLANÈTE.
              PRAGMATISME OU PATRIOTISME? LES DEUX À LA FOIS, NOUS APPREND L’HISTOIRE.

                                                 Un texte de Gabriel Tremblay-Gaudette 

    V
                ous écoutez CBC à Toronto    St, Anthony, sur la péninsule Nord de          stone Head, sur l’île terre-neuvienne
                ou Radio-Canada à Mon-       Terre-Neuve et Blanc-Sablon, au Qué-           Fogo), notre planète est bel et bien
                tréal ? On vous annonce      bec, juste en face ? Vous atterrirez           ronde, et tourne autour du soleil. Ain-
                une émission diffusée une    une heure plus tôt.                            si, certains lieux de la planète sont
    heure et demi plus tard à Terre-Neuve.                                                  éclairés par cet astre alors que d’autre
    Vous écoutez CBC à St. Johns ? On        Rythmes temporels distincts                    doivent se contenter des rayons de la
    vous annonce que la même émission        Parmi les caractéristiques qui contri-         lune.
    sera diffusée à 13 h, à Terre-Neuve      buent à faire de l’île de Terre-Neuve et          C’est justement parce qu’au même
    et dans la plupart du Labrador. Une      d’une partie du Labrador un endroit            moment, certaines personnes font
    demi-heure seulement sépare Hap-         « particulier », il y a ce fuseau horaire      l’expérience de l’avant-midi tandis
    py Valley-Goose Bay et Wabush de         différent du reste du pays. Comment            que d’autres observent le coucher du
    St. John’s : cette partie du Labrador    – et pourquoi – est-il possible que ces        soleil qu’un système de fuseaux ho-
    vit à l’heure des Maritimes.             territoires vivent littéralement à des         raires a été mis en place afin de per-
       Vous prenez le traversier à North     rythmes temporels distincts ?                  mettre d’ajuster collectivement nos
    Sydney, en Nouvelle-Écosse ? Ajoutez        Contrairement à ce qu’affirme la            montres, suivant approximativement
    30 minutes à votre montre dès que        Flat Earth Society (qui soutient que la        le découpage de la Terre en 24 méri-
    vous mettrez les pieds sur le bateau.    Terre est plate et qu’un de ses quatre         diens (les lignes imaginaires qui tra-
    Vous avez un vol de 25 minutes entre     coins serait même la colline Brim­             versent la planète du nord au sud).

6      le gaboteur magazine
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Un peu d’histoire                              En 1963, le gouvernement de la
            Le premier fuseau horaire, l’heure          province a brièvement exploré l’idée
            normale de Greenwich, a été mis en          d’adopter l’heure standard des Mari-
            place en 1675. À partir du 19e siècle,      times, soit une heure plus tard que le
            alors que les moyens de transport et        centre du pays, mais la population a
            de communications ont pour ainsi            vivement rejeté cette possibilité.
            dire « accéléré » les contacts entre           Dans un article publié le 27 mai
                                                                                                       Association
            humains séparés par de grandes dis-         dans le journal anglophone The Daily           communautaire francophone
            tances, l’utilisation de ce système         News, une plume anonyme s’in-                  de Saint-Jean   • Centre scolaire
            s’est élargie, notamment sous l’impul-      surge contre cette proposition en ces          et communautaire des Grands-Vents
            sion du Canadien Sanford Fleming.           termes : « Nous nous faisons une fier-
            Chaque territoire et pays qui choi-         té d’être différents même si cela peut         Votre carrefour de la
            sissait de s’incorporer à ce système        entraîner des inconforts pour nous
            mondial avait toutefois la liberté de       et pour autrui. Et notre fuseau ho-
                                                                                                       francophonie dans la
            déterminer son écart face au temps          raire spécial est une tradition de cet         région de Saint-Jean
            moyen de Greenwich en fonction de           ordre. » Le gouvernement est revenu
            ses besoins et de sa réalité.               sur ses pas.
               En 1884, lorsqu’un accord inter-
            national d’adhésion de tous les ter-        Un peu du Labrador et de France
            ritoires de la planète à un système         Mais qu’en est-il du Labrador ?
            universel de fuseaux horaires, Terre-       C’est... plus compliqué. Une grande
            Neuve, alors colonie britannique, a         partie de ce territoire vit à l’heure
            décidé de se doter d’un fuseau ho-          des Maritimes – UTC-03. C’est le cas
WIKIPÉDIA

            raire « distinct », dont la désignation     pour les localités minières de l’ouest
            officielle est UTC-03:30, pour mieux        du Labrador, de Happy Valley-Goose
            refléter la réalité du soleil sur l’île à   Bay et de la côte nord de cette Big
            partir de sa capitale, St. John’s.          Land. Par contre, les localités com-
               En consultant une carte des mé-          prises entre l’Anse-au-Clair, à la fron-   ▪ Activités sociales et récréatives
            ridiens (voir l’illustration), on réa-      tière de la Basse-Côte-Nord du Qué-        ▪ Spectacles et concerts
            lise rapidement que cette ville est         bec, et de Black Tickle, sur la côte       ▪ Activités culturelles
            presque exactement située entre             sud du Labrador, sont incluses dans        ▪ Bibliothèque et centre d’accès
            deux de ces lignes.                         le UTC-03:30.                                informatique
                                                           Les gens de l’Anse-au-Clair, au
                                                                                                   ▪ Services aux résidents et aux
                                                        Labrador, doivent donc reculer
                                                                                                     visiteurs
                                                        leur montre de 1 h 30 pour arriver
                C’est par précision                     à l’heure à un rendez-vous à Blanc-­
               davantage que par                        Sablon, au Québec, à moins de cinq
                                                        minutes de leur résidence... sauf
            coquetterie que la fameuse                  pendant la période automnale et hi-
             demi-heure d’écart a été                   vernale de l’heure avancée, où l’écart
                     décrétée.                          n’est plus que de 30 minutes, la ré-
                                                        gion comprise entre St-Augustin et
                                                        Blanc-Sablon faisant exception à ce
                                                        changement d’horaire !
                                                           Pour sa part, la population de l’ar-
               Terre-Neuve vivant à sa propre           chipel voisin de Saint-Pierre et Mi-
            heure depuis des décennies au mo-           quelon vit à l’heure des Maritimes,
            ment de son entrée dans la Confédé-         bien que beaucoup plus près, en ba-
            ration canadienne en 1949, il a été         teau et en avion, de St. John’s que de             65 ch. Ridge, St. John’s
            décidé qu’il serait plus commode de         Halifax.                                                 NL A1B 4P5
                                                                G

            maintenir le statu quo.                                                                            (709) 726-4900

                                                                                                                            le gaboteur magazine   7
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PORT REXTON BREWING
                      Entrepreneuriat

                                   Vague déferlante de microbrasseries
                             JUSQU’EN 2016, TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR COMPTAIT SEULEMENT TROIS BRASSEURS LOCAUX
                          INDÉPENDANTS. UNE VINGTAINE ONT MAINTENANT PIGNON SUR RUE, EN MILIEUX URBAIN ET RURAL.

                                                                       Un texte de Jacinthe Tremblay 

              E
                                n 2018, Terre-Neuve-et-         manger près de ses cuves. « Ce trio       maintenant offertes dans toutes les
                                Labrador affichait le volume    menait ses activités sans changement      brasseries de la province.
                                consommation de bières          notables de son offre initiale de pro-       Port Rexton Brewing marque le
                                per capita le plus élevé au     duits », souligne-t-il.                   lancement d’un mouvement entre-
                      pays, selon les données colligées par                                               preneurial brassicole en milieu rural
                      le Conference Board du Canada pour        Et vint Port Rexton Brewing               qui ne cesse de grandir. Depuis 2017,
                      Beer Canada. Avec ses 94,4 litres an-     En 2016, deux femmes changent la          ont ouvert leurs portes les brasseries
                      nuels par habitant, la province devan-    donne. Sonja Mills et Alicia MacDo-       Western Newfoundland (Pasadena),
                      çait de 10,1 litres le Québec, second     nald ouvrent à Port Rexton, un petit      Crooked Feeder et Bootleg Brew (Cor-
                      au rang des leveurs de coude.             village de la péninsule de Bonavista,     ner Brook), Split Rock (Twillingate),
                         « Pourtant, jusqu’à tout récem-        « la première microbrasserie mo-          Scudrunner (Gander), Dildo (Dildo),
                      ment, le Vieux rocher et le Labrador      derne de la province », soutient Chris    Baccalieu Trail (Bay Roberts), Brigus
                      étaient pratiquement des déserts en       Conway. « Les clients peuvent y dé-       (Brigus), Ninepenny (Conception Bay
                      matière de microbrasseries », observe     guster des bières complexes de grande     South), Motion Bay (Petty Harbour),
                      Chris Conway, auteur du carnet Web        qualité dans un espace lumineux, ac-      Bannerman (St. John’s) et Landwalsh
                      newfoundbeer.org et copropriétaire        cueillant toutes les générations et les   (Mount Pearl).
                      de Landwash Brewery, à Mount Pearl.       familles. Cette brasserie présente une       L’ouverture de Rough Waters (Deer
                         En 2012, au moment du lancement        grande variété d’événements, tels des     Lake), Little North (Baie Verte), Boo-
                      de son blogue, deux des trois brasseurs   collectes de fonds, des trivias, des      mstick (Corner Brook) et RagnaRöck
                      locaux, Quidi Vidi et Storm, faisaient    spectacles, etc. » Les dames de Port      (St. Anthony) est prévue lors de la deu-
                      commerce sans espace de dégustation       Rexton sont aussi les pionnières de       xième moitié de 2019. Labrador City
                      depuis leur ouverture, au milieu des      la vente de produits d’autres entre-      aura également sa première brasserie
                      années 1990. Seul Yellowbelly, ouvert     preneurs locaux et des growlers pour      artisanale, la bien nommée Iron Rock.
                      en 2006, offrait de consommer et de       emporter. Ces cruches en verre sont          « Les microbrasseries sont, dans plu-
        8                le gaboteur magazine
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sieurs communautés, l’espace public                     détiennent encore une minuscule                     bières et offrir plus de variétés », dit-il.
                privilégié, sinon le seul espace public,                part du marché de la bière dans la                     Brasseurs urbains et ruraux s’al-
                des rassemblements amicaux et fami-                     province, de « 2 à 3 % », estime Chris              lient régulièrement pour des promo-
                liaux » résume Chris Conway. « On y                     Conway. « Il n’y a pas de compétition               tions croisées ou en commun. Autre
                vient pour jaser et déguster de la bière,               économique entre nous. Nous vou-                    signe de leur collaboration : il est pos-
                pas pour y faire des beuveries. »                       lons ensemble agrandir notre part                   sible de faire remplir un growler ache-
                                                                        de la tarte, pas nous séparer la part               té ailleurs dans n’importe laquelle des
                Agrandir la pointe de tarte                             de tarte actuelle. Là où il y a compé-              brasseries de la province.

                                                                                                                                                          G
                En dépit de cette croissance, ces PME                   tition, c’est pour avoir les meilleures

                                                                     LE NOUVEAU SECRET                                                      SEULEMENT
                                                                     DE PORT-AU-PORT                                                        À TERRE-NEUVE-
                                                                                                                                            ET-LABRADOR,
                                                                     SECRET COVE BREWING, À PORT AU PORT, OFFRE                             SAUF QUE...
                                                                     BEAUCOUP PLUS QUE DES BIÈRES.
                                                                                                                                            Les marques Dominion,
                                                                Sheila Dwyer et Jason Hynes ont ouvert les fûts en 2019 dans un
                                                                                                                                            Jockey Club, India Pale Ale,
                                                                bâtiment de la rue Main empreint d’histoire locale et d’humour.
                                                                                                                                            Black Horse et Blue Star sont
                                                                Les noms de leurs bières en témoignent. La James Blond 00709,
                                                                                                                                            en vente uniquement ici
                                                                évoque à la fois le célèbre agent secret et le code téléphonique
                                                                                                                                            mais elles sont brassées par
                                                                de toute la province. La Hop a ryed in my Dory, joue avec la
                                                                                                                                            Molson et Labatt. Ces géants
                                                                prononciation anglaise identique de ryed et ride (faire un tour)
                                                                                                                                            ont continué leur fabrication
                                                                et le nom des petites embarcations autrefois utilisées par les
                                                                                                                                            après leur mainmise sur les
                                                                pêcheurs de la péninsule. Un vrai dory — doris en français — fait
                                                                                                                                            brasseries indépendantes
                                                                même partie du décor.
                                                                                                                                            de la province, dans les
                                                                    L’ouverture de Secret Cove combine le rêve du couple,
JULIE COMTOIS

                                                                                                                                            années 1960.
                                                                autrefois résidants de Halifax, de revenir s’établir à Port-au-Port,
                                                                                                                                                Toujours très populaires,
                                                                la région natale de Hynes, avec un un projet entrepreneurial aux
                                                                                                                                            ces marques sont vues par
                                                                couleurs de la péninsule, notamment en intégrant à ses bières
                                                                                                                                            plusieurs comme des preuves
                des saveurs de baies ou d’herbes sauvages locales. Hynes songe même à déconstruire une recette de Figgy
                                                                                                                                            tangibles de l’existence
                Duff aux bleuets, un dessert traditionnel terre-neuvien, pour créer une blanche. Le couple présente également
                                                                                                                                            d’une nation qui a survécu à
                des spectacles avec des musiciens du coin, des ateliers de peinture ainsi que des événements rassembleurs
                                                                                                                                            l’entrée de la province dans
                organisés de concert avec d’autres entrepreneurs de la région.
                                                                                                                                            la Confédération canadienne,
                   Secret Cove est aussi l’endroit idéal pour faire une pause au retour ou avant d’emprunter la Route des
                                                                                                                                            en 1949.
                Français (460-463) pour découvrir la francophonie de la péninsule de Port-au-Port. [Un texte de Julie Comtois]

                                                                                                     Art contemporain
                                                                                                     à Terre-Neuve
                                                                                                     17 août – 15 septembre
                                                                                                     bonavistabiennale.com
                                       Admirez       les œuvres de 20 artistes
                                       autochtones, canadiens et américains en vue.

                                       Explorez les 20 sites d’une boucle de
                                       100 km le long du littoral.
                   Photo C Beaudette

                                       Découvrez les expositions, les ateliers
                                       et les paysages de la péninsule de Bonavista.

                                                                                                                                                     le gaboteur magazine   9
Magazine - VENIR POUR LA NATURE REVENIR POUR LA CULTURE
Le magazine
                                                                      des francophones
                                                                         de l'Atlantique
                                         Nouvelle-Écosse |
                                         Nouveau-Brunswick |
                                         Saint-Pierre et Miquelon |
                                         Îles-de-la-Madeleine |
                                         Île-du-Prince-Édouard |
                                         Terre-Neuve & Labrador |

                                                           NOURRITURE
                                                        ET ACCESSOIRES
                                                           POUR ANIMAUX
                                                                                                                Repas santé à prix abordables
                                                                                                            Nous livrons au bureau ou à la maison
                                                                                                              Région de St. John’s et Mount Pearl
                                                                 DEUX ADRESSES À ST. JOHN’S                      Nous vous servons au YMCA
                                                                      80 Kenmount Road | 709-552-9663              35 Ridge Road St. John’s
                                                                      ² facebook.com/petzonekenmount    hello@lunchin.ca | 709-700-7001 | www.lunchin.ca
                                                                      320 Torbay Road | 709-754-9663
                                                                      ² facebook.com/petzonenl

                                                                                                          uR
                                                                                                          A c
                                                                                                            okt
                                                                                                              en
                                                                                                               ,osp
                                                                                                                 u r
                                                                                                                   ao
                                                                                                                    lsa
                                                                                                                     n s
                                                                                                                       usl
                                                                                                                         i r
                                                                                                                          efn
                                                                                                                            açi
                                                                                                                              a!
                                                                                                                               s

              des produits d’exception
        dans un bâtiment qui l’est tout autant
      Neuf espaces de commerces locaux sous un même toit                                                                                 !
                                                                                                                  Cf
                                                                                                                   ofe e!           Bnc
                                                                                                                                     o aé
                                                                                                                                        f
                                                                                                               r
                                                                                                               Ga
                                                                                                                et
                                                                                                                   s
                                                                                                                   p!               Soue
                                                                                                                                       ps!
             210-214 Duckworth Street, St. John’s, NL
                                                                                                                 o
                                                                                                                 Su
                ( 709 722 2544 www.posierow.com                                                                   ads!               a
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                   P posierow210 X posierow
                                                                                                                 a
                                                                                                                 Sl
                                                                                                                    h  es !         a
                                                                                                                                    Snwi
                                                                                                                                      d h
                                                                                                                                        c e s!
                                                                                                               Sad
                                                                                                                 n c
                                                                                                                  wi
                                                                                                                    e s!            Pt
                                                                                                                                     as
                                                                                                                                      ie
                                                                                                                                       srie s!
                                                                                                                Pat
                                                                                                                  sri
                                                                                                                    re a d !         a
                                                                                                                                     Pnf
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                                                                                                                                        r  i!
                                                                                                                                            s
                                                                                                                r
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                                                                                                                 ehB

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                                                                                                                   ert7J
                                                                                                                       our
                                                                                                                         sSu
                                                                                                                           r7
                                                                                                              Wat
                                                                                                                erS
                                                                                                                  tre
                                                                                                                    et&Chu
                                                                                                                         rc
                                                                                                                          hi
                                                                                                                           ll
                                                                                                                            Squa
                                                                                                                               re
                                                                                                              Wi
                                                                                                               Fi
                                                                                                                Gra
                                                                                                                  tutS
                                                                                                                    i  er
                                                                                                                        vi
                                                                                                                         ceAc
                                                                                                                            cue
                                                                                                                              il
                                                                                                                               l
                                                                                                                               ant
                                                                                                                  WWW.
                                                                                                                     ROC
                                                                                                                       KET
                                                                                                                         FOO
                                                                                                                           D.C
                                                                                                                             A

10   le gaboteur magazine
société

                                                                                                                                    MARILYNN GUAY RACICOT
    Regard sur le nationalisme terre-neuvien
  UNE ÎLE, UNE NATION ? CETTE QUESTION EST LE TITRE D’UN LIVRE QUI MET L’ACCENT SUR TERRE-NEUVE
 ET PORTO RICO PARU EN 2018 AUX PRESSES DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC. ENTRETIEN AVEC SON AUTEURE,
  LA QUÉBÉCOISE VALÉRIE VÉZINA, ENSEIGNANTE EN SCIENCE POLITIQUE À LA KWANTLEN POLYTECHNIC
                         UNIVERSITY DE SURREY, EN COLOMBIE-BRITANNIQUE.

                                                Une entrevue de Noémie Albert 
Pourquoi avoir étudié le nationa-        en 2003. Je me suis rendu compte             exemple au drapeau nationaliste de
lisme terre-neuvien plutôt que le na-    assez rapidement qu’il y avait quelque       Terre-Neuve, à son hymne national
tionalisme québécois ?                   chose de différent ici. À l’époque,          officiel ou encore à son folklore mu-
Du point de vue strictement scien-       je disais tout le temps à mes amis           sical, tel que la chanson The Banks of
tifique, le nationalisme québécois       terre-neuviens à quel point ils étaient      Newfoundland. Je dirais même que
                est sur-étudié par de    merveilleux, et je le leur dis encore (!),   le fameux dictionnaire terre-neuvien
                nombreux intellec-       mais j’avais aussi envie de rendre à         en est le symbole le plus fort, car la
                tuels au Québec, mais    Terre-Neuve ce qu’elle m’avait don-          langue est le marqueur le plus impor-
                aussi ailleurs (en Ca-   né en faisant de son nationalisme un         tant pour identifier le nationalisme de
                talogne, par exemple).   sujet d’étude. C’est super égoïste en        manière générale.
                Je ne vois pas com-      fait, pour me déculpabiliser ! (rires)          Cependant, des éléments manquent
                ment j’aurais pu ap-                                                  pour qu’on puisse le qualifier de natio-
                porter grand-chose de    Est-ce que le nationalisme est bien          nalisme affirmé, ou encore de natio-
                nouveau. Le nationa-     vivant à Terre-Neuve ?                       nalisme revendicateur. Par exemple,
                lisme terre-neuvien      Les statistiques démontrent que 40 %         si une île possède un système poli-
                est très peu étudié,     des Terre-Neuviens se définissent            tique différencié, son nationalisme
                encore moins par un      d’abord par leur province, et ensuite        sera plus fort, ce qui n’existe pas à
                regard extérieur.        par leur pays, ce qui est énorme com-        Terre-Neuve (nldr : à contre-exemple,
                   D’un point de vue     parativement aux autres provinces            au Québec, il existe quelques partis
                très personnel, j’ai     (sauf au Québec, où ce nombre est            nationalistes).
fait ma maîtrise à l’Université Memo-    légèrement plus élevé).                         Ma réponse est donc mitigée selon
rial en 2005. Je ne connaissais pra-        Je dirais donc que oui, le nationa-       le cadre d’analyse observé: territorial,
tiquement pas Terre-Neuve, j’avais       lisme existe, surtout par ses symboles       politique, historique ou culturel. L’as-
seulement visité l’île quelques jours    assez frappants. On peut penser par          pect politique est absent. Mais le na-
                                                                                                             le gaboteur magazine              11
tionalisme terre-neuvien existe, c’est                                                   pays en soi et qui soit rattachée à un
  sûr qu’il existe.                                                                        État fédéral. Sur le plan historique, les
                                                                                           deux îles ont obtenu leur statut politique
  J’imagine que ce sont les cadres                                                         au lendemain de la Deuxième Guerre
  d’analyse énumérés plus haut qui                                                         mondiale, 1949 pour Terre-Neuve et
  vous ont amenée à choisir Puerto                                                         1952 pour Puerto Rico. Fait amusant,
  Rico comme comparatif ?                                                                  les deux îles ont le même nom de capi-
  Oui. Le cadre territorial m’intéresse                                                    tale, Saint-Jean (St. John’s et San Juan)!
  particulièrement : le fait que Terre-
  Neuve soit une île. Il y a un petit « je-
                                                 « Il y a un petit “ je-ne-                Par leurs ressemblances, je pouvais me
                                                                                           concentrer sur leurs différences.
  ne-sais-quoi » sur une île, peu importe      sais-quoi ” sur une île, peu
  que ce soit Cuba, les Îles-de-la-Made-       importe que ce soit Cuba,                   Y a-t-il un aspect qui vous a particu-
                                              les Îles-de-la-Madeleine, ou
  leine, ou encore Montréal. J’ai appelé                                                   lièrement surprise au travers de vos
  ce je ne sais quoi l’îléité, semblable                                                   recherches ?
  à ce qu’on qualifie en anglais de « is-     encore Montréal. J’ai appelé                  Ce qui m’a étonnée, c’est que la dicho-
  landness ». C’est un mot que je préfère      ce je-ne-sais-quoi l’îléité. »              tomie du « Townie » versus le « Bay-
  à « insularité », qui vient avec son lot                                                 man » est beaucoup plus complexe
  de connotations négatives : isolement,                                                   qu’elle n’en a l’air à Terre-Neuve. Pen-
  repli sur soi, etc. L’îléité dénote plu-    d’ailleurs étudier prochainement par         dant longtemps, les villages étaient
  tôt une ouverture sur le monde, par         son lien avec Terre-Neuve.                   isolés donc les identités sont, encore
  le commerce, le transit. C’est dans            J’ai donc voulu comparer Terre-           à ce jour, plutôt fragmentées. On peut
  cette perspective d’îléité que j’ai exclu   Neuve à une île, certes, mais à une île      donc dire qu’il y a de multiples natio-
  d’emblée le Labrador, que je souhaite       similaire, c’est-à-dire qui ne soit pas un   nalismes terre-neuviens.

                                                                                                                      G
                                                                            Placentia
                                                                            un endroit pour vivre et grandir

                                                                                                      www.placentia.ca
                                                                                                      709-227-2151

12   le gaboteur magazine
CASQUETTE DES BLUE JAYS                                                  CASQUETTE DE CAMIONNEUR

                  CAFÉ : ALLONGÉ                                                                             CAFÉ : DEUX CRÈMES, DEUX SUCRES

                   COTON OUATÉ                                                                                 COTON OUATÉ SOUS LA CHEMISE
          PAR DESSUS LA CHEMISE

                BURGER D’ORIGNAL                                                                               CONGÉLATEUR REMPLI

TOWNIE                                                                         BAYMAN
               PAR UN CHEF LOCAL                                                                               DE VIANDE D’ORIGNAL

           MAGASINE CHEZ COSTCO                                                                             NE MAGASINE JAMAIS

            JOUETS : APPLE WATCH,                                                                             JOUETS : VTT,
                      POKÉMON GO                                                                              MOTONEIGE

MUSIQUE : HEY ROSETTA, PEARL JAM,                                                                             MUSIQUE :
     SPRINGSTEEN, TRAGICALLY HIP                                                                              LES DOORS, LED ZEP, AC/DC,
                                                                                                              TRAGICALLY HIP
                   JEANS SERRÉS                                                                               JEANS RELAX ET BOTTES
                 ET BLUNDSTONES                                                                               DE CAOUTCHOUC

                                              TRÈS FIER TERRE-NEUVIEN        TRÈS FIER TERRE-NEUVIEN

                                      UNE ILLUSTRATION DE JUD HAYNES
     Un ami du graphiste Jud Haynes lui a un jour demandé               avec mon chien et portant une paire de bottes de
     de créer une illustration permettant aux gens du                   caoutchouc. J’aime les Townies et les Baymen. La
     « continent » de comprendre ce que les Terre-Neuviens              plupart d’entre nous sommes quelque part entre
     veulent dire quand ils parlent des Townies et des                  les deux – nous magasinons tous chez Costco,
     Baymen. « Il y a une tonne de stéréotypes et demi-                 avons une casquette favorite et nous voulons tous
     vérités dans ces désignations. Les deux sont de fiers              avoir un congélateur rempli d’orignal », précise ce
     Terre-Neuviens et leurs différences sont beaucoup                  fier Terre-Neuvien qui tient boutique en ligne au
     moins grandes que nous voulons bien l’admettre »,                  rehearsalsrehearsals.com.
     explique Jud Haynes.                                                  Bien que le terme Baygirl soit aussi utilisé pour
        « Je vis en ville et je ne porte ni Blundstones ni              désigner les femmes nées en dehors de St. John’s, ces
     chemise à carreaux et je ne bois pas de café – mais                stéréotypes ne leur sont pas accolés. Dans la capitale,
     je peux régulièrement être vu en train de marcher                  les femmes sont elles aussi des Townies.

                                                                                                                     le gaboteur magazine   13
identité

                               Mouvance loin des racines
        LES FRANCOPHONES QUI VIVENT À TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR ONT SOUVENT GRANDI AILLEURS,
       APPORTANT AVEC EUX LEURS ACCENTS ET LEURS CULTURES. COMMENT SE DÉFINISSENT-ILS QUAND ILS
                       S’ACCROCHENT À CET AUTRE COIN DE LA TERRE ? TÉMOIGNAGE.

                                                     Un texte de Charles Garnier 

 L
               orsque j’ai été engagé il y   bush sont situées à quelque 25 kilo-      de notre famille dans une ville an-
               a 13 ans par la compagnie     mètres de Fermont, mais de l’autre        glophone, beaucoup de facteurs in-
               minière Québec Cartier, au-   côté de la frontière, dans la province    fluençaient notre choix mais quelque
               jourd’hui devenue Arcelor-    de Terre-Neuve-et-Labrador. Bien          chose m’attirait dans la façon de vivre
     Mittal, j’ai eu l’opportunité comme     qu’elles offrent tous les commerces,      des gens au Labrador et ce quelque
     tous les autres employés d’acheter à    les commodités et les services des        chose a fait pencher la balance.
     prix très modique une propriété de la   grandes villes, elles ne parviennent         Ayant vécu dans le brouhaha étour-
     compagnie dans la ville de Fermont,     toutefois pas à attirer les nouveaux      dissant de la grande région de Mon-
     avec promesse de rachat au même         employés de Fermont qui choisissent       tréal depuis l’âge de 18 ans et étant
     prix au moment du départ.               presque tous de continuer de vivre en     un habitué des bouchons de circula-
        Cette offre alléchante va de soi     français au Québec.                       tion et de la course quotidienne mé-
     pour la quasi-totalité des nouveaux        Presque tous, sauf quelques margi-     tro-boulot-dodo, je regardais les gens
     employés. La ville minière de Fer-      naux dont je fais partie. Nous avons      du Labrador prendre le temps de
     mont est composée de gens qui pro-      bien pris le temps, mon épouse et         s’arrêter en voiture sur le côté de la
     viennent des quatre coins de la pro-    moi, de peser les pours et les contres    route pour jaser avec quelqu’un sur
     vince du Québec et la vie s’y déroule   avant de traverser la frontière.          le trottoir, les autres automobilistes
     dans un français agrémenté des sa-                                                attendant patiemment derrière sans
     veurs mélangées de tous les accents     Une ville anglophone                      klaxonner. J’enviais cette façon de
     des différentes régions d’origine de    Le prix plus élevé des maisons, la pré-   vivre. Elle me semblait plus normale.
     ses habitants.                          carité d’un nouvel emploi, la distance       Parfois, le paquet de nerfs qui
        Les villes de Labrador City et Wa-   de mon lieu de travail, l’immersion       m’ha­bite encore – mon origine mon-

14      le gaboteur magazine
tréalaise ne m’ayant pas                   avec mon voisin retraité.
définitivement abandonné                   Avec le temps, ces chan-
– se réveille et je me laisse              gements de priorités sans
encore aller à une crise de                préavis affectent de moins
ponctualité, d’efficacité et               en moins mon caractère
de productivité. Je recom-                 cartésien et productif. Je
mence à stresser et à avoir                me sens au contraire tou-
envie de doubler un autre                  jours un peu mieux, à me-
automobiliste respectant                   sure que j’adopte le style
scrupuleusement les li-                    de vie plus décontracté de
mites de vitesse. Ces mo-                  mes concitoyens.
ments d’égarement se font                      Je ne saurais dire si
heureusement de plus en                    j’ai développé une appar-
plus rares et il ne me faut                tenance à ma nouvelle

       « Parfois, le paquet de nerfs qui ­­
        m’ha­bite encore – mon origine
         montréalaise ne m’ayant pas
   définitivement abandonné – se réveille
       et je me laisse encore aller à une
    crise de ponctualité, d’efficacité et de
                 productivité. »

qu’une seule semaine de                    province plus forte que
vacances dans ma métro-                    mes origines québécoises,
pole d’origine pour me rap-                puisque mon déménage-
peler combien j’apprécie le                ment a coïncidé avec un
rythme de vie de ma petite                 changement radical de
ville d’adoption.                          style de vie. J’ai un attache-
                                           ment identitaire très fort à
Jaser avec son voisin                      ma nouvelle vie tranquille
Je me surprends souvent                    loin des grands centres ur-
à réaliser que la longue                   bains, peu importe de quel
liste de choses à faire qui                côté de la frontière cette
devait occuper ma journée                  quiétude se trouve.
de congé au moment de                         Je suis un Néo-Labrado-
sortir de la maison le ma-                 rien, habitant d’une région
tin est devenue obsolète au                juste assez éloignée pour y
profit d’une grande discus-                vivre dans le calme, et je
sion sur des choses sans                   suis Québécois-Montréa-
importance dans la ruelle                  lais d’origine.
                                                               G

LÉGENDE ET CRÉDIT
Photo de la page précédente : Jean-Charles Garnier a aussi trouvé au Labrador
un terrain de jeu de premier ordre pour ses deux passions : la pêche et la chasse.
© Émile Garnier

                                                                                     le gaboteur magazine   15
psychologie

                                                                                                                                 LESLIE-QUENNEHEN
                       Nos meilleurs amis sous la loupe
     DANS CETTE PROVINCE QUI PORTE LE NOM DE DEUX RACES DE CHIENS, DES CHERCHEURS DE L’UNIVERSITÉ
      MEMORIAL NE SE CONTENTENT PAS SEULEMENT DE LES AIMER... ILS VEULENT AUSSI LES COMPRENDRE !

                                                 Un texte de Marie-Michèle Genest 

 L
           a conversation avec la co-      premier groupe de recherche univer-         le comportement social et potentiel-
           fondatrice de la Canine         sitaire sur le comportement canin au        lement la physiologie d’une espèce »,
           Research Unit (CRU) et          Canada. « À ce moment-là, il n’y avait      souligne la psychologue.
           professeure à l’Université      pas beaucoup d’études sur les chiens           « Presque tous les aspects du com-
 Memorial Carolyn Walsh est parfois        domestiqués, le seul laboratoire se si-     portement canin sont influencés par
 interrompue par les jappements aigus      tuant à Budapest, en Hongrie », note        celui de l’humain », soutient-elle aus-
 de Rosie, l’un de ses quatre épagneuls    madame Walsh.                               si. Par exemple, l’anxiété d’un pro-
 papillons, un peu indignée du manque         Jusque-là, les scientifiques s’étaient   priétaire peut se répercuter sur son
 d’attention de la part de sa maîtresse.   en effet plutôt attardés aux recherches     chien en laisse chaque fois qu’il ren-
    Avec son rire contagieux, la pro-      sur les espèces sauvages, exotiques         contre un autre canidé. Le chien dé-
 fesseure en psychologie raconte com-      ou en danger. « On reconnaît main-          montre ainsi son malaise en aboyant
 ment une simple blague entre elle         tenant que les chiens domestiques           ou en grognant, rendant le proprié-
 et son acolyte Rita Anderson, main-       nous ouvrent une large fenêtre sur          taire... davantage anxieux !
 tenant retraitée, s’est transformée       les processus de domestication ani-            Tout comme les humains, les
 en entreprise sérieuse. En 2005, ces      male et comment cette domestication         chiens ont eux aussi une routine, des
 deux amoureuses des chiens créent le      peut changer les capacités cognitives,      comportements particuliers, une per-

16    le gaboteur magazine
sonnalité qui leur est propre. Sont-ils        goélands argentés du Saint-Laurent.                 c’est amusant et c’est facile pour une
plutôt de nature optimiste ou pessi-           Son immersion dans l’observation                    première étude ! Les propriétaires
miste ? Utilisent-ils davantage leur           des comportements animaux a toute-                  sont toujours enclins à parler de leur
patte gauche, ou celle de droite ?             fois débuté au sein de l’équipe de re-              pitou », a constaté Jessika Lamarre.
Comment se saluent-ils lorsqu’ils se           cherche de la professeure Walsh. Pen-               Ses recherches lui ont par ailleurs
rencontrent pour la première fois dans         dant sept mois, elle a analysé le lien              permis de découvrir que ces derniers
les parcs ? Tel est le genre de ques-          entre la nutrition, l’activité physique             ont souvent une opinion biaisée sur le
tions sur lesquelles se penche l’unité         et le trouble d’anxiété de séparation               comportement de leur chien, notam-
de recherche de Carolyn Walsh.                 chez 12 huskys et autant de beagles,                ment parce qu’ils ne sont pas conti-
                                               deux races très représentées sur l’île.             nuellement à la maison pour les ob-
Des sujets dociles                                « Étudier les chiens de compagnie,               server.

                                                                                                            G
Véritable travail collectif, la CRU
s’est développée grâce à l’apport de
nombreux étudiants au baccalauréat.            DE MAUVAIS POIL ?
Chaque été, il est possible de les croi-
ser dans l’un des dix parcs à chiens           Il a souvent été observé que les chiens au pelage foncé restaient plus longtemps en refuge avant
de la région de St. John’s, notamment          de trouver une famille d’adoption. Ce phénomène est connu sous le nom du syndrome du grand
celui qui borde le lac Quidi Vidi.             chien noir. L’étudiante Kalita Erin McDowell, membre de la CRU, s’est intéressée à cette question en
                                               sondant des Canadiens.
                                               Résultats ? L’étude n’a pas permis de démontrer une quelconque préférence liée uniquement à la
   « Les chiens nous ont                       couleur des poils des chiens. D’autres facteurs ont aussi une influence, comme la longueur du pe-
                                               lage et la génétique de la race. L’âge, la provenance ou
 façonnés autant que nous                      l’expérience des participants avec les chiens a aussi des
    les avons façonnés. »                      impacts sur les préférences. Même que, chez le labrador
                                               retriever, les sujets noirs ont connu plus de succès que
                       – Carolyn Walsh
                                               les autres.
                                               Fait à noter, les Terre-Neuviens ont prisé davantage
                                               que les autres Canadiens les chiens à poils noirs.
   Jessika Lamarre, Québécoise d’ori-          L’hypothèse de Kalita Erin McDowell veut que les deux
gine, Terre-Neuvienne d’adoption               races officielles de la province, le labrador retriever et
et étudiante de 2e cycle à Memorial,           le terre-neuve, se déclinent en grand nombre avec un
consacre ses travaux de recherche aux          pelage très foncé. (MMG)

                                                                                                                            Route 404, Robinsons
                                                                                                          (à 110 km à l’est de Port-aux-Basques)
  Quand la beauté de la nature                                                                                      709-645-2169 / 709-649-0601
  rencontre l’aventure...                                                                                   piratesshavenadventures@gmail.com
                                                                                                               www.pirateshavenadventures.com
  •La première destination pour les véhicules tout-terrain
   à Terre-Neuve
  •Sites VR avec services complets, 30 et 50 amp,
   Chalets 4 étoiles, Camping
  •WiFi, restaurant licencié, douches/buanderie,
   sentiers pédestres, circuits d’aventures guidés
   en VTT & locations, baignade, aire de jeux
  •Activités sociales et culturelles régulières

                                                                                                                               le gaboteur magazine   17
bénévolat

         Un quart de siècle pour la East Coast Trail
      LE PROJET ÉTAIT AMBITIEUX : TRACER UN SENTIER QUI PERMETTRAIT DE SILLONNER, À PIEDS, LE LITTORAL
     DE LA PÉNINSULE D’AVALON. DES MILLIERS DE BÉNÉVOLES ET 25 ANS PLUS TARD, LE SENTIER DE LA CÔTE EST,
       MIEUX CONNU SOUS LE NOM DE EAST COAST TRAIL, S’ÉTEND AUJOURD’HUI SUR PLUS DE 330 KILOMÈTRES.

                                                    Texte et photos de Marilynn Guay Racicot 

 I
           ls étaient plusieurs à en rêver       les arbres », témoignait récemment                  C’était en 1994, deux ans après le
           et c’est finalement un certain        une des pionnières lors d’une assem-             moratoire interdisant la pêche com-
           Peter Guard, Terre-Neuvien            blée publique –, mais ils croyaient en           merciale de la morue. Au-delà d’un
           d’adoption, qui, en 1994, a réus-     leur rêve et étaient prêts à investir du         rêve de plein air, les instigateurs es-
     si à rassembler une poignée d’aventu-       temps. « Les gens sortaient chaque fin           péraient que leur tracé génère des
     riers – ils étaient 80 – pour défricher     de semaine, s’en allaient avec leurs             revenus pour quelques communautés
     les premiers kilomètres de ce sentier       pelles, leurs scies. Ils ne savaient pas         éprouvées par la disparition de leur
     qui épouse aujourd’hui le littoral de                                                        gagne-pain.
     la péninsule d’Avalon depuis la plage                                                           Les résidants pourraient bâtir des
     Topsail Beach de la ville de Concep-                                                         gîtes pour accueillir des randonneurs,
     tion Bay South au nord, jusqu’au petit              En 2013, une analyse                     ouvrir des restaurants pour les nour-
     bourg de Cappahayden, au sud.                 commandée par l’association                    rir, organiser des tours guidés... « La
        À l’époque, ces randonneurs vision-         a démontré sa contribution                    grande idée, c’était que les commu-
     naires n’avaient ni équipements, ni for-                                                     nautés utilisent le sentier pour sur-
                                                    à l’économie de la province :
     mation, ni argent pour aller de l’avant.                                                     vivre », résume Madeleine Florent.
     Une collecte de monnaie Canadian               sur un milliard de dollars de                    Puisque les villages de la péninsule
     Tire auprès d’amis a permis d’outiller la   revenus touristiques, 3,5 millions               d’Avalon les plus affectés par le mora-
     bande, qui se retrouvait dans la forêt de     venaient de la East Coast Trail                toire étaient ceux au sud de St. John’s,
     Bauline, du côté nord-est de la pénin-                                                       enchaîne-t-elle, c’est là que les ran-
     sule, pour des corvées de défrichage,                                                        donneurs-défricheurs ont pour­     suivi
     qui finissaient souvent en aventures de                                                      leur travail après avoir reçu une aide
     camping avec pitous et marmaille.           ce qu’ils faisaient. C’était nouveau. Ils        financière du gouvernement provin-
        Au coeur de cette forêt dense            ne détenaient pas les connaissances re-          cial en 1997, qui cherchait un moyen
     plongeant dans l’Atlantique Nord, ils       quises pour bâtir un sentier », rapporte         de stimuler l’économie des régions
     avançaient à tâtons, sans boussole          Madeleine Florent, randonneuse et bé-            rurales de Terre-Neuve. « L’objectif
     et sans freins – « il n’y avait pas de      névole pour le sentier depuis 2011 (sa           était de créer des emplois pendant
     règles à l’époque, on pouvait couper        photo en page 3).                                la construction et de développer une
18      le gaboteur magazine
Encore visible sur certains écriteaux, le premier logo de la East Coast Trail représente
un homme qui marche. Il a été inspiré par un croquis dessiné par un révérend qui
desservait les communautés rurales côtières dans les années 1800. Le marcheur aurait
été aperçu à Aquaforte, une localité du sud de la péninsule d’Avalon.

                                                               le gaboteur magazine        19
bénévolat
                   industrie touristique qui pourrait        dée par l’association a démontré sa                       municipalités dans la gestion des sec-
                   bénéficier à plusieurs générations »,     contribution à l’économie de la pro-                      tions qui traversent leur territoire.
                   renchérit Randy Murphy, président         vince : sur un milliard de dollars de
                   de la East Coast Trail Association et     revenus touristiques, 3,5 millions ve-                    Plusieurs acteurs dans la randonnée
                   membre depuis sa première assem-          naient de la East Coast Trail. Le plus                    En 2014, par exemple, les sentiers
                   blée générale annuelle en 1995.           épatant : malgré le soutien financier                     qui traversent Torbay ont été en-
                      Ce soutien représente alors un         gouvernemental provincial et fédéral                      dommagés, entre autres, par le pas-
                   gros coup de pouce : l’association,       à son budget annuel de 1,5 million de                     sage de véhicules tout-terrain. « Nous
                   comptant au départ uniquement sur         dollars, le sentier demeure toujours                      avons alors entrepris des démarches
                   des bénévoles, peut alors acheter de      porté par une armée de bénévoles.                         pour identifier les responsabilités de
                   l’équipement et embaucher des gens           À l’exception des trois employés de                    chaque partie dans de telles situa-
                   qualifiés. Si bien qu’en 2001, 220 ki-    l’association et de travailleurs saison-                  tions », affirme Madeleine Florent, qui
                   lomètres sont défrichés et la portion     niers rémunérés entre mai et octobre,                     siégeait alors au conseil d’administra-
                   entre Fort Amherst et Cappahay-           ils sont plus ou moins 200 à contri-                      tion de l’association de la East Coast
                   den est complétée. Cette même an-         buer au maintien et à la pérennisa-                       Trail ainsi qu’au sein d’un comité
                   née, alors que ce chemin pédestre         tion du sentier chaque année. Leurs                       environnemental dans cette localité.
                   entre terre et mer gagne du galon,        tâches consistent à le patrouiller et                     « En tant que bénévole à Torbay, pour-
                   les maires des localités reliées par le   l’entretenir, à guider des sorties de                     suit-elle, je suis la politique de près.
                   sentier signent une déclaration pour      groupe hebdomadaires gratuites pour                       J’assiste à presque tous les conseils
                   s’engager à soutenir ce projet inter-     les amateurs de randonnée, à siéger                       municipaux. J’ai beaucoup appris sur
                   municipal.                                sur différents comités, à organiser des                   le fonctionnement des municipalités,
                                                             événements de financement, etc. Ac-                       entre autres sur les lois qui régissent
                   Des kilomètres de bénévolat               tuellement, l’association compte un                       les droits de passage. »
                   Un quart de siècle après les premiers     peu plus de 500 membres.                                     Cette lobbyiste environnemen-
                   coups de hache, la renommée du sen-          Madeleine Florent fait partie de ces                   tale locale estime qu’il est très judi-
                   tier, sacré parmi les 10 meilleures       disciples de la East Coast Trail. Son                     cieux pour l’association d’impliquer
                   destinations d’aventure par Natio-        implication a d’ailleurs été récompen-                    davantage les élus locaux dans la vie
                   nal Geographic, n’est plus à faire.       sée en avril dernier, lors de la 25e as-                  de la East Coast Trail, et pour ses
                   C’est l’attraction de plein air la plus   semblée générale annuelle de l’asso-                      membres de suivre la vie municipale.
                   populaire de la péninsule d’Avalon :      ciation. La sexagénaire accueille cet                     « C’est à leur avantage de promouvoir
                   15 000 randonneurs d’ici et d’ailleurs    honneur en toute modestie : « C’est                       le sentier. Ça attire des gens dans leur
                   arpentent chaque année une ou plu-        un travail d’équipe, bien d’autres au-                    communauté. Cela dit, ce n’est pas
                   sieurs des 26 sections du sentier, au     raient pu recevoir ce prix. »                             juste pour les touristes. C’est aussi un
                   gré des panoramas époustouflants,            Reste que cette Franco-Ontarienne                      plus pour les citoyens », fait valoir la
                   des baies à cueillir ainsi que des ren-   ayant migré sur le Rocher il y a plus                     résidante de Torbay. Dix villes se sont
                   contres avec la faune terrestre et        de trois décennies en fait beaucoup                       entendues avec l’association depuis
                   marine, les icebergs et les habitants     pour le sentier et son association.                       la signature de ce premier protocole
                   des petits bourgs iconiques de Terre-     L’une de ses contributions notables                       d’entente en 2014.
                   Neuve. Des mariages sont même célé-       a été l’initiation du tout premier pro-                      Les instances municipales ne sont
                   brés sur le sentier !                     tocole d’entente pour une meilleure                       pas les seuls acteurs avec qui l’asso-
                      En 2013, une analyse comman-           collaboration entre l’association et les                  ciation doit négocier des droits de

                                                                RETRACER L’HISTOIRE DE LA VIE CÔTIÈRE
                                                                Autre raison d’être de la East Coast Trail : la préservation d’anciens chemins reliant les communautés
                                                                et sentiers utilitaires disparus ou sur le point d’être engloutis par la nature, résultat de la végétation
                                                                croissante ou de l’érosion.
                                                                    « Les gens dans les villages ont toujours eu une raison de marcher le long des côtes, que ce soit pour
                                                                couper du bois, cueillir des fruits, chasser, ou tout simplement observer l’océan », souligne Madeleine
                                                                Florent, passionnée d’histoire. Miner’s Path, la plus récente portion inaugurée à l’automne dernier qui
                                                                complète le tracé initial de la partie nord au départ de Conception Bay South, aurait été empruntée
                                                                durant la première moitié du 20e siècle par nombre de personnes en quête d’un emploi dans les mines de
SÉBASTIENDESPRÉS

                                                                fer de Bell Island, située juste en face. Cette portion du sentier servait aussi de liaison terrestre militaire
                                                                entre St. John’s et Harbour Grace avant la construction de la route. Du nord au sud, des vestiges de
                                                                communautés abandonnées s’offrent aussi aux randonneurs.

20                    le gaboteur magazine
passage. Le sentier traverse notamment le site his-
torique fédéral de Cape Spear, le parc provincial La
Manche, des propriétés privées et beaucoup de terres
de la Couronne. « Et l’association réussit à travailler
avec tous ces gens-là ! », s’exclame Madeleine Florent,
rappelant que ces dialogues, également engagés par
des bénévoles, visent à assurer l’accès public au litto-
ral autant que sa préservation.
   Ces collaborations sont cruciales à la pérennité du
sentier puisqu’en dépit de ses reconnaissances inter-
nationales et de son apport à l’économie et à l’environ-
nement de la province, aucun décret gouvernemental
ne protège la East Coast Trail, ce dont jouissent les
parcs nationaux ou provinciaux et les réserves natu-
relles. Cet enjeu est au coeur des priorités de l’asso-
ciation et représente son nouveau défi : sauvegarder
ce joyau naturel que des bénévoles ont mis un quart
de siècle à polir.
                      G

Les amateurs de plein air qui veulent contribuer à la préservation de
ce joyau peuvent devenir membre au coût de 25 $ par année ou 500 $
à vie. Les cartes des sentiers (en anglais) sont en vente à la boutique
de plein air Outfitters, au 220 Water Street, à St. John’s, et sur le site
Web de l’association. [eastcoasttrail.com]

                                                                              Plani
                                                                                  fi
                                                                                   ezvot
                                                                                       revoyageavecnous
                                                                             etdécouvr
                                                                                     ezl
                                                                                       eCanadaenf r
                                                                                                  ançais!

                                                                             CORRI
                                                                                 DORCANADA.
                                                                                          CA

                                                                                                  le gaboteur magazine   21
musique

                                                                                                                                    PENNY COFIELD
                            Le jazz et le français,
                      petite histoire d’un grand amour
     INTRONISÉE EN 2017 AU NL JAZZ & BLUES HALL OF FAME, MARY BARRY OCCUPERA LA SCÈNE DE L’ESPACE
     FRANCO AU FESTIVAL FOLK DE TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR, EN AOÛT PROCHAIN. VIGNEAULT, PIAF ET
            PLUSIEURS DE SES PROPRES COMPOSITIONS EN FRANÇAIS SERONT AU RENDEZ-VOUS.

                                               Un texte de Laurence Berthou-Hébert 

 P
           our la Terre-Neuvienne de       10 ans, cette perte est doublement           grâce à un petit café, The Waste Land.
           langue maternelle anglaise      douloureuse : « Non seulement je per-        Elle y prend ses habitudes et y per-
           Mary Barry, l’amour du fran-    dais mon père, mais avec sa mort,            fectionne son français auprès de Qué-
           çais et de la musique sont      c’est aussi mon lien avec la musique         bécois de Gatineau surtout. Dans ce
 intimement liés. « Si je fais de la mu-   qui disparaissait. »                         café, il y avait un piano qui accueillait
 sique, c’est vraiment grâce au fran-         L’été suivant, la jeune Mary rece-        Christiane Dubois, une auteure-com-
 çais », résume celle qui se désigne       vra une invitation déterminante. Son         positrice qui interprétait notamment
 comme une Frewfie, une contraction        oncle montréalais les invite, ses frères     des classiques de la chanson fran-
 de son cru des mots « français » et       et elle, à l’Expo 67. C’est lors de ce       çaise. « C’est là, dans ce café où l’on
 « newfoundlander ».                       voyage que Mary découvre la culture          jouait aux échecs en fumant des Gi-
                                           avec un grand C, qu’elle ne cessera de       tanes, que le français m’a adoptée. »
 Vivre d’Est en Ouest                      fréquenter par la suite.                        De retour à Terre-Neuve, Mary
 Son histoire commence de façon tra-          La musique continuera de susci-           décroche un emploi comme marion-
 gique, avec le décès de son père, mu-     ter son intérêt, mais c’est à 17 ans,        nettiste pour une tournée dans les
 sicien prolifique et qui disparut su-     en recevant une bourse pour étudier          Maritimes. Elle adore le monde du
 bitement suite à un arrêt cardiaque.      le français à l’Université d’Ottawa,         spectacle, mais cette expérience lui
 Pour la jeune Mary, alors âgée de         que la musique ressurgit dans sa vie,        permet de découvrir sa véritable vo-

22   le gaboteur magazine
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