NEW SETTINGS ARTS DE LA SCÈNE - Fondation d'entreprise Hermès
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Mont-COUV - new Settings - AP 470.qxp_Mise en page 1 03/09/2019 11:27 Page1 NEW SETTINGS ARTS DE LA SCÈNE MERCE CUNNINGHAM DANIEL LARRIEU LA RIBOT GERARD & KELLY METTE INGVARTSEN BORIS CHARMATZ LE GDRA BEGÜM ERCIYAS KAT VÁLASTUR LA RIBOT, MATHILDE MONNIER, TIAGO RODRIGUES NOSFELL JEANNE MOYNOT & ANNE-SOPHIE TURION ANA RITA TEODORO XAVIER VEILHAN FONDATION D’ENTREPRISE HERMÈS 18 SPECTACLES DU 10 SEPTEMBRE AU 21 DÉCEMBRE 2019 NS ArtPress indd 1 26/06/2019 11:01
Mont-COUV - new Settings - AP 470.qxp_Mise en page 1 03/09/2019 11:27 Page2 theatredelacite.com 12 Sep–12 Oct 2019 Saison 19-20 Rêves d’Occident Jean Boillot Reconstitution : le procès de Bobigny Émilie Rousset et Maya Boquet L’Avenir Clément Bondu Belles plantes Jeanne Moynot et Anne-Sophie Turion Chiquenaudes & Romance en Stuc Daniel Larrieu Le Corps des songes Nosfell Selve le GdRA – Christophe Rulhes et Julien Cassier Fofo Ana Rita Teodoro Arcana Swarm Kat Válastur / HAU Città Nuova Raphaël Patout Neuf mouvements pour une cavale Aurélia Lüscher et Guillaume Cayet Muses Anthony Égéa Cosmophonies – ce qui vit en nous Cyril Hernandez et Émmanuel Labard Dom Juan ou le Festin de pierre Jean Lambert-wild et Lorenzo Malaguerra Le Charme de l’émeute Thomas Chopin Turkish Psychedelica Night Elektro Hafiz et Baba Zula sspeciess Daniel Linehan / Hiatus Après la fin Maxime Contrepois Is it worth to save us ? Kaori Ito et Miraï Moriyama Vie de Joseph Roulin Thierry Jolivet Ensemble Links / Cabaret Contemporain 17, bd Jourdan 75014 Paris THE FONDATION D’ENTREPRISE HERMÈS Fractales Fanny Soriano réservations 01 43 13 50 50 tarifs de 7 à 23 € SUPPORTING CYRIL TESTE’S OPENING NIGHT FROM SEP 12–14 Illustration : Était-ce ça la vie ? © Juliette Andréa-Élie Le Théâtre de la Cité internationale est subventionné par le ministère de la Culture Rejoignez-nous ! – direction régionale des Affaires Culturelles d’Île-de-France, la Cité internationale universitaire de Paris et la Ville de Paris. Avec le soutien du conseil régional d’Île-de-France pour les résidences d’artistes. Avec l’aide de l’ONDA pour l’accueil de certains spectacles.
03-21 - new Settings - AP 470.qxp_Mise en page 1 09/09/2019 11:01 Page3 05 Préface 38 Kat Válastur 8, rue François-Villon. 75015 Paris Olivier Fournier Arcana Swarm Tél (33) 1 53 68 65 65 (de 9 h 30 à 13 heures) Alexandra Balona www.artpress.com 06 Hommage à Merce Cunningham * e-mail : initiale du prénom.nom@artpress.fr Emmanuel Daydé 42 La Ribot, Mathilde Monnier, Tiago Rodrigues Comité de direction : Catherine Francblin, Guy Georges 10 Daniel Larrieu Please Please Please Daniel Gervis, Jacques Henric, Jean-Pierre de Kerraoul Catherine Millet, Myriam Salomon Chiquenaudes & Romance en stuc Carole Boulbès SARL artpress : siège social 1, rue Robert Bichet Mathilde Bardou 59440 Avesnes-sur-Helpe 46 Nosfell Gérant-directeur de la publication : J.-P. de Kerraoul* Directrice de la rédaction : Catherine Millet* 14 La Ribot Le Corps des songes Rédacteur en chef : Richard Leydier* Panoramix Emmanuel Daydé Rédacteur en chef adjoint : Étienne Hatt* Laurent Goumarre Conseiller : Myriam Salomon* 50 Jeanne Moynot Secrétaire de rédaction : Christine Delaite* Assistant de rédaction : Laurent Perez* 18 Gerard & Kelly & Anne-Sophie Turion Assistante de direction : Anna Carraud* Modern Living Belles plantes Responsable éditoriale Web : Aurélie Cavanna* Christophe Catsaros Julie Chaizemartin Système graphique : Roger Tallon († 2011) Maquette / système graphique : Magdalena Recordon Publicité / Advertising : sylvie@artpress.fr 22 Mette Ingvartsen 54 Ana Rita Teodoro Julie-Joy Agaësse / jj.agaesse@artpress.fr Moving in Concert FoFo (33) 1 53 68 65 71 Alain Berland Léonard Adrien Agenda : Christel Brunet* Diffusion / Partenariats : Laurie Meynent* (33) 1 53 68 65 78 26 Boris Charmatz 58 Xavier Veilhan infini Compulsory Figures Impression : Imprimerie de Champagne, Langres Origine papier : Belgique, certifié fibres IFCGD Jérôme Provençal Étienne Hatt PTOT : 0, 027 Contact distribution : Cauris Media (01 40 47 65 91) 30 Le GdRA 62 Calendrier Dépôt légal du 3er trimestre 2019 Selve Calendar CPPAP 0419 K 84708 - ISSN 0245-5676 RCS Valenciennes 318 025 715 Laurent Perez 64 Production Couv. : Ben Zank. « Road Closed ». 2019 34 Begüm Erciyas (Court. Opiom Gallery) Pillow Talk © ADAGP, Paris 2019, pour les œuvres de ses membres Clarisse Bardiot Remerciements/Thanks : Olivier Fournier, Annick de Chaunac, Catherine Tsekenis, Quentin Guisgand, Sacha Gueugnier, Maxime Gasnier ÉDITO (Fondation d’entreprise Hermès) Programme de la Fondation d’entreprise ——— Hermès, New Settings accompagne pour la A Fondation d’entreprise Hermès programme, neuvième année la création de projets à la New Settings is supporting for the ninth year New Settings est un programme croisée du spectacle vivant et des arts visuels. the creation of projects at the crossroads of de la Fondation d’entreprise Hermès Confirmés ou prometteurs, les artistes sont live performance and visual arts. Established New Settings is a program of the Fondation d’entreprise Hermès soutenus depuis la production jusqu’à la diffu- and promising artists are backed from the sion de leur œuvre dans des institutions par- creation to the staging of their work, in tenaires de la Fondation à Paris, en région partner institutions of the Fondation in Paris, parisienne, mais aussi à New York. Artpress the Paris region, and also in NewYork. Artpress est heureux de publier ce cahier qui revient is pleased to issue this publication examining sur chacun des dix-huit spectacles visibles each of the eighteen shows presented until d’ici au 21 décembre 2019. Au moins deux rai- 21 December, 2019. There are at least two sons y concourent. D’une part, New Settings fundamental reasons for this. On the one est la vivante incarnation de l’interdisciplina- hand, New Settings is the living incarnation rité, voire de l’indisciplinarité, que nous ne of interdisciplinarity, of indisciplinarity even, cessons de défendre. D’autre part, tout en fa- which we never cease to defend. On the vorisant des projets inédits, New Settings a other hand, while promoting new projects, aussi le souci de l’histoire qui, seul, permet New Settings is also concerned with history, de mettre la création contemporaine en pers- the only possible means of putting contem- pective. En témoigne le soutien à la reprise porary creation in perspective. This is evi- de spectacles de Merce Cunningham, Daniel denced by the return of pieces by Merce Larrieu ou La Ribot. Gageons que, parmi les Cunningham, Daniel Larrieu and La Ribot. artistes les plus jeunes de la sélection, se Let’s bank on the youngest artists featuring trouvent les références de demain. the references of tomorrow. Étienne Hatt Étienne Hatt
03-21 - new Settings - AP 470.qxp_Mise en page 1 09/09/2019 11:01 Page5 05 new settings Daniel Larrieu. « Romance en stuc ». 2019. (Ph. Benjamin Favrat) PrÉface Depuis 2011, la Fondation d’entreprise Hermès Fondation accompagne le travail patient de la Other selected works require a long time for accompagne la création dans le secteur des matière et des sens, pour des résultats exi- their creation, sometimes rooted in a process arts de la scène à travers New Settings. Au geants et surprenants… of field research, or the fruit of studio expe- croisement des disciplines, et plus particu- Cette neuvième édition de New Settings té- riments to refine new styles and languages lièrement en dialogue avec les arts visuels, moigne aussi de la nécessité de la transmis- on stage. This is how the Fondation listens plastiques et/ou numériques, ce programme sion. Elle intègre ainsi plusieurs propositions to artists in order to offer them the time ne- a su évoluer afin d’intégrer des spectacles d’artistes majeurs de la création contempo- cessary for the maturation of their work. buissonniers, créés par des artistes émergents raine, qui sont présentés à Paris cet automne. Accompanying the realization of a show also ou reconnus. Car si nos gestes nous créent, c’est aussi means placing it in the more global frame- Permettre la création de propositions sen- grâce à leur transmission qui, ̀a force de pa- work of a process: whether this means sup- sibles aussi bien aux tumultes de notre tience et de passion, nous place dans un dia- porting a promising young artist, encouraging monde qu’à la beauté qui nous entoure, logue fructueux entre générations. unexpected creative developments, or conti- telle est l’ambition de ce programme. La Olivier Fournier nuing to support bold initiatives, the Fonda- porosité avec des savoir-faire issus des arts Président de la Fondation tion assists patient work on medium and visuels justifie souvent une attention spé- d’entreprise Hermès meaning, for challenging and startling results. cifique pour des spectacles qui s’appuient This ninth edition of New Settings also de- sur des dispositifs particuliers, qui font ——— monstrates the need for transmission. Se- parfois la part belle à l’innovation technique Since 2011 the Fondation d’entreprise Hermès veral offerings from major artists of contem- et technologique, tout en donnant une place has been supporting creation in the perfor- porary creation will be presented in Paris forte à la présence humaine. ming arts sector via New Settings. At the in- this autumn. Because if we are what we do, D’autres œuvres sélectionnées nécessitent tersection of disciplines, and more particu- if our gestures define us, it is also thanks to un temps de création long, parfois ancré dans larly in dialogue with the visual, fine and/or their transmission that, by dint of patience un processus de recherches sur le terrain, ou digital arts, this programme has evolved to and passion, we can find ourselves in a fruit- alors fruit d’expérimentations en studio pour include ‘buissonnier’ shows (1), created by ful dialogue between generations. affiner de nouvelles écritures de plateau. C’est emerging and established artists. Olivier Fournier ainsi que la Fondation est à l’écoute des ar- To allow the creation of works sensitive to President of the Fondation tistes afin de leur offrir le temps indispensable the turmoil of our world as well as to the d’entreprise Hermès à la maturation de leur travail. beauty that surrounds us is the ambition of Accompagner la réalisation d’un spectacle, this programme. Openess to expertise from Translation: Chloé Baker c’est aussi le replacer dans le cadre plus glo- the visual arts often justifies a specific atten- bal d’un parcours : qu’il s’agisse de soutenir tion to pieces that rely on particular devices, un jeune artiste prometteur, d’encourager des sometimes allowing technical and technolo- (1) Buissonier refers to “école buissonière,” which développements créatifs inattendus, ou en- gical innovation to feature prominently, while means “bush school”, the French term for playing core d’être fidèle à des démarches fortes, la leaving room for a strong human presence. truant, which is to say stepping out of the box.
03-21 - new Settings - AP 470.qxp_Mise en page 1 09/09/2019 11:01 Page6 06 new settings / festival d’automne à paris HOmmage à merce cunnIngHam Emmanuel Daydé Le Festival d’Automne à Paris n’a jamais cessé d’inviter la danse en liberté de Merce Cunningham. À l’occasion du centenaire du chorégraphe disparu en 2009, quatre programmes reviennent sur ses collaborations avec artistes et compositeurs. ■ « Les limites du corps humain sont nettes, de Morton Feldman, autre compositeur du mais il existe une autre limite, qui provient de hasard et du temps de la New York School, notre imagination, disait Merce Cunningham. Rauschenberg enflamme de motifs pointillistes Voilà pourquoi j’ai toujours préféré parler aux un fond de scène violemment coloré, espace- musiciens et aux plasticiens plutôt qu’aux dan- temps infini repris sur les collants floutés des seurs : ils ont tellement plus à dire ! » En rup- six interprètes, qui sautillent « comme les oi- ture avec la modern dance expressionniste de seaux qui se posent parfois puis reprennent Martha Graham, où il a été soliste entre 1939 leur vol » – ou, plus concrètement, tels des et 1945, Merce Cunningham réussit à faire jets de peinture lancés sur la toile. En 1968, danser le hasard et la vie sur scène, en usant bien qu’ayant cédé la place à son ancien col- de l’émerveillement de l’aléatoire, en s’affran- laborateur Jasper Johns en tant que conseiller chissant du régime policier de la narration, en artistique, Rauschenberg signe encore une dissociant librement la chorégraphie de la mu- fois une crépusculaire scénographie en clair- sique et de la scénographie et en focalisant obscur pour Winterbranch : sur une musique toute son attention sur le mouvement. dissonante du minimaliste La Monte Young, Lorsque, sous l’influence du gai savoir de son les danseurs, en butte à la gravité, ne cessent ami le musicien John Cage, il crée son premier de chuter et de se relever. happening en 1954, Cunningham danse tandis que Cage parle, que David Tudor joue du piano PUZZLE MOUVANT et que Robert Rauschenberg projette des dia- Profondément marqué par Marcel Duchamp, positives de ses tableaux. Désormais, toutes « qu’il aurait fallu, s’il n’avait pas existé, que les pièces à venir de Cunningham seront des quelqu’un d’exactement pareil à lui vive pour expériences visuelles et sonores réalisées en inventer le monde tel que nous le connais- collaboration – souvent aveugle – avec des sons et l’éprouvons », Jasper Johns se fait compositeurs et des plasticiens vivants, tout connaître en réalisant des ready-made faits particulièrement avec Cage et sa musique à la main. Sorte de manifeste dadaïste conçu aléatoire ou avec Rauschenberg et Jasper à partir du Grand Verre, son décor pour le bal- Johns et leur esthétique néo-dadaïste. let Walkaround Time (1968) rend hommage à la légende moderne de « l’homme le plus VOLUMINEUSE COMBINE PAINTING intelligent du siècle » – si l’on en croit André Mêlant des oiseaux empaillés ou des bouteilles Breton. Tandis qu’on entend réciter les notes de Coca-Cola à des images de presse ou des de travail – peu lisibles – écrites pour la Boîte lits, Rauschenberg expérimente alors ses mo- verte (1934), pendant verbal de la Mariée numentales Combines en forme de rébus vi- mise à nu par ses célibataires, même (1915- suels. Scénographe de la compagnie de 1954 23), Cunningham filtre sa chorégraphie au jeu à 1964, il imagine pour Minutiae (Menus dé- de la transparence, en assignant aux corps de tails) en 1954, indépendamment d’une cho- recomposer les formes, à la façon d’un puzzle régraphie qu’il ne connaît pas, une volumineuse mouvant. Pour Exchange, en 1978, alors que combine painting qui prend la forme d’un pa- Tudor sonorise les bruits de la ville, Johns crée ravent autoportant, couvert de bandes dessi- un fond de scène et des costumes urbains, nées, de vieilles photographies, de morceaux avec des couleurs salies par la pollution de d’affiches et de coulures de peintures, dans New York, laissant toute la place aux com- laquelle évoluent les danseurs. En 1958, les plexes variations pensées par Cunningham à deux hommes créent Summerspace, une partir de soixante-quatre gammes de mouve- pièce ironiquement lyrique et hasardeuse, jouée aux dés en ce qui concerne l’ordre et Merce Cunningham. « RainForest ». 1968. la vitesse des trajectoires. Sur une musique (CCN - Ballet de Lorraine, Ph. Laurent Philippe)
03-21 - new Settings - AP 470.qxp_Mise en page 1 09/09/2019 11:01 Page7 07 new settings / festival d’automne à paris ments tirés au sort. Bien que non crédité, les ballons Mylar de son installation Silver Johns a depuis longtemps quitté la compa- Johns était intervenu aussi dans RainForest, Clouds, montrée chez Leo Castelli en 1966. gnie lorsqu’en 1997 Cunningham décide de (1968) en coupant au rasoir les costumes cou- L’environnement changeant, aléatoire et insta- s’associer à la styliste Rei Kawakubo, créa- leur chair des danseurs afin de leur donner une ble des Nuages de Warhol, en forme d’oreil- trice antifashion de vêtements androgynes, apparence rugueuse. Désirant évoquer ses lers remplis d’un mélange d’oxygène et qui réfutent toute idée d’élégance ou de fé- souvenirs d’enfance dans les forêts tempérées hélium qui lévitent autour des danseurs, réin- minité, pour la marque Comme des Garçons. humides de la péninsule Olympique, à l’ex- terprète la musique électronique de Tudor de Pour Scenario, la Japonaise conçoit le décor, trême nord-ouest des États-Unis, Cunningham la même façon que les déplacements sur la lumière et toute une série de costumes à avait demandé à Warhol l’autorisation d’utiliser scène des corps de chair et de sang. carreaux difformes, aux allures de « parkas
03-21 - new Settings - AP 470.qxp_Mise en page 1 09/09/2019 11:01 Page8 08 new settings / festival d’automne à paris chaudes et encombrantes », inspirés de sa collection Body Meets Dress, Dress Meets Tribute to Merce When, under the influence of his friend mu- sician John Cage’s joyful wisdom, he created Body, qui modifient la silhouette et contrai- gnent les mouvements des danseurs. Dou- Cunningham his first happening in 1954, Cunningham danced while Cage spoke, David Tudor blant son geste grâce au logiciel DanceForms, played the piano and Robert Rauschenberg qui lui permet de modéliser des mouve- projected slides of his paintings. From then ments de danse pour les agencer ensuite les on, all of Cunningham’s works would be vi- uns aux autres, le chorégraphe intègre à sa sually and acoustically collaborative – often composition initiale une série de duos et trios blind – with live composers and visual ar- qui se démultiplient ensuite en quatuors, tists, especially Cage and his random music quintettes ou sextuors. Avec Pond Way en The Festival d’Automne à Paris has never and Rauschenberg and Jasper Johns and 1998, Ie « vieil enfant » trouve la voie du Tao ceased to invite Merce Cunningham’s their neo-Dadaist aesthetics. en délivrant l’une de ses ultimes études mé- free dance. To mark the occasion of the ditatives tirées de sa jeunesse – lorsque, centenary of the choreographer, VOLUMINOUS COMBINE PAINTING petit garçon, il lançait des pierres sur l’eau who died in 2009, four programmes return Mixing stuffed birds and Coca-Cola bottles pour faire des ricochets. Devant un célèbre to his collaborations with artists and with press images and beds, Rauschenberg tableau à points de Roy Lichtenstein, sur composers. was at the time experimenting with his mo- l’ambient music électronique de Brian Eno – numental Combines in the form of visual chargé d’orchestrer le saut de « grenouilles ——— puns. Set designer of the company from posées sur des flaques d’eau » –, treize dan- “The limits of the human body are clear, 1954 to 1964, he imagined for Minutiae in seurs vêtus de sarouels blancs effectuent la but there’s another limit, which comes from 1954, independently of a choreography he « danse de l’étang » en s’abandonnant à une our imagination,” said Merce Cunningham. had yet to see, a sizeable combination pain- fluidité éthérée, entre suspension et immo- “That’s why I’ve always preferred to talk to ting, which took the form of a freestanding bilité. Utilisant le corps très loin dans ses pos- musicians and visual artists rather than dan- screen covered with comic strips, old photo- sibilités, y compris dans ses rapports à cers. They have so much more to say!” graphs, sections of posters and paint drips, l’intelligence, Merce Cunningham ne pourra Breaking away from Martha Graham’s ex- in front of which the dancers were to per- certes plus traverser la scène avec son corps pressionist modern dance, having been a form. The two men created Summerspace in rigide et perclus d’arthrite. Mais la beauté dé- soloist with her between 1939 and 1945, 1958, an ironically lyrical and risky play, pourvue de raisons d’exister de ses ballets Merce Cunningham succeeded in making played with dice which decided the order perdure, tels « des instants fugitifs où l’on se life and happenstance dance on stage, using and speed of trajectories on the stage. To sent vivant ». ■ the delightfulness of randomness, unshack- music by Morton Feldman, another compo- ling himself from the policing regime of nar- ser of chance from the time of the New York Emmanuel Daydé est critique d’art, musical et dramatique, ration, freely dissociating choreography from School, Rauschenberg enflamed a violently et commissaire d’exposition. Il a été co-commissaire du music and scenography, and focusing all his coloured backdrop with pointillist patterns, pavillon de Madagascar à la Biennale de Venise 2019. attention on movement. infinite space-time taken up on the blurred
03-21 - new Settings - AP 470.qxp_Mise en page 1 09/09/2019 11:01 Page9 09 new settings / festival d’automne à paris Ci-dessus /above: Merce Cunningham. by assigning bodies to recompose shapes, chequered costumes resembling “hot, cum- « Pond Way ». 1998. (Ph. Filip Van Roe) like a moving puzzle. For Exchange, in 1978, bersome parkas”, inspired by her Body Meets Page de gauche /left: Merce Cunningham. when Tudor played on the sounds of the city, Dress, Dress Meets Body collection, which « Summerspace ». 1958. (Ph. Michel Cavalca) Johns created a backdrop and urban cos- modified the figures and constrained the mo- tumes, with colours sullied by the pollution vements of the dancers. Doubling the gesture tights of the six performers, who jumped of New York, leaving plenty of room for Cun- with the software DanceForms, which allo- “like birds that sometimes land before taking ningham’s complex variations from sixty- wed him to model dance movements and off again”– or, more concretely, like paint four ranges of movement selected at then arrange them with one other, the choreo- thrown on the canvas. In 1968, having given random. Although uncredited, Johns had grapher integrated into his initial composition way to his former collaborator Jasper Johns also intervened in 1968 in RainForest, cutting a series of duets and trios, which were then as artistic advisor, Rauschenberg once again with a razor blade the flesh-coloured cos- multiplied into quartets, quintets and sextets. directed a twilight scene in chiaroscuro for tumes of the dancers to give them a rough With Pond Way in 1998, the “old child” found Winterbranch: on a dissonant music by the appearance. Wishing to conjure up childhood the way of the Tao by delivering one of his ul- minimalist La Monte Young, the dancers, in memories in the temperate rainforests of the timate meditative studies of his youth – the face of gravity, keep falling and getting Olympic Peninsula in the extreme northwes- when, as a boy, he skimmed stones on water. up. tern United States, Cunningham asked Wa- In front of Roy Lichtenstein’s famous dotted rhol for permission to use the Mylar balloons painting, to Brian Eno’s electronic ambient MOVING PUZZLE from his Silver Clouds installation, shown at music – charged with orchestrating the jum- Deeply marked by Marcel Duchamp, about the Leo Castelli Gallery in 1966. The changing, ping of “frogs into puddles” – thirteen dan- whom he said, “if he hadn’t existed, so- random, unstable environment of Warhol’s cers dressed in white harem pants performed meone exactly like him would have had to clouds, shaped like pillows and filled with a the “pond dance”, abandoning themselves to live in order to invent the world as we know mixture of oxygen and helium levitated an ethereal fluidity, between suspension and it and experience it,” Jasper Johns made around the dancers, reinterpreting Tudor’s immobility. Pushing the body to its limits, in- his name by making handmade ready- electronic music in the same way as the flesh cluding in its relationship to intelligence, mades. A kind of dadaist manifesto inspired and blood bodies moving on stage. Merce Cunningham may no longer be able to by Duchamp’s The Big Glass, his decor for cross the stage with his rigid body crippled the ballet Walkaround Time (1968) pays tri- POND DANCE by arthritis, but the beauty deprived of rea- bute to the modern legend of “the most in- Johns had long before left the company sons for existing of his ballets goes on, like telligent man of the century”, according to when in 1997 Cunningham decided to work those “fleeting moments where you feel André Breton. While we hear recited the with stylist Rei Kawakubo, an anti-fashion alive”.■ work notes – not very legible – written for designer of androgynous clothing for the Translation: Chloé Baker the Green Box (1934), the verbal side of The brand Comme des Garçons, who refuted any Bride Stripped Bare by Her Bachelors, Even idea of elegance or femininity. For Scenario, Emmanuel Daydé is an art, music and theatre critic (1915-23), Cunningham filtered his choreo- the Japanese woman designed the set, the and curator. He is co-curator of the Madagascar pavi- graphy with an interplay of transparency, lighting and a whole series of misshapen lion at the 2019 Venice Biennale.
03-21 - new Settings - AP 470.qxp_Mise en page 1 09/09/2019 11:01 Page10 10 new settings / théâtre de la cité internationale DanIel larrIeu Chiquenaudes & Romance en stuc Mathilde Bardou
03-21 - new Settings - AP 470.qxp_Mise en page 1 09/09/2019 11:01 Page11 11 new settings / théâtre de la cité internationale Figure majeure de la ■ Créé à ciel ouvert, dans les jardins du Palais- nouvelle danse française, Daniel Larrieu Royal où le jeune Daniel Larrieu avait pour ha- réactive deux pièces de jeunesse : bitude de répéter, Chiquenaudes est un trio si- Chiquenaudes (1982), qui l’a révélé, et lencieux de neuf minutes composé de gestes Romance en stuc (1985). Son audace brefs et abstraits qui donnent aux corps un vo- et son inventivité tissent un lien cabulaire précis et une allure espiègle. La avec une nouvelle génération pièce impose un silence auquel le choré- de danseurs. graphe tient beaucoup. Donner lieu à des es- paces qui ne sont pas comblés d’artifices – tant nous en sommes saturés –, laissant voir la vérité de l’être qui est sous nos yeux : souf- fle, rythme des corps, choralité. Lorsque les trois danseurs sortent de scène, ce silence est rompu par la bande sonore originale de Romance en stuc (signée Ève Couturier et Jean-Jacques Palix), ouvrant la voie à un chœur antique dont la gestuelle concise et les figures statuaires rappellent les iconographies grecque et égyptienne. PUDEUR CÉLESTE Les danseurs, coiffés de perruques colorées et habillés de collants transparents, de tee- shirts près du corps ou noués à la taille, for- ment un ensemble tout à fait étonnant, em- preint à la fois de gravité et de drôlerie. Prenant appui sur des textes d’Empédocle évoquant la nature et sur le roman Spirite (1865) de Théophile Gautier (qui a servi de base au ballet romantique Giselle d’Adolphe Adam), Romance en stuc met en scène un couple que le destin sépare. L’amante, en robe de soie, éloignée par la mort, avoue son amour à un homme, immobile, et dont la présence ir- radie, qui ne l’a jamais regardée. « Mon état de pur esprit, d’être impalpable, me permet maintenant de vous dire ces choses, que ca- cherait peut-être une fille de la Terre. Mais l’im- maculée blancheur d’une âme ne saurait rou- gir. La pudeur céleste avoue l’amour (1). » Cet extrait splendide est l’une des rares voix intel- ligibles en son entier, car la bande sonore mêle sans cesse les textes, de sorte que certains mots seulement sortent du tumulte, rendant au ballet le sens qui lui est propre : celui du corps, de la forme initiée par la danse. Nous entrons alors dans l’univers de Larrieu, à la fois tel qu’il l’a créé dans les années 1980 et renouvelé par le travail de transmission qu’il a accompli avec les jeunes danseurs. Romance en stuc est très difficile à danser, tant les gestes sont affutés, en torsions et en choralité. Le chorégraphe constate de surcroît que le corps des danseurs n’est plus le même que celui d’il y a trente ans ; moins vertical et moins enclin à travailler une écriture, un geste formel. Le chœur, par exemple, impose une rigueur que les jeunes danseurs ne pratiquent plus beaucoup. La réactivation a fait l’objet d’un travail de reprise mais aussi d’une passa- tion de l’équipe d’origine (les danseurs Sara Lindon, Laurence Rondoni, Dominique Brunet, Daniel Larrieu. « Romance en stuc ». 2019. (Ph. Benjamin Favrat)
03-21 - new Settings - AP 470.qxp_Mise en page 1 09/09/2019 11:01 Page12 12 new settings / théâtre de la cité internationale Ci-dessus /above: Daniel Larrieu. beauté rares, jouent sur les superpositions et et la voix enregistrée de l’amante : « Il faut « Chiquenaudes ». 2019. (Ph. Benjamin Favrat) les transparences. Notons que l’économie ac- d’abord que vous connaissiez l’être indéfinis- Page de droite /right: Daniel Larrieu. tuelle du spectacle vivant rend tout à fait ex- sable pour vous qui s’est glissé dans votre « Chiquenaudes ». 1982. (Ph. Quentin Bertoux) ceptionnelle l’occasion, pour l’artiste, de existence. Quelle que soit votre pénétration, réaliser de tels costumes sur mesure. Le trou- vous ne pourriez parvenir à démêler sa vérita- Didier Chauvin, Bertrand Lombard notamment) ble suscité par les costumes est cependant ble nature… (1) » à la nouvelle, afin que la transmission s’enri- une condition essentielle à l’œuvre. Pour autant, la danse n’est pas ici issue de la chisse d’expériences et de souvenirs divers, pensée. Elle vient du corps et pointe plutôt passe par d’autres voies que celle du choré- INTIMITÉ en sa direction. En cela, la pièce renoue avec graphe. C’est en particulier le cas pour le rôle Dans Romance en stuc, on ne distingue par- l’expression du romantisme tel qu’il semble personnifié du destin séparant les deux fois plus si les danseurs du chœur sont des avoir aujourd’hui disparu, et l’on s’aperçoit amants, dont les mouvements sont inspirés hommes ou des femmes. Quant à l’amant, il alors des bienfaits dont elle est porteuse, dans des arts martiaux. C’est, selon Larrieu, un tra- laisse révéler, sous son costume, la robe de un monde où l’identité et le rapport à l’autre vail de mémoire mais aussi de création, que soie qu’il porte à même la peau. Ces créa- se parent des masques les plus attractifs. En de reprendre ces pièces en prenant garde à tures vivantes ne sont pas définissables, elles cela, et parce que les onze jeunes danseurs toutes les strates qui les composent. donnent à voir l’identité intime des êtres. Telle sont aujourd’hui garants de sa mémoire, la Inspirée du cloître des Célestins d’Avignon, la jeune fille qui n’avoue son amour qu’une réactivation de Romance en stuc est salutaire. où le spectacle fut créé, la scénographie re- fois séparée des vivants, mais n’ayant pas « Ce monde invisible, dont le réel est le voile, prend au sol, par des marquages de couleur encore tout à fait disparue, c’est dans les es- a ses pièges et ses abîmes. Mais vous n’y verte, la place qu’occupaient alors les arches paces d’entre-deux, savamment tracés par tomberez pas (1). » ■ du cloître sur la scène. Les pans verticaux aux la danse, que se situe la pièce. « Si, au- formes géométriques qui habillaient le plateau jourd’hui, le corps de l’autre est accessible (1) Théophile Gautier, Spirite, 1865. sont aujourd’hui de velours sobre. Les cos- plus facilement qu’avant, il est plus difficile tumes, fidèles à l’origine, dont les perruques d’accéder à l’intimité de sa personne », cons- Mathilde Bardou est metteur en scène et comédienne. en mousse de polyuréthane, les robes de tate Larrieu. Romance en stuc ouvre un es- soie, les collants, les tee-shirts, les peintures pace qui accède à cette « intimité » impalpable, Daniel Larrieu est né en /was born in 1957. corporelles sont d’une richesse et d’une comme l’exprime le solo adressé par le corps Il vit à /He lives in Paris.
03-21 - new Settings - AP 470.qxp_Mise en page 1 09/09/2019 11:01 Page13 13 new settings / théâtre de la cité internationale lovers, whose movements are directly inspi- red by the martial arts. It is according to Lar- rieu a work of memory, but also of creation, that of taking these pieces in hand again, ta- king into account all the layers that compose them. Inspired by the Cloître des Célestins in Avignon, the cloisters where the show was created, the scenography resumes on the floor, with green markings, the place then occupied by the arches of the cloisters on the stage. The vertical sections of geome- tric shapes that adorned the stage are now sober velvet. The costumes, faithful to the original ones, including polyurethane foam wigs, silk dresses, tights, T-shirts, body paint, are of a rare richness and beauty, playing on layers and transparencies. It should be noted that the current economy of live performance makes it quite exceptional for the artist to create such custom-made costumes. The di- sorder caused by the costumes is however Daniel Larrieu an essential element of the work. Chiquenaudes & Romance en stuc INTIMACY In Romance en stuc, we sometimes can’t dis- tinguish whether the dancers of the chorus are men or women. As for the lover, she al- Major figure of “Nouvelle danse française”, confesses her love to a man, immobile, lows glimpses, beneath her costume, of the Daniel Larrieu is reviving two pieces from whose presence radiates and who never silk dress she is also wearing. These living his youth: Chiquenaudes (1982), which looks at her. “My state of pure spirit, of im- creatures aren’t definable, they reveal the launched him, and Romance en stuc (1985). palpable being, now allows me to tell you private identity of beings. Like the young girl His boldness and inventiveness connect these things, which perhaps a girl from Earth who confesses her love only once separated with a new generation of dancers. would hide. But the immaculate purity of a from the living, but not yet completely pas- soul cannot blush. Celestial modesty sed away, it is in the in-between spaces, skill- ——— confesses love (1).” This splendid excerpt is fully traced by the dance, that the piece is Created in the open air, in the gardens of the one of the few intelligible voices among located. “If today the body of the other is ac- Palais Royal in Paris where the young Daniel them all, because the soundtrack constantly cessible more easily than before, it is more Larrieu used to rehearse, Chiquenaudes mixes the texts, so that only certain words difficult to access the intimacy of their per- [Flicks or snaps of the fingers] is a silent nine- emerge from the tumult, giving to the ballet son,” says Larrieu. Romance en stuc opens minute trio piece composed of brief abstract the meaning that is its own: that of the body, up a space that accesses this “intimacy”, im- gestures that give the body a precise voca- of the form initiated by the dance. palpable, as expressed by the solo addressed bulary and an air of mischief. The piece im- by the body and the recorded voice of the poses silence, which the choreographer is REVIVAL lover: “You must first know the ineffable very fond of, in order to allow room for We then enter the world of Larrieu, both as being who has slipped into your existence. spaces that aren’t filled with artifice – which he created it in the 1980s and renewed by Whatever your penetration, you cannot ma- we are so saturated with – revealing the the transmission work he has carried out nage to unravel their true nature... (1)” For truth of the being before our eyes: breath, with young dancers. Romance en stuc is all that, dance isn’t the result of thought rhythm of bodies, the choral. When the three very difficult to dance, the gestures are so here. It comes from the body and rather dancers leave the stage, this silence is bro- honed, in torsions and chorally. The choreo- points in its direction. In this the piece re- ken by the original soundtrack of Romance grapher furthermore notes that dancers’ bo- vives the expression of romanticism as it en stuc [Romance in Stucco] composed by dies are no longer the same as thirty years seems to have now disappeared, and we Ève Couturier and Jean-Jacques Palix, ope- ago; less vertical and less inclined to forge thus see the benefits it brings, in a world ning the way for a chorus from antiquity, a language, a formal gesture. The chorus, where identity and one’s relationship to the whose concise gestures and statuary figures for example, imposes a rigour that young other is adorned with the most attractive recall Greek and Egyptian iconography. The dancers no longer practise.The revival ne- masks. In this, and because the eleven young dancers, wearing colourful wigs, dressed in cessitated a work of recovery but also a han- dancers are now guarantors of its memory, transparent tights and tight-fitting T-shirts dover of the original via the original team the revival of Romance en stuc is salutary. knotted at the waist, form an utterly surpri- (notably the dancers Sara Lindon, Laurence “This invisible world, of which reality is the sing ensemble, imbued with both gravity and Rondoni, Dominique Brunet, Didier Chauvin veil, has its traps, and its abysses. But you humour. Based on Empedocles’ texts evo- and Bertrand Lombard) to the new, so that shan’t fall into them (1).”■ king nature and Théophile Gautier’s novel the transmission was enriched by various Translation: Chloé Baker Spirite (1865) (which served as the basis for experiences and memories, passed on the romantic ballet Giselle), Romance en stuc through other ways than that of the choreo- (1) Théophile Gautier, Spirite, 1865. portrays a couple separated by destiny. The grapher. This is particularly the case for the lover, in a silk dress, distanced by death, role personifying destiny, separating the two Mathilde Bardou is a theatre director and actress.
03-21 - new Settings - AP 470.qxp_Mise en page 1 09/09/2019 11:01 Page14 14 new settings / festival d’automne à paris / centre pompidou la rIbOT Panoramix Laurent Goumarre Anthologie créée en 2003 de pièces pour qu’il puisse se promener, décider de re- de La Ribot, Panoramix est remis garder ou pas l’exposition des choses qui s’y en scène mais aussi en jeu. D’une durée passent, je dois aussi lui donner le temps de de trois heures, le spectacle affirme la le faire. Ce qui veut dire que, pour moi, cet es- démesure de la danseuse, chorégraphe pace de travail commun est aussi une durée, et performeuse espagnole. et vice versa, un espace-temps adéquat pour, maintenant, construire ma présence, et puis ■ Il faut refaire l’histoire : Panoramix ? L’aligne- déconstruire pour continuer. Et ça n’a rien à ment de trente-quatre Pièces distinguées, voir avec un temps théâtral, parce qu’on sait créées entre 1993 et 2000 par La Ribot. On tous que la représentation a quelque chose à récapitule : voir avec l’idée d’une fin. Moi, je propose ici — 1993 : début d’une série de solos, soit 13 un environnement, un temps ; au spectateur Piezas distinguidas, l’occasion pour l’artiste ma- de décider s’il fait l’expérience de cette pré- drilène de se présenter selon un double code sentation ou n’en fait qu’une représentation. » théâtral et pictural : treize autoportraits de soixante-dix secondes à sept minutes, des MESURER LE CORPS ET L’ESPACE poèmes haïkus en mouvement : une idée, un Panoramix est l’histoire de cette lente dépo- geste, une pièce. À cette époque, La Ribot sition sur le plateau, une rétrospective de construit son personnage pittoresque et bur- pièces qui ne se veut pas chronologique, lesque : un corps nu debout, comme une toile mais libre comme une association d’idées. de chevalet/support plastique. Car, au fond, qu’est-ce qu’elle fait La Ribot — 1997 : création de treize nouvelles partitions quand, nue, elle fend la foule des specta- qui, regroupées sous le titre Más distinguidas, teurs, s’emboîte dans une chaise ou étale sur s’emploient à redéfinir l’espace de jeu : l’hori- le plateau une flaque d’objets, si ce n’est zontalité. s’aménager un espace où pouvoir ensuite se — 2000 : huit autres pièces, Still Distinguished, coucher et prendre la mesure de son corps ? pour un espace désormais public, sans salle ni C’est pour moi tout l’enjeu de ce Panoramix scène, bref, un environnement antithéâtral, que La Ribot réactive cette année. Et deux une chorégraphie de la déambulation. La Ribot des Pièces distinguées de cette anthologie s’étale doucement au sol au milieu de ses ob- pourraient bien en définir les enjeux : jets et au pied des spectateurs. Aux quelques — Capricho mío (1994) : La Ribot mesure secondes des pièces/gestes/idées des dé- avec un mètre n’importe quelle partie – ou buts, elle substitue des dépositions qui excé- distance entre différents points – de son dent les dix minutes : des couchers travaillés corps, dans les poses les plus improbables. jusqu’à l’immobilité maintenue, au point que Puis, elle enroule son mètre, désigne une le spectateur pose son regard ailleurs, oublie dernière fois les parties de son anatomie ce corps déceptif qui n’attend plus qu’on le re- mesurée et conclut ironiquement : « Quatre- garde. « C’est comme mettre en jeu une idée vingt-dix/soixante/quatre-vingt-dix », soit les de la démocratie, parce que tout, depuis les mensurations « idéales » du corps féminin fé- objets trouvés là, utilisés puis abandonnés, tichisé. La disproportion dessine alors un jusqu’aux écrans vidéo, en passant par le corps burlesque parce que démesuré. spectateur, le son des baffles, moi-même, — Candida Iluminaris (2000) : La Ribot, cette tout est pareillement dispersé au sol, sans principe organisateur. Alors l’espace n’est plus La Ribot. « Panoramix ». 1993-2003. « Pièce qu’une surface, sans fin, et c’est cela la condi- distinguée n°8 Capricho mío ». Propriétaire distingué tion qui rend possible de penser en termes de Bernardo Laniado Romero. Série « 13 Piezas présentation et non de représentation. Il me distinguidas ». (Tate Modern, Londres, 2003, semble que, si je donne au public un espace Ph. Manuel Vason)
03-21 - new Settings - AP 470.qxp_Mise en page 1 09/09/2019 11:01 Page15 15 new settings / festival d’automne à paris / centre pompidou fois, dispose sur scène, à intervalle régulier, tion. L’installation de ce corps aligné prend sans que rien ne soit jamais gagné. C’est des objets, des trucs de rien, sans valeur dès lors la mesure de l’espace. peut-être pour moi la pièce la plus vulnérable marchande, avec valeur sentimentale peut- L’histoire de Panoramix est dans ce double rap- qui soit, quand La Ribot abandonne derrière être, comme une barrette, une poupée, les port au monde : l’exposition d’un corps « im- elle ses objets et effets personnels pour se re- Lego de son fils, les escarpins verts que sa mesurable » et sa déposition « démesurée » trouver nue, couchée, au milieu d’une cen- mère lui avait offerts pour le mariage de son pour en arriver à cette conclusion : La Ribot taine d’inconnus. À la regarder respirer à frère, une tresse de ses cheveux… Elle dis- « dépasse les bornes ». quelques mètres de soi, on comprend qu’il tribue les indices de ses histoires person- Mais de quel acte s’agit-il ? Celui d’être au suffit d’un rien pour que sa place soit mena- nelles, dont la fonction essentielle est de la monde dans la mesure. Et ça se construit sur cée. Ce qui ne manque pas de se produire car rattacher au sol en tissant un lien affectif le mode de la fragmentation : fragmenter le il arrive que des objets disparaissent, qu’un entre elle et le plateau. Comme un rituel plus possible, en ménageant des espaces entre spectateur se découvre fétichiste et glisse pour pouvoir, elle-même, enfin se déposer. chacun des objets. Il ne s’agit pas de recouvrir dans sa poche un petit truc qui a été semé. Une fois que tous ces trucs ont bien été dis- le plateau, mais de « s’espacer », de « gagner L’histoire de cette Pièce distinguée passe par tribués du plus petit au plus grand, et à cette de l’espace » pour mieux trouver sa place. là : la disparition un jour d’une poupée, le vol seule condition, La Ribot y va finalement de Candida Iluminaris prend toute la « mesure » de la tresse de cheveux… Parce que rien n’est son corps allongé et fait acte de sa déposi- de cette place faite au corps de la femme jamais fixé, tout peut disparaître.
03-21 - new Settings - AP 470.qxp_Mise en page 1 09/09/2019 11:01 Page16 16 new settings / festival d’automne à paris / centre pompidou Alors, en lieu et place de l’objet manquant, La Ribot dépose un morceau de carton sur le- La Ribot — 2000: eight other pieces, Still Distinguished, for a space now public, neither venue nor quel elle a écrit le nom de la chose volée/dis- parue, le lieu du crime, la date. Je me souviens Panoramix stage, in short, an anti-theatrical environment, a wandering choreography. La Ribot slowly de Panoramix en 2003 : quelques bouts de car- lies down in the middle of her objects and at ton marquaient doucement la disparition d’ob- An anthology created in 2003 from the feet of the spectators. The initial few se- jets, sans ostentation, juste des petits mots pieces by La Ribot, Panoramix conds of pieces/gestures/ideas, she replaces pour signaler que, là, avant, il y avait quelque is a re-staging, but also a bringing-back with depositions that exceed ten minutes: chose, que cette chose a été ravie, que cela into-play. With a duration of three hours, lying down until immobility is maintained pourrait bien arriver à chacun des autres objets, the show affirms the excessiveness to the point that the viewer looks elsewhere, qu’un jour viendra où, peut-être, tout aura dis- of the Spanish dancer, choreographer forgetting the deceptive body no longing ex- paru. Et que ce jour-là, La Ribot n’alignera plus and performer. pecting to be watched. “It’s like putting into que des morceaux de carton. Aura-t-elle en- play an idea of democracy, because everything core la force, ce jour-là de déposer son corps ? ——— from objects found there, used and abando- En 2019, combien d’objets lui restent-ils ? ■ We need to retrace the history: Panoramix? ned, to video screens, through the viewer, The alignment of thirty-four Pièces Distin- the sound of speakers, myself, everything is Laurent Goumarre est journaliste et critique, producteur guées [Distinguished Pieces] created bet- similarly scattered on the ground, without du Nouveau rendez-vous sur France Inter. Il a été conseil- ween 1993 and 2000 by La Ribot. Let’s recap: an organizing principle.Then space is only a ler artistique du festival Montpellier Danse, puis adjoint à — 1993: beginning of a series of solos, 13 surface, endless, which is the condition that la programmation de la Biennale internationale de la Piezas Distinguishedidas, the opportunity for makes it possible to think in terms of pre- danse de Lyon. Artiste, il est représenté par la galerie the Madrilenian artist to present herself ac- sentation and not of representation. It seems Alain Gutharc, Paris. cording to a dual theatrical and pictorial to me that if I give the public a space to walk code: thirteen self-portraits from seventy se- around, decide whether or not to watch the La Ribot est née en /was born in 1962. Elle vit conds to seven minutes, haiku poems in mo- exhibition of things happening there, I must à Genève /She lives in Geneva. vement: an idea, a gesture, a piece. also give them time to do so. Which means This was when La Ribot constructed her that, for me, this common work space is also La Ribot. « Panoramix ». 1993-2003. picturesque, burlesque character: a naked a duration, and vice versa, a space/time ade- Ci-dessous /below: « Pièce distinguée 22 Oh!, body standing, like a canvas on an easel/plas- quate for building my presence at one point, Compositione Más distinguidas », 1997. tic support. and then deconstructing it to move on. And Page de droite/right: « Candida Iluminaris, —1997: creation of thirteen new scores which, it has nothing to do with theatrical time, be- Still Distinguished », 2000. (Mercat de les Flors, grouped under the title Más distinguidas, were cause we all know that representation has Barcelone, 2019, Ph. Alfred Mauve) used to redefine the play area: horizontality. something to do with the idea of an end. I
03-21 - new Settings - AP 470.qxp_Mise en page 1 09/09/2019 11:01 Page17 17 new settings / festival d’automne à paris / centre pompidou propose here an environment, a time; it’s up mother had given her for her brother’s wed- her place to be threatened. This doesn’t fail to the viewer to decide whether they are ex- ding, a braid of her hair... She distributes to happen, because it happens that objects periencing this presentation or merely making the clues to her personal stories, the essential disappear, a spectator discovers themselves of it a representation.” function of which is to connect her to the a fetishist and slips into their pocket a little Panoramix is the story of this slow deposi- floor by weaving an emotional bond between object that has been sown. The story of this tion on the set, a retrospective of pieces that her and the performance space. Like a ritual Distinguished Piece lies there: the disappea- isn’t meant to be chronological, but free as to be able, finally, to place herself. Once all rance one day of a doll, the flight of the braid an association of ideas. Because, basically, this stuff, from the smallest to the largest, has of hair... Because nothing is ever fixed, eve- what does La Ribot do when, naked, she di- been distributed, and only then, does La Ribot rything can disappear.Then, in place of the vides the crowd of spectators, fits into a chair finally go there with her body prone and make missing object, La Ribot lays a piece of card- or spreads on the floor a puddle of objects, if a statement of her deposition. The installation board on which she writes the name of the it isn’t to create a space where she can then of this aligned body therefore takes the mea- stolen/disappeared thing, the place of the lie down and take the measure of her body? sure of the space. The story of Panoramix is crime, the date. I remember Panoramix in This for me is what is at play in the Panoramix in this double relation to the world: the ex- 2003: some pieces of cardboard gently mar- that La Ribot is reviving this year. And two of posure of an “immeasurable” body and its ked the disappearance of objects, without the Distinguished Pieces of this anthology “excessive” deposition to reach this conclu- ostentation, just little notes to indicate that could well define the issues at stake: sion: La Ribot “goes beyond the limits”. there, before, there was something, that that — Capricho Mío (1994): La Ribot measures But what act is it?That of being in the world in thing was stolen, that it could happen to each with a measuring tape any part – or distance a measured fashion. And it is built on the of the other objects, that a day will come between different points – of her body, in the mode of fragmentation: to fragment as much when, perhaps, everything will be gone. And most improbable poses. Then she rolls up as possible, leaving spaces between objects. that day, La Ribot will just align pieces of her tape, points to the parts of her measured It isn’t a matter of covering the stage, but to cardboard. Will she still have the strength to anatomy for the last time, and ironically “space”,“gain space” to better find one’s place. lay down her body that day? In 2019, how concludes: “Ninety/sixty/ninety”, the “ideal” Candida Iluminaris takes the whole “mea- many objects does she have left? ■ measurements of the fetishized female body. sure” of this place made for the body of wo- Translation: Chloé Baker The disproportion thus draws a burlesque men without anything ever being gained. body because it doesn’t fit the measurements. This is perhaps for me the most vulnerable Laurent Goumarre is a journalist and critic, producer of — Candida Iluminaris (2000): La Ribot, this piece, when La Ribot leaves behind her ob- radio programme Le Nouveau Rendez-vous on France time, arranges on stage, at regular intervals, jects and belongings, to find herself naked, Inter. He was artistic advisor of the festival Montpellier objects, little nothings, without market value, lying in the middle of a hundred strangers. Danse, then assistant to the programming of the Bien- with sentimental value perhaps, like a hairclip, Watching her breathe a few metres away, we nale Internationale de la Danse de Lyon. An artist, he is a doll, her son’s Lego, the green shoes her understand that it wouldn’t take much for represented by the gallery Alain Gutharc, Paris.
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