Nos faits marquants 2014 Centre Inra Bordeaux-Aquitaine
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Conception, réalisation : Mission communication Inra Bordeaux-Aquitaine Rédaction : Unités de recherche, unités expérimentales, services déconcentrés d’appui à la recherche du centre Inra Bordeaux-Aquitaine et UCPC Inra © Inra / mars 2015 2
La recherche agronomique est au carrefour d’enjeux mondiaux et locaux dans les champs de l’alimentation, de l’agriculture et de l’environnement. Répondre à l’exigence d’une agriculture durable, productive et de qualité, anticiper les effets du changement climatique sur les systèmes vivants et accompagner le développement des nouvelles énergies renouvelables issues de la chimie verte, sont autant de problématiques qui questionnent le citoyen, et interpellent légitimement notre Institut, acteur de la recherche publique. À l’échelle régionale, nos recherches déployées dans les champs de la biologie, de l’écologie, mais aussi de la nutrition animale et humaine, tentent de répondre à ces enjeux. L’ensemble de notre dispositif de recherche et d’expérimentation est ainsi tourné vers cette ambition et inscrit son action dans de nombreux projets conduits avec nos partenaires académiques et socio-économiques. Ce recueil qui met en lumière la diversité de nos missions, illustre notre dynamisme scientifique et rend tangible notre investissement au quotidien pour une science utile et partagée, au bénéfice de tous. Hubert de Rochambeau Président de centre Inra Bordeaux-Aquitaine Délégué régional Inra hubert.de-rochambeau@bordeaux.inra.fr + D’INFOS >> Découvrir l’Inra Bordeaux-Aquitaine >> Site web 3
SOMMAIRE Produire des connaissances - p5 • Les arbres plus efficaces que les buissons pour lutter contre l’érosion éolienne des sols - p6 • Les saumons recolonisent les zones nouvellement reconnectées dans les rivières du bassin de l’Adour - p8 • Pourquoi le cerveau a-t-il besoin des oméga 3 ? - p10 • De l’intérêt d’une approche métabolomique pour comprendre la régulation de la biosynthèse de trichothécènes B chez Fusarium graminearum - p12 • Le phosphore : une ressource limitée et un enjeu planétaire pour l’agriculture du 21ème siècle - p14 • Décryptage des trois étapes de l’invasion de la cochenille du pin maritime Matsucoccus feytaudi, responsable du dépérissement de son arbre hôte dans le sud-est et en Corse - p17 • La programmation nutritionnelle, une approche prometteuse pour améliorer l’utilisation des nouveaux aliments chez la truite - p19 • Colloque anniversaire des 20 ans du GIS Coop - p21 • Le changement climatique affecte la sélection sexuelle chez les truites - p23 • Un partenariat CIRAD - Inra durable sur la génétique de l’eucalyptus - p26 • Premières preuves expérimentales d’un service de régulation des insectes ravageurs forestiers par les chauves-souris - p28 • La présence de deux nouveaux virus de vigne identifiés en France - p 30 • Face au réchauffement, cultiver le Champignon de Paris, même à 25°C - p32 • Jeu minimal de gènes pour réaliser la synthèse de protéines - p34 Concevoir des innovations - p36 • Des marqueurs génétiques pour garantir la traçabilité des bois de chêne de tonnellerie - p37 • Simulation de l’érosion éolienne en présence de végétation - p39 • Mise en service d’une serre de confinement Haute Performance Energétique, projet-pilote en développement durable à l’Inra - p41 • Un nouveau modèle de culture in vitro pour étudier la maturation et le métabolisme du raisin - p43 • Des outils mis à disposition de la communauté scientifique pour l’aide à la décision - p 45 Construire des partenariats scientifiques et institutionnels - p47 • Nutrition et santé du cerveau : Création d’un laboratoire International Associé OptiNutriBrain - p48 • L’Inra et le Conseil régional d’Aquitaine signent une convention pluriannuelle de partenariat pour renforcer les capacités de recherche, de formation et d’innovation - p49 • Inauguration de deux infrastructures de recherche et d’innovation au service des filières Forêt-bois en Aquitaine - p51 Prix et distinctions - p53 • Michel Mench. Phytomanagement de sites contaminés : des déterminants moléculaires à l’écologie de la restauration - p54 • Lisa Wingate, Lauréate du Laurier Jeune Chercheur de l’Inra 2014 - p56 Participer au dialogue science-société - p58 • « Le poisson à la loupe». Journée portes ouvertes de l’Aquapôle de Saint-Pée-sur Nivelle - p59 • « L’appel des bois… Des recherches pour une gestion durable des forêts » . Journées portes ouvertes Campus Forêt-Bois de Pierroton - p61 4
Centre Les arbres plus efficaces que les buissons pour lutter Bordeaux-Aquitaine contre l’érosion éolienne des sols Résumé UMR ISPA La revégétalisation des sols est une méthode courante pour limiter l’érosion éolienne dans Interactions sol plante les régions arides. En renouvelant la manière de modéliser l’érosion éolienne en présence de atmosphère végétation, des chercheurs de l’Inra et du CNRS ont montré que les arbres sont plus efficaces que les buissons pour réduire l’érosion éolienne des sols. Le modèle développé représente un outil CONTACT Sylvain Dupont prometteur pour quantifier l’érosion éolienne des régions semi-arides, à l’origine de nombreuses sylvain.dupont@bordeaux.inra.fr problématiques environnementales. Ces travaux ont été publiés dans le Journal of Geophysical Research Earth Surface en février 2014. © Brigitte Cauvin/ Inra L’érosion éolienne des sols correspond à l’entrainement de grains de sable par le vent (saltation) et à l’émission de poussières dans l’atmosphère par impact de ces grains avec le sol. La saltation peut endommager les cultures par abrasion, ensevelissement ou déracinement, et former des dunes de sable en zones désertiques. L’émission de poussières diminue localement la fertilité des sols agricoles, et impacte globalement la formation des nuages et le bilan radiatif terrestre. Ces poussières atmosphériques ont aussi des conséquences sanitaires liées à leur inhalation par les êtres humains, à la propagation d’agents potentiellement pathogènes et à la dispersion de polluants. La revégétalisation des sols est une méthode courante pour réduire l’érosion éolienne de régions sujettes à la désertification, mais son efficacité suivant le type de végétation et leur arrangement n’est pas encore bien connu. De plus, les modèles actuels de quantification de l’érosion éolienne sont peu adaptés aux surfaces végétales éparses en raison de leur représentation grossière du vent. 6 Produire des connaissances
Un modèle numérique renouvelle la modélisation de l’érosion en présence de végétation Des chercheurs de l’Inra et du CNRS ont développé de manière originale une modélisation de la saltation d’un sol en reproduisant l’interaction complète entre le mouvement de plusieurs millions de grains de sable et le vent instantané, et leurs interactions avec le sol et la végétation. Une première version de ce modèle sans végétation avait déjà été élaborée par ces mêmes auteurs qui avaient reproduit les banderoles de grains de sable oscillant à la surface d’une plage par vent fort. En incluant la végétation dans cette deuxième version du modèle, ils ont montré qu’à superficie égale, les arbres sont plus efficaces que les buissons pour réduire l’érosion éolienne. Bien que les buissons piègent les particules en saltation, les arbres induisent une réduction de vent à plus grande échelle que le simple effet protecteur local des buissons. La réduction de l’érosion éolienne apparait par ailleurs fortement dépendante de l’arrangement de la végétation par rapport à la direction du vent. Une première étape pour quantifier l’érosion éolienne des sols des régions semi-arides Les régions semi-arides représentent une source importante de poussières pour l’atmosphère. Contrairement aux régions désertiques, ces régions sont caractérisées par une végétation clairsemée saisonnière. Ces recherches permettront de mieux quantifier les émissions de poussières issues de ces régions. Ceci est d’autant plus important que la perte en fertilité des sols agricoles de ces régions devrait s’accentuer dans les années à venir sous l’effet combiné du changement climatique et de la modification de l’usage des sols liée aux activités © Brigitte Cauvin/ Inra humaines. Ces régions sont en effet des zones de transition climatique notamment en termes d’amplitude et de fréquence des précipitations qui affectent le couvert végétal des surfaces, et donc l’érosion éolienne du sol. Elles sont aussi soumises à une croissance importante de la population conduisant à des changements radicaux dans les usages des terres comme l’extension et l’intensification des zones cultivées. RÉFÉRENCE SCIENTIFIQUE S. Dupont, G. Bergametti, and S. Simoëns, Modeling Aeolian erosion in presence of vegetation. Journal of Geophysical Research Earth Surface, Vol. 119, pp168-187, DOI:10.1002/2013JF002875, February 2014. 7 Produire des connaissances
Centre Les saumons recolonisent les zones nouvellement Bordeaux-Aquitaine reconnectées dans les rivières du bassin de l’Adour Résumé UMR ECOBIOP Des chercheurs de l’Inra, de l’Université Laval à Québec, du CIRAD et de l’Université de Pau et des Écologie comportementale et Pays de l’Adour ont étudié l’impact de l’aménagement de dispositifs permettant aux saumons de biologie des populations de poissons franchir les barrages hydroélectriques et de recoloniser les zones nouvellement reconnectées dans le bassin de l’Adour. Ils ont montré grâce à des outils de génétique des populations que les sources CONTACT de recolonisation sont très probablement les secteurs aval des obstacles aménagés et que la perte Philippe Gaudin de diversité génétique est faible lors de la recolonisation des zones à nouveau disponibles. Ces Philippe Gaudin@st-pee.inra.fr résultats laissent entrevoir un fort potentiel évolutif des populations nouvellement formées. © BEALL Edward / Inra Restauration de la libre circulation des poissons migrateurs La restauration et la maintenance de la connectivité des habitats aquatiques sont des préoccupations majeures pour les rivières sur lesquelles ont été installés de nombreux barrages hydroélectriques. En effet, les espèces migratrices comme le saumon atlantique, qui après être né en rivière, migre en mer pour grandir puis remonte en rivière pour se reproduire, sont mises en péril notamment par la présence d’ouvrages qui entravent leur libre circulation. Plusieurs procédés permettent de rétablir cette bonne circulation, comme le démantèlement des barrages ou l’aménagement de passes permettant aux poissons de franchir les ouvrages. Des installations de ce type ont été mises en place durant les dernières décennies sur plusieurs barrages du bassin de l’Adour. Elles ont permis la remontée et la reproduction de saumons sur des zones anciennement colonisées et nouvellement reconnectées. 8 Produire des connaissances
La génétique pour le suivi de la recolonisation des poissons migrateurs Les chercheurs ont utilisé des marqueurs génétiques pour déterminer l’origine des individus recolonisant les zones récemment reconnectées. Ils ont prélevé des morceaux de nageoires sur près de 1 000 jeunes saumons à différents points en aval et en amont de barrages récemment aménagés afin d’analyser leur ADN. Les résultats ont montré que les saumons de la Nive, de la Nivelle et des Gaves sont génétiquement différenciés. Sur la base de ces résultats, les chercheurs ont pu montrer que les saumons qui recolonisent de façon spontanée les zones récemment reconnectées du bassin de l’Adour proviennent très probablement de zones relativement proches, situées à l’aval immédiat des obstacles. Pérennité des nouvelles populations Les auteurs de ce travail ont également constaté que le niveau de diversité génétique des saumons échantillonnés en amont des obstacles ne présente pas de diminution significative par rapport aux saumons prélevés en aval. Ces résultats suggèrent que les dispositifs de franchissement sont non sélectifs et suffisamment efficaces pour qu’il n’y ait pas une réduction artificielle de la diversité génétique des saumons dans les zones situées en amont. Du point de vue de la pérennité de la recolonisation, le maintien d’un haut niveau de diversité génétique est une condition essentielle pour le maintien d’un potentiel évolutif adéquat au sein de ces nouvelles populations. Des opérations de suivi démographique sont également mises en œuvre afin de déterminer la productivité des nouvelles populations et le caractère pérenne ou non de la recolonisation. Les meilleures zones de production de saumon se trouvant dans les eaux froides et courantes localisées en amont des rivières, il y a fort à parier que la recolonisation de ces zones à la suite de l’aménagement ou de l’effacement des barrages permettra un regain à long terme de la productivité des populations de saumon. Cette étude est donc très encourageante, car elle atteste de l’efficacité de l’aménagement et du démantèlement de certains obstacles hydrauliques pour faciliter ou restaurer la libre © THIBAULT Max / Inra circulation des poissons migrateurs, essentielle à leur cycle de vie. RÉFÉRENCE SCIENTIFIQUE Perrier, C., Le Gentil, J., Ravigné, V., Gaudin, P. & Salvado, J.-C. (2014), Origins and genetic diversity among Atlantic salmon recolonizing upstream areas of a large South European river following restoration of connectivity and stocking, Conservation Genetics, 9 1–15. doi:10.1007/s10592-014-0602-3 Produire des connaissances
Centre Pourquoi le cerveau a-t-il besoin des oméga 3 ? Bordeaux-Aquitaine Résumé UMR NUTRINEURO Oméga 3, oméga 6 : comment agissent les acides gras polyinsaturés (AGPI) sur le cerveau ? Nutrition et neurobiologie Sophie Layé, directrice Inra de l’unité Nutrition et Neurobiologie Intégrée (Inra, Université de intégrée Bordeaux) et Richard Bazinet, professeur à l’Université de Toronto font un point sur l’état des connaissances scientifiques et médicales du fonctionnement de ces AGPI dans le cerveau normal CONTACT Sophie Layé et pathologique. Publiée dans Nature Reviews Neuroscience le 12 novembre 2014, cette synthèse sophie.laye@bordeaux.inra.fr aborde également les nouvelles pistes pour comprendre comment ces lipides protègent des troubles neuropsychiatriques et des maladies neurodégénératives. © Inra Thon, sardine, maquereau et tous les poissons gras en général mais aussi les huiles de noix, de soja, etc. sont les principales sources d’oméga 3, des acides gras polyinsaturés (AGPI). Dans le cerveau, les principales formes d’AGPI sont l’acide docosahéxaénoïque (DHA) pour la famille oméga 3 et l’acide arachidonique (AA) pour la famille oméga 6. Ces lipides sont issus de précurseurs fournis exclusivement par l’alimentation qui parviennent au cerveau par le sang. Si DHA et AA sont peu utilisés comme source d’énergie dans le cerveau, ces lipides et leurs dérivés sont impliqués dans un certain nombre de processus comme la neurotransmission, la survie des cellules, la neuro-inflammation et par conséquent agissent sur l’humeur et la cognition. Des apports essentiels pendant la période périnatale Chez l’animal de laboratoire, une carence en oméga 3 pendant le développement embryonnaire et la période de lactation altère le système immunitaire cérébral et la plasticité du cerveau. 10 C’est ce que révèlent pour la première fois dans une récente étude des chercheurs de l’unité Nutrition et Neurobiologie Intégrée, NutriNeuro (Inra, Université de Bordeaux). Au cours du développement, le rôle des AGPI est particulièrement important du fait de leur agrégation Produire des connaissances
dans les membranes des cellules du cerveau. Cependant, leur entrée dans le cerveau devant rester constante pour éviter les carences, les apports nutritionnels doivent rester appropriés à la fois au cours du développement et à l’âge adulte. Neuro-inflammation, neurogénèse, neuroprotection… que font les oméga 3 ? L’article de Sophie Layé et Richard Bazinet fait le point sur l’état des connaissances actuelles sur l’implication des AGPI dans les fonctions cellulaires physiologiques du cerveau. En particulier, des travaux, dont les leurs, ont démontré que DHA et AA régulent l’activité synaptique au travers de la synthèse et de l’action des endocannabinoïdes (des dérivés lipidiques qui contrôlent les synapses excitatrices et inhibitrices par la libération vésiculaire des neurotransmetteurs). Les auteurs rappellent le rôle de ces lipides dans la neurogénèse et la neuroprotection. Ils participent à l’entrée du glucose dans le cerveau, la source énergétique principale de cet organe et ils sont de puissants modulateurs de la neuro-inflammation. Par ailleurs, si la nature et les activités des métabolites de l’AA (prostaglandines, leucotriènes, etc.) sont bien connues en situation inflammatoire, celles des dérivés du DHA (neuroprotectine, résolvine, etc.) nécessitent des investigations complémentaires, notamment au regard de leur rôle dans la résolution de la neuro-inflammation. Booster la mémoire avec les oméga 3 En 2012, les chercheurs de l’Inra et de l’Université de Bordeaux ont montré chez des souris âgées qu’un régime enrichi en DHA dans le cerveau réduit la neuro-inflammation et la survenue de troubles cognitifs (comme la perte de mémoire). Plus récemment, les chercheurs de l’unité NutriNeuro ont conforté ces observations à l’aide d’un modèle de souris transgéniques présentant des taux endogènes d’AGPI oméga 3 plus élevés dans le cerveau. En provoquant une neuro-inflammation, ils ont montré que les souris transgéniques présentaient © JC Delpech / NutriNeuro / Inra des performances cognitives normales ainsi qu’une plasticité neuronale préservée, à l’inverse des souris témoins. Se protéger de la dépression Quels sont le rôle et l’implication des AGPI dans les pathologies neuropsychiatriques et neurodégénératives ? De nombreuses données chez l’homme associent une diminution des taux sanguins et cérébraux des AGPI oméga 3 à la dépression, la schizophrénie ou la maladie d’Alzheimer. Des travaux récents menés par les chercheurs de l’unité NutriNeuro décryptent chez la souris comment des apports alimentaires déséquilibrés perturbent leur comportement émotionnel. Les scientifiques y démontrent qu’une carence en AGPI oméga 3 conduit à un état de stress chronique et au développement de comportement de type anxieux via la modulation de la morphologie du cortex préfrontal. Leurs résultats montrent également le rôle d’un régime riche en oméga 3 pour prévenir l’apparition de la dépression (5). Ces observations sont concordantes avec des essais cliniques menés avec des supplémentations alimentaires en oméga 3 qui révèlent une amélioration de l’efficacité de certains traitements médicamenteux, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives thérapeutiques. L’ensemble de ces recherches vise à déterminer l’apport nutritionnel en AGPI oméga 3 adapté au fonctionnement optimum du cerveau et sa protection, notamment face à des évènements neuropathologiques. 11 RÉFÉRENCE SCIENTIFIQUE Produire des Polyunsaturated fatty acids and their metabolites in brain function and disease connaissances Richard P. Bazinet and Sophie Layé. Nature Reviews Neuroscience, en ligne le 12 novembre 2014. DOI: 10.1038/nrn3820
De l’intérêt d’une approche métabolomique Centre pour comprendre la régulation de la biosynthèse Bordeaux-Aquitaine de trichothécènes B chez Fusarium graminearum Résumé UR MYCSA La lutte contre la contamination des céréales par des mycotoxines produites par les champignons Mycologie et sécurité du genre Fusarium est un défi majeur pour diminuer les pertes et contribuer à la sécurité des aliments alimentaire mondiale. Des études globales de métabolomique révèlent les réseaux de régulation métabolique conduisant à la synthèse des toxines et ouvrent des perspectives d’identification de CONTACT Florence Forget cibles fongiques pour la maîtrise du risque mycotoxique dans les grains. florence.forget@bordeaux.inra.fr © Inra Contexte et enjeux L’espèce fongique Fusarium graminearum est l’un des agents principaux de la fusariose de l’épi, maladie des céréales à l’origine de pertes significatives de rendement. Mais surtout F. graminearum produit plusieurs familles de mycotoxines, dont celle des trichothécènes de type B. Ce sont des contaminants fréquents des récoltes céréalières. Le déoxynivalenol (DON) accompagné de ses dérivés acétylés est le contaminant le plus fréquemment observé dans les récoltes céréalières en Europe. Si la voie de biosynthèse des trichothécènes est élucidée et les paramètres environnementaux la contrôlant en voie d’être bien définis, les mécanismes qui sous-tendent sa régulation sont encore très mal compris. Les dernières avancées scientifiques mettent en évidence le rôle de régulateurs cellulaires centraux (homéostasie redox, pH, développement, etc.) capables d’induire ou réprimer la voie de toxinogénèse et soulignent la nécessité de développer des études globales, intégrant aussi bien le métabolisme fongique primaire que le métabolisme secondaire. 12 Produire des connaissances
Résultats Grâce à une collaboration avec la plateforme métabolome du CGFB, le métabolome de F. graminearum a été analysé dans des conditions de culture induisant la toxinogénèse ou la limitant (supplémentation par un antioxydant, l’acide caféique). Le couplage des techniques LC-MS et H-RMN a permis de suivre près de 60 métabolites au cours de cinétiques de croissance. Ces métabolites comprenaient des métabolites primaires (acides aminés, sucres), des métabolites secondaires dont le DON et ses précurseurs, différents alcaloïdes indoliques et dérivés polyacétates. La comparaison du métabolome de F. graminearum à différents temps de culture en présence ou absence d’acide caféique a permis d’identifier des corrélations entre voies métaboliques et de proposer, pour la première fois, une carte métabolomique de F. graminearum. Cette carte illustre l’imbrication très étroite du métabolisme secondaire de production de mycotoxines au sein du métabolisme primaire et met en évidence des noeuds de communication prépondérants dans ces réseaux. Perspectives Cette première carte métabolomique et les avancées permises par cette approche originale ouvrent des perspectives très intéressantes pour progresser dans la connaissance des mécanismes de régulation de la production de mycotoxines et en conséquence, dans l’identification de stratégies efficaces de maîtrise du risque de contamination des céréales. Cette étude sera élargie à un panel plus large de conditions inductrices ou inhibitrices de la toxinogénèse mais aussi à un set de différentes souches de F. graminearum présentant des niveaux contrastés de production de toxines Valorisation L’approche métabolomique permettra l’identification de nouvelles cibles fongiques pour une © MycSA / Inra meilleure maîtrise du risque DON. RÉFÉRENCE SCIENTIFIQUE Ces travaux ont été présentés aux journées Mycotoxines en 2014 et sont en cours 13 de publication. Produire des connaissances
Centre Le phosphore : une ressource limitée et un enjeu Bordeaux-Aquitaine planétaire pour l’agriculture du 21ème siècle Résumé UMR ISPA Le phosphore (P) est au carrefour des enjeux de sécurité alimentaire et d’atténuation du Interactions sol plante atmosphère changement climatique. Deux articles récents de chercheurs Inra apportent un éclairage sur ces questions, au niveau national et au niveau planétaire. Ces enjeux globaux ont été discutés lors de UMR ECO&SOL la Phosphorus Week 2014, qui a rassemblé à Montpellier deux colloques internationaux du 26 août (Montpellier) Écologie fonctionnelle et au 3 septembre 2014 : le colloque scientifique « Phosphorus in Soils and Plants » du 26 au 29 août, biogéochimie des sols et le 4e « Sommet mondial sur le phosphore durable » du 1er au 3 septembre. CONTACTS Bruno Ringeval bruno.ringeval@bordeaux.inra.fr Philippe Hinsinger philippe.hinsinger@supagro.inra.fr Thomas Nesme thomas.nesme@agro-bordeaux.fr Sylvain Pellerin sylvain.pellerin@bordeaux.inra.fr © Christophe Montagnier / Inra Contexte et enjeux L’accroissement continu de la demande en biomasse agricole pour des usages alimentaires et non alimentaires, et la raréfaction des ressources nécessaires à la production des engrais (gaz naturel et énergie pour N, roches phosphatées pour P) posent la question de la dépendance de la production agricole aux engrais de synthèse. Pour l’azote, cette dépendance est généralement estimée par des ratios calculés annuellement tels que le rapport entre azote apporté sous forme d’engrais de synthèse et azote contenu dans les produits récoltés. À l’échelle globale, il a ainsi été montré que 40% de la production de protéines dépendait des engrais azotés de synthèse. De tels chiffres n’existent pas pour P, alors que la raréfaction de la ressource en roches phosphatées issues de gisements géologiques et nécessaires à la fabrication des engrais P menace la sécurité alimentaire mondiale à moyen terme. Le calcul de la dépendance de la production agricole aux engrais P de synthèse est plus complexe car, contrairement à N, le P s’accumule dans les sols ce qui fait qu’un calcul réalisé sur une base 14 annuelle conduit à une estimation erronée. Produire des connaissances
Concernant les écosystèmes peu anthropisés, leur réponse aux changements globaux liés à l’augmentation de la teneur en CO2 de l’atmosphère et des retombées de N via les dépôts atmosphériques, est contrainte par les déséquilibres stœchiométriques induits vis-à-vis d’autres nutriments, et particulièrement P. Ainsi les capacités de séquestration de C et de mitigation du changement climatique seraient inférieures à ce que prédisent les modèles planétaires ne prenant pas en compte la contrainte de la faible disponibilité de P des sols de nombreux écosystèmes. La quantification de cet effet est un enjeu majeur pour la prédiction du climat futur et l’élaboration de scénarios d’atténuation. Une approche par modélisation a été mise en œuvre pour apporter des réponses à ces deux questions, aux échelles globales et nationales. Résultats Les travaux de modélisation conduits à l’échelle planétaire ont montré à quel point, quels que soient les modèles de changements climatiques pris en compte, la disponibilité de P déterminait la production primaire et ainsi le stockage de C dans les écosystèmes en réponse à ces changements. Ils ont révélé, contre toute attente, que cette contrainte par le P était moins forte dans les écosystèmes tropicaux que dans le reste du monde. Concernant la dépendance de la fertilité P des sols agricoles aux engrais P de synthèse, le modèle proposé a permis de reconstituer l’historique de l’évolution de la fertilité P des sols français depuis l’après-guerre. Les stocks de phosphore intervenant dans la nutrition de la plante, décomposés en deux compartiments P labile et P stable, ont fortement augmenté depuis 1948. Ils tendent à se stabiliser depuis les années 70, en lien avec la baisse constatée des apports d’engrais. Le modèle montre qu’actuellement, du fait de l’historique de fertilisation, environ 82% (de 68 à 91%) du P contenu dans les sols est d’origine anthropique, c’est-à-dire qu’il provient directement (apport d’engrais de synthèse) ou indirectement (apport d’engrais organiques contenant du P provenant initialement d’engrais de synthèse) des gisements géologiques utilisés pour la fabrication d’engrais P. De même, la part du phosphore contenu © SLAGMULDER Christian/ Inra dans les produits agricoles qui est d’origine anthropique est d’environ 84%. Calculés sur une base annuelle comme pour l’azote, ces ratios seraient seulement de 51 et 60%, ce qui montre l’intérêt du modèle pour une estimation plus juste de la dépendance de la fertilité P et de la production agricole aux engrais P de synthèse. Ces résultats montrent que malgré une baisse importante des apports d’engrais de synthèse en phosphore depuis les années 70 grâce aux progrès de la fertilisation raisonnée, la production agricole française reste fortement dépendante d’une fertilité P héritée qui a été constituée durant des décennies à partir de phosphore extrait de gisements géologiques. Ces travaux ont été présentés lors du 5ème PSP « Phosphorus in Soils and Plants » du 26 au 29 août 2014 à Montpellier et qui a eu lieu pour la première fois en Europe, avec pour thématique centrale « Facing Phosphorus Scarcity » (276 participants d’une quarantaine de pays). Le 4th Sustainable Phosphorus Summit (SPS 2014) lui a fait suite du 1er au 3 septembre 2014 (208 participants de quarante pays différents) organisé sous l’égide de la GPRI (Global Phosphorus Research Inititiative), qui a su éveiller la communauté scientifique mondiale et nos sociétés aux enjeux globaux sur le phosphore. Entre les deux, un Séminaire Jeunes Chercheurs, organisé le 31 août 2014 avec le soutien du LabEx AGRO, rassemblant 42 scientifiques de pays du Nord et du Sud, a préparé un exposé qui a été présenté lors de SPS 2014 sur les principaux enjeux et verrous de recherche. Cet ensemble d’événements a constitué la Phosphorus Week 2014, organisée par l’Inra et le CIRAD, et qui a stimulé les rencontres entre scientifiques de disciplines variées, des sciences 15 agronomiques, de l’environnement, des procédés et des sciences sociales et politiques, Produire des connaissances
couvrant l’ensemble du cycle et des usages du phosphore, au-delà du seul secteur agricole. Ils ont également fait intervenir des porteurs d’enjeux, des secteurs politique et économique, dans les domaines de l’agrofourniture, des biotechnologies, de l’épuration des eaux, etc. Perspectives Le modèle sur les flux de P liés à l’historique de fertilisation est actuellement utilisé dans le cadre d’un projet de recherche dont l’objectif est d’identifier les déterminants de la teneur en phosphore des sols agricoles à l’échelle mondiale. Il sera appliqué à quelques pays contrastés afin d’évaluer la dépendance de la fertilité P des sols et de la production agricole actuelle au P d’origine anthropique en fonction de l’historique agricole (ancienneté du recours à la fertilisation de synthèse notamment). L’objectif est d’avoir une vision de la dépendance de la fertilité P des sols aux apports d’engrais de synthèse à l’échelle globale. Par ailleurs, l’étude du rôle de la disponibilité de P dans la modulation de la réponse des écosystèmes aux changements globaux est poursuivie dans un projet de recherche visant à affiner les prédictions dans différentes régions du monde et pour différents types de biomes. L’estimation de la disponibilité de P dans les sols à ces échelles globales constitue dès lors un véritable challenge pour ces modèles planétaires. Les spécialistes de P s’accordent à dire qu’il convient de faire émerger une gouvernance mondiale des ressources en phosphore, nécessitant au préalable un effort majeur de communication et d’éducation de nos concitoyens, en vue d’éveiller la conscience collective et la responsabilité des individus face à cette problématique globale. Ceci commence à prendre forme en Europe, au travers des activités de l’European Sustainable Phosphorus Platform. Le prochain sommet mondial SPS5 aura lieu en Chine en 2016, avec le souci d’y associer la GPNM, Global Partnership for Nutrient Management, tandis que le prochain symposium international PSP6 sera organisé en 2018 en Belgique, avec le même souci qu’à Montpellier d’impliquer les chercheurs et porteurs d’enjeux des pays du Sud. © Inra RÉFÉRENCES SCIENTIFIQUES Penuelas, J., Poulter, B., Sardans, J., Ciais, P., van der Velde, M., Bopp, L., Boucher, O., Godderis, Y., Hinsinger, P., Llusia, J., Nardin, E., Vicca, S., Obersteiner, M., Janssens, I. A. (2013), Human-induced nitrogen-phosphorus imbalances alter natural and managed ecosystems across the globe. Nature Communications, 4. DOI: 10.1038/ncomms3934 Ringeval, B., B. Nowak, T. Nesme, M. Delmas, and S. Pellerin (2014), Contribution of anthropogenic phosphorus to agricultural soil fertility and food production. Global 16 Biogeochem. Cycles, 28, DOI:10.1002/2014GB004842. Produire des connaissances
Décryptage des trois étapes de l’invasion de la cochenille du pin maritime Matsucoccus Centre feytaudi, responsable du dépérissement de son Bordeaux-Aquitaine arbre hôte dans le Sud-Est et en Corse Résumé UMR CBGP Des approches de génétique des populations couplées à des comparaisons de scénarios par des (Montpellier) approches Bayésiennes ont permis de décrypter les 3 étapes clés de la colonisation de M. feytaudi : Centre de biologie pour la gestion des populations introduction accidentelle après guerre via le transport de bois en provenance de la forêt des Landes ; diffusion naturelle de l’insecte vers l’Est dans les forêts fragmentées de pin maritime ; URFM transport accidentel longue distance par le vent d’un petit nombre d’individus colonisateurs du Sud (Avignon) Est vers la Corse. Écologie des forêts méditerranéennes UMR BIOGECO Biodiversité, gènes et communautés CONTACTS Carole Kerdelhué Carole.Kerdelhue@supagro.inra.fr Thomas Boivin thomas.boivin@avignon.inra.fr Christian Burban Christian.Burban@pierroton.inra.fr © J. Riom/ Inra Contexte et enjeux La cochenille du pin maritime, Matsucoccus feytaudi, est originaire des pinèdes du Maroc, de la péninsule Ibérique et du Sud-Ouest de la France. Dans sa zone d’origine, elle ne commet aucun dégât notable sur son arbre hôte (Harfouche et al., 1995). Importée accidentellement dans le sud-est de la France, elle a été dans les années 60 et 70 à l’origine de dépérissements majeurs sur les pins maritimes locaux, qui se sont révélés très sensibles à ce ravageur (Riom, 1994). Elle a ensuite progressé vers l’Est, jusqu’en Italie (Fabre, 1980; Binazzi, 2005). Plus récemment, au milieu des années 90, elle a été découverte en Corse, où elle est également responsable du dépérissement du pin maritime (Jactel et al., 1998). Les objectifs de notre travail étaient d’utiliser les outils de génétique des populations et des méthodes puissantes d’analyse des données (ABC, ou Approximate Bayesian Computation) (Estoup & Guillemaud, 2010; Guillemaud et al., 2010) sur un échantillonnage de populations prélevées dans la zone d’origine et dans les principales régions envahies, afin de déterminer le 17 scénario le plus probable correspondant aux différentes étapes de l’invasion. Pour cela, nous avons construit une collaboration impliquant des scientifiques de 3 unités d’entomologie du département EFPA (CBGP, Montpellier; BIOGECO, Bordeaux et URFM, Avignon). Produire des connaissances
Résultats L’échantillonnage conséquent, l’utilisation de marqueurs microsatellites polymorphes (Kerdelhué & Decroocq, 2006), et l’analyse comparative des scénarios possibles ont clairement démontré que la colonisation de la région sud-est et de la Corse par la cochenille du pin maritime a eu lieu en trois étapes, impliquant des modes de dispersion et des dynamiques différentes. La cochenille est arrivée dans le Sud Est de la France depuis la forêt des Landes, probablement juste après la Deuxième Guerre mondiale. Nous n’avons pas mis en évidence d’effet fondateur marqué, ce qui suggère qu’un grand nombre de larves ou d’adultes ont été importés de manière récurrente avec des grumes en provenance des Landes, probablement lors de la reconstruction d’après-guerre. Cette hypothèse est cohérente avec le fait que les pins des Landes sont naturellement résistants à la cochenille, qui n’a donc pas pu être détectée préventivement. La progression de l’insecte vers l’Italie s’est faite par une expansion diffusive, par dispersion naturelle de l’insecte (vol actif des mâles et transport des larves par le vent) entre patchs de pins maritimes, dont la distribution est fragmentée dans cette partie de son aire. Enfin, nos analyses montrent que la colonisation de la Corse n’a impliqué qu’un faible nombre d’insectes colonisateurs, en provenance du sud-est de la France et de Ligurie. Ce résultat, couplé au fait que le premier foyer ait été découvert loin des infrastructures portuaires et routières, suggère une arrivée accidentelle en Corse de quelques larves emportées par le Mistral, vent dominant qui souffle du nord vers le sud dans cette région au printemps. Ces résultats ont été publiés en 2014 (Kerdelhué et al., 2014). Perspectives Ces résultats montrent toute la complexité des scénarios invasifs. L’activité humaine peut être à l’origine de colonisations dévastatrices, en particulier lorsque les plantes hôtes de la zone d’origine sont résistantes au ravageur et donc asymptomatiques. Dans le cas de M. feytaudi, la première région historiquement envahie a servi de «tête de pont» (Lombaert et al., 2010), et de point de départ à la colonisation de la Corse. Les pins maritimes de Tunisie et d’Algérie, également sensibles, pourraient désormais être menacés. © J. Riom / Inra RÉFÉRENCE SCIENTIFIQUE Kerdelhué C, Boivin T, Burban C (2014). Contrasted invasion processes imprint the genetic 18 structure of an invasive scale insect across southern Europe. Heredity 113(5): 390-400. Produire des connaissances
La programmation nutritionnelle, une approche Centre prometteuse pour améliorer l’utilisation Bordeaux-Aquitaine des nouveaux aliments chez la truite Résumé UR NUMEA Les nouveaux aliments à base de plantes (riches en glucides et de faible appétence) réduisent la Nutrition, métabolisme, croissance des poissons d’élevage. L’exposition précoce dès le premier repas à un stimulus court aquaculture avec glucides alimentaires a entraîné des changements persistants dans l’utilisation métabolique du glucose au stade juvénile. De la même façon, l’alimentation précoce avec un aliment à base de CONTACTS Stéphane Panserat plantes pendant 3 semaines a permis à la truite adulte de mieux accepter les nouveaux aliments stephane.panserat@st-pee.inra.fr (meilleures prise alimentaire et efficacité alimentaire). D’autres fenêtres d’exposition à des Inge Geurden Inge.Geurden@st-pee.inra.fr stimuli précoces, par exemple la période de développement embryonnaire, semblent également prometteuses, comme l’indiquent nos premières expériences d’injections de glucose dans les œufs de poisson-zèbre. Le concept de programmation nutritionnelle chez les poissons est donc validé et ouvre de nouvelles perspectives en nutrition des poissons. © Alain Girard / Inra Contexte et enjeux L’aquaculture connaît un essor remarquable depuis une vingtaine d’années, fournissant en 2010 près de 50% des produits aquacoles pour la consommation humaine. Afin d’inscrire la production de poissons dans une optique de durabilité, il devient nécessaire de proposer de nouvelles stratégies alimentaires pour s’affranchir des ingrédients d’origine marine dans l’aliment aquacole. Chez les mammifères, il est désormais largement admis que des événements nutritionnels précoces peuvent modifier de façon permanente la physiologie et le métabolisme de l’organisme (Lucas, 1998). Basées sur ce concept, deux approches de programmation nutritionnelle ciblées sur un nutriment spécifique (glucose) ou sur un aliment (aliment végétal) ont été mises en place dans l’unité de recherche Inra NUMEA (Saint-Pee-sur-Nivelle). 19 Produire des connaissances
Résultats La programmation nutritionnelle avec les glucides peut modifier le métabolisme du glucose et le microbiote intestinal de la truite. Il est important de définir de nouvelles stratégies nutritionnelles permettant d’améliorer l’utilisation des glucides, macronutriment peu onéreux mais peu utilisés par les poissons carnivores comme la truite (Polakof et al., 2012). Faisant suite à une étude pilote (Geurden et al. 2007) et dans le cadre de projets financés par l’Europe (programme ARRAINA) et l’Inra (crédits incitatifs PHASE), des alevins de truites ont été nourris avec un aliment hyperglucidique dès leur premier repas pendant une très courte durée (5 jours) durant une phase de grande plasticité métabolique (Mennigen et al., 2013). Trois mois et demi après, les poissons juvéniles issus de cette expérience ont présenté une modification de l’homéostasie glucidique, du métabolisme musculaire du glucose et du microbiote intestinal en réponse à une alimentation riche en glucides démontrant ainsi l’existence d’un effet à un long terme du stimulus précoce (Geurden et al., 2014). Dans le cadre d’une collaboration avec l’Université de Faro (Portugal) (programme FCT) et afin de tester une nouvelle fenêtre d’application du stimulus précoce, nous avons modifié l’utilisation métabolique du glucose en imposant un stimulus hyperglucidique pendant l’embryogénèse chez le poisson-zèbre par le biais d’injection de glucose dans l’œuf (Rocha et al. 2014). La programmation nutritionnelle peut améliorer la prise alimentaire d’une truite nourrie avec un aliment végétal. Sur le même principe, nous avons nourri des alevins de truite pendant 3 semaines dès le premier repas avec un aliment strictement végétal (ingrédients à base de plantes) ou un aliment marin, à base d’huile et de farine de poisson. Après une période d’élevage commune de 7 mois pendant laquelle l’ensemble des poissons a été nourri avec l’aliment marin, les deux groupes expérimentaux ont été soumis à une alimentation strictement végétale pendant 25 jours, afin de tester l’existence ou non d’une mémoire nutritionnelle précoce. Les résultats (Geurden et al., 2013) ont montré un effet positif du passé nutritionnel « végétal » par rapport au « marin », sur la croissance (+42%), la prise alimentaire (+30%) et l’efficacité d’utilisation de l’aliment végétal (+18%). Cette réponse positive est associée à des modifications persistantes de l’expression de gènes dans le cerveau et le foie (Balasubramanian, données en cours de valorisation). © Alain Girard / Inra Au final, l’ensemble de ces résultats suggère qu’un stress nutritionnel appliqué au début de la vie peut être considéré comme une stratégie utile pour la programmation nutritionnelle des poissons d’élevage. Perspectives La programmation nutritionnelle est maintenant un concept applicable chez la truite mais aussi chez d’autres espèces de poissons comme l’indiquent des données récentes obtenues chez le bar européen et la daurade royale. Afin de développer et piloter cette approche de programmation nutritionnelle comme nouvelle stratégie alimentaire chez les poissons d’élevage, il est toutefois fondamental de comprendre les mécanismes à l’origine de cette programmation parmi lesquels l’épigénétique est probablement l’un des acteurs majeurs. RÉFÉRENCES SCIENTIFIQUES Geurden I, Aramendi M, Zambonino-Infante J, Panserat S (2007) Early feeding of carnivorous rainbow trout with a hyperglucidic diet during a short period: effect on dietary glucose utilisation in juveniles. Am J Physiol Regul Integr Comp Physiol 292 :R2275-R2283. Geurden I, Mennigen J, Plagnes-Juan E, Veron V, Cerezo T., Mazurais D, Zambonino- Infante J, Gatesoupe J, Skiba-Cassy S, Panserat S (2014) High or low dietary carbohydrate : 20 protein ratios during first-feeding affect glucose metabolism and intestinal microbiota in juvenile rainbow trout. J exp Biol 217 : 3396-3406 Produire des Lucas A (1998) Programming by early nutrition: an experimental approach. J Nutr. 128(2 connaissances Suppl): 401S-406S. olakof S, Panserat S, Soengas J, Moon TW (2012) Glucose metabolism in fish : a review. J P Comp Physiol B 182:1015–1045.
Centre Colloque anniversaire des 20 ans du GIS Coop Bordeaux-Aquitaine Résumé UMR LERFOB L’objectif du colloque était, d’une part, de faire connaître le GIS Coop à un large public (décideurs (Nancy) politiques, directeurs d’organismes forestiers et chercheurs) et, d’autre part, d’identifier les enjeux Laboratoire d’étude des ressources forêt-bois et perspectives pour le GIS Coop dans le contexte actuel des changements environnementaux et des nouvelles demandes sociétales. Le colloque s’est déroulé sur 2 journées : les 2 et 3 octobre 2014. UMR BIOGECO Biodiversité, gènes et communautés UE Forêt Pierroton CONTACTS Ingrid Seynave seynave@nancy.Inra.fr Céline Meredieu Celine.Meredieu@pierroton.inra.fr Patrick Pastuszka Patrick.Pastuszka@pierroton.inra.fr © BIOGECO / Inra Contexte et enjeux Le Groupement d’Intérêt Scientifique (GIS) Coopérative de données sur la croissance des peuplements forestiers a fêté ses 20 ans. Sous l’égide du Ministère chargé de l’agriculture et de la forêt, sept organismes mutualisent leurs moyens et leurs compétences pour installer et gérer des dispositifs expérimentaux, recueillir et mettre en commun des données sur la croissance des peuplements forestiers. Ils contribuent ainsi à l’élaboration de modèles de dynamique forestière intégrés dans la plateforme de simulation CAPSIS. Par ailleurs, ses réseaux servent de références techniques pour les prescripteurs en sylviculture. Après 20 ans de fonctionnement et face à un contexte climatique changeant, le GIS Coop a présenté ses principales valorisations scientifiques et techniques ainsi que les potentialités de ses réseaux d’expérimentations sylvicoles. Résultats Ces deux journées ont permis de toucher un public très varié : plus de 80 personnes, issues des Ministères en charge de la forêt et de l’environnement, d’organismes de recherche, 21 d’enseignement, de développement et de gestion forestière pour les forêts privées et publiques, ont participé à ce colloque. Produire des connaissances
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