Pratiques critiques - ULB
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Pratiques Atelier de projet Faculté d’architecture La Cambre Horta (ULB) critiques 2022–2023 Pratiques critiques est un environnement pédagogique qui place au centre de ses préoccupations la dimension critique des pratiques de l’espace ; l’atelier propose aux étudiant·e·s de réfléchir et d’agir en termes de pratiques critiques, envisageant le champ de l’architecture et des architectes de manière ouverte, spéculative, socialement engagée, historiquement ancrée et localement située. Une pratique critique est une pratique active, informée, ouverte, engagée, spéculative et basée sur une définition élargie et poreuse de la culture architecturale. Une pratique critique a un caractère exploratoire, toujours en mouvement, en devenir et en tension avec sa réalité contemporaine. Une pratique critique assume ses désirs, donne envie, provoque un questionnement. Une pratique critique se construit par sa force propositionnelle. Une pratique critique convoque autant les moyens de la découverte par le faire que ceux des investigations intellectuelles, les entrecroisant. Une pratique critique démarre toujours des conditions de l’existant, les accepte en tant que telles de prime abord, puis en propose une lecture décalée, alternative, informée. Une pratique critique invite à prendre en compte les déplacements épistémologiques qui rendent visibles les logiques systémiques de domination, d’oppression, de subalternisation, de stigmatisation (anthropocentrisme, classisme, hétéropatriarcat, racisme…) et leurs inscriptions matérielles, spatiales, économiques, sociales, intellectuelles, dans le champ de l’architecture. Une pratique est indissociable d’une critique et réciproquement. Une pratique critique prend n’importe quelle forme de projet et en dessine le cadre. Une pratique critique est à la fois empathique et impertinente. Une pratique critique… 1
Observat·oi·eu·r·e·s Postulat n° 1 L’atelier Pratiques Critiques propose cette année de s’intéresser aux observatoires et de partir à la La réalité telle que nous la percevons est composée d’une découverte de territoires qui interpellent. Ces multitude de récits organisés hiérarchiquement. Certains sont territoires ne sont pas forcément délimités dominants, d’autres sont accessoires. Leur importance relative physiquement, ils peuvent avoir une existence peut évoluer dans le temps, un récit secondaire — vu comme virtuelle ou conceptuelle, mais ils appartiennent accessoire — peut très bien devenir hégémonique ou toujours concrètement à notre monde. La spécificité disparaître et inversement. de ces territoires tient dans leur capacité à faire Postulat n° 2 émerger des récits parallèles, convergents, divergents, ou autres. Les récits représentent un danger lorsque leur position de domination leur donne l’apparence d’une vérité. Lorsqu’ils Par exemple, une réserve naturelle en Laponie invisibilisent les autres récits, le dogme ou la croyance Finlandaise, qui d’un côté existe pour protéger les apparaissent et proposent une lecture univoque du monde. non-humain·e·s, et de l’autre est un instrument de l’État pour contrôler les populations samies, Postulat n° 3 autochtones. Ou le déboulonnage d’une statue dans l’espace public, qui oppose la valorisation d’un passé Il est nécessaire, pour combattre ce phénomène, de questionnable aux traumatismes qu’il cause encore constamment contrebalancer ces récits dominants à l’aide d’une aujourd’hui. Ou le règlement d’une compétition multitude de récits secondaires, alternatifs pour promouvoir une d’athlétisme qui interdit la participation aux lecture du monde équivoque. personnes transgenres et aux corps prothésés pour Postulat n° 4 des raisons d’équité dans l’effort. Ou… À part ce postulat-ci, l’ensemble des postulats n’ont aucune Pour traiter les récits qui définissent ces territoires, valeur de vérité. Ils doivent et seront remis continuellement en l’étudiant·e partira des moyens de l’architecture. question. Certains sont déjà connus et communément admis comme disciplinaires, d’autres restent à inventer. Il est indispensable de noter que le projet ne saurait limiter son but à l’acte de bâtir. Il est ici question de *** développer un outil réflexif qui n’a pas pour but d’apporter des réponses ou de résoudre une situation donnée, mais bien de permettre d’envisager, de qualifier et de représenter nos multiples rapports au monde pour les rendre tangibles. La méthodologie proposée pour entrer dans le projet est celle de l’enquête. Partir d’un prétexte, dérouler des fils qui nous amènent parfois en terrain connu et maîtrisé, parfois et surtout en terrain incertain et glissant. Une grande autonomie sera donnée à l’étudiant·e qui pourra librement développer son processus et ses moyens en fonction de ses intuitions et des besoins qu’il ou elle rencontre au fil de ses recherches. L’atelier est un lieu au service de ces recherches. Il propose des outils pour la développer et l’approfondir. Les étudiant·e·s forment un groupe de travail solidaire, ils et elles sont capables de s’emparer les un·e·s les autres de leurs préoccupations et d’y travailler ensemble. 2
Les préoccupations de l’atelier tournent autour des notions très contemporaines de rapports de domination que nous aurait laissée en héritage la modernité : rapports de classes, rapports des genres, rapports aux autres espèces vivantes et au monde, rapports colonisateurs entre êtres humains… Il s’agira de perturber la position d’hégémonie de certaines pensées — sans forcément les mettre elles-mêmes en question — en les parasitant par des pensées marginales alternatives. « Fabuler, raconter autrement, n’est pas rompre avec la “réal- ité”, mais chercher à rendre perceptible, à faire penser et sentir des aspects de cette réalité qui, usuellement, sont pris comme accessoires. » Isabelle Stengers, La Vierge et le neutrino, 2006 Fragment du Grand autel de Pergame provenant de l’Asie Mineure, exposé au Pergamonmuseum à Berlin. Session de travail au studio Walt Disney, Bambi parmi ses dessinateurs. La revue éphémère SOFT, questionnant l’identité de genre Clôture de ruches par la biologiste Lucy King à l’œuvre dans le monde de l’édition et du design. tenant les éléphants à l’écart, Kenya. 3
Déroulement L’atelier comme environnement Le projet se déroule sur toute l’année académique, L’atelier est un espace d’expérimentation, sur base de septembre à juin selon deux temporalités d’explorations réflexives, pratiques et/ou intellec- parallèles et complémentaires. La première, tuelles. continue, permet de prendre le territoire donné en main, d’approfondir les récits abordés et de L’atelier est un espace propice à des « rencontres » développer et préciser la production qui permet d’en multiples — des lectures, des lieux, des cas d’étude, rendre compte selon les intuitions et processus des paradoxes… — considérées comme autant de propres à chaque étudiant·e. La seconde, prétextes heuristiques pour le développement des séquencée, est rythmée par une succession projets et de la culture des étudiant·e·s. Il se porte d’expériences, parfois courtes, parfois longues, qui garant de l’existence des conditions favorables au servent d’invitation à changer (même légèrement) de débat à partir de ces rencontres. manières de voir et de faire le projet. Des provocations pour ne pas prendre le risque, ni dans la En tant qu’espace critique, l’atelier interroge son recherche ni dans la production, de laisser un environnement, ses modes opératoires, ses condi- discours dominer les autres. tions d’existence, de conception, de production, d’usage, de réception ; il interroge le contexte social, Temps long économique, culturel et pédagogique, y compris la relation entre étudiant·e·s et enseignant·e·s, et avec L’objectif de l’année est d’initier un processus de l’institution universitaire. recherche et de production qui permette à l’étudiant·e d’instruire les récits qui peuplent un territoire L’atelier pousse les étudiant·e·s à prendre position déterminé en développant un projet. À l’aide des face aux défis et potentiels nouveaux paradigmes moyens de l’architecture qui sont les sien·ne·s, iel auxquels la discipline architecturale est confrontée et devra rendre les récits identifiés et choisis visibles à se mettre en condition de les identifier et d’en saisir pour développer une proposition qui y réponde. Il est les enjeux. Il propose de comprendre les dispositifs essentiel de noter que cette proposition ne doit pas d’un contemporain protéiforme, en lien avec des avoir pour but de donner une valeur aux choses ou de pratiques issues d’autres champs disciplinaires. Il résoudre une situation. Le but recherché est plutôt de refuse de se satisfaire d’une exclusive autoréférentia- permettre une multiplication des points de vue qui lité disciplinaire et propose de s’inscrire dans une offre autant d’alternatives à la dominance d’un ou culture contemporaine plus large, pour permettre une plusieurs discours univoques. prise de conscience des conditions de la pratique architecturale et de l’interrelation qu’elle entretient Temps courts avec ses histoires et ses théories, et plus largement les humanités. Des expériences sont distribuées irrégulièrement sur l’année. Certaines proposent de déplacer le regard à l’aide de pratiques ou de concepts particuliers, d’autres portent sur l’appropriation d’outils de production ou de représentation précis et spécifiques. Certaines sont déjà déterminées et planifiées avec soin, d’autres seront improvisées pour répondre à un besoin ou une opportunité du moment. Des conférences et visites seront également organisées conjointement à certains de ces évènements. 4
Le projet comme objet d’échanges Avant tout, il s’agit d’être dans la création perma- nente. Nous nous rappelons des propos de Marianne Staffeldt Filliou qui a un jour affirmé : « Tu es artiste quand tu crées. Mais quand tu t’arrêtes, tu n’es plus artiste ». Nous les acceptons pour l’architecture. La production inhérente au projet d’architecture est la condition sine qua non à tous les échanges d’atelier et à l’engagement de chaque étudiant·e. Cette création permanente est sans cesse en évolution. Nous travaillons à deux dimensions du projet en parallèle. D’une part la fabrication de vos projets en soi et d’autre part le cadre qui leur est nécessaire. Un état des lieux permanent sera également en cours dans l’atelier, où la matière introduite dans chacun des projets sera visible de tous, en permanence. La discipline est ici en question, non comme un sujet ou sa démiurgie, mais comme une définition de son cadre propre au projet. L’énigme des arbres qui résistent aux feux de forêt. 5
Intervenant·e·s Objectifs pédagogiques Pratiques Critiques est un projet pédagogique de Pratiques critiques entend apporter aux étudiant·e·s Jean-Didier Bergilez, Vincent Brunetta, Sara Crémer, une contribution critique dans le cadre de leur cursus. Jean-Sébastien De Harven, Carlo Goncalves, Carlo Plus spécifiquement, cet environnement pédagogique Menon, Antoine Wang. entend s’attacher au développement d’une attitude réflexive et productive enrichissant leurs approches Le suivi en atelier est assuré au quotidien par deux de la pratique architecturale, informée par une culture membres par quadrimestre, à rotation, les autres ancrée dans la condition architecturale membres gravitant autour pour des sessions contemporaine. ponctuelles. Cet ensemble pédagogique entend ainsi, à partir de Les enseignants de cette année sont Carlo ce spectre large, Goncalves et Antoine Wang (premier quadri), Vincent – ouvrir à l’apprentissage et à la compréhension de Brunetta et Jean-Sébastien De Harven (deuxième l’architecture dans ses multiples dimensions, quadri). envisagée à la lumière des humanités architectu- Les coordinateurs pédagogiques de l’atelier sont rales ; Antoine Wang (premier quadri) et Jean-Sébastien – conforter les connaissances en matière de culture De Harven (deuxième quadri). Jean-Didier Bergilez architecturale ; est en charge de la coordination administrative. – conforter les connaissances en matière d’his- toires et de théories contemporaines de l’archi- Sont prévues en outre 4/5 conférences, ainsi que des tecture ; sessions d’échange — pour les remises – offrir un cadre pédagogique propice à l’apprentis- intermédiaires et les jurys, etc. — avec des invité·e·s sage de l’écriture sur et de l’architecture ; internes et externes à la faculté, dont certain·e·s – offrir un cadre pédagogique propice à l’expéri- seront choisi·e·s en concertation avec les mentation, à l’autodétermination d’outils et de étudiant·e·s. savoirs situés ; – ouvrir aux recherches épistémologiques liées à la constitution de savoirs renouvelés sur l’architec- ture ; – favoriser les approches diachroniques et synchro- niques de la discipline et de disciplines connexes ; – soutenir les étudiant·e·s dans leur capacité à développer un regard critique face à la production architecturale à laquelle ils et elles sont (et seront) quotidiennement confronté·e·s. – soutenir les étudiant·e·s dans leur capacité à produire des dispositifs matériels de réflexion et de médiation sur et autour de l’architecture. 6
Évaluations Transversalités Deux modes d’évaluation sont prévus : Le projet pédagogique de Pratiques critiques se 1. Une évaluation continue portant sur le travail construit en parallèle à celui des Questions fourni par l’étudiant·e (avec remises intermé- d’architecture HTC offrant aux étudiant·e·s qui le diaires, aux dates convenues, de l’état d’avance- souhaitent un environnement conjoint, permettant ment des recherches et projets de groupe et d’approfondir leurs connaissances et savoirs eu individuels) et sa participation active et engagée égard aux spécificités pédagogiques qui distinguent durant les ateliers, tant autour de son propre l’atelier et les questions d’architecture. projet qu’autour des autres projets ou lors des autres activités. Des évaluations partielles seront Plus largement, l’atelier veillera à identifier des communiquées à l’étudiant·e tout au long de thématiques de projet pouvant être alimentées par l’année, à l’issue des moments clés, avec une certains axes de recherche développés (ou à synthèse de celles-ci à l’issue du premier investiguer) au sein du laboratoire hortence. semestre. Pratiques critiques se veut également chambre 2. Lors des jurys de fin d’années, une évaluation d’écho de l’actualité culturelle architecturale et se finale du projet dans sa globalité, prenant en fera le relai des expositions, conférences, rencontres, compte non seulement le projet final, mais débats, publications qui égrènent toute année également la démarche réflexive qui l’a précédé. académique, en résonance avec les sujets portés par les étudiants. 7
Bibliographie Le but de l’atelier est d’explorer le champ du savoir, plus que de le prescrire. Cette bibliographie propose donc une série de publications visant à stimuler la recherche d’autres sources, proches à l’étudiant·e et au contexte de son travail. AGAMBEN, Giorgio, Ce qui reste d’Auschwitz : GEERS, Kersten, The model as a Plan. A Monument l’archive et le témoin, Paris, Payot & Rivages, ti Scientific Error, in revue Oase 84, 2011, pp. 2003. 62-66. AGREST, Diana, Architecture from Without: HANNA, Christophe, Argent, Paris, éd. Amsterdam, Theoretical Framings for a Critical Practice, 2018. Cambridge, MIT Press, 1991. HAYS, Michael, « Critical Architecture Between BAUDRILLARD, Jean, Simulacre et simulations, Culture and Form », Perspecta, vol. 21,1984, p. Paris, Galilée, 1981. 14–29. BORASI, Giovanna, The Other Architect: Another HIRSCH, Nikolaus et Markus MIESSEN (dir.), What Is Way of Building Architecture, Montréal, CCA, Critical Spatial Practice?, Sternberg, Berlin, 2015. 2012. BRAIDOTTI, Rosi, The Posthuman, Cambridge, KIESLER, Frederick J, Endless Space, dir. Peter Polity, 2013. Noever, Berlin, Hatje Cantz, 2001. COCKER, Emma, The Yes of the No, Sheffield, Site LAUMONNIER, Alexandre, 4, Bruxelles, Zones gallery, 2016. Sensibles, 2014. D’AGATA, John et Sophie RENAUT (trad.), Yucca QUINTANE, Nathalie, Un Hamster à l’École, Paris, Mountain, Bruxelles, Zones Sensibles, 2012. Fabrique éd., 2018. D’HUY, Julien, Cosmogonies. La préhistoire des MORISOT, Baptiste, Sur la Piste Animale, Actes Sud, mythes, Paris, La découverte, 2020. 2018. DELATTRE, Valérie, Archéologie du handicap, in RUDOFSKY, Bernard, Architecture Without revue Les nouvelles de l’archéologie, Sept Architects, New York, MoMA, 1964. 2021. SATTER, Todd, Simulacrum in the Tableaux Vivants DEMAND, Thomas et Hal FOSTER, The Dailies, of Thomas Demand, sur http://www. Londres, Mack, 2015. anyspacewhatever.com/simulacrum-in-the- DESPRET, Vincianne, Habiter en oiseaux, Arles, tableaux-vivants-of-thomas-demand/ Actes Sud, 2019. SCOTT, James C., Homo Domesticus, une histoire DIDI-HUBERMAN, Georges, Images malgré tout, profonde des premiers États, Yale University, Paris, éd. de minuit, 2003. ré-éd. La Découverte, 2021. FELDMAN, Hans-Peter, Voyeur, Cologne, Walther STENGERS, Isabelle, La Vierge et le neutrino, Paris, Koenig, 2011. Les Empêcheurs de penser en rond, 2006. FILLIOU, Robert, Teaching and Learning as TARKOS, Christophe, L’enregistré, Paris, POL, 2014. Performing Arts, facsimile, 1970. TILL, Jeremy, Architecture Depends, Cambridge, MIT FOUCAULT, Michel, « Des espaces autres » Press, 2008. (conférence au cercle d’études architecturales, TSCHUMI, Bernard, Questions of Space: Lectures on 14 mars 1967) in Dits et Écrits II, Gallimard, Architecture, London, Architectural Association, Paris, p. 1571. 1995. FRICHOT, Hélène, (How to Make Yourself a) Feminist ZIMMER, Alexis, Brouillard toxique, Bruxelles, Zones Design Power Tool, Baunach, AADR, 2019. Sensibles, 2019. 8
Carte représentant le Mont Iseran, une erreur de cartographie érigée en vérité géographique. 9
Contacts Jean-Didier Bergilez (coordinateur administratif) Jean-Didier.Bergilez@ulb.be Vincent Brunetta Vincent.Brunetta@ulb.be Sara Crémer Sara.Cremer@ulb.be Jean-Sébastien De Harven (coordinateur pédagogique Q2) Jean-Sebastien.De.Harven@ulb.be Carlo Goncalves Carlo.Goncalves@ulb.be Carlo Menon Carlo.Menon@ulb.be Antoine Wang (coordinateur pédagogique Q1) Antoine.Wang@ulb.be 10
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