Quand M6 révèle l'existence en exclusivité d'un mouvement protestant vieux de quatre siècles ! - Reforme.net

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Quand M6 révèle l'existence en exclusivité d'un mouvement protestant vieux de quatre siècles ! - Reforme.net
Publié le 8 mai 2021(Mise à jour le 11/05)
Par Jean-Luc Mouton

Quand M6 révèle l’existence en
exclusivité d’un mouvement
protestant… vieux de quatre
siècles !
Jamais en mal de sensationnel et d’inédit M6 prétend ce dimanche 9 mai nous
introduire dans «l’une des communautés les plus mystérieuse de la planète : les
Mennonites.

«Cultivateurs, les Mennonites fuient le monde moderne, ses tentations, et fondent
des colonies dans les endroits les plus reculés d’Amérique du Sud.» explique M6.
Mieux la chaîne annonce superbement que ses reporters ont pu
exceptionnellement partager la vie des gens si mystérieux qui «créent de leurs
propres mains des villages entiers et vivent entre eux, refusant catégoriquement
de se mélanger aux populations locales». Pour cela M6 est allé enquêter «au fin
fond de l’Amazonie, au coeur d’une des régions les plus isolés du monde».

Fallait pas vous donnez tant de peine a-t-on envie de leur dire suite à ce
reportage, des mennonites, il y en a en France, en Alsace, en Franche-Conté et
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même en banlieue parisienne !
Mais, précision, les mennonites qui représentent la branche principale de cette
réforme radicale ne sont pas exactement les mêmes que les communautés amish
dont parle le reportage de M6.

Mais qui sont en réalité ces fameux
mennonites ?
Les mennonites sont issus directement issus de la Réforme protestante du XVIe
siècle. Mais au sein de ce mouvement qui touche toute l’Europe plusieurs
tendances se dégagent au fil du temps. Ainsi naît en Suisse autour de Zurich ce
qu’on a appelé la Réforme radicale. Dès cette époque certains réformateurs ont
voulu une séparation entre les Églises et l’État. Ils revendiquaient de vivre une vie
de foi à l’exemple du Christ, en pratiquant la non-violence.

Signe particulier, cette réforme radicale a été combattue et persécutée à la fois
par les catholiques et les protestants calvinistes ou luthériens ! Trop disruptifs et
non-conformistes dirions-nous aujourd’hui.
Trois grandes familles anabaptistes ont survécu aux persécutions du XVIe siècle :
les familles suisse, sud-allemande-morave et néerlandaise. Elles partageaient
toutes la même théologie du baptême des adultes, un pacifisme fondé sur le
sermon sur la montagne, une forte revendication de séparation entre l’Église et
l’État et une tendance à la « non-conformité » selon l’appel de l’épître aux
Romains chapitre 12. « Ne vous conformez pas au siècle présent… » Le terme «
mennonite » vient du principal leader des anabaptistes aux Pays-Bas à partir de
1536, un prêtre catholique devenu anabaptiste, du nom de Menno Simons.
Ils ont tous mis aussi un fort accent sur la vie communautaire comme lieu de vie
et d’expression privilégiée de la foi. L’Église est, pour eux, le rassemblement des
croyants qui ont choisi, en toute connaissance de cause, d’adhérer à un tel projet
de vie. Pour cette raison, ils pratiquent le baptême des adultes qui choisissent de
s’engager. Leur refus de porter l’arme a souvent provoqué leur marginalisation.

Les amish de M6 sont issus de ce
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mouvement mennonite.
Au XVIIe siècle, la branche des amish est apparue. Ce mouvement aborde avec
suspicion toute innovation technique qu’il soupçonne d’engendrer un
individualisme problématique. Mais d’autres mouvements adoptent plus
volontiers les innovations. Certains, comme les huttériens, ont des fermes
modernes, mais pratiquent la communauté universelle des biens (ce qui n’est, en
revanche, pas le cas des amish). En Amérique du Nord, comme du Sud, il existe
toute une gradation de mouvements, depuis les plus conservateurs, proches des
amish, jusqu’aux plus libéraux.

En résumé, voilà une branche du protestantisme tout à fait repérée et connue
depuis plus de quatre siècles vendue comme extraordinaire découverte ! Quand
l’ignorance fait vendre…

Dimanche 9 mai à 23:10 dans “Enquête Exclusive”

Lire également
  Qui sont les amish ?

Publié le 27 février 2020(Mise à jour le 6/03)
Quand M6 révèle l'existence en exclusivité d'un mouvement protestant vieux de quatre siècles ! - Reforme.net
Par Claire Bernole

Non-violence: des outils pour les
artisans de paix
Les conflits sont partout. Alors, en Suisse, les Églises mennonites proposent des
formations permanentes pour les gérer.

Le désir de paix est là, personne ne dira qu’il préfère vivre en guerre. Mais la
réalité montre que la résolution de conflits n’a rien d’évident. Ce constat a
conduit la consultante en communication et médiation Déborah Sellé à se former
pour comprendre et acquérir des outils favorisant des solutions. À la demande de
l’Église évangélique baptiste de Paris-Centre, elle interviendra lors d’une soirée
intitulée “Les conflits : un parcours de grâce, de la douleur à l’étonnement”. Si les
situations de tension restent encore taboues dans les paroisses, de telles
initiatives sont certainement de moins en moins isolées.

À travers le Centre de formation du Bienenberg (Suisse), les Églises mennonites
proposent même des formations permanentes en allemand en transformation des
conflits. Il n’y a pas d’enseignement dédié en français, mais différents parcours
comportent un volet sur les fondements bibliques, théologiques et éthiques de la
non-violence, ou la non-violence comme moyen de transformation des conflits.

Aborder les sujets sensibles
Aussi, la formation “Points chauds”, dont la vocation est d’aborder les sujets
sensibles dans les Églises évangéliques, intègre notamment une journée de débat
entre la position pacifiste et la position de la guerre juste. C’est également
l’occasion d’un travail de fond. “En donnant la parole à deux voix opposées, la
formation cherche à développer une pratique de la paix, où l’on peut se parler,
s’écouter, chercher les points communs, nommer les divergences, se respecter”,
décrit Michel Sommer, enseignant en théologie au Centre Bienenberg. Pour
l’année 2019-2020, une centaine de personnes auront abordé, en français,
directement ou indirectement, la question de la non-violence.

Comme Déborah Sellé le souligne de son côté, Michel Sommer remarque que les
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besoins des communautés et des familles sont grands, mais que la demande en
matière de formation à la communication non violente ou à la résolution des
conflits est rarement exprimée. Y compris dans les Églises mennonites, que
l’histoire a pourtant placées du côté des pacifistes.

S’en tenir à la Bible
Plusieurs raisons peuvent l’expliquer. D’une part, ces formations, perçues par
certains comme marquées du sceau des sciences humaines, ne paraissent pas
prioritaires dans un univers évangélique où l’on préfère s’en tenir à la Bible. En
outre, les Églises mennonites font face à un paradoxe : “Elles ont plutôt
développé une culture d’évitement des conflits. Or, inviter à se former pour les
résoudre, c’est reconnaître qu’il y a bien des problèmes”, ajoute Michel Sommer.

“Pour ma part, pointe Frédéric Baumann, chrétien et médiateur par la
communication non violente, j’ai tout de suite vu le lien avec les paroles du Christ
: aimer l’autre, agir en mettant davantage de conscience dans nos paroles et nos
actes. Tout n’est pas dans une théologie mais aussi dans des outils tels que la
communication non violente, au service de l’appel de Jésus à aimer son prochain.”
Un chargé de mission a été mandaté par la Commission des ministères des
Églises mennonites de France pour intervenir auprès des communautés, de leur
conseil ou de leurs membres dans des contextes tendus. “Et son travail est
apprécié”, confirme Michel Sommer.

Initiative adventiste
“Il y a une dizaine d’années, j’ai été confronté à des situations assez difficiles.
J’avais tendance à tout garder pour moi, ce qui n’était pas sans conséquences.
Puis j’ai découvert qu’avec les techniques de communication non violente, je
pouvais exprimer mon ressenti de manière constructive”, raconte le pasteur
adventiste Frédéric Fourgassié.

De fil en aiguille, en en parlant autour de lui, il est amené à organiser des
rencontres pour les couples, puis pour les personnes de la communauté chargées
de responsabilités et les membres d’églises intéressés. Sur sa proposition, un
week-end regroupant les pasteurs de l’Union franco-belge de l’Église adventiste
et leurs familles a été consacré à cette thématique, traitée par une intervenante
professionnelle.

Peu de place aux émotions
C’est aussi à son initiative personnelle que Frédéric Baumann, également
formateur, est entré dans le sujet. Après s’être notamment formé en théologie
anabaptiste et en communication non violente, il a eu l’occasion d’animer une
conférence qui l’a amené ensuite à développer différents formats d’intervention.
“Notre éducation, notre culture d’église ne laissent pas beaucoup de place aux
émotions. Il ne faut pas avoir peur, il ne faut pas se mettre en colère… alors que
l’homme est un tout indissociable”, rappelle-t-il.

Des églises mais aussi des associations font désormais appel à lui. La teneur
biblique du message est alors adaptée en fonction du public. Pour cet homme, qui
a mis entre parenthèses sa carrière d’ingénieur depuis trois ans, “cela permet de
cheminer vers des relations différentes, de redonner de l’espoir”. Quand il
découvre la mystique orthodoxe, la tradition des Pères du désert, la prière du
cœur, l’exercice d’ascèse sur les passions humaines, il y voit des outils
complémentaires à la communication non violente et dont il s’inspire aussi. “Tout
est relié. Cela m’a conduit sur une voie d’apaisement dans mes relations”,
conclut-il.

Communiquer autour de ses ressentis
Comment ces approches sont-elles perçues ? “Chaque fois que j’ai abordé le sujet,
cela a été reçu de manière positive mais pour que cela ait un effet, il faudrait
pratiquer, multiplier les exercices pour que les méthodes de la communication
non violente viennent naturellement au moment où une difficulté se présente,
estime Frédéric Fourgassié. C’est comme si on apprenait un langage nouveau, on
n’est pas habitué à s’exprimer de cette façon.” L’objectif est de communiquer
autour de ses ressentis en articulant quatre points : partir des faits au lieu de les
interpréter et de juger, nommer l’émotion suscitée, dire pourquoi et formuler une
demande qui ne sonne pas comme une critique. “Arriver à mettre en œuvre ne
serait-ce que le premier point aurait déjà un énorme impact sur nos relations”,
affirme le pasteur.

“Quand on fait de belles découvertes, on ne le garde pas pour soi”, décrit Frédéric
Baumann qui continue d’animer des ateliers. La méthode a une vocation plus
large que la gestion de conflits. Elle permet d’être à l’écoute d’une personne qui
raconterait une histoire douloureuse, d’apprendre à parler en “je” plutôt qu’en
“tu” pour éviter le ton du reproche, ou encore d’accepter que l’autre n’accède pas
à une demande même si elle paraît légitime. “Ces outils sont utilisables par tous,
en toutes occasions et dans tous les domaines de la vie”, assure Frédéric
Fourgassié.

À VENIR

Les conflits : un parcours de grâce, de la douleur à l’étonnement. Samedi 29
février, 18h 30, 72 rue de Sèvres 75007 Paris.
Prochain cycle « Points chauds » Octobre 2020-avril 2021
fr.bienenberg.ch/points-chauds.

Publié le 31 octobre 2018(Mise à jour le 31/10)
Par Laure SalamonClaire Bernole
Quel bilan pour le Forum chrétien
francophone ?
Le premier Forum chrétien francophone s’est tenu à Lyon du 28 au 31 octobre et
a réuni 220 participants.

C’est une grande première. Le Forum chrétien francophone s’est tenu à Lyon du
28 au 31 octobre 2018. Il a réuni 220 participants issus des quatre grandes
confessions chrétiennes : catholique, orthodoxe, anglicane et protestante dont des
baptistes, des mennonites, des luthériens, des réformés, des évangéliques, des
pentecôtistes… Les représentants sont venus de toute la France, de Belgique et
de Suisse ainsi que quelques représentants de l’Afrique francophone qui vivent en
France.

Se connaître, échanger et témoigner
« L’objectif de ce Forum chrétien est de permettre à des représentants des
Églises de se rencontrer pour se connaître, échanger sur leurs traditions d’Église,
relire nos histoires communes dans un climat de confiance et de bienveillance. Et
ensuite d’aller témoigner auprès de nos contemporains », explique Anne-Laure
Danet, pasteure en charge de l’œcuménisme au sein de la Fédération protestante
de France.

Le Forum est né de cette envie de se rencontrer sans devoir aboutir à une
position commune sur un sujet théologique. Une rencontre gratuite, confiante et
bienveillante.

Arrivés dimanche soir, les participants se sont retrouvés ensemble pour des
temps de prière et de méditation biblique. En sous-groupe, ils ont échangé sur
leur cheminement de foi pour apprendre à se connaître en se racontant comment
ils avaient rencontré Dieu et avaient été appelés, comment aussi, l’autre les a
enrichis. « Je peux apprécier quelque chose dans une autre Église que la mienne
sans pour autant me dire que je veux ou que je dois me l’approprier », a confié
l’une des participantes.

Le mardi après-midi, les participants sont allés à la rencontre des Lyonnais pour
témoigner d’une présence religieuse dans la cité, participer à des actions
caritatives avec des associations partenaires des Églises. Le séjour n’était pas
terminé qu’Amandine Beffa exprimait déjà son émerveillement devant l’ambiance
et la qualité du partage. « Il ne se passe pas de grandes choses en apparence
mais de manière sous-jacente, une multitude de petits liens se tissent », affirmait
la jeune femme venue de Genève avec une délégation interconfessionnelle d’une
vingtaine de personnes.

« C’est la première fois que nous organisons un tel événement, mais nous ne
souhaitons pas forcément qu’il soit systématisé, précise Anne-Laure Danet. Nous
voulons impulser une dynamique d’échanges partout en France, donner ce goût
de la rencontre. Il n’y a pas de lieu pour que des représentants d’Église
pentecôtiste rencontrent ceux des Églises orthodoxes, poursuit la pasteure. C’est
un enjeu majeur pour avancer dans notre société, en perte de repère et de
religieux. Nous avons quelque chose à dire ! C’est mieux si nous nous
connaissons, nous pourrons ainsi faire et dire des choses ensemble. »

Un texte de témoignage et d’exhortation à découvrir et connaître d’autres Églises
doit servir de message final.

Publié le 24 octobre 2018(Mise à jour le 24/10)
Par Marie Lefebvre-Billiez
Quels sont les différences entre les
mennonites et les amish ?
Alors que des mennonites mexicains ont quitté leurs terres, pour cause de
modernité, entretien avec le théologien Neal Blough, lui-même mennonite.

Un récent documentaire diffusé à la télévision sur les mennonites au
Bélize, en Amérique centrale, les présente comme des amish. Les deux
sont-ils liés ?

Trois grandes familles anabaptistes ont survécu aux persécutions du XVIe siècle :
les familles suisse, sud-allemande-morave et néerlandaise. Elles partageaient
toutes la même théologie du baptême [uniquement des adultes, ndlr], un
pacifisme fondé sur le sermon sur la montagne, une forte revendication de
séparation entre l’Église et l’État et une tendance à la « non-conformité » selon
l’appel de l’épître aux Romains chapitre 12. « Ne vous conformez pas au siècle
présent… »

Le terme « mennonite » vient du principal leader des anabaptistes aux Pays-Bas à
partir de 1536, un prêtre catholique devenu anabaptiste, du nom de Menno
Simons. Les anabaptistes d’origine suisse et néerlandaise ont pris le nom de
« mennonites » avec le temps. Les Moraves, quant à eux, sont devenus les
« houtteriens », du nom du dirigeant Jacob Hutter. Ces derniers pratiquent la
communauté intégrale des biens.

À la fin du XVIIe siècle, un schisme intervient au sein des communautés
mennonites, dans la région de Sainte-Marie-aux-Mines en France, qui donne
naissance aux amish. Mennonites et amish sont donc des cousins lointains, avec
des liens de proximité, des amitiés et des différences.

Comment les mennonites sont-ils arrivés en Amérique centrale ?

Au XVIe siècle, des anabaptistes néerlandais émigrent vers la Prusse, puis, au
moment de la Révolution française, vers la Russie, à l’invitation de l’impératrice
Catherine qui leur promet de les dispenser de service militaire. C’est d’ailleurs
souvent la cause d’émigration chez les mennonites, pacifistes et non-violents. En
Russie et en Ukraine, ils vivent en villages, à l’écart de la société, formant des
communautés germanophones.

Mais, vers 1870, l’exemption du service militaire commence à être remise en
cause. Certains partent alors pour les États-Unis et le Canada pour rejoindre
d’autres mennonites qui ont immigré à partir de la fin du XVIIe siècle. Ceux qui
restent font face à la Première Guerre mondiale et à la révolution bolchévique :
comme ils sont chrétiens mais aussi propriétaires, ils sont ciblés par des
persécutions. Certains partent donc aux alentours de 1920 aux États-Unis, au
Canada, mais aussi au Paraguay. Ils y reproduisent le même style de vie, dans des
villages germanophones. Certains ayant émigré vers le Canada poursuivent vers
le Mexique et l’Amérique centrale.

Ceux qui restent aux États-Unis et au Canada évoluent vers plus de modernité,
tandis que ceux qui veulent garder une identité séparée vont au Mexique, au
Paraguay, au Brésil, etc.

D’ailleurs, souvent, ils ne sont pas membres de la Conférence mennonite
mondiale (CMM), fondée en 1925, dont le siège est actuellement en Colombie. Or,
ce sont les mennonites qui ne sont pas membres de la CMM qui attirent le plus
l’attention et passent le plus à la télévision…

Quelle est la justification théologique à ce « retrait du monde » ?

Principalement Romains 12 et le fort dualisme entre « le monde » et l’Église. Pour
moi, cela se justifiait au XVIe siècle quand toutes les autres communautés
d’Europe rejetaient les anabaptistes.

De plus, oui, il y a des moments dans l’Histoire où les chrétiens doivent marquer
leur différence. Mais quand la séparation devient une question d’ethnie et de
langue… L’histoire mennonite est traversée par la tension continuelle entre
l’assimilation et la séparation.

Aujourd’hui, en France, la « séparation » et la « non-conformité » prennent la
forme de la non-violence, du service du prochain, du partage. Certains vont
s’habiller de façon plus simple, manifester un intérêt pour l’écologie, la justice, la
médiation, etc.

Nous sommes intégrés à la modernité tout en ayant un regard critique sur la
course aux armements, le capitalisme débridé, les inégalités entre riches et
pauvres… Je constate d’ailleurs un regain d’intérêt pour la théologie anabaptiste
depuis 50 ans.

Pourquoi, selon vous, un tel intérêt renouvelé pour cette théologie
alternative et non-violente ?

La plupart des mennonites restés en Europe ont peu à peu accepté le service
militaire. Puis, il y a eu les deux guerres mondiales, et les mennonites ont
recommencé à réfléchir à la question de la violence, comme d’autres chrétiens.

Par exemple, Pierre Widmer, ancien rédacteur du magazine mennonite Christ
seul, était officier de l’armée française avant de devenir objecteur de conscience
dans un camp de prison. Ensuite, il a travaillé avec John Yoder, grand théologien
pacifiste de la seconde moitié du XXe siècle.

Propos recueillis par Marie Lefebvre-Billiez

Publié le 17 octobre 2018(Mise à jour le 10/09)
Par Réforme

Qui sont les mennonites ?
Le sociologue Frédéric de Coninck, lui-même mennonite, revient sur les
singularités de ce mouvement protestant.
Pouvez-vous rappeler les principales caractéristiques des mennonites ?

Les mennonites sont issus des mouvements de Réforme radicale, du XVIe siècle.
Dès cette époque ils ont voulu une séparation entre les Églises et l’État. Ils
revendiquaient de vivre une vie de foi à l’exemple du Christ, en pratiquant la non-
violence. On pourrait les appeler les Franciscains du protestantisme.

Ils ont mis aussi un fort accent sur la vie communautaire comme lieu de vie et
d’expression privilégiée de la foi. L’Église est, pour eux, le rassemblement des
croyants qui ont choisi, en toute connaissance de cause, d’adhérer à un tel projet
de vie. Pour cette raison, ils pratiquent le baptême des adultes qui choisissent de
s’engager. Leur refus de porter l’arme a souvent provoqué leur marginalisation.

Quelles sont leurs différences avec les amish ?

Le mouvement mennonite est divisé en plusieurs tendances.

Au XVIIe siècle, la branche des amish est apparue. Ce mouvement aborde avec
suspicion toute innovation technique qu’il soupçonne d’engendrer un
individualisme problématique. Mais d’autres mouvements adoptent plus
volontiers les innovations. Certains, comme les huttériens, ont des fermes
modernes, mais pratiquent la communauté universelle des biens (ce qui n’est, en
revanche, pas le cas des amish). En Amérique il existe toute une gradation de
mouvements, depuis les plus conservateurs, proches des amish, jusqu’aux plus
libéraux.
Publié le 17 octobre 2018(Mise à jour le 18/10)
Par Réforme

Pourquoi les chrétiens mennonites
du Mexique ont-ils choisi l’exil ?
Frédéric de Coninck, sociologue mennonite, revient sur le sort des mennonites du
Mexique.

L’État de Chihuahua, au Mexique, regroupe 60 000 mennonites. Le
gouvernement a décidé d’apporter dans cette zone l’électricité, divisant la
communauté mennonite. Pensez-vous que le gouvernement mexicain
devrait respecter les choix de vie de cette communauté ?

C’est un bel exemple de la diversité de mouvements qui composent la nébuleuse
mennonite. C’est en Amérique latine que l’on trouve certains des cercles les plus
fermés. Il existe des mouvements où les membres parlent toujours une langue
germanique. Au Chihuahua, le projet d’électrification est évalué diversement
suivant les groupes, voire suivant les personnes. Et l’ouverture à la société
mexicaine varie, aussi, beaucoup. Pour le reste, et que je sache, personne n’est
obligé d’utiliser l’électricité, même si une ligne passe devant chez lui.

Les mennonites peuvent-ils aujourd’hui encore avoir le choix de rester
hors du système sans que la modernité extérieure empiète sur leur
culture ?

La séparation des Églises et de l’État qui est apparue dans beaucoup de pays au
début du XXe siècle a changé la donne. Aujourd’hui, beaucoup de mennonites
peuvent vivre la particularité de leur foi sans être inquiétés. De fait la majorité
d’entre eux participent à la vie sociale. Il existe des communautés importantes en
république démocratique du Congo (RDC), en Éthiopie, au Nigeria : la culture de
ces communautés est avant tout africaine. L’idée d’une culture mennonite n’a de
sens que pour les quelques communautés conservatrices qui restent attachées à
de fortes traditions. La modernité est questionnée, mais pas pour des raisons
culturelles. Les mennonites continuent de réprouver l’usage des armes. Ils
interrogent, par l’importance qu’ils accordent à la vie communautaire, à tout ce
qui contribue à fragiliser le lien social. Comme la plupart des chrétiens, ils sont
circonspects devant ce que fait miroiter l’économie moderne.

Publié le 15 juin 2018(Mise à jour le 13/06)
Par Noémie Taylor-Rosner

Les chrétiens américains mobilisés
contre la bombe nucléaire
De nombreuses Églises américaines multiplient les appels à la prière et les
actions de lobbying auprès du Congrès.

C’est désormais une habitude. Tous les dimanches, le révérend Jae Lew et ses
fidèles prient pour la paix entre Washington et Pyongyang. L’initiative adoptée
par cette communauté méthodiste coréenne de Granada Hills, au nord de Los
Angeles, est loin d’être une exception aux États-Unis. De la Californie au Texas,
des prières collectives et des veillées se sont multipliées ces derniers mois au sein
des quelque 4 000 églises de la communauté américano-coréenne. La menace
nucléaire est depuis longtemps une source de préoccupation pour le 1,3 million
de chrétiens coréens qui vivent aux États-Unis. Depuis l’escalade des tensions
entre Donald Trump et Kim Jong-un puis la surprise suscitée par l’annonce d’un
sommet entre les deux chefs d’État, les Églises coréennes se sont tout
particulièrement mobilisées.

Originaire majoritairement du sud de la péninsule, la diaspora soutient la
dénucléarisation de la Corée du Nord et attendait beaucoup du sommet de
Singapour au cours duquel Washington et Pyongyang viennent de trouver un
accord. Ces derniers jours, de nombreuses Églises issues ou proches de la
communauté coréenne avaient multiplié les communiqués appelant à prier pour le
succès de cette rencontre historique. « Nous élevons nos cœurs et prions pour la
réussite de cette réunion et des négociations qui en découleront. Rappelons que
des millions de Coréens dans la diaspora aspirent à une paix véritable et, pour
beaucoup, à la réunion avec leurs familles », souligne ainsi le pasteur Herbert
Nelson, cadre de l’Église presbytérienne, à laquelle un grand nombre
d’Américano-Coréens sont affiliés.

Aux États-Unis, les Églises coréennes sont loin d’être les seules à s’impliquer
dans le débat sur le nucléaire. Militants pacifistes radicalement opposés à l’arme
atomique, les quakers sont un des groupes les plus mobilisés et les plus influents
sur la question, bien qu’il s’agisse d’une communauté rassemblant moins de
90 000 personnes. Le secret de ce succès : un très ancien réseau de lobbying à
Washington et une capacité de rassembler bien au-delà du mouvement religieux
qu’il représente. « Le Friends Committee on National Legislation [FCNL, le plus
ancien lobby religieux de la capitale américaine, ndlr], existe depuis 75 ans
maintenant et travaille sur la question de l’arme atomique depuis l’aube du
nucléaire », explique Jim Cason, directeur chargé de la politique étrangère et de
la stratégie de sensibilisation du FCNL.

« Bien que notre présence dans ce pays soit plutôt restreinte, le FCNL compte
une cinquantaine d’employés et une vingtaine de lobbyistes. Nous travaillons avec
92 équipes réparties sur tout le territoire. C’est là un véritable atout et la raison
de notre influence, souligne Jim Cason. Grâce à notre présence locale, nous
sommes parvenus à convaincre un certain nombre de sénateurs républicains
d’exprimer leurs inquiétudes après certaines envolées verbales de Donald Trump
au sujet de la bombe atomique. »
Un langage irresponsable
En novembre 2017, pour la première fois depuis quarante ans, la commission des
Affaires étrangères du Sénat s’est réunie pour examiner la possibilité de modifier
la législation qui donne au président américain le pouvoir de déclencher l’arme
nucléaire. « Un certain nombre de démocrates et de républicains sont inquiets de
voir se développer une forme d’irresponsabilité et de légèreté dans la manière de
parler des armes nucléaires », conclut Jim Cason. Outre le dossier nord-coréen, le
FCNL a été très actif, en 2015, lors des discussions autour du traité sur le
nucléaire iranien. Le lobby quaker a également joué un rôle important en
contribuant à bloquer le développement des « bunker busters », des bombes aux
effets dévastateurs permettant de pénétrer des cibles fortifiées ou enterrées en
profondeur. Le groupe s’est enfin largement mobilisé pendant la campagne en
faveur du New START, un traité de réduction des armes nucléaires entre les
États-Unis et la Russie, entré en vigueur en 2011.

Très actifs contre la prolifération nucléaire depuis la guerre froide, les
mennonites se sont eux aussi mobilisés sur le dossier nord-coréen. Outre des
actions de lobbying à Washington et des appels à la prière, l’Église pacifiste a
concentré ses efforts sur le domaine éducatif, en partant du principe qu’on ne
peut mobiliser la population sur un sujet que si cette dernière en comprend
réellement les enjeux. En mai dernier, elle a donc mis en ligne plusieurs podcasts
et vidéos pédagogiques afin d’aider ses membres à maîtriser ce dossier complexe.
Publié le 9 mai 2018(Mise à jour le 3/05)
Par Nathalie Leenhardt

Les mennonites européens se
réunissent à Montbéliard
Les mennonites européens se réunissent à Montbéliard, du 10 au 13 mai lors
d’une grande Conférence, comme ils le font tous les six ans.

Ils sont peu ou mal connus, sont moins nombreux que dans d’autres pays
européens, en Suisse, aux Pays-Bas ou en Allemagne, mais travaillent à
l’implantation de nouvelles assemblées, comme à Pontarlier. Ils, ce sont les
mennonites français, une des familles protestantes parmi les plus anciennes de
notre pays. « On repère la première Église en 1523, en Alsace », raconte Michel
Paret, pasteur ÉPUdF de Montargis qui exerça pendant plusieurs années son
ministère chez « les mennos », comme il dit avec affection, utilisant un diminutif
lui aussi méconnu.

Neal Blough, théologien mennonite, revient sur le grand rassemblement, qui se
tiendra dans quelques jours à Montbéliard (25). « Depuis une ou deux
générations, des communautés ont émergé au Portugal, en Espagne, en
Angleterre, en Lituanie. Avec la chute du Mur, des mennonites russes ou
ukrainiens ont également émigré en Allemagne. »

C’est cette mosaïque de communautés variées qui se retrouvent tous les six ans
au niveau européen, en alternance avec la Conférence mondiale des mennonites
qui réunit également les cousins d’Amériques du Nord et du Sud. « La Conférence
mondiale a créé un poste de coordination au niveau européen. C’est dire si l’on a
pris conscience de la nécessité de créer des liens à l’échelle de ce continent »,
poursuit Neal Blough, professeur à la faculté libre de théologie évangélique de
Vaux-sur-Seine et lui-même américain.

Le Nord et le Sud
Car les débats qui traversent d’autres Églises ou unions d’Églises n’échappent
pas au monde mennonite. « On a longtemps dégagé deux grandes tendances :
dans les pays du Nord, en Allemagne, aux Pays-Bas, les communautés sont plus
urbaines, avec une théologie plus libérale ; dans le sud de l’Allemagne, en France,
en Suisse, les communautés sont davantage rurales, de tradition piétiste, plus
proches du monde évangélique, poursuit Neal Blough. Ces variantes se doublent
de la nécessité, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, de retravailler la
théologie de la non-violence, de la paix, auxquelles s’ajoute la problématique de
l’ouverture au monde. Ce sont ces thématiques qui sont au cœur des rencontres
européennes. Tous les mennonites partagent ce sentiment d’appartenir à une
même famille, d’avoir une histoire commune, tout en se sachant plus évangéliques
ou plus libéraux. »

Une tension – une fécondité – qui en rappelle d’autres… D’ailleurs, les mennonites
français sont en réflexion depuis de nombreuses années pour savoir s’ils
souhaitent rejoindre la Fédération protestante de France, le CNEF (Conseil
national des évangéliques de France) ou les deux. Le processus est d’autant plus
complexe que les différentes assemblées divergent sur ces affiliations et que la
tradition mennonite est à une forte collégialité. Toute décision doit réunir
l’assentiment de 75 % des délégués.

Pour œuvrer au rapprochement, rien ne vaut mieux alors, comme partout, que le
travail de terrain. Au niveau mondial, les mennonites ont lancé un grand projet
d’entraide pour la Syrie, avec de nombreux appels de fonds et l’envoi de kits
scolaires. En France, une mobilisation se prépare, en lien avec les quakers et
d’autres associations, à l’occasion du salon du Bourget, Eurosatory, pour
dénoncer le commerce des armes, une initiative sur laquelle Réforme reviendra.

Des liens avec les États-Unis
« On ne peut oublier que, proportionnellement à leur nombre, les mennonites
français sont très engagés dans le travail social, rappelle Michel Paret. Et qu’il y a
un vrai savoir-faire en direction de la jeunesse, une dynamique dont d’autres
Églises pourraient tirer exemple. Ainsi, depuis des années, les jeunes mennonites
partent-ils dans des camps organisés par les Églises sœurs au Canada ou aux
États-Unis et accueillent, en retour, de jeunes Américains ou Canadiens. »

Une façon de faire vivre l’Église universelle…

  Un héritage à transmettre
  C’est la première fois que neuf unions d’Églises ont préparé ensemble la
  conférence. Elles proviennent de France, des Pays-Bas, de Suisse, d’Allemagne,
  d’Autriche, du Portugal et d’Espagne. Des personnes venant d’Italie,
  d’Angleterre, de Pologne, de Lituanie, d’Ukraine, de Serbie et d’Albanie se sont
  aussi annoncées, explique Max Wieder, président du comité de pilotage de la
  CME2018, sur le site de l’organisation. Au programme : le spectacle Loin de
  chez nous qui met en scène la transmission d’un héritage « qu’on ne peut pas
  garder pour soi ». De toute l’Europe une centaine d’acteurs, de musiciens
  interprètent une fresque théâtrale accompagnée de productions vidéo ; mais
  aussi des activités spéciales pour les jeunes, un concert de louanges, des
  témoignages d’acteurs de paix, une exposition de patchworks…

  Programme de la Conférence mennonite européenne : cme2018.com
Publié le 20 avril 2018(Mise à jour le 19/04)
Par Antoine Nouis

Apprendre l’éducation à la paix,
par la pasteure Silvie Hege
Pasteure mennonite, Silvie Hege propose un matériel pour former les jeunes
à l’éducation à la paix. Cette pratique évangélique nécessite un apprentissage,
car elle n’est pas naturelle.

Est-ce le rôle de l’Église de former les jeunes à la non-violence ?

Une remarque préalable sur le terme de non-violence : la négation peut donner
l’impression qu’il s’agit seulement d’absence de violence. Aussi l’expression
d’éducation à la paix me semble-t-elle préférable.

L’Église croit-elle vraiment que la paix et la justice sont au cœur du projet de
Dieu pour la création ? Oui ? Alors suivant l’enseignement et l’exemple de Jésus,
et par la force de l’Esprit, elle doit poser des signes de ce projet divin de paix et
de justice et en témoigner au sein de la communauté et aussi à l’extérieur.
Cependant être ouvrier de paix ou ministre de la réconciliation ne s’improvise
pas ! Il n’est qu’à voir comment, dans les communautés, certains conflits
dégénèrent ou aboutissent à la victoire du plus puissant. Si les principes de la
communication non-violente sont connus, sa pratique n’est pas si facile. Agir de
façon non-violente s’apprend, se cultive et donc s’enseigne. Cet enseignement fait
partie des responsabilités de l’Église : éduquer les enfants et les jeunes à la paix,
notamment par le biais d’outils de la communication non-violente en insistant sur
l’enracinement de cette démarche au cœur même de l’Évangile.

Votre matériel propose de nombreux jeux. Quelle est la motivation
pédagogique de cette approche ?
Chaque séance débute, en guise d’accroche, par un ou deux jeux afin de faire
découvrir la thématique aux participants. Après l’étude d’un texte biblique, une
activité de réinvestissement, souvent un jeu, vient conclure la séance.

Une pédagogie participative et active est à la base de ce dossier. La tête, le corps,
l’affectif sont sollicités au cours des différentes activités afin que les enfants
soient actifs et non passifs.

Ayant été enseignante, je sais qu’il n’est pas suffisant de lire ou d’écouter pour
s’approprier une notion. J’avais pu développer une formation à la médiation par
les pairs et un projet d’éducation à la paix et j’avais constaté l’intérêt des jeux
coopératifs, des jeux de rôle… Notons toutefois que leur intérêt réside souvent
davantage dans le bilan et le retour qui en sont faits que dans le jeu lui-même.

Le premier chapitre travaille sur l’estime de soi. Est-ce important pour
former à la non-violence ?

Dieu demande à chacun d’aimer son prochain comme soi-même. Comment l’aimer
si je ne m’accepte pas moi-même ? Il est important que chaque jeune ait une
conscience positive de lui-même.

Or, dans une société qui valorise tant la performance, les résultats scolaires
notamment, ce n’est pas si simple. Une conscience de soi positive recouvre la
confiance en soi, l’estime de soi qui interroge notre valeur à travers le regard des
autres et l’affirmation de soi indispensable à la construction d’une réelle
autonomie.

Sans image positive de soi, comment aborder les autres sereinement, comment
gérer le stress que provoque tout apprentissage, pas seulement scolaire
évidemment, comment dépasser l’agressivité que l’on rencontre inévitablement
dans toute vie collective ?

La confiance en Dieu que l’enfant acquiert progressivement et la confiance en soi
génèrent la confiance en l’autre puis progressivement la confiance face à
l’inconnu et même face à des éléments qui déstabilisent. Enfin renforcer l’estime
de soi et la confiance en soi aide à résister aux comportements extrêmes de
violence verbale ou physique que l’enfant peut rencontrer.

Vous proposez un chapitre qui traite la gestion des conflits. Ne vaudrait-il
pas mieux enseigner les moyens de les éviter ?

Le conflit fait partie de nos vies ! Il fait partie de la relation. Inévitable, il peut
cependant être transformé. Transformé plutôt que géré, car gérer un conflit
évoque une approche de maîtrise. Résoudre un conflit donne l’impression que
tout peut être résolu. Or ce n’est pas le cas. Transformer indique que le conflit ne
va ni disparaître ni être complètement résolu. Il peut être facteur de changement.
Même les conflits douloureux.

Les pratiques telles que l’écoute, la reformulation, la coopération, la médiation
doivent être enseignées afin de montrer qu’une autre voie est possible,
contrairement à ce que peut présenter la société. Il est possible d’agir de façon
non-violente… si l’on s’est formé à cela.

La communauté est le lieu privilégié pour expérimenter la paix, la réconciliation,
le pardon. Alors offrons aux jeunes la possibilité d’agir autrement que par peur
des événements et de s’ouvrir à des comportements nouveaux suscités par
l’empathie.

Propos recueillis par Antoine Nouis

À lire
Paix ! mes brebis… activités d’éducation à la non-violence, Silvie Hege, Éditions
Mennonites, 108 p., 10 €
Publié le 30 août 2017(Mise à jour le 27/05)
Par Claire Bernole

Journée    nationale  de   la
Résistance, des femmes et des
hommes protestants
Alors que l’Assemblée du Désert célèbre les 500 ans du geste de Luther, Réforme
publie les parcours emblématiques de quelques-uns de ces successeurs, extraits
de l’ouvrage collectif publié par la FPF.

La Journée nationale de la Résistance est l’occasion de rend hommage à ces
femmes et ces hommes qui ont donné leur vie pour notre pays.

La date anniversaire rappelle la création du Conseil National de la Résistance,
l’instance mi sen place par la France Libre autour de Jean Moulin.

Parmi ces héros courageux et discrets de nombreux protestants et protestantes
que notre journal avait rencontrés il y a quelques années. Certains depuis sont
morts depuis. Ils font la fierté de notre pays et du protestantisme.

Édith du tertre(1912-2005) et
Hélène Engel (1902-1984)
 Fondatrices de l’ACAT
DR

Deux femmes protestantes sont à l’origine de la création de l’Action des chrétiens
pour l’abolition de la torture (ACAT), le 16 juin 1974. Lors d’une conférence le
pasteur Tullio Vinay, qui revient du Vietnam, décrit les tortures pratiquées y
compris sur des enfants. « Pendant combien de temps laisserons-nous défigurer le
visage du Christ ? », demande-t-il. Bouleversées par cet appel, Hélène Engel, 72
ans, et son amie Édith du Tertre, 62 ans, toutes les deux filles de pasteurs,
décident de s’engager dans la lutte contre la torture. Elles y consacreront le reste
de leur vie.

Membres de l’Église réformée, elles choisissent de mobiliser particulièrement les
chrétiens, parce qu’elles considèrent que le message de l’Évangile est
incompatible avec la torture. « Il faut, disent-elles, que les chrétiens réagissent à
la torture en quelque lieu que ce soit, et qu’ils réagissent tous ensemble. » Elles
réunissent autour d’elles des amis protestants, catholiques et bientôt des
orthodoxes. La vocation œcuménique, jamais démentie, de l’ACAT est née.

David Boydell

Menno Simons (1496-1561)
Fondateur de l’Église mennonite
DR

Simons naît près de Leeuwarden, dans le nord des Pays-Bas, et il est ordonné
prêtre à Utrecht en 1528. Il a des doutes au sujet de la transsubstantiation et en
lisant la Bible il rejette aussi le baptême des enfants. Il est connu comme un
« prédicateur évangélique » à l’intérieur de l’Église catholique, car ses
prédications sont fondées sur l’Écriture, et il commence aussi à écrire. Il connaît
le mouvement anabaptiste dont il condamne les excès mais, en 1536, après
beaucoup d’hésitations, il accepte l’invitation d’un groupe d’anabaptistes à
devenir leur ancien, renonçant à son poste dans l’Église catholique « pour
accepter la pauvreté sous la croix du Christ ».

Pendant dix-huit ans, il n’a pas de demeure fixe et il poursuit un ministère
itinérant dans le nord des Pays-Bas et en Allemagne, de Emden à Dantzig,
prêchant et baptisant des personnes en secret. Plusieurs personnes sont mises à
mort pour avoir été baptisées par lui ou pour l’avoir hébergé. Le seul endroit fixe
où il peut s’installer est Wüstenfelde, dans la province de Holstein, où il a pu
passer les dernières années de sa vie.

Dans son enseignement, il met l’accent sur la conversion et la vie du disciple
(Nachfolge), sur la discipline dans l’Église (qui doit imiter la pureté du Christ), et
sur le pacifisme qu’il considère comme conforme au Nouveau Testament.

D. B.
Madeleine Barot (1909-1995)
Secrétaire générale de la Cimade en 1940

DR

Alors qu’elle se destinait à une carrière d’historienne et d’archiviste débutée en
1934, Madeleine Barot est saisie par l’une des conséquences de la guerre : l’afflux
des réfugiés, juifs le plus souvent, fuyant la zone occupée et internés par le
gouvernement de Vichy. Elle y avait été préparée par son engagement
international à la Fédé [Fédération française des associations chrétiennes
d’étudiants, ndlr]. En août 1940, elle est nommée secrétaire générale de la
Cimade. Elle visite les camps de réfugiés et installe ses premiers équipiers dans
celui de Gurs. Elle entre dans la résistance spirituelle et participe à la rédaction
des thèses de Pomeyrol (sauvetage des juifs).

À la Libération, Madeleine Barot continue son action au camp de Drancy et
devient en 1947 secrétaire des Unions chrétiennes de jeunes filles (UCJF) pour les
questions internationales à Genève. Sa carrière genevoise se poursuit au Conseil
œcuménique des Églises comme directrice de départements (hommes et femmes
puis éducation au développement). Pendant sa retraite en France, elle œuvre à la
Fédération protestante de France (affaires sociales, économiques,
internationales) et à l’ACAT (lutte contre la torture).

Jean-François Zorn
William booth (1829-1912)
Fondateur de l’Armée du Salut

DR

William Booth naît dans une famille pauvre de Nottingham en Angleterre et
devient pasteur méthodiste. Mais il quitte souvent sa paroisse pour prêcher en
plein air aux foules qui ne fréquentent pas les églises. En 1865, il fonde une
mission chrétienne dans une banlieue populaire de Londres, mission qui devient
en 1878 l’Armée du Salut.

Booth prêche tous les jours, il rentre chez lui exténué et parfois même blessé par
des pierres lancées par des passants. Le but du mouvement est d’abord de
prêcher l’Évangile du salut, l’amélioration des conditions de vie étant considérée
comme une conséquence de la conversion au Christ. Ne voulant pas que le diable
ait le monopole de la « meilleure musique », Booth adapte des chants populaires
en leur donnant des paroles chrétiennes, accompagnés par une fanfare. Beaucoup
désapprouvent son organisation militaire et n’acceptent pas le rôle que Booth
accorde aux femmes, mais Booth connaît une opposition bien plus dangereuse de
la part de ceux dont les intérêts sont menacés par l’abstinence des boissons
alcoolisées que Booth exige des convertis. Dans la seule année 1882, plus de 600
officiers sont molestés et 60 bâtiments endommagés.

Aujourd’hui encore, l’Armée du Salut maintient que le spirituel et le social doivent
aller de pair, comme le montre une de ses devises : « Soupe, savon et salut ».
D.B.

Ferdinand buisson (1841-1932)
Ministre de l’Instruction publique

DR

Né le 20 décembre 1841 à Paris dans une famille protestante, Ferdinand Buisson
manifeste très tôt des opinions politiques, philosophiques et théologiques non
conformistes. Licencié ès lettres et agrégé de philosophie, il refuse de prêter
serment à l’Empire et s’exile en Suisse de 1866 à 1870. Il devient professeur à
l’Académie de Neuchâtel et écrit une thèse – soutenue en Sorbonne en 1891 – sur
Sébastien Castellion, adversaire de Calvin et précurseur du libéralisme. Il s’inscrit
lui-même dans cette veine théologique, rompant avec ses ascendances orthodoxes
et prenant part aux controverses qui agitent le monde protestant français et
suisse de l’époque.

Revenu à Paris au début de la IIIe République, il prend la tête d’un orphelinat
laïque et Jules Simon, ministre de l’Instruction publique, le nomme à la direction
de l’Inspection primaire de la Seine. Buisson se consacre ensuite à des travaux
remarqués sur la laïcité et l’édition scolaire. Éminence grise de Jules Ferry, en
1879 il est nommé directeur de l’Enseignement primaire. Élu député au début du
XXe siècle, il préside les Ligues françaises de l’enseignement et des droits de
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