Quand M6 révèle l'existence en exclusivité d'un mouvement protestant vieux de quatre siècles ! - Reforme.net
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Publié le 8 mai 2021(Mise à jour le 11/05) Par Jean-Luc Mouton Quand M6 révèle l’existence en exclusivité d’un mouvement protestant… vieux de quatre siècles ! Jamais en mal de sensationnel et d’inédit M6 prétend ce dimanche 9 mai nous introduire dans «l’une des communautés les plus mystérieuse de la planète : les Mennonites. «Cultivateurs, les Mennonites fuient le monde moderne, ses tentations, et fondent des colonies dans les endroits les plus reculés d’Amérique du Sud.» explique M6. Mieux la chaîne annonce superbement que ses reporters ont pu exceptionnellement partager la vie des gens si mystérieux qui «créent de leurs propres mains des villages entiers et vivent entre eux, refusant catégoriquement de se mélanger aux populations locales». Pour cela M6 est allé enquêter «au fin fond de l’Amazonie, au coeur d’une des régions les plus isolés du monde». Fallait pas vous donnez tant de peine a-t-on envie de leur dire suite à ce reportage, des mennonites, il y en a en France, en Alsace, en Franche-Conté et
même en banlieue parisienne ! Mais, précision, les mennonites qui représentent la branche principale de cette réforme radicale ne sont pas exactement les mêmes que les communautés amish dont parle le reportage de M6. Mais qui sont en réalité ces fameux mennonites ? Les mennonites sont issus directement issus de la Réforme protestante du XVIe siècle. Mais au sein de ce mouvement qui touche toute l’Europe plusieurs tendances se dégagent au fil du temps. Ainsi naît en Suisse autour de Zurich ce qu’on a appelé la Réforme radicale. Dès cette époque certains réformateurs ont voulu une séparation entre les Églises et l’État. Ils revendiquaient de vivre une vie de foi à l’exemple du Christ, en pratiquant la non-violence. Signe particulier, cette réforme radicale a été combattue et persécutée à la fois par les catholiques et les protestants calvinistes ou luthériens ! Trop disruptifs et non-conformistes dirions-nous aujourd’hui. Trois grandes familles anabaptistes ont survécu aux persécutions du XVIe siècle : les familles suisse, sud-allemande-morave et néerlandaise. Elles partageaient toutes la même théologie du baptême des adultes, un pacifisme fondé sur le sermon sur la montagne, une forte revendication de séparation entre l’Église et l’État et une tendance à la « non-conformité » selon l’appel de l’épître aux Romains chapitre 12. « Ne vous conformez pas au siècle présent… » Le terme « mennonite » vient du principal leader des anabaptistes aux Pays-Bas à partir de 1536, un prêtre catholique devenu anabaptiste, du nom de Menno Simons. Ils ont tous mis aussi un fort accent sur la vie communautaire comme lieu de vie et d’expression privilégiée de la foi. L’Église est, pour eux, le rassemblement des croyants qui ont choisi, en toute connaissance de cause, d’adhérer à un tel projet de vie. Pour cette raison, ils pratiquent le baptême des adultes qui choisissent de s’engager. Leur refus de porter l’arme a souvent provoqué leur marginalisation. Les amish de M6 sont issus de ce
mouvement mennonite. Au XVIIe siècle, la branche des amish est apparue. Ce mouvement aborde avec suspicion toute innovation technique qu’il soupçonne d’engendrer un individualisme problématique. Mais d’autres mouvements adoptent plus volontiers les innovations. Certains, comme les huttériens, ont des fermes modernes, mais pratiquent la communauté universelle des biens (ce qui n’est, en revanche, pas le cas des amish). En Amérique du Nord, comme du Sud, il existe toute une gradation de mouvements, depuis les plus conservateurs, proches des amish, jusqu’aux plus libéraux. En résumé, voilà une branche du protestantisme tout à fait repérée et connue depuis plus de quatre siècles vendue comme extraordinaire découverte ! Quand l’ignorance fait vendre… Dimanche 9 mai à 23:10 dans “Enquête Exclusive” Lire également Qui sont les amish ? Publié le 27 février 2020(Mise à jour le 6/03)
Par Claire Bernole Non-violence: des outils pour les artisans de paix Les conflits sont partout. Alors, en Suisse, les Églises mennonites proposent des formations permanentes pour les gérer. Le désir de paix est là, personne ne dira qu’il préfère vivre en guerre. Mais la réalité montre que la résolution de conflits n’a rien d’évident. Ce constat a conduit la consultante en communication et médiation Déborah Sellé à se former pour comprendre et acquérir des outils favorisant des solutions. À la demande de l’Église évangélique baptiste de Paris-Centre, elle interviendra lors d’une soirée intitulée “Les conflits : un parcours de grâce, de la douleur à l’étonnement”. Si les situations de tension restent encore taboues dans les paroisses, de telles initiatives sont certainement de moins en moins isolées. À travers le Centre de formation du Bienenberg (Suisse), les Églises mennonites proposent même des formations permanentes en allemand en transformation des conflits. Il n’y a pas d’enseignement dédié en français, mais différents parcours comportent un volet sur les fondements bibliques, théologiques et éthiques de la non-violence, ou la non-violence comme moyen de transformation des conflits. Aborder les sujets sensibles Aussi, la formation “Points chauds”, dont la vocation est d’aborder les sujets sensibles dans les Églises évangéliques, intègre notamment une journée de débat entre la position pacifiste et la position de la guerre juste. C’est également l’occasion d’un travail de fond. “En donnant la parole à deux voix opposées, la formation cherche à développer une pratique de la paix, où l’on peut se parler, s’écouter, chercher les points communs, nommer les divergences, se respecter”, décrit Michel Sommer, enseignant en théologie au Centre Bienenberg. Pour l’année 2019-2020, une centaine de personnes auront abordé, en français, directement ou indirectement, la question de la non-violence. Comme Déborah Sellé le souligne de son côté, Michel Sommer remarque que les
besoins des communautés et des familles sont grands, mais que la demande en matière de formation à la communication non violente ou à la résolution des conflits est rarement exprimée. Y compris dans les Églises mennonites, que l’histoire a pourtant placées du côté des pacifistes. S’en tenir à la Bible Plusieurs raisons peuvent l’expliquer. D’une part, ces formations, perçues par certains comme marquées du sceau des sciences humaines, ne paraissent pas prioritaires dans un univers évangélique où l’on préfère s’en tenir à la Bible. En outre, les Églises mennonites font face à un paradoxe : “Elles ont plutôt développé une culture d’évitement des conflits. Or, inviter à se former pour les résoudre, c’est reconnaître qu’il y a bien des problèmes”, ajoute Michel Sommer. “Pour ma part, pointe Frédéric Baumann, chrétien et médiateur par la communication non violente, j’ai tout de suite vu le lien avec les paroles du Christ : aimer l’autre, agir en mettant davantage de conscience dans nos paroles et nos actes. Tout n’est pas dans une théologie mais aussi dans des outils tels que la communication non violente, au service de l’appel de Jésus à aimer son prochain.” Un chargé de mission a été mandaté par la Commission des ministères des Églises mennonites de France pour intervenir auprès des communautés, de leur conseil ou de leurs membres dans des contextes tendus. “Et son travail est apprécié”, confirme Michel Sommer. Initiative adventiste “Il y a une dizaine d’années, j’ai été confronté à des situations assez difficiles. J’avais tendance à tout garder pour moi, ce qui n’était pas sans conséquences. Puis j’ai découvert qu’avec les techniques de communication non violente, je pouvais exprimer mon ressenti de manière constructive”, raconte le pasteur adventiste Frédéric Fourgassié. De fil en aiguille, en en parlant autour de lui, il est amené à organiser des rencontres pour les couples, puis pour les personnes de la communauté chargées de responsabilités et les membres d’églises intéressés. Sur sa proposition, un week-end regroupant les pasteurs de l’Union franco-belge de l’Église adventiste et leurs familles a été consacré à cette thématique, traitée par une intervenante
professionnelle. Peu de place aux émotions C’est aussi à son initiative personnelle que Frédéric Baumann, également formateur, est entré dans le sujet. Après s’être notamment formé en théologie anabaptiste et en communication non violente, il a eu l’occasion d’animer une conférence qui l’a amené ensuite à développer différents formats d’intervention. “Notre éducation, notre culture d’église ne laissent pas beaucoup de place aux émotions. Il ne faut pas avoir peur, il ne faut pas se mettre en colère… alors que l’homme est un tout indissociable”, rappelle-t-il. Des églises mais aussi des associations font désormais appel à lui. La teneur biblique du message est alors adaptée en fonction du public. Pour cet homme, qui a mis entre parenthèses sa carrière d’ingénieur depuis trois ans, “cela permet de cheminer vers des relations différentes, de redonner de l’espoir”. Quand il découvre la mystique orthodoxe, la tradition des Pères du désert, la prière du cœur, l’exercice d’ascèse sur les passions humaines, il y voit des outils complémentaires à la communication non violente et dont il s’inspire aussi. “Tout est relié. Cela m’a conduit sur une voie d’apaisement dans mes relations”, conclut-il. Communiquer autour de ses ressentis Comment ces approches sont-elles perçues ? “Chaque fois que j’ai abordé le sujet, cela a été reçu de manière positive mais pour que cela ait un effet, il faudrait pratiquer, multiplier les exercices pour que les méthodes de la communication non violente viennent naturellement au moment où une difficulté se présente, estime Frédéric Fourgassié. C’est comme si on apprenait un langage nouveau, on n’est pas habitué à s’exprimer de cette façon.” L’objectif est de communiquer autour de ses ressentis en articulant quatre points : partir des faits au lieu de les interpréter et de juger, nommer l’émotion suscitée, dire pourquoi et formuler une demande qui ne sonne pas comme une critique. “Arriver à mettre en œuvre ne serait-ce que le premier point aurait déjà un énorme impact sur nos relations”, affirme le pasteur. “Quand on fait de belles découvertes, on ne le garde pas pour soi”, décrit Frédéric
Baumann qui continue d’animer des ateliers. La méthode a une vocation plus large que la gestion de conflits. Elle permet d’être à l’écoute d’une personne qui raconterait une histoire douloureuse, d’apprendre à parler en “je” plutôt qu’en “tu” pour éviter le ton du reproche, ou encore d’accepter que l’autre n’accède pas à une demande même si elle paraît légitime. “Ces outils sont utilisables par tous, en toutes occasions et dans tous les domaines de la vie”, assure Frédéric Fourgassié. À VENIR Les conflits : un parcours de grâce, de la douleur à l’étonnement. Samedi 29 février, 18h 30, 72 rue de Sèvres 75007 Paris. Prochain cycle « Points chauds » Octobre 2020-avril 2021 fr.bienenberg.ch/points-chauds. Publié le 31 octobre 2018(Mise à jour le 31/10) Par Laure SalamonClaire Bernole
Quel bilan pour le Forum chrétien francophone ? Le premier Forum chrétien francophone s’est tenu à Lyon du 28 au 31 octobre et a réuni 220 participants. C’est une grande première. Le Forum chrétien francophone s’est tenu à Lyon du 28 au 31 octobre 2018. Il a réuni 220 participants issus des quatre grandes confessions chrétiennes : catholique, orthodoxe, anglicane et protestante dont des baptistes, des mennonites, des luthériens, des réformés, des évangéliques, des pentecôtistes… Les représentants sont venus de toute la France, de Belgique et de Suisse ainsi que quelques représentants de l’Afrique francophone qui vivent en France. Se connaître, échanger et témoigner « L’objectif de ce Forum chrétien est de permettre à des représentants des Églises de se rencontrer pour se connaître, échanger sur leurs traditions d’Église, relire nos histoires communes dans un climat de confiance et de bienveillance. Et ensuite d’aller témoigner auprès de nos contemporains », explique Anne-Laure Danet, pasteure en charge de l’œcuménisme au sein de la Fédération protestante de France. Le Forum est né de cette envie de se rencontrer sans devoir aboutir à une position commune sur un sujet théologique. Une rencontre gratuite, confiante et bienveillante. Arrivés dimanche soir, les participants se sont retrouvés ensemble pour des temps de prière et de méditation biblique. En sous-groupe, ils ont échangé sur leur cheminement de foi pour apprendre à se connaître en se racontant comment ils avaient rencontré Dieu et avaient été appelés, comment aussi, l’autre les a enrichis. « Je peux apprécier quelque chose dans une autre Église que la mienne sans pour autant me dire que je veux ou que je dois me l’approprier », a confié l’une des participantes. Le mardi après-midi, les participants sont allés à la rencontre des Lyonnais pour
témoigner d’une présence religieuse dans la cité, participer à des actions caritatives avec des associations partenaires des Églises. Le séjour n’était pas terminé qu’Amandine Beffa exprimait déjà son émerveillement devant l’ambiance et la qualité du partage. « Il ne se passe pas de grandes choses en apparence mais de manière sous-jacente, une multitude de petits liens se tissent », affirmait la jeune femme venue de Genève avec une délégation interconfessionnelle d’une vingtaine de personnes. « C’est la première fois que nous organisons un tel événement, mais nous ne souhaitons pas forcément qu’il soit systématisé, précise Anne-Laure Danet. Nous voulons impulser une dynamique d’échanges partout en France, donner ce goût de la rencontre. Il n’y a pas de lieu pour que des représentants d’Église pentecôtiste rencontrent ceux des Églises orthodoxes, poursuit la pasteure. C’est un enjeu majeur pour avancer dans notre société, en perte de repère et de religieux. Nous avons quelque chose à dire ! C’est mieux si nous nous connaissons, nous pourrons ainsi faire et dire des choses ensemble. » Un texte de témoignage et d’exhortation à découvrir et connaître d’autres Églises doit servir de message final. Publié le 24 octobre 2018(Mise à jour le 24/10) Par Marie Lefebvre-Billiez
Quels sont les différences entre les mennonites et les amish ? Alors que des mennonites mexicains ont quitté leurs terres, pour cause de modernité, entretien avec le théologien Neal Blough, lui-même mennonite. Un récent documentaire diffusé à la télévision sur les mennonites au Bélize, en Amérique centrale, les présente comme des amish. Les deux sont-ils liés ? Trois grandes familles anabaptistes ont survécu aux persécutions du XVIe siècle : les familles suisse, sud-allemande-morave et néerlandaise. Elles partageaient toutes la même théologie du baptême [uniquement des adultes, ndlr], un pacifisme fondé sur le sermon sur la montagne, une forte revendication de séparation entre l’Église et l’État et une tendance à la « non-conformité » selon l’appel de l’épître aux Romains chapitre 12. « Ne vous conformez pas au siècle présent… » Le terme « mennonite » vient du principal leader des anabaptistes aux Pays-Bas à partir de 1536, un prêtre catholique devenu anabaptiste, du nom de Menno Simons. Les anabaptistes d’origine suisse et néerlandaise ont pris le nom de « mennonites » avec le temps. Les Moraves, quant à eux, sont devenus les « houtteriens », du nom du dirigeant Jacob Hutter. Ces derniers pratiquent la communauté intégrale des biens. À la fin du XVIIe siècle, un schisme intervient au sein des communautés mennonites, dans la région de Sainte-Marie-aux-Mines en France, qui donne naissance aux amish. Mennonites et amish sont donc des cousins lointains, avec des liens de proximité, des amitiés et des différences. Comment les mennonites sont-ils arrivés en Amérique centrale ? Au XVIe siècle, des anabaptistes néerlandais émigrent vers la Prusse, puis, au moment de la Révolution française, vers la Russie, à l’invitation de l’impératrice Catherine qui leur promet de les dispenser de service militaire. C’est d’ailleurs souvent la cause d’émigration chez les mennonites, pacifistes et non-violents. En Russie et en Ukraine, ils vivent en villages, à l’écart de la société, formant des
communautés germanophones. Mais, vers 1870, l’exemption du service militaire commence à être remise en cause. Certains partent alors pour les États-Unis et le Canada pour rejoindre d’autres mennonites qui ont immigré à partir de la fin du XVIIe siècle. Ceux qui restent font face à la Première Guerre mondiale et à la révolution bolchévique : comme ils sont chrétiens mais aussi propriétaires, ils sont ciblés par des persécutions. Certains partent donc aux alentours de 1920 aux États-Unis, au Canada, mais aussi au Paraguay. Ils y reproduisent le même style de vie, dans des villages germanophones. Certains ayant émigré vers le Canada poursuivent vers le Mexique et l’Amérique centrale. Ceux qui restent aux États-Unis et au Canada évoluent vers plus de modernité, tandis que ceux qui veulent garder une identité séparée vont au Mexique, au Paraguay, au Brésil, etc. D’ailleurs, souvent, ils ne sont pas membres de la Conférence mennonite mondiale (CMM), fondée en 1925, dont le siège est actuellement en Colombie. Or, ce sont les mennonites qui ne sont pas membres de la CMM qui attirent le plus l’attention et passent le plus à la télévision… Quelle est la justification théologique à ce « retrait du monde » ? Principalement Romains 12 et le fort dualisme entre « le monde » et l’Église. Pour moi, cela se justifiait au XVIe siècle quand toutes les autres communautés d’Europe rejetaient les anabaptistes. De plus, oui, il y a des moments dans l’Histoire où les chrétiens doivent marquer leur différence. Mais quand la séparation devient une question d’ethnie et de langue… L’histoire mennonite est traversée par la tension continuelle entre l’assimilation et la séparation. Aujourd’hui, en France, la « séparation » et la « non-conformité » prennent la forme de la non-violence, du service du prochain, du partage. Certains vont s’habiller de façon plus simple, manifester un intérêt pour l’écologie, la justice, la médiation, etc. Nous sommes intégrés à la modernité tout en ayant un regard critique sur la course aux armements, le capitalisme débridé, les inégalités entre riches et
pauvres… Je constate d’ailleurs un regain d’intérêt pour la théologie anabaptiste depuis 50 ans. Pourquoi, selon vous, un tel intérêt renouvelé pour cette théologie alternative et non-violente ? La plupart des mennonites restés en Europe ont peu à peu accepté le service militaire. Puis, il y a eu les deux guerres mondiales, et les mennonites ont recommencé à réfléchir à la question de la violence, comme d’autres chrétiens. Par exemple, Pierre Widmer, ancien rédacteur du magazine mennonite Christ seul, était officier de l’armée française avant de devenir objecteur de conscience dans un camp de prison. Ensuite, il a travaillé avec John Yoder, grand théologien pacifiste de la seconde moitié du XXe siècle. Propos recueillis par Marie Lefebvre-Billiez Publié le 17 octobre 2018(Mise à jour le 10/09) Par Réforme Qui sont les mennonites ? Le sociologue Frédéric de Coninck, lui-même mennonite, revient sur les singularités de ce mouvement protestant.
Pouvez-vous rappeler les principales caractéristiques des mennonites ? Les mennonites sont issus des mouvements de Réforme radicale, du XVIe siècle. Dès cette époque ils ont voulu une séparation entre les Églises et l’État. Ils revendiquaient de vivre une vie de foi à l’exemple du Christ, en pratiquant la non- violence. On pourrait les appeler les Franciscains du protestantisme. Ils ont mis aussi un fort accent sur la vie communautaire comme lieu de vie et d’expression privilégiée de la foi. L’Église est, pour eux, le rassemblement des croyants qui ont choisi, en toute connaissance de cause, d’adhérer à un tel projet de vie. Pour cette raison, ils pratiquent le baptême des adultes qui choisissent de s’engager. Leur refus de porter l’arme a souvent provoqué leur marginalisation. Quelles sont leurs différences avec les amish ? Le mouvement mennonite est divisé en plusieurs tendances. Au XVIIe siècle, la branche des amish est apparue. Ce mouvement aborde avec suspicion toute innovation technique qu’il soupçonne d’engendrer un individualisme problématique. Mais d’autres mouvements adoptent plus volontiers les innovations. Certains, comme les huttériens, ont des fermes modernes, mais pratiquent la communauté universelle des biens (ce qui n’est, en revanche, pas le cas des amish). En Amérique il existe toute une gradation de mouvements, depuis les plus conservateurs, proches des amish, jusqu’aux plus libéraux.
Publié le 17 octobre 2018(Mise à jour le 18/10) Par Réforme Pourquoi les chrétiens mennonites du Mexique ont-ils choisi l’exil ? Frédéric de Coninck, sociologue mennonite, revient sur le sort des mennonites du Mexique. L’État de Chihuahua, au Mexique, regroupe 60 000 mennonites. Le gouvernement a décidé d’apporter dans cette zone l’électricité, divisant la communauté mennonite. Pensez-vous que le gouvernement mexicain devrait respecter les choix de vie de cette communauté ? C’est un bel exemple de la diversité de mouvements qui composent la nébuleuse mennonite. C’est en Amérique latine que l’on trouve certains des cercles les plus fermés. Il existe des mouvements où les membres parlent toujours une langue germanique. Au Chihuahua, le projet d’électrification est évalué diversement suivant les groupes, voire suivant les personnes. Et l’ouverture à la société mexicaine varie, aussi, beaucoup. Pour le reste, et que je sache, personne n’est obligé d’utiliser l’électricité, même si une ligne passe devant chez lui. Les mennonites peuvent-ils aujourd’hui encore avoir le choix de rester hors du système sans que la modernité extérieure empiète sur leur culture ? La séparation des Églises et de l’État qui est apparue dans beaucoup de pays au début du XXe siècle a changé la donne. Aujourd’hui, beaucoup de mennonites peuvent vivre la particularité de leur foi sans être inquiétés. De fait la majorité d’entre eux participent à la vie sociale. Il existe des communautés importantes en république démocratique du Congo (RDC), en Éthiopie, au Nigeria : la culture de
ces communautés est avant tout africaine. L’idée d’une culture mennonite n’a de sens que pour les quelques communautés conservatrices qui restent attachées à de fortes traditions. La modernité est questionnée, mais pas pour des raisons culturelles. Les mennonites continuent de réprouver l’usage des armes. Ils interrogent, par l’importance qu’ils accordent à la vie communautaire, à tout ce qui contribue à fragiliser le lien social. Comme la plupart des chrétiens, ils sont circonspects devant ce que fait miroiter l’économie moderne. Publié le 15 juin 2018(Mise à jour le 13/06) Par Noémie Taylor-Rosner Les chrétiens américains mobilisés contre la bombe nucléaire De nombreuses Églises américaines multiplient les appels à la prière et les actions de lobbying auprès du Congrès. C’est désormais une habitude. Tous les dimanches, le révérend Jae Lew et ses fidèles prient pour la paix entre Washington et Pyongyang. L’initiative adoptée par cette communauté méthodiste coréenne de Granada Hills, au nord de Los Angeles, est loin d’être une exception aux États-Unis. De la Californie au Texas, des prières collectives et des veillées se sont multipliées ces derniers mois au sein
des quelque 4 000 églises de la communauté américano-coréenne. La menace nucléaire est depuis longtemps une source de préoccupation pour le 1,3 million de chrétiens coréens qui vivent aux États-Unis. Depuis l’escalade des tensions entre Donald Trump et Kim Jong-un puis la surprise suscitée par l’annonce d’un sommet entre les deux chefs d’État, les Églises coréennes se sont tout particulièrement mobilisées. Originaire majoritairement du sud de la péninsule, la diaspora soutient la dénucléarisation de la Corée du Nord et attendait beaucoup du sommet de Singapour au cours duquel Washington et Pyongyang viennent de trouver un accord. Ces derniers jours, de nombreuses Églises issues ou proches de la communauté coréenne avaient multiplié les communiqués appelant à prier pour le succès de cette rencontre historique. « Nous élevons nos cœurs et prions pour la réussite de cette réunion et des négociations qui en découleront. Rappelons que des millions de Coréens dans la diaspora aspirent à une paix véritable et, pour beaucoup, à la réunion avec leurs familles », souligne ainsi le pasteur Herbert Nelson, cadre de l’Église presbytérienne, à laquelle un grand nombre d’Américano-Coréens sont affiliés. Aux États-Unis, les Églises coréennes sont loin d’être les seules à s’impliquer dans le débat sur le nucléaire. Militants pacifistes radicalement opposés à l’arme atomique, les quakers sont un des groupes les plus mobilisés et les plus influents sur la question, bien qu’il s’agisse d’une communauté rassemblant moins de 90 000 personnes. Le secret de ce succès : un très ancien réseau de lobbying à Washington et une capacité de rassembler bien au-delà du mouvement religieux qu’il représente. « Le Friends Committee on National Legislation [FCNL, le plus ancien lobby religieux de la capitale américaine, ndlr], existe depuis 75 ans maintenant et travaille sur la question de l’arme atomique depuis l’aube du nucléaire », explique Jim Cason, directeur chargé de la politique étrangère et de la stratégie de sensibilisation du FCNL. « Bien que notre présence dans ce pays soit plutôt restreinte, le FCNL compte une cinquantaine d’employés et une vingtaine de lobbyistes. Nous travaillons avec 92 équipes réparties sur tout le territoire. C’est là un véritable atout et la raison de notre influence, souligne Jim Cason. Grâce à notre présence locale, nous sommes parvenus à convaincre un certain nombre de sénateurs républicains d’exprimer leurs inquiétudes après certaines envolées verbales de Donald Trump au sujet de la bombe atomique. »
Un langage irresponsable En novembre 2017, pour la première fois depuis quarante ans, la commission des Affaires étrangères du Sénat s’est réunie pour examiner la possibilité de modifier la législation qui donne au président américain le pouvoir de déclencher l’arme nucléaire. « Un certain nombre de démocrates et de républicains sont inquiets de voir se développer une forme d’irresponsabilité et de légèreté dans la manière de parler des armes nucléaires », conclut Jim Cason. Outre le dossier nord-coréen, le FCNL a été très actif, en 2015, lors des discussions autour du traité sur le nucléaire iranien. Le lobby quaker a également joué un rôle important en contribuant à bloquer le développement des « bunker busters », des bombes aux effets dévastateurs permettant de pénétrer des cibles fortifiées ou enterrées en profondeur. Le groupe s’est enfin largement mobilisé pendant la campagne en faveur du New START, un traité de réduction des armes nucléaires entre les États-Unis et la Russie, entré en vigueur en 2011. Très actifs contre la prolifération nucléaire depuis la guerre froide, les mennonites se sont eux aussi mobilisés sur le dossier nord-coréen. Outre des actions de lobbying à Washington et des appels à la prière, l’Église pacifiste a concentré ses efforts sur le domaine éducatif, en partant du principe qu’on ne peut mobiliser la population sur un sujet que si cette dernière en comprend réellement les enjeux. En mai dernier, elle a donc mis en ligne plusieurs podcasts et vidéos pédagogiques afin d’aider ses membres à maîtriser ce dossier complexe.
Publié le 9 mai 2018(Mise à jour le 3/05) Par Nathalie Leenhardt Les mennonites européens se réunissent à Montbéliard Les mennonites européens se réunissent à Montbéliard, du 10 au 13 mai lors d’une grande Conférence, comme ils le font tous les six ans. Ils sont peu ou mal connus, sont moins nombreux que dans d’autres pays européens, en Suisse, aux Pays-Bas ou en Allemagne, mais travaillent à l’implantation de nouvelles assemblées, comme à Pontarlier. Ils, ce sont les mennonites français, une des familles protestantes parmi les plus anciennes de notre pays. « On repère la première Église en 1523, en Alsace », raconte Michel Paret, pasteur ÉPUdF de Montargis qui exerça pendant plusieurs années son ministère chez « les mennos », comme il dit avec affection, utilisant un diminutif lui aussi méconnu. Neal Blough, théologien mennonite, revient sur le grand rassemblement, qui se tiendra dans quelques jours à Montbéliard (25). « Depuis une ou deux générations, des communautés ont émergé au Portugal, en Espagne, en Angleterre, en Lituanie. Avec la chute du Mur, des mennonites russes ou ukrainiens ont également émigré en Allemagne. » C’est cette mosaïque de communautés variées qui se retrouvent tous les six ans au niveau européen, en alternance avec la Conférence mondiale des mennonites qui réunit également les cousins d’Amériques du Nord et du Sud. « La Conférence mondiale a créé un poste de coordination au niveau européen. C’est dire si l’on a pris conscience de la nécessité de créer des liens à l’échelle de ce continent », poursuit Neal Blough, professeur à la faculté libre de théologie évangélique de
Vaux-sur-Seine et lui-même américain. Le Nord et le Sud Car les débats qui traversent d’autres Églises ou unions d’Églises n’échappent pas au monde mennonite. « On a longtemps dégagé deux grandes tendances : dans les pays du Nord, en Allemagne, aux Pays-Bas, les communautés sont plus urbaines, avec une théologie plus libérale ; dans le sud de l’Allemagne, en France, en Suisse, les communautés sont davantage rurales, de tradition piétiste, plus proches du monde évangélique, poursuit Neal Blough. Ces variantes se doublent de la nécessité, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, de retravailler la théologie de la non-violence, de la paix, auxquelles s’ajoute la problématique de l’ouverture au monde. Ce sont ces thématiques qui sont au cœur des rencontres européennes. Tous les mennonites partagent ce sentiment d’appartenir à une même famille, d’avoir une histoire commune, tout en se sachant plus évangéliques ou plus libéraux. » Une tension – une fécondité – qui en rappelle d’autres… D’ailleurs, les mennonites français sont en réflexion depuis de nombreuses années pour savoir s’ils souhaitent rejoindre la Fédération protestante de France, le CNEF (Conseil national des évangéliques de France) ou les deux. Le processus est d’autant plus complexe que les différentes assemblées divergent sur ces affiliations et que la tradition mennonite est à une forte collégialité. Toute décision doit réunir l’assentiment de 75 % des délégués. Pour œuvrer au rapprochement, rien ne vaut mieux alors, comme partout, que le travail de terrain. Au niveau mondial, les mennonites ont lancé un grand projet d’entraide pour la Syrie, avec de nombreux appels de fonds et l’envoi de kits scolaires. En France, une mobilisation se prépare, en lien avec les quakers et d’autres associations, à l’occasion du salon du Bourget, Eurosatory, pour dénoncer le commerce des armes, une initiative sur laquelle Réforme reviendra. Des liens avec les États-Unis « On ne peut oublier que, proportionnellement à leur nombre, les mennonites français sont très engagés dans le travail social, rappelle Michel Paret. Et qu’il y a un vrai savoir-faire en direction de la jeunesse, une dynamique dont d’autres
Églises pourraient tirer exemple. Ainsi, depuis des années, les jeunes mennonites partent-ils dans des camps organisés par les Églises sœurs au Canada ou aux États-Unis et accueillent, en retour, de jeunes Américains ou Canadiens. » Une façon de faire vivre l’Église universelle… Un héritage à transmettre C’est la première fois que neuf unions d’Églises ont préparé ensemble la conférence. Elles proviennent de France, des Pays-Bas, de Suisse, d’Allemagne, d’Autriche, du Portugal et d’Espagne. Des personnes venant d’Italie, d’Angleterre, de Pologne, de Lituanie, d’Ukraine, de Serbie et d’Albanie se sont aussi annoncées, explique Max Wieder, président du comité de pilotage de la CME2018, sur le site de l’organisation. Au programme : le spectacle Loin de chez nous qui met en scène la transmission d’un héritage « qu’on ne peut pas garder pour soi ». De toute l’Europe une centaine d’acteurs, de musiciens interprètent une fresque théâtrale accompagnée de productions vidéo ; mais aussi des activités spéciales pour les jeunes, un concert de louanges, des témoignages d’acteurs de paix, une exposition de patchworks… Programme de la Conférence mennonite européenne : cme2018.com
Publié le 20 avril 2018(Mise à jour le 19/04) Par Antoine Nouis Apprendre l’éducation à la paix, par la pasteure Silvie Hege Pasteure mennonite, Silvie Hege propose un matériel pour former les jeunes à l’éducation à la paix. Cette pratique évangélique nécessite un apprentissage, car elle n’est pas naturelle. Est-ce le rôle de l’Église de former les jeunes à la non-violence ? Une remarque préalable sur le terme de non-violence : la négation peut donner l’impression qu’il s’agit seulement d’absence de violence. Aussi l’expression d’éducation à la paix me semble-t-elle préférable. L’Église croit-elle vraiment que la paix et la justice sont au cœur du projet de Dieu pour la création ? Oui ? Alors suivant l’enseignement et l’exemple de Jésus, et par la force de l’Esprit, elle doit poser des signes de ce projet divin de paix et de justice et en témoigner au sein de la communauté et aussi à l’extérieur. Cependant être ouvrier de paix ou ministre de la réconciliation ne s’improvise pas ! Il n’est qu’à voir comment, dans les communautés, certains conflits dégénèrent ou aboutissent à la victoire du plus puissant. Si les principes de la communication non-violente sont connus, sa pratique n’est pas si facile. Agir de façon non-violente s’apprend, se cultive et donc s’enseigne. Cet enseignement fait partie des responsabilités de l’Église : éduquer les enfants et les jeunes à la paix, notamment par le biais d’outils de la communication non-violente en insistant sur l’enracinement de cette démarche au cœur même de l’Évangile. Votre matériel propose de nombreux jeux. Quelle est la motivation pédagogique de cette approche ?
Chaque séance débute, en guise d’accroche, par un ou deux jeux afin de faire découvrir la thématique aux participants. Après l’étude d’un texte biblique, une activité de réinvestissement, souvent un jeu, vient conclure la séance. Une pédagogie participative et active est à la base de ce dossier. La tête, le corps, l’affectif sont sollicités au cours des différentes activités afin que les enfants soient actifs et non passifs. Ayant été enseignante, je sais qu’il n’est pas suffisant de lire ou d’écouter pour s’approprier une notion. J’avais pu développer une formation à la médiation par les pairs et un projet d’éducation à la paix et j’avais constaté l’intérêt des jeux coopératifs, des jeux de rôle… Notons toutefois que leur intérêt réside souvent davantage dans le bilan et le retour qui en sont faits que dans le jeu lui-même. Le premier chapitre travaille sur l’estime de soi. Est-ce important pour former à la non-violence ? Dieu demande à chacun d’aimer son prochain comme soi-même. Comment l’aimer si je ne m’accepte pas moi-même ? Il est important que chaque jeune ait une conscience positive de lui-même. Or, dans une société qui valorise tant la performance, les résultats scolaires notamment, ce n’est pas si simple. Une conscience de soi positive recouvre la confiance en soi, l’estime de soi qui interroge notre valeur à travers le regard des autres et l’affirmation de soi indispensable à la construction d’une réelle autonomie. Sans image positive de soi, comment aborder les autres sereinement, comment gérer le stress que provoque tout apprentissage, pas seulement scolaire évidemment, comment dépasser l’agressivité que l’on rencontre inévitablement dans toute vie collective ? La confiance en Dieu que l’enfant acquiert progressivement et la confiance en soi génèrent la confiance en l’autre puis progressivement la confiance face à l’inconnu et même face à des éléments qui déstabilisent. Enfin renforcer l’estime de soi et la confiance en soi aide à résister aux comportements extrêmes de violence verbale ou physique que l’enfant peut rencontrer. Vous proposez un chapitre qui traite la gestion des conflits. Ne vaudrait-il
pas mieux enseigner les moyens de les éviter ? Le conflit fait partie de nos vies ! Il fait partie de la relation. Inévitable, il peut cependant être transformé. Transformé plutôt que géré, car gérer un conflit évoque une approche de maîtrise. Résoudre un conflit donne l’impression que tout peut être résolu. Or ce n’est pas le cas. Transformer indique que le conflit ne va ni disparaître ni être complètement résolu. Il peut être facteur de changement. Même les conflits douloureux. Les pratiques telles que l’écoute, la reformulation, la coopération, la médiation doivent être enseignées afin de montrer qu’une autre voie est possible, contrairement à ce que peut présenter la société. Il est possible d’agir de façon non-violente… si l’on s’est formé à cela. La communauté est le lieu privilégié pour expérimenter la paix, la réconciliation, le pardon. Alors offrons aux jeunes la possibilité d’agir autrement que par peur des événements et de s’ouvrir à des comportements nouveaux suscités par l’empathie. Propos recueillis par Antoine Nouis À lire Paix ! mes brebis… activités d’éducation à la non-violence, Silvie Hege, Éditions Mennonites, 108 p., 10 €
Publié le 30 août 2017(Mise à jour le 27/05) Par Claire Bernole Journée nationale de la Résistance, des femmes et des hommes protestants Alors que l’Assemblée du Désert célèbre les 500 ans du geste de Luther, Réforme publie les parcours emblématiques de quelques-uns de ces successeurs, extraits de l’ouvrage collectif publié par la FPF. La Journée nationale de la Résistance est l’occasion de rend hommage à ces femmes et ces hommes qui ont donné leur vie pour notre pays. La date anniversaire rappelle la création du Conseil National de la Résistance, l’instance mi sen place par la France Libre autour de Jean Moulin. Parmi ces héros courageux et discrets de nombreux protestants et protestantes que notre journal avait rencontrés il y a quelques années. Certains depuis sont morts depuis. Ils font la fierté de notre pays et du protestantisme. Édith du tertre(1912-2005) et Hélène Engel (1902-1984) Fondatrices de l’ACAT
DR Deux femmes protestantes sont à l’origine de la création de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), le 16 juin 1974. Lors d’une conférence le pasteur Tullio Vinay, qui revient du Vietnam, décrit les tortures pratiquées y compris sur des enfants. « Pendant combien de temps laisserons-nous défigurer le visage du Christ ? », demande-t-il. Bouleversées par cet appel, Hélène Engel, 72 ans, et son amie Édith du Tertre, 62 ans, toutes les deux filles de pasteurs, décident de s’engager dans la lutte contre la torture. Elles y consacreront le reste de leur vie. Membres de l’Église réformée, elles choisissent de mobiliser particulièrement les chrétiens, parce qu’elles considèrent que le message de l’Évangile est incompatible avec la torture. « Il faut, disent-elles, que les chrétiens réagissent à la torture en quelque lieu que ce soit, et qu’ils réagissent tous ensemble. » Elles réunissent autour d’elles des amis protestants, catholiques et bientôt des orthodoxes. La vocation œcuménique, jamais démentie, de l’ACAT est née. David Boydell Menno Simons (1496-1561) Fondateur de l’Église mennonite
DR Simons naît près de Leeuwarden, dans le nord des Pays-Bas, et il est ordonné prêtre à Utrecht en 1528. Il a des doutes au sujet de la transsubstantiation et en lisant la Bible il rejette aussi le baptême des enfants. Il est connu comme un « prédicateur évangélique » à l’intérieur de l’Église catholique, car ses prédications sont fondées sur l’Écriture, et il commence aussi à écrire. Il connaît le mouvement anabaptiste dont il condamne les excès mais, en 1536, après beaucoup d’hésitations, il accepte l’invitation d’un groupe d’anabaptistes à devenir leur ancien, renonçant à son poste dans l’Église catholique « pour accepter la pauvreté sous la croix du Christ ». Pendant dix-huit ans, il n’a pas de demeure fixe et il poursuit un ministère itinérant dans le nord des Pays-Bas et en Allemagne, de Emden à Dantzig, prêchant et baptisant des personnes en secret. Plusieurs personnes sont mises à mort pour avoir été baptisées par lui ou pour l’avoir hébergé. Le seul endroit fixe où il peut s’installer est Wüstenfelde, dans la province de Holstein, où il a pu passer les dernières années de sa vie. Dans son enseignement, il met l’accent sur la conversion et la vie du disciple (Nachfolge), sur la discipline dans l’Église (qui doit imiter la pureté du Christ), et sur le pacifisme qu’il considère comme conforme au Nouveau Testament. D. B.
Madeleine Barot (1909-1995) Secrétaire générale de la Cimade en 1940 DR Alors qu’elle se destinait à une carrière d’historienne et d’archiviste débutée en 1934, Madeleine Barot est saisie par l’une des conséquences de la guerre : l’afflux des réfugiés, juifs le plus souvent, fuyant la zone occupée et internés par le gouvernement de Vichy. Elle y avait été préparée par son engagement international à la Fédé [Fédération française des associations chrétiennes d’étudiants, ndlr]. En août 1940, elle est nommée secrétaire générale de la Cimade. Elle visite les camps de réfugiés et installe ses premiers équipiers dans celui de Gurs. Elle entre dans la résistance spirituelle et participe à la rédaction des thèses de Pomeyrol (sauvetage des juifs). À la Libération, Madeleine Barot continue son action au camp de Drancy et devient en 1947 secrétaire des Unions chrétiennes de jeunes filles (UCJF) pour les questions internationales à Genève. Sa carrière genevoise se poursuit au Conseil œcuménique des Églises comme directrice de départements (hommes et femmes puis éducation au développement). Pendant sa retraite en France, elle œuvre à la Fédération protestante de France (affaires sociales, économiques, internationales) et à l’ACAT (lutte contre la torture). Jean-François Zorn
William booth (1829-1912) Fondateur de l’Armée du Salut DR William Booth naît dans une famille pauvre de Nottingham en Angleterre et devient pasteur méthodiste. Mais il quitte souvent sa paroisse pour prêcher en plein air aux foules qui ne fréquentent pas les églises. En 1865, il fonde une mission chrétienne dans une banlieue populaire de Londres, mission qui devient en 1878 l’Armée du Salut. Booth prêche tous les jours, il rentre chez lui exténué et parfois même blessé par des pierres lancées par des passants. Le but du mouvement est d’abord de prêcher l’Évangile du salut, l’amélioration des conditions de vie étant considérée comme une conséquence de la conversion au Christ. Ne voulant pas que le diable ait le monopole de la « meilleure musique », Booth adapte des chants populaires en leur donnant des paroles chrétiennes, accompagnés par une fanfare. Beaucoup désapprouvent son organisation militaire et n’acceptent pas le rôle que Booth accorde aux femmes, mais Booth connaît une opposition bien plus dangereuse de la part de ceux dont les intérêts sont menacés par l’abstinence des boissons alcoolisées que Booth exige des convertis. Dans la seule année 1882, plus de 600 officiers sont molestés et 60 bâtiments endommagés. Aujourd’hui encore, l’Armée du Salut maintient que le spirituel et le social doivent aller de pair, comme le montre une de ses devises : « Soupe, savon et salut ».
D.B. Ferdinand buisson (1841-1932) Ministre de l’Instruction publique DR Né le 20 décembre 1841 à Paris dans une famille protestante, Ferdinand Buisson manifeste très tôt des opinions politiques, philosophiques et théologiques non conformistes. Licencié ès lettres et agrégé de philosophie, il refuse de prêter serment à l’Empire et s’exile en Suisse de 1866 à 1870. Il devient professeur à l’Académie de Neuchâtel et écrit une thèse – soutenue en Sorbonne en 1891 – sur Sébastien Castellion, adversaire de Calvin et précurseur du libéralisme. Il s’inscrit lui-même dans cette veine théologique, rompant avec ses ascendances orthodoxes et prenant part aux controverses qui agitent le monde protestant français et suisse de l’époque. Revenu à Paris au début de la IIIe République, il prend la tête d’un orphelinat laïque et Jules Simon, ministre de l’Instruction publique, le nomme à la direction de l’Inspection primaire de la Seine. Buisson se consacre ensuite à des travaux remarqués sur la laïcité et l’édition scolaire. Éminence grise de Jules Ferry, en 1879 il est nommé directeur de l’Enseignement primaire. Élu député au début du XXe siècle, il préside les Ligues françaises de l’enseignement et des droits de
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