Quel avenir pour le sapin blanc en Suisse sous les effets des changements climatiques? - DORA 4RI

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Quel avenir pour le sapin blanc en Suisse sous les effets des changements climatiques? - DORA 4RI
Quel avenir pour le sapin blanc en Suisse sous
      les effets des changements climatiques?
      Yann Vitasse          Université de Neuchâtel (CH)*, Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (CH)
      Martine Rebetez       Université de Neuchâtel (CH), Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (CH)
      Sabine Augustin       Office fédéral de l’environnement (CH)
      Peter Brang           Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (CH)

                                          Quel avenir pour le sapin blanc en Suisse sous les effets des changements
                                          climatiques?

                                          Les forestiers de nombreux pays européens recherchent actuellement les essences forestières ou les provenances
                                          les mieux adaptées au climat futur qui sera beaucoup plus chaud avec des sécheresses estivales plus marquées
                                          qu’aujourd’hui. Bien qu’il soit désormais évident que certaines espèces d’arbres vont souffrir davantage que
                                          d’autres dans les prochaines décennies, l’avenir du sapin blanc (Abies alba Mill.) reste incertain, car des résultats
                                          contradictoires ont été publiés concernant sa capacité à endurer les changements climatiques attendus. D’un
                                          côté, les modèles statistiques basés sur la répartition actuelle de l’espèce prédisent un fort déclin de sa réparti-
                                          tion d’ici à la fin du siècle. De l’autre, les études paléoécologiques révèlent que cette espèce était présente dans
                                          un climat plus chaud et probablement plus sec qu’aujourd’hui, suggérant un fort potentiel d’adaptation aux
                                          changements climatiques à venir. Cette synthèse bibliographique montre que cette espèce pourrait effective-
                                          ment se développer dans des conditions plus chaudes à condition que les précipitations restent suffisantes, ce
                                          qui, selon les modèles climatiques, devrait être le cas pour la plupart des régions en Suisse d’ici à la fin du siècle.
                                          De plus, les études dendroécologiques ont montré une plus forte résistance et résilience du sapin blanc par rap-
                                          port à l’épicéa face aux sécheresses, suggérant que cette espèce devrait être favorisée par les forestiers. La plus
                                          grande menace actuelle pour le sapin est sans doute l’abroutissement par les ongulés qui peut mettre en péril
                                          sa régénération et qui devrait donc être maîtrisé, si l’on veut augmenter la proportion de sapin dans les forêts
                                          mixtes de Suisse.

                                          Keywords: Abies alba, climate change, drought response, paleoecology, dendroecology, ecophysiology, prove-
                                          nance trials, silver fir
                                          doi: 10.3188/szf.2018.0131

                                          * Institut de géographie, Espace Louis-Agassiz 1, CH-2000 Neuchâtel, courriel yann.vitasse@wsl.ch

                              E
                                     n Europe, les effets du changement climatique              pour l’Europe centrale (Maiorano et al 2013, Zim-
                                     se font de plus en plus ressentir sur les essences         mermann et al 2016). A l’inverse, les études paléoé-
                                     forestières qui doivent faire face à un climat             cologiques ainsi que les modèles plus mécanistiques
                              toujours plus chaud avec des sécheresses estivales                et dynamiques qui tiennent compte des traits fonc-
                              plus fréquentes et plus marquées. L’avenir de cer-                tionnels des espèces et qui intègrent des perturba-
                              taines espèces reste incertain en raison d’un manque              tions biotiques ou abiotiques comme la fréquence
                              de connaissances concernant leurs exigences écolo-                des incendies, suggèrent que cette essence pourrait
                              giques. La répartition actuelle du sapin blanc (Abies             avoir un fort potentiel pour faire face aux change-
                              alba Mill.) a été fortement modifiée par l’action de              ments climatiques attendus voire même qu’elle pour-
                              l’homme depuis des millénaires, notamment à basse                 rait s’épanouir davantage dans certaines régions de
                              altitude, et ne reflète donc plus ses exigences écolo-            Suisse dépourvues de déficit hydrique estival mar-
                              giques (Tinner et al 2013). Ainsi, les modèles de niche           qué comme au Tessin (Henne et al 2015, Tinner et
                              écologique basés sur la répartition actuelle de l’es-             al 2013). Cet article a pour objectif de faire un bilan
                              pèce en relation avec les paramètres climatiques pré-             des connaissances acquises dans différentes disci-
                              disent une régression forte du sapin dans les décen-              plines afin de mieux comprendre ces résultats contra-
                              nies à venir pour la Suisse et de manière générale                dictoires. Cette synthèse vise ainsi à évaluer dans

      Schweiz Z Forstwes 169 (2018) 3: 131–142                                                                              PERSPECTIVES                    131

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Quel avenir pour le sapin blanc en Suisse sous les effets des changements climatiques? - DORA 4RI
Abies alba
                                               20°W                        10°W                         0°                               10°E                      20°E                            30°E                        40°E

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                           ari, 472/a                                                                                                        !                       !!    !!
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                          se (Fiumicino)                                                                                 !!          !                                 !!                !!
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                           8251                                                                  ! !!
                          979661
                                                                                          !!!
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                          @cgiar.org                                                         !                                                                                                                !

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                                                                                                !                                                                                              !        !
                          n, updates                                                                                                     !                                                              !
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                          .org                                                                                                           !
                          Secretariat
                           International                                                                                                                                                 !
                          enari, 472/a
                          rese (Fiumicino)
                                             This distribution map, showing the natural distribution area of Abies alba was compiled by members of the EUFORGEN Networks .
                           118251
                          61979661           Citation: Distribution map of Silver fir (Abies alba ) EUFORGEN 2009, www.euforgen.org.
                          at@cgiar.org

                                                                                                                                                                                                                                                     35°N
                          tion, updates
                          ps at:             First published online in 2003 -     Updated on 25 November 2011                                                                                                                                 Km
                          en.org
                                                                                                                                                                                                            0           250     500        1,000

                                              This distribution map, showing the natural distribution area of Abies alba was compiled by members of the EUFORGEN Networks .

                                             Fig.      1 Airemapde
                                             Citation: Distribution        répartition
                                                                    of Silver                        actuelle
                                                                              fir (Abies alba ) EUFORGEN            du sapin blanc (à gauche). Photo d’un jeune sapin (à droite). Carte: Euforgen (2009).
                                                                                                         2009, www.euforgen.org.

                                              First published online in 2003 -     Updated on 25 November 2011                                                                                                                                 Km
                                             Photo: Ulrich Wasem WSL                                                                                                                                            0        250     500        1,000

                                             quelle mesure cette espèce pourrait se développer                                                                                                                                         Répartition actuelle et passée du
                                             dans des conditions plus chaudes qu’aujourd’hui                                                                                                                                           sapin blanc
                                             et faire face à des sécheresses estivales accrues. La
                                             première partie se concentre sur la répartition ac-                                                                                                                               Répartition actuelle
                                             tuelle du sapin largement façonnée par l’homme.                                                                                                                                   L’aire de répartition actuelle du sapin reflète
                                             La deuxième partie synthétise les connaissances                                                                                                                            à la fois l’histoire dynamique des migrations et ré-
                                             concernant les exigences écologiques du sapin et sa                                                                                                                        gressions qui ont eu lieu pendant les périodes gla-
                                             capacité à faire face aux variations climatiques en se                                                                                                                     ciaires et interglaciaires du Pléistocène et l’influence
                                             basant sur les observations, les études dendroécolo-                                                                                                                       humaine pendant l’Holocène. L’aire actuelle se
                                             giques, les études expérimentales et les tests de pro-                                                                                                                     concentre principalement dans les régions monta-
                                             venance. Enfin la dernière partie fait le point sur le                                                                                                                     gneuses d’Europe centrale et méridionale avec une
                                             potentiel du sapin à faire face aux changements cli-                                                                                                                       limite Sud vers les latitudes 38–40° N, à la frontière
                                             matiques et sur les pratiques sylvicoles qui per-                                                                                                                          Nord de la Grèce ou au sud de l’Italie, et une limite
                                             mettent de favoriser cette espèce emblématique au                                                                                                                          Nord vers la latitude 52° N en Pologne (figure 1).
                                             sein des forêts suisses.                                                                                                                                                   D’ouest en est, le sapin se retrouve de la longitude
                                                                                                                                                                                                                        1° O dans les Pyrénées occidentales à la longitude
                                                                                                                                                                                                                        27° E en Roumanie et en Bulgarie (figure 1). Le sa-
                                                                                                                                                                                                                        pin est naturellement présent dès 135 m d’altitude,
                                                                                                                                                                                                                        en Pologne, jusqu’à des altitudes légèrement infé-
                                                                                                                                                                                                                        rieures à la limite altitudinale des arbres, c’est à dire
                                                                                                                                                                                                                        à environ 2000 m dans les Alpes suisses (Vitasse et
                                      Jura
                                                                            Plateau                                                                                                                                     al 2012).
                                   23.4 ± 1.5
                                                                           18.1 ± 1.3                                                                                                                                          A l’intérieur de cette vaste aire de répartition,
                                                                                                                                                                                                                        le sapin est absent ou peu abondant dans les zones
                                                                                                                                                                                                                        sèches de basse altitude comme dans la plaine hon-
                                                                      Nord des Alpes
                                                                        16.1 ± 1.0                                                                                                                                      groise (figure 1) ainsi que dans les vallées les plus
                                                                                                                                                    Est des Alpes
                                                                                                                                                      centrales                                                         continentales des Alpes comme dans les Grisons. En
                                                                                                                                                       2.7 ± 0.9                                                        Suisse, le sapin reste assez abondant de part et d’autre
                                                                                                                                                                                                                        du Rhône malgré un climat sec. Il recouvre par
                                                                                                    Sud des Alpes
                                           Ouest des Alpes                                            4.7 ± 1.1                                                                                                         exemple des surfaces importantes au-dessus de Mar-
                                             centrales                                                                                                                                                                  tigny et de Saxon, sur les trois versants du Catogne
                                               3.2 ± 1                                                                                                                                                                  mais aussi entre Sierre et Viège en rive gauche et
                                                                                                                                                                                                                        forme même des peuplements presque purs, par en-
                                                                                                                                                                                                                        droits. Il est cependant plus présent au nord des
    Fig. 2 Proportion du volume sur pied (%, individus avec DHP ≥12 cm) représenté par le                                                                                                                               Alpes, sur le Plateau et dans la région biogéogra-
    sapin dans les différentes régions biogéographiques de Suisse. La valeur pour la Suisse en-                                                                                                                         phique du Jura où il représente plus de 16%, 18% et
    tière s’élève à 14.9 ±0.6% (données de l’Inventaire forestier national, Abegg et al 2014).                                                                                                                          23% du volume de bois, respectivement (figure 2). La

    132                   PERSPEKTIVEN                                                                                                                                                                                                                    Schweiz Z Forstwes 169 (2018) 3: 131–142

pp1676_vitasse.indd 132                                                                                                                                                                                                                                                                     19.04.18 10:58
Quel avenir pour le sapin blanc en Suisse sous les effets des changements climatiques? - DORA 4RI
Fig. 3 Jeune sapin abrouti par un chamois (à gauche) et dégâts liés à l’abroutissement par les ongulés qui ont abîmé les pousses
                              terminales et latérales (à droite). Photo: Urich Wasem, WSL

                              forte fragmentation de l’aire de répartition du sapin             ont été largement plantés ou favorisés par rapport
                              (figure 1) reflète en partie les perturbations humaines           au sapin pour augmenter la production de bois en
                              importantes au cours de l’Holocène. En Suisse, le sa-             Europe centrale, Suisse incluse (Bürgi & Schuler
                              pin se trouve principalement à l’étage montagnard                 2003). Une sylviculture utilisant des coupes rases
                              avec environ 70% des individus entre 600 et 1200 m                était aussi au détriment du sapin (Eichenseer 1997)
                              d’altitude (Abegg et al 2014). Sa croissance est opti-            et l’utilisation du sapin dans les reforestations des
                              male entre 900 et 1400 m (Lingg 1986), mais il est                Préalpes suisses se soldait souvent par un échec (Et-
                              également très présent aux altitudes les plus basses,             tlinger 1976). De plus, les forestiers ont souvent fa-
                              notamment sur le Plateau suisse (figure 2). Au sein               vorisé l’épicéa dans les éclaircies, car son bois est plus
                              de cette répartition altitudinale, il est souvent mé-             précieux. L’expansion actuelle du sapin vers de plus
                              langé avec le hêtre et l’épicéa aux altitudes les plus            hautes altitudes pourrait être liée à l’abandon crois-
                              basses et les plus hautes, respectivement.                        sant des pâturages et terres agricoles (Carcaillet &
                                                                                                Muller 2005, Chauchard et al 2010). De plus, jusqu’au
                                     Influence humaine sur la répartition                       milieu du XXe siècle dans les Alpes et le Jura suisse,
                                     actuelle                                                   le parcours du bétail, chèvres et moutons passait tra-
                                     Les études palynologiques suggèrent que le sa-             ditionnellement par les forêts dans les territoires
                              pin était présent en abondance dans les forêts de                 communaux (majoritaires), causant d’immenses dé-
                              basse altitude dans les Alpes du sud entre 9000 et                gâts pour la régénération des diverses essences fo-
                              7000 avant notre temps (BP; Henne et al 2013,                     restières (Frey 2003), en particulier chez les espèces
                              Ruosch et al 2016, Tinner et al 1999), suite à une re-            les plus appétentes comme le sapin très sensible à
                              colonisation rapide via la région des Apennins. Une               l’abroutissement au stade juvénile (figure 3; Kupfer-
                              forte augmentation de l’humidité atmosphérique à                  schmid et al 2014). Même si la vigueur du sapin
                              partir de 8200 BP a sans doute contribué à l’expan-               semble actuellement croître dans de nombreuses
                              sion de cette espèce (Tinner & Lotter 2006). Les po-              régions d’Europe centrale depuis les années 1990
                              pulations de sapin de basse altitude ont ensuite                  (Büntgen et al 2014), il existe des régions où les po-
                              considérablement diminué entre 7000 et 6000 BP, si                pulations de sapin semblent toujours localement
                              bien que certains auteurs parlent même d’une ex-                  régresser comme dans le nord des Carpates, en Slo-
                              tinction régionale de l’espèce (Wick & Möhl 2006).                vénie et en Croatie, probablement en raison de la
                              Le développement de l’agriculture, l’exploitation du              concurrence croissante du hêtre et de la pression
                              bois et l’augmentation de la fréquence des incendies              d’abroutissement causée par les ongulés (Ficko et al
                              causés par l’homme ont été proposés comme facteurs                2016, Vrska et al 2009).
                              majeurs pour expliquer le déclin du sapin au cours
                              de cette période (Conedera et al 2017, Tinner et al                      Autoécologie du sapin blanc basée sur
                              1999). Ce déclin s’est poursuivi pour les mêmes rai-                     sa répartition actuelle
                              sons jusqu’à environ 2000 BP (Colombaroli et al                          Le sapin se développe généralement dans une
                              2007). Plus tard, les changements intensifs de l’uti-             large gamme de températures (température annuelle
                              lisation des terres, la conversion de la forêt en terres          de ~ 7 à 13 °C ou température estivale de juin à août
                              agricoles et l’extraction massive de la forêt se sont             de ~ 14 à 19 °C) mais se trouve principalement dans
                              poursuivis depuis le Moyen Age jusqu’au milieu du                 les zones où les précipitations annuelles dépassent
                              XIXe siècle. En outre, à partir du XVIIIe siècle, l’épi-          800–1000 mm (Aussenac 2002, Gomez 2012). Il est
                              céa (Picea abies [L.] H. Karst.) et les pins (Pinus sp.)          considéré comme sensible à la sécheresse à basse al-

      Schweiz Z Forstwes 169 (2018) 3: 131–142                                                                              PERSPECTIVES                   133

pp1676_vitasse.indd 133                                                                                                                                 19.04.18 10:58
Quel avenir pour le sapin blanc en Suisse sous les effets des changements climatiques? - DORA 4RI
titude ou sur des sols ayant une mauvaise rétention               sapinières du pays suite aux sécheresses marquées
                               d’eau comme des sols superficiels calcaires. En fait,             de 1947–1949 (Maksymov 1950) et de 2003 (OFEFP
                               les études écophysiologiques mettent en évidence                  2005). Le sapin est aussi fréquemment parasité par
                               l’importance de la disponibilité de l’eau pour cette              le gui, en particulier les arbres dominants, ce qui ré-
                               espèce, en particulier l’humidité atmosphérique,                  duit de manière significative sa croissance (Du-
                               indépendamment des conditions de températures                     rand-Gillmann et al 2014).
                               (Guicherd 1994, Rohner & Thürig 2015). Il peut se                        Les principaux facteurs environnementaux
                               développer dans divers types de sols, de pH acide à               supposés limiter sa distribution sont l’humidité in-
                               neutre, et ayant une disponibilité en nutriments                  suffisante, surtout pendant la saison de croissance,
                               faible à riche. Il préfère néanmoins les sols humides             et les températures extrêmement basses en hiver
                               et profonds qui ne se dessèchent pas facilement. Il               (Mauri et al 2016). Il est cependant assez résistant
                               est même capable de s’enraciner sur des sols argileux             aux températures froides en hiver, jusqu’à environ
                               compacts faiblement oxygénés (Mauri et al 2016, Sa-               –30 °C (Savill et al 2016), alors qu’il est sensible au
                               vill et al 2016). Il est très sensible à la pollution at-         gel printanier qui peut limiter la survie des semis
                               mosphérique et en particulier au dioxyde de souffre,              (Aussenac 2002). En outre, à l’instar de toutes les es-
                               ce qui lui a causé d’importants dégâts depuis les an-             sences sempervirentes, des périodes chaudes en hiver
                               nées 1950 jusqu’au début des années 1980 quand le                 peuvent l’affecter lorsqu’elles se produisent pendant
                               dioxyde de souffre avait atteint des concentrations               une période sèche sur un sol gelé, car la photosyn-
                               très fortes (Kandler & Innes 1995, Schütt & Cowling               thèse s’active alors que l’eau ne peut être fournie par
                               1985). Ces dégâts ont été observés dans toutes les ré-            les racines, augmentant le risque d’embolie des vais-
                               gions où la concentration en dioxyde de souffre était             seaux (Engesser et al 2002). Le système racinaire pro-
                               forte avec d’importantes conséquences pour la crois-              fond (racine pivot) permet aux arbres adultes de faire
                               sance et mortalité du sapin (Elling et al 2012). Le               face aux conditions sèches en extrayant la réserve
                               sapin est également sensible à l’attaque du scolyte               d’eau profonde, mais les juvéniles sont plus sensibles
                               curvidenté appelé aussi «rongeur du sapin blanc»                  au stress hydrique et sont par conséquent moins vul-
                               (Pityokteines curvidens), en particulier les arbres les           nérables lorsqu’ils se développent sous couvert fo-
                               plus vieux ou affaiblis, provoquant en peu de temps               restier qui tempère les variations climatiques et aug-
                               le jaunissement, puis le rougissement de l’arbre et fi-           mente l’humidité de l’air (Aussenac 2002). C’est une
                               nalement sa mort. Cet insecte présent en Suisse a vu              espèce très tolérante à l’ombre qui, contrairement au
                               ses populations augmenter sensiblement dans les                   pin sylvestre (Pinus sylvestris L.) et dans une moindre

                               Fig. 4 Forte régénération du sapin blanc dans une hêtraie du Parc naturel régional du Doubs: la Haute Côte (Jura) à 670 m d’alti-
                               tude. Photo: Ulrich Wasem, WSL

    134                   PERSPEKTIVEN                                                                               Schweiz Z Forstwes 169 (2018) 3: 131–142

pp1676_vitasse.indd 134                                                                                                                                    19.04.18 10:58
mesure à l’épicéa, est favorisée par un certain om-              En Suisse et dans les régions voisines, le
                              brage de la canopée dans sa phase de recrutement,         contrôle climatique de la croissance du sapin varie
                              car cela limite la concurrence avec les autres espèces    fortement selon l’altitude et les propriétés éda-
                              (figure 4). Les jeunes plantules de sapin sont en re-     phiques de la station (Rohner et al 2016). En géné-
                              vanche très sensibles à l’abroutissement par les          ral, à des altitudes basses (
ture stomatique à la sécheresse de l’air ou à un stress    matiques pendant 24 h. Les résultats ont montré une
                               hydrique du sol est qualifiée de «stratégie d’évite-       tolérance assez élevée du sapin face au stress ther-
                               ment» de la sécheresse. Ainsi le sapin peut poten-         mique avec des dommages irréversibles sur les pho-
                               tiellement endurer d’importantes sécheresses lors-         tosystèmes qui apparaissent seulement au-dessus
                               qu’elles sont occasionnelles, mais a besoin sur le         de 47 °C (Robakowski et al 2002) et un optimum
                               long terme d’une hygrométrie élevée pour effectuer         photosynthétique qui se situe autour de 20 °C contre
                               sa photosynthèse et donc pour croître. C’est sans          seulement 15 °C pour l’épicéa (Gomez 2012). En re-
                               doute pour cette raison que cette espèce affectionne       vanche, de nombreux tests de provenance ont été
                               particulièrement les versants nord à forte humidité        menés au cours de la seconde moitié du XXe siècle
                               atmosphérique, en particulier en marge sud de sa           pour améliorer les performances de croissance et de
                               répartition.                                               qualité du fût du sapin et ainsi assurer une meilleure
                                                                                          rentabilité. Le plus ancien test de provenance mené
                                      Apport des observations de terrain et de            sur le sapin a été installé en Suisse au début du
                                      l’Inventaire forestier national suisse              XXe siècle et a montré peu de différenciation géné-
                                      Un rajeunissement du sapin est à l’heure ac-        tique entre les différentes provenances testées (En-
                               tuelle observé dans les vallées pourtant sèches et/ou      gler 1913). Dans les années 1990, un test de six pro-
                               en exposition sud dans les Alpes françaises inté-          venances de sapins, dont quatre originaires de
                               rieures (Carcaillet & Muller 2005). Dans la région du      l’Italie, a été conduit dans le Jura près de Soleure à
                               Valais en Suisse, les forestiers constatent actuelle-      différentes altitudes. Ce test a montré une meilleure
                               ment un rajeunissement du sapin sous couvert fo-           survie de la provenance du Valais central dans les
                               restier même aux altitudes les plus basses dans des        cinq premières années, cette provenance ayant pro-
                               régions pourtant sèches, à condition que la pression       bablement une meilleure résistance à la sécheresse
                               d’abroutissement des ongulées soit faible. En re-          au stade juvénile (Commarmot 1997). Plus récem-
                               vanche, au sud du massif du Jura, en particulier dans      ment, un test réunissant plus de 90 provenances is-
                               le district de Neuchâtel, les forestiers ont constaté      sues de toutes les régions de Suisse n’a montré, en-
                               des dépérissements récents du sapin aux altitudes les      core une fois, que peu de différenciation génétique
                               plus basses suite aux sécheresses estivales de 2003,       concernant la croissance et la phénologie de cette
                               2005, 2011 et 2015. Des dépérissements ont aussi été       espèce en comparaison avec l’épicéa et le hêtre (Frank
                               constatés en 2016 dans le haut Jura sur des sols cal-      et al 2017). Une expérimentation avec des semis de
                               caires très superficiels en versant sud, peut-être         quatre provenances originaires de trois pays (Italie,
                               comme conséquence de la longue période de séche-           Suisse et France) a montré également peu de diffé-
                               resse de l’hiver 2015–2016. Les forestiers de cette ré-    renciation génétique entre les différentes popula-
                               gion sont pessimistes quant à l’avenir du sapin dans       tions de sapins blanc testées en réponse à la séche-
                               cette zone d’ici 2100, du moins pour produire du           resse et à la pollution de l’air malgré des conditions
                               gros bois, mais l’envisagent néanmoins comme es-           de précipitations très contrastées dans leur aire d’ori-
                               pèce accompagnante du sous-bois pour augmenter             gine (Herzog & Rotach 1990). Les migrations et tra-
                               la qualité des services écologiques attendus des fo-       jectoires des populations de sapin lors des dernières
                               rêts suisses.                                              glaciations semblent cependant avoir engendré deux
                                      Les données de l’IFN montrent qu’entre les in-      lignées de populations génétiquement distinctes en
                               ventaires 3 (2004/2006) et 4 (2009/2013), la plus forte    Europe centrale avec des sensibilités différentes aux
                               mortalité du sapin par hectare et par an (en excluant      variations climatiques. Ainsi, il semblerait que la li-
                               les arbres abattus pour l’exploitation forestière) se      gnée de populations de sapins blanc ayant évolué à
                               situe bien sur le Plateau suisse (Abegg et al 2014). Ces   partir des populations originaires des Balkans pos-
                               dépérissements pourraient aussi être en partie expli-      sède une plus large variété génétique que la lignée
                               qué par des attaques de scolytes curvidentés qui af-       occidentale originaire d’Italie (dont les populations
                               fectionnent particulièrement les vieux sapins déjà         Suisses actuelles seraient issues), ce qui pourrait
                               affaiblis en lisière et/ou en pleine exposition (Du-       conférer une meilleure résilience face aux évène-
                               rand-Gillmann et al 2014).                                 ments climatiques extrêmes (Bosela et al 2016)
                                                                                          comme récemment confirmé en test de provenance
                                      Apports des études expérimentales,                  (George et al 2015). Finalement, des plantations de
                                      transplantations et tests de provenances            sapin situées en marge chaude de son aire de répar-
                                      Contrairement à d’autres espèces comme le           tition ont parfois été un succès montrant encore une
                               hêtre ou l’épicéa, peu d’études expérimentales ont         fois la forte plasticité de cette espèce. Citons par
                               évalué la sensibilité du sapin à la sécheresse et aux      exemple, la plantation de sapin datant de plus de
                               températures plus chaudes. Une étude expérimen-            150 ans à Varramista en Toscane, à seulement 60 m
                               tale a mesuré la capacité photosynthétique de jeunes       d’altitude qui montre une régénération importante
                               sapins blancs après les avoir exposés à différentes        du sapin et peu de dépérissement (Pedrotti 1967, Tin-
                               températures (de 10 à 40 °C) dans des chambres cli-        ner et al 2016).

    136                   PERSPEKTIVEN                                                                     Schweiz Z Forstwes 169 (2018) 3: 131–142

pp1676_vitasse.indd 136                                                                                                                      19.04.18 10:58
a. Précipitations annuelles         1980–2010                                 b. Précipitations estivales (JJA)   1980–2010

            2000                                                                        >600

                          A1B-CLM           2070–2099        A1B-REGCM3                             A1B-CLM               2070–2099       A1B-REGCM3

                                                                       © Meteotest
                                                                                st                                                                   © Meteotest
                                                                                                                                                              st

      Fig. 5 Précipitations moyennes annuelles (a) et estivales (JJA, b) en Suisse pour la période 1980–2010 et prévues pour la période 2070–2099 selon deux mo-
      dèles climatiques (le Common Land Model, CLM, et le Regional Climate Model version 3, RegCM3; source: Meteotest) utilisés selon le scénario A1B qui pré-
      voit un réchauffement moyen de la surface de la Terre de 2.8 °C d’ici à 2100 (Parry 2007).

                                          Potentiel du sapin blanc à faire face                   lier ce problème et donner des projections plus
                                          aux changements climatiques                             probantes, néanmoins les résultats montrent tou-
                                                                                                  jours une perte de la niche climatique du sapin dans
                                            Divergence entre les modèles de niche                 environ 40% de son aire de répartition actuelle d’ici
                                            climatique et les études paléoécologiques             2100 (Maiorano et al 2013) basés sur le scénario mo-
                                            Les modèles de niche climatique basés sur une         déré A1B publié par le Groupe d’experts intergouver-
                                    approche corrélative entre la répartition des espèces         nemental sur l’évolution du climat (GIEC) prévoyant
                                    et les conditions climatiques actuelles prédisent une         un réchauffement moyen de la surface de la Terre de
                                    perte importante de la niche climatique du sapin              2.8 °C d’ici à 2100 (Parry 2007). Toutefois, projetés
                                    d’ici la fin du siècle en Suisse et de manière plus gé-       sur la période actuelle, ces modèles ne parviennent
                                    nérale en Europe, quel que soit le scénario clima-            toujours pas à simuler la présence du sapin dans les
                                    tique utilisé (Badeau et al 2007, Zimmermann et al            régions climatiques les plus chaudes de Suisse ou en-
                                    2016). Ces résultats ont été remis en question par des        core au sud de l’Italie. A l’opposé de ces résultats, les
                                    études paléoécologiques qui montrent que le sapin             études paléoécologiques suggèrent que le sapin pré-
                                    était plus abondant et présent qu’aujourd’hui jusqu’à         sente un potentiel élevé pour faire face au réchauf-
                                    8000 BP, c’est-à-dire avant les perturbations impor-          fement climatique en Suisse, qui bénéficie d’une hy-
                                    tantes engendrées par les activités humaines, dans            grométrie assez élevée dans la plupart des régions, à
                                    des régions où les températures estivales excédaient          l’exception des vallées les plus continentales des Gri-
                                    probablement de 5 °C les températures maximales               sons et du Valais. Ces résultats sont également cor-
                                    atteintes dans les zones les plus chaudes de sa distri-       roborés par des modèles récents de dynamique de la
                                    bution actuelle (Tinner et al 2013). La présence ac-          végétation, comme le modèle LandClim à condition
                                    tuelle du sapin vers les marges chaudes de sa répar-          d’implémenter un faible taux d’abroutissement dans
                                    tition semble dès lors largement sous-représentée             les paramètres du modèle, c’est-à-dire de simuler une
                                    pour permettre une bonne calibration des modèles.             gestion très contrôlée du gibier (Henne et al 2013,
                                    Ainsi, lorsque les modèles projettent la niche clima-         Keller et al 2002), ce qui est néanmoins difficile à
                                    tique actuelle du sapin en Suisse, ils ne montrent pas        réaliser sur le terrain (Brang 2017).
                                    de présence de cette espèce dans les vallées internes                Cependant, même si les études paléoécolo-
                                    sèches du Valais et dans les régions de plus basses al-       giques suggèrent, à l’échelle de l’espèce, un fort po-
                                    titudes du Plateau où elle est pourtant répertoriée           tentiel du sapin à faire face au réchauffement clima-
                                    par l’Inventaire forestier national (Zimmermann et            tique en cours, des incertitudes demeurent quant
                                    al 2016) et connue des forestiers. Les modélisateurs          aux populations actuellement présentes en Suisse et
                                    expliquent effectivement que la présence de cette es-         plus généralement en Europe centrale. Il n’est par
                                    pèce dans des conditions sèches et chaudes comme              exemple pas exclu que le pool génétique des popu-
                                    en Valais n’est pas assez fréquente comparée au reste         lations qui vivaient dans la partie méridionale de
                                    des données pour apporter une contribution signi-             l’aire de répartition du sapin ait disparu au cours
                                    ficative dans la calibration du modèle. L’ajout de don-       de l’Holocène sous la pression humaine. Ces popu-
                                    nées issues des études palynologiques pourrait pal-           lations pourraient avoir possédé des adaptations

      Schweiz Z Forstwes 169 (2018) 3: 131–142                                                                                 PERSPECTIVES                    137

pp1676_vitasse.indd 137                                                                                                                                    19.04.18 10:58
génétiques permettant de faire face à un climat plus        l’inverse, l’effet négatif d’une sécheresse printanière
                               chaud et plus sec mais qui n’ont peut-être pas été          ou estivale sur la croissance sera nettement atténué
                               conservées dans les populations actuelles puisque           par des sols profonds et/ou en exposition nord
                               l’espèce a été contrainte par la pression humaine à         (Wohlgemuth & Rigling 2014). Cependant, encore
                               se confiner dans des zones plus fraîches et plus hu-        une fois le sapin a montré une capacité d’adaptation
                               mides (Liepelt et al 2010).                                 étonnante en climat sec sur roche comme au sud de
                                                                                           Martigny en Valais, probablement grâce à ses racines
                                      La disponibilité en eau jouera un rôle               qui peuvent se frayer un chemin en profondeur dans
                                      majeur                                               des failles pour aller trouver l’eau.
                                      Les études dendroécologiques suggèrent que
                               le sapin est plutôt tolérant aux températures chaudes,             Recommandations sylvicoles pour pro-
                               mais reste sensible aux sécheresses estivales pronon-              mouvoir le sapin blanc dans les forêts suisses
                               cées, même s’il s’avère aussi résistant et résilient que           Les pratiques sylvicoles et la gestion de la faune
                               le sapin Douglas et plus résistant que l’épicéa (Vitali     sauvage joueront un rôle-clé dans la promotion du
                               et al 2017). L’analyse des données climatiques issues       sapin dans les forêts suisses. Le sapin est par exemple
                               de la répartition actuelle du sapin et les modèles bio-     affecté négativement par des traitements sylvicoles
                               climatiques actuels estiment que cette espèce a be-         qui provoquent des changements environnemen-
                               soin de précipitations annuelles supérieures à 600–         taux trop abrupts comme ceux créés par de grandes
                               700 mm et supérieures à 90–120 mm pendant les               trouées, voire des coupes rases. A l’inverse, un sys-
                               trois mois d’été les plus chauds (juin, juillet, août)      tème de structure forestière irrégulière en utilisant
                               (Tinner et al 2013). Ces conditions climatiques sont        une coupe sélective d’arbres individuels ou par
                               à l’heure actuelle réunies dans la plupart des régions      groupes d’arbres permet une meilleure régénération
                               de Suisse, à l’exception de certaines zones du Valais       et un meilleur établissement du sapin, car cette es-
                               (figure 5a et 5b), mais ces conditions pourraient ne        pèce peut dépasser les autres sous faible niveau lu-
                               plus être réunies dans certaines régions du sud-ouest       mineux, mais est vite concurrencée par des espèces
                               du Plateau Suisse d’ici 2100 (notamment entre le lac        comme le hêtre et l’épicéa en conditions de lumière
                               Léman et le lac de Neuchâtel), en particulier concer-       plus vive (Grassi et al 2004). En outre, le sapin béné-
                               nant les précipitations estivales qui devraient dimi-       ficie d’une plus forte résilience à la sécheresse et
                               nuer de 5 à 25% selon le modèle considéré (Remund           d’une mortalité moindre lorsqu’il est mélangé avec
                               et al 2016 et figure 5b). Ainsi, hormis le sud-ouest        des feuillus (Lebourgeois et al 2013). Cependant,
                               du Plateau, les vallées continentales du Valais et des      même avec le système sylvicole le plus approprié, le
                               Grisons, ainsi que les vallées alpines fortement su-        recrutement du sapin pourrait continuer de faire dé-
                               jettes au foehn qui assèche l’air, une bonne perfor-        faut, si la pression d’abroutissement n’est pas suffi-
                               mance du sapin pourrait être attendue dans prati-           samment restreinte à l’aide d’une gestion stricte de
                               quement toutes les régions de Suisse (Henne et al           la faune (Ficko et al 2016). Dans les zones à forte pres-
                               2015), à condition que la pression d’abroutissement         sion d’abroutissement, la seule mesure efficace pour
                               et les feux de forêts soient suffisamment contrôlés         sauver des sapins est leur protection contre le gibier
                               pour ne pas mettre en péril la régénération de cette        (voir synthèse des méthodes possibles dans Kupfer-
                               espèce. En revanche, les précipitations estivales           schmid & Brang 2010).
                               pourraient progressivement manquer dans la région
                               bâloise, les vallées internes sèches du Valais et des              Pool génétique et autres espèces de sapins
                               Grisons ainsi que dans une vaste zone de basse alti-               Au-delà des interventions sylvicoles, une ré-
                               tude située entre Genève et le lac de Bienne (
limites climatiques communément admises dans la             contradictoires, car ils proviennent d’études utili-
                              littérature. On pourrait citer par exemple les popu-        sant des approches très différentes. Cependant, cette
                              lations prospérant dans le sud de la France sur la          synthèse montre qu’il semble possible de réconcilier
                              face nord du Mont Ventoux à partir de 1000 m d’al-          ces résultats. Les modèles de niches statistiques, qui
                              titude ou encore en Toscane entre 400 m et 500 m            prévoient pour l’instant un fort déclin de la niche
                              d’altitude accompagnées par un cortège d’essences           climatique du sapin, sont trop basés sur la réparti-
                              typiquement thermophiles comme le châtaignier               tion actuelle du sapin, qui a été fortement contrac-
                              (Castanea sativa Mill), le chêne vert (Quercus ilex L.),    tée en raison de l’activité humaine. Les études pa-
                              le charme houblon (Ostrya carpinifolia Scop.), la           léoécologiques remettent en question ces prévisions
                              bruyère arborescente (Erica arborea L.) ou encore le        et les études dendroécologiques supportent ces der-
                              genévrier (Juniperus communis L.; Tinner et al 2016).       nières en démontrant que le sapin a une meilleure
                              Ces populations marginales pourraient avoir un              résistance et résilience par rapport à l’épicéa face aux
                              patrimoine génétique leur permettant de mieux ré-           sécheresses estivales.
                              sister à la sécheresse et devraient donc être considé-             En résumé, la synthèse des connaissances ac-
                              rées comme des sources de provenance potentielles           tuelles présentée ici montre qu’il paraît raisonnable
                              pour des plantations futures (Roschanski et al 2016).       de promouvoir le sapin qui est une espèce embléma-
                              De plus, même si la diversité génétique reste faible        tique de la forêt suisse. Il a le potentiel de remplacer
                              entre les populations de sapin, elle est plutôt élevée      en partie l’épicéa en déclin, en dehors des zones les
                              au sein des populations, même dans les zones mar-           plus sèches que sont le sud-ouest du Plateau, la ré-
                              ginales (Brousseau et al 2016), ce qui est un avan-         gion bâloise et les vallées du Valais et des Grisons
                              tage pour mieux s’adapter aux changements clima-            qui présentent une continentalité thermique élevée
                              tiques. Cette diversité peut en outre être entretenue       (Gubelmann et al 2016). Dans ces régions, ou dans
                              par des pratiques sylvicoles visant à favoriser la pol-     certaines situations particulières comme en exposi-
                              linisation sur de longues distances, par exemple en         tion sud ou dans les vallées fortement affectées par
                              diminuant la densité d’arbres reproducteurs (voir           le foehn (faible humidité relative de l’air) ou encore
                              synthèse des différentes méthodes dans Lefèvre et           sur des sols très superficiels et à très faible rétention
                              al 2014).                                                   d’eau, d’autres espèces plus résistantes à la sécheresse
                                     D’autres espèces de sapins méditerranéens            comme le chêne sessile semblent être plus appro-
                              pourraient également être considérées comme alter-          priées d’ici la fin du siècle (Zimmermann et al 2016).
                              natives au sapin blanc en Suisse, comme par exemple         Il reste cependant incertain, si le sapin ne souffrira
                              A. cephalonica ou A. borisii-regis qui partagent des pro-   pas plus dans le futur d’attaques d’insectes comme
                              priétés physiques du bois et des exigences écolo-           le scolyte curvidenté qui, à l’instar du bostryche ty-
                              giques proches de celles du sapin blanc, mais qui ont       pographe attaquant les épicéas, est favorisé par la
                              l’avantage d’être plus résistantes aux sécheresses es-      hausse des températures et les sécheresses estivales,
                              tivales. Des tests de provenance utilisant ces espèces      le premier facteur accélérant son cycle de dévelop-
                              ont été menés dans le sud de la France à diverses al-       pement et le deuxième augmentant la proportion
                              titudes et ont montré le potentiel de ces deux espèces      d’arbres affaiblis. Une attitude prudente, visant à
                              à croître dans des climats à plus faible précipitation      augmenter progressivement l’utilisation du sapin
                              annuelle et à faire face à de longues périodes de sé-       dans des forêts mixtes, est donc justifiée. Enfin, on
                              cheresse estivale (Fady 1993). Cette forte résilience       ne connaît pas suffisamment aujourd’hui le poten-
                              à la sécheresse s’explique par leur précocité printa-       tiel des provenances de sapins originaires du sud,
                              nière et leur courte saison de croissance, finissant        surtout des Balkans, qui pourraient présenter une
                              leur croissance annuelle dans les 30 à 45 jours sui-        diversité génétique élevée et une résistance particu-
                              vant la sortie des jeunes aiguilles au printemps, c’est-    lière aux sécheresses. C’est pourquoi l’Institut de re-
                              à-dire bien avant les sécheresses estivales (Fady           cherches WSL, dans le cadre d’un réseau de nouvelles
                              1993). Cependant, la phénologie printanière très pré-       plantations expérimentales de diverses essences pro-
                              coce de ces deux espèces les expose davantage aux           metteuses dans un climat plus chaud et plus sec, a
                              risques de gel, risque qui demeure assez élevé en           l’intention d’examiner particulièrement de telles
                              Suisse et qui a même augmenté au cours de la pé-            provenances pour le sapin.                              ■
                              riode de réchauffement des quatre dernières décen-              Soumis: 1er novembre 2017, accepté (avec comité de lecture): 18 janvier 2018

                              nies au-dessus de 800 m (Vitasse et al 2018).

                                                                                                 Remerciements
                                     Conclusions
                                                                                                Cette recherche bibliographique a été finan-
                                    Les résultats concernant l’aptitude future du         cée par le programme de recherches «Forêt et chan-
                              sapin blanc à prospérer dans les climats plus chauds        gements climatiques» de l’Office fédéral de l’envi-
                              et plus secs qu’aujourd’hui semblent apparemment            ronnement et de l’Institut fédéral de recherches

      Schweiz Z Forstwes 169 (2018) 3: 131–142                                                                              PERSPECTIVES                            139

pp1676_vitasse.indd 139                                                                                                                                         19.04.18 10:58
WSL. Les auteurs remercient Jan Remund (entreprise                      DURAND-GILLMANN M, CAILLERET M, BOIVIN T, NAGELEISEN LM,
                                                                                                          DAVI H (2014) Individual vulnerability factors of silver fir (Abies
                               Meteotest, Bern) pour les cartes de précipitations as-
                                                                                                          alba Mill.) to parasitism by two contrasting biotic agents:
                               semblées dans la figure 5.
                                                                                                          mistletoe (Viscum album L. ssp. abietis) and bark beetles (Co-
                                                                                                          leoptera: Curculionidae: Scolytinae) during a decline process.
                                                                                                          Ann For Sci 71: 659–673.
                               Références                                                              EICHENSEER F (1997) Entwicklung der Tannenanteile in Ostbayern
                                                                                                          im 19. und 20. Jahrhundert. Forst Holz 52: 498–501.
                                                                                                       ELLING W, DITTMAR C, PFAFFELMOSER K, ROTZER T (2009) Den-
                               AUSSENAC G (2002) Ecology and ecophysiology of circum-Med-
                                 iterranean firs in the context of climate change. Ann For Sci            droecological assessment of the complex causes of decline
                                                                                                          and recovery of the growth of silver fir (Abies alba Mill.) in
                                 59: 823–832.
                                                                                                          Southern Germany. For Ecol Manage 257: 1175–87.
                               BADEAU V, DUPOUEY JL, CLUZEAU C, DRAPPIER J (2007) Aires po-
                                                                                                       ELLING W, HEBER U, POLLE A, BEESE F (2012) Schädigung von
                                 tentielles de répartition des essences forestières d’ici 2100.
                                                                                                          Waldökosystemen: Auswirkungen anthropogener Umweltver-
                                 Rendez-vous techniques hors-série 3: 62–66.
                                                                                                          änderungen und Schutzmassnahmen. Heidelberg: Spektrum.
                               BOSELA M, LUKAC M, CASTAGNERI D, SEDMÁK R, BIBER P ET AL
                                                                                                          442 p.
                                  (2018) Contrasting effects of environmental change on the
                                                                                                       ENGESSER R, FORSTER B, LANDOLT W (2002) Frostschäden an
                                  radial growth of co-occurring beech and fir trees across Eu-
                                                                                                          Nadelbäumen im Winter 2001/2002 und deren Folgen.
                                  rope. Sci Total Environ 615: 1460–1469.
                                                                                                          Schweiz Z Forstwes 153: 471–475. doi: 10.3188/szf.2002.0471
                               BOSELA M, POPA I, GÖMÖRY D, LONGAUER R, TOBIN B ET AL
                                                                                                       ENGLER A (1913) Einfluss der Provenienz des Samens auf die Ei-
                                 (2016) Effects of post-glacial phylogeny and genetic diversity
                                                                                                          genschaften der forstlichen Holzgewächse. Mitt Schweiz Cen-
                                 on the growth variability and climate sensitivity of European
                                                                                                          tralanst Forstl Versuchswesen 10: 190–386.
                                 silver fir. J Ecol 104: 716–724.
                                                                                                       ETTLINGER P (1976) Untersuchungen über den Erfolg früherer
                               BRANG P (2017) Einfluss von Wildhuftieren auf den Wald seit
                                                                                                          Flyschaufforstungen. Beih Schweiz Z Forstwes 58. 118 p.
                                 Langem zu hoch – was tun? (Essay). Schweiz Z Forstwes 168:
                                                                                                       FADY B (1993) Caractéristiques écologiques et sylvicoles des sa-
                                 195–199. doi: 10.3188/szf.2017.0195
                                                                                                          pins de Grèce dans leur aire naturelle et en plantation dans le
                               BROUSSEAU L, POSTOLACHE D, LASCOUX M, DROUZAS AD, KÄLL-
                                                                                                          sud de la France. Perspectives pour le reboisement en région
                                  MAN T ET AL (2016) Local adaptation in European firs assessed
                                                                                                          méditerranéenne. Rev For Fr 45: 119–133.
                                  through extensive sampling across altitudinal gradients in
                                                                                                       FICKO A, ROESSIGER J, BONCINA A (2016) Can the use of contin-
                                  southern Europe. PLoS ONE 11: e0158216.
                                                                                                          uous cover forestry alone maintain silver fir (Abies alba Mill.)
                               BÜNTGEN U, TEGEL W, KAPLAN JO, SCHAUB M, HAGEDORN F ET
                                                                                                          in central European mountain forests? Forestry 89: 412–421.
                                  AL (2014) Placing unprecedented recent fir growth in a Euro-
                                                                                                       FRANK A, SPERISEN C, HOWE GT, BRANG P, WALTHERT L ET AL
                                  pean-wide and Holocene-long context. Front Ecol Environ 12:
                                                                                                          (2017) Distinct genecological patterns in seedlings of Norway
                                  100–106.
                                                                                                          spruce and silver fir from a mountainous landscape. Ecology
                               BÜRGI M, SCHULER A (2003) Driving forces of forest manage-
                                                                                                          98: 211–227.
                                  ment – an analysis of regeneration practices in the forests of
                                                                                                       FREY HU (2003) Die Verbreitung und die waldbauliche Bedeu-
                                  the Swiss Central Plateau during the 19 th and 20 th century. For
                                                                                                          tung der Weisstanne in den Zwischenalpen. Ein Beitrag für
                                  Ecol Manage 176: 173–183.
                                                                                                          die waldbauliche Praxis. Schweiz Z Forstwes 154: 90–98. doi:
                               CAILLERET M (2011) Causes fonctionnelles du dépérissement et
                                                                                                          10.3188/szf.2003.0090
                                  de la mortalité du sapin pectiné en Provence. Aix-en-Provence:       GAZOL A, CAMARERO JJ, GUTIERREZ E, POPA I, ANDREU-HAY-
                                  Université Paul-Cézanne, Thèse de doctorat. 366 p.                      LES L ET AL (2015) Distinct effects of climate warming on pop-
                               CAILLERET M, HENDRIK D (2011) Effects of climate on diameter               ulations of silver fir (Abies alba) across Europe. J Biogeogr 42:
                                  growth of co-occurring Fagus sylvatica and Abies alba along             1150–1162.
                                  an altitudinal gradient. Trees-Struct Funct 25: 265–276.             GEORGE JP, SCHUELER S, KARANITSCH-ACKERL S, MAYER K,
                               CARCAILLET C, MULLER SD (2005) Holocene tree limit and distri-             KLUMPP RT ET AL (2015) Inter- and intra-specific variation in
                                  bution of Abies alba in the inner French Alps: anthropogenic           drought sensitivity in Abies spec. and its relation to wood den-
                                  or climatic changes? Boreas 34: 46–476.                                sity and growth traits. Agric For Meteorol 214–215: 430–443.
                               CARRER M, NOLA P, MOTTA R, URBINATI C (2010) Contrasting                GOMEZ N (2012) Quel avenir pour le sapin et l’épicéa? Synthèse
                                  tree ring growth to climate responses of Abies alba toward the         bibliographique sur l’autécologie et la vulnérabilité comparée
                                  southern limit of its distribution area. Oikos 119: 1515–1525.         du sapin et de l’épicéa dans le cadre des changements clima-
                               CHAUCHARD S, BEILHE F, DENIS N, CARCAILLET C (2010) An in-                tiques. Rendez-vous techniques 36–37: 3–8.
                                  crease in the upper tree-limit of silver fir (Abies alba Mill.) in   GRASSI G, MINOTTA G, TONON G, BAGNARESI U (2004) Dynam-
                                  the Alps since the mid-20 th century: A land-use change phe-           ics of Norway spruce and silver fir natural regeneration in a
                                  nomenon. For Ecol Manage 259: 1406–1415.                               mixed stand under uneven-aged management. Can J For Res
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                                  interactions between Mediterranean climate, vegetation and           GUBELMANN P, HUBER B, FREHNER M, ZISCHG A, BURNAND J ET
                                  fire regime at Lago di Massaciuccoli (Tuscany, Italy). J Ecol 95:       AL (2016) Schlussbericht des Projektes «Adaptierte Ökogramme»
                                  755–770.                                                               im Forschungsprogramm «Wald und Klimawandel», Teil 1:
                               COMMARMOT B (1997) Anbauversuch mit kalabrischen Tannen                   Quantifizierung und Verschiebung der Höhenstufengrenzen so-
                                  in verschiedenen Höhenlagen – erste Ergebnisse. Schweiz Z              wie des Tannen- und Buchenareals in der Schweiz mit zwei Kli-
                                  Forstwes 148: 353–365. doi: 10.5169/seals-700562                       mazukünften. Chur: Forstingenieurbüro Frehner. 233 p.
                               CONEDERA M, COLOMBAROLI D, TINNER W, KREBS P,                           GUICHERD P (1994) Water relations of European silver fir (Abies
                                  WHITLOCK C (2017) Insights about past forest dynamics as a             alba Mill.) in 2 natural stands in the French Alps subject to
                                 tool for present and future forest management in Switzerland.           contrasting climatic conditions. Ann Sci For 51: 599–611.
                                 For Ecol Manage 388: 100–112.                                         HENNE PD, ELKIN C, COLOMBAROLI D, SAMARTIN S, BUG-
                               DESPLANQUE C, ROLLAND C, MICHALET R (1998) Dendroclima-                    MANN H, ET AL (2013) Impacts of changing climate and land
                                 tologie comparée du sapin et de l’épicéa dans les zones in-              use on vegetation dynamics in a Mediterranean ecosystem:
                                 ternes des vallées alpines nord-occidentales (France et Italie).         insights from paleoecology and dynamic modeling. Landsc
                                 Ecologie 29: 351–355.                                                    Ecol 28: 819–833.

    140                   PERSPEKTIVEN                                                                                      Schweiz Z Forstwes 169 (2018) 3: 131–142

pp1676_vitasse.indd 140                                                                                                                                               19.04.18 15:33
HENNE PD, ELKIN C, FRANKE J, COLOMBAROLI D, CALO C ET AL                  PARRY M, CANZIANI O, PALUTIKOF JEAN, VAN DER LINDEN P, HAN-
                                 (2015) Reviving extinct Mediterranean forest communities                  SON C, EDITORS (2007) Climate Change 2007: Impacts, adap-
                                may improve ecosystem potential in a warmer future. Front                  tation and vulnerability. Contribution of Working Group II to
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                                Central Europe. Environ Pollut 90: 171–180.                               ramètres climatiques relatifs à la forêt. In: Pluess AR, Augus-
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                              KÖRNER C, ASSHOFF R, BIGNUCOLO O, HÄTTENSCHWILER S,                         sponse of photosynthesis of silver fir (Abies alba Mill.) seed-
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                                                                                                           (1999) Ecological requirements of Abies alba in the French Alps
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                                 369.
                                                                                                        ROSCHANSKI AM, CSILLERY K, LIEPELT S, ODDOU-MURATORIO S,
                              LEBOURGEOIS F, GOMEZ N, PINTO P, MERIAN P (2013) Mixed
                                                                                                          ZIEGENHAGEN B, ET AL (2016) Evidence of divergent selec-
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                                                                                                          tion for drought and cold tolerance at landscape and local
                                 drought in the Vosges mountains, western Europe. For Ecol
                                                                                                          scales in Abies alba Mill. in the French Mediterranean Alps.
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                                                                                                          Mol Ecol 25: 776–794.
                              LEFEVRE F, BOIVIN T, BONTEMPS A, COURBET F, DAVI H ET AL
                                                                                                        ROTHE A, DITTMAR C, ZANG C (2011) Tanne – vom Sorgenkind
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                              LIEPELT S, MAYLAND-QUELLHORST E, LAHME M, ZIEGENHAGEN B
                                                                                                           (2016) Past and future evolution of Abies alba forests in Eu-
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                                                                                                           rope – comparison of a dynamic vegetation model with pal-
                                 ern genetic lineages in Mediterranean Abies species. Plant Syst
                                                                                                           aeo data and observations. Glob Chang Biol 22: 727–740.
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                                 kommen (Abies alba Mill.) im Wallis (CH). Mitt Eidgenöss
                                                                                                           utilisation potential. Q J For 110: 16–27.
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                                                                                                        SCHÜTT P, COWLING EB (1985) Waldsterben, a general decline
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pp1676_vitasse.indd 141                                                                                                                                           19.04.18 15:33
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