Saison XX 2012-2013 - Cornetto Diffusion
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Saison XX 2012-2013
Saison XX 2012-2013
Sommaire éditorial 4 le concert de l’hostel dieu 5 agenda 6 Monteverdi & l’Orient mystique 7 Mozart en Italie 17 La ciaccona, il mondo che gira 23 Gloria, Vivaldi 35 Shakespeare in love 43 Le médecin imaginaire 49 Carolan’s dream 57 Stabat Mater, Pergolèse 63 Salsa y Barocco 71 Judith triomphante, Vivaldi 81 Artistes 90 5
Éditorial du président : 20 ans déjà ! Le Concert de l’Hostel Dieu C’était il y a vingt ans. Le Concert de l’Hostel Dieu qui concourent au succès du Concert de l’Hostel Le 8 décembre 1992, à Lyon, a lieu la première représentation du Concert de l’Hostel Dieu : Selva Morale délivrait sa première prestation publique au moment Dieu, nous n’aurons garde d’oublier la dynamique de Monteverdi. L’ensemble est alors en résidence dans les bâtiments baroques de l’Hôtel Dieu. précis où, succédant aux pionniers, les baroqueux de équipe professionnelle qui assiste au quotidien la deuxième génération étaient largement installés. notre directeur musical dans les tâches les plus La troisième vague pointait à l’horizon. Votre complexes. Par ailleurs, une institution comme Aujourd’hui, dans le cadre de sa saison lyonnaise et de sa diffusion dans toute la France et à ensemble favori allait en faire partie. Après les fort la nôtre ne pourrait fonctionner sans l’apport l’International, le Concert de l’Hostel Dieu, constitué d’un chœur de chambre, d’un ensemble de solistes honorables tentatives du passé, peu soucieuses de indispensable des bénévoles qui – entre autres – et d’un orchestre sur instruments anciens, donne environ 70 concerts par saison, dédiés principalement restitution musicologique, c’est au cours des années vous accueillent et vous renseignent à chacun de à l’interprétation du répertoire vocal baroque. quatre-vingt que Lyon avait commencé à accueillir nos concerts. Pour leur dévouement et la prodigalité de prestigieux ensembles spécialisés. Toutefois, des soins apportés aux nombreuses tâches qui leur Son positionnement artistique, emblème de la « griffe » de l’ensemble, l’inscrit dans une approche leur présence demeurait ponctuelle, à l’occasion sont assignées, qu’ils soient ici vivement remerciés. résolument contemporaine. En parallèle de son travail de création et de diffusion, le Concert de l’Hostel de tournées ou de la résidence temporaire de tel Ce tour d’horizon ne saurait s’achever sans vous Dieu soutient l’émergence de jeunes talents, les aidants à s’insérer dans le réseau professionnel (stages, chef renommé, brillant serviteur de ce répertoire. master class, académies...). rendre un vibrant hommage. C’est en effet à vous, En pleine vague « baroqueuse », Lyon ne disposait Au fil des vingt saisons, les enregistrements du Concert de l’Hostel Dieu ont permis de diffuser le fidèles spectateurs-auditeurs – pour certains de la pas encore d’une structure permanente vouée à répertoire des XVIIème et XVIIIème siècles auprès d’un large public et de restituer des œuvres rares ou première heure ! – que nous voulons exprimer toute cette esthétique. Or, pourquoi, en gardiens jaloux, inédites, issues pour la plupart du patrimoine régional rhône-alpin. notre gratitude. Vous êtes notre raison première Paris et la Région Ile de France auraient prétendu d’exister. De même que Lully n’eût point été le premier à l’exclusivité des forces dévolues au répertoire L’enregistrement, en 1997 du premier disque baroque du Concert de l’Hostel Dieu dans le cadre du compositeur de France sans l’auguste protection du baroque dans notre pays ? Bientôt, ce que l’on festival Musicales en Auxois - Alceste de Haendel - reçoit la récompense ffff de Télérama. Viennent Roi-Soleil, de même nous n’existerions pas sans votre appelle péjorativement « la Province » se signalait ensuite le concert et l’enregistrement au festival de la Chaise Dieu par Radio France du Dixit Dominus présence et votre soutien constants. Aussi, dans les par un frémissement. Une place était à prendre temps économiquement agités et difficiles que de Haendel. en région lyonnaise. Certes, d’aucuns pourraient nous vivons c’est pour nous un puissant réconfort prétendre « que l’on ne nous avait rien demandé » de vous voir assister de plus en plus nombreux à À l’automne 2011, l’ensemble présente au public son nouvel opus A shakespeare Fantasy. Le succès du mais qui aurait, aujourd’hui, la cuistrerie d’exprimer nos prestations, à Lyon autant qu’en d’autres lieux disque O Carolan’s Dream produit en 2008 conduit le Concert de l’Hostel Dieu à rééditer le disque pour un point de vue aussi inepte ? Assurément aucun où vous nous suivez avec passion. Votre bonheur est sa vingtième saison. individu cultivé ! notre satisfaction première et, si nous parvenons à Le chemin parcouru, l’œuvre accomplie plaident vous transporter loin des inquiétudes du quotidien, en la faveur de Franck-Emmanuel Comte et ses c’est aussi parce qu’en permettant à l’Art d’exister, amis. Ils eurent le courage de tenter une folle l’Art vous récompense par la régénération de l’esprit, aventure, peut-être alors inconscients de cette du cœur et de l’âme. Sous la plume de Dostoïevski est destination lointaine. En effet : qui eût cru que, née l’idée que « La beauté sauvera le Monde ». Aussi, deux décennies plus tard, Le Concert de l’Hostel continuez d’être, cher public, nos ambassadeurs Dieu serait devenu le grand ensemble stable dédié à auprès de tous ceux qui aspirent à la Beauté et à la Carolan’s Dream Belle Virgnie la musique dite ancienne dans notre cité ? Pourtant, Vraie Culture. En diffusant les lumières artistiques, Rencontre entre l’univers baroque Une rencontre musicale métissée l’audace a porté ses fruits. Les chiffres sont là et c’est tous rassemblés que nous pourrons persévérer, et le monde celtique pour petits et grands parlent d’eux-mêmes : un millier de concerts, des en apportant notre modeste contribution à une centaines de déplacements à travers l’Europe, nouvelle Renaissance dont notre humanité éprouve Réédition ! Le Martyre neuf enregistrements discographiques salués par l’urgente nécessité. Nous savons que nous pouvons la critique, des dizaines d’artistes révélés qui, pour compter sur vous, c’est pourquoi nous vous dédions de Sainte Ursule la plupart, collaborent toujours à nos saisons, cette XXème saison. Oratorio inédit d’Alessandro Scarlatti contribuant à la renommée de nos programmations. Qu’elle s’inscrive en lettres d’or, non comme Aujourd’hui, c’est de surcroît avec émotion que nous la conclusion d’un cycle mais, plutôt – nous le Haendel en Italie assistons à la naissance de nouveaux ensembles souhaitons sincèrement – à l’image d’une porte A Shakespeare Fantasy La virtuosité d’un grand maître locaux. Ils appartiennent à la quatrième génération grande ouverte sur une nouvelle décennie de L’univers musical féerique de Purcell de l’écriture chorale des serviteurs de la musique baroque. Nous avons bonheurs musicaux partagés. et Shakespeare parrainé certains d’entre eux et nous contemplons La bellissima speranza À toutes et à tous, nous souhaitons un excellent Ligia Digital / Harmonia Mundi leurs progrès dans un esprit de saine émulation. anniversaire ! Airs, duos et trios pour découvrir Stradella Dans l’évocation de toutes les énergies et volontés Patrick Favre-Tissot-Bonvoisin 4 5
Agenda Monteverdi & l’Orient Mystique Lamenti e sospiri di un’anima amante Septembre lundi 17 septembre à 20h30 Monteverdi et l’Orient mystique Lamenti e sospiri di un’anima amante mardi 18 septembre à 20h30 Octobre Église Saint-Bruno-les-Chartreux Mozart en Italie 56, rue Pierre Dupont, Lyon 1° Entre ombres et lumières dans la Ville Éternelle Novembre La ciaccona, il mondo che gira Chaconnes, folies, tarantelles ibériques & italiennes distribution Décembre Hasnaa Bennani, soprano Youssef Kassimi Jamal, oud & chant Gloria, Vivaldi Nolwenn Le Guern, viole & lyrone Per la notte di Natale Étienne Galletier, théorbe & guitare Janvier Luc Gaugler, viole & violone Shakespeare in love Franck-Emmanuel Comte, clavecin, orgue & direction L’âme amoureuse de Shakespeare Chœur de chambre du Concert de l’Hostel Dieu Hugo Peraldo, chef des chœurs Février Le médecin imaginaire programme Musique & comédie sous la plume de Molière • 1ère partie Mars Lamma Bada Yatatanna, chant arabo-andalou Lamento della Ninfa, Claudio Monteverdi (8ème Livre de madrigaux) Carolan’s dream Lamento di filia et Coro finale (Jephte), Giacomo Carissimi La rencontre entre le monde gaëlique & l’art baroque Là tra’l sangue e le morti, Sigismondo d’India Avril Yi Mariyamo, prière à la Vierge Stabat Mater, Pergolèse Usurpator Tiranno, Giovanni Felice Sances Naples, entre art savant & inspirations populaires Anima dolorosa, Claudio Monteverdi (4ème Livre de madrigaux) Al houbo dini, chant arabo-andalou Mai • 2ème partie Salsa y Barroco ! Li Habibi Oursil Salam, chant arabo andalou Soirée cubaine : Piagne e sospira, Claudio Monteverdi (4ème Livre de madrigaux) entre salsa cubaine & negritos baroques Pianto della Madonna, Claudio Monteverdi Juin Lagrime d’amante al sepolcro dell’amata, Claudio Monteverdi (6ème Livre de madrigaux) Lamento d’Orfeo et Coro finale, Luigi Rossi (Orfeo) Judith triomphante, Vivaldi Psaume 42, Kama yachtaqo l’ayyilo Le baroque victorieux ! Lamento d’Arianna, Claudio Monteverdi (6ème Livre de madrigaux, 1ère partie) 6 7
La rencontre entre l’Orient et l’Occident Les trois vies du Lamento d’Arianna L’Orient est le lieu de multiples croisades européennes dès le XI ème siècle. Sans occulter l’aspect Le lamento est une pièce qui exprime la tristesse et la plainte, souvent liées au sentiment amoureux. sanglant et guerrier de ce siècle plein de fureur, les croisades sont aussi le théâtre de la rencontre de On le retrouve fréquemment sous une forme pour voix seule, le récitatif, où la mélodie obéit au texte, deux cultures qui, à cette occasion, se mêlent, se séduisent et se repoussent. Cette contrée fascinante suit et révèle par ses inflexions le sens du poème. Telle est la première version du Lamento d’Arianna de offre une inépuisable source d’inspiration à de nombreux artistes occidentaux. Le poème épique de Monteverdi (1608), œuvre qui structure ce programme. Sixième et unique scène de l’opéra Arianna qui Torquato Tasso (dit Le Tasse), Gerusalemme liberta, est la principale œuvre de l’artiste italien du XVIème nous soit parvenue, l’héroïne y chante sa douleur au départ de Thésée, accompagnée d’un continuo. siècle. Illuminé par cet Orient mystérieux qui fascine, il peint les épisodes les plus expressifs de la Quelques années plus tard, en 1610, Monteverdi compose une version à cinq voix de ce lamento. Il grande épopée des croisades. Les poèmes du Tasse furent un vaste terrain d’inspiration pour toute une s’agit d’un madrigal, qui est publié en tête du Sixième Livre de madrigaux en 1614. Forme polyphonique génération de musiciens, mais aussi de peintres tels que Paolo Domenico Finoglio. On trouve en effet qui peut rassembler jusqu’à huit voix a cappella, le madrigal est une composition dont la structure et un patrimoine poétique commun à l’Orient et à l’Occident des XIIème et XIIIème siècles, une sensibilité la musique obéissent aussi au sens d’un texte toujours profane. Maître en la matière, Monteverdi commune. L’œuvre de Tasso entrelace, au récit romancé des croisades, des histoires d’amours compose huit livres de madrigaux. Il marque ce genre par l’ajout d’un accompagnement que l’on voit tourmentées et impossibles que l’on retrouve de toute part dans la musique. Les amours d’Armide la apparaître dès le Cinquième Livre. Il transcende les règles de polyphonie et de contrepoint, concevant magicienne et du croisé Renaud furent de nombreuses fois mises en musique (D’India, Lully, Haendel, un style nouveau, la seconda pratica, opposé à la prima pratica qui dicte le respect strict des lois Vivaldi, Gluck, Haydn, Rossini…), ainsi que l’histoire de Tancrède qui donne naissance au Tancrède de contrapuntiques. Les madrigaux peuvent être considérés comme des extensions polyphoniques de la Campra et au célèbre madrigal Il combattimento di Tancredi e Clorinda de Claudio Monteverdi. déclamation « monteverdienne ». Le madrigal du Lamento d’Arianna est un écho à la pièce monodique de 1604. Monteverdi imagine une résonnance polyphonique, tout en gardant intacte la rhétorique poétique du texte. Mais il existe encore une dernière version de ce lamento, cette fois-ci sous un titre Les musiques arabo-chrétiennes et chants arabo-andalous différent : Pianto delle Madonna. Il s’agit ici d’une monodie sacrée et latine, publiée en 1640 où 1641 à L’Orient – et tout l’imaginaire mystique et poétique qui gravite autour – a inspiré la création artistique la fin du recueil Selva Morale e spirituale. Le sentiment amoureux y est transcrit en pieuses pensées, en Occident. Mais cette contrée tant romancée a aussi gardé en mémoire la longue présence Teseo mio devenant Mi Filli. chrétienne sur ses terres, présence souvent violente mais pas uniquement. Il n’est pas inutile de rappeler que la chrétienté est née en Orient et que sa langue d’origine est l’araméen, idiome proche de l’arabe. Très vite, de nombreux peuples arabes ont adopté la nouvelle religion ainsi que les textes sacrés et chants religieux liés à celle-ci, lesquels ont été traduits et rédigés en arabe. Une communauté chrétienne arabe existe toujours au Moyen-Orient, véhiculant des chants et des prières chrétiennes en arabe, telle cette prière dédiée à la Vierge Marie ou ce Psaume 42 tiré de la Bible. Le répertoire musical arabe classique comprend donc ces chants chrétiens, mais aussi de très beaux chants d’amour arabo-andalous. L’Orient est présent sur la Péninsule Ibérique depuis sa conquête islamique au VIIIème siècle et l’Andalousie n’a cessé de donner au monde un grand exemple de convivialité et de tolérance entre différentes cultures et religions. Dans ce climat favorable, les arabes inventent au XIème siècle une nouvelle forme de poésie exclusivement vouée au chant et qu’ils appellent mouachah et qui signifie « brodé ». Cette nouvelle forme est le fruit d’un mélange entre la forme métrique traditionnelle de la poésie venue de l’Arabie et la forme plus variée des chants des troubadours. Les mouachah sont les unités de base qui forment les suites appelées nouba ou tout simplement musique arabo-andalouse. Les deux chants choisis ici (Al houbo dini et Li habibi oursil salam) sont des mouachah de deux nouba différentes. Mais les deux parlent d’amour charnel, lequel, pour certains, s’apparente et se mêle à l’amour divin. Ainsi le chant d’amour se transforme-t-il en chant profondément mystique. Le chant de l’introduction Lamma bada est plus récent mais emprunte tout de même la forme du mouachah andalou par sa forme poétique. D’un point de vue musical, il est purement oriental et de tradition Ottomane en raison de la longue présence des Ottomans en Orient arabe. C’est un chant qui décrit la beauté et la grâce féminine à travers son corps et sa démarche ainsi que tout ce que cela suscite comme ravages auprès des amoureux qui la convoitent, sans aucune connotation religieuse ni mystique. Youssef Kassimi Jamal 8 9
Lamma Bada Yatatanna Da quella bocca havrà Lamento di filia et Coro finale (Jephte) Chœur : Pleurez fils d’Israël, Nè più soavi... ah taci, Giacomo Carissimi Et vous toutes les vierges pleurez, Quand elle apparut avec sa démarche si fière Taci, che troppo il sa ! Et pour la fille unique de Jephté, Mon amour m’a séduit par sa beauté Plorate, colles, dolete, montes , Coro : Miserella ! Chantez un chant de deuil. Ah comme son regard m’a asservi ! Et in afflictione cordis mei ululate. C’est un rameau qui captive quand elle se penche La bergère : Amour (écho : ululate) Là tra’l sangue e le morti Ah dans quel trouble elle m’a mis ! Ecce morira virgo Sigismondo D’India Chœur : disait-elle Je n’ai pour compatir à ma plainte Et non potero morte mea meis filiis consolari. La bergère : Amour « Là tra’l sangue e le morti egro giacente À cause de la douleur que me cause cet amour ? Ingemiscite silvae, fontes et flumina, Mi pagherai le pene, empio guerriero. Que la reine de la Beauté ! Chœur : regardant le ciel, le pied immobile Et interitu virginis lachrimate ! Per nome Armida chiamerai sovente La bergère : Amour, amour, (écho : lachrimate) Ne gli ultimi singulti : udir ciò spero.» Lamento della Ninfa Où est la foi Heu me dolentem in laetitia populi, Or qui mancò lo spirto a la dolente, Claudio Monteverdi Que le traître m’a jurée ? In victoria Israël Né quest’ultimo suono espresse intero : Chœur : Pauvre enfant ! Et gloria a patris mei. E cadde tramortita, e si diffuse La Ninfa : Amor Ego sine filiis virgo, ego filia uni genita, morirar Di gelato sudor, e i lumi chiuse. Coro : dicea La bergère : Fais que mon amour et non vivam. « Là, gisant, agonisant au milieu du carnage et La Ninfa : Amor Redevienne ce qu’il était, Exhorrerscite rupes, obstu pescite, des morts Ou tue-moi, Colles valles et cavernae, in sonitu horibili Coro : il ciel mirando, il piè fermò Alors, l’infâme guerrier, tu me paieras ta cruauté. Que je ne me tourmente plus. resonate ! La Ninfa : Amor, amor, Souvent tu invoqueras le nom d’Armide Chœur : Pauvre enfant ! Assez ! (écho : resonate) Dans tes dernier sanglots : c’est tout ce que Dov’è la fe’ Ch’el traditor giurò ? Elle ne peut souffrir tant de froideur. Plorate, filii Israel, plorate virginatem meam, j’espère.» La bergère : Je ne veux pas qu’il soupire Et filiam Jephte unigenitam, Mais le souffle venant à lui manquer, la misérable Coro : miserella davantage, In carmine doloris lamentamini. Put à peine prononcer ces derniers mots : La Ninfa : Fa’ che ritorni il mio Elle perdit les sens et s’effondra, inondée Sinon quand il est loin de moi. Coro : Plorate, filii Israel, Amor com’ei pur fu, D’une sueur glacée, puis elle ferma les yeux. Non, non, il ne m’exposera plus Plorate omnes virgines, Tu m’ancidi ch’io Ses tourments, ma foi ! Et filiam Jephte unigenitam, Non mi tormenti più ; In carmine doloris lamentamini. Ya Mariyamo Coro : Miserella ah più, no, Chœur : Ah, la pauvre ! Assez ! Tanto gel soffrir non può Pleurez collines, affligez-vous montagnes ; Nous te saluons, ô toi Notre Dame La bergère : Parce que je me consume pour lui, Et dans le chagrin de mon cœur gémissez. Marie Vierge Sainte que drape le soleil La Ninfa : Non vo’ ch’ei più sospiri Le voici tout orgueilleux ; (écho : gémissez) Se non lontan da me. Mais alors, oui, si je le fuis, Couronnée d’étoiles, la lune est sous tes pas. Je vais mourir vierge En toi nous est donnée, l’aurore du salut No no, che i suoi martiri Il reviendra m’implorer. Et à ma mort je ne pourrai être consolée par mes Più non dirammi, affé ! Marie Eve nouvelle et joie de ton Seigneur Chœur : Pauvre enfant ! Assez ! fils. Tu as donné naissance à Jésus le Sauveur. Coro : Ah miserella. Ah più no no Elle ne peut souffrir tant de froideur. Gémissez forêts, fontaines et fleuves, Par toi nous sont ouvertes les portes du jardin La Ninfa : Perché di lui mi struggo, Pleurez la mort d’une vierge ! Guide-nous en chemin, étoile du matin. La bergère : Si l’autre a l’œil plus doux Tutt’orgoglioso sta ; (écho : pleurez) Que n’est le mien, Malheur à moi qui souffre au milieu de Che sì, che sì, s’il fuggo, Ancor mi pregherà. Amour n’enferme pas en son sein l’allégresse publique, Usurpator Tiranno Autant de fidélité. Dans la victoire d’Israël Giovanni Felice Sances Coro : Miserella, ah, più non Chœur : Pauvre enfant ! Assez ! Et dans la gloire de mon père. Usurpator tiranno della tua libertà sia Lilla altrui, Tanto gel soffrir non può Elle ne peut souffrir tant de froideur. Moi, vierge sans enfant, moi fille unique, je vais Che da gl’imperi sui non riceve il mio amor La Ninfa : Se ciglio ha più sereno mourir, et je ne vivrai pas. La bergère : Jamais il n’aura de sa bouche perdita o danno. Colei che il mio non è, Hérissez vous rochers, tremblez collines, Plus doux baisers, plus délicieux ; Faccia’l geloso amante che non t’oda, Già non rinchiude in seno Vallées et cavernes, résonnez de sons horribles ! Ah, tais-toi, tais-toi, Ben mio che non ti miri. Amor sì bella fe’. (écho : résonnez) Saranno i miei sospiri a suo dispetto d’amator Coro : Miserella, ah, più non Il ne le sait que trop ! Pleurez fils d’Israël, pleurez ma virginité, costante. Tanto gel soffrir non può Chœur : Malheureuse ! Et pour la fille unique de Jephté, Procuri pur ch’io sia esule dal tuo affetto e dal La Ninfa : Nè mai sì dolci baci Chantez un chant de deuil. tuo core, 10 11
Che non farà ch’amore abandoni già mai l’anima Lilla peut bien être cruel ; qu’il tente de m’infliger Li Habibi Ourssil salam Quae gemendo pro te pallidas languet mia. tourments et peines ; Atque in morte funesto in hac tam dura Le poète dit qu’il envoie le salut à sa bien-aimé Di sdegno in frà gl’ardori armi la voce a stratii Les années n’entameront jamais ma fidélité. Et tam immani Cruce Et qu’il souhaite qu’elle fasse de même. miei rivolto ; Tecum petit affigi. Qu’elle soit près de lui malgré la jalousie des Non potrà far il stolto, che se ben tù non m’ami Mi Jesu, O Jesu mi, io non t’adori. Anima dolorosa autres. O potens homo, O Deus, Claudio Monteverdi Et il dit : « O la pleine lune *, Ma che val ch’il rival non mi possa impedir ch’io Cujus pectores, heu, tanti doloris C’est toi que je demande dans l’ existence. non ti brami, Anima dolorosa, Quo torquetur Maria. Toi la beauté qui existe dans ce monde Se per far ch’io non a mi l’adorar giova poco Che vivendo tanto peni e torment Miserere gementis Reçois de moi mille saluts. » amar non vale. I quant’o di e parli e pensi e miri e senti Tecum quae extinta sit, quae per te vixit. *la lune : la femme avec son beau visage rond Meta de tuoi diloetti fatto e novo amator vago e Amor spiri ? Sed promptus ex hac vita discendis, felice, Che speri ? O mi Fili, et ego hic ploro. A cui concede e lice il tuo voler del cor, gl’ulti mi Ancor dimori in questa viva morte ? Piagn’e sospira Tu confringes infernum hoste victo superbo, accenti. In quet’inferno dele tue pene eterno ? Claudio Monteverdi Et ego relinquor, Seguane ciò che vuole ; adorerò com’adorai l’tuo Mori misera mori ! preda doloris, solitaria et mesta. Piagn’e sospira, e quando i caldi raggi nome, Che tardi più che fai ? Te Pater almus, teque fons amoris suscipiant laeti, Fuggon la greggia a la dolce ombra assise Le luci tue, le chiome saranno del moi cor catena Perché mort’al piacer viv’al martire ? Et ego te non videbo. Ne la scorza de’ pini o pur de’ faggi e Sole. Perché viv’al morire ? O Pater, O mi sponse. Segnò l’amato nome in mille guise, Sii pur Lilla crudele ; tenti per tormentarmi Consum’il duol che ti consum’homai Haec sunt promissa E de la sua fortuna i gravi oltraggi angosce e affanni ; Di questa morte che par vita uscendo Archangeli Gabrielis, E i vari casi in dura scorza incise ; non mi darano gl’anni altro titolo mai che di Mori meschina al tuo morir morendo Haec illa excelsa sedes E in rileggendo poi le proprie note fedele. Antiqui Patris David, Âme douloureuse, Spargea di pianto le vermiglie gote. Sunt haec regalia sceptra Que le tyran usurpateur de ta liberté soit Lilla ou Dont la vie n’est que peine et tourment, Elle pleurait et soupirait, et lorsque les chauds Quae tibi cingant crines, un autre, Quoi que tu entendes, dises, penses, voies et Rayons du soleil eurent quitté le troupeau, elle Haec ne sunt aurea sceptra, Sa domination n’entache ni ne détruit en rien cet sentes. s’assit Et fine regnum amour pieux. Aspires-tu à aimer ? Dans la fraîcheur de l’ombre et dans l’écorce d’un Affigi duro ligno, Qu’il fasse l’amant jaloux, qu’il ne t’entende point, Qu’espères-tu ? pin Et clavis laniari atquae corona ? Ma bien-aimée, qu’il ne te regarde point. Es-tu encore attachée à cette mort vivante ? Ou d’un hêtre, elle grava mille fois le nom de l’être Ah Jesu, ah Jesu mi, Mes soupirs seront ceux d’un amoureux fidèle, À cet enfer de souffrances éternelles ? aimé, En mihi dulce mori. quelque dépit qu’il en ait. Meurs, misérable, meurs ! Et inscrivit un par un dans la dure écorce Ecce plorando, ecce clamando, Il peut bien faire en sorte que je sois banni de ton Pourquoi tardes-tu, pourquoi ? Rogate misera Maria, cœur, Pourquoi morte pour le plaisir, vivrais-tu pour Tous les coups du sort préparés pour elle ; Nam tecum mori est illi gloria et vita. Mon âme ne renoncera pas à son amour pour souffrir ? Puis, relisant ses propres caractères Heu, Fili, non respondes, autant. Pourquoi vivre pour mourir ? Ses joues roses se couvrirent de larmes. Heu, surdus es ad flectus atquae quarellas. Il peut bien, dans son ardeur, mépriser les traits de Consume le souci qui te ronge toujours, O morso, O culpa, O inferne esse sponsus meus, mon amour ; Quitte cette mort qui se fait passer pour la vie, Il ne pourra pas faire semblant de rien car si tu ne Meurs, vilaine, et finis avec cette mort en Pianto della Madonna Mersus in undis velox Claudio Monteverdi O terrae centrum m’aimes pas, je ne t’en adore pas moins. mourant pour de bon ! Aperite profundum Mais qu’importe que mon rival ne puisse Iam morir mi Fili, Et cum dilecto meo me quoque absconde. m’empêcher de te désirer, Quis nam poterit mater consolari Quid loquor ? Heu, Quid spero misera ? Ni sa passion ni son amour ne m’empêcheront de Al houbo dini In hoc fero dolore, Heu, iam quid quero ? t’aimer. L’amour est ma religion In hoc tam duro tormento ? O Jesu, O Jesu mi, Ton nouvel et bel amant, le bienheureux, Et je ne désire pas en changer Iam morir mi Fili. Non sit quid volo, À qui ta volonté accorde les derniers accents de La beauté est une souveraine Mi Jesu, o Jesu mi sponse, Sed fiat quod tibi placet. ton cœur, est devenu l’objet de tes plaisirs. Respectée, équitable ou abusive Mi dilecte, Vivat mestum cor meum pleno dolore, Advienne que pourra ; j’adorerai tes yeux comme Orgueilleuse est mon âme Mi mea spes, mea vita, Pascere, Fili mi, Matris amore. j’ai adoré ton nom, Mais pour toi j’accepte de l’humilier, Me deferis, heu, vulnus cordis mei. Et ta chevelure sera la chaîne et le Soleil de mon Car si amère quoi la soumission Respice Jesu mi, Laisse-moi mourir, mon Fils, cœur. L’amour la rend délicieuse. Respice Jesu precor, respice matrem tua Car qui pourrait consoler une mère 12 13
Dans cette douleur atroce, O centre de la terre Dicano i venti ogn’or, dica la terra : Que le Ciel te donne la paix ; paix à toi, Glaucus, Dans ces tourments insupportables ? Ouvre-toi profondément « Ahi Corinna ! Ahi Morte ! Ahi tomba ! » Prie la tombe honorée et la terre sacrée. Laisse-moi mourir, mon Fils. Et ensevelis-moi avec mon bien-aimé. Cedano al pianto i detti ! Amato seno, Mon Jésus, o mon Jésus, Mais que dis-je ? Qu’est-ce que je désire A te dia pace il Cielo ; pac’ a te, Glauco, Mon époux bien-aimé, Dans ma misère ? Assez de plaintes. Prega honorata tomba e sacra terra. Lamento d’Orfeo et Coro finale (Orfeo) Mon espoir, ma vie, O Jésus, mon Jésus, Luigi Rossi Restes réduits en cendres, tombe avare Lasciate Averno, o pene, e me seguite ! Tu me quittes – ah ! Mon cœur se déchire. Que non pas ma volonté soit exaucée, Devenue le Ciel terrestre de mon beau Soleil, Quel ben ch’à me si toglie Pense à moi, mon Jésus, Mais la tienne. Hélas ! Je m’incline à terre devant vous. Riman là giù, né ponno angoscie e doglie Je t’en supplie, pense à ta mère Laisse vivre mon pauvre cœur plein de douleur, Mon cœur est enfermé avec vous au sein du Star già mai seco unite Qui gémit et soupire après Toi Et Toi, mon Fils, fortifie-Toi de l’amour d’une mère. marbre Più penosso ricetto, Et qui demande à partager avec toi Et nuit et jour, Glaucus tourmenté Più disperato loco Cette mort atroce, clouée Sur la croix dure et terrible. Lagrime d’amante al sepolcro Vit dans le feu, dans les larmes, le deuil, la colère. Del mio misero petto Mon Jésus, o mon Jésus, dell’amata Dites-le, ô fleuves, et vous qui avez entendu Non hà eterno foco ; Claudio Monteverdi Glaucus Sono le miserie mie solo infinite. O Homme de pouvoir, O Dieu, Frapper de ses cris l’air au dessus de la tombe, Lasciate Averno, o pene, e me seguite ! Hélas ! La souffrance de ton cœur Incenerite spoglie, avara tomba Campagnes désertes, et les nymphes et le Ciel le Accable également Marie. Fatta del mio bel Sol terreno Cielo, Ah piangete ! Ah, lagrimate, savent : Prends pitié sur ses gémissements Ahi lasso ! I’ vegno ad inchinarvi in terra. Tracie rive, Le deuil fut mon aliment, les larmes ma boisson ; Et laisse-la mourir avec Toi, celle qui a vécu pour Con voi chius’è ‘l mio cor a marmi in seno, Ohimè, prive Mon lit, bienheureuse pierre, fut ton beau sein, Toi. E notte e giorno vive in foco, in pianto, D’ogni pregio di Beltate ! Puisque la terre glacée recouvre ma bien aimée. Toi, tu dois quitter cette vie trop tôt, In duolo, in ira, il tormentato Glauco. Ah piangete ! Ah, lagrimate, Le soleil donnera la nuit sa lumière à la terre, Mon Fils, et je dois pleurer ici-bas. Ditelo, o fiumi, e voi ch’udiste Glauco Vanne in pace, ché l’oscura Cynthie resplendira de jour, avant que Glaucus Tu descendras aux enfers, L’aria ferir dì grida in su la tomba, Sepoltura a un inocente Cesse d’honorer, de baiser ce sein Et vaincras le fier ennemi - et moi je suis Erme campagne e’l san le Ninfe e ‘l Cielo : è di glotia immortal chiaro Oreinte ! Qui fut nid d’amour, qu’écrase une rude tombe ; abandonnée, A me fu cibo il duol, bevanda il pianto, Et les bêtes sauvages, et le Ciel, ne seront pas seuls Abandonnez l’Averne, ô peines, et me suivez ! Proie au chagrin, seule, le cœur brisé. Letto, o sasso felice, il tuo bel seno À lui prodiguer profonds soupirs et larmes. Le bien qui me fut ôté Ton tendre Père et l’Esprit Saint t’accueilleront, et Poi ch’il mio ben coprì gelida terra. Mais le Ciel, ô nymphe ! t’accueille en son sein, Reste là-bas et les angoisses et les ennuis moi Darà la notte il sol lume alla terra, Et je vois la terre, par ton départ, devenue veuve, Ne peuvent rester avec lui. Je ne te reverrai jamais. Splenderà Cintia il di, prima che Glauco Je vois les bois déserts, les larmes coulant en Non, le feu éternel Mon Père, mon bien-aimé. Di baciar, d’honorar lasci quel seno fleuves. N’a pas de recoin plus désespéré Sont-ce là les promesses Che fu nido d’Amor, che dura tomba Dryades et Napées redisent D’abri plus douloureux, De l’Archange Gabriel, Preme ; né sol d’alti sospir, di pianto, Les lamentations du triste Glaucus, et sur la Que mon cœur malheureux ; Est-ce ceci le trône élevé Prodighe a lui saran le fere e ‘l Cielo. tombe Il n’y a que mes misères d’infinies. De David, notre ancêtre, Ma te raccoglie, O Ninfa, in grembo ‘l Cielo, Chantent les qualités de ce sein aimé. Abandonnez l’Averne, ô peines, et me suivez ! Est-ce là la couronne royale Io per te miro vedova la terra, Ô cheveux d’or, gente neige du sein, Ah, pleurez, versez des larmes, Qui devait ceindre ton front, Deserti i boschi e correr fium’il pianto. Ô lis de la main, que le ciel jaloux Rivages thraces, Est-ce ceci le sceptre doré, E Driade e Napee del mesto Glauco Nous a ravis, quand il l’enferma dans une tombe Hélas, privés Là les limites de ton royaume Ridicono i lamenti, e su la tomba aveugle, De l’éclat de la Beauté ! D’être cloué au bois cruel, Cantano i pregi dell’amato seno. Qui vous cache ? Hélas ! Une pauvre terre Ah, pleurez, versez des larmes, Transpercé par les clous et couronné d’épines ? O chiome d’or, neve gentil del seno, Cache la fleur de toute beauté, le soleil de Glaucus ! Va en paix, l’obscure Ah Jésus, O mon Jésus, O gigli della man, ch’invido il cielo Ah, Muses ! Laissez couler vos larmes ! Sépulture La mort me semble douce à présent. Ne rapì, quando chiuse in cieca tomba, Donc, reliques aimées, mes yeux Est pour un innocent Vois mes larmes, entends mes cris, Chi vi nasconde ? Ohimè ! Povera terra Ne donneront pas une mer de larmes au noble sein Un clair Orient de gloire immortelle. Exauce la pauvre Marie qui t’en supplie, Il fior d’ogni bellezza, il Sol di Glauco D’un froid rocher ? Voici que le dolent Glaucus Car mourir avec toi est sa gloire et sa vie. Nasconde ! Ah ! Muse ! Qui sgorgate il pianto ! Fait retentir de Corinne la mer et le ciel. Quoi, mon Fils, Tu ne réponds pas, Dunque, amate reliquie, un mar di pianto Que les vents disent sans cesse, que la terre dise : Tu es sourd à mes pleurs et à mes gémissements. Non daran questi lumi al nobil seno « Ah ! Corinne ! Ah ! Mort ! Ah ! Tombe !» O mort, O péché, O enfers, D’un freddo sasso ? Ecco l’afflitto Glauco Que les paroles laissent la place aux larmes ! Mon Fils plongé au fond des abîmes Fa rissonar Corinna il mare e ‘l Cielo, Sein chéri, 14 15
Psaume 42 Lamento d’Arianna Kama yachtaqo l’ayyilo Claudio Monteverdi Mozart en Italie (Comme le cerf soupire après les sources d’eau) Lasciate mi morire ! Au maître de chant. E che volete voi che mi conforte Entre ombres et lumières dans la Ville Éternelle Cantique des fils de Coré. In così dura sorte, Comme le cerf soupire après les sources d’eau, In così gran martire ? Ainsi mon âme soupire après toi, ô Dieu. Lasciatemi morire ! dimanche 21 octobre à17h00 Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant : lundi 23 octobre à 20h30 Laissez-moi mourir ! Quand irai-je et paraitrai-je devant la face de Que voulez-vous qui me réconforte Dieu ? Mes larmes sont ma nourriture jour et nuit, Dans un si dur destin, Église Notre Dame Saint-Vincent Dans un si grand martyre ? 56, quai Saint-Vincent, Lyon 1° Pendant qu’on me dit sans cesse: Laissez-moi mourir ! « Où est ton Dieu ? » Je me rappelle, et à ce souvenir mon âme se fond en moi, Quand je marchais entouré de la foule, Et que je m’avançais vers la maison de Dieu, distribution Au milieu des cris de joie Heather Newhouse, soprano Et des actions de grâces d’une multitude en fête ! Marie-Frédérique Girod, soprano Pourquoi es-tu abattue, ô mon âme, et t’agites-tu Anthéa Pichanick, mezzo-soprano en moi ? Hugo Peraldo, ténor Espère en Dieu, car je le louerai encore, lui, Le salut de ma face et mon Dieu ! Éric Chopin, basse Mon âme est abattue au dedans de moi ; Orchestre et chœur de chambre du Concert de l’Hostel Dieu Aussi je pense à toi, du pays du Jourdain, Franck-Emmanuel Comte, direction De l’Hermon, de la montagne de Misar. Hugo Peraldo, chef des chœurs Un flot en appelle un autre, Quand grondent tes cataractes : Ainsi toutes tes vagues et tes torrents passent sur moi. Le jour, Yahweh commandait à sa grâce De me visiter ; la nuit, son cantique était sur mes lèvres programme J’adressais une prière au Dieu de ma vie. • 1ère partie : «Ombres» Maintenant je dis à Dieu mon rocher : « Pourquoi m’oublies-tu? Miserere K85, Wolfgang Amadeus Mozart (composé à Bologne en juillet - août 1770) Pourquoi me faut-il marcher dans la tristesse, De profundis K93, Wolfgang Amadeus Mozart (composé à Salzbourg en 1771) Sous l’oppression de l’ennemi ? Miserere, Gregorio Allegri (transcrit à Rome en 1770) Je sens mes os se briser, Quand mes persécuteurs m’insultent, En me disant sans cesse: « Où est ton Dieu ? » • 2ème partie : «Lumières» Pourquoi es-tu abattue, ô mon âme, Exsultate, jubilate K 165, Wolfgang Amadeus Mozart (composé à Milan en janvier 1773) Et t’agites-tu en moi ? Regina coeli K.127, Wolfgang Amadeus Mozart (composé à Salzbourg en juin 1772) Espère en Dieu, car je le louerai encore, lui, Le salut de ma face et mon Dieu ! 16 17
Un voyage en Italie met en musique l’intégralité des vingt versets du Psaume 50, en alternant plain-chant pour les répons « Tu as peut-être déjà entendu parler du Miserere de Rome, tellement célèbre, et qui est estimé à un (strophes paires) et polyphonie (strophes impaires), tandis que le Miserere de Mozart utilise le texte tel prix qu’il est expressément défendu sous peine d’excommunication aux musiciens de la chapelle de manière partielle. Franck-Emmanuel Comte choisit ici de faire chanter le texte délaissé par le [Sixtine] d’en sortir une partition hors de la chapelle, de le copier ou de le communiquer à qui que ce compositeur – les répons en plain-chant – par des sopranos. Entre les deux Miserere vient se glisser soit. Or nous le possédons déjà. Wolfgang l’a déjà écrit […] ». Ainsi s’exprime Johann Georg Léopold dans une prière d’une grande simplicité : le De Profundis. Cette miniature homophonique témoigne d’une une lettre à sa femme le 14 avril 1770 à Rome. Leur fils, Wolfgang Amadeus Mozart, assistant à un office profonde intériorité, exprimée avec retenue. Deux ans plus tard, Mozart compose le brillant Exsultate, au Vatican, mémorise en une écoute le Miserere d’Allegri, une œuvre mythique dont les papes avaient jubilate pour le castrat Venanzio Rauzzini. Ce motet, ainsi que le Regina Caeli, sont deux œuvres de tout temps interdit la copie. Georg et Wolfgang accomplissent alors leur premier voyage en Italie, lumineuses, attestant d’une maturité précoce et d’une influence du style lyrique. qui sera suivi de deux autres entre 1769 et 1773. À la différence du grand circuit européen précédent, essentiellement destiné à révéler au monde le jeune prodige salzbourgeois, les déplacements italiens Mozart sur instruments baroques ont pour but de parachever sa formation de compositeur. Ils vont aussi permettre l’épanouissement Souvenons-nous que lorsque Wolfgang naît, c’est encore – tout autour de lui – le monde du clavecin et de l’adolescent avide de découvertes. Sa vaste correspondance, entamée à cette époque, nous révèle, du style baroque. C’est donc d’une manière tout à fait naturelle que l’enfant-génie se penche aussitôt d’une manière très vivante, les grandes étapes de ce parcours : Vérone, Mantoue, Milan, Bologne, sur la littérature de cet instrument et plus largement sur les œuvres des maîtres italiens ou européens Naples, Venise et surtout Rome, la Ville Éternelle, qui le subjugue. De nombreuses rencontres humaines du XVIIIème siècle. Concernant les cordes, le violon sur lequel jouait Wolfgang enfant était un « Jacobus et musicales marquent ces trois voyages. Certaines exerceront une forte influence sur la création de Stainer », un luthier du Tyrol qui supportait fort bien la comparaison avec les maîtres de Crémone, et Wolfgang et laisseront des empreintes indélébiles dans les compositions dès cette période (Niccolò dont on a gardé de nombreux exemplaires. Mozart, qui ignorait alors ce que pouvait « donner » le Piccinni, Giovanni Battista Sammartini, Boccherini, Nardini, Manfredi, ainsi que les maîtres vénitiens violon de Menuhin, jouait ainsi sur un instrument au son « acide », mais riche en sonorités, avec lequel étudiés lors de son passage dans la Cité des Doges). À Bologne, père et fils sont présentés au célèbre il obtenait, entre aigu et grave, des couleurs très distinctes. Côté vents, les cuivres étaient dépourvus castrat Farinelli qui vit alors une paisible retraite, ainsi qu’au docte Padre Martini qui soumettra le de pistons et spatules (on jouait alors uniquement avec les lèvres) et possédaient une sonorité jeune prodige à quantité d’exercices redoutables, en particulier sur le plan contrapuntique. C’est grâce moins éclatante et plus contrastée. Les flûtes en bois à une clef ne présentaient absolument pas les au Padre Martini qu’il achèvera sa formation de compositeur. Lors de son dernier voyage en Italie, caractéristiques d’homogénéité des flûtes modernes en métal. Les clarinettes, bassons et autres cors de Mozart quitte l’adolescence. Pour le public, il n’est plus un objet d’étonnement mais un compositeur basset étaient à peu de choses près ceux qu’avaient connus Bach et Haendel (ce sera Theobald Böhm, parmi tant d’autres. Le « miracle » qu’il représentait est terminé. Au début de mars 1773, Wolfgang né en 1794, qui placera des clefs sur les flûtes d’abord, puis ensuite sur tous les instruments à vent). âgé de 17 ans quitte Milan avec son père et peu après, l’Italie, à laquelle il ignore qu’il fait ses adieux, Par ailleurs, l’équilibre entre vents et cordes n’était pas du tout le même que celui que connaissent les puisque, malgré son désir, il n’y reviendra jamais. Déjà l’Italie l’a oublié, mais lui ne l’oubliera pas… Elle orchestres contemporains. L’orchestre mozartien privilégie une indépendance marquée des vents vis demeure gravée au fond de son âme et il s’en souviendra lorsqu’il écrira des chefs-d’œuvre comme à vis du quatuor des cordes et ne cherche absolument pas à fondre les timbres de chaque instrument Idomeneo Re di Creta, Le Nozze di Figaro, Don Giovanni ou Così fan tutte, ceux où il fera chanter la dans un son unique d’orchestre, à la fois moelleux et puissant, comme c’est souvent le cas de nos jours. langue de Dante et Pétrarque. Enfin, Mozart appréciait par-dessus tout la personnalité propre de chaque instrument et sa palette expressive, plutôt que ses possibilités techniques. Ainsi, peut-on affirmer qu’il était profondément Les œuvres du programme amoureux du timbre du cor, du basson ou de la clarinette qu’il a souvent utilisés, caracolant sur leurs Le concert rassemble des œuvres de jeunesse de Mozart, composées lors de ce voyage en Italie. tonalités graves ou aiguës, comme une voix, cette fameuse voix humaine, pour laquelle Mozart a tant composé... « Entre ombres et lumières » est la thématique autour de laquelle se déploient les œuvres de cette Ce propos n’ayant pas pour vocation d’affirmer la supériorité d’une interprétation sur instruments programmation. C’est un leitmotiv que l’on retrouve souvent dans la musique du Siècle des Lumières, lié anciens par rapport à une approche plus classique, nous passerons volontairement sous silence à la dialectique du bien et du mal. Il suffit de penser à La Flûte Enchantée pour voir que ces thématiques, les inconvénients que les détracteurs de cette posture musicale mettent régulièrement en avant influencées par l’appartenance du compositeur à l’ordre maçonnique, sont très présentes dans son (instruments moins sonores et plus hétérogènes, justesse plus aléatoire…). L’essentiel est de œuvre. L’expression douloureuse des Miserere et du De Profundis vont ainsi s’opposer aux brillants et comprendre que désormais, depuis les Harnoncourt, Leonhardt et autres Hogwood, une autre concertants Exsultate, jubilate et Regina coeli. approche est possible, en rien supérieure à celle pratiquée jusqu’à la « grande vague des baroqueux », Les quatre œuvres de Mozart et le Miserere d’Allegri mettent en valeur une période intermédiaire mais juste différente, et que celle-ci renouvelle l’imagination des interprètes tout en proposant une chez le jeune compositeur en voyage, entre style baroque et style classique. Son Miserere pour trois autre écoute de la part du public. On peut considérer que l’interprétation musicale dans sa globalité voix en est une parfaite illustration. Mozart vient de rencontrer, en mars 1770 à Bologne, le Padre est constituée d’une rencontre entre l’époque du compositeur et celle de l’interprète. Ainsi, aucune Martini dont il reçoit les conseils. L’écriture du Miserere date de l’été de la même année, alors que le vérité interprétative ne peut être définitivement gravée dans le marbre. Chaque génération de compositeur est de retour à Bologne pour la saison chaude. Dans ce contexte, ce Miserere pourrait être musiciens apporte sa vision, influencée tant par les avancées musicologiques que par l’air du temps, l’application des leçons de contrepoint du vieux maître. Une composition donc peu mozartienne et les modes et les lubies de l’instant présent. Enfin, l’essentiel est sans doute ailleurs : autant il serait qui, comme l’expriment Jean et Brigitte Massin dans leur biographie du compositeur, hésite « encore vain de vouloir à toute force recréer l’univers sonore que Mozart connaissait de son vivant, autant il entre l’homophonie et le contrepoint ». De plus, on ne peut oublier ici l’influence de la pièce éponyme serait hasardeux d’en ignorer complètement les caractéristiques. Un esprit de synthèse doit donc se d’Allegri, composée en 1630 et entendue quelques mois plus tôt. Imprégnée de l’atmosphère mystique manifester, lequel réservera une place non négligeable à l’instinct musical de tout un chacun, qu’il soit du Miserere et de son contrepoint, la pièce à trois voix de Mozart se place bien au carrefour du baroque interprète ou auditeur. et du classicisme dans l’œuvre du jeune compositeur. D’un point de vue structurel, la partition d’Allegri 18 19
Miserere Efface mon péché. De Profundis Psallant aethera cum me. Miserere mei, Deus, secundum magnam Lave-moi tout entier de ma faute, Wolfgang Amadeus Mozart Fulget amica dies, iam fugere et nubila et misericordiam tuam. Purifie-moi de mon offense : procellae ; De profundis clamavi ad te Domine. Et secundum multitudinem miserationum Car je connais mon iniquité : Exortus est justis inexspectata quies. Domine, exaudi vocem meam : tuarum : Et mon péché est toujours devant moi. Undique obscura regnabat nox ; Fiant aures tuae intendentes in vocem Dele iniquitatem meam. Contre Toi, Toi seul, j’ai péché, ce qui est mal à tes Surgite tandem laeti, qui timuistis adhuc, deprecationis meae. Amplius lava me ab iniquitate mea, yeux, je l’ai fait : Et iucundi aurorae fortunatae Si iniquitates observaveris, Domine, Et a peccato meo munda me : Ainsi tu peux parler et montrer ta justice, être juge Frondes dextera plena et lilia date. Domine, quis sustinebit ? Quoniam iniquitatem meam ego cognosco : victorieux. Tu virginum corona, Quia apud te propitiatio est, Et peccatum meum contra me est semper. Moi je suis né dans la faute Tu nobis pacem dona, Et propter legem tuam sustinui te, Domine. Tibi soli peccavi, et malum coram te feci : J’étais pécheur dès le sein de ma mère. Tu consolare affectus, Sustinuit anima mea in verbo ejus Ut justificeris in sermonibus tuis, et vincas cum Mais tu veux au fond de moi la vérité : Unde suspirat cor. Speravit anima mea in Domino. judicaris. Dans le secret tu m’apprends la sagesse. Alleluia, alleluia. A custodia matutina usque ad noctem, speret Ecce enim in iniquitatibus conceptus sum : Purifie-moi avec l’hysope, et je serai pur : Israël in Domino. Exultez, réjouissez-vous, Et in peccatis concepit me mater mea. Lave-moi et je serai plus blanc que la neige. Quia apud Dominum misericordia, Ô, âmes bienheureuses, Ecce enim veritatem dilexisti : Fais que j’entende les chants et la fête : Et copiosa apud eum redemptio. Chantant de doux cantiques, Incerta et occulta sapientiae tuae manifestasti Ils danseront les os que tu broyas. Et ipse redimet Israël ex omnibus iniquitatibus En réponse à vos chants, mihi. Détourne ta face de mes fautes : ejus. Laissez le ciel chanter avec moi. Asperges me hyssopo, et mundabor : Enlève tous mes péchés. Gloria patri et filio et spiritui sancto, Le jour amical brille enfin, nuages et tempêtes ont Lavabis me, et super nivem dealbabor. Crée en moi un cœur pur, Ô mon Dieu : Sicut erat in principio et semper et in saecula fuit désormais ; Auditui meo dabis gaudium et laetitiam : Renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit. Ne me chasse pas loin de ta face : saeculorum. Un calme inespéré est revenu pour les justes. Et exsultabunt ossa humiliata. Amen. De tous côtés l’obscurité régnait ; Averte faciem tuam a peccatis meis : Ne me reprends pas ton Esprit Saint.* Rends-moi la joie d’être sauvé : Relevez-vous enfin, ceux qu’elle a effrayés, Et omnes iniquitates meas dele. Des profondeurs je crie vers toi Seigneur. Que l’esprit généreux me soutienne. Et réjouissez-vous de cette aurore Cor mundum crea in me, Deus : Seigneur, écoute mon appel : Aux pécheurs, j’enseignerai tes chemins : En lui tendant une main pleine de guirlandes et Et spiritum rectum innova in visceribus meis. Que ton oreille se fasse attentive au cri de ma Vers Toi reviendront les égarés. de lys. Ne projicias me a facie tua : prière. Libère-moi du sang versé, Dieu, Dieu mon sauveur : O couronne de la Vierge, Et spiritum sanctum tuum ne auferas a me.* Si tu retiens les fautes, Seigneur, Et ma langue proclamera ta justice. Donne-nous la paix, Redde mihi laetitiam salutaris tui : Seigneur, qui subsistera ? Seigneur, ouvre mes lèvres : Toi qui nous console des maux, Et spiritu principali confirma me. Car près de toi se trouve le pardon, Et ma bouche annoncera ta louange. Dont souffre le cœur. Docebo iniquos vias tuas : Pour que l’homme te craigne. Si j’offre un sacrifice, tu n’en veux pas : Alleluia, alleluia. Et impii ad te convertentur. J’espère le Seigneur de toute mon âme Libera me de sanguinibus, Deus, Deus salutatis Tu n’acceptes pas d’holocauste. Je l’espère, et j’attends sa parole. meae : Le sacrifice qui plait à Dieu, c’est un esprit brisé ; Plus qu’un veilleur attend l’aurore. Regina coeli Et exultabit lingua mea justitiam tuam. d’un cœur broyé : Car avec le Seigneur est la miséricorde, Wolfgang Amadeus Mozart Domine, labia mea aperies : Ô mon Dieu, tu n’as point de mépris. Car, près du Seigneur abonde la rédemption. Regina caeli, lætare, Et os meum annuntiabit laudem tuam. Accorde à Sion le bonheur : C’est lui qui rachètera Israël de toutes ses fautes. Quia quem meruisti portare Quoniam si voluisses sacrificium dedissem Relève les murs de Jérusalem. Gloire au Père, au Fils, et au Saint-Esprit, Alors tu accepteras de justes sacrifices, oblations Resurrexit, sicut dixit, utique : Comme il était au commencement et pour les et holocaustes. Ora pro nobis Deum ! Holocaustis non delectaberis. siècles des siècles. Alors on offrira des taureaux sur ton autel. Alleluia, alleluia. Sacrificium Deo spiritus contribulatus : Amen. Cor contritum et humiliatum Deus non despicies. * Ici s’arrête les paroles utilisées dans le Miserere de Reine du ciel, réjouis-toi, Wolfgang Amadeus Mozart. Parce que Celui que tu as mérité de porter Benigne fac, Domine, in bona voluntate tua Sion : Exsultate, jubilate Est ressuscité comme il l’a dit, Ut aedificentur muri Jerusalem. Wolfgang Amadeus Mozart Prie Dieu en notre faveur ! Tunc acceptabis sacrificium justitiae, oblationes et holocausta. Exsultate, jubilate, Alleluia, alleluia. Tunc imponent super altare tuum vitulos. O vos animae beatae, Ulcia cantica canendo, Pitié pour moi, Seigneur, en ta bonté. Cantui vestro respondendo, En ta tendresse : 20 21
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