Saison XX 2012-2013 - Cornetto Diffusion

 
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Saison XX
 2012-2013
Saison XX
 2012-2013
Sommaire

           éditorial                        4
           le concert de l’hostel dieu      5
           agenda                           6
           Monteverdi & l’Orient mystique   7
           Mozart en Italie                 17
           La ciaccona, il mondo che gira   23
           Gloria, Vivaldi                  35
           Shakespeare in love              43
           Le médecin imaginaire            49
           Carolan’s dream                  57
           Stabat Mater, Pergolèse          63
           Salsa y Barocco                  71
           Judith triomphante, Vivaldi      81
           Artistes                         90

                                 5
Éditorial du président : 20 ans déjà !                                                                                 Le Concert de l’Hostel Dieu
C’était il y a vingt ans. Le Concert de l’Hostel Dieu        qui concourent au succès du Concert de l’Hostel
                                                                                                                       Le 8 décembre 1992, à Lyon, a lieu la première représentation du Concert de l’Hostel Dieu : Selva Morale
délivrait sa première prestation publique au moment          Dieu, nous n’aurons garde d’oublier la dynamique
                                                                                                                       de Monteverdi. L’ensemble est alors en résidence dans les bâtiments baroques de l’Hôtel Dieu.
précis où, succédant aux pionniers, les baroqueux de         équipe professionnelle qui assiste au quotidien
la deuxième génération étaient largement installés.          notre directeur musical dans les tâches les plus
La troisième vague pointait à l’horizon. Votre               complexes. Par ailleurs, une institution comme            Aujourd’hui, dans le cadre de sa saison lyonnaise et de sa diffusion dans toute la France et à
ensemble favori allait en faire partie. Après les fort       la nôtre ne pourrait fonctionner sans l’apport            l’International, le Concert de l’Hostel Dieu, constitué d’un chœur de chambre, d’un ensemble de solistes
honorables tentatives du passé, peu soucieuses de            indispensable des bénévoles qui – entre autres –          et d’un orchestre sur instruments anciens, donne environ 70 concerts par saison, dédiés principalement
restitution musicologique, c’est au cours des années         vous accueillent et vous renseignent à chacun de          à l’interprétation du répertoire vocal baroque.
quatre-vingt que Lyon avait commencé à accueillir            nos concerts. Pour leur dévouement et la prodigalité
de prestigieux ensembles spécialisés. Toutefois,             des soins apportés aux nombreuses tâches qui leur         Son positionnement artistique, emblème de la « griffe » de l’ensemble, l’inscrit dans une approche
leur présence demeurait ponctuelle, à l’occasion             sont assignées, qu’ils soient ici vivement remerciés.     résolument contemporaine. En parallèle de son travail de création et de diffusion, le Concert de l’Hostel
de tournées ou de la résidence temporaire de tel
                                                             Ce tour d’horizon ne saurait s’achever sans vous          Dieu soutient l’émergence de jeunes talents, les aidants à s’insérer dans le réseau professionnel (stages,
chef renommé, brillant serviteur de ce répertoire.                                                                     master class, académies...).
                                                             rendre un vibrant hommage. C’est en effet à vous,
En pleine vague « baroqueuse », Lyon ne disposait                                                                      Au fil des vingt saisons, les enregistrements du Concert de l’Hostel Dieu ont permis de diffuser le
                                                             fidèles spectateurs-auditeurs – pour certains de la
pas encore d’une structure permanente vouée à                                                                          répertoire des XVIIème et XVIIIème siècles auprès d’un large public et de restituer des œuvres rares ou
                                                             première heure ! – que nous voulons exprimer toute
cette esthétique. Or, pourquoi, en gardiens jaloux,                                                                    inédites, issues pour la plupart du patrimoine régional rhône-alpin.
                                                             notre gratitude. Vous êtes notre raison première
Paris et la Région Ile de France auraient prétendu
                                                             d’exister. De même que Lully n’eût point été le premier
à l’exclusivité des forces dévolues au répertoire                                                                      L’enregistrement, en 1997 du premier disque baroque du Concert de l’Hostel Dieu dans le cadre du
                                                             compositeur de France sans l’auguste protection du
baroque dans notre pays ? Bientôt, ce que l’on                                                                         festival Musicales en Auxois - Alceste de Haendel - reçoit la récompense ffff de Télérama. Viennent
                                                             Roi-Soleil, de même nous n’existerions pas sans votre
appelle péjorativement « la Province » se signalait                                                                    ensuite le concert et l’enregistrement au festival de la Chaise Dieu par Radio France du Dixit Dominus
                                                             présence et votre soutien constants. Aussi, dans les
par un frémissement. Une place était à prendre
                                                             temps économiquement agités et difficiles que             de Haendel.
en région lyonnaise. Certes, d’aucuns pourraient
                                                             nous vivons c’est pour nous un puissant réconfort
prétendre « que l’on ne nous avait rien demandé »
                                                             de vous voir assister de plus en plus nombreux à          À l’automne 2011, l’ensemble présente au public son nouvel opus A shakespeare Fantasy. Le succès du
mais qui aurait, aujourd’hui, la cuistrerie d’exprimer
                                                             nos prestations, à Lyon autant qu’en d’autres lieux       disque O Carolan’s Dream produit en 2008 conduit le Concert de l’Hostel Dieu à rééditer le disque pour
un point de vue aussi inepte ? Assurément aucun
                                                             où vous nous suivez avec passion. Votre bonheur est       sa vingtième saison.
individu cultivé !
                                                             notre satisfaction première et, si nous parvenons à
Le chemin parcouru, l’œuvre accomplie plaident               vous transporter loin des inquiétudes du quotidien,
en la faveur de Franck-Emmanuel Comte et ses                 c’est aussi parce qu’en permettant à l’Art d’exister,
amis. Ils eurent le courage de tenter une folle              l’Art vous récompense par la régénération de l’esprit,
aventure, peut-être alors inconscients de cette              du cœur et de l’âme. Sous la plume de Dostoïevski est
destination lointaine. En effet : qui eût cru que,           née l’idée que « La beauté sauvera le Monde ». Aussi,
deux décennies plus tard, Le Concert de l’Hostel             continuez d’être, cher public, nos ambassadeurs
Dieu serait devenu le grand ensemble stable dédié à          auprès de tous ceux qui aspirent à la Beauté et à la                             Carolan’s Dream                          Belle Virgnie
la musique dite ancienne dans notre cité ? Pourtant,         Vraie Culture. En diffusant les lumières artistiques,                            Rencontre entre l’univers baroque        Une rencontre musicale métissée
l’audace a porté ses fruits. Les chiffres sont là et         c’est tous rassemblés que nous pourrons persévérer,                              et le monde celtique                     pour petits et grands
parlent d’eux-mêmes : un millier de concerts, des            en apportant notre modeste contribution à une
centaines de déplacements à travers l’Europe,                nouvelle Renaissance dont notre humanité éprouve                                 Réédition !                              Le Martyre
neuf enregistrements discographiques salués par              l’urgente nécessité. Nous savons que nous pouvons
la critique, des dizaines d’artistes révélés qui, pour       compter sur vous, c’est pourquoi nous vous dédions
                                                                                                                                                                                       de Sainte Ursule
la plupart, collaborent toujours à nos saisons,              cette XXème saison.                                                                                                       Oratorio inédit d’Alessandro Scarlatti
contribuant à la renommée de nos programmations.             Qu’elle s’inscrive en lettres d’or, non comme
Aujourd’hui, c’est de surcroît avec émotion que nous         la conclusion d’un cycle mais, plutôt – nous le                                                                           Haendel en Italie
assistons à la naissance de nouveaux ensembles               souhaitons sincèrement – à l’image d’une porte                                   A Shakespeare Fantasy                    La virtuosité d’un grand maître
locaux. Ils appartiennent à la quatrième génération          grande ouverte sur une nouvelle décennie de                                      L’univers musical féerique de Purcell    de l’écriture chorale
des serviteurs de la musique baroque. Nous avons             bonheurs musicaux partagés.                                                      et Shakespeare
parrainé certains d’entre eux et nous contemplons                                                                                                                                      La bellissima speranza
                                                             À toutes et à tous, nous souhaitons un excellent                                 Ligia Digital / Harmonia Mundi
leurs progrès dans un esprit de saine émulation.             anniversaire !
                                                                                                                                                                                       Airs, duos et trios pour découvrir Stradella
Dans l’évocation de toutes les énergies et volontés                               Patrick Favre-Tissot-Bonvoisin

                                                         4                                                                                                                     5
Agenda                                                                   Monteverdi
                                                                         & l’Orient Mystique
                                                                         Lamenti e sospiri di un’anima amante
         Septembre
                                                                         lundi 17 septembre à 20h30
                 Monteverdi et l’Orient mystique
                 Lamenti e sospiri di un’anima amante                    mardi 18 septembre à 20h30
         Octobre
                                                                         Église Saint-Bruno-les-Chartreux
                 Mozart en Italie                                        56, rue Pierre Dupont, Lyon 1°
                 Entre ombres et lumières dans la Ville Éternelle
         Novembre
                 La ciaccona, il mondo che gira
                 Chaconnes, folies, tarantelles ibériques & italiennes                                                                           distribution
         Décembre                                                                                                                   Hasnaa Bennani, soprano
                                                                                                                          Youssef Kassimi Jamal, oud & chant
                 Gloria, Vivaldi                                                                                            Nolwenn Le Guern, viole & lyrone
                 Per la notte di Natale                                                                                    Étienne Galletier, théorbe & guitare
         Janvier                                                                                                                  Luc Gaugler, viole & violone
                 Shakespeare in love                                                                        Franck-Emmanuel Comte, clavecin, orgue & direction
                 L’âme amoureuse de Shakespeare                                                                Chœur de chambre du Concert de l’Hostel Dieu
                                                                                                                                Hugo Peraldo, chef des chœurs
         Février
                 Le médecin imaginaire                                   programme
                 Musique & comédie sous la plume de Molière              • 1ère partie
         Mars                                                            Lamma Bada Yatatanna, chant arabo-andalou
                                                                         Lamento della Ninfa, Claudio Monteverdi (8ème Livre de madrigaux)
                 Carolan’s dream                                         Lamento di filia et Coro finale (Jephte), Giacomo Carissimi
                 La rencontre entre le monde gaëlique & l’art baroque    Là tra’l sangue e le morti, Sigismondo d’India
         Avril                                                           Yi Mariyamo, prière à la Vierge
                 Stabat Mater, Pergolèse                                 Usurpator Tiranno, Giovanni Felice Sances
                 Naples, entre art savant & inspirations populaires      Anima dolorosa, Claudio Monteverdi (4ème Livre de madrigaux)
                                                                         Al houbo dini, chant arabo-andalou
         Mai
                                                                         • 2ème partie
                 Salsa y Barroco !                                       Li Habibi Oursil Salam, chant arabo andalou
                 Soirée cubaine :                                        Piagne e sospira, Claudio Monteverdi (4ème Livre de madrigaux)
                 entre salsa cubaine & negritos baroques                 Pianto della Madonna, Claudio Monteverdi
         Juin                                                            Lagrime d’amante al sepolcro dell’amata, Claudio Monteverdi (6ème Livre de madrigaux)
                                                                         Lamento d’Orfeo et Coro finale, Luigi Rossi (Orfeo)
                 Judith triomphante, Vivaldi                             Psaume 42, Kama yachtaqo l’ayyilo
                 Le baroque victorieux !                                 Lamento d’Arianna, Claudio Monteverdi (6ème Livre de madrigaux, 1ère partie)
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La rencontre entre l’Orient et l’Occident                                                                     Les trois vies du Lamento d’Arianna
L’Orient est le lieu de multiples croisades européennes dès le XI      ème
                                                                           siècle. Sans occulter l’aspect     Le lamento est une pièce qui exprime la tristesse et la plainte, souvent liées au sentiment amoureux.
sanglant et guerrier de ce siècle plein de fureur, les croisades sont aussi le théâtre de la rencontre de     On le retrouve fréquemment sous une forme pour voix seule, le récitatif, où la mélodie obéit au texte,
deux cultures qui, à cette occasion, se mêlent, se séduisent et se repoussent. Cette contrée fascinante       suit et révèle par ses inflexions le sens du poème. Telle est la première version du Lamento d’Arianna de
offre une inépuisable source d’inspiration à de nombreux artistes occidentaux. Le poème épique de             Monteverdi (1608), œuvre qui structure ce programme. Sixième et unique scène de l’opéra Arianna qui
Torquato Tasso (dit Le Tasse), Gerusalemme liberta, est la principale œuvre de l’artiste italien du XVIème    nous soit parvenue, l’héroïne y chante sa douleur au départ de Thésée, accompagnée d’un continuo.
siècle. Illuminé par cet Orient mystérieux qui fascine, il peint les épisodes les plus expressifs de la       Quelques années plus tard, en 1610, Monteverdi compose une version à cinq voix de ce lamento. Il
grande épopée des croisades. Les poèmes du Tasse furent un vaste terrain d’inspiration pour toute une         s’agit d’un madrigal, qui est publié en tête du Sixième Livre de madrigaux en 1614. Forme polyphonique
génération de musiciens, mais aussi de peintres tels que Paolo Domenico Finoglio. On trouve en effet          qui peut rassembler jusqu’à huit voix a cappella, le madrigal est une composition dont la structure et
un patrimoine poétique commun à l’Orient et à l’Occident des XIIème et XIIIème siècles, une sensibilité       la musique obéissent aussi au sens d’un texte toujours profane. Maître en la matière, Monteverdi
commune. L’œuvre de Tasso entrelace, au récit romancé des croisades, des histoires d’amours                   compose huit livres de madrigaux. Il marque ce genre par l’ajout d’un accompagnement que l’on voit
tourmentées et impossibles que l’on retrouve de toute part dans la musique. Les amours d’Armide la            apparaître dès le Cinquième Livre. Il transcende les règles de polyphonie et de contrepoint, concevant
magicienne et du croisé Renaud furent de nombreuses fois mises en musique (D’India, Lully, Haendel,           un style nouveau, la seconda pratica, opposé à la prima pratica qui dicte le respect strict des lois
Vivaldi, Gluck, Haydn, Rossini…), ainsi que l’histoire de Tancrède qui donne naissance au Tancrède de         contrapuntiques. Les madrigaux peuvent être considérés comme des extensions polyphoniques de la
Campra et au célèbre madrigal Il combattimento di Tancredi e Clorinda de Claudio Monteverdi.                  déclamation « monteverdienne ». Le madrigal du Lamento d’Arianna est un écho à la pièce monodique
                                                                                                              de 1604. Monteverdi imagine une résonnance polyphonique, tout en gardant intacte la rhétorique
                                                                                                              poétique du texte. Mais il existe encore une dernière version de ce lamento, cette fois-ci sous un titre
Les musiques arabo-chrétiennes et chants arabo-andalous                                                       différent : Pianto delle Madonna. Il s’agit ici d’une monodie sacrée et latine, publiée en 1640 où 1641 à
L’Orient – et tout l’imaginaire mystique et poétique qui gravite autour – a inspiré la création artistique    la fin du recueil Selva Morale e spirituale. Le sentiment amoureux y est transcrit en pieuses pensées,
en Occident. Mais cette contrée tant romancée a aussi gardé en mémoire la longue présence                     Teseo mio devenant Mi Filli.
chrétienne sur ses terres, présence souvent violente mais pas uniquement. Il n’est pas inutile de
rappeler que la chrétienté est née en Orient et que sa langue d’origine est l’araméen, idiome proche
de l’arabe. Très vite, de nombreux peuples arabes ont adopté la nouvelle religion ainsi que les textes
sacrés et chants religieux liés à celle-ci, lesquels ont été traduits et rédigés en arabe. Une communauté
chrétienne arabe existe toujours au Moyen-Orient, véhiculant des chants et des prières chrétiennes
en arabe, telle cette prière dédiée à la Vierge Marie ou ce Psaume 42 tiré de la Bible. Le répertoire
musical arabe classique comprend donc ces chants chrétiens, mais aussi de très beaux chants d’amour
arabo-andalous. L’Orient est présent sur la Péninsule Ibérique depuis sa conquête islamique au VIIIème
siècle et l’Andalousie n’a cessé de donner au monde un grand exemple de convivialité et de tolérance
entre différentes cultures et religions. Dans ce climat favorable, les arabes inventent au XIème siècle une
nouvelle forme de poésie exclusivement vouée au chant et qu’ils appellent mouachah et qui signifie
« brodé ». Cette nouvelle forme est le fruit d’un mélange entre la forme métrique traditionnelle de la
poésie venue de l’Arabie et la forme plus variée des chants des troubadours. Les mouachah sont les
unités de base qui forment les suites appelées nouba ou tout simplement musique arabo-andalouse.
Les deux chants choisis ici (Al houbo dini et Li habibi oursil salam) sont des mouachah de deux nouba
différentes. Mais les deux parlent d’amour charnel, lequel, pour certains, s’apparente et se mêle à
l’amour divin. Ainsi le chant d’amour se transforme-t-il en chant profondément mystique. Le chant
de l’introduction Lamma bada est plus récent mais emprunte tout de même la forme du mouachah
andalou par sa forme poétique. D’un point de vue musical, il est purement oriental et de tradition
Ottomane en raison de la longue présence des Ottomans en Orient arabe. C’est un chant qui décrit la
beauté et la grâce féminine à travers son corps et sa démarche ainsi que tout ce que cela suscite comme
ravages auprès des amoureux qui la convoitent, sans aucune connotation religieuse ni mystique.
Youssef Kassimi Jamal

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Lamma Bada Yatatanna                                Da quella bocca havrà                            Lamento di filia et Coro finale (Jephte)                    Chœur : Pleurez fils d’Israël,
                                                    Nè più soavi... ah taci,                         Giacomo Carissimi                                           Et vous toutes les vierges pleurez,
Quand elle apparut avec sa démarche si fière
                                                    Taci, che troppo il sa !                                                                                     Et pour la fille unique de Jephté,
Mon amour m’a séduit par sa beauté                                                                   Plorate, colles, dolete, montes ,
                                                    Coro : Miserella !                                                                                           Chantez un chant de deuil.
Ah comme son regard m’a asservi !                                                                    Et in afflictione cordis mei ululate.
C’est un rameau qui captive quand elle se penche    La bergère : Amour                               (écho : ululate)                                            Là tra’l sangue e le morti
Ah dans quel trouble elle m’a mis !                                                                  Ecce morira virgo                                           Sigismondo D’India
                                                    Chœur : disait-elle
Je n’ai pour compatir à ma plainte                                                                   Et non potero morte mea meis filiis consolari.
                                                    La bergère : Amour                                                                                           « Là tra’l sangue e le morti egro giacente
À cause de la douleur que me cause cet amour ?                                                       Ingemiscite silvae, fontes et flumina,                      Mi pagherai le pene, empio guerriero.
Que la reine de la Beauté !                         Chœur : regardant le ciel, le pied immobile      Et interitu virginis lachrimate !                           Per nome Armida chiamerai sovente
                                                    La bergère : Amour, amour,                       (écho : lachrimate)                                         Ne gli ultimi singulti : udir ciò spero.»
Lamento della Ninfa                                 Où est la foi                                    Heu me dolentem in laetitia populi,                         Or qui mancò lo spirto a la dolente,
Claudio Monteverdi                                  Que le traître m’a jurée ?                       In victoria Israël                                          Né quest’ultimo suono espresse intero :
                                                    Chœur : Pauvre enfant !                          Et gloria a patris mei.                                     E cadde tramortita, e si diffuse
La Ninfa : Amor
                                                                                                     Ego sine filiis virgo, ego filia uni genita, morirar        Di gelato sudor, e i lumi chiuse.
Coro : dicea                                        La bergère : Fais que mon amour
                                                                                                     et non vivam.                                               « Là, gisant, agonisant au milieu du carnage et
La Ninfa : Amor                                     Redevienne ce qu’il était,
                                                                                                     Exhorrerscite rupes, obstu pescite,                         des morts
                                                    Ou tue-moi,                                      Colles valles et cavernae, in sonitu horibili
Coro : il ciel mirando, il piè fermò                                                                                                                             Alors, l’infâme guerrier, tu me paieras ta cruauté.
                                                    Que je ne me tourmente plus.                     resonate !
La Ninfa : Amor, amor,                                                                                                                                           Souvent tu invoqueras le nom d’Armide
                                                    Chœur : Pauvre enfant ! Assez !                  (écho : resonate)                                           Dans tes dernier sanglots : c’est tout ce que
Dov’è la fe’
Ch’el traditor giurò ?                              Elle ne peut souffrir tant de froideur.          Plorate, filii Israel, plorate virginatem meam,             j’espère.»
                                                    La bergère : Je ne veux pas qu’il soupire        Et filiam Jephte unigenitam,                                Mais le souffle venant à lui manquer, la misérable
Coro : miserella
                                                    davantage,                                       In carmine doloris lamentamini.                             Put à peine prononcer ces derniers mots :
La Ninfa : Fa’ che ritorni il mio                                                                                                                                Elle perdit les sens et s’effondra, inondée
                                                    Sinon quand il est loin de moi.                  Coro : Plorate, filii Israel,
Amor com’ei pur fu,                                                                                                                                              D’une sueur glacée, puis elle ferma les yeux.
                                                    Non, non, il ne m’exposera plus                  Plorate omnes virgines,
Tu m’ancidi ch’io
                                                    Ses tourments, ma foi !                          Et filiam Jephte unigenitam,
Non mi tormenti più ;
                                                                                                     In carmine doloris lamentamini.                             Ya Mariyamo
Coro : Miserella ah più, no,                        Chœur : Ah, la pauvre ! Assez !
Tanto gel soffrir non può                                                                            Pleurez collines, affligez-vous montagnes ;                 Nous te saluons, ô toi Notre Dame
                                                    La bergère : Parce que je me consume pour lui,
                                                                                                     Et dans le chagrin de mon cœur gémissez.                    Marie Vierge Sainte que drape le soleil
La Ninfa : Non vo’ ch’ei più sospiri                Le voici tout orgueilleux ;                      (écho : gémissez)
Se non lontan da me.                                Mais alors, oui, si je le fuis,                                                                              Couronnée d’étoiles, la lune est sous tes pas.
                                                                                                     Je vais mourir vierge                                       En toi nous est donnée, l’aurore du salut
No no, che i suoi martiri                           Il reviendra m’implorer.                         Et à ma mort je ne pourrai être consolée par mes
Più non dirammi, affé !                                                                                                                                          Marie Eve nouvelle et joie de ton Seigneur
                                                    Chœur : Pauvre enfant ! Assez !                  fils.                                                       Tu as donné naissance à Jésus le Sauveur.
Coro : Ah miserella. Ah più no no                   Elle ne peut souffrir tant de froideur.          Gémissez forêts, fontaines et fleuves,                      Par toi nous sont ouvertes les portes du jardin
La Ninfa : Perché di lui mi struggo,                                                                 Pleurez la mort d’une vierge !                              Guide-nous en chemin, étoile du matin.
                                                    La bergère : Si l’autre a l’œil plus doux
Tutt’orgoglioso sta ;                                                                                (écho : pleurez)
                                                    Que n’est le mien,                               Malheur à moi qui souffre au milieu de
Che sì, che sì, s’il fuggo,
Ancor mi pregherà.
                                                    Amour n’enferme pas en son sein                  l’allégresse publique,                                      Usurpator Tiranno
                                                    Autant de fidélité.                              Dans la victoire d’Israël                                   Giovanni Felice Sances
Coro : Miserella, ah, più non
                                                    Chœur : Pauvre enfant ! Assez !                  Et dans la gloire de mon père.                              Usurpator tiranno della tua libertà sia Lilla altrui,
Tanto gel soffrir non può
                                                    Elle ne peut souffrir tant de froideur.          Moi, vierge sans enfant, moi fille unique, je vais          Che da gl’imperi sui non riceve il mio amor
La Ninfa : Se ciglio ha più sereno                                                                   mourir, et je ne vivrai pas.
                                                    La bergère : Jamais il n’aura de sa bouche                                                                   perdita o danno.
Colei che il mio non è,                                                                              Hérissez vous rochers, tremblez collines,
                                                    Plus doux baisers, plus délicieux ;                                                                          Faccia’l geloso amante che non t’oda,
Già non rinchiude in seno                                                                            Vallées et cavernes, résonnez de sons horribles !
                                                    Ah, tais-toi, tais-toi,                                                                                      Ben mio che non ti miri.
Amor sì bella fe’.                                                                                   (écho : résonnez)                                           Saranno i miei sospiri a suo dispetto d’amator
Coro : Miserella, ah, più non                       Il ne le sait que trop !                         Pleurez fils d’Israël, pleurez ma virginité,                costante.
Tanto gel soffrir non può                           Chœur : Malheureuse !                            Et pour la fille unique de Jephté,                          Procuri pur ch’io sia esule dal tuo affetto e dal
La Ninfa : Nè mai sì dolci baci                                                                      Chantez un chant de deuil.                                  tuo core,

                                                   10                                                                                                       11
Che non farà ch’amore abandoni già mai l’anima           Lilla peut bien être cruel ; qu’il tente de m’infliger   Li Habibi Ourssil salam                                      Quae gemendo pro te pallidas languet
mia.                                                     tourments et peines ;                                                                                                 Atque in morte funesto in hac tam dura
                                                                                                                  Le poète dit qu’il envoie le salut à sa bien-aimé
Di sdegno in frà gl’ardori armi la voce a stratii        Les années n’entameront jamais ma fidélité.                                                                           Et tam immani Cruce
                                                                                                                  Et qu’il souhaite qu’elle fasse de même.
miei rivolto ;                                                                                                                                                                 Tecum petit affigi.
                                                                                                                  Qu’elle soit près de lui malgré la jalousie des
Non potrà far il stolto, che se ben tù non m’ami                                                                                                                               Mi Jesu, O Jesu mi,
io non t’adori.                                          Anima dolorosa                                           autres.
                                                                                                                                                                               O potens homo, O Deus,
                                                         Claudio Monteverdi                                       Et il dit : « O la pleine lune *,
Ma che val ch’il rival non mi possa impedir ch’io                                                                                                                              Cujus pectores, heu, tanti doloris
                                                                                                                  C’est toi que je demande dans l’ existence.
non ti brami,                                            Anima dolorosa,                                                                                                       Quo torquetur Maria.
                                                                                                                  Toi la beauté qui existe dans ce monde
Se per far ch’io non a mi l’adorar giova poco            Che vivendo tanto peni e torment                                                                                      Miserere gementis
                                                                                                                  Reçois de moi mille saluts. »
amar non vale.                                           I quant’o di e parli e pensi e miri e senti                                                                           Tecum quae extinta sit, quae per te vixit.
                                                                                                                  *la lune : la femme avec son beau visage rond
Meta de tuoi diloetti fatto e novo amator vago e         Amor spiri ?                                                                                                          Sed promptus ex hac vita discendis,
felice,                                                  Che speri ?                                                                                                           O mi Fili, et ego hic ploro.
A cui concede e lice il tuo voler del cor, gl’ulti mi    Ancor dimori in questa viva morte ?                      Piagn’e sospira                                              Tu confringes infernum hoste victo superbo,
accenti.                                                 In quet’inferno dele tue pene eterno ?                   Claudio Monteverdi                                           Et ego relinquor,
Seguane ciò che vuole ; adorerò com’adorai l’tuo         Mori misera mori !                                                                                                    preda doloris, solitaria et mesta.
                                                                                                                  Piagn’e sospira, e quando i caldi raggi
nome,                                                    Che tardi più che fai ?                                                                                               Te Pater almus, teque fons amoris suscipiant laeti,
                                                                                                                  Fuggon la greggia a la dolce ombra assise
Le luci tue, le chiome saranno del moi cor catena        Perché mort’al piacer viv’al martire ?                                                                                Et ego te non videbo.
                                                                                                                  Ne la scorza de’ pini o pur de’ faggi
e Sole.                                                  Perché viv’al morire ?                                                                                                O Pater, O mi sponse.
                                                                                                                  Segnò l’amato nome in mille guise,
Sii pur Lilla crudele ; tenti per tormentarmi            Consum’il duol che ti consum’homai                                                                                    Haec sunt promissa
                                                                                                                  E de la sua fortuna i gravi oltraggi
angosce e affanni ;                                      Di questa morte che par vita uscendo                                                                                  Archangeli Gabrielis,
                                                                                                                  E i vari casi in dura scorza incise ;
non mi darano gl’anni altro titolo mai che di            Mori meschina al tuo morir morendo                                                                                    Haec illa excelsa sedes
                                                                                                                  E in rileggendo poi le proprie note
fedele.                                                                                                                                                                        Antiqui Patris David,
                                                         Âme douloureuse,
                                                                                                                  Spargea di pianto le vermiglie gote.                         Sunt haec regalia sceptra
Que le tyran usurpateur de ta liberté soit Lilla ou      Dont la vie n’est que peine et tourment,
                                                                                                                  Elle pleurait et soupirait, et lorsque les chauds            Quae tibi cingant crines,
un autre,                                                Quoi que tu entendes, dises, penses, voies et
                                                                                                                  Rayons du soleil eurent quitté le troupeau, elle             Haec ne sunt aurea sceptra,
Sa domination n’entache ni ne détruit en rien cet        sentes.
                                                                                                                  s’assit                                                      Et fine regnum
amour pieux.                                             Aspires-tu à aimer ?
                                                                                                                  Dans la fraîcheur de l’ombre et dans l’écorce d’un           Affigi duro ligno,
Qu’il fasse l’amant jaloux, qu’il ne t’entende point,    Qu’espères-tu ?
                                                                                                                  pin                                                          Et clavis laniari atquae corona ?
Ma bien-aimée, qu’il ne te regarde point.                Es-tu encore attachée à cette mort vivante ?
                                                                                                                  Ou d’un hêtre, elle grava mille fois le nom de l’être        Ah Jesu, ah Jesu mi,
Mes soupirs seront ceux d’un amoureux fidèle,            À cet enfer de souffrances éternelles ?
                                                                                                                  aimé,                                                        En mihi dulce mori.
quelque dépit qu’il en ait.                              Meurs, misérable, meurs !
                                                                                                                  Et inscrivit un par un dans la dure écorce                   Ecce plorando, ecce clamando,
Il peut bien faire en sorte que je sois banni de ton     Pourquoi tardes-tu, pourquoi ?
                                                                                                                                                                               Rogate misera Maria,
cœur,                                                    Pourquoi morte pour le plaisir, vivrais-tu pour          Tous les coups du sort préparés pour elle ;
                                                                                                                                                                               Nam tecum mori est illi gloria et vita.
Mon âme ne renoncera pas à son amour pour                souffrir ?                                               Puis, relisant ses propres caractères
                                                                                                                                                                               Heu, Fili, non respondes,
autant.                                                  Pourquoi vivre pour mourir ?                             Ses joues roses se couvrirent de larmes.
                                                                                                                                                                               Heu, surdus es ad flectus atquae quarellas.
Il peut bien, dans son ardeur, mépriser les traits de    Consume le souci qui te ronge toujours,
                                                                                                                                                                               O morso, O culpa, O inferne esse sponsus meus,
mon amour ;                                              Quitte cette mort qui se fait passer pour la vie,
Il ne pourra pas faire semblant de rien car si tu ne     Meurs, vilaine, et finis avec cette mort en              Pianto della Madonna                                         Mersus in undis velox
                                                                                                                  Claudio Monteverdi                                           O terrae centrum
m’aimes pas, je ne t’en adore pas moins.                 mourant pour de bon !
                                                                                                                                                                               Aperite profundum
Mais qu’importe que mon rival ne puisse                                                                           Iam morir mi Fili,
                                                                                                                                                                               Et cum dilecto meo me quoque absconde.
m’empêcher de te désirer,                                                                                         Quis nam poterit mater consolari
                                                                                                                                                                               Quid loquor ? Heu, Quid spero misera ?
Ni sa passion ni son amour ne m’empêcheront de           Al houbo dini                                            In hoc fero dolore,
                                                                                                                                                                               Heu, iam quid quero ?
t’aimer.                                                 L’amour est ma religion                                  In hoc tam duro tormento ?
                                                                                                                                                                               O Jesu, O Jesu mi,
Ton nouvel et bel amant, le bienheureux,                 Et je ne désire pas en changer                           Iam morir mi Fili.
                                                                                                                                                                               Non sit quid volo,
À qui ta volonté accorde les derniers accents de         La beauté est une souveraine                             Mi Jesu, o Jesu mi sponse,
                                                                                                                                                                               Sed fiat quod tibi placet.
ton cœur, est devenu l’objet de tes plaisirs.            Respectée, équitable ou abusive                          Mi dilecte,
                                                                                                                                                                               Vivat mestum cor meum pleno dolore,
Advienne que pourra ; j’adorerai tes yeux comme          Orgueilleuse est mon âme                                 Mi mea spes, mea vita,
                                                                                                                                                                               Pascere, Fili mi, Matris amore.
j’ai adoré ton nom,                                      Mais pour toi j’accepte de l’humilier,                   Me deferis, heu, vulnus cordis mei.
Et ta chevelure sera la chaîne et le Soleil de mon       Car si amère quoi la soumission                          Respice Jesu mi,                                             Laisse-moi mourir, mon Fils,
cœur.                                                    L’amour la rend délicieuse.                              Respice Jesu precor, respice matrem tua                      Car qui pourrait consoler une mère

                                                        12                                                                                                                13
Dans cette douleur atroce,                               O centre de la terre                                    Dicano i venti ogn’or, dica la terra :                        Que le Ciel te donne la paix ; paix à toi, Glaucus,
Dans ces tourments insupportables ?                      Ouvre-toi profondément                                  « Ahi Corinna ! Ahi Morte ! Ahi tomba ! »                     Prie la tombe honorée et la terre sacrée.
Laisse-moi mourir, mon Fils.                             Et ensevelis-moi avec mon bien-aimé.                    Cedano al pianto i detti ! Amato seno,
Mon Jésus, o mon Jésus,                                  Mais que dis-je ? Qu’est-ce que je désire               A te dia pace il Cielo ; pac’ a te, Glauco,
Mon époux bien-aimé,                                     Dans ma misère ? Assez de plaintes.                     Prega honorata tomba e sacra terra.
                                                                                                                                                                               Lamento d’Orfeo et Coro finale (Orfeo)
Mon espoir, ma vie,                                      O Jésus, mon Jésus,
                                                                                                                                                                               Luigi Rossi
                                                                                                                 Restes réduits en cendres, tombe avare                        Lasciate Averno, o pene, e me seguite !
Tu me quittes – ah ! Mon cœur se déchire.                Que non pas ma volonté soit exaucée,
                                                                                                                 Devenue le Ciel terrestre de mon beau Soleil,                 Quel ben ch’à me si toglie
Pense à moi, mon Jésus,                                  Mais la tienne.
                                                                                                                 Hélas ! Je m’incline à terre devant vous.                     Riman là giù, né ponno angoscie e doglie
Je t’en supplie, pense à ta mère                         Laisse vivre mon pauvre cœur plein de douleur,
                                                                                                                 Mon cœur est enfermé avec vous au sein du                     Star già mai seco unite
Qui gémit et soupire après Toi                           Et Toi, mon Fils, fortifie-Toi de l’amour d’une mère.
                                                                                                                 marbre                                                        Più penosso ricetto,
Et qui demande à partager avec toi
                                                                                                                 Et nuit et jour, Glaucus tourmenté                            Più disperato loco
Cette mort atroce, clouée
Sur la croix dure et terrible.                           Lagrime d’amante al sepolcro                            Vit dans le feu, dans les larmes, le deuil, la colère.        Del mio misero petto
Mon Jésus, o mon Jésus,                                  dell’amata                                              Dites-le, ô fleuves, et vous qui avez entendu                 Non hà eterno foco ;
                                                         Claudio Monteverdi                                      Glaucus                                                       Sono le miserie mie solo infinite.
O Homme de pouvoir, O Dieu,
                                                                                                                 Frapper de ses cris l’air au dessus de la tombe,              Lasciate Averno, o pene, e me seguite !
Hélas ! La souffrance de ton cœur                        Incenerite spoglie, avara tomba
                                                                                                                 Campagnes désertes, et les nymphes et le Ciel le
Accable également Marie.                                 Fatta del mio bel Sol terreno Cielo,                                                                                  Ah piangete ! Ah, lagrimate,
                                                                                                                 savent :
Prends pitié sur ses gémissements                        Ahi lasso ! I’ vegno ad inchinarvi in terra.                                                                          Tracie rive,
                                                                                                                 Le deuil fut mon aliment, les larmes ma boisson ;
Et laisse-la mourir avec Toi, celle qui a vécu pour      Con voi chius’è ‘l mio cor a marmi in seno,                                                                           Ohimè, prive
                                                                                                                 Mon lit, bienheureuse pierre, fut ton beau sein,
Toi.                                                     E notte e giorno vive in foco, in pianto,                                                                             D’ogni pregio di Beltate !
                                                                                                                 Puisque la terre glacée recouvre ma bien aimée.
Toi, tu dois quitter cette vie trop tôt,                 In duolo, in ira, il tormentato Glauco.                                                                               Ah piangete ! Ah, lagrimate,
                                                                                                                 Le soleil donnera la nuit sa lumière à la terre,
Mon Fils, et je dois pleurer ici-bas.                    Ditelo, o fiumi, e voi ch’udiste Glauco                                                                               Vanne in pace, ché l’oscura
                                                                                                                 Cynthie resplendira de jour, avant que Glaucus
Tu descendras aux enfers,                                L’aria ferir dì grida in su la tomba,                                                                                 Sepoltura a un inocente
                                                                                                                 Cesse d’honorer, de baiser ce sein
Et vaincras le fier ennemi - et moi je suis              Erme campagne e’l san le Ninfe e ‘l Cielo :                                                                           è di glotia immortal chiaro Oreinte !
                                                                                                                 Qui fut nid d’amour, qu’écrase une rude tombe ;
abandonnée,                                              A me fu cibo il duol, bevanda il pianto,
                                                                                                                 Et les bêtes sauvages, et le Ciel, ne seront pas seuls        Abandonnez l’Averne, ô peines, et me suivez !
Proie au chagrin, seule, le cœur brisé.                  Letto, o sasso felice, il tuo bel seno
                                                                                                                 À lui prodiguer profonds soupirs et larmes.                   Le bien qui me fut ôté
Ton tendre Père et l’Esprit Saint t’accueilleront, et    Poi ch’il mio ben coprì gelida terra.
                                                                                                                 Mais le Ciel, ô nymphe ! t’accueille en son sein,             Reste là-bas et les angoisses et les ennuis
moi                                                      Darà la notte il sol lume alla terra,
                                                                                                                 Et je vois la terre, par ton départ, devenue veuve,           Ne peuvent rester avec lui.
Je ne te reverrai jamais.                                Splenderà Cintia il di, prima che Glauco
                                                                                                                 Je vois les bois déserts, les larmes coulant en               Non, le feu éternel
Mon Père, mon bien-aimé.                                 Di baciar, d’honorar lasci quel seno
                                                                                                                 fleuves.                                                      N’a pas de recoin plus désespéré
Sont-ce là les promesses                                 Che fu nido d’Amor, che dura tomba
                                                                                                                 Dryades et Napées redisent                                    D’abri plus douloureux,
De l’Archange Gabriel,                                   Preme ; né sol d’alti sospir, di pianto,
                                                                                                                 Les lamentations du triste Glaucus, et sur la                 Que mon cœur malheureux ;
Est-ce ceci le trône élevé                               Prodighe a lui saran le fere e ‘l Cielo.
                                                                                                                 tombe                                                         Il n’y a que mes misères d’infinies.
De David, notre ancêtre,                                 Ma te raccoglie, O Ninfa, in grembo ‘l Cielo,
                                                                                                                 Chantent les qualités de ce sein aimé.                        Abandonnez l’Averne, ô peines, et me suivez !
Est-ce là la couronne royale                             Io per te miro vedova la terra,
                                                                                                                 Ô cheveux d’or, gente neige du sein,                          Ah, pleurez, versez des larmes,
Qui devait ceindre ton front,                            Deserti i boschi e correr fium’il pianto.
                                                                                                                 Ô lis de la main, que le ciel jaloux                          Rivages thraces,
Est-ce ceci le sceptre doré,                             E Driade e Napee del mesto Glauco
                                                                                                                 Nous a ravis, quand il l’enferma dans une tombe               Hélas, privés
Là les limites de ton royaume                            Ridicono i lamenti, e su la tomba
                                                                                                                 aveugle,                                                      De l’éclat de la Beauté !
D’être cloué au bois cruel,                              Cantano i pregi dell’amato seno.
                                                                                                                 Qui vous cache ? Hélas ! Une pauvre terre                     Ah, pleurez, versez des larmes,
Transpercé par les clous et couronné d’épines ?          O chiome d’or, neve gentil del seno,
                                                                                                                 Cache la fleur de toute beauté, le soleil de Glaucus !        Va en paix, l’obscure
Ah Jésus, O mon Jésus,                                   O gigli della man, ch’invido il cielo
                                                                                                                 Ah, Muses ! Laissez couler vos larmes !                       Sépulture
La mort me semble douce à présent.                       Ne rapì, quando chiuse in cieca tomba,
                                                                                                                 Donc, reliques aimées, mes yeux                               Est pour un innocent
Vois mes larmes, entends mes cris,                       Chi vi nasconde ? Ohimè ! Povera terra
                                                                                                                 Ne donneront pas une mer de larmes au noble sein              Un clair Orient de gloire immortelle.
Exauce la pauvre Marie qui t’en supplie,                 Il fior d’ogni bellezza, il Sol di Glauco
                                                                                                                 D’un froid rocher ? Voici que le dolent Glaucus
Car mourir avec toi est sa gloire et sa vie.             Nasconde ! Ah ! Muse ! Qui sgorgate il pianto !
                                                                                                                 Fait retentir de Corinne la mer et le ciel.
Quoi, mon Fils, Tu ne réponds pas,                       Dunque, amate reliquie, un mar di pianto
                                                                                                                 Que les vents disent sans cesse, que la terre dise :
Tu es sourd à mes pleurs et à mes gémissements.          Non daran questi lumi al nobil seno
                                                                                                                 « Ah ! Corinne ! Ah ! Mort ! Ah ! Tombe !»
O mort, O péché, O enfers,                               D’un freddo sasso ? Ecco l’afflitto Glauco
                                                                                                                 Que les paroles laissent la place aux larmes !
Mon Fils plongé au fond des abîmes                       Fa rissonar Corinna il mare e ‘l Cielo,
                                                                                                                 Sein chéri,

                                                        14                                                                                                                15
Psaume 42                                              Lamento d’Arianna
Kama yachtaqo l’ayyilo                                 Claudio Monteverdi
                                                                                           Mozart en Italie
(Comme le cerf soupire après les sources d’eau)        Lasciate mi morire !
Au maître de chant.                                    E che volete voi che mi conforte    Entre ombres et lumières dans la Ville Éternelle
Cantique des fils de Coré.                             In così dura sorte,
Comme le cerf soupire après les sources d’eau,         In così gran martire ?
Ainsi mon âme soupire après toi, ô Dieu.               Lasciatemi morire !
                                                                                           dimanche 21 octobre à17h00
Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant :                                                   lundi 23 octobre à 20h30
                                                       Laissez-moi mourir !
Quand irai-je et paraitrai-je devant la face de
                                                       Que voulez-vous qui me réconforte
Dieu ?
Mes larmes sont ma nourriture jour et nuit,
                                                       Dans un si dur destin,              Église Notre Dame Saint-Vincent
                                                       Dans un si grand martyre ?          56, quai Saint-Vincent, Lyon 1°
Pendant qu’on me dit sans cesse:
                                                       Laissez-moi mourir !
« Où est ton Dieu ? »
Je me rappelle, et à ce souvenir mon âme se fond
en moi,
Quand je marchais entouré de la foule,
Et que je m’avançais vers la maison de Dieu,                                                                                                                        distribution
Au milieu des cris de joie                                                                                                                           Heather Newhouse, soprano
Et des actions de grâces d’une multitude en fête !                                                                                                Marie-Frédérique Girod, soprano
Pourquoi es-tu abattue, ô mon âme, et t’agites-tu                                                                                                Anthéa Pichanick, mezzo-soprano
en moi ?
                                                                                                                                                             Hugo Peraldo, ténor
Espère en Dieu, car je le louerai encore, lui,
Le salut de ma face et mon Dieu !                                                                                                                               Éric Chopin, basse
Mon âme est abattue au dedans de moi ;                                                                                 Orchestre et chœur de chambre du Concert de l’Hostel Dieu
Aussi je pense à toi, du pays du Jourdain,                                                                                                     Franck-Emmanuel Comte, direction
De l’Hermon, de la montagne de Misar.                                                                                                               Hugo Peraldo, chef des chœurs
Un flot en appelle un autre,
Quand grondent tes cataractes :
Ainsi toutes tes vagues et tes torrents passent sur
moi.
Le jour, Yahweh commandait à sa grâce
De me visiter ; la nuit, son cantique était sur mes
lèvres                                                                                     programme
J’adressais une prière au Dieu de ma vie.
                                                                                           • 1ère partie : «Ombres»
Maintenant je dis à Dieu mon rocher :
« Pourquoi m’oublies-tu?                                                                   Miserere K85, Wolfgang Amadeus Mozart (composé à Bologne en juillet - août 1770)
Pourquoi me faut-il marcher dans la tristesse,                                             De profundis K93, Wolfgang Amadeus Mozart (composé à Salzbourg en 1771)
Sous l’oppression de l’ennemi ?                                                            Miserere, Gregorio Allegri (transcrit à Rome en 1770)
Je sens mes os se briser,
Quand mes persécuteurs m’insultent,
En me disant sans cesse: « Où est ton Dieu ? »                                             • 2ème partie : «Lumières»
Pourquoi es-tu abattue, ô mon âme,                                                         Exsultate, jubilate K 165, Wolfgang Amadeus Mozart (composé à Milan en janvier 1773)
Et t’agites-tu en moi ?                                                                    Regina coeli K.127, Wolfgang Amadeus Mozart (composé à Salzbourg en juin 1772)
Espère en Dieu, car je le louerai encore, lui,
Le salut de ma face et mon Dieu !

                                                      16                                                                                 17
Un voyage en Italie                                                                                              met en musique l’intégralité des vingt versets du Psaume 50, en alternant plain-chant pour les répons
« Tu as peut-être déjà entendu parler du Miserere de Rome, tellement célèbre, et qui est estimé à un             (strophes paires) et polyphonie (strophes impaires), tandis que le Miserere de Mozart utilise le texte
tel prix qu’il est expressément défendu sous peine d’excommunication aux musiciens de la chapelle                de manière partielle. Franck-Emmanuel Comte choisit ici de faire chanter le texte délaissé par le
[Sixtine] d’en sortir une partition hors de la chapelle, de le copier ou de le communiquer à qui que ce          compositeur – les répons en plain-chant – par des sopranos. Entre les deux Miserere vient se glisser
soit. Or nous le possédons déjà. Wolfgang l’a déjà écrit […] ». Ainsi s’exprime Johann Georg Léopold dans        une prière d’une grande simplicité : le De Profundis. Cette miniature homophonique témoigne d’une
une lettre à sa femme le 14 avril 1770 à Rome. Leur fils, Wolfgang Amadeus Mozart, assistant à un office         profonde intériorité, exprimée avec retenue. Deux ans plus tard, Mozart compose le brillant Exsultate,
au Vatican, mémorise en une écoute le Miserere d’Allegri, une œuvre mythique dont les papes avaient              jubilate pour le castrat Venanzio Rauzzini. Ce motet, ainsi que le Regina Caeli, sont deux œuvres
de tout temps interdit la copie. Georg et Wolfgang accomplissent alors leur premier voyage en Italie,            lumineuses, attestant d’une maturité précoce et d’une influence du style lyrique.
qui sera suivi de deux autres entre 1769 et 1773. À la différence du grand circuit européen précédent,
essentiellement destiné à révéler au monde le jeune prodige salzbourgeois, les déplacements italiens             Mozart sur instruments baroques
ont pour but de parachever sa formation de compositeur. Ils vont aussi permettre l’épanouissement
                                                                                                                 Souvenons-nous que lorsque Wolfgang naît, c’est encore – tout autour de lui – le monde du clavecin et
de l’adolescent avide de découvertes. Sa vaste correspondance, entamée à cette époque, nous révèle,
                                                                                                                 du style baroque. C’est donc d’une manière tout à fait naturelle que l’enfant-génie se penche aussitôt
d’une manière très vivante, les grandes étapes de ce parcours : Vérone, Mantoue, Milan, Bologne,
                                                                                                                 sur la littérature de cet instrument et plus largement sur les œuvres des maîtres italiens ou européens
Naples, Venise et surtout Rome, la Ville Éternelle, qui le subjugue. De nombreuses rencontres humaines
                                                                                                                 du XVIIIème siècle. Concernant les cordes, le violon sur lequel jouait Wolfgang enfant était un « Jacobus
et musicales marquent ces trois voyages. Certaines exerceront une forte influence sur la création de
                                                                                                                 Stainer », un luthier du Tyrol qui supportait fort bien la comparaison avec les maîtres de Crémone, et
Wolfgang et laisseront des empreintes indélébiles dans les compositions dès cette période (Niccolò
                                                                                                                 dont on a gardé de nombreux exemplaires. Mozart, qui ignorait alors ce que pouvait « donner » le
Piccinni, Giovanni Battista Sammartini, Boccherini, Nardini, Manfredi, ainsi que les maîtres vénitiens
                                                                                                                 violon de Menuhin, jouait ainsi sur un instrument au son « acide », mais riche en sonorités, avec lequel
étudiés lors de son passage dans la Cité des Doges). À Bologne, père et fils sont présentés au célèbre
                                                                                                                 il obtenait, entre aigu et grave, des couleurs très distinctes. Côté vents, les cuivres étaient dépourvus
castrat Farinelli qui vit alors une paisible retraite, ainsi qu’au docte Padre Martini qui soumettra le
                                                                                                                 de pistons et spatules (on jouait alors uniquement avec les lèvres) et possédaient une sonorité
jeune prodige à quantité d’exercices redoutables, en particulier sur le plan contrapuntique. C’est grâce
                                                                                                                 moins éclatante et plus contrastée. Les flûtes en bois à une clef ne présentaient absolument pas les
au Padre Martini qu’il achèvera sa formation de compositeur. Lors de son dernier voyage en Italie,
                                                                                                                 caractéristiques d’homogénéité des flûtes modernes en métal. Les clarinettes, bassons et autres cors de
Mozart quitte l’adolescence. Pour le public, il n’est plus un objet d’étonnement mais un compositeur
                                                                                                                 basset étaient à peu de choses près ceux qu’avaient connus Bach et Haendel (ce sera Theobald Böhm,
parmi tant d’autres. Le « miracle » qu’il représentait est terminé. Au début de mars 1773, Wolfgang
                                                                                                                 né en 1794, qui placera des clefs sur les flûtes d’abord, puis ensuite sur tous les instruments à vent).
âgé de 17 ans quitte Milan avec son père et peu après, l’Italie, à laquelle il ignore qu’il fait ses adieux,
                                                                                                                 Par ailleurs, l’équilibre entre vents et cordes n’était pas du tout le même que celui que connaissent les
puisque, malgré son désir, il n’y reviendra jamais. Déjà l’Italie l’a oublié, mais lui ne l’oubliera pas… Elle
                                                                                                                 orchestres contemporains. L’orchestre mozartien privilégie une indépendance marquée des vents vis
demeure gravée au fond de son âme et il s’en souviendra lorsqu’il écrira des chefs-d’œuvre comme
                                                                                                                 à vis du quatuor des cordes et ne cherche absolument pas à fondre les timbres de chaque instrument
Idomeneo Re di Creta, Le Nozze di Figaro, Don Giovanni ou Così fan tutte, ceux où il fera chanter la
                                                                                                                 dans un son unique d’orchestre, à la fois moelleux et puissant, comme c’est souvent le cas de nos jours.
langue de Dante et Pétrarque.
                                                                                                                 Enfin, Mozart appréciait par-dessus tout la personnalité propre de chaque instrument et sa palette
                                                                                                                 expressive, plutôt que ses possibilités techniques. Ainsi, peut-on affirmer qu’il était profondément
Les œuvres du programme                                                                                          amoureux du timbre du cor, du basson ou de la clarinette qu’il a souvent utilisés, caracolant sur leurs
Le concert rassemble des œuvres de jeunesse de Mozart, composées lors de ce voyage en Italie.                    tonalités graves ou aiguës, comme une voix, cette fameuse voix humaine, pour laquelle Mozart a tant
                                                                                                                 composé...
« Entre ombres et lumières » est la thématique autour de laquelle se déploient les œuvres de cette
                                                                                                                 Ce propos n’ayant pas pour vocation d’affirmer la supériorité d’une interprétation sur instruments
programmation. C’est un leitmotiv que l’on retrouve souvent dans la musique du Siècle des Lumières, lié
                                                                                                                 anciens par rapport à une approche plus classique, nous passerons volontairement sous silence
à la dialectique du bien et du mal. Il suffit de penser à La Flûte Enchantée pour voir que ces thématiques,
                                                                                                                 les inconvénients que les détracteurs de cette posture musicale mettent régulièrement en avant
influencées par l’appartenance du compositeur à l’ordre maçonnique, sont très présentes dans son
                                                                                                                 (instruments moins sonores et plus hétérogènes, justesse plus aléatoire…). L’essentiel est de
œuvre. L’expression douloureuse des Miserere et du De Profundis vont ainsi s’opposer aux brillants et
                                                                                                                 comprendre que désormais, depuis les Harnoncourt, Leonhardt et autres Hogwood, une autre
concertants Exsultate, jubilate et Regina coeli.
                                                                                                                 approche est possible, en rien supérieure à celle pratiquée jusqu’à la « grande vague des baroqueux »,
Les quatre œuvres de Mozart et le Miserere d’Allegri mettent en valeur une période intermédiaire
                                                                                                                 mais juste différente, et que celle-ci renouvelle l’imagination des interprètes tout en proposant une
chez le jeune compositeur en voyage, entre style baroque et style classique. Son Miserere pour trois
                                                                                                                 autre écoute de la part du public. On peut considérer que l’interprétation musicale dans sa globalité
voix en est une parfaite illustration. Mozart vient de rencontrer, en mars 1770 à Bologne, le Padre
                                                                                                                 est constituée d’une rencontre entre l’époque du compositeur et celle de l’interprète. Ainsi, aucune
Martini dont il reçoit les conseils. L’écriture du Miserere date de l’été de la même année, alors que le
                                                                                                                 vérité interprétative ne peut être définitivement gravée dans le marbre. Chaque génération de
compositeur est de retour à Bologne pour la saison chaude. Dans ce contexte, ce Miserere pourrait être
                                                                                                                 musiciens apporte sa vision, influencée tant par les avancées musicologiques que par l’air du temps,
l’application des leçons de contrepoint du vieux maître. Une composition donc peu mozartienne et
                                                                                                                 les modes et les lubies de l’instant présent. Enfin, l’essentiel est sans doute ailleurs : autant il serait
qui, comme l’expriment Jean et Brigitte Massin dans leur biographie du compositeur, hésite « encore
                                                                                                                 vain de vouloir à toute force recréer l’univers sonore que Mozart connaissait de son vivant, autant il
entre l’homophonie et le contrepoint ». De plus, on ne peut oublier ici l’influence de la pièce éponyme
                                                                                                                 serait hasardeux d’en ignorer complètement les caractéristiques. Un esprit de synthèse doit donc se
d’Allegri, composée en 1630 et entendue quelques mois plus tôt. Imprégnée de l’atmosphère mystique
                                                                                                                 manifester, lequel réservera une place non négligeable à l’instinct musical de tout un chacun, qu’il soit
du Miserere et de son contrepoint, la pièce à trois voix de Mozart se place bien au carrefour du baroque
                                                                                                                 interprète ou auditeur.
et du classicisme dans l’œuvre du jeune compositeur. D’un point de vue structurel, la partition d’Allegri

                                                       18                                                                                                           19
Miserere                                             Efface mon péché.                                          De Profundis                                                Psallant aethera cum me.
Miserere mei, Deus, secundum magnam                  Lave-moi tout entier de ma faute,                          Wolfgang Amadeus Mozart                                     Fulget amica dies, iam fugere et nubila et
misericordiam tuam.                                  Purifie-moi de mon offense :                                                                                           procellae ;
                                                                                                                De profundis clamavi ad te Domine.
Et secundum multitudinem miserationum                Car je connais mon iniquité :                                                                                          Exortus est justis inexspectata quies.
                                                                                                                Domine, exaudi vocem meam :
tuarum :                                             Et mon péché est toujours devant moi.                                                                                  Undique obscura regnabat nox ;
                                                                                                                Fiant aures tuae intendentes in vocem
Dele iniquitatem meam.                               Contre Toi, Toi seul, j’ai péché, ce qui est mal à tes                                                                 Surgite tandem laeti, qui timuistis adhuc,
                                                                                                                deprecationis meae.
Amplius lava me ab iniquitate mea,                   yeux, je l’ai fait :                                                                                                   Et iucundi aurorae fortunatae
                                                                                                                Si iniquitates observaveris, Domine,
Et a peccato meo munda me :                          Ainsi tu peux parler et montrer ta justice, être juge                                                                  Frondes dextera plena et lilia date.
                                                                                                                Domine, quis sustinebit ?
Quoniam iniquitatem meam ego cognosco :              victorieux.                                                                                                            Tu virginum corona,
                                                                                                                Quia apud te propitiatio est,
Et peccatum meum contra me est semper.               Moi je suis né dans la faute                                                                                           Tu nobis pacem dona,
                                                                                                                Et propter legem tuam sustinui te, Domine.
Tibi soli peccavi, et malum coram te feci :          J’étais pécheur dès le sein de ma mère.                                                                                Tu consolare affectus,
                                                                                                                Sustinuit anima mea in verbo ejus
Ut justificeris in sermonibus tuis, et vincas cum    Mais tu veux au fond de moi la vérité :                                                                                Unde suspirat cor.
                                                                                                                Speravit anima mea in Domino.
judicaris.                                           Dans le secret tu m’apprends la sagesse.                                                                               Alleluia, alleluia.
                                                                                                                A custodia matutina usque ad noctem, speret
Ecce enim in iniquitatibus conceptus sum :           Purifie-moi avec l’hysope, et je serai pur :
                                                                                                                Israël in Domino.                                           Exultez, réjouissez-vous,
Et in peccatis concepit me mater mea.                Lave-moi et je serai plus blanc que la neige.
                                                                                                                Quia apud Dominum misericordia,                             Ô, âmes bienheureuses,
Ecce enim veritatem dilexisti :                      Fais que j’entende les chants et la fête :
                                                                                                                Et copiosa apud eum redemptio.                              Chantant de doux cantiques,
Incerta et occulta sapientiae tuae manifestasti      Ils danseront les os que tu broyas.
                                                                                                                Et ipse redimet Israël ex omnibus iniquitatibus             En réponse à vos chants,
mihi.                                                Détourne ta face de mes fautes :
                                                                                                                ejus.                                                       Laissez le ciel chanter avec moi.
Asperges me hyssopo, et mundabor :                   Enlève tous mes péchés.
                                                                                                                Gloria patri et filio et spiritui sancto,                   Le jour amical brille enfin, nuages et tempêtes ont
Lavabis me, et super nivem dealbabor.                Crée en moi un cœur pur, Ô mon Dieu :
                                                                                                                Sicut erat in principio et semper et in saecula             fuit désormais ;
Auditui meo dabis gaudium et laetitiam :             Renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit.
                                                     Ne me chasse pas loin de ta face :                         saeculorum.                                                 Un calme inespéré est revenu pour les justes.
Et exsultabunt ossa humiliata.                                                                                  Amen.                                                       De tous côtés l’obscurité régnait ;
Averte faciem tuam a peccatis meis :                 Ne me reprends pas ton Esprit Saint.*
                                                     Rends-moi la joie d’être sauvé :                                                                                       Relevez-vous enfin, ceux qu’elle a effrayés,
Et omnes iniquitates meas dele.                                                                                 Des profondeurs je crie vers toi Seigneur.
                                                     Que l’esprit généreux me soutienne.                                                                                    Et réjouissez-vous de cette aurore
Cor mundum crea in me, Deus :                                                                                   Seigneur, écoute mon appel :
                                                     Aux pécheurs, j’enseignerai tes chemins :                                                                              En lui tendant une main pleine de guirlandes et
Et spiritum rectum innova in visceribus meis.                                                                   Que ton oreille se fasse attentive au cri de ma
                                                     Vers Toi reviendront les égarés.                                                                                       de lys.
Ne projicias me a facie tua :                                                                                   prière.
                                                     Libère-moi du sang versé, Dieu, Dieu mon sauveur :                                                                     O couronne de la Vierge,
Et spiritum sanctum tuum ne auferas a me.*                                                                      Si tu retiens les fautes, Seigneur,
                                                     Et ma langue proclamera ta justice.                                                                                    Donne-nous la paix,
Redde mihi laetitiam salutaris tui :                                                                            Seigneur, qui subsistera ?
                                                     Seigneur, ouvre mes lèvres :                                                                                           Toi qui nous console des maux,
Et spiritu principali confirma me.                                                                              Car près de toi se trouve le pardon,
                                                     Et ma bouche annoncera ta louange.                                                                                     Dont souffre le cœur.
Docebo iniquos vias tuas :                                                                                      Pour que l’homme te craigne.
                                                     Si j’offre un sacrifice, tu n’en veux pas :                                                                            Alleluia, alleluia.
Et impii ad te convertentur.                                                                                    J’espère le Seigneur de toute mon âme
Libera me de sanguinibus, Deus, Deus salutatis       Tu n’acceptes pas d’holocauste.                            Je l’espère, et j’attends sa parole.
meae :                                               Le sacrifice qui plait à Dieu, c’est un esprit brisé ;     Plus qu’un veilleur attend l’aurore.                        Regina coeli
Et exultabit lingua mea justitiam tuam.              d’un cœur broyé :                                          Car avec le Seigneur est la miséricorde,                    Wolfgang Amadeus Mozart
Domine, labia mea aperies :                          Ô mon Dieu, tu n’as point de mépris.                       Car, près du Seigneur abonde la rédemption.
                                                                                                                                                                            Regina caeli, lætare,
Et os meum annuntiabit laudem tuam.                  Accorde à Sion le bonheur :                                C’est lui qui rachètera Israël de toutes ses fautes.
                                                                                                                                                                            Quia quem meruisti portare
Quoniam si voluisses sacrificium dedissem            Relève les murs de Jérusalem.                              Gloire au Père, au Fils, et au Saint-Esprit,
                                                     Alors tu accepteras de justes sacrifices, oblations                                                                    Resurrexit, sicut dixit,
utique :                                                                                                        Comme il était au commencement et pour les
                                                     et holocaustes.                                                                                                        Ora pro nobis Deum !
Holocaustis non delectaberis.                                                                                   siècles des siècles.
                                                     Alors on offrira des taureaux sur ton autel.                                                                           Alleluia, alleluia.
Sacrificium Deo spiritus contribulatus :                                                                        Amen.
Cor contritum et humiliatum Deus non despicies.      * Ici s’arrête les paroles utilisées dans le Miserere de                                                               Reine du ciel, réjouis-toi,
                                                     Wolfgang Amadeus Mozart.                                                                                               Parce que Celui que tu as mérité de porter
Benigne fac, Domine, in bona voluntate tua Sion :
                                                                                                                Exsultate, jubilate                                         Est ressuscité comme il l’a dit,
Ut aedificentur muri Jerusalem.
                                                                                                                Wolfgang Amadeus Mozart                                     Prie Dieu en notre faveur !
Tunc acceptabis sacrificium justitiae, oblationes
et holocausta.                                                                                                  Exsultate, jubilate,                                        Alleluia, alleluia.
Tunc imponent super altare tuum vitulos.                                                                        O vos animae beatae,
                                                                                                                Ulcia cantica canendo,
Pitié pour moi, Seigneur, en ta bonté.                                                                          Cantui vestro respondendo,
En ta tendresse :
                                                    20                                                                                                                 21
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