TRADUIRE L'ENVIRONNEMENT - LE MAGAZINE D'INFORMATION DES LANGAGIERS - BANQ
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LE MAGAZINE D’INFORMATION DES LANGAGIERS Numéro 108 • Été 2010 www.ottiaq.org T R A D U I R E L’ E N V I R O N N E M E N T Envoi de publication canadienne convention numéro 1537393
POUR COMMENCER La parole, O N 108 ÉTÉ 2010 un acte d’écoresponsabilité Dossier 5 Yolande Amzallag, trad. a. Que signifie au juste traduire dans le domaine de l’environnement ? Et comment caractériser cette L es sciences de l’environnement et les professions langagières recouvrent spécialité ? C’est ce que Circuit a tenté de cerner ici. toutes deux le large spectre de l’activité humaine. Ces deux domaines constituent de véritables « écosystèmes » qui, s’ils sont régis par leurs propres lois, tirent leur substance d’une multitude d’autres domaines et Sur le vif 18 partagent la même finalité d’une vie en société saine, éthique et intelligente. De nouvelles interprètes en ASL. Transversalité et interdisciplinarité en sont des principes de fonctionnement communs, qui La terminologie : une profession sous influence… technologique. tout en faisant appel à une certaine souplesse intellectuelle, exigent aussi rigueur et vigilance Notes et contrenotes. Échappées sur le futur. pour éviter l’écueil du « flou holistique ». L’enjeu de la pratique langagière dans le domaine de l’environnement est de taille. Il s’agit non seulement de comprendre et de traduire des notions et processus scientifiques très poin- Des livres 20 tus dans une large diversité de domaines, mais aussi de trouver les mots justes dans un La suite logicielle Antidote : foisonnement de nouvelles réalités pour lesquelles la terminologie est encore instable. D’où douze grands dictionnaires et onze guides linguistiques. la difficulté pour un langagier de se « spécialiser » dans le domaine de l’environnement. C’est Les nouveautés. là que les compétences transversales du langagier prennent toute leur valeur. Comme le sou- ligne Claude Jean, seul un esprit scientifique bien formé peut guider le langagier à travers les divers champs sémantiques et disciplinaires de l’environnement. Le dialogue interdisci- Des mots 23 plinaire est aussi un aspect essentiel commun au développement durable et à la pratique Une bête noire de la traduction dans le monde universitaire : langagière. Michel Buttiens et Nargisse Rafik en esquissent les possibilités et les limites. academic. De « néologie » à « néopathie », il n’y a qu’un pas. Dina Azuelos nous donne un aperçu des exercices de haute voltige qu’il nous faut parfois faire pour assimiler des compromis nécessaires entre théorie et pratique. Fort heureusement, l’écosystème langagier repose sur Des campus 24 une solide dynamique de recherche et de création terminologiques. À l’instar d’un système Connaissez-vous les Jeux de la traduction ? d’assainissement des eaux, il filtre le langage aux cribles de la norme et de l’usage pour en épurer et en stabiliser le sens. Tout en nous signalant de multiples sources, ce numéro nous renseigne sur le rôle de premier plan que joue l’Office québécois de la langue française dans Des revues 26 le développement terminologique à l’échelle internationale. Vous y remarquerez en passant La traduction Wiki. La traduction théâtrale. que certains de nos auteurs ont opté pour la nouvelle orthographe. En attendant que celle-ci devienne plus courante, la rédaction de Circuit a choisi de concilier norme et usage en respectant la règle orthographique adoptée par chacun des auteurs. Pages d’histoire 27 Le « développement durable » suppose le respect de principes écologiques et des obli- Daniel Sloate, écrivain, poète, gations éthiques de la responsabilité sociale. La pratique langagière, elle, suppose le respect traducteur, professeur et mentor. de principes linguistiques et des obligations éthiques de la communication humaine. Si nous les exerçons la plupart du temps dans l’isolement, nos professions revêtent néanmoins un caractère « organique » qui nous lie à une éthique commune. Notre adhésion à l’OTTIAQ est Des techniques 28 Sauvegarder les documents l’une des manifestations concrètes de ce souci éthique. électroniques et en préserver Je profite de ce numéro de fin de cycle annuel pour saluer la contribution des chroniqueurs la confidentialité. et collaborateurs de Circuit, qui consacrent bénévolement d’innombrables heures à nous éclairer sur divers aspects de notre pratique professionnelle et à nous informer sur les outils et méthodes les plus récents. Un bel exemple de « responsabilité sociale » ! À titre professionnel 30 Le titre de professionnel agréé Bonne lecture à tous de ce numéro vert de l’été ! et les combinaisons de langues.
2021, avenue Union, bureau 1108 Publié quatre fois l’an par l’Ordre des traducteurs, Montréal (Québec) H3A 2S9 terminologues et interprètes agréés du Québec Tél. : 514 845-4411, Téléc. : 514 845-9903 Courriel : circuit@ottiaq.org Site Web : www.ottiaq.org Droits de reproduction Toutes les demandes de reproduction doivent être achemi- Vice-présidente, Communications — OTTIAQ Betty Cohen nées à Copibec (reproduction papier). Nous aimons Tél. : 514 288-1664 • 1 800 717-2022 licenses@copibec.qc.ca Directrice Avis de la rédaction vous lire. Yolande Amzallag Rédactrice en chef La rédaction est responsable du choix des textes publiés, mais les opinions exprimées n’engagent que les auteurs. L’éditeur Écrivez-nous n’assume aucune responsabilité en ce qui concerne les an- Gloria Kearns nonces paraissant dans Circuit. pour nous Rédaction © OTTIAQ Michel Buttiens, Philippe Caignon (Des mots), Pierre Cloutier (Pages d’histoire), Marie-Pierre Hétu (Des techniques), Dépôt légal - 3e trimestre 2010 Bibliothèque et Archives nationales du Québec faire part Didier Lafond (Curiosités), Solange Lapierre (Des livres), Barbara McClintock, Éric Poirier, Eve Renaud (Sur le vif), Bibliothèque et Archives Canada ISSN 0821-1876 de vos Sébastien Stavrinidis (Des revues) Dossier Tarif d’abonnement Membres de l’OTTIAQ : abonnement gratuit commentaires. Marie-Pierre Hétu et Philippe Caignon Non-membres : 1 an, 40,26 $ ; 2 ans, 74,77 $. Étudiants inscrits à l’OTTIAQ : 28,76 $. À l’extérieur du Canada : 1 an, 46,01 $ ; 2 ans, Ont collaboré à ce numéro 86,27 $. Toutes les taxes sont comprises. Chèque ou mandat- Dina Azuelos, Josée Bisson, Ive Cartier, Clément Croteau, poste à l’ordre de « Circuit OTTIAQ » (voir adresse ci-dessus). Jean-Paul Fontaine, Denis G. Gauvin, Alex Guindon, Claude Cartes de crédit American Express, MasterCard, Visa : www. Jean, Paul Lavoie, Anne-Marie Mesa, Réal Paquette, Nargisse ottiaq.org/publications/circuit_fr.php 2021, avenue Union, bureau 1108 Rafik, Jean-Pierre Revéret, Ariane Royer, Michèle Valiquette Montréal (Québec) H3A 2S9 Direction artistique, éditique, prépresse et impression Deux fois lauréat du Prix de la meilleure Tél. : 514 845-4411 Mardigrafe publication nationale en traduction de la Fédération internationale des traducteurs. Téléc. : 514 845-9903 Publicité Courriel : circuit@ottiaq.org Catherine Guillemette-Bédard, OTTIAQ Tél. : 514 845-4411, poste 225 • Téléc. : 514 845-9903 Site Web : www.ottiaq.org 100 % PC Imprimé sur papier recyclé 30 % postconsommation (couverture) et 100 % postconsommation (pages intérieures), fabriqué avec des fibres désencrées sans chlore, à partir d’une énergie récupérée, le biogaz. Illusion ? Précision Je suis horripilée par l’utilisation de lèvres sensuelles et féminines en page couverture et Dans le numéro 107 en encadré pour représenter la notion de l’illusion dans le numéro 107 du magazine Circuit de l’OTTIAQ. de Circuit, Je me serais attendue à mieux d’un ordre professionnel, surtout un qui représente des à la page 17, femmes à 70 %. L’art de l’illusion a recours à la facilité… le corps de la femme. Vraiment le chapeau de l’article désolant et exaspérant. En tant que femme, je me sens humiliée et utilisée encore une fois. « Alors, on ne Linda Larocque, C. Tr./trad. a. (OTTIAQ, CTINB) traduit plus ? » aurait dû se lire : Au nom de la rédaction de Circuit, je tiens à assurer nos lecteurs que le choix de l’illustra- tion de couverture de notre dernier numéro ne visait nullement à associer « illusion » et Lu sur le site « féminité ». L’illustration évoquait davantage pour nous l’importance du mouvement des des correcteurs lèvres, soulignée dans l’article sur la post-synchronisation. Nous regrettons vivement que ce choix ait donné lieu à une interprétation négative. du Monde.fr, Yolande Amzallag, trad. a. Langue sauce piquante.
DOSSIER TRADUIRE L’ E N V I R O N N E M E N T Traduire l’environnement D es Rocheuses à la grande ville en passant par les Prai- ries et les Grands Lacs, il y a tout un monde à décrire et à traduire : celui de l’environnement. Mais que signifie au juste travailler dans ce domaine de spécialité ? Et comment le caractériser ? C’est ce que nous avons tenté de cerner dans ce dossier sur le travail en environnement. Sans couvrir l’ensemble du sujet, nos collaborateurs nous offrent des articles fort variés. Jean-Pierre Revéret relate l’his- toire des sciences de l’environnement et explique les transfor- mations qu’elles ont subies au fil du temps. Claude Jean montre, au moyen d’exemples, toutes les possibilités qui s’offrent au tra- ducteur souhaitant travailler dans le domaine. Michel Buttiens parle de son côté de l’évaluation environnementale et des défini- tions contenues dans la loi, qui freinent souvent l’élan créateur des traducteurs. Clément Croteau nous fait découvrir entre autres le tout nouveau glossaire thématique sur le développement durable établi par l’Office québécois de la langue française, en partenariat avec le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs et le Bureau de normalisation du Québec. Pour sa part, Karel Mayrand, directeur de la Fondation David Suzuki au Québec, a accepté de Marie-Pierre Hétu, term. a. et répondre à nos questions sur cette organisation et sur ses besoins en matière de communica- Philippe Caignon, term. a., trad. a. tions tandis qu’Éric Poirier a interrogé une langagière qui travaille depuis nombre d’années dans le domaine de l’environnement, en terminologie comme en traduction. Josée Brisson nous révèle en grande exclusivité la méthode qu’elle utilise pour travailler sans papier, et contribuer ainsi à la protection de notre environnement. Alex Guindon nous présente quelques ouvrages de réfé- rence en français et en anglais dans le domaine, alors que Nargisse Rafik associe l’architecture à l’environnement pour nous faire entrevoir d’un autre œil cette spécialité de la traduction. À la vôtre et à notre environnement ! C i r c u i t • É t é 2 0 10 5
DOSSIER TRADUIRE L’ E N V I R O N N E M E N T Les sciences de l’environnement : de la pollution au développement durable M ême si de sérieux problèmes de salubrité et de mauvaises odeurs caractérisaient les villes du Moyen-Âge et si, dès le XVIIIe siècle, on rapportait un qui se sont initialement érigées en sciences de l’envi- ronnement sont essentiellement celles des « facultés des sciences ». Le programme de maîtrise en sciences Encore toutes certain déclin des pêches, ce n’est vraiment qu’avec de l’environnement de l’UQAM conçu au début des an- jeunes, les sciences la croissance économique des trente glorieuses que les problèmes environnementaux ont pris l’impor- nées 1970 reposait sur les départements de biologie, chimie/biochimie, physique, sciences de la Terre et géo- de l’environnement tance qu’on leur connaît aujourd’hui, en haut du pro- graphie. Une interdisciplinarité entre les sciences dites gramme de la gestion des affaires humaines. exactes, qu’on nomme aussi sciences dures. grandissent et se transforment à De l’écologie aux sciences mesure que la de l’environnement société change. Jusque dans les années 1960 et au début des an- O nées 1970, on ne parlait pas de sciences de l’en- vironnement. Le terme « environnement » dans Par Jean-Pierre Revéret le sens où nous l’utilisons ici n’apparaît d’ailleurs qu’à cette période. On le distingue de celui de « nature » car il renvoie explici- n peut en venir tement à l’activité humaine. On peut dire alors que l’environnement, c’est la nature à s’interroger sur socialisée. La seule discipline scientifique le bien-fondé initial de qui étudiait plus spécifiquement l’envi- ronnement comme objet était l’écologie, l’appellation « les sciences même si elle n’était pas née pour se pré- de l’environnement » occuper de l’environnement, mais plutôt puisque toutes les sciences des écosystèmes, des structures et des fonctions de la nature sur laquelle elle ou presque y contribuent portait un regard plus intégré que celui de maintenant. la biologie. Elle est donc la première des dis- ciplines interpellée quand il s’agit de comprendre les effets des activités humaines sur la nature. Tellement qu’en France, par exemple, dans les an- nées 1970, les programmes universitaires qui se préoccupaient d’environnement le faisaient sous l’étiquette de l’écologie appliquée alors que des L’entrée en jeu programmes avec le même contenu revendiquaient des sciences humaines le titre de sciences de l’environnement au Québec et dans tout le reste de l’Amérique du Nord. Les sciences de la nature ont permis d’éclairer les On voit donc émerger le champ des sciences de causes techniques des problèmes environnementaux l’environnement se situant dans une perspective inter- et d’identifier des solutions. Elles ne pouvaient ce- disciplinaire, autant pour la recherche — comprendre pendant pas contribuer à la mise en œuvre de ces so- C i r c u i t • É t é 2 0 10 et trouver des solutions — que pour l’enseignement lutions, ni même cerner les autres déterminants, non universitaire, essentiellement de deuxième cycle — for- techniques, des problèmes. C’est ainsi qu’à la fin des mer des professionnels et des chercheurs qui sortent années 1970 et durant les décennies suivantes, on a vu des modèles monodisciplinaires et voient la science et les sociologues, les psychologues, les économistes, les le monde de façon systémique et intégrée. Les sciences juristes, mais aussi les éthiciens, les philosophes et les 6 J e a n - P i e r re Re v é re t e s t p ro f e s s e u r a u D é p a r t e m e n t d e s t ra t é g i e , re s p o n s a b i l i t é s o c i a l e e t e n v i ro n n e m e n t a l e d e l ’ É c o l e d e s s c i e n c e s d e l a g e s - t i o n d e l ’ U n i ve r s i t é d u Q u é b e c à M o n t r é a l .
théologiens s’interroger sur l’une ou l’autre des dimen- s’adapter aux nouvelles situations, c’est l’activité éco- sions de la crise environnementale, sur la clarification nomique qui d’une part permet le progrès et d’autre des enjeux et les choix de solutions. L’interdisciplinarité part remet en cause l’équilibre du système sur lequel s’est élargie au point que quasiment chaque discipline elle repose. aujourd’hui a développé un champ d’étude appliqué au L’environnement aujourd’hui n’est quasiment plus domaine de l’environnement. Le regard de l’épistémolo- vu en dehors de la toile de fond du DD et les sciences gie est même devenu important pour aider les scienti- de l’environnement contribuent tout particulièrement fiques à descendre de vélo pour se regarder pédaler ! On à la définition de ce que l’on commence à nommer les peut même en venir à s’interroger sur le bien-fondé ini- sciences de la durabilité ? de la soutenabilité ? (sus- tial de l’appellation « les sciences de l’environnement » tainability analysis) puisque toutes les sciences ou presque y contribuent maintenant. Cette ouverture se trouve très clairement Les sciences de l’environnement marquée dans tous les programmes universitaires au Québec. Aux cours d’écologie, biologie, physique et chi- face aux silos disciplinaires mie, on a tout d’abord ajouté des cours de plusieurs dis- Un des grands enjeux auquel font face les sciences ciplines (droit d’abord, économie, sociologie, etc.). On a de l’environnement dans le système universitaire est aussi rapidement ouvert les programmes de maîtrise à celui de leur institutionnalisation, de leur pérennisa- des bacheliers en sciences humaines qui venaient cher- tion. Les universités sont structurées en départements cher la dimension environnementale et apprenaient à disciplinaires. L’interdisciplinarité nécessaire pour voir les choses dans une perspective interdisciplinaire, l’enseignement et pour la résolution de problèmes systémique, holistique et intégrée. n’est pas favorisée par les structures. Instituts, centres de recherches, autant de formules utilisées pour faci- Le développement durable liter les échanges mais rarement pour développer de façon pérenne. Pierre Dansereau, pionnier de l’inter- et un certain réductionnisme disciplinarité au Québec, ne disait-il pas que les uni- Avec le rapport de la commission Brundtland et le versités sont les seuls bâtiments dans lesquels les Sommet des Nations Unies de Rio en 1992, le « déve- cloisons intérieures sont plus solides que les murs loppement durable » (DD) devenait le concept moteur extérieurs ? de tous les changements sociétaux à opérer pour sor- Les enjeux auxquels l’humanité est confrontée, les tir le Sud du sous-développement et le Nord du mal- changements climatiques et l’érosion de toutes les développement dans lequel les années d’après-guerre formes de diversité de la vie, véritable police d’assu- l’avaient enfoncé. Or, pour beaucoup, le DD n’était rance perdant son efficacité, sont très complexes et exi- qu’une reformulation pas forcément claire de la né- gent plus que jamais des approches interdisciplinaires cessité de mieux gérer l’environnement. Le DD dans sa efficaces. Certains appellent à des approches transdis- lecture politique a été logé dans les ministères de l’En- ciplinaires sans que la définition soit claire et univoque, vironnement, et les sciences de l’environnement se mais on y sent l’urgence de travailler ensemble ! sont érigées en lieu légitime de la prise en charge du Au-delà du défi strictement scientifique, il existe de DD dans le monde universitaire. Mais l’un ne se réduit nos jours un véritable défi de gouvernance de la re- pas à l’autre. L’environnement n’est qu’une des di- cherche, plus encore que de la formation. Il faudra en mensions du développement, qu’il soit durable ou pas effet de se donner les moyens d’une véritable colla- d’ailleurs. L’environnement fournisseur de ressources, boration entre toutes les sciences ayant une contri- C i r c u i t • É t é 2 0 10 récepteur de déchets, résidus et autres polluants qu’il bution à apporter à la compréhension et à la résolu- ne sait plus absorber et digérer est une condition né- tion des problèmes majeurs de l’environnement, et ce, cessaire au développement. Toutefois, le développe- dans la perspective de changements sociétaux ma- ment, c’est aussi et avant tout des gens qui vivent en jeurs qui se font aujourd’hui au nom du DD et par la société et changent leur façon de faire et de gérer pour recherche d’une économie plus verte. 7
DOSSIER TRADUIRE L’ E N V I R O N N E M E N T La traduction en environnement : thème et rhème Regardons d’abord quelques exemples1. Par Claude Jean, trad. a. Toilettes à incinération : • Latrines simples et efficaces à aménager. L’espèce en péril • Faciles à réaliser, portatives et faciles d’entretien, [T]he Swift Fox (Vulpes velox) is North America’s ce sont parmi les meilleures latrines à employer en smallest canid. Males are slightly larger than females. campagne. The fur is long and dense in winter. The upper parts • On peut calculer une moyenne d’utilisation de are generally dark buffy-grey, the sides, legs, and 14 personnes par fût, et une consommation moyenne beneath the tail are orange-tan, and the de combustible d’incinération de 0,5 l/personne/jour. undersides are buff to pure white. In • La durée utile moyenne de chaque fût est de summer, the fur is shorter and more rufous. 90 jours. Swift Foxes have black patches on either side of their muzzles and black-tipped tails. L’impact des bruits sismiques Le renard véloce (Vulpes velox) […] est le plus petit canidé d’Amérique du Nord. Les sur les mammifères marins mâles sont légèrement plus gros que les The strengths of airgun pulses can be measured in femelles. En hiver, le renard véloce possède different ways, and it is important to know which un pelage long et dense dont les parties method is being used when interpreting quoted source supérieures sont généralement gris or received levels. Geophysicists usually quote peak-to- chamois foncé, tandis que les côtés, les peak levels, in bar-meters or (less often) dB re 1 Pa-1 m. pattes et le dessous de la queue sont roux The peak (= 0-to-peak) level for the same pulse is typi- orangé et que le ventre est chamois ou cally about 6 dB less. In the biological literature, levels blanc pur. En été, le pelage est plus court et plus roux. L’espèce se reconnaît également au bout noir de sa queue et aux taches noires qui ornent chaque côté de son museau. Les latrines de l’armée qui se déploie Burnout Latrine : • A simple and effective latrine to construct of received airgun pulses are often described based on • Its ease of construction, portability and maintenance the “average” or “root-mean-square” (rms) level, where make it of the best latrines to use in field conditions the average is calculated over the time interval encom- • Average use can be estimated at 14 persons per can, passing 90 % of the total acoustic energy from a single with average fuel consumption of 0,5 l/pers/day pulse. The rms value for a given airgun pulse is typically • The average life expectancy of each “can” is 90 days about 10 dB lower than the peak level, and 16 dB lower than the peak-to-peak value (Greene 1997 ; McCauley et al. 1998, 2000). A fourth measure that is increasingly being used is the energy, or sound exposure level (SEL), in dB re 1 Pa2·s. Because the pulses are ⬍ 1 s in dura- tion, the numerical value of the SEL energy value is lower than the rms pressure level but the units are different. La force des impulsions des canons à air peut être C i r c u i t • É t é 2 0 10 mesurée de diverses façons, et il est important de savoir quelle méthode est utilisée pour interpréter les niveaux sonores émis ou captés qui sont cités. Les géophysiciens utilisent habituellement les valeurs crête à crête, en bars- mètres ou, moins souvent, en dB re 1 Pa-1 m. Le niveau 8 C l a u d e J e a n e s t t ra d u c t r i c e a u B u re a u d e l a t ra d u c t i o n e t t ra va i l l e d a n s l e d o m a i n e d e l ’ e n v i ro n n e m e n t d e p u i s p l u s d e v i n g t a n s .
de crête (= 0 à crête) pour la même impulsion est nor- *** malement inférieur de 6 dB. Dans la documentation en Lorsqu’on m’a demandé d’écrire un article pour ce biologie, le niveau sonore des impulsions perçues pro- numéro, je me suis dit, bien sûr, je suis la personne duites par des canons à air est souvent fondé sur la tout indiquée — je travaille dans le domaine depuis « moyenne » ou sur la « moyenne quadratique » (rms), plus de vingt ans, j’ai étudié en traduction, j’ai étudié où la moyenne est calculée en fonction de l’intervalle de en environnement, je forme et j’encadre, bref, ça va. temps qui englobe 90 % de l’énergie acoustique totale J’ai donc commencé à jeter des idées sur papier, à d’une seule impulsion sonore. La valeur rms, ou valeur ébaucher un semblant de plan, à compulser ma efficace, pour une impulsion donnée est généralement documentation. À y penser sérieusement, quoi, mais inférieure d’environ 10 dB à la valeur de crête, et infé- avec un malaise que je n’arrivais pas à secouer. rieure de 16 dB à la valeur crête à crête (Greene, 1997 ; Finalement, j’ai dû me rendre à l’évidence : je n’ai McCauley et al., 1998, 2000). Une quatrième mesure, aucune idée de ce que ça veut dire « traduire dans le qui est de plus en plus employée, est celle de l’énergie, domaine de l’environnement ». Ou, plus exactement, ou « niveau d’exposition sonore » (SEL), exprimée je sais que ça ne veut rien dire. Il suffit de jeter un coup en dB re 1 Pa2·s. Comme la durée des impulsions est d’œil aux exemples que je donne plus haut, et qui sont inférieure à une seconde, la valeur numérique du SEL est loin de couvrir tout le champ que je sillonne, sans inférieure à celle du niveau de pression efficace (rms), vraiment y trouver mon chemin, depuis des années. mais les unités sont différentes. Entre le renard au pelage roux, aussi mignon que véloce, et l’analyse économique songée de ce qu’on peut faire avec les résidus ligneux, c’est le grand écart, La biomasse et son économie pour ne pas dire le grand vide bleu. Heureusement, There is a wide range of products that can be dans cet horizon infini, quelques certitudes émergent : derived from biomass. The bio-economy will take a • Il ne manque jamais de travail. J’ai déjà eu des range of feedstocks through a series of bio-conversion pannes dans d’autres domaines, mais en processes to create a wide variety of products for use environnement, jamais, même quand les as chemicals, transportation fuels, heat, electricity, sceptiques sont rois et que les changements food, animal feed and health products. An industry climatiques n’existent pas. which produces only one product will have a waste • Pour traduire en environnement, il faut être très stream, as in most cases the conversion will not utilize polyvalent. On peut se spécialiser, évidemment, et the entire feedstock. An integrated bio-refinery on a tout intérêt à le faire, mais les textes qui se complex will allow the waste from one process to cantonnent dans la spécialité choisie sont très rares. become the feedstock for another. • Il vaut mieux avoir un point d’ancrage, de préférence en sciences — avoir étudié la chimie ou la biologie, mais ce peut être aussi la géographie et même, maintenant, les « sciences de l’environnement ». • Il ne faut pas avoir peur de la technique. Quel que soit le sujet, on tombe toujours sur une description minutieuse et détaillée du bidule qui a servi à prendre la mesure. • Idem pour les maths et l’informatique. La mesure prise avec le bidule en question se retrouve agrégée dans une équation complexe, qui sera traitée par un puissant logiciel, puis projetée sur une carte. Ça ne rate jamais. Pour tout dire, traduire en environnement, c’est passionnant et éreintant. On apprend et désapprend On peut dériver un vaste éventail de produits à par- tous les jours, car, comme le climat, le domaine et tir de la biomasse. La bioéconomie exploite toute une toutes les disciplines qui l’intéressent évoluent série de matières premières qu’elle transforme par di- constamment. Chaque texte est un territoire inconnu vers procédés de bioconversion pour créer de multiples à conquérir, et on ne sait d’où viendra l’ennemi — produits — produits chimiques, carburants de trans- économie ? droit ? physique ? limnologie ? Il vaut mieux port, énergie calorifique, énergie électrique, produits s’armer et savoir s’entourer. D’ailleurs, pourquoi ne pour l’alimentation humaine et animale et produits de pas créer un réseau des traducteurs en environnement, C i r c u i t • É t é 2 0 10 santé. Le secteur qui ne fabrique qu’un produit aura un comme celui des confrères en éducation ? flux de déchets, car, le plus souvent, la conversion n’em- C’est une idée, si l’environnement vous ploiera pas toute la matière première. Un complexe in- intéresse. tégré de bioraffinage permettra de se servir des déchets 1 . E x t ra i t s d e d i ve r s t e x t e s t ra d u i t s p a r l e s s o i n s d u B u re a u d’un procédé comme matière première d’un autre. d e l a t ra d u c t i o n d u g o u ve r n e m e n t d u C a n a d a . 9
DOSSIER TRADUIRE L’ E N V I R O N N E M E N T Des effets environnementaux vastes et envahissants S i vous suivez un tant soit peu l’actualité, vous avez entendu parler de l’évaluation environ- nementale de grands projets : terminal méthanier légendes et d’apercevoir, entre les arbres, une che- minée d’usine ! Enfin, dans le cas du projet Rabaska, situé à Lévis, en face de l’île d’Orléans, la population Les définitions de Lévis (Rabaska), gazoduc de la vallée du fleuve s’inquiète entre autres de ses effets sur la valeur des contenues dans les MacKenzie et projets d’extraction de sables bitumi- neux, entre autres. À l’échelon fédéral, les organismes biens immobiliers, des aspects touchant la sécurité ci- vile et, bien sûr, là également, de questions esthé- lois fédérales ont responsables de ces évaluations environnementales tiques, en plus de sa présence en bordure du fleuve. sont l’Agence canadienne d’évaluation environnemen- pour double effet tale et, depuis peu, le Bureau de gestion des grands Une terminologie figée pour de délimiter projets. Tous deux effectuent un travail assez sem- le meilleur et pour le pire blable à celui du Bureau d’audiences publiques sur des champs l’environnement (BAPE) à l’échelon provincial québé- Pour les traducteurs, les définitions contenues sémantiques cois. Un des points intéressants de ces évaluations dans les lois ont également un effet important puis- environnementales est leur portée. Qu’elles traitent qu’elles figent la terminologie à utiliser lorsqu’ils tra- et de figer la de la qualité de l’eau ou de l’air, de la vie en général vaillent dans le domaine en question. Dans le cas du terminologie dans ou de l’habitat et de la survie d’espèces sauvages, cela se comprend aisément ; ce sont là des éléments terme « effets environnementaux », bien construit, on bénéficie de l’effet positif de cette normalisation ; lors- certains domaines. que nous associons directement à l’environnement. qu’on tombe sur le terme « environmental effect », il Mais ces évaluations vont bien au-delà de ça. Cer- n’y a pas à hésiter sur la traduction à donner. C’est Peut-il arriver taines études peuvent comporter un important volet moins évident lorsqu’on se voit obligé d’utiliser des qu’un de ces effets socio-économique ou consacrer un chapitre entier à termes, figés dans cette même loi, dont la formulation l’usage traditionnel du territoire par les Autochtones, est plus douteuse : « liste d’étude approfondie » et soit trop puissant ? par exemple. Pour les traducteurs, les mandats de ce « liste d’exclusion », par exemple, dont la définition genre peuvent être extrêmement intéressants en commence dans chacun des cas par « Liste des pro- raison de la grande variété des sujets abordés. jets ou catégories de projets… ». On aurait aimé lire Par Michel Buttiens, trad. a. La portée de ces évaluations tient à la définition « liste d’études approfondies » et « liste d’exclu- donnée aux « effets environnementaux » dans la Loi sions » dans la Loi, le Règlement sur la liste d’étude canadienne sur l’évaluation environnementale (voir approfondie et le Règlement sur la liste d’exclusion, l’encadré). Si le concept d’« effets environnemen- mais ce n’est malheureusement pas le cas, ce qui taux » est aussi vaste, c’est en raison de cette défini- oblige à utiliser fréquemment des termes, disons-le, tion contenue dans la Loi. grammaticalement inexacts. Environnement, économie, Au-delà de l’uniformisation sécurité et esthétique terminologique Dans le cas du gazoduc de la vallée du fleuve L’effet d’uniformisation terminologique de la Loi MacKenzie, un pipeline de 1 500 km de long dans les canadienne sur l’évaluation environnementale et de Prairies canadiennes, on imagine bien qu’en plus des ses règlements va plus loin lorsqu’on s’aperçoit que, effets de sa simple présence sur l’itinéraire de migra- sans être définis comme tels, les « effets environne- tion des caribous, l’évaluation doit aborder des ques- mentaux négatifs importants », qui constituent un cri- tions liées aux revendications territoriales autoch- tère essentiel du processus décisionnel quant au type tones. Le rapport de la commission d’examen sur le d’évaluation environnementale à choisir (étude ap- terminal méthanier de Cacouna, le long de l’estuaire profondie, examen par une commission, examen du Saint-Laurent, renferme un chapitre consacré aux préalable ou médiation, tous quatre définis), revien- effets de l’intensification du trafic maritime sur les nent à de nombreuses reprises dans la Loi, ses règle- mammifères marins mais aussi un autre sur des as- ments et les documents connexes. Cette répétition pects esthétiques : c’est que le terminal et l’usine de d’une suite de mots figée décourage les velléités des traitement de gaz adjacente se trouveraient à proxi- traducteurs qui souhaiteraient diversifier un peu leurs C i r c u i t • É t é 2 0 10 mité du joli village de Cacouna et plus près encore formulations en qualifiant les effets en question de no- d’une réserve naturelle dont l’exploitation touristique cifs, néfastes, pervers, majeurs ou d’envergure, par est assurée par des Malécites. Quoi de plus décevant exemple. Je m’en voudrais de ne pas signaler que cette que de longer un marais en bordure du fleuve en uniformisation terminologique revêt un aspect qui finit compagnie d’un Autochtone qui nous en raconte les par échapper à la terminologie pour devenir de la 10 M i c h e l B u t t i e n s e xe rc e l a p ro f e s s i o n d e t ra d u c t e u r t e c h n i q u e e t l i t t é ra i re s o u s l a ra i s o n s o c i a l e d e Tra d u l i t e c h .
phraséologie lorsqu’on en arrive à la formulation « projet susceptible d’entraîner des effets environne- mentaux négatifs importants », qui correspond à la sé- Définition des effets quence complète de mots associés à ce concept dans environnementaux dans la la Loi. Ceux qui, par exemple, ressentiraient un ma- Loi canadienne sur l’évaluation laise devant l’aspect quasi redondant de l’expression environnementale : « entraîner des effets » et lui préféreraient « avoir des effets » en seront pour leurs frais. C’est l’expression « Changements que la réalisation d’un utilisée à tour de bras dans la Loi et ses règlements projet risque de causer à l’environnement — connexes. notamment à un espèce inscrite, à son habitat J’ai toujours dans ma bibliothèque une édition essentiel ou à la résidence des individus de 1976 du Dion, le Dictionnaire canadien des relations cette espèce […] — les répercussions de ces du travail, en quatrième de couverture duquel figure changements soit en matière sanitaire et socio- la citation suivante de Confucius : « Si les termes ne économique, soit sur l’usage courant de terres sont pas corrects, le langage n’est pas en harmonie et de ressources à des fins traditionnelles par avec la vérité des choses. » Confucius fait partie de les autochtones, soit sur une construction, un ces gens avec lesquels il est difficile d’être en désac- emplacement ou une chose d’importance en cord : trop vieux, trop sage, trop universellement re- matière historique, archéologique, paléontolo- connu. Mais jusqu’où va l’obligation d’harmonie avec gique ou architecturale, ainsi que les change- la vérité des choses qu’il prône ? Jusqu’à « projet sus- ments susceptibles d’être apportés au projet du ceptible d’entraîner des effets environnementaux né- fait de l’environnement. » gatifs importants » ? Je n’en suis pas sûr. TERMINOLOGIE UTILE AU DÉVELOPPEMENT DURABLE : L’Office québécois de la langue française va de l’avant L e Québec est reconnu internationalement pour l’importance qu’il accorde au dossier du dévelop- pement durable. Ainsi, dans un projet de loi adopté Mettre des expertises en commun Pour participer à cette responsabilisation poli- « Vous devez être en avril 2006, le gouvernement du Québec amorçait tique, l’Office québécois de la langue française (OQLF), un virage important en faisant du développement le ministère du Développement durable, de l’Environ- le changement que durable un enjeu indissociable de ses activités : nement et des Parcs (MDDEP) et le Bureau de norma- vous voulez voir lisation du Québec ont uni leurs efforts pour réaliser Les mesures prévues par le projet de loi un glossaire thématique, Terminologie utile au déve- dans ce monde. » concourent à mieux intégrer la recherche d’un développement durable dans les politiques, les loppement durable2. La mise sur pied d’un comité de – Gandhi terminologie a permis de favoriser les échanges et les programmes et les actions de l’Administration, confrontations de points de vue, l’objectif des travaux ainsi qu’à assurer, notamment par la prise en par Clément Croteau étant de rendre disponible une terminologie consen- et Ariane Royer compte d’un ensemble de principes et par suelle et de l’implanter au sein des ministères et or- l’adoption d’une stratégie de développement ganismes de l’Administration. durable, la cohérence des actions gouverne- Ce glossaire thématique s’adresse donc d’abord mentales en ce domaine1. aux responsables de l’Administration qui doivent La responsabilité progressive du monde politique s’acquitter de leurs devoirs contenus dans la Loi sur C i r c u i t • É t é 2 0 10 à l’égard du développement durable devrait amener le développement durable et dans la Stratégie gou- les gens à percevoir et à comprendre davantage l’in- vernementale de développement durable 2008-2013. fluence qu’ils exercent sur les aspects environnemen- Le grand public est également concerné et aura bien- taux, sociaux et économiques de leurs activités, afin tôt accès à une terminologie fondamentale pour d’agir en conséquence. mieux comprendre l’engagement de notre société C l é m e n t C ro t e a u e t A r i a n e Roy e r s o n t t e r m i n o l o g u e s à l ’ O f f i c e q u é b é c o i s d e l a l a n g u e f ra n ç a i s e . 11
DOSSIER TRADUIRE L’ E N V I R O N N E M E N T pour la préservation du bien-être des générations ac- « éolienne furtive », « tôle solaire photovoltaïque » et tuelles et futures. « usine de traitement des déchets organiques par bio- Pour répondre aux besoins spécifiques du MDDEP, méthanisation » sont apparus à la fois dans Internet, on a retenu, dans ce glossaire, par exemple, la définition dans la documentation spécialisée et dans la presse du terme « développement durable » et de ses seize écrite. La créativité lexicale devient donc, pour les ter- principes énoncés dans la Loi, minologues de l’OQLF, une voie à on précise ce que signifie privilégier par laquelle ils pourront l’« approche par capitaux », on exercer une veille terminologique apprend ce qu’est un « indica- nécessaire au suivi de l’évolution teur de développement du- des termes français liés au déve- rable » et on comprend l’inté- loppement durable, tout en se rêt pour un « système de préoccupant de l’orientation de plafonnement et d’échanges l’usage et de l’implantation de la de droits d’émission de gaz à terminologie. effet de serre ». Garantir la continuité Mettre en valeur des ressources Afin de bonifier son offre terminologique pour les années terminologiques à venir, en ce qui concerne le externes développement durable, l’OQLF envisage, par exemple, les pistes suivantes : L’OQLF est fier d’avoir signé avec l’Association fran- • enrichir Le grand dictionnaire terminologique par çaise de normalisation, reconnue internationalement, l’intégration des recherches thématiques et ponc- une entente lui permettant de diffuser, dans son Grand tuelles menées par les terminologues de l’OQLF et dictionnaire terminologique, la terminologie contenue par l’acquisition et le stockage de productions ter- dans le Dictionnaire du développement durable publié minologiques externes ; par cette organisation. En effet, cet ouvrage bilingue • maintenir et établir des partenariats afin de ré- issu de sources officielles françaises, étrangères et in- pondre à des besoins particuliers ; ternationales contient quelque 2 300 termes, accom- • inviter les universités à contribuer aux recherches pagnés d’une information terminologique, dont près terminologiques en établissant des ententes avec de 1 200 définitions françaises. le personnel enseignant de la traduction et de la Ce protocole d’entente visant à utiliser une termi- terminologie ; nologie disponible de qualité constitue un des moyens • promouvoir la recherche en néologie dans certains d’accroître la valeur du fonds terminologique de l’OQLF. sous-domaines (énergies renouvelables, com- merce équitable, aménagement urbain, etc.) ; S’intéresser à la néologie : • participer aux travaux de comités nationaux et in- ternationaux en matière de normalisation termi- un regard vers le futur nologique en travaillant éventuellement en étroite L’OQLF a décidé de mener des recherches princi- collaboration avec le Bureau de normalisation du palement dans les quatre secteurs néologiques sui- Québec ; vants : le développement durable, les sciences, les • bonifier le contenu d’Inventerm (www.inven technologies de l’information et la santé. Tous ces do- term.com) en ciblant les organisations qui offrent maines sont interreliés et touchent de près ou de loin en ligne une terminologie touchant au domaine les divers aspects du développement durable. Par du développement durable afin de rendre celle-ci exemple, l’essor des nanotechnologies pourrait per- accessible au grand public, et de fournir aux ter- mettre la fabrication de substances qui agiraient minologues un outil documentaire pour les projets comme marqueurs pour le dépistage des matériaux actuels et futurs. polluants, favorisant ainsi la protection de l’environ- Nos efforts visent à préserver toute la vitalité et la nement. L’avancement des technologies oblige à jeter capacité du français à exprimer le monde d’aujourd’hui un regard vers le futur dans une perspective d’amé- et de demain dans des secteurs d’activité en pleine nagement adéquat de la terminologie. émergence. En ce sens, nous travaillons afin d’enrichir Force est de constater que le développement du- adéquatement notre patrimoine terminologique. rable, de par l’essor important des recherches multi- disciplinaires qui s’y rattachent, entraîne nombre de C i r c u i t • É t é 2 0 10 nouvelles réalités qui doivent être dénommées. C’est ainsi que le domaine du développement durable est 1 . G o u ve r n e m e n t d u Q u é b e c , Lo i s u r l e d é ve l o p p e m e n t d u - un lieu où la néologie foisonne. Des termes comme ra b l e , 2 0 0 6 , p. 2 . 2 . S e ra d i s p o n i b l e à l ’ a d re s s e s u i va n t e : w w w. o q l f. g o u v. q c . « écoparentalité », « ciment dépolluant », « climato- c a / re s s o u rc e s / b i b l i o t h e q u e / d i c t i o n n a i re s / i n d e x _ l e x vo c . sceptique », « col vert », « énergies eau-vent-soleil », html. 12
Orchestrer la diversité des cultures P ourquoi traduire pour des OSBL en environne- ment ? Pour ma part, c’est arrivé en alliant ma passion pour l’habitat durable et mon métier de lan- Les langagiers en gagière. En effet, en tant qu’historienne de l’art et de l’architecture, je trouve que la complexité des pro- environnement : blématiques environnementales s’illustre d’une ma- nière particulièrement pertinente dans le champ de spécialistes ou l’architecture. Ainsi, l’OSBL pour laquelle je travaille cocréateurs ? comme traductrice et réviseure est le Centre Cana- dien d’Architecture (CAA), dont la mission est de Par Nargisse Rafik sensibiliser le grand public aux débats architectu- raux et à promouvoir la recherche internationale. J’ai été chargée de la version française du livre Actions : s’approprier la ville, publié en 2008, portant sur les interventions en milieu urbain visant à créer une re- lation autre avec notre environnement global. Tel une rhapsodie sur le thème, ce livre accumule des traitements divers de la question, du manifeste ar- phraséologie par exemple. Comme le client connaît la chitectural à la recette de cuisine, en passant par le « voix » des auteurs, dans leur langue d’origine et par militantisme social, l’essai académique ou la des- des échanges directs avec eux, il est à même de gui- cription journalistique. der le langagier dans le rendu le plus fidèle possible de leur personnalité, ce qui ne se révèle pas toujours clairement dans les textes eux-mêmes. La mise en Dialoguer pour se comprendre contexte architectural des problématiques environne- Dans la pratique, nous constatons que même si les mentales est passionnante pour le langagier en envi- auteurs proviennent du monde entier, les textes nous ronnement, car elle lui ouvre souvent des perspectives parviennent principalement en anglais, parfois déjà inattendues — comme l’utilisation de la pratique (mar- traduits d’une autre langue. Le défi est donc de main- ginale) du parkour pour établir une cartographie sub- tenir l’intégrité du texte original tout en manœuvrant jective et inédite du paysage urbain matériel. Ainsi, pour l’adapter aux contraintes locales et à celles du dans le mouvement de transfert linguistique, le lan- projet. Nous pouvons alors concilier ces forces appa- gagier remodèle aussi son propre champ de connais- remment contraires en entretenant le dialogue ouvert sances et espère inviter les lecteurs à l’accompagner et approfondi avec les conservateurs, eux-mêmes au- dans cette démarche. teurs ou commanditaires des textes, et les coordon- nateurs du projet. Passionnés, ces derniers se rendent toujours disponibles pour détailler, préciser, expliciter Un acte engagé ou discuter des points que nous, langagiers, relevons, Cette situation est assez privilégiée, car ici, le lan- et assurent la liaison avec les auteurs. gagier n’est plus un fournisseur de service qui inter- vient en fin de chaine de production, mais un prota- goniste volontaire du processus de transmission de Des textes à plusieurs couches connaissances. Le travail linguistique prend la forme Une première étape d’intervention du langagier d’une création concertée et stimulante, qui pousse les consiste à clarifier les concepts spécialisés et les ob- limites de l’exigence qualitative qu’il se donne. Le lan- jectifs éditoriaux pour modeler les textes de manière gagier spécialisé peut mettre à contribution sa sensi- à les intégrer au format établi par le CCA. Les choix ter- bilité, ses connaissances et ses qualités didactiques minologiques du langagier visent certes l’exactitude, pour faire « accoucher » le client d’un contenu sou- mais aussi l’enrichissement des textes en tentant de vent complexe et spécialisé. Il rend ainsi accessible C i r c u i t • É t é 2 0 10 faire entrevoir en filigrane la source de certains aux non-spécialistes des processus de conception qui concepts. Le style, qui se veut à la fois accessible au font la saveur toute particulière des projets architec- grand public et engageant pour l’amateur éclairé ou turaux et artistiques, et auxquels les préoccupations le spécialiste, fait également l’objet d’une discussion environnementales sous-jacentes ajoutent une colo- ouverte avec le client, sur des nuances ou choix de ration supplémentaire. N a rg i s s e Ra f i k , l a n g a g i è re , c o l l a b o re à l a re v u e E g o d e s i g n . c a , e t p ra t i q u e l a p e r m a c u l t u re e n m i l i e u u r b a i n . 13
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