TRADUIRE L'ENVIRONNEMENT - LE MAGAZINE D'INFORMATION DES LANGAGIERS - BANQ

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TRADUIRE L'ENVIRONNEMENT - LE MAGAZINE D'INFORMATION DES LANGAGIERS - BANQ
LE MAGAZINE D’INFORMATION DES LANGAGIERS                                               Numéro 108 • Été 2010

                                                                                                                                                 www.ottiaq.org

                                                                                                  T R A D U I R E L’ E N V I R O N N E M E N T
Envoi de publication canadienne convention numéro 1537393
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POUR       COMMENCER

La parole,
                                                                                                        O
                                                                                                    N       108               ÉTÉ      2010

un acte d’écoresponsabilité
                                                                                                            Dossier                                5
                  Yolande Amzallag, trad. a.                                                                 Que signifie au juste traduire dans
                                                                                                             le domaine de l’environnement ?
                                                                                                             Et comment caractériser cette

                L    es sciences de l’environnement et les professions langagières recouvrent                spécialité ? C’est ce que Circuit
                                                                                                             a tenté de cerner ici.
                     toutes deux le large spectre de l’activité humaine. Ces deux domaines
                constituent de véritables « écosystèmes » qui, s’ils sont régis par leurs
                propres lois, tirent leur substance d’une multitude d’autres domaines et                    Sur le vif                             18
                partagent la même finalité d’une vie en société saine, éthique et intelligente.              De nouvelles interprètes en ASL.
Transversalité et interdisciplinarité en sont des principes de fonctionnement communs, qui                   La terminologie : une profession
                                                                                                             sous influence… technologique.
tout en faisant appel à une certaine souplesse intellectuelle, exigent aussi rigueur et vigilance            Notes et contrenotes. Échappées
                                                                                                             sur le futur.
pour éviter l’écueil du « flou holistique ».
   L’enjeu de la pratique langagière dans le domaine de l’environnement est de taille. Il s’agit
non seulement de comprendre et de traduire des notions et processus scientifiques très poin-                Des livres                             20
tus dans une large diversité de domaines, mais aussi de trouver les mots justes dans un                      La suite logicielle Antidote :
foisonnement de nouvelles réalités pour lesquelles la terminologie est encore instable. D’où                 douze grands dictionnaires
                                                                                                             et onze guides linguistiques.
la difficulté pour un langagier de se « spécialiser » dans le domaine de l’environnement. C’est              Les nouveautés.
là que les compétences transversales du langagier prennent toute leur valeur. Comme le sou-
ligne Claude Jean, seul un esprit scientifique bien formé peut guider le langagier à travers
les divers champs sémantiques et disciplinaires de l’environnement. Le dialogue interdisci-                 Des mots                               23
plinaire est aussi un aspect essentiel commun au développement durable et à la pratique                      Une bête noire de la traduction
                                                                                                             dans le monde universitaire :
langagière. Michel Buttiens et Nargisse Rafik en esquissent les possibilités et les limites.                 academic.
   De « néologie » à « néopathie », il n’y a qu’un pas. Dina Azuelos nous donne un aperçu
des exercices de haute voltige qu’il nous faut parfois faire pour assimiler des compromis
nécessaires entre théorie et pratique. Fort heureusement, l’écosystème langagier repose sur                 Des campus                             24
une solide dynamique de recherche et de création terminologiques. À l’instar d’un système                    Connaissez-vous les Jeux de la
                                                                                                             traduction ?
d’assainissement des eaux, il filtre le langage aux cribles de la norme et de l’usage pour en
épurer et en stabiliser le sens. Tout en nous signalant de multiples sources, ce numéro nous
renseigne sur le rôle de premier plan que joue l’Office québécois de la langue française dans               Des revues                             26
le développement terminologique à l’échelle internationale. Vous y remarquerez en passant                    La traduction Wiki. La traduction
                                                                                                             théâtrale.
que certains de nos auteurs ont opté pour la nouvelle orthographe. En attendant que celle-ci
devienne plus courante, la rédaction de Circuit a choisi de concilier norme et usage en
respectant la règle orthographique adoptée par chacun des auteurs.
                                                                                                            Pages d’histoire                       27
   Le « développement durable » suppose le respect de principes écologiques et des obli-
                                                                                                             Daniel Sloate, écrivain, poète,
gations éthiques de la responsabilité sociale. La pratique langagière, elle, suppose le respect              traducteur, professeur et mentor.
de principes linguistiques et des obligations éthiques de la communication humaine. Si nous
les exerçons la plupart du temps dans l’isolement, nos professions revêtent néanmoins un
caractère « organique » qui nous lie à une éthique commune. Notre adhésion à l’OTTIAQ est                   Des techniques                         28
                                                                                                             Sauvegarder les documents
l’une des manifestations concrètes de ce souci éthique.                                                      électroniques et en préserver
   Je profite de ce numéro de fin de cycle annuel pour saluer la contribution des chroniqueurs               la confidentialité.
et collaborateurs de Circuit, qui consacrent bénévolement d’innombrables heures à nous
éclairer sur divers aspects de notre pratique professionnelle et à nous informer sur les outils
et méthodes les plus récents. Un bel exemple de « responsabilité sociale » !
                                                                                                            À titre professionnel                  30
                                                                                                             Le titre de professionnel agréé
   Bonne lecture à tous de ce numéro vert de l’été !                                                         et les combinaisons de langues.
TRADUIRE L'ENVIRONNEMENT - LE MAGAZINE D'INFORMATION DES LANGAGIERS - BANQ
2021, avenue Union, bureau 1108
        Publié quatre fois l’an par l’Ordre des traducteurs,
                                                                                   Montréal (Québec) H3A 2S9
         terminologues et interprètes agréés du Québec
                                                                                   Tél. : 514 845-4411, Téléc. : 514 845-9903
                                                                                   Courriel : circuit@ottiaq.org
                                                                                   Site Web : www.ottiaq.org

                                                                Droits de reproduction
                                                                Toutes les demandes de reproduction doivent être achemi-
Vice-présidente, Communications — OTTIAQ
Betty Cohen
                                                                nées à Copibec (reproduction papier).                                            Nous aimons
                                                                Tél. : 514 288-1664 • 1 800 717-2022 licenses@copibec.qc.ca
Directrice                                                      Avis de la rédaction
                                                                                                                                                  vous lire.
Yolande Amzallag
Rédactrice en chef
                                                                La rédaction est responsable du choix des textes publiés, mais
                                                                les opinions exprimées n’engagent que les auteurs. L’éditeur                     Écrivez-nous
                                                                n’assume aucune responsabilité en ce qui concerne les an-
Gloria Kearns
                                                                nonces paraissant dans Circuit.                                                   pour nous
Rédaction                                                       © OTTIAQ
Michel Buttiens, Philippe Caignon (Des mots), Pierre Cloutier
(Pages d’histoire), Marie-Pierre Hétu (Des techniques),
                                                                Dépôt légal - 3e trimestre 2010
                                                                Bibliothèque et Archives nationales du Québec
                                                                                                                                                  faire part
Didier Lafond (Curiosités), Solange Lapierre (Des livres),
Barbara McClintock, Éric Poirier, Eve Renaud (Sur le vif),
                                                                Bibliothèque et Archives Canada
                                                                ISSN 0821-1876
                                                                                                                                                    de vos
Sébastien Stavrinidis (Des revues)
Dossier
                                                                Tarif d’abonnement
                                                                Membres de l’OTTIAQ : abonnement gratuit
                                                                                                                                                commentaires.
Marie-Pierre Hétu et Philippe Caignon                           Non-membres : 1 an, 40,26 $ ; 2 ans, 74,77 $. Étudiants inscrits
                                                                à l’OTTIAQ : 28,76 $. À l’extérieur du Canada : 1 an, 46,01 $ ; 2 ans,
Ont collaboré à ce numéro
                                                                86,27 $. Toutes les taxes sont comprises. Chèque ou mandat-
Dina Azuelos, Josée Bisson, Ive Cartier, Clément Croteau,
                                                                poste à l’ordre de « Circuit OTTIAQ » (voir adresse ci-dessus).
Jean-Paul Fontaine, Denis G. Gauvin, Alex Guindon, Claude       Cartes de crédit American Express, MasterCard, Visa : www.
Jean, Paul Lavoie, Anne-Marie Mesa, Réal Paquette, Nargisse     ottiaq.org/publications/circuit_fr.php
                                                                                                                                              2021, avenue Union, bureau 1108
Rafik, Jean-Pierre Revéret, Ariane Royer, Michèle Valiquette                                                                                    Montréal (Québec) H3A 2S9
Direction artistique, éditique, prépresse et impression                    Deux fois lauréat du Prix de la meilleure                                 Tél. : 514 845-4411
Mardigrafe                                                                 publication nationale en traduction de la
                                                                           Fédération internationale des traducteurs.                               Téléc. : 514 845-9903
Publicité                                                                                                                                       Courriel : circuit@ottiaq.org
Catherine Guillemette-Bédard, OTTIAQ
Tél. : 514 845-4411, poste 225 • Téléc. : 514 845-9903                                                                                           Site Web : www.ottiaq.org

                                                                                       100 % PC

                                                                Imprimé sur papier recyclé 30 % postconsommation (couverture)
                                                                et 100 % postconsommation (pages intérieures), fabriqué avec des
                                                                fibres désencrées sans chlore, à partir d’une énergie récupérée, le biogaz.

 Illusion ?
                                                                                                                                                 Précision
 Je suis horripilée par l’utilisation de lèvres sensuelles et féminines en page couverture et
                                                                                                                                               Dans le numéro 107
 en encadré pour représenter la notion de l’illusion dans le numéro 107 du magazine Circuit
 de l’OTTIAQ.                                                                                                                                        de Circuit,
 Je me serais attendue à mieux d’un ordre professionnel, surtout un qui représente des                                                              à la page 17,
 femmes à 70 %. L’art de l’illusion a recours à la facilité… le corps de la femme. Vraiment
                                                                                                                                              le chapeau de l’article
 désolant et exaspérant. En tant que femme, je me sens humiliée et utilisée encore une fois.
                                                                                                                                                   « Alors, on ne
 Linda Larocque, C. Tr./trad. a. (OTTIAQ, CTINB)
                                                                                                                                                  traduit plus ? »
                                                                                                                                                 aurait dû se lire :
 Au nom de la rédaction de Circuit, je tiens à assurer nos lecteurs que le choix de l’illustra-
 tion de couverture de notre dernier numéro ne visait nullement à associer « illusion » et                                                          Lu sur le site
 « féminité ». L’illustration évoquait davantage pour nous l’importance du mouvement des
                                                                                                                                                  des correcteurs
 lèvres, soulignée dans l’article sur la post-synchronisation. Nous regrettons vivement que
 ce choix ait donné lieu à une interprétation négative.                                                                                             du Monde.fr,
 Yolande Amzallag, trad. a.                                                                                                                  Langue sauce piquante.
TRADUIRE L'ENVIRONNEMENT - LE MAGAZINE D'INFORMATION DES LANGAGIERS - BANQ
DOSSIER                  TRADUIRE           L’ E N V I R O N N E M E N T

       Traduire
       l’environnement

D
          es Rocheuses à la grande ville en passant par les Prai-

          ries et les Grands Lacs, il y a tout un monde à décrire et

          à traduire : celui de l’environnement. Mais que signifie

au juste travailler dans ce domaine de spécialité ? Et comment le

caractériser ? C’est ce que nous avons tenté de cerner dans ce

dossier sur le travail en environnement.

   Sans couvrir l’ensemble du sujet, nos collaborateurs nous

offrent des articles fort variés. Jean-Pierre Revéret relate l’his-

toire des sciences de l’environnement et explique les transfor-

mations qu’elles ont subies au fil du temps. Claude Jean montre,

au moyen d’exemples, toutes les possibilités qui s’offrent au tra-

ducteur souhaitant travailler dans le domaine. Michel Buttiens

parle de son côté de l’évaluation environnementale et des défini-

tions contenues dans la loi, qui freinent souvent l’élan créateur

des traducteurs. Clément Croteau nous fait découvrir entre autres

le tout nouveau glossaire thématique sur le développement

durable établi par l’Office québécois de la langue française, en

partenariat avec le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs et le

Bureau de normalisation du Québec.

   Pour sa part, Karel Mayrand, directeur de la Fondation David Suzuki au Québec, a accepté de
                                                                                                        Marie-Pierre Hétu, term. a. et
répondre à nos questions sur cette organisation et sur ses besoins en matière de communica-
                                                                                                      Philippe Caignon, term. a., trad. a.
tions tandis qu’Éric Poirier a interrogé une langagière qui travaille depuis nombre d’années dans

le domaine de l’environnement, en terminologie comme en traduction. Josée Brisson nous révèle

en grande exclusivité la méthode qu’elle utilise pour travailler sans papier, et contribuer ainsi à

la protection de notre environnement. Alex Guindon nous présente quelques ouvrages de réfé-

rence en français et en anglais dans le domaine, alors que Nargisse Rafik associe l’architecture à

l’environnement pour nous faire entrevoir d’un autre œil cette spécialité de la traduction.

   À la vôtre et à notre environnement !
                                                                                                                                                 C i r c u i t • É t é 2 0 10

                                                                                                                                             5
TRADUIRE L'ENVIRONNEMENT - LE MAGAZINE D'INFORMATION DES LANGAGIERS - BANQ
DOSSIER                   TRADUIRE                  L’ E N V I R O N N E M E N T

                                                                                  Les sciences de
                                                                                  l’environnement :
                                                                                  de la pollution au
                                                                                  développement durable
                                                                    M      ême si de sérieux problèmes de salubrité et de
                                                                           mauvaises odeurs caractérisaient les villes du
                                                                    Moyen-Âge et si, dès le XVIIIe siècle, on rapportait un
                                                                                                                                                                                             qui se sont initialement érigées en sciences de l’envi-
                                                                                                                                                                                             ronnement sont essentiellement celles des « facultés
                                                                                                                                                                                             des sciences ». Le programme de maîtrise en sciences
                                   Encore toutes                    certain déclin des pêches, ce n’est vraiment qu’avec                                                                     de l’environnement de l’UQAM conçu au début des an-
                                   jeunes, les sciences             la croissance économique des trente glorieuses que
                                                                    les problèmes environnementaux ont pris l’impor-
                                                                                                                                                                                             nées 1970 reposait sur les départements de biologie,
                                                                                                                                                                                             chimie/biochimie, physique, sciences de la Terre et géo-
                                   de l’environnement               tance qu’on leur connaît aujourd’hui, en haut du pro-                                                                    graphie. Une interdisciplinarité entre les sciences dites
                                                                    gramme de la gestion des affaires humaines.                                                                              exactes, qu’on nomme aussi sciences dures.
                                   grandissent et se
                                   transforment à                   De l’écologie aux sciences
                                   mesure que la                    de l’environnement
                                   société change.                      Jusque dans les années 1960 et au début des an-

                                                                                                                                                                      O
                                                                    nées 1970, on ne parlait pas de sciences de l’en-
                                                                    vironnement. Le terme « environnement » dans
                                      Par Jean-Pierre Revéret       le sens où nous l’utilisons ici n’apparaît
                                                                    d’ailleurs qu’à cette période. On le distingue
                                                                    de celui de « nature » car il renvoie explici-
                                                                                                                                                                                                                             n peut en venir
                                                                    tement à l’activité humaine. On peut dire
                                                                    alors que l’environnement, c’est la nature                                                                                                               à s’interroger sur
                                                                    socialisée. La seule discipline scientifique                                                                                                             le bien-fondé initial de
                                                                    qui étudiait plus spécifiquement l’envi-
                                                                    ronnement comme objet était l’écologie,
                                                                                                                                                                                                                             l’appellation « les sciences
                                                                    même si elle n’était pas née pour se pré-                                                                                                                de l’environnement »
                                                                    occuper de l’environnement, mais plutôt                                                                                                                  puisque toutes les sciences
                                                                    des écosystèmes, des structures et des
                                                                    fonctions de la nature sur laquelle elle                                                                                                                 ou presque y contribuent
                                                                    portait un regard plus intégré que celui de                                                                                                              maintenant.
                                                                    la biologie. Elle est donc la première des dis-
                                                                    ciplines interpellée quand il s’agit de comprendre
                                                                    les effets des activités humaines sur la nature.
                                                                    Tellement qu’en France, par exemple, dans les an-
                                                                    nées 1970, les programmes universitaires qui se
                                                                    préoccupaient d’environnement le faisaient sous
                                                                    l’étiquette de l’écologie appliquée alors que des                                                                        L’entrée en jeu
                                                                    programmes avec le même contenu revendiquaient                                                                           des sciences humaines
                                                                    le titre de sciences de l’environnement au Québec et
                                                                    dans tout le reste de l’Amérique du Nord.                                                                                    Les sciences de la nature ont permis d’éclairer les
                                                                        On voit donc émerger le champ des sciences de                                                                        causes techniques des problèmes environnementaux
                                                                    l’environnement se situant dans une perspective inter-                                                                   et d’identifier des solutions. Elles ne pouvaient ce-
                                                                    disciplinaire, autant pour la recherche — comprendre                                                                     pendant pas contribuer à la mise en œuvre de ces so-
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                                                                    et trouver des solutions — que pour l’enseignement                                                                       lutions, ni même cerner les autres déterminants, non
                                                                    universitaire, essentiellement de deuxième cycle — for-                                                                  techniques, des problèmes. C’est ainsi qu’à la fin des
                                                                    mer des professionnels et des chercheurs qui sortent                                                                     années 1970 et durant les décennies suivantes, on a vu
                                                                    des modèles monodisciplinaires et voient la science et                                                                   les sociologues, les psychologues, les économistes, les
                                                                    le monde de façon systémique et intégrée. Les sciences                                                                   juristes, mais aussi les éthiciens, les philosophes et les
                               6                                    J e a n - P i e r re Re v é re t e s t p ro f e s s e u r a u D é p a r t e m e n t d e s t ra t é g i e , re s p o n s a b i l i t é s o c i a l e e t e n v i ro n n e m e n t a l e d e l ’ É c o l e d e s s c i e n c e s d e l a g e s -
                                                                    t i o n d e l ’ U n i ve r s i t é d u Q u é b e c à M o n t r é a l .
TRADUIRE L'ENVIRONNEMENT - LE MAGAZINE D'INFORMATION DES LANGAGIERS - BANQ
théologiens s’interroger sur l’une ou l’autre des dimen-      s’adapter aux nouvelles situations, c’est l’activité éco-
sions de la crise environnementale, sur la clarification      nomique qui d’une part permet le progrès et d’autre
des enjeux et les choix de solutions. L’interdisciplinarité   part remet en cause l’équilibre du système sur lequel
s’est élargie au point que quasiment chaque discipline        elle repose.
aujourd’hui a développé un champ d’étude appliqué au              L’environnement aujourd’hui n’est quasiment plus
domaine de l’environnement. Le regard de l’épistémolo-        vu en dehors de la toile de fond du DD et les sciences
gie est même devenu important pour aider les scienti-         de l’environnement contribuent tout particulièrement
fiques à descendre de vélo pour se regarder pédaler ! On      à la définition de ce que l’on commence à nommer les
peut même en venir à s’interroger sur le bien-fondé ini-      sciences de la durabilité ? de la soutenabilité ? (sus-
tial de l’appellation « les sciences de l’environnement »     tainability analysis)
puisque toutes les sciences ou presque y contribuent
maintenant. Cette ouverture se trouve très clairement         Les sciences de l’environnement
marquée dans tous les programmes universitaires au
Québec. Aux cours d’écologie, biologie, physique et chi-
                                                              face aux silos disciplinaires
mie, on a tout d’abord ajouté des cours de plusieurs dis-         Un des grands enjeux auquel font face les sciences
ciplines (droit d’abord, économie, sociologie, etc.). On a    de l’environnement dans le système universitaire est
aussi rapidement ouvert les programmes de maîtrise à          celui de leur institutionnalisation, de leur pérennisa-
des bacheliers en sciences humaines qui venaient cher-        tion. Les universités sont structurées en départements
cher la dimension environnementale et apprenaient à           disciplinaires. L’interdisciplinarité nécessaire pour
voir les choses dans une perspective interdisciplinaire,      l’enseignement et pour la résolution de problèmes
systémique, holistique et intégrée.                           n’est pas favorisée par les structures. Instituts, centres
                                                              de recherches, autant de formules utilisées pour faci-
Le développement durable                                      liter les échanges mais rarement pour développer de
                                                              façon pérenne. Pierre Dansereau, pionnier de l’inter-
et un certain réductionnisme                                  disciplinarité au Québec, ne disait-il pas que les uni-
     Avec le rapport de la commission Brundtland et le        versités sont les seuls bâtiments dans lesquels les
Sommet des Nations Unies de Rio en 1992, le « déve-           cloisons intérieures sont plus solides que les murs
loppement durable » (DD) devenait le concept moteur           extérieurs ?
de tous les changements sociétaux à opérer pour sor-              Les enjeux auxquels l’humanité est confrontée, les
tir le Sud du sous-développement et le Nord du mal-           changements climatiques et l’érosion de toutes les
développement dans lequel les années d’après-guerre           formes de diversité de la vie, véritable police d’assu-
l’avaient enfoncé. Or, pour beaucoup, le DD n’était           rance perdant son efficacité, sont très complexes et exi-
qu’une reformulation pas forcément claire de la né-           gent plus que jamais des approches interdisciplinaires
cessité de mieux gérer l’environnement. Le DD dans sa         efficaces. Certains appellent à des approches transdis-
lecture politique a été logé dans les ministères de l’En-     ciplinaires sans que la définition soit claire et univoque,
vironnement, et les sciences de l’environnement se            mais on y sent l’urgence de travailler ensemble !
sont érigées en lieu légitime de la prise en charge du            Au-delà du défi strictement scientifique, il existe de
DD dans le monde universitaire. Mais l’un ne se réduit        nos jours un véritable défi de gouvernance de la re-
pas à l’autre. L’environnement n’est qu’une des di-           cherche, plus encore que de la formation. Il faudra en
mensions du développement, qu’il soit durable ou pas          effet de se donner les moyens d’une véritable colla-
d’ailleurs. L’environnement fournisseur de ressources,        boration entre toutes les sciences ayant une contri-
                                                                                                                                C i r c u i t • É t é 2 0 10

récepteur de déchets, résidus et autres polluants qu’il       bution à apporter à la compréhension et à la résolu-
ne sait plus absorber et digérer est une condition né-        tion des problèmes majeurs de l’environnement, et ce,
cessaire au développement. Toutefois, le développe-           dans la perspective de changements sociétaux ma-
ment, c’est aussi et avant tout des gens qui vivent en        jeurs qui se font aujourd’hui au nom du DD et par la
société et changent leur façon de faire et de gérer pour      recherche d’une économie plus verte.
                                                                                                                            7
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DOSSIER                     TRADUIRE                  L’ E N V I R O N N E M E N T

                                                                                 La traduction
                                                                                 en environnement :
                                                                                 thème et rhème
                                                                   Regardons d’abord quelques exemples1.
                                   Par Claude Jean, trad. a.                                                                                                                               Toilettes à incinération :
                                                                                                                                                                                         • Latrines simples et efficaces à aménager.
                                                                   L’espèce en péril                                                                                                     • Faciles à réaliser, portatives et faciles d’entretien,
                                                                      [T]he Swift Fox (Vulpes velox) is North America’s                                                                    ce sont parmi les meilleures latrines à employer en
                                                                   smallest canid. Males are slightly larger than females.                                                                 campagne.
                                                                   The fur is long and dense in winter. The upper parts                                                                  • On peut calculer une moyenne d’utilisation de
                                                                   are generally dark buffy-grey, the sides, legs, and                                                                     14 personnes par fût, et une consommation moyenne
                                                                              beneath the tail are orange-tan, and the                                                                     de combustible d’incinération de 0,5 l/personne/jour.
                                                                              undersides are buff to pure white. In                                                                      • La durée utile moyenne de chaque fût est de
                                                                              summer, the fur is shorter and more rufous.                                                                  90 jours.
                                                                              Swift Foxes have black patches on either
                                                                              side of their muzzles and black-tipped tails.                                                              L’impact des bruits sismiques
                                                                                 Le renard véloce (Vulpes velox) […] est le
                                                                              plus petit canidé d’Amérique du Nord. Les
                                                                                                                                                                                         sur les mammifères marins
                                                                              mâles sont légèrement plus gros que les                                                                        The strengths of airgun pulses can be measured in
                                                                              femelles. En hiver, le renard véloce possède                                                               different ways, and it is important to know which
                                                                              un pelage long et dense dont les parties                                                                   method is being used when interpreting quoted source
                                                                              supérieures sont généralement gris                                                                         or received levels. Geophysicists usually quote peak-to-
                                                                              chamois foncé, tandis que les côtés, les                                                                   peak levels, in bar-meters or (less often) dB re 1 ␮Pa-1 m.
                                                                              pattes et le dessous de la queue sont roux                                                                 The peak (= 0-to-peak) level for the same pulse is typi-
                                                                              orangé et que le ventre est chamois ou                                                                     cally about 6 dB less. In the biological literature, levels
                                                                              blanc pur. En été, le pelage est plus court et
                                                                   plus roux. L’espèce se reconnaît également au bout
                                                                   noir de sa queue et aux taches noires qui ornent
                                                                   chaque côté de son museau.

                                                                   Les latrines de l’armée
                                                                   qui se déploie
                                                                     Burnout Latrine :
                                                                   • A simple and effective latrine to construct                                                                         of received airgun pulses are often described based on
                                                                   • Its ease of construction, portability and maintenance                                                               the “average” or “root-mean-square” (rms) level, where
                                                                     make it of the best latrines to use in field conditions                                                             the average is calculated over the time interval encom-
                                                                   • Average use can be estimated at 14 persons per can,                                                                 passing 90 % of the total acoustic energy from a single
                                                                     with average fuel consumption of 0,5 l/pers/day                                                                     pulse. The rms value for a given airgun pulse is typically
                                                                   • The average life expectancy of each “can” is 90 days                                                                about 10 dB lower than the peak level, and 16 dB lower
                                                                                                                                                                                         than the peak-to-peak value (Greene 1997 ; McCauley et
                                                                                                                                                                                         al. 1998, 2000). A fourth measure that is increasingly
                                                                                                                                                                                         being used is the energy, or sound exposure level (SEL),
                                                                                                                                                                                         in dB re 1 ␮Pa2·s. Because the pulses are ⬍ 1 s in dura-
                                                                                                                                                                                         tion, the numerical value of the SEL energy value is lower
                                                                                                                                                                                         than the rms pressure level but the units are different.
                                                                                                                                                                                              La force des impulsions des canons à air peut être
C i r c u i t • É t é 2 0 10

                                                                                                                                                                                         mesurée de diverses façons, et il est important de savoir
                                                                                                                                                                                         quelle méthode est utilisée pour interpréter les niveaux
                                                                                                                                                                                         sonores émis ou captés qui sont cités. Les géophysiciens
                                                                                                                                                                                         utilisent habituellement les valeurs crête à crête, en bars-
                                                                                                                                                                                         mètres ou, moins souvent, en dB re 1 ␮Pa-1 m. Le niveau
                               8                                   C l a u d e J e a n e s t t ra d u c t r i c e a u B u re a u d e l a t ra d u c t i o n e t t ra va i l l e d a n s l e d o m a i n e d e l ’ e n v i ro n n e m e n t d e p u i s p l u s d e v i n g t a n s .
TRADUIRE L'ENVIRONNEMENT - LE MAGAZINE D'INFORMATION DES LANGAGIERS - BANQ
de crête (= 0 à crête) pour la même impulsion est nor-                                  ***
malement inférieur de 6 dB. Dans la documentation en             Lorsqu’on m’a demandé d’écrire un article pour ce
biologie, le niveau sonore des impulsions perçues pro-       numéro, je me suis dit, bien sûr, je suis la personne
duites par des canons à air est souvent fondé sur la         tout indiquée — je travaille dans le domaine depuis
« moyenne » ou sur la « moyenne quadratique » (rms),         plus de vingt ans, j’ai étudié en traduction, j’ai étudié
où la moyenne est calculée en fonction de l’intervalle de    en environnement, je forme et j’encadre, bref, ça va.
temps qui englobe 90 % de l’énergie acoustique totale            J’ai donc commencé à jeter des idées sur papier, à
d’une seule impulsion sonore. La valeur rms, ou valeur       ébaucher un semblant de plan, à compulser ma
efficace, pour une impulsion donnée est généralement         documentation. À y penser sérieusement, quoi, mais
inférieure d’environ 10 dB à la valeur de crête, et infé-    avec un malaise que je n’arrivais pas à secouer.
rieure de 16 dB à la valeur crête à crête (Greene, 1997 ;    Finalement, j’ai dû me rendre à l’évidence : je n’ai
McCauley et al., 1998, 2000). Une quatrième mesure,          aucune idée de ce que ça veut dire « traduire dans le
qui est de plus en plus employée, est celle de l’énergie,    domaine de l’environnement ». Ou, plus exactement,
ou « niveau d’exposition sonore » (SEL), exprimée            je sais que ça ne veut rien dire. Il suffit de jeter un coup
en dB re 1 ␮Pa2·s. Comme la durée des impulsions est         d’œil aux exemples que je donne plus haut, et qui sont
inférieure à une seconde, la valeur numérique du SEL est     loin de couvrir tout le champ que je sillonne, sans
inférieure à celle du niveau de pression efficace (rms),     vraiment y trouver mon chemin, depuis des années.
mais les unités sont différentes.                                Entre le renard au pelage roux, aussi mignon que
                                                             véloce, et l’analyse économique songée de ce qu’on
                                                             peut faire avec les résidus ligneux, c’est le grand écart,
La biomasse et son économie                                  pour ne pas dire le grand vide bleu. Heureusement,
    There is a wide range of products that can be            dans cet horizon infini, quelques certitudes émergent :
derived from biomass. The bio-economy will take a            • Il ne manque jamais de travail. J’ai déjà eu des
range of feedstocks through a series of bio-conversion           pannes dans d’autres domaines, mais en
processes to create a wide variety of products for use           environnement, jamais, même quand les
as chemicals, transportation fuels, heat, electricity,           sceptiques sont rois et que les changements
food, animal feed and health products. An industry               climatiques n’existent pas.
which produces only one product will have a waste            • Pour traduire en environnement, il faut être très
stream, as in most cases the conversion will not utilize         polyvalent. On peut se spécialiser, évidemment, et
the entire feedstock. An integrated bio-refinery                 on a tout intérêt à le faire, mais les textes qui se
complex will allow the waste from one process to                 cantonnent dans la spécialité choisie sont très rares.
become the feedstock for another.                            • Il vaut mieux avoir un point d’ancrage, de
                                                                 préférence en sciences — avoir étudié la chimie ou
                                                                 la biologie, mais ce peut être aussi la géographie
                                                                 et même, maintenant, les « sciences de
                                                                 l’environnement ».
                                                             • Il ne faut pas avoir peur de la technique. Quel que
                                                                 soit le sujet, on tombe toujours sur une description
                                                                 minutieuse et détaillée du bidule qui a servi à
                                                                 prendre la mesure.
                                                             • Idem pour les maths et l’informatique. La mesure
                                                                 prise avec le bidule en question se retrouve
                                                                 agrégée dans une équation complexe, qui sera
                                                                 traitée par un puissant logiciel, puis projetée sur
                                                                 une carte. Ça ne rate jamais.

                                                                 Pour tout dire, traduire en environnement, c’est
                                                             passionnant et éreintant. On apprend et désapprend
     On peut dériver un vaste éventail de produits à par-    tous les jours, car, comme le climat, le domaine et
tir de la biomasse. La bioéconomie exploite toute une        toutes les disciplines qui l’intéressent évoluent
série de matières premières qu’elle transforme par di-       constamment. Chaque texte est un territoire inconnu
vers procédés de bioconversion pour créer de multiples       à conquérir, et on ne sait d’où viendra l’ennemi —
produits — produits chimiques, carburants de trans-          économie ? droit ? physique ? limnologie ? Il vaut mieux
port, énergie calorifique, énergie électrique, produits      s’armer et savoir s’entourer. D’ailleurs, pourquoi ne
pour l’alimentation humaine et animale et produits de        pas créer un réseau des traducteurs en environnement,
                                                                                                                                                                     C i r c u i t • É t é 2 0 10

santé. Le secteur qui ne fabrique qu’un produit aura un      comme celui des confrères en éducation ?
flux de déchets, car, le plus souvent, la conversion n’em-       C’est une idée, si l’environnement vous
ploiera pas toute la matière première. Un complexe in-       intéresse.
tégré de bioraffinage permettra de se servir des déchets     1 . E x t ra i t s d e d i ve r s t e x t e s t ra d u i t s p a r l e s s o i n s d u B u re a u
d’un procédé comme matière première d’un autre.                  d e l a t ra d u c t i o n d u g o u ve r n e m e n t d u C a n a d a .

                                                                                                                                                                 9
TRADUIRE L'ENVIRONNEMENT - LE MAGAZINE D'INFORMATION DES LANGAGIERS - BANQ
DOSSIER                   TRADUIRE                  L’ E N V I R O N N E M E N T

                                                                                   Des effets environnementaux
                                                                                   vastes et envahissants
                                                                     S    i vous suivez un tant soit peu l’actualité, vous
                                                                          avez entendu parler de l’évaluation environ-
                                                                     nementale de grands projets : terminal méthanier
                                                                                                                                                                                              légendes et d’apercevoir, entre les arbres, une che-
                                                                                                                                                                                              minée d’usine ! Enfin, dans le cas du projet Rabaska,
                                                                                                                                                                                              situé à Lévis, en face de l’île d’Orléans, la population
                                    Les définitions                  de Lévis (Rabaska), gazoduc de la vallée du fleuve                                                                       s’inquiète entre autres de ses effets sur la valeur des
                                    contenues dans les               MacKenzie et projets d’extraction de sables bitumi-
                                                                     neux, entre autres. À l’échelon fédéral, les organismes
                                                                                                                                                                                              biens immobiliers, des aspects touchant la sécurité ci-
                                                                                                                                                                                              vile et, bien sûr, là également, de questions esthé-
                                    lois fédérales ont               responsables de ces évaluations environnementales                                                                        tiques, en plus de sa présence en bordure du fleuve.
                                                                     sont l’Agence canadienne d’évaluation environnemen-
                                    pour double effet                tale et, depuis peu, le Bureau de gestion des grands                                                                     Une terminologie figée pour
                                    de délimiter                     projets. Tous deux effectuent un travail assez sem-
                                                                                                                                                                                              le meilleur et pour le pire
                                                                     blable à celui du Bureau d’audiences publiques sur
                                    des champs                       l’environnement (BAPE) à l’échelon provincial québé-                                                                         Pour les traducteurs, les définitions contenues
                                    sémantiques                      cois. Un des points intéressants de ces évaluations                                                                      dans les lois ont également un effet important puis-
                                                                     environnementales est leur portée. Qu’elles traitent                                                                     qu’elles figent la terminologie à utiliser lorsqu’ils tra-
                                    et de figer la                   de la qualité de l’eau ou de l’air, de la vie en général                                                                 vaillent dans le domaine en question. Dans le cas du
                                    terminologie dans                ou de l’habitat et de la survie d’espèces sauvages,
                                                                     cela se comprend aisément ; ce sont là des éléments
                                                                                                                                                                                              terme « effets environnementaux », bien construit, on
                                                                                                                                                                                              bénéficie de l’effet positif de cette normalisation ; lors-
                                    certains domaines.               que nous associons directement à l’environnement.                                                                        qu’on tombe sur le terme « environmental effect », il
                                                                     Mais ces évaluations vont bien au-delà de ça. Cer-                                                                       n’y a pas à hésiter sur la traduction à donner. C’est
                                    Peut-il arriver                  taines études peuvent comporter un important volet                                                                       moins évident lorsqu’on se voit obligé d’utiliser des
                                    qu’un de ces effets              socio-économique ou consacrer un chapitre entier à                                                                       termes, figés dans cette même loi, dont la formulation
                                                                     l’usage traditionnel du territoire par les Autochtones,                                                                  est plus douteuse : « liste d’étude approfondie » et
                                    soit trop puissant ?             par exemple. Pour les traducteurs, les mandats de ce                                                                     « liste d’exclusion », par exemple, dont la définition
                                                                     genre peuvent être extrêmement intéressants en                                                                           commence dans chacun des cas par « Liste des pro-
                                                                     raison de la grande variété des sujets abordés.                                                                          jets ou catégories de projets… ». On aurait aimé lire
                                     Par Michel Buttiens, trad. a.
                                                                         La portée de ces évaluations tient à la définition                                                                   « liste d’études approfondies » et « liste d’exclu-
                                                                     donnée aux « effets environnementaux » dans la Loi                                                                       sions » dans la Loi, le Règlement sur la liste d’étude
                                                                     canadienne sur l’évaluation environnementale (voir                                                                       approfondie et le Règlement sur la liste d’exclusion,
                                                                     l’encadré). Si le concept d’« effets environnemen-                                                                       mais ce n’est malheureusement pas le cas, ce qui
                                                                     taux » est aussi vaste, c’est en raison de cette défini-                                                                 oblige à utiliser fréquemment des termes, disons-le,
                                                                     tion contenue dans la Loi.                                                                                               grammaticalement inexacts.

                                                                     Environnement, économie,                                                                                                 Au-delà de l’uniformisation
                                                                     sécurité et esthétique                                                                                                   terminologique
                                                                         Dans le cas du gazoduc de la vallée du fleuve                                                                            L’effet d’uniformisation terminologique de la Loi
                                                                     MacKenzie, un pipeline de 1 500 km de long dans les                                                                      canadienne sur l’évaluation environnementale et de
                                                                     Prairies canadiennes, on imagine bien qu’en plus des                                                                     ses règlements va plus loin lorsqu’on s’aperçoit que,
                                                                     effets de sa simple présence sur l’itinéraire de migra-                                                                  sans être définis comme tels, les « effets environne-
                                                                     tion des caribous, l’évaluation doit aborder des ques-                                                                   mentaux négatifs importants », qui constituent un cri-
                                                                     tions liées aux revendications territoriales autoch-                                                                     tère essentiel du processus décisionnel quant au type
                                                                     tones. Le rapport de la commission d’examen sur le                                                                       d’évaluation environnementale à choisir (étude ap-
                                                                     terminal méthanier de Cacouna, le long de l’estuaire                                                                     profondie, examen par une commission, examen
                                                                     du Saint-Laurent, renferme un chapitre consacré aux                                                                      préalable ou médiation, tous quatre définis), revien-
                                                                     effets de l’intensification du trafic maritime sur les                                                                   nent à de nombreuses reprises dans la Loi, ses règle-
                                                                     mammifères marins mais aussi un autre sur des as-                                                                        ments et les documents connexes. Cette répétition
                                                                     pects esthétiques : c’est que le terminal et l’usine de                                                                  d’une suite de mots figée décourage les velléités des
                                                                     traitement de gaz adjacente se trouveraient à proxi-                                                                     traducteurs qui souhaiteraient diversifier un peu leurs
C i r c u i t • É t é 2 0 10

                                                                     mité du joli village de Cacouna et plus près encore                                                                      formulations en qualifiant les effets en question de no-
                                                                     d’une réserve naturelle dont l’exploitation touristique                                                                  cifs, néfastes, pervers, majeurs ou d’envergure, par
                                                                     est assurée par des Malécites. Quoi de plus décevant                                                                     exemple. Je m’en voudrais de ne pas signaler que cette
                                                                     que de longer un marais en bordure du fleuve en                                                                          uniformisation terminologique revêt un aspect qui finit
                                                                     compagnie d’un Autochtone qui nous en raconte les                                                                        par échapper à la terminologie pour devenir de la
                               10                                    M i c h e l B u t t i e n s e xe rc e l a p ro f e s s i o n d e t ra d u c t e u r t e c h n i q u e e t l i t t é ra i re s o u s l a ra i s o n s o c i a l e d e Tra d u l i t e c h .
phraséologie lorsqu’on en arrive à la formulation
« projet susceptible d’entraîner des effets environne-
mentaux négatifs importants », qui correspond à la sé-                                                                           Définition des effets
quence complète de mots associés à ce concept dans                                                                               environnementaux dans la
la Loi. Ceux qui, par exemple, ressentiraient un ma-                                                                             Loi canadienne sur l’évaluation
laise devant l’aspect quasi redondant de l’expression                                                                            environnementale :
« entraîner des effets » et lui préféreraient « avoir des
effets » en seront pour leurs frais. C’est l’expression                                                                              « Changements que la réalisation d’un
utilisée à tour de bras dans la Loi et ses règlements                                                                            projet risque de causer à l’environnement —
connexes.                                                                                                                        notamment à un espèce inscrite, à son habitat
    J’ai toujours dans ma bibliothèque une édition                                                                               essentiel ou à la résidence des individus de
1976 du Dion, le Dictionnaire canadien des relations                                                                             cette espèce […] — les répercussions de ces
du travail, en quatrième de couverture duquel figure                                                                             changements soit en matière sanitaire et socio-
la citation suivante de Confucius : « Si les termes ne                                                                           économique, soit sur l’usage courant de terres
sont pas corrects, le langage n’est pas en harmonie                                                                              et de ressources à des fins traditionnelles par
avec la vérité des choses. » Confucius fait partie de                                                                            les autochtones, soit sur une construction, un
ces gens avec lesquels il est difficile d’être en désac-                                                                         emplacement ou une chose d’importance en
cord : trop vieux, trop sage, trop universellement re-                                                                           matière historique, archéologique, paléontolo-
connu. Mais jusqu’où va l’obligation d’harmonie avec                                                                             gique ou architecturale, ainsi que les change-
la vérité des choses qu’il prône ? Jusqu’à « projet sus-                                                                         ments susceptibles d’être apportés au projet du
ceptible d’entraîner des effets environnementaux né-                                                                             fait de l’environnement. »
gatifs importants » ? Je n’en suis pas sûr.

              TERMINOLOGIE UTILE AU DÉVELOPPEMENT DURABLE :

              L’Office québécois
              de la langue française
              va de l’avant
L  e Québec est reconnu internationalement pour
   l’importance qu’il accorde au dossier du dévelop-
pement durable. Ainsi, dans un projet de loi adopté
                                                                                                                       Mettre des expertises en commun
                                                                                                                           Pour participer à cette responsabilisation poli-           « Vous devez être
en avril 2006, le gouvernement du Québec amorçait                                                                      tique, l’Office québécois de la langue française (OQLF),
un virage important en faisant du développement                                                                        le ministère du Développement durable, de l’Environ-
                                                                                                                                                                                   le changement que
durable un enjeu indissociable de ses activités :                                                                      nement et des Parcs (MDDEP) et le Bureau de norma-             vous voulez voir
                                                                                                                       lisation du Québec ont uni leurs efforts pour réaliser
      Les mesures prévues par le projet de loi
                                                                                                                       un glossaire thématique, Terminologie utile au déve-
                                                                                                                                                                                     dans ce monde. »
      concourent à mieux intégrer la recherche d’un
      développement durable dans les politiques, les
                                                                                                                       loppement durable2. La mise sur pied d’un comité de                   – Gandhi
                                                                                                                       terminologie a permis de favoriser les échanges et les
      programmes et les actions de l’Administration,
                                                                                                                       confrontations de points de vue, l’objectif des travaux
      ainsi qu’à assurer, notamment par la prise en                                                                                                                                 par Clément Croteau
                                                                                                                       étant de rendre disponible une terminologie consen-            et Ariane Royer
      compte d’un ensemble de principes et par
                                                                                                                       suelle et de l’implanter au sein des ministères et or-
      l’adoption d’une stratégie de développement
                                                                                                                       ganismes de l’Administration.
      durable, la cohérence des actions gouverne-
                                                                                                                           Ce glossaire thématique s’adresse donc d’abord
      mentales en ce domaine1.
                                                                                                                       aux responsables de l’Administration qui doivent
    La responsabilité progressive du monde politique                                                                   s’acquitter de leurs devoirs contenus dans la Loi sur
                                                                                                                                                                                                               C i r c u i t • É t é 2 0 10

à l’égard du développement durable devrait amener                                                                      le développement durable et dans la Stratégie gou-
les gens à percevoir et à comprendre davantage l’in-                                                                   vernementale de développement durable 2008-2013.
fluence qu’ils exercent sur les aspects environnemen-                                                                  Le grand public est également concerné et aura bien-
taux, sociaux et économiques de leurs activités, afin                                                                  tôt accès à une terminologie fondamentale pour
d’agir en conséquence.                                                                                                 mieux comprendre l’engagement de notre société

C l é m e n t C ro t e a u e t A r i a n e Roy e r s o n t t e r m i n o l o g u e s à l ’ O f f i c e q u é b é c o i s d e l a l a n g u e f ra n ç a i s e .
                                                                                                                                                                                                          11
DOSSIER   TRADUIRE       L’ E N V I R O N N E M E N T

                                                  pour la préservation du bien-être des générations ac-        « éolienne furtive », « tôle solaire photovoltaïque » et
                                                  tuelles et futures.                                          « usine de traitement des déchets organiques par bio-
                                                       Pour répondre aux besoins spécifiques du MDDEP,         méthanisation » sont apparus à la fois dans Internet,
                                                  on a retenu, dans ce glossaire, par exemple, la définition   dans la documentation spécialisée et dans la presse
                                                  du terme « développement durable » et de ses seize           écrite. La créativité lexicale devient donc, pour les ter-
                                                  principes énoncés dans la Loi,                                                     minologues de l’OQLF, une voie à
                                                  on précise ce que signifie                                                         privilégier par laquelle ils pourront
                                                  l’« approche par capitaux », on                                                    exercer une veille terminologique
                                                  apprend ce qu’est un « indica-                                                     nécessaire au suivi de l’évolution
                                                  teur de développement du-                                                          des termes français liés au déve-
                                                  rable » et on comprend l’inté-                                                     loppement durable, tout en se
                                                  rêt pour un « système de                                                           préoccupant de l’orientation de
                                                  plafonnement et d’échanges                                                         l’usage et de l’implantation de la
                                                  de droits d’émission de gaz à                                                      terminologie.
                                                  effet de serre ».

                                                                                                                                                     Garantir la continuité
                                                  Mettre en valeur
                                                  des ressources                                                                         Afin de bonifier son offre
                                                                                                                                    terminologique pour les années
                                                  terminologiques                                                                   à venir, en ce qui concerne le
                                                  externes                                                                          développement durable, l’OQLF
                                                                                                               envisage, par exemple, les pistes suivantes :
                                                      L’OQLF est fier d’avoir signé avec l’Association fran-   • enrichir Le grand dictionnaire terminologique par
                                                  çaise de normalisation, reconnue internationalement,             l’intégration des recherches thématiques et ponc-
                                                  une entente lui permettant de diffuser, dans son Grand           tuelles menées par les terminologues de l’OQLF et
                                                  dictionnaire terminologique, la terminologie contenue            par l’acquisition et le stockage de productions ter-
                                                  dans le Dictionnaire du développement durable publié             minologiques externes ;
                                                  par cette organisation. En effet, cet ouvrage bilingue       • maintenir et établir des partenariats afin de ré-
                                                  issu de sources officielles françaises, étrangères et in-        pondre à des besoins particuliers ;
                                                  ternationales contient quelque 2 300 termes, accom-          • inviter les universités à contribuer aux recherches
                                                  pagnés d’une information terminologique, dont près               terminologiques en établissant des ententes avec
                                                  de 1 200 définitions françaises.                                 le personnel enseignant de la traduction et de la
                                                      Ce protocole d’entente visant à utiliser une termi-          terminologie ;
                                                  nologie disponible de qualité constitue un des moyens        • promouvoir la recherche en néologie dans certains
                                                  d’accroître la valeur du fonds terminologique de l’OQLF.         sous-domaines (énergies renouvelables, com-
                                                                                                                   merce équitable, aménagement urbain, etc.) ;
                                                  S’intéresser à la néologie :                                 • participer aux travaux de comités nationaux et in-
                                                                                                                   ternationaux en matière de normalisation termi-
                                                  un regard vers le futur                                          nologique en travaillant éventuellement en étroite
                                                      L’OQLF a décidé de mener des recherches princi-              collaboration avec le Bureau de normalisation du
                                                  palement dans les quatre secteurs néologiques sui-               Québec ;
                                                  vants : le développement durable, les sciences, les          • bonifier le contenu d’Inventerm (www.inven
                                                  technologies de l’information et la santé. Tous ces do-          term.com) en ciblant les organisations qui offrent
                                                  maines sont interreliés et touchent de près ou de loin           en ligne une terminologie touchant au domaine
                                                  les divers aspects du développement durable. Par                 du développement durable afin de rendre celle-ci
                                                  exemple, l’essor des nanotechnologies pourrait per-              accessible au grand public, et de fournir aux ter-
                                                  mettre la fabrication de substances qui agiraient                minologues un outil documentaire pour les projets
                                                  comme marqueurs pour le dépistage des matériaux                  actuels et futurs.
                                                  polluants, favorisant ainsi la protection de l’environ-          Nos efforts visent à préserver toute la vitalité et la
                                                  nement. L’avancement des technologies oblige à jeter         capacité du français à exprimer le monde d’aujourd’hui
                                                  un regard vers le futur dans une perspective d’amé-          et de demain dans des secteurs d’activité en pleine
                                                  nagement adéquat de la terminologie.                         émergence. En ce sens, nous travaillons afin d’enrichir
                                                      Force est de constater que le développement du-          adéquatement notre patrimoine terminologique.
                                                  rable, de par l’essor important des recherches multi-
                                                  disciplinaires qui s’y rattachent, entraîne nombre de
C i r c u i t • É t é 2 0 10

                                                  nouvelles réalités qui doivent être dénommées. C’est
                                                  ainsi que le domaine du développement durable est            1 . G o u ve r n e m e n t d u Q u é b e c , Lo i s u r l e d é ve l o p p e m e n t d u -
                                                  un lieu où la néologie foisonne. Des termes comme                ra b l e , 2 0 0 6 , p. 2 .
                                                                                                               2 . S e ra d i s p o n i b l e à l ’ a d re s s e s u i va n t e : w w w. o q l f. g o u v. q c .
                                                  « écoparentalité », « ciment dépolluant », « climato-            c a / re s s o u rc e s / b i b l i o t h e q u e / d i c t i o n n a i re s / i n d e x _ l e x vo c .
                                                  sceptique », « col vert », « énergies eau-vent-soleil »,         html.

                               12
Orchestrer la diversité
              des cultures
P    ourquoi traduire pour des OSBL en environne-
     ment ? Pour ma part, c’est arrivé en alliant ma
passion pour l’habitat durable et mon métier de lan-                                                                                                                                    Les langagiers en
gagière. En effet, en tant qu’historienne de l’art et de
l’architecture, je trouve que la complexité des pro-                                                                                                                                    environnement :
blématiques environnementales s’illustre d’une ma-
nière particulièrement pertinente dans le champ de
                                                                                                                                                                                        spécialistes ou
l’architecture. Ainsi, l’OSBL pour laquelle je travaille                                                                                                                                cocréateurs ?
comme traductrice et réviseure est le Centre Cana-
dien d’Architecture (CAA), dont la mission est de
                                                                                                                                                                                            Par Nargisse Rafik
sensibiliser le grand public aux débats architectu-
raux et à promouvoir la recherche internationale. J’ai
été chargée de la version française du livre Actions :
s’approprier la ville, publié en 2008, portant sur les
interventions en milieu urbain visant à créer une re-
lation autre avec notre environnement global. Tel
une rhapsodie sur le thème, ce livre accumule des
traitements divers de la question, du manifeste ar-                                                                      phraséologie par exemple. Comme le client connaît la
chitectural à la recette de cuisine, en passant par le                                                                   « voix » des auteurs, dans leur langue d’origine et par
militantisme social, l’essai académique ou la des-                                                                       des échanges directs avec eux, il est à même de gui-
cription journalistique.                                                                                                 der le langagier dans le rendu le plus fidèle possible
                                                                                                                         de leur personnalité, ce qui ne se révèle pas toujours
                                                                                                                         clairement dans les textes eux-mêmes. La mise en
Dialoguer pour se comprendre                                                                                             contexte architectural des problématiques environne-
    Dans la pratique, nous constatons que même si les                                                                    mentales est passionnante pour le langagier en envi-
auteurs proviennent du monde entier, les textes nous                                                                     ronnement, car elle lui ouvre souvent des perspectives
parviennent principalement en anglais, parfois déjà                                                                      inattendues — comme l’utilisation de la pratique (mar-
traduits d’une autre langue. Le défi est donc de main-                                                                   ginale) du parkour pour établir une cartographie sub-
tenir l’intégrité du texte original tout en manœuvrant                                                                   jective et inédite du paysage urbain matériel. Ainsi,
pour l’adapter aux contraintes locales et à celles du                                                                    dans le mouvement de transfert linguistique, le lan-
projet. Nous pouvons alors concilier ces forces appa-                                                                    gagier remodèle aussi son propre champ de connais-
remment contraires en entretenant le dialogue ouvert                                                                     sances et espère inviter les lecteurs à l’accompagner
et approfondi avec les conservateurs, eux-mêmes au-                                                                      dans cette démarche.
teurs ou commanditaires des textes, et les coordon-
nateurs du projet. Passionnés, ces derniers se rendent
toujours disponibles pour détailler, préciser, expliciter
                                                                                                                         Un acte engagé
ou discuter des points que nous, langagiers, relevons,                                                                        Cette situation est assez privilégiée, car ici, le lan-
et assurent la liaison avec les auteurs.                                                                                 gagier n’est plus un fournisseur de service qui inter-
                                                                                                                         vient en fin de chaine de production, mais un prota-
                                                                                                                         goniste volontaire du processus de transmission de
Des textes à plusieurs couches                                                                                           connaissances. Le travail linguistique prend la forme
    Une première étape d’intervention du langagier                                                                       d’une création concertée et stimulante, qui pousse les
consiste à clarifier les concepts spécialisés et les ob-                                                                 limites de l’exigence qualitative qu’il se donne. Le lan-
jectifs éditoriaux pour modeler les textes de manière                                                                    gagier spécialisé peut mettre à contribution sa sensi-
à les intégrer au format établi par le CCA. Les choix ter-                                                               bilité, ses connaissances et ses qualités didactiques
minologiques du langagier visent certes l’exactitude,                                                                    pour faire « accoucher » le client d’un contenu sou-
mais aussi l’enrichissement des textes en tentant de                                                                     vent complexe et spécialisé. Il rend ainsi accessible
                                                                                                                                                                                                                      C i r c u i t • É t é 2 0 10

faire entrevoir en filigrane la source de certains                                                                       aux non-spécialistes des processus de conception qui
concepts. Le style, qui se veut à la fois accessible au                                                                  font la saveur toute particulière des projets architec-
grand public et engageant pour l’amateur éclairé ou                                                                      turaux et artistiques, et auxquels les préoccupations
le spécialiste, fait également l’objet d’une discussion                                                                  environnementales sous-jacentes ajoutent une colo-
ouverte avec le client, sur des nuances ou choix de                                                                      ration supplémentaire.

N a rg i s s e Ra f i k , l a n g a g i è re , c o l l a b o re à l a re v u e E g o d e s i g n . c a , e t p ra t i q u e l a p e r m a c u l t u re e n m i l i e u u r b a i n .
                                                                                                                                                                                                                 13
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