ACTUALITES BIBLIOGRAPHIQUES EN ALLERGOLOGIE - Janvier 2013 Claude MOLINA* et Jacques GAYRAUD
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ACTUALITES BIBLIOGRAPHIQUES EN ALLERGOLOGIE Janvier 2013 Claude MOLINA* et Jacques GAYRAUD** * I. Le traineau du Père Noël et la polypose nasale II. Pollinose hivernale : un cadeau de Noël pour élèves suisses III. Réactions allergiques sévères à l’exposition au M2thylisothiazolinone IV. La symptomatologie respiratoire et le cycle menstruel V. Diagnostic de l’Asthme « Neutrophilique » à l’Odeur A nos lecteurs Chères Consœurs, Chers Confrères En ouvrant, en ce début d’année, une nouvelle série d’Actualités, nous voudrions vous remercier de votre fidélité et des marques de sympathie et d’intérêt que plusieurs d’entre vous ont tenu à nous manifester. Au cours de l’an dernier, nous avons rédigé 50 items (50 pages de texte) regroupant l’ensemble des sujets intéressant les allergologues praticiens, dont 9 sur l’asthme (3 sur les corticoïdes inhalés), 7 sur les allergies alimentaires, 6 sur les facteurs environnementaux responsables, 5 sur les facteurs nutritionnels. 6 sur les allergies d’organes (tube digestif, œil, peau) …. Nous avons tenté de rester dans la cadre de l’information de portée pratique, +/- originale, parfois anecdotique, en évitant, sauf cas particulier, les revues générales, et en suggérant pour ceux qui souhaitent approfondir le sujet, ou avoir des détails supplémentaires, de se reporter à la référence indiquée. Nous avions projeté de faire de ces ABA des outils d’enseignement en tentant, avec notre collègue et ami Luis Taborda de rédiger des QCM sur le sujet traité. Il est vite apparu que les opinions des auteurs d’articles analysés étaient souvent trop pointues ou trop personnelles pour être considérées comme généralisables. Par contre la consultation des questionnaires de l’UEMS/EAACI nous a révélé tout d’abord la précision, la variété et la qualité des réponses exigées, mais surtout la nécessité pour la qualification des nouveaux allergologues ou pour ceux qui cherchent une actualisation de leurs connaissances, d’avoir des notions précises des dernières nouveautés en immunologie et plus généralement en biologie, voire en génétique. C’est pourquoi nous vous proposerons de temps en temps dans nos ABA, quelques sujets consacrés à de telles notions, répondant ainsi à la formule humoristique « Tout ce que vous auriez voulu savoir sur … sans jamais oser le demander ». Enfin parmi nos projets figure toujours celui d’une plus grande interactivité et pas seulement entre nous, mais avec l’ensemble de la collectivité allergologique d’où la création, que nous espérons dans un proche avenir d’un véritable Forum. Telles sont nos perspectives. Nous attendons maintenant vos suggestions.
I. Le traineau du Père Noël et la polypose nasale: Thème : Allergologie ORL Mots clé : Naseau de renne – Nez humain – Micro circulation nasale – Polypose nasale. Dans une surprenante publication intitulée « Why the Rudolph’nose is red », un groupe de chercheurs néerlandais et norvégiens évoquant le Père Noël (« Santa-Claus ») et son légendaire traineau tiré par les fameuses rennes surnommées « Rudolph », dans les plaines glacées du Nord de l’Europe, ont voulu comprendre pourquoi dans la légende comme dans la réalité le bout du nez de rennes était rouge. (A.M.Van Kuyjen et al BMJ 2012 17 December e8/311). Ils ont donc comparé, in vivo à l’aide d’un système vidéo-microscopique de haute technologie, la microcirculation nasale de 2 rennes à celle de la muqueuse nasale septale de 5 volontaires sains et d’un cas de polypose nasale de grade 3. Ils ont ainsi apprécié la quantification de la densité vasculaire et l’index de flux ainsi que l’étude de la réactivité à certaines drogues locales (vaso-constricteur ou anesthésique) le tout complété par une analyse statistique précise. Il en ressort une grande similarité entre l’homme sain et le renne. Les analyses, attestées par des études biopsiques, les seules disponibles jusqu’alors, montrent au niveau des muqueuses septales, des capillaires en « épingles à cheveux » riches en globules rouges et de densité élevée, en même temps qu’une structure glandulaire cryptique. Mais ce qui découle de ces recherches c’est que la densité vasculaire de la muqueuse nasale du renne est de 25% plus élevée que celle de l’homme sain, ce qui explique la rougeur légendaire du nez (et aussi de l’extrémité des bois) de renne. Ceci permet à la muqueuse nasale de ces animaux, exposés au froid extrême des zones polaires, d’exercer son activité de protection de la température du cerveau. Les auteurs rappellent à cette occasion les autres fonctions nasales d’humidification, de filtration, de contrôle de l’inflammation, de délivrance d’oxygène aux cellules, de réponse aux allergènes. Ce qu’apporte en plus cette délicate technique c’est le coté fonctionnel de la microcirculation nasale qui en fait même un indicateur hémodynamique utilisable en soins intensifs. Enfin la polypose nasale (un seul cas, mais une forme évoluée) révèle l’irrégularité de la micro vascularisation avec une absence totale de capillaires en épingle à cheveux et d’architecture organisée.
II. Pollinose hivernale : un cadeau de Noël pour élèves suisses Thème : Allergologie ORL Mots clé : Pollinose hivernale – Pollen d’Aulne – Réchauffement climatique. Un médecin suisse de Grabs (petit village de l’est du pays) aidé de collègues allergologues de Zurich a rapporté les observations inhabituelles de rhinite évoquant le rhume des foins, mais survenant en hiver, chez des élèves de la région (M.Gassner et al NEJM 2012 december 21 on line). Ils ont donc rassemblé toutes les informations sur les manifestations allergiques au cours des 25 dernières années chez les écoliers du petit village de Grabs âgés d’environ 15 ans ainsi que les IgE spécifiques à 103 allergènes moléculaires (par ImmunoCAP ISAC) soit 54 élèves en 1986 et 46 en 2006. Ils ont re-testé en 2010, 12 d’entre eux, âgés alors de 38 ans, aux différents pneumallergènes courants. En même temps les niveaux de pollens atmosphériques étaient mesurés par les collecteurs de Hirst. Ils avaient déjà constaté en 2006 la présence d’IgE à l’allergène principal de l’aulne (Aln g1) chez 10,9% de sujets sains, alors que les tests étaient négatifs à tous les autres pollens d’arbres. Or parmi les 12 étudiants re-testés, trois d’entre eux étaient devenus positifs à l’aulne. De même, alors qu’aucun élève n’avait de symptôme allergique entre 1983 et 1986, en 2006, 6 étudiants s’étaient sensibilisés à l’aulne et leur rhinite avait été attribuée à un rhume banal dû au froid. L’explication est venue de la constatation à Noël 2011, de grandes quantités de pollen d’aulne dans les capteurs de Hirst. Et en effet 10 ans plus tôt 96 arbres hybrides de la famille de l’aulne, résistants au froid hivernal, avaient été plantés le long du boulevard principal de Grabs, menant à l’école et que les élèves arpentaient tous les jours ou attendaient le bus scolaire. Les changements de température, et l’éclairage du boulevard ont probablement contribué à l’éclosion de pollens de ces arbres (Alnus x spaethi, A. japonica x et A.subcordata). C’est pourquoi les auteurs ont intitulé leurs observations « Hay fever as a Christmas gift ».
III. Réactions allergiques sévères à l’exposition au Methylisothiazolinone (MIT) Thèmes : Allergène - Allergie cutanée – Allergie respiratoire Mots clé :Methylisothiazolinone – Eczéma de contact – Asthme – Cosmétiques – Peintures. Les agents chimiques tels que les cosmétiques ou les conservateurs entrainent généralement des manifestations allergiques cutanées par contact direct : c’est la dermite de contact classique, réaction immunologique de type IV. D’autres produits industriels chimiques allergisants peuvent provoquer par inhalation des réactions sévères, comme les isocyanates par exemple, mais qui sont rarement la cause de manifestations cutanées. Or il apparait qu’un conservateur, le MIT introduit récemment dans le commerce en Europe, que l’on trouve dans des produits cosmétiques et de peinture, et responsable jusqu’ici surtout de dermatite, est aussi à l’origine de réactions allergiques respiratoires parfois sévères par inhalation (M.Dirgaard Ludov et al BMJ 2012 december 4). C’est ainsi qu’au Danemark l’incidence des eczémas dus au MIT a augmenté de 1,4% en 2009 à 3,1% en 2011 (55 réactions positives sur 2470 patch tests). La moitié des cas avait été exposée au MIT par l’intermédiaire de cosmétiques et plus d’un tiers à la peinture. Chez ces derniers, l’eczéma accompagné parfois d’asthme, était survenu à domicile après peinture ou après travail ou séjour dans un local récemment peint. La dermatite était localisée aux endroits découverts (figure et cou) ou au niveau du creux poplité. Certains cas ont nécessité l’hospitalisation. Les auteurs ont alors recensé 17 marques de peinture différentes dont la concentration en MIT allait de 10 à 300 ppm et dans une étude expérimentale avaient noté que l’émission provenant de la peinture d’une vitrine était mesurable pendant près de 26 jours. Dans les années 80 le MIT était commercialisé en combinaison d’un tiers avec son dérivé chloré (encore plus sensibilisant ) et la combinaison avait été considérée comme principal responsable de dermatite de contact due aux conservateurs. Le MIT seul est depuis l’an 2000 règlementé dans les peintures et laques à usage professionnel et les premières observations de ce type d’allergie ont été publiées en 2004. Pour les cosmétiques la concentration était limitée à 15 ppm, mais depuis 2005 en Europe et aux USA elle est tolérée jusqu’à un maximum de 100 ppm. Or le MIT n’est pas règlementé pour les produits de nettoyage à usage domestique de sorte qu’il est difficile au consommateur d’y déceler la présence ou la concentration de MIT. Connaissant les dangers pour la santé de cette exposition aérienne dans de nombreux environnements, les auteurs poussent un cri d’alarme aux autorités européennes pour réévaluer les concentrations autorisées, voire bannir certains produits.
IV. La symptomatologie respiratoire et le cycle menstruel (C.M.) Thème : Asthme Mots clé : Cycle menstruel – Asthme – Tabac- Surpoids. Les variations de la symptomatologie respiratoire (S.R.) en fonction du cycle menstruel font l’objet d’un important article d’auteurs nordiques (F.Macsali et al AJRCCM 2012 29 November ahead of print) intéressant 3926 femmes de 20 à 44 ans de Suède, Norvège, Danemark et Estonie, interrogées par questionnaire et dont les réponses ont été analysées par la méthode chrono biologique, assortie d’une stratification suivant l’Indice de Poids corporel (IMC), le Tabagisme et l’Asthme. Il s’agit de femmes ayant un C.M. régulier de 28 jours en moyenne, ne prenant aucun contraceptif ni traitement hormonal, chez lesquelles la S.R. est recensée journellement entre le 1er jour de la dernière menstruation et les 3 derniers jours du cycle menstruel. L’originalité de l’étude vient de l’utilisation de la méthodologie « cosinor » pour décrire la rythmicité de la S.R. On sait en effet que le C.M. comporte une 1ère phase oestrogénique de maturation folliculaire de 10 à 14 jours suivie de l’ovulation avec augmentation de la Température centrale de 0,5° puis la 2ème phase lutéale avec sécrétion de progestérone, et diminution de FSH et LH aboutissant avec la menstruation au nadir de la sécrétion hormonale. Les facteurs hormonaux étant liés aux facteurs métaboliques et le tabagisme ayant un effet anti-oestrogénique, il était important de tenir compte de ces facteurs et surtout de savoir si certaines patientes avaient été diagnostiquées comme Asthmatiques. Les constatations sont les suivantes : il y a des oscillations rythmiques importantes et significatives pour chaque symptôme et chaque sous-groupe : • Ainsi les sifflements (wheezing) sont à leur plus haut niveau du 10 au 22ème jour du C.M. avec une chute de fréquence au moment de l’ovulation et dans presque tous les sous-groupes. • L’essoufflement (shortness of breath) est au plus haut du 7 au 21ème jour avec une chute au milieu du CM dans plusieurs sous-groupes. • La toux est à son pic juste avant l’ovulation pour les asthmatiques, pour les fumeuses et celles qui sont en surpoids ( IMC ≥23kg/m²). Si ces variations s’observent dans tous les groupes, celui des asthmatiques est le plus important à considérer sur le plan thérapeutique, car il implique l’ajustement du traitement sur une base individuelle, en tenant compte des variations chrono biologiques du C.M. de chaque patiente, à surveiller pendant plusieurs mois.
V. Le diagnostic de l’Asthme « Neutrophilique » à l’Odeur Thème : Asthme Mots clé : Hydrogène sulfuré – VEMS- Neutrophiles – Fe NO. L’hydrogène sulfuré (SH²) d’odeur « détestable » bien connue, produit par de nombreuses cellules du poumon, possède des propriétés récemment découvertes de relaxation du muscle lisse bronchique et d’agent anti- inflammatoire et antioxydant. J.Saito du Brompton Hospital de Londres (et al JACI 2013 131 1 p.232-4) à la recherche de nouveaux bio marqueurs, a tenté d’en mesurer les taux dans le sérum et le surnageant de l’expectoration d’asthmatiques. La technique, très sensible a nécessité plusieurs mises au point avant d’être considérée comme fiable car les taux (entre 10 et 100µmol/L) s’évaporent rapidement après prélèvement. 40 asthmatiques et 15 témoins sains ont fait l’objet de l’étude préliminaire : - 23 asthmatiques d’âge moyen 47 ans : asthme sévère (A.S.) nécessitant une corticothérapie orale et inhalée associée à un β2 agoniste longue action. - 17 asthmatiques âge moyen 36 ans atteints d’asthme modéré (A.M.) équilibré par une corticothérapie inhalée. - Les témoins ont un âge moyen de 40 ans. Les résultats sont les suivants: • Il n’ya pas de différence significative dans la salive des sujets sains et celle des asthmatiques. Mais l’expectoration provoquée, et le sérum révèlent des taux significativement élevés dans les AS. et les AM. par rapport aux témoins. • Par ailleurs, il existe une corrélation inverse entre le SH² dans l’expectoration (SH² exp.) et le VEMS, et négative aussi avec la réversibilité à l’albuterol, signes d’une obstruction bronchique persistante. • Il existe une corrélation positive entre SH² exp. et le pourcentage de neutrophiles dans l’expectoration mais pas avec les macrophages ni les éosinophiles. • Enfin une corrélation inverse est constatée entre SH² exp. et FE NO, considéré habituellement comme traducteur de l’Asthme éosinophilique. Au total, après régression linéaire multiple, il apparait que les taux de SH² exp. (mais non ceux du sérum) sont associés à la neutrophilie de l’expectoration, à la diminution du VEMS, à l’irréversibilité du bronchospasme aux β²agonistes et à l’augmentation de l’indice de masse corporelle, tous signes qui évoquent l’asthme neutrophilique du sujet âgé et en surpoids ; par opposition à l’asthme éosinophilique, modéré et réversible à l’albuterol. Ainsi le SH² pourrait être considéré comme bio marqueur du phénotype neutrophilique de l’asthme. Notion à confirmer sur des cohortes plus importantes, de même qu’il convient de préciser la source possible du SH² dans l’expectoration (flore bactérienne des voies aériennes profondes ?). Vous pouvez adresser vos commentaires et questions aux Pr. Claude Molina et Dr Jacques Gayraud *claude.nelly.molina@orange.fr **j.gayraud@orange.fr
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