CAMEROUN INVESTIR AU LE CAMEROUN MET LES GAZ
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INVESTIR AU GRANDS CHANTIERS AGRICULTURE CAMEROUN ENERGIE MINES INDUSTRIE Mars 2018 - N° 71 SERVICES FINANCE Energie domestique LE CAMEROUN MET LES GAZ Entretien avec Route Cameroun-Tchad : Elisabeth Medou Badang les travaux reprennent GRATUIT – NE PEUT ÊTRE VENDU
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EDITORIAL 3 Yasmine Bahri-Domon, directrice de la publication Le nouveau gouvernement met les pleins gaz Le 2 mars 2018, afin de stimuler l’éco- à travers l’adoption d’un plan directeur nomie et accroître la santé financière national du gaz de pétrole liquéfié (GPL). du Cameroun, le président Paul Biya a Vous le verrez dans le présent numéro, procédé à un réajustement ministériel. le plan gouvernemental ambitionne Ce réaménagement à forte coloration d’accroître l’utilisation du butane pour la économique vise, entre autres priorités, à cuisson dans les foyers. Avec une pro- impulser l’accélération du dispatching des portion de la population évaluée à plus richesses aux collectivités territoriales, de 23 millions d’habitants et un taux de par la création de tout un Département pénétration de plus de 12%, aux dépens en charge de la décentralisation et du des énergies naturelles et électrique, le développement local. Pareillement, le gaz domestique a de beaux jours devant Ministère des finances (MINFI) et le lui. Les grands et petits commerçants Ministère de l’économie, du plan et de se frottent les mains, quand bien même l’aménagement du territoire (MINEPAT) les géants de la distribution des produits se livrent à un lucide jeu de chaises pétroliers et de l’essence à la pompe musicales aux fins de relancer l’écono- investissent de plus en plus dans la fabri- mie nationale et d’exploiter les projets cation de bouteilles de gaz frappées de structurants. Dans ce paradigme, le labels aux copyrights divers. Au constat, secteur de l’énergie est loin d’être le parent le marché du gaz domestique reste pauvre dudit réaménagement, surtout au largement expansif et rentable, car il est moment déterminant où les nouveaux estimé aujourd’hui à près de 18 millions barrages hydroélectriques de Memve’ele, d’habitants, d’autant plus que la défores- Lom Pangar et Mekin sont en phase de tation et son corollaire qu’est la pollution finition et qu’ils s’apprêtent à fournir, pas atmosphérique sont vigoureusement moins de 266 MW au Réseau intercon- réprimandés par l’ensemble des sommets necté sud. Toutefois, s’il existe un secteur planétaires qui se tiennent çà et là, et par énergétique en plein essor au Cameroun, les ONG de défense de l’environnement et au cours de ces cinq dernières années, de la protection de la couche d’ozone. Le c’est bel et bien le segment turgescent du gaz domestique est une alternative fiable gaz domestique. Le marché ne cesse de dans lequel l’Etat compte investir, tant les croître, car la demande est forte et la vente besoins en investissements du GPL pré- des bouteilles de gaz en pleine expansion. voient une consommation du butane de Nos lecteurs en jugeront, par eux-mêmes, 383 tonnes en 2030. De belles perspectives à la lumière des chiffres et des pistes en somme qui nécessitent des investis- d’exploitation contenus dans cette édition. sements de l’ordre de 266 milliards FCFA Le boom que connaît la chaîne de produc- (environ 407 millions d’euros). Le secteur tion, d’importation et de distribution du privé s’invite au butane, le marché est gaz domestique a poussé l’Etat à réagir, ouvert… N° 71 / Mars 2018
4 AU SOMMAIRE DOSSIER INTERVIEW 13 • E lisabeth Medou Badang, Ex-Dg d’Orange Cameroun : « la valeur ajoutée globale générée par le secteur du mobile est en baisse, cela doit interpeller » INVESTIR AU CAMEROUN Editeur 08 • L a bataille du gaz domestique Stratline Limited 09 • 9 0 000 tonnes métriques de gaz domestique Directrice de la publication importées en 2017 Yasmine BAHRI-DOMON Rédaction 10 • 4 40 000 bouteilles neuves importées en six Brice R. MBODIAM, Sylvain ANDZONGO, Idriss LINGE. mois pour rajeunir un parc constitué à 70% Opérateur d’emballages défectueux Médiamania Sàrl www.mediamania.pro 10 • E n difficultés financières, la SCTM, leader du Maquette : Jérémie FLAUX, Réalisation web : Christian ZANARDI, marché du gaz domestique, perd du terrain Corrections : Stéphane ALIDJINOU Régie publicitaire 12 • T radex joue la carte de la bouteille de gaz regiepub@investiraucameroun.com équipée d’un contrôleur de consommation Au Cameroun Albert MASSIMB, almassimb@yahoo.fr 12 • G reen Oil et Bocom mettent aussi les pleins gaz Tel : 00 237 694 66 94 59 Impression LEADER DU MOIS Rotimpres, Aiguaviva, Espagne 34 • R oger Milla, légende Distribution Cameroun du foot camerounais et Albert MASSIMB, almassimb@yahoo.fr Tel : 00 237 694 66 94 59 africain, lance une usine de Gratuit – Ne peut être vendu production de pavés à base de déchets en plastique info@investiraucameroun.com - www.investiraucameroun.com N° 71 / Mars 2018
5 L’ACTUALITÉ EN BRÈVES GESTION PUBLIQUE P 19-21 BTP P 27-28 FINANCE P 22 INDUSTRIE P 29-31 AGRICULTURE P 23-24 TRANSPORTS P 32 ENERGIE P 25-26 TIC & TELECOM P 33 N° 71 / Mars 2018
6 CASTING JEREMIAH ANDOSEH Au mois de février 2018, le Tribunal criminel spécial (TCS), juridiction d’exception mise en place au Cameroun pour traquer les prévaricateurs de la fortune publique, a condamné à une peine d’emprisonnement à vie, l’ancien directeur général du Parc national du matériel du génie civil (Matgénie), entreprise publique spécialisée dans la location du matériel aux entreprises du BTP. Jeremiah Andoseh, en fuite depuis 2005 juste après son limogeage de la tête du Matgénie, a été reconnu coupable de détournement d’environ 12 milliards de francs CFA. Ces détournements, a indiqué le Tribunal criminel spécial, ont été perpétrés au moyen de la surfacturation des prix d’achat des engins, de l’accaparement des fonds publics issus de la location des engins, ou encore de la vente des engins du Matégénie, etc. JOËL NANA KONTCHOU Le concessionnaire du service public de l’électricité au Cameroun a annoncé, le 14 février 2018 à Kribi, dans la ré- gion du Sud, que l’année dernière, 50% des investissements de l’entreprise ont été concentrés dans le réseau de distri- bution. Ces investissements, selon le DG d’Eneo, Joël Nana Kontchou, ont notamment consisté en la création de huit nouvelles bases techniques grâce auxquelles les équipes de dépannage ont été renforcées ; la systématisation des visites des lignes et l’élagage le long de ces lignes ; puis le remplace- ment des poteaux en bois. En effet, à la faveur de la mise en eau du barrage de Lom Pangar, construit dans la région de l’Est, les délestages im- putables à l’insuffisance de l’offre énergétique ont considé- rablement diminué, cédant la place aux multiples incidents sur le réseau de distribution qui privent souvent les popula- tions de l’énergie électrique. N° 71 / Mars 2018
7 ERNEST AUGUSTE GBWABOUBOU MBAPPÉ PENDA Le ministre camerounais de l’Industrie, Ernest Le Conseil national des chargeurs du Cameroun (CNCC), Gbwaboubou, est allé le 23 février 2018 à la rencontre dirigé par Auguste Mbappé Penda, a procédé le 14 février des opérateurs économiques, à l’effet de leur présenter 2018 à Kousséri, dans la région de l’Extrême-Nord, à la et de les intéresser au Plan national d’industrialisation pose de la première pierre de la base logistique de cette (PDI), adopté par le gouvernement camerounais en 2017. ville qui fait office de plaque tournante des échanges Cette rencontre a eu lieu dans le cadre d’un atelier sur commerciaux entre le Cameroun et le Tchad. l’«appropriation du plan directeur d’industrialisation par le L’infrastructure, qui sera livrée en 2022, va coûter 1,3 secteur privé », organisé à Douala, la capitale économique milliard de francs CFA, et comprendra un bloc adminis- du pays. tratif, un parking d’une capacité d’accueil de plus de 200 Le PDI repose sur le développement de trois secteurs prio- camions, un centre d’hébergement de 60 chambres et un ritaires. Il s’agit de l’agro-industrie, de l’énergie et du numé- restaurant, a-t-on appris officiellement. Selon le CNCC, rique. Autant de secteurs qui, au regard de l’impact que cette base logistique va non seulement permettre d’amé- leur développement peut avoir sur le reste de l’économie, liorer les conditions de travail des transporteurs, mais ont été qualifiés de véritables « sanctuaires » industriels aussi, et surtout, faciliter le transport des marchandises pour le Cameroun. Selon les autorités, l’implémentation vers la partie septentrionale du Cameroun et le Tchad. du PDI augmentera de 11 points la contribution du secteur industriel au PIB du pays, la portant de 13% actuellement à 24% à l’horizon 2035. FRÉDÉRIC ALEXANDRE DEBORD BELLION Ancien directeur des opérations d’Ooredoo au Koweït, Le maître chocolatier français Alexandre Bellion a conduit Frédéric Debord a été nommé au poste de directeur géné- le 9 février 2018 dans un hôtel de Yaoundé, la capitale ral d’Orange Cameroun, au sortir d’un conseil d’adminis- camerounaise, une séance de dégustation du cacao à l’in- tration tenu le 14 février 2018 à Douala, la capitale éco- tention des producteurs eux-mêmes afin de vulgariser la nomique camerounaise. Doté d’une expérience de 20 ans consommation locale des fèves transformées. dans les télécoms, Frédéric Debord a officiellement pris Au cours de cette séance organisée par le Conseil inter- ses fonctions le 15 février 2018. professionnel du cacao et du café, l’opportunité a été don- Il remplace à ce poste Elisabeth Medou Badang, première née aux participants d’en apprendre davantage sur les femme et premier ressortissant camerounais à diriger caractéristiques du cacao issu des différents bassins de la filiale locale du groupe télécoms français Orange. La production du pays, de découvrir les arômes et propriétés Camerounaise, revenue au bercail en 2013, après avoir di- organoleptiques du cacao produit dans les centres d’excel- rigé la filiale botswanaise du groupe Orange, « est promue lence et de traitement post-récolte récemment créés au au comité de direction d’Orange Middle East and Africa, en Cameroun, et de sensibiliser les consommateurs sur les tant que directrice de zone et porte-parole », a-t-on appris propriétés exceptionnelles du cacao camerounais. dans un communiqué officiel. N° 71 / Mars 2018
8 DOSSIER La bataille du gaz domestique Le 14 décembre 2016, le Ministère le bois et le charbon de bois, afin de gouvernement camerounais table de l’eau et de l’énergie (Minee) a offi- réduire la déforestation en cours, sur près de 4 millions de tonnes de ciellement annoncé l’adoption d’un protéger la forêt, et diminuer la pol- bois préservées par an (soit environ plan directeur national du gaz de lution atmosphérique. 15 millions d’arbres), la réduction pétrole liquéfié (GPL) au Cameroun. Dans le détail, le Plan directeur du de l’émission directe de 3,4 millions Ce plan gouvernemental ambitionne GPL prévoit une consommation du de tonnes de carbone par an, et la d’accroître l’utilisation du butane butane qui atteindra 383 000 tonnes création de près de 18 000 emplois pour la cuisson dans le pays, afin de en 2030, ce qui équivaut à une à temps plein, sur une période de passer d’un taux de pénétration de consommation de 12 kg par habitant, 15 ans. l’utilisation du gaz domestique de soit près de 4 fois la consommation Après son adoption, le Plan directeur 12% en 2016 à 58% d’ici 2030, soit actuelle. L’atteinte de cet objectif du GPL au Cameroun a commencé à environ 18 millions de Camerounais passe, détaille le plan, par des inves- être implémenté au premier tri- sur une population globale de 23 mil- tissements permettant de mettre à mestre 2017. Les premières mesures lions de personnes. disposition 6,8 millions de bouteilles mises en œuvre semblent produire Cette ambition du gouvernement, de gaz neuves supplémentaires, leurs effets, au regard de l’affluence explique-t-on au Minee, reflète l’ouverture de 6600 nouveaux points subitement observée sur le marché l’action nationale en faveur de de vente au détail, une capacité addi- de la distribution du gaz domestique l’objectif numéro sept du dévelop- tionnelle d’emplissage de bouteilles dans le pays, activité jadis contrôlée pement durable des Nations Unies, de 277 kilotonnes, etc. Les investis- par un mastodonte : la Société came- pour assurer l’accès à une énergie sements financiers nécessaires sont rounaise de transformation métal- moderne, abordable, fiable et durable estimés à 265 milliards de francs lique (Sctm), qui, pendant plusieurs pour tous. Le Cameroun veut ainsi CFA, dont 60% consacrés à l’achat années, revendiquait près de 40% des accroître l’usage du GPL en substitu- des bouteilles. parts de marché. tion de combustibles solides comme Parmi les bénéfices attendus, le BRM et SA N° 71 / Mars 2018
DOSSIER 9 90 000 tonnes métriques de gaz domestique importées en 2017 En 2017, la Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures (Csph) affirme avoir injecté une enveloppe totale de 22 milliards de francs CFA dans les importations du gaz domes- tique afin d’assurer la disponibilité de ce produit, face à l’insuffisance de la production locale (15 à 20% des besoins) assurée par la Société nationale de raffinage (Sonara). Cette enveloppe correspond, selon la Csph, à l’importation de 71 070 tonnes métriques (TM) de gaz domestique, sur un volume global annuel des importations évalué à 90 000 tonnes métriques. Le reste des importations est à mettre à l’actif des opérateurs eux-mêmes. Le Cameroun ambitionne d’accroître de 30 à 40% en zone urbaine, et de 14 à 15% en nomique et social du gouvernement de production requis de la part de zone rurale, le pour l’exercice budgétaire 2018, l’Etat la Sonara, l’unique raffinerie du camerounais ambitionne d’accroître pays, le gouvernement camerounais taux d’accès des de 30 à 40% en zone urbaine, et de 14 compte sur le projet de liquéfaction à 15%, en zone rurale, le taux d’accès du gaz naturel au large de Kribi, populations au des populations au gaz domestique. dans la région du Sud du pays. Dans gaz domestique. Pour atteindre cet objectif, l’Etat le cadre de ce projet porté par la camerounais a consenti, dès l’année Société nationale des hydrocarbures 2017, une baisse de 30% des droits et le groupe français Perenco, un Cette conjonction des efforts des de douane sur l’importation des méthanier converti en unité flottante pouvoirs publics camerounais et des bouteilles de gaz domestique vides. de liquéfaction du gaz a accosté en marqueteurs a permis de satisfaire A cette mesure, il faut ajouter l’aug- décembre 2017 au large de Kribi, la une demande nationale sans cesse mentation des capacités de stoc- cité balnéaire du sud du Cameroun. croissante, qui est officiellement kage dans le pays grâce à l’extension Baptisé Hilli Episeyo, ce navire passée de 6700 tonnes métriques des équipements de la Société lancera, dès ce mois de mars 2017, la par mois à plus de 10 000 tonnes camerounaise des dépôts pétroliers liquéfaction du gaz naturel (1,2 mil- métriques entre juillet et septembre (Scdp). En effet, entre 2014 et 2015, lion de tonnes par an) destiné à 2017. Cette demande devrait croître les capacités de stockage des dépôts l’exportation, ainsi que la production de manière encore plus substantielle de cette entreprise publique dans de 30 000 tonnes métriques de gaz au cours de cette année. En effet, en les villes de Douala et de Yaoundé domestique par an, soit plus de 33% 2018, a révélé le Premier ministre en ont crû de 13 000 mètres cubes dans des 90 000 tonnes importées au cours présentant aux parlementaires, en chaque cas. de l’année 2017. novembre 2017, le programme éco- Côté production, en plus des efforts N° 71 / Mars 2018
10 DOSSIER 440 000 bouteilles neuves importées en six mois pour rajeunir un parc constitué à 70% d’emballages défectueux Selon le Groupement des profession- nels du pétrole (Gpp), les marque- teurs en activité sur le segment gaz domestique au Cameroun ont impor- té, au cours des six derniers mois de l’année 2017, une cargaison globale de 440 000 emballages neufs. Ces importations massives, apprend-on, sont la conséquence d’une mesure étude conjointe réalisée en 2011 par Selon les opérateurs du secteur du gouvernementale d’allègement de la la Direction de la métrologie et de gaz domestique, en plus de garantir fiscalité sur l’importation des bou- la protection du consommateur du la sécurité des consommateurs, cette teilles de gaz domestique vides. Ministère du commerce et la Caisse augmentation des importations de La décision prise en juin 2017 et de stabilisation des prix des hydro- bouteilles de gaz domestique neuves entrée en application au mois de carbures (Csph), « 70% des bouteilles contribuera à un meilleur approvi- juillet devrait, selon les profession- de gaz domestique en circulation sionnement du marché local. Dans nels du secteur, accélérer le rajeu- dans le pays sont défectueuses ». Une le même temps, elle favorisera une nissement du parc de bouteilles de situation qui explique les nombreux baisse des prix de consignation de gaz domestique du pays, jugé à la drames souvent enregistrés dans ces emballages, qui ont d’ores et déjà fois vieillissant et dangereux pour les les ménages suite aux explosions de été réduits de 3 000 francs CFA chez consommateurs. En effet, selon une bouteilles de gaz. certains opérateurs. En difficultés financières, la SCTM, leader du marché du gaz domestique, perd du terrain Entre 2013 et 2015, la Société came- on de sources autorisées, il y a les transfert pour l’approvisionnement rounaise de transformation métal- performances de plus en plus inté- en produits pétroliers, ont atteint la lique (SCTM), le leader du marché ressantes des nouveaux arrivants sur somme de 4 milliards de francs CFA. de la distribution du gaz domestique le marché, à l’instar de Tradex, mais En dépit d’un accord récemment dans le pays, a perdu près de 5% de surtout les difficultés financières trouvé avec la Commercial Bank of parts du marché, selon les pointages auxquelles fait face la SCTM depuis Cameroon (CBC) à l’effet d’apurer officielles. En effet, les parts contrô- quelques années, notamment avec le progressivement cette dette princi- lées par cette entreprise sont tom- décès du promoteur de l’entreprise. palement due à la société publique bées à un peu plus de 33% au cours En effet, les impayés accumulés par Tradex, devenue l’un des plus gros de l’année 2015, contre 38% en 2013. le leader de la distribution du gaz do- importateurs du gaz domestique A l’origine de cette perte progressive mestique au Cameroun vis-à-vis du dans le pays, la SCTM peine à relever du terrain sur le marché de la distri- Groupement des professionnels du la tête sur un marché devenu très bution du gaz domestique, apprend- pétrole (GPP), au titre des droits de concurrentiel. N° 71 / Mars 2018
12 DOSSIER Tradex joue la carte de la bouteille de gaz équipée d’un contrôleur de consommation En 2013, afin de marquer son arrivée sur le marché de la distribution du gaz domestique au Cameroun, Tradex, filiale de la Société nationale des hydrocarbures (SNH), a innové avec des bouteilles équipées de compteurs permettant aux ména- gères de contrôler leur niveau de consommation. Cette innovation 17 000 FCFA pour la bouteille vide). afin de se renforcer sur la distribu- permet d’anticiper sur l’achat et Très rapidement, la bouteille et le gaz tion de ce produit. « Cet investisse- d’éviter des surprises généralement Tradex vont aguicher les consom- ment de Geogas découle de la volonté désagréables pour les utilisateurs. mateurs, de telle sorte que cette de l’entreprise de renforcer sa présence Afin de vulgariser ces nouvelles bou- entreprise, dont le métier de base au Cameroun, et de s’allier à un acteur teilles, qui inauguraient aussi à cette est le négoce des produits pétroliers offrant un potentiel de croissance à époque l’arrivée sur le marché du gaz et le soutage maritime, ne cesse, sur long terme, afin de développer à ses d’un second opérateur camerounais la base d’une simple observation côtés une présence régionale forte », (après le leader du marché SCTM), empirique, d’accroître ses parts sur le avait commenté Tradex dans le Tradex avait décidé de débuter par marché local du gaz domestique. communiqué officiel annonçant une opération de vente promotion- En mai 2015, cette entreprise cette cession d’actifs à son partenaire nelle (23 500 FCFA la bouteille pleine, publique a d’ailleurs annoncé l’ouver- suisse. contre 30 000 FCFA généralement, et ture de son capital au Suisse Geogas, Green Oil et Bocom mettent aussi les pleins gaz Au cours de l’année 2017, le marché emplisseur dans la capitale écono- 3,5 milliards de francs CFA. du gaz domestique au Cameroun, mique camerounaise. « Actuellement, l’usine emploie 50 sur lequel l’on retrouve également Idem pour le pétrolier camerounais Camerounais et dispose d’un matériel des multinationales pétrolières telles Green Oil. L’unité d’enfûtage de cet ultramoderne. 40 000 bouteilles de que Total, MRS ou encore Lybia Oil, s’est enrichi de deux nouveaux opérateurs. Il s’agit des marqueteurs Le taux de progression de la consommation camerounais Green Oil et Bocom. Avant son arrivée sur ce marché du gaz domestique dans le pays est de 8% de plus en plus concurrentiel, mais qui recèle encore d’innombrables opérateur, située dans la localité gaz sont déjà disponibles. Ce parc opportunités, eu égard au taux de d’Afanoyoa, non loin de la capitale va s’accroître et atteindre 100 000 progression de la consommation du du pays, a été inaugurée le 25 janvier bouteilles », avait promis le promo- gaz domestique dans le pays (8% par 2017. Elle est dotée d’une capacité teur, Guillaume Mbakam Chougha. an officiellement), le groupe Bocom d’enfûtage de 5000 bouteilles par C’était au cours de la cérémonie a pris le soin de construire un centre jour, pour un investissement de d’inauguration. N° 71 / Mars 2018
INTERVIEW 13 Elisabeth Medou Badang, Ex-Dg d’Orange Cameroun : « la valeur ajoutée globale générée par le secteur du mobile est en baisse, cela doit interpeller » La veille de sa passation officielle de service à la tête de la filiale locale du groupe Orange, la première Camerounaise à avoir dirigé cette entreprise s’est confiée à Investir au Cameroun pour esquisser le bilan des quatre années passées à la tête du numéro 2 du mobile dans le pays, et jeter un regard global sur les télécoms au Cameroun. Investir au Cameroun : Votre pre- et Moyen-Orient du groupe Orange la fois avec le Ministère des postes mier grand chantier à la direction à ne pas avoir accès à la 3G. Nous et des télécommunications et le générale d’Orange Cameroun a été avons développé un certain nombre régulateur. Nous avons, à plusieurs les négociations avec le gouverne- d’arguments pour montrer l’intérêt à reprises, sollicité les services du ment en vue du renouvellement de aller non seulement vers la 3G et la Premier ministre. Il ressortait de la licence de cet opérateur dans le 4G, mais à définir un cadre d’opé- tous ces échanges une envie d’avan- secteur des télécoms. Comment rations qui nous permette d’aller cer, ce qui explique qu’on soit parve- êtes-vous parvenue à obtenir un le plus rapidement possible vers nus à un terrain d’entente. L’enjeu renouvellement de cette licence, la modernisation de cette indus- de la modernisation des télécom- assorti des autorisations de trie. Nous avons mené un certain munications au Cameroun était lar- déployer à la fois la 3G et la 4G ? nombre d’études pour identifier les gement partagé. Il était simplement Elisabeth Medou Badang : Au ressources dont nous avions besoin. question de s’accorder sur le rythme moment où s’ouvraient les négo- Nous avons argumenté sur le bien- et sur le cadre d’intervention. C’était ciations, le Cameroun était l’un fondé des demandes que nous une négociation capitale puisque la des rares pays de la zone Afrique formulions. Nous avons travaillé à convention de concession consti- N° 71 / Mars 2018
14 INTERVIEW se déroulent avec toutes les parties prenantes. Ils sont suffisamment avancés pour anticiper une conclu- sion dans un avenir très proche. IC : Au moment où vous quittez vos fonctions à la tête de la filiale camerounaise du groupe Orange, quel état des lieux faites-vous du déploiement des réseaux 3G et 4G ? EMB : Mon passage à la tête d’Orange Cameroun aura été une aventure très riche. Elle n’a pas été facile tous les jours, mais elle a été formidable. J’ai été honorée d’être le capitaine du bateau Orange Cameroun. C’est l’occasion pour moi de remercier le Conseil d’administration, le comité de direction de l’entreprise, et toutes « Nous avons été parmi les tout premiers à avoir lancé la 4G. C’est dire le pari que nous avons pris à les équipes qui m’ont accompagnée Orange Cameroun, supporté par le Groupe Orange, d’accompagner la transformation digitale et l’accessibi- dans cette aventure. lité au haut débit pour tous. » En ce qui concerne la 3 et la 4G, ça a été un réel motif de satisfaction. tue le cadre de référence sur lequel nissait les modalités. Les discussions Je faisais remarquer tout à l’heure repose toute l’activité de la société. sont en cours, à cet effet. Ces discus- qu’au moment où nous ouvrions les sions ne remettent pas du tout en négociations pour le renouvellement IC : La presse camerounaise a ré- cause la convention qui a été signée de notre licence, le Cameroun figu- cemment révélé que, bien que les et qui produit ses effets depuis 2015. rait parmi les rares pays de la zone deux leaders du marché du mobile C’est dans le cadre de cette conven- Afrique et Moyen-Orient à n’avoir pas au Cameroun (dont Orange) aient tion que nous menons nos activités, accès à la 3G. Mais, par la suite, nous obtenu le renouvellement de leurs c’est dans ce cadre que nous avons avons été parmi les tout premiers licences en mars 2015, ces licences lancé la 3G et la 4G. à avoir lancé la 4G. C’est dire le n’ont pas été formellement pari que nous avons pris à Orange délivrées à ce jour, pour diverses IC : Vous dites que le gouverne- Cameroun, supporté par le Groupe raisons. Qu’est-ce qui bloque ? ment souhaite revoir certaines Orange, d’accompagner la transfor- EMB : Je voudrais préciser que les dispositions. Lesquelles, par mation digitale et l’accessibilité au conventions de concession ont bien exemple ? haut débit pour tous. été signées par les autorités compé- EMB : Il s’agit notamment de la répar- tentes, et qu’Orange Cameroun (il tition des fréquences dans certaines Aujourd’hui, plus de 60% de nos sites en est de même pour MTN) a tenu bandes. En outre, quand nous avons sont couverts en 3G, 36% le sont en ses engagements, notamment le signé cette convention de conces- 4G. L’ambition de notre entreprise paiement de la contrepartie finan- sion, le cahier des charges relatif à la est de poursuivre le déploiement de cière de 75 milliards de francs CFA. 4G n’avait pas été défini. Nous nous ces technologies. Nous pensons que Cependant, certains aspects de la sommes certes inscrits dans une pour développer l’économie numé- mise en œuvre de cette convention dynamique proactive en commen- rique, l’un des facteurs déterminants de concession ne sont pas complète- çant à déployer la 4G, mais le gou- est l’accessibilité à l’internet et cette ment réglés à ce jour. Ils sont relatifs vernement ne peut pas se contenter accessibilité passe par la couverture notamment à l’attribution de toutes simplement de la bonne volonté réseau avec un débit qui permet le les ressources fréquentielles définies discrétionnaire des opérateurs. Il est transfert de données de la façon la dans cette convention de conces- question aujourd’hui de s’accorder plus fluide possible. sion. Le gouvernement a souhaité sur les indicateurs de performances revoir certaines dispositions de cette et les obligations de couverture IC : Selon les états financiers de convention. Cette possibilité était pour la technologie 4G. C’est sur l’entreprise, sur la période 2015- prévue dans ce contrat qui en défi- ce chantier majeur que les travaux 2016, le chiffre d’affaires d’Orange N° 71 / Mars 2018
INTERVIEW 15 Cameroun a repris une trajec- société, qui présente des avantages, nécessité de trouver de nouveaux toire ascendante, après plusieurs puisqu’il est désormais possible relais de croissance, d’élargir notre années de stagnation. Est-ce et plus facile de partager certains marché. Pour ce faire, nous nous l’effet de la 3G et de la 4G, lan- types de contenus, avec une dyna- sommes demandé quels étaient nos cées respectivement en mars et mique de réseau qui en facilite la atouts sur lesquels nous pouvions décembre 2015, ou alors avez-vous propagation de manière virale. Mais capitaliser, pour satisfaire nos dû actionner d’autres leviers ? Si c’est un phénomène qui a aussi ses clients différemment, pour leur oui, lesquels ? revers. Si nous prenons l’activité fournir des services qui leur sont EMB : La structure des revenus des télécoms stricto sensu, il est évident utiles et créer de la valeur autre- opérateurs du mobile au Cameroun que lorsqu’on appelle sur WhatsApp ment. Voilà comment nous arrivons – et plus généralement – a forte- (voix sur IP) le revenu généré pour au développement d’Orange Money. ment évolué ces dernières années. Il l’opérateur est de loin beaucoup Nous avions le réseau mobile et y a trois ans, les activités tradition- moins élevé (nos études montrent un la plateforme pour faire le Mobile nelles (appels et SMS pour de purs rapport de 1/100) que le même appel Money. Nous avions un réseau de opérateurs de mobile comme nous), par le réseau mobile traditionnel. distribution étendu et la capacité représentaient plus de 95% du Quand vous recevez un appel « tradi- à le développer davantage. Nous chiffre d’affaires. A l’horizon 2020- tionnel » venant d’un autre opérateur avions enfin quelques belles réus- 2021, ce taux est anticipé en dessous tant en local qu’à l’étranger, votre sites dans le Groupe Orange dont de 70%. C’est la conséquence de l’évolution des usages des clients. Aujourd’hui, on envoie moins de « Il y a trois ans, les activités traditionnelles SMS, on n’effectue plus autant d’ap- pels via son mobile, mais on chat (appels et SMS pour de purs opérateurs sur WhatsApp et autres réseaux de mobile comme nous), représentaient sociaux, on partage et communique différemment. Il est évident que ces plus de 95% du chiffre d’affaires. A évolutions impactent nos activités traditionnelles. l’horizon 2020-2021, ce taux est anticipé en Fort de cela, l’opérateur se retrouve dessous de 70%. » dans une situation dans laquelle il est impérieux de se renouveler pour saisir au mieux les opportunités opérateur perçoit des revenus de nous pouvions nous inspirer. Nous offertes par ces nouveaux usages. terminaison d’appel, revenus qui avons observé notre marché. Nous C’est ainsi que la 3G et la 4G ont n’existent pas du tout pour les appels sommes dans une économie dans été déployées. L’enjeu est donc de de WhatsApp à WhatsApp ou tout laquelle le taux de bancarisation est diversifier les sources de revenus, autre OTT (over-the-top service ou certes en amélioration (autour de d’identifier de nouveaux relais de service par contournement, ndlr). 20%, ndlr), mais demeure faible par croissance, dont notamment l’usage Cette réalité oblige les opérateurs à rapport à d’autres pays. Pourtant un de l’internet qui repose sur la 3G et transformer leur modèle, à se renou- consensus est établi sur les bienfaits la 4G, et les services à valeur ajoutée. veler, à capitaliser sur leurs atouts, de l’inclusion financière. Nous avons C’est sur ces relais de croissance pour continuer de se développer. identifié le Mobile Money comme un que nous avons parié dès le départ, levier efficace pour l’amélioration de et leur développement a vocation à IC : Parlant justement de se renou- l’inclusion financière, comme un axe compenser la baisse inévitable des veler, avec votre arrivée à la tête de développement important pour revenus des services traditionnels d’Orange Cameroun, le service notre entreprise, comme un moyen (voix et SMS). Orange Money a littéralement de faciliter la vie de nos clients, en explosé. Qu’est-ce qui a justifié capitalisant sur ce que nous savons IC : Vous parliez tout à l’heure l’intérêt que vous avez porté à faire le mieux. Nous nous félicitons de WhatsApp. Quel est votre avis ce service, et quels leviers faut- du chemin parcouru, de l’explosion sur l’envahissement de l’espace il encore actionner pour tirer le d’Orange money pour reprendre social par les réseaux sociaux ? En maximum des avantages que pro- votre formule, pour tout ce qui a déjà tant qu’opérateur télécoms et de cure ce service en matière d’inclu- été réalisé dans cette activité, tant la téléphonie mobile, est-ce une sion financière ? en matière d’innovation, de distribu- menace ? EMB : Ce que vous appelez explosion tion, d’éducation du marché que de EMB : Il s’agit d’un phénomène de d’Orange Money procède de cette partenariats (plus de 13 000 points N° 71 / Mars 2018
16 INTERVIEW « Aujourd’hui, plus de 60% de nos sites sont couverts en 3G, 36% le sont en 4G. L’ambition de notre entreprise est de poursuivre le déploiement de ces technologies. » de vente à travers le pays, lancement sentée comme étant la plus mo- La première mission de notre data de la carte Visa Orange Money, bank derne d’Afrique subsaharienne ? center est donc d’héberger notre to wallet, etc., ndlr). EMB : L’inauguration du data center a cœur de réseau et notre système En observant l’appétit du marché, également constitué un temps fort de d’information, dans les conditions nous pensons que le potentiel de cette aventure. A côté de cette infras- les plus modernes, les mieux sécu- développement est significatif. tructure, nous avons aussi construit risées, avec les taux de disponibilité Vous pouvez aisément évaluer la le siège d’Orange Cameroun. A les plus élevés possible. Cette phase proportion des transactions finan- travers ces deux réalisations, le est en cours de mise en œuvre. A cières qui se font encore en espèces groupe Orange a pu démontrer, si côté de cela, beaucoup de clients aujourd’hui ! Imaginez une situation besoin était encore, son ancrage au ou de prospects ont manifesté un comme celle de la Chine, où 67% de Cameroun. Le siège a permis d’instal- certain intérêt pour l’utilisation de la population réalise ses transactions ler nos équipes dans un environne- cette infrastructure. Certains d’entre quotidiennes via le Mobile Money ! ment de travail très moderne, propice eux sont déjà allés au-delà de cette C’est un levier phénoménal d’amélio- à la convivialité, aux échanges. simple manifestation d’intérêt. Nous ration de l’efficacité. C’est une évo- Aujourd’hui, on parle d’économie sommes confiants que l’activité lution vertueuse pour les opérateurs, numérique, de démultiplication du du data center va se développer à pour les clients, mais également pour volume des données, de virtualisa- l’avenir. les entreprises, l’Etat et pour l’écono- tion, etc. Nous avons pensé que nous mie en général. avions une partition à jouer dans IC : Vous avez signé avec le cet écosystème global avec ce data gouvernement camerounais, le IC : Vous avez finalisé la construc- center. Avant même de considérer 8 juin 2015, une convention d’ad- tion du data center d’Orange les besoins des tiers, nous-mêmes, en hésion au consortium chargé du Cameroun, qui a été inauguré en tant qu’opérateur, nous avions besoin déploiement du câble sous-marin mai 2017. Qu’en est-il aujourd’hui de mieux sécuriser nos données et Africa Coast to Europe (ACE), qui de l’exploitation de cette infras- nos équipements pour améliorer permettait également à Orange tructure numérique qui a été pré- davantage leur disponibilité. Cameroun de construire le point N° 71 / Mars 2018
INTERVIEW 17 d’atterrissement de ce câble sous- règlementairement le monopole marin à fibre optique à Kribi, dans de la gestion de cette infrastruc- la région du Sud. Depuis lors, l’on ture stratégique ? n’a pas beaucoup entendu parler EMB : Je me réjouis de ce qu’il y de ce projet. Où en est-il à ce jour ? a des réflexions en cours sur ce EMB : L’adhésion au consortium et le sujet-là. Orange Cameroun parti- déploiement de la branche camerou- cipe activement à ces réflexions. Je naise du câble ACE demeurent un voudrais cependant souligner que la projet majeur pour le gouvernement, fibre optique est une infrastructure qui a d’ailleurs bien avancé dans clé. Avant le développement de la l’exécution de ses obligations vis-à- pénétration de l’internet, pour faire « Nous sommes dans une économie dans laquelle vis du consortium ACE, pour finali- la transmission de notre signal et des le taux de bancarisation est certes en amélioration ser son adhésion à ce consortium et données d’une ville à l’autre, nous (autour de 20%, ndlr), mais demeure faible par rapport à d’autres pays. » connecter le Cameroun à ce câble. Eu n’avions pas vraiment besoin de la égard au tracé de ce câble, l’intérêt fibre optique. Nous avions déve- de ce projet pour le Cameroun est loppé nos propres infrastructures de indiscutable. Il contribuera à la transport. Aujourd’hui, eu égard au retour sur investissement peut-être sécurisation de l’accès du pays à volume de données à transporter et à clairement appréhendé. Dans ce l‘international. La mise en œuvre de la courbe de tendance de leur évolu- cas de figure, on court le risque de ce projet n’est pas terminée et elle tion, l’utilisation de la fibre s’impose. créer structurellement une inégalité reste d’actualité si je m’en tiens aux C’est donc une infrastructure indis- vis-à-vis des zones dont le potentiel derniers échanges sur ce sujet avec pensable aujourd’hui pour assurer la économique ne permettra jamais de l’autorité de tutelle. qualité de service à nos clients, pour rentabiliser les infrastructures de ce accompagner la montée en débit de type. Pourtant, il faut que le dévelop- IC : Qu’est-ce qui bloque ? Les nos réseaux. pement de l’économie numérique moyens financiers ? Au demeurant, la fibre est une infras- soit le plus inclusif possible. De ce EMB : Je ne pense pas être la per- tructure très coûteuse, notamment point de vue, il me semble qu’il est sonne la mieux indiquée pour la fibre terrestre du fait des travaux préférable de trouver des méca- répondre à cette question. importants de génie civil que sa pose nismes qui permettent de déployer la nécessite. Il faut donc trouver des fibre optique de manière cohérente IC : Mais c’est à Orange Cameroun mécanismes pour son financement, en tenant compte des besoins de que revenait la responsabilité de permettant à la fois d’encourager tous les opérateurs, en laissant de la construire le point d’atterrisse- son déploiement et de s’organiser de flexibilité dans la mise en œuvre, en ment de ce câble sous-marin à sorte que ce déploiement soit effi- créant les conditions qui favorisent Kribi, dans la région du Sud… cace au plan économique. Ceci nous le partage de cette infrastructure EMB : Orange Cameroun doit amène inéluctablement au partage essentielle. effectivement construire le point de cette infrastructure. Et qui dit d’atterrissement. Mais pour que nous partage, dit règles du jeu claires et IC : Le 27 octobre 2017, le gouver- construisions cette infrastructure, équitables dans lesquelles chaque nement camerounais a dévoilé les il faut que l’Etat soit membre à part opérateur trouve son compte. résultats du premier audit sur la entière du consortium et que la qualité de service des opérateurs construction de la branche reliant le IC : La libéralisation de la fibre de mobile, lequel audit conclut câble aux côtes camerounaises soit optique au Cameroun peut être un globalement à une « détérioration enclenchée. Une fois que ces étapes grand bond vers le développement continue » de cette qualité de ser- seront bouclées, Orange Cameroun de l’économie numérique ? vice. Quelle appréciation faites- construira le point d’atterrissement. EMB : Je vais vous surprendre en vous de cette conclusion de façon A Orange, nous sommes prêts à lan- vous disant que je ne suis pas globale, et êtes-vous satisfaite cer les travaux, dès que possible. certaine que créer la jungle dans le de la qualité du service délivrée déploiement de cette infrastructure par Orange Cameroun sous votre IC : Puisque nous parlons de soit la meilleure approche. En tant direction ? câble sous-marin à fibre optique, que directeur général d’Orange EMB : A Orange Cameroun, satis- quelle appréciation faites-vous Cameroun, j’aurais préféré déployer faire nos clients constitue la raison de la gestion de la fibre optique la fibre optique à ma guise. Est-ce d’être de notre activité au quotidien. au Cameroun, à l’aune du conflit l’approche la plus efficace et la plus Notre engagement à fournir à nos qui a récemment opposé Orange pertinente ? Le risque dans ce cas-là, clients la meilleure qualité de service, Cameroun à l’opérateur historique c’est que tout le monde se concentre c’est simplement faire notre travail. des télécoms, Camtel, à qui revient sur les zones dans lesquelles le Toutes les études montrent que le N° 71 / Mars 2018
18 INTERVIEW premier des motifs de préférence d’un opérateur par un client, c’est le réseau. Si nous voulons nous développer, et c’est notre ambition au sein du groupe Orange, nous devons faire en sorte d’offrir à nos clients la meilleure qualité possible. Cet attribut de qualité de réseau est reconnu à Orange dans la plupart des pays où nous opérons, avec l’ambi- tion que cela soit le cas dans tous les pays dont le Cameroun. Cela étant, si nous prenons le réseau d’Orange Cameroun, il a connu une moder- nisation importante. Sur les trois ou quatre dernières années, nous avons changé deux fois de génération d’équipements. Ce type de change- « En effet, sur la base de nos benchmarks, je peux vous assurer que les prix moyens des communications, ment ne se fait pas sans écueils. Il y toutes offres confondues, au Cameroun, que ce soit sur la voix ou l’internet, sont très compétitifs par rapport a toujours des impacts sur la qualité à la plupart des pays d’Afrique. » de service, que nous nous attachons à limiter, qui sont parfois ponctuels, mais qui sont amenés à disparaître. Bafoussam. Outre ces boucles de ou l’internet, sont très compétitifs Ces changements obligent souvent sécurisation, l’accès à la fibre posée par rapport à la plupart des pays à modifier certains paramètres, ou par d’autres opérateurs permettrait d’Afrique. carrément à changer complètement d’améliorer la résilience des réseaux. le design du réseau. La situation que On en revient à la nécessité de favori- IC : Comment voyez-vous le sec- nous vivons actuellement corres- ser le partage de cette infrastructure. teur de la téléphonie mobile au pond à une période de transition, Enfin, parmi ces facteurs externes Cameroun dans les 10 prochaines dont l’objectif est justement l’amé- aux opérateurs qui impactent la qua- années ? lioration de l’expérience client. Vous lité de service, on peut mentionner EMB : Dix ans dans l’industrie des devriez observer une normalisation l’insuffisance de certaines ressources télécoms, c’est énorme. Je préfère structurelle des choses à très court telles que l’énergie, même si dans que nous partions sur une base de terme. ce cas il est plus aisé de trouver des 5 ans. Je pense que c’est un secteur Cependant, il convient de rap- palliatifs ; ou encore la disponibilité qui a un potentiel très important, peler des facteurs externes, hors des fréquences. qui vit une profonde mutation, tant du contrôle des opérateurs, qui par les usages, comme évoqué plus impactent significativement la IC : Que répondez-vous à ceux qui haut, que par l’évolution du paysage qualité de service ou même la dis- pensent que comparativement concurrentiel. Tout ceci dans un ponibilité du service. Il en est ainsi à des pays de même niveau de cycle d’investissement soutenu avec des coupures de fibre optique, dont développement en Afrique, les la montée en débit des réseaux. Pour le nombre est significatif notam- communications via le mobile et transformer ce potentiel, accom- ment dans le Nord, relié au reste l’internet sont encore onéreuses pagner la transformation digitale du pays par une fibre linéaire vers au Cameroun ? du pays, il faut se poser les bonnes Yaoundé. Certes, les coupures de la EMB : Je leur réponds que cela questions et se donner les moyens de fibre existent partout. Mais, pour démontre que nous avons un déficit saisir les opportunités qui existent. que le client ne les perçoive pas, de communication que nous devons Il faut sans doute adapter la régle- il faut construire des boucles de combler. Je considère votre question mentation en conséquence. Il y a un sécurisation comme c’est le cas entre comme une invite à mieux vulga- certain nombre de préjugés dont il Yaoundé et Douala. Si la fibre est riser nos offres. Il faudra que nous faut se débarrasser tels que la forte coupée entre Douala et Yaoundé, on trouvions le moyen de faciliter la profitabilité du secteur, qui est désor- peut rediriger le trafic via Bafoussam connaissance et la compréhension de mais un mythe. La valeur ajoutée pour rejoindre Yaoundé etc., et c’est ces offres. En effet, sur la base de nos globale générée par ce secteur est en transparent pour le client. Le service benchmarks, je peux vous assurer baisse, cela doit interpeller. Le poten- n’est impacté que dans les cas plus que les prix moyens des communi- tiel de développement est cependant rares de coupures simultanées sur cations, toutes offres confondues, indéniable. les axes Douala Yaoundé et Yaoundé au Cameroun, que ce soit sur la voix Entretien avec Brice R. Mbodiam N° 71 / Mars 2018
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