Campagnes solidaires - Lutter contre Amazon et son monde Pac Un ministre en plein renoncement - Confédération Paysanne
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Campagnes solidaires N° 373 juin 2021 – 6 € – ISSN 09834-9181 Mensuel de la Confédération paysanne Dossier Lutter contre Amazon et son monde Pac Un ministre en plein renoncement
Sommaire Dossier Lutter contre Amazon et son monde Vie syndicale 4 La conf’ en réseau 5 Mixel Berhocoirigoin nous a quittés – Un pilier du combat pour l’agriculture paysanne 6 Sur le terrain Actualité 7 Gel : et après ? 8 Pac Un ministre en plein renoncement 9 Nous voulons une Pac pour des territoires vivants ! 10 Viticulture Fusions sans fin dans le vin 11 Vers la fin de la réglementation des OGM ? Ami·e·s de la Conf’ 12 Les régionales et l’enracinement de la démocratie alimentaire Biodiversité 14 Les informations séquentielles numériques pour breveter la nature Agriculture paysanne 16 Céline, paysanne-sorbetière 17 De l’environnement du point de vue de l’agriculture paysanne Culture 18 Lily Zalzett et Stella Fihn Te plains pas, c’est pas l’usine – l’exploitation en milieu associatif 19 Compagnie Cipango Petit paysan tué – Une tragédie de notre temps et de nos campagnes 22 Abonnement 22 Annonces 24 Action Le Samson du mois 2 \ Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021 Les textes publiés dans Campagnes solidaires peuvent être reproduits avec indication d’origine à l’exception de ceux de la rubrique Point de vue qui sont de la responsabilité de leurs auteurs et pour lesquels un accord préalable est requis. Campagnes solidaires est imprimé sur du papier recyclé
On l’ouvre Mettre toutes nos énergies pour changer le modèle Dans moins d’un mois, les 7 et 8 juillet, nous nous retrouverons en Isère, sur la ferme de Marie-Pierre Répécaud et Pierre Berthet, pour notre congrès. Après bien des péripéties, des décalages et des changements de lieux, nous pourrons enfin tirer le bilan de deux années atypiques et surtout nous servir de ses enseignements et des combats que nous avons menés pour tracer la suite du chemin de la Confédération paysanne. Pour tracer cette suite de notre histoire et de nos luttes, nous pourrons également nous inspirer de ce que nous lègue Mixel Berhocoirigoin qui nous a quittés début mai (cf. p. 5) : une détermination de tous les instants, un sens politique aiguisé, des valeurs de respect, d’écoute, de travail et une foi dans le collectif absolument déterminante. Nicolas Girod, La base est là, les valeurs et les convictions partagées, la volonté et l’abnégation paysan dans le Jura, porte-parole national de lutter pour l’élargissement de l’agriculture paysanne et la défense de ses travailleuses et travailleurs aussi : alors n’hésitez pas à venir débattre des orientations et des propositions à pousser lors de ces deux jours ! Nous voulons des paysannes et des paysans nombreux, mieux rémunérés, plus heureux et pratiquant une agriculture porteuse de sens pour toutes et tous : sur ça, nous sommes d’accord ! Mais comment ? En activant quels leviers ? Avec quelles politiques publiques ? Avec quelles convergences et soutiens ? Autant de questions que nous souhaitons nous poser, collectivement, sans peur du débat, en respectant la diversité des points de vue et en nous appuyant les uns sur les autres. Nos combats de demain rejoignent ceux d’hier mais nous devrons peut-être les aborder différemment, les affronter autrement pour faire tomber ce mur vers lequel nous poussent les décisions politiques actuelles. Partir de la demande alimentaire pour réellement faire démocratie et établir collectivement la direction à prendre afin de répondre à cette demande, sans jamais lâcher de vue le comment produire, avec combien de paysannes et paysans, et rémunérés de quelle manière ? Voilà – pourquoi pas ? – un moyen de contourner la forteresse et de l’attaquer par un angle différent afin de continuer à l’affaiblir et la fissurer pour la faire tomber, puis reconstruire un modèle paysan sur d’autres bases et d’autres valeurs. Changer le modèle n’est pas chose simple et nécessite toujours d’établir une stratégie complète d’attaque, de proposition et de reconstruction : c’est ce que nous devons continuer à établir ensemble, en regardant et apprenant de nos aîné·es, mais également en inventant et en imaginant toujours pour garder des propositions innovantes, en capacité de répondre aux problématiques de l’ensemble du monde agricole. La Conf’ est toujours en ébullition, pleine d’idées, toujours combattante, impulsive parfois, mais toujours forte d’une diversité qui reste une richesse et un atout majeur ! Rendez-vous donc début juillet, nombreuses et nombreux, pour débattre, élaborer, bouillonner et établir nos plans. Et aussi, bien sûr, pour nous retrouver, partager quelques bières, re-refaire le monde et prendre du bon temps ensemble ! C’est ça aussi, la Conf’ ! Mensuel édité par : Abonnements : 01 43 62 82 82 Comité de publication : Maquette : Pierre Rauzy l’association Média Pays abocs@confederationpaysanne.fr Andréa Blanchin, Céline Berthier, Impression : Chevillon 104, rue Robespierre – 93170 Bagnolet Directeur de la publication : Christian Boisgontier, Michel Curade, 26, boulevard Kennedy Tél. : 01 43 62 82 82 – fax : 01 43 62 80 03 Nicolas Girod Marc Dhenin, Florine Hamelin, BP 136 – 89101 Sens Cedex campsol@confederationpaysanne.fr Rédaction : Benoît Ducasse Véronique Léon, Jean-Claude Moreau, CPPAP n° 1121 G 88580 confederationpaysanne.fr et Sophie Chapelle Michèle Roux, Geneviève Savigny N° 373 juin 2021 facebook.com/confederationpaysanne Secrétariat de rédaction : Diffusion : Anne Burth et Jean-Pierre Edin Dépôt légal : à parution Twitter : @ConfPaysanne Benoît Ducasse Dessins : Samson et Denys Moreau Bouclage : 26 mai 2021 Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021 /3
Vie syndicale La Conf’ en réseau Face à l’urgence climatique et pour l’emploi paysan La Confédération paysanne s’est mobilisée un peu partout en Sénat d’un projet de loi « climat » insuffisant pour répondre à l’ur- France, le 9 mai, aux côtés du collectif Plus Jamais ça (1), dans les gence climatique et sociale, au cœur des négociations de la future « marches climat » pour protester contre l’adoption, le 4 mai à Pac, nous, paysan·nes étions à nouveau dans la rue ce dimanche l’Assemblée nationale, d’une loi méprisant le travail et les propo- 9 mai. » sitions que la Convention citoyenne pour le climat avait présen- Trois jours avant la journée de manifestations, le collectif Plus Jamais tées l’an dernier (ici, photo dans la manif à Paris). ça avait rendu public un rapport « Pas d’emploi sur une planète « Lutter contre le dérèglement du climat, les paysan·nes en connais- morte », à lire et télécharger sur : sent la nécessité et l’urgence. C’est pourquoi, après l’épisode cli- plus-jamais.org/2021/05/06/pas-d-emploi-sur-une-planete-morte matique dramatique de gel consécutif à une période (trop) chaude (1) Collectif fondé en France au printemps 2020 par la Confédération paysanne, la CGT, la et avant une nouvelle sécheresse qui pointe déjà dans de nombreuses FSU, Solidaires, Oxfam, Greenpeace, les Amis de la Terre et Attac, rejoints ensuite par 25 régions, après le vote des député·es et à l’aube des discussions au autres organisations – plus-jamais.org Une lutte essentielle Nouveau groupe Le plus grand procès de l’histoire du verture sociale) et 112 millions d’euros pour nouvelle mandature travail détaché en agriculture s’est tenu de cotisations qui auraient échappé à la du 17 au 21 mai, devant le tribunal cor- Sécurité sociale. Pour la Confédération au Cese rectionnel de Marseille. La Confédéra- paysanne, « ce système montre jusqu’où La Confédération paysanne, la FSU et l’Union tion paysanne s’était constituée partie certains sont prêts à aller, au prétexte syndicale Solidaires formeront un groupe civile dans ce procès contre l’entreprise d’un modèle économique qui s’imposerait nommé « Alternatives sociales et écolo- de travail temporaire espagnole Terra à eux. Un modèle synonyme de concur- giques » au Conseil économique, social et Fecundis qui amène chaque année en rence déloyale et de dumping social inac- environnemental (Cese). France des milliers de travailleurs et tra- ceptables. » Pour le syndicat : « Défendre Ce groupe, tout en préservant l’autonomie vailleuses agricoles intérimaires. Dans les droits des travailleurs et travailleuses de chacune de ses organisations, entend s’in- cette affaire qui porte sur la période du monde agricole n’est pas de “l’agri- vestir pour faire du Cese un espace où des alter- 2013-2016, à la suite d’une enquête bashing”, mais une lutte essentielle pour natives puissent être prises en compte. Ses trois menée par l’Office central de lutte contre l’égalité de droits et contre les discrimi- organisations ont souvent fait cause com- le travail illégal (OCLTI), Terra Fecundis nations et l’exploitation de la main- mune en participant conjointement aux luttes est poursuivie pour « travail dissimulé » d’œuvre étrangère dans l’agriculture. C’est relatives aux questions sociales et écolo- et « marchandage » en « bande organi- pourquoi nous faisons le choix de dénon- giques. Elles sont ainsi, toutes les trois, sée ». L’entreprise est soupçonnée d’avoir cer ces pratiques et d’être partie prenante membres du collectif Plus Jamais ça ! détourné le cadre européen du travail dans les procédures judiciaires. » La nouvelle mandature du Cese a débuté le détaché pour opérer en France, alors Le parquet a requis cinq ans de prison, 18 mai. La Confédération paysanne y est qu’elle exerce une activité « habituelle, dont quatre avec sursis, contre trois diri- représentée par Marie-Noëlle Orain, ancienne stable et continue » sur le territoire natio- geants de l’entreprise de travail tempo- secrétaire générale du syndicat. Le nouveau nal. En résumé, un système d’exploita- raire espagnole, poursuivis pour avoir groupe déplore d’ailleurs que la Confédéra- tion humaine (sept euros de l’heure, pas dévoyé les règles sur le détachement des tion paysanne « ne soit représentée que par de paiements des heures supplémen- salariés. Le jugement sera rendu le une seule personne ». Cela fait l’objet d’un taires ni de congés payés, pas de cou- 8 juillet. recours. 4 \ Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021
Vie syndicale Un pilier du combat pour l’agriculture paysanne Mixel Berhocoirigoin nous a quittés rebaptiserions bien sous l’appellation Bor- des chantiers ! Tout jeune, tu as fait du théâtre, dans la nuit du 7 au 8 mai. Homme rokairigoin, et l’essentiel du parcours de en contribuant aussi à l’écriture collective de tant de combats, il fut entre notre homme serait condensé là, tout à son des textes… Puis tu as participé au syndicat autres le premier secrétaire général honneur. CDJA/FDSEA. En désaccord avec ses orien- de la Confédération paysanne. Il a eu le parcours des jeunes de son époque, tations, tu as été de ceux qu’on appelait à Tout comme lui venant du Pays 20 ans en 1972, avec une très forte envie l’époque le groupe des 40 : continuer à la basque et ancien secrétaire général de comprendre et d’agir sur son monde, et FDSEA ou construire un syndicat qui prône du syndicat, Mikel Hiribarren lui rend sur le monde. Peio Iralour, son frère d’armes une autre politique agricole, qui défend vrai- ici hommage (voir aussi p. 17). du canton de Saint-Jean-Pied-de-Port ment les petits paysans ? La décision fut dif- atteste de sa solide formation dans les mou- ficile à prendre et la détermination des agri- I l en avait encore des choses à faire, notre Mixel Berhocoirigoin. Et nous avions contribué à le dissuader de le voir par- tir pour les élections régionales de vements d’action catholique : « Tu aimais dire que le MRJC avait été pour toi une université dans les années 1965-1975. » cultrices fut décisive pour créer en 1982 la nouvelle structure syndicale ELB (3). Puis, au niveau national, tu participas à la création de la Fadear d’abord, et de la Confédéra- cette grande Nouvelle-Aquitaine. tion paysanne en 1987. Tu as été un des Nous pensions que le Pays basque, acteurs déterminant de chacune de toujours en reconstruction, aurait ces structures. De 1989 à 1993, tu besoin de ce grand bonhomme. Hélas, assurais les fonctions de secrétaire la maladie qu’on lui a découverte en général de la Conf ’. Ensuite, ce fut février, ne lui a laissé aucune issue, et Batera, combat pour revendiquer en nous l’avons remis le 13 mai à la terre Pays basque de France un départe- qu’il avait su préserver, et qui veillera ment, une chambre d’agriculture, l’of- sur lui : « Zuk lurra zaindu baituzu, lur- ficialisation de la langue basque et un rak zainduko zaitu zu. » (1) pôle universitaire. En 2005, ce fut la Le dernier hommage d’un peuple a création d’EHLG, la chambre alterna- eu lieu sur sa terre de Gamarthe, son tive du Pays basque (4), avec les procès village de toujours à tout jamais, son intentés par l’État qui furent emportés point d’ancrage permanent. C’est là par EHLG que tu présidais. Et cette der- que nous étions pour chanter au fond nière décennie, tu t’es très fortement de nos cœurs agur jauna, des cen- impliqué dans le processus de paix du taines de Basques d’abord, mais aussi Pays basque, la reconnaissance des des syndicalistes paysans de l’Hexa- victimes et surtout la libération des gone comme de toutes les provinces prisonniers basques des geôles fran- du Pays basque. À la sortie de la célé- çaises et espagnoles. » Tout ça. Et sans bration religieuse, du balcon de la doute davantage ! mairie, encore nichée sur le clocher Il faudrait des pages pour conter de l’église de Gamarthe, Maïte Aris- tous les combats que Michel a ani- tegi et Txiplas Arriaga, ses amis syn- més et accompagnés, avec les cama- dicalistes paysans des provinces de rades du Pays, et avec tous les mili- Saint-Sébastien et Bilbao, lui ont tants et militantes de France et de chanté toute la reconnaissance du Navarre, inlassable artisan de justice. peuple basque et du peuple des pay- Militant paysan infatigable, soutenu sans du monde. À partir de là, il en aura mené des com- par l’amour indéfectible de sa famille, pro- Il faut reconnaître que beaucoup de confé- bats. Jamais seul. Toujours avec les autres, fondément ancré dans l’histoire de son dérés auront souvent écorché le nom de avec le collectif. À écouter, échanger, réflé- peuple, doté d’un savoir-être et d’un savoir- famille de Michel. Les gendarmes qui l’in- chir, formuler, convaincre, agir. À travailler faire magnifiques. Nous lui disons « Bravo terrogèrent fin 2016 suite à une action de le fond des dossiers, à rédiger des notes et Chapeau ». Et lui de nous renvoyer : désarmement (2), ne parvenaient jamais à le précises et argumentées. Il nous a toujours « Atxik, atxik : ne lâchez rien ! » n prononcer ce « Berhocoirigoin ». Michel, recommandé de préparer les interventions, qui vécu là des jours d’une grande violence, même sur les sujets que nous maîtriserions (1) « Parce que vous avez pris soin de la terre, la terre s’amusait ensuite à en rapporter la scène, parfaitement, il insistait à dire qu’il fallait prendra soin de vous. » lui qui aimait tant plaisanter et savait ani- intervenir dans toutes les réunions pour (2) Le 16 décembre 2016, Mixel Berhocoirigoin avait été interpellé à Louhossoa, avec quatre autres militants de mer les moments de convivialité. Nous l’ap- porter la parole de notre collectif, syndical la paix au Pays basque, lors d’une opération de police pour pelions tous Berhoco, et il en convenait. Ce ou plus politique. empêcher la société civile de procéder à une destruction serait quelque chose comme « De la haie », Pour évoquer le parcours de vie, revenons d’armes de l’ETA, puis gardé à vue durant quatre jours. (3) Euskal herriko Laborarien Batasuna : forcément haie vivace. Ce qui résonne en aux paroles prononcées par Peio Iralour lors facebook.com/ehlaborarienbatasuna basque comme borroka, la lutte. Nous le de la cérémonie d’adieu : « Tu en as ouvert (4) Euskal Herriko Laborantza Ganbara : ehlgbai.org Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021 /5
Le ruraleur Le ruraleur Avant l’oubli Vie syndicale Il en est des rapports deman- dés par l’État, qui à un député, qui à un groupe de parlemen- taires, qui à un groupe mixte Sur le terrain de politiques et d’experts, de rester parfois dans l’histoire • Aveyron – Liberté de manifester – Le 12 mai, et les multinationales de l’agro-industrie (Yara, politique. C’est l’exception car, 150 personnes se sont rassemblées à Millau Cargill, Cofco), au détriment de l’intérêt général. » la plupart du temps, le mieux pour dénoncer une logique du profit à tout prix, pour le rapport est de plonger destructrice de notre société, exiger des moyens • Ile-de-France – Terres poubelles – Le 2 mai, rapidement dans les oubliettes pour nos hôpitaux publics et le personnel soignant, la Confédération paysanne d’Ile-de-France du temps. Le rapport sur « la revendiquer un monde d’après plus équitable, participait à une manifestation contre le projet gestion des risques en agricul- plus social et plus écologique. Une cinquantaine de « remodelage » d’une parcelle agricole ture », présenté par le député de manifestant·es, dont des militant·es de 34 hectares à Saint-Hilaire (Essonne) par apport Frédéric Descrozailles, semble de la Confédération paysanne de l’Aveyron, ont été de déblais issus des chantiers du Grand Paris. être de cette catégorie. verbalisé·es suite à cette manifestation, sur la base Les paysan·nes ont rappelé que « les terres sont Sur le fond, rien de nouveau : de vidéosurveillance. La Confédération paysanne le fruit d’évolutions pédologiques, biologiques il faudrait décharger l’État du alerte sur les dérives sécuritaires en cours et géologiques pluri-millénaires » et que système des « calamités agri- et affirme son soutien aux « amendé·es « les détruire relève du crime d’écocide ». Le cas coles », inventer des phases de Millau ». de Saint-Hilaire n’est pas isolé : dans le cadre de transition dites de « soli- des travaux du Grand Paris, une cinquantaine darité », et générer une « accul- • Aveyron – Contrefaçon – Début mai, de sites d’enfouissement où les règles et turation des risques », ce qui les Confédérations paysannes de l’Aveyron les modalités de dépôt ne sont pas respectées ont veut dire qu’il y a des assu- et nationale ont saisi l’Institut national été identifiés en Ile-de-France. rances pour cela. des appellations d’origine (Inao). Celle-ci Sur la méthode, le lecteur sera a demandé à l’entreprise Société de réviser • Maine-et-Loire – Friche agro-industrielle – surpris que le rapport fasse la présentation de son nouveau « produit », appelé Depuis 2011, 5 hectares de serres sont couverts entrer le « dérèglement cli- « bleu de brebis », afin d’éviter la confusion avec par 12 000 panneaux photovoltaïques matique » comme un élément le Roquefort Société en présentant un emballage à Bourgneuf-en-Mauges. Portée par la société nouveau permettant la logique similaire et trompeur. En décembre, la Cour Global EcoPower et financée par un fonds « d’acculturation au risque », de justice de l’Union européenne avait rendu d’investissement allemand, l’installation devait comme si une main invisible un arrêt sur une autre Appellation d’origine d’abord être couplée à la production de 200 (Dieu ? Le Marché ?) venait protégée (AOP), le Morbier, victime elle aussi tonnes de fraise par an. Plus récemment, il était donner du sens moral à l’ex- d’une copie inadmissible. Dans cette nouvelle question d’y produire de la spiruline. position aux risques. Le rap- jurisprudence, l’Europe a renforcé la protection La Confédération paysanne du Maine-et-Loire port décrit « l’augmentation des rendements » comme une des AOP, notamment contre la tromperie a toujours contesté ce projet. Le 6 mai, par loi intangible ce qui, à l’échelle des consommateurs et consommatrices. un communiqué, elle a tenu à souligner la mise française, est démenti. Les ren- en liquidation judiciaire en début d’année dements sont hétérogènes et, • Pyrénées-Orientales – Projets d’un autre de Global EcoPower : « Depuis le départ, au mieux, dans certaines temps – La Confédération paysanne des P.O. cette situation souligne les dérives d’un modèle régions stagnent. Cela fait par- a choisi la fête de la cerise de Céret, destructeur créant des friches industrielles en lieu tie du diagnostic de définition les 15 et 16 mai, pour lancer une campagne et place de terres agricoles : la liquidation de Global des zones intermédiaires et d’information et d’opposition à un projet local EcoPower est encore une preuve lamentable c’est même un curseur de leur de pont et d’aménagements routiers. La réalisation de ce que nous dénonçons depuis crise (1). du projet artificialiserait directement plusieurs années. » Enfin, comme toujours, il faut et indirectement des hectares de terres agricoles, se soucier de l’eau. Le rapport ouvrant l’accès à de nouvelles zones d’urbanisation. • Manche – Pesticides interdits – Du 19 au salue l’approche interministé- Il accélérerait aussi la réalisation d’un golf qui 21 mai s’est tenu à Coutances (Manche) le procès rielle de la question, « de nature s’avérera, lui, en prime, très gourmand en eau dans de dix producteurs de carottes et de trois à sécuriser les projets et à apai- une région où la ressource n’est guère abondante. intermédiaires. Ils comparaissaient devant ser les tensions par une défini- le tribunal pour avoir fait usage ou commerce tion des principes de gouver- • Occitanie – Méga-port – Le 25 mai, les Amis de la de dichloropropène, un pesticide interdit, et d’ainsi nance territoriale ». Enveloppez Terre France et la Confédération paysanne avoir utilisé des moyens illicites pour et pesez, il n’y a plus rien à d’Occitanie ont déposé un recours contre une concurrence déloyale vis-à-vis des autres voir : l’approche interministé- le méga-projet de Port-la-Nouvelle (Aude) producteurs et productrices. La Confédération rielle a déjà résolu la question et sa privatisation: « Celle-ci prévoit paysanne de la Manche faisait partie et personne ne s’en était rendu un développement massif du trafic d’engrais azotés des plaignants et se bat aussi pour que soit mis fin compte. Sauf M. Descrozailles, de synthèse (de 10000 tonnes par an à la distorsion de concurrence des carottes bien entendu. à 700000 tonnes par an en 2035) et de céréales, importées d’Espagne et traitées encore, en dépit des engagements pour le climat et dérogatoirement, au dichloropropène. Le procureur (1) Rapport CGAER : agriculture.gouv.fr/etude- la souveraineté alimentaire du gouvernement et de la de la République a requis des peines d’amendes, lagriculture-dans-les-zones- région. Les seuls bénéficiaires de ce projet d’un autre entre 8 000 euros et 100 000 euros. Le jugement intermediaires-et-faible-potentiel- temps seront le consortium privé Semop Nou Vela sera rendu le 1er septembre. difficultes-ressources-et- dynamiques-à-l’horizon-2030 6 \ Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021
Écobrèves Écobrèves Actualité Gel Groupama estime que le gel d’avril lui coûtera plus de Gel : et après ? 100 millions d’euros. « On est sur un événement dont l’inten- Le gel d’avril a été d’une intensité et d’une expansion géographique rarement vues jusqu’à sité sera probablement plus éle- présent. Il convient de ne pas considérer cet événement comme exceptionnel, mais bel et bien vée que celle qu’on avait connue comme une des nombreuses manifestations du changement climatique qui se répéteront à en 2017 », a indiqué, le 5 mai, la directrice « marché agri- l’avenir. cole » de l’assureur, « proba- blement le plus lourd depuis la I nstituts techniques agricoles et création de l’assurance récolte sociétés privées se battent pour en 2005 ». L’estimation a décrocher l’argent public qui minima repose surtout sur leur permettra de mettre en place l’évaluation des dommages en de nouvelles technologies de viticulture chez les assuré·es, « lutte contre le gel ». Mais plu- soit environ 100 000 hectares tôt que d’injecter des sommes de vignes reconnues sinistrées. mirobolantes dans des technolo- Autre donnée : près de 20 % des surfaces betteravières assu- gies qui resteront trop chères pour rées par Groupama ont solli- la majorité des fermes, la priorité cité la garantie re-semis (envi- doit être donnée à la mutualisa- ron 20 000 hectares). tion des savoir-faire paysans dis- séminés sur le territoire. En effet, Déforestation nous constatons que certain·es En Ardèche, le 8 avril. À lire en complément de cet article : La gestion des risques cli- Une quarantaine de distribu- ont pu limiter l’ampleur des dégâts matiques, une approche globale sur la ferme, un document de 4 pages téléchargeable teurs, entreprises et fédéra- sur le site confédérationpaysanne.fr ou urlz.fr/fFpb tions, surtout européennes, par des méthodes de prévention et de lutte parfois bien connues, autres événements violents qui cours du secteur. Mais cette réa- menacent le Brésil de boycot- parfois moins. En ce sens, la sonnent le glas de la dérive hors- lité ne doit pas dissimuler que ce ter ses produits agricoles s’il ne retire pas un projet de réforme Confédération paysanne a sol d’un modèle obnubilé par le sont bien les distorsions de agraire qui risque, avec une pri- demandé au Centre technique rendement financier, la logique concurrence organisées par le mar- vatisation accrue des terres, interprofessionnel des fruits et industrielle de filière, la croissance ché unique européen qui sont à d’accélérer la déforestation de légumes le déclenchement d’un et l’export. C’est sous le diktat du la source de la situation : auto- l’Amazonie. Des chaînes de programme de recherche spéci- « contrôle du sourcing » de groupe suffisants en 1990, nous ne pro- supermarchés (Aldi, Marks and fique. Il s’agit d’analyser les multinationaux que les viticul- duisons même plus la moitié des Spencer, Migros…) ont publié méthodes employées dans les teurs et viticultrices, à la fois clients fruits et légumes dont nous avons une lettre commune en ce sens, fermes sous un angle technique et fournisseurs au sein d’un même besoin en France. Relocaliser la le 5 mai. Elles s’engagent, si « en quoi ça consiste et est-ce que ça groupe coopératif, sont pris dans production, sortir des pesticides, les lois correspondantes sont fonctionne ? », territorial « est-ce un flux tendu financier et subis- retrouver la qualité gustative et adoptées, à « reconsidérer (leur) recours à la chaîne d’ap- pertinent partout ? », économique sent l’injonction mondialiste de nutritionnelle, adapter nos sys- provisionnement agricole bré- « est-ce rentable ? » et sociétal la course au rendement optimum tèmes à des conditions climatiques silienne ». La déforestation a « quelles critiques peuvent émaner et à la réduction des coûts. déstabilisées : nous ne pourrons détruit 8 426 km2 de jungle de la société civile ? » répondre à aucun de ces grands amazonienne au Brésil, en Pour autant, ni les techniques Des pertes fatales enjeux tant que nous serons entra- 2020. de prévention et de lutte contre Dans ces conditions qui ne leur vés par la logique de compétition. les effets du changement clima- laissent aucune marge de réserve C’est le sens de notre revendica- Pollution des eaux tique, ni un système d’indemni- pour affronter les aléas clima- tion de prix minimum d’entrée Plus d’un million de consom- sation efficace contre les aléas cli- tiques, les pertes d’une année ne pour les fruits et légumes impor- mateurs et de consommatrices matiques (voir fonds mutuel et peuvent être résorbées et celles tés sur le marché national, plus françaises, surtout en zones solidaire) ne seront suffisants pour cumulées sur plusieurs épisodes indispensable que jamais (1). n rurales, boivent une eau pol- assurer l’avenir des productions deviennent fatales aux produc- Emmanuel Aze, luée. C’est ce qu’a dénoncé végétales. Si cet épisode de gel a trices et producteurs impactés. La arboriculteur dans le Lot-et-Garonne, l’UFC-Que choisir, fin avril : « Les pollutions agricoles eu un impact aussi fort sur les Confédération paysanne demande Téo Boutrelle, constituent toujours les pre- fermes, c’est surtout parce que donc l’abondement impératif et maraîcher en Aveyron, mières causes de contamina- nous n’avons plus les moyens de solidaire du plan de soutien natio- Jonathan Chabert, tions : 450 000 personnes boi- constituer d’épargne pour les nal par les maillons de la filière qui maraîcher dans les Côtes-d’Armor vent ainsi une eau dépassant les années difficiles. capitalisent les rendements finan- et Mathieu Dauvergne, normes maximales en pesti- En Occitanie, les vignobles don- ciers dans des structures de négoce viticulteur dans l’Aude cides et 148 000 une eau conta- nent une lecture de l’évolution et de mise en marché, tant privées minée par les nitrates. » « Le climatique par les registres des que coopératives. coût de la dépollution des pol- (1) Publié dans le n° 343 de Campagnes soli- dates de vendange. À la fois rési- En fruits et légumes, la multi- daires, le dossier Un prix minimum d’entrée lutions agricoles représente de liente et sensible, la vigne nous plication des épisodes météoro- pour les fruits et légumes importés peut être 750 millions à 1,3 milliard d’eu- (re) lu sur le site de la Confédération paysanne ros par an, intégralement montre les effets de plus en plus logiques destructeurs participe (pages « Campagnes solidaires », puis financé par les consommateurs récurrents du gel, des grêles et également de l’effondrement en « archives ») ou sur : urlz.fr/fFvh via leurs factures », indique l’étude. Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021 / 7
Écobrèves Écobrèves Ours Actualité D’après le dernier rapport offi- ciel publié le 31 mars, 64 ours auraient été détectés dans les Pyrénées en 2020 par l’équipe dédiée de l’Office français de Pac Un ministre en plein renoncement ! la biodiversité (OFB), contre 52 en 2019. « La population Le 21 mai, la Confédération concrètes, chiffrées et ciblées, c’est lions d’euros en plus. On sait pour- est majoritairement composée paysanne a claqué la porte un rejet de nos trois grandes reven- tant que c’est une fausse solution de jeunes individus dont 81 % ont moins de 10 ans », précise du Conseil supérieur dications pour une architecture contre les effets du changement cli- l’OFB. La présence de 13 jeunes d’orientation sociale de la Pac : revalorisation du matique alors que des mesures mâles « laisse présager une et de coordination paiement sur les premiers hec- agro-environnementales (MAEC) forte augmentation à venir de de l’économie agricole tares (2), aide aux petites fermes et existantes, ambitieusement dotées, l’aire de répartition, du fait de et alimentaire (CSO), plafonnement des aides. Ce sont seraient efficaces. leur dispersion vers l’âge de 2 à au cours duquel le ministre pourtant des leviers pour déve- En démocratie, ne pas être d’ac- 3 ans ». En 2020, on a comp- de l’Agriculture, Julien lopper l’installation et l’emploi cord avec les arbitrages d’un tabilisé 369 attaques pour 636 Denormandie, présentait paysan, seule façon d’avancer réel- ministre vaut d’être traité de men- animaux d’élevage blessés ou les grandes orientations lement dans la transition agroé- teurs. Le ministre nous accuse tués. Avec 329 attaques, soit françaises de la future Pac cologique et en faveur de la sou- d’être dans la « posture ». Lui a près de 90 % du total, l’Ariège est le département « où les (2023-2027). veraineté alimentaire. La choisi l’imposture. Qui assumera dégâts liés à l’ours sont les plus convergence est aussi limitée au en 2027 le énième plan de licen- L nombreux », indique l’OFB. e syndicat paysan n’était pas strict minimum (3). ciement paysan qui découlera de seul à se retirer ainsi de la Sur les aides bovines, l’intérêt du ces arbitrages ? Requins réunion: la Fédération natio- passage d’une aide à l’UGB (4) sera Nous avons donc claqué la porte La grande distribution repré- nale de l’agriculture biologique minoré par le choix de fusion des du CSO, comme les autres orga- sente 55 % des débouchés des (Fnab), la plateforme Pour une aides lait et viande, au détriment nisations de la plateforme Pour produits bio en France, contre autre PAC, ainsi que les ONG WWF, de l’élevage allaitant, déjà en crise. une autre Pac présentes. La France 28 % pour les magasins bio Greenpeace et France Nature Envi- doit remettre dans les semaines spécialisés (dont 15 % de magasins indépendants) et ronnement (FNE) ont fait de même. Des miettes qui viennent à la Commission euro- 11 % pour la vente directe. La Mettre la souveraineté alimen- Sur l’aide aux petites fermes, dis- péenne son plan national straté- menace est grande : en 2019, taire et la transition agroécolo- positif déjà existant dans la Pac gique pour la prochaine Pac: notre 53 magasins bio indépendants gique en chapeau d’une politique sous le nom « d’aide forfaitaire détermination reste totale au nom ont fermé leurs portes. Et l’ap- qui n’évolue pas, qui tire sur les petits agriculteurs », la France s’y du monde agricole et de celles et pétit de la grande distribution mêmes ficelles : il fallait oser ! C’est refuse encore. Comme si cela ceux qu’il nourrit, comme nous grandit avec le marché qui se ce décalage qui nous a frappés répondait aux mêmes enjeux, le l’avons montré à nouveau le 27 mai développe : Intermarché est lors de la présentation par le ministre annonce une aide en nous mobilisant pour une Pac devenu actionnaire du Comp- ministre de l’Agriculture des pre- « maraîchage » de 10 millions plus équitable, sociale et pour l’em- toir de la Bio en 2018, Carre- miers arbitrages du plan straté- d’euros. Des miettes au regard de ploi paysan (cf.p.24). n four a avalé en 2016 Green- gique national (PSN) de la France l’état de la filière fruits et légumes Source : communiqué de presse du 21/5 weez, leader français de l’e-commerce bio, et Bio c’Bon, pour la Pac. en France. Son faible montant la Le ministre dit s’appuyer sur la rendra aussi très restrictive. Si les (1) Principalement avec sa Direction générale fin 2020 ; Casino est proprié- de la performance économique et environne- taire de l’enseigne Naturalia « science », mais il fait comme si modalités ne sont pas encore fina- mentale des entreprises (DGPE). depuis 2008… De redoutables tout allait bien avec la PAC actuelle. lisées, cette aide ne concernera (2) Pas de revalorisation du paiement redistri- requins. Dans une tribune parue dans Le pas l’arboriculture et serait limi- butif, bloqué à 10 % du premier pilier sur les 52 premiers hectares. Monde, le 3 mai, plus de 700 scien- tée à des fermes de 1 à 3 ou 4 hec- (3) Le principe de convergence vise à une Journalistes tifiques jugent au contraire que tares en surface totale. Les très répartition plus équitable du paiement de base menacées « les petits pas de la politique agri- petites fermes et les fermes diver- au niveau national ou régional, au sein de chaque État membre. Les journalistes Morgan Large cole commune ne suffisent plus ». sifiées, qui sont celles qui créent (4) Unité de gros bétail : et Nadiya Lazzouni, toutes La précarité alimentaire a explosé, de l’emploi, de la valeur ajoutée une vache laitière = 1 UGB. deux menacées de mort, n’au- le revenu paysan est en berne, l’ur- et œuvrent à la relocalisation, en (5) À lire ou relire notre dossier : HVE, l’illusion ront pas de protection poli- de la transition, CS n° 368, janvier 2021. gence climatique se vit quotidien- seraient alors exclues. cière. Début mai, le ministère nement dans les fermes, l’emploi Sur l’éco-régime, pas de pro- de l’Intérieur « a opposé une paysan disparaît encore et encore, gressivité comme nous le deman- CSO fin de non-recevoir à la mais Julien Denormandie propose dions. Aussi tout le monde y aura Le Conseil supérieur d’orientation demande de protection poli- de ne rien changer à la principale accès même en gardant les pra- et de coordination de l’économie cière » formulée par le Syndi- agricole et alimentaire (abrégé cat national des journalistes politique agricole et alimentaire. tiques actuelles. Le greenwashing est CSO, pour Conseil supérieur (SNJ) et l’ONG Reporters sans Il dit faire le choix de la « stabilité », bien à l’œuvre puisque les certifi- d’orientation) est une commis- frontières. Morgan Large, qui et se dit satisfait que 55 % des aides cations en bio et en Haute valeur sion consultative placée auprès du enquête régulièrement sur le aillent à 20 % des agriculteurs et environnementale (HVE de niveau ministre de l’Agriculture. Y siègent milieu agricole breton, avait agricultrices, assumant donc les 3) sont mises au même niveau (5). principalement les représentant·es porté plainte le 13 avril après inégalités et même que certain·es Quant à la principale augmen- des syndicats agricoles, de l’agro- avoir constaté fin mars qu’une n’aient absolument rien ! tation du second pilier de la Pac, industrie, de la distribution et des roues arrières de son véhi- Malgré des mois de travail avec elle concerne l’assurance récolte, d’ONG œuvrant dans ce champs cule avait été partiellement le ministère (1), de propositions si chère à la FNSEA, avec 36 mil- de compétence. déboulonnée. 8 \ Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021
Écobrèves Écobrèves Actualité Répression en Colombie Le 28 avril, la population colom- bienne a manifesté son refus de Nous voulons une Pac pour la réforme fiscale proposée par le président, Ivan Duque. Cette des territoires vivants ! réforme, qui épargnait les plus riches et visait à faire payer la crise économique aux plus Initiée par la Confédération campagnes vivantes, des territoires Poursuivre une politique agri- modestes, s’est heurtée dans paysanne, cette tribune, à même de relever les défis du cole commune déconnectée du tout le pays à une vague de publiée fin mai, est cosignée XXIe siècle, notamment alimen- revenu et de l’emploi paysans, protestation telle que le projet par des élu·es locaux taire et climatique. accélératrice de l’agrandissement, a été retiré et que le ministre de diverses orientations Les outils pour cette Pac plus aggraverait l’hémorragie des ter- des finances a démissionné. politiques et de toutes sociale existent déjà. Mis en œuvre, ritoires ruraux et fragiliserait l’au- Mais le gouvernement colom- les régions françaises ils auraient des effets bénéfiques tonomie alimentaire et la santé de bien a décidé de répondre à ce métropolitaines. sur l’économie et l’environnement l’ensemble de la population. La large mouvement social par la de notre pays. situation sanitaire actuelle nous répression et la terreur poli- E n tant qu’élu·es de collectivi- Monsieur le ministre de l’Agri- démontre d’autant plus l’urgence cière. Selon les ONG locales tés locales (maires, intercom- culture, Monsieur le Président de de prendre une autre direction. et les représentants de l’ONU, munalités, conseillers dépar- la République, nous vous deman- Une Pac sociale est la garantie de on comptait déjà au 5 mai tementaux et régionaux), en tant dons d’entendre notre appel et de territoires ruraux plus attractifs, de 37 homicides commis par la que parlementaires, attentives et les appliquer. reconnexion plus forte entre agri- police, 222 blessés sévères, vic- attentifs à nos circonscriptions et à culture et alimentation par une times de violences policières, nos administré·es, nous attachons Soutenir réponse plus adaptée aux besoins et plus de 830 arrestations. Les beaucoup d’importance aux poli- les petites fermes alimentaires locaux et plus ver- protestations ont afflué du tiques publiques dédiées à l’agri- Nous voulons une Pac qui sou- tueuse pour l’emploi dans les monde entier mais le climat dans le pays est resté délétère culture et l’alimentation qui ont des tienne les femmes et les hommes industries agroalimentaires, les tout au long du mois de mai. effets directs sur l’aménagement de qui auront la capacité de mettre services publics, les entreprises et En 2020, l’ONG Indepaz avait nos territoires, leurs paysages et leur en œuvre la relocalisation, la sou- les commerces de proximité. signalé l’assassinat de 310 diri- tissu socio-économique. veraineté alimentaire et la transi- Monsieur le ministre de l’Agri- geants sociaux, indigènes, afro- Aujourd’hui, la Pac, la politique tion agroécologique : soutenez les culture, Monsieur le Président de la colombiens, paysans, membres européenne pour l’agriculture et petites fermes, qui ont des retom- République, pour l’avenir, faites de de la communauté LGBT et de sa déclinaison française, le Plan bées positives en termes d’emploi, la Pac une politique sociale et éco- 64 signataires de l’accord de stratégique national, sont en train d’accès à une alimentation de qua- nomique ambitieuse qui permette paix en 2016. de dessiner la vie de nos cam- lité et de proximité et de préser- à de nombreux paysans et pay- À lire sur Bastamag: urlz.fr/fCxA pagnes, l’alimentation de nos vation des ressources naturelles sannes de s’installer et de s’ancrer citoyennes et citoyens. sur nos territoires. sur nos territoires. Faites qu’ils et elles Référendum Ce que nous voulons pour cette Nous voulons une Pac qui redis- soient reconnues pour les services en Suisse politique agricole commune, c’est tribue les fonds publics et mette rendus à l’ensemble des citoyennes Le 13 juin, les électrices et élec- qu’elle permette enfin d’avoir des un frein à l’agrandissement qui et citoyens Il en va de la légitimité teurs suisses pourront se pro- paysannes et des paysans nom- vide les territoires et appauvrit les démocratique de la Pac et de sa noncer sur cinq lois et réfé- breux, c’est un soutien aux paysannes et paysans ainsi que réponse aux enjeux d’intérêt géné- rendums, dont une initiative emplois agricoles plutôt qu’aux nos paysages : plafonnez les aides ral cruciaux pour nos territoires. n visant à interdire l’ensemble surfaces (et les volumes de pro- pour mieux redistribuer et ren- des produits phytosanitaires, ductions), à l’opposé des Pac des forcez la valorisation des premiers Signataires tous usages confondus, dans décennies passées qui ont toutes hectares ! À la veille du bouclage de ce numéro, le pays à l’horizon 2030. L’ini- conduit à la disparition de nom- Nous voulons une Pac qui favo- cette tribune a recueilli les signatures tiative a été lancée par un breux paysans et à la spécialisa- rise l’emploi, crée de la valeur ajou- d’un millier élus locaux, dont plus groupe de citoyen·nes de Suisse tion des territoires. tée et du revenu paysan car c’est une de 350 maires de tous les territoires romande comprenant « des Ce que nous voulons via cette opportunité économique et sociale métropolitains (de grandes com- viticulteurs, des médecins et réforme de la Pac, ce sont des majeure pour nos territoires. munes comme Grenoble, en Isère, des scientifiques ». Les son- à de plus petites comme Preybel- dages donnaient en mai l’ini- Christ, dans le Finistère, Campel, tiative gagnante d’une courte dans l’Indre, ou Saint-Genès-la- majorité mais la tendance s’an- Tourette et ses 175 habitant·es, nonçait moins favorable avec dans le Puy-de-Dôme). L’ont éga- le temps. « Le soutien diminue, lement signée une centaine de et je crains que l’initiative conseillères et conseillers régionaux n’aboutisse pas. Comme sou- ou départementaux (dont la prési- vent, en Suisse, ce sera au moins dente du conseil départemental de l’occasion de poser le débat », l’Aude et le président du conseil prévoyait David Hermann, départemental de Loire-Atlantique), porte-parole d’une association des député·es et des sénateurs et rassemblant la plupart des pro- sénatrices… ducteurs et transformateurs bio du pays. À voir. Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021 / 9
Écobrèves Écobrèves Retraites Actualité Le député André Chassaigne (PC) a déposé, le 29 avril, une proposition de loi (PPL) pour revaloriser la pension mini- male de retraite des conjoints Viticulture Fusions sans fin dans le vin collaborateurs et aides fami- liaux. Le texte sera examiné Toujours plus gros : la fusion Comment croire à cette impos- quantités industrielles de produits en séance plénière le 17 juin. des groupes « coopératifs » ture quand des opérateurs privés emmagasinés, « travaillés » et ven- Il propose trois leviers d’ac- InVivo et Vinadeis (voir vendent déjà à 1,50 euro la bou- dus loin, très loin des lieux de tion : « réviser les conditions encadré) est présentée teille en Chine (1) ? Va-t-on aller production, le doute est permis de d’attribution de la pension comme une nouvelle plus bas ? La défiance, avec cette leur authenticité d’origine. majorée de référence » ; élar- propulsion sur la scène fusion, c’est qu’elle va consacrer Cette fusion continuera de bana- gir « l’accès du complément internationale pour affronter le vin comme produit industriel liser le vin comme les autres bois- différentiel de points de retraite le commerce mondial du vin. bas de gamme, sans aucune réfé- sons industrielles. Nos terroirs ne complémentaire obligatoire rence culturelle. Or c’est bien cela seront plus que des espaces de I aux conjoints collaborateurs et l ne faut pas se tromper : cette aussi l’erreur, et même la faute. production anonymes, sous per- aides familiaux » ; limiter la nouvelle structure regroupant Nos vignobles languedociens, fusion d’engrais et de traitements durée du statut de conjoint Vinadeis, le secteur viticole d’In- voire français, ne pourront garan- phytosanitaires volumineux. Déjà, collaborateur à 5 ans, dès le Vivo et toutes leurs composantes tir une différence, un revenu, que en 2017, le secteur de Lézignan- 1er janvier 2022, « sans (tou- et marques, n’a comme option si leurs vins sont élevés à la hau- Corbières, dans l’Aude, était la tefois) remettre en cause les réelle que de tirer les prix des vins teur d’œuvres d’art. Comment les deuxième région française ayant vers le bas pour concurrencer les faire aimer s’ils ne s’apparentent acheté le plus de phytos : situations déjà acquises ». C’est grands opérateurs étrangers. Et à pas, avec toutes les émotions qu’ils 181 tonnes (2) ! la troisième PPL sur le sujet ce jeu d’hypocrisie, les vigneronnes contiennent, à un tableau de En 2009, le président du syndi- déposée ces dernières et vignerons continueront d’être Renoir ou une musique de cat des vins du Pays d’Oc écrivait semaines au Parlement. La perdants. Car comment produire Debussy ? Et de donner ainsi un son ambition : « Pour que les vignes Conf’ invite les députés André moins cher face à des vignobles sens au labeur vigneron. produisent beaucoup, il leur faut un Chassaigne, Jacqueline Dubois industriels qui n’ont pas les mêmes Dans cette fusion, les vignerons sol fertile, irrigué et fertilisé, ainsi et la sénatrice Nadia Sollo- normes et coûts de production ? et les vigneronnes tombent au plus qu’une multiplication de traitements goub à « coordonner leurs ini- Déjà, l’Uccoar, l’une des deux bas de leur espérance de survie phytosanitaires. » (3) Bientôt, dans tiatives » (cf. CS n° 372). entités mères de Vinadeis, implante professionnelle et de reconnais- le Narbonnais d’abord, on va tes- Laisse pas béton des vignobles dans le Lauragais, sance sociétale. ter l’irrigation des vignes avec de Dix-huit mois après l’abandon entre Toulouse et Carcassonne, l’eau des stations d’épuration ! du projet de mégacomplexe pour produire à bas prix et hauts Une structure L’amont et l’aval de la viticulture EuropaCity, le premier ministre rendements des vins rosés avec labyrinthique ont perdu la raison, leur âme et Jean Castex a annoncé, le 7 mai, irrigation, engrais de synthèse, pes- et incompréhensible les vigneron·nes leurs espoirs, pro- la bétonisation d’une centaine ticides, taille mécanique et désher- Cette fusion engendre une struc- pulsé·es au beau milieu de nulle d’hectares des terres fertiles de bage total. Des implantations dans ture labyrinthique, incompré- part. Gonesse, au nord de Paris. La des terres fertiles qui vont rem- hensible par le vigneron ou la À quand des vignes sur la Lune Semmaris, société gestionnaire placer la culture du blé et mettre vigneronne de base qui devra se et des cavistes sur Mars ? n du Marché de Rungis, souhaite à mal notre sécurité alimentaire. contenter de se taire. C’est une Robert Curbières, vigneron retraité implanter une extension de Est-ce cela les défis de l’innova- aliénation du principe coopéra- dans l’Aude Rungis sur des terrains le long tion, de l’environnement et du tif, de la démocratie coopérative. marketing que compte relever cette Adieu aux références des appel- (1) L’Indépendant, 06/12/2017. de la route de Roissy, bien des- (2) Médiapart, 4/7/2019. servis par le réseau routier. Évi- fusion, selon les termes de Joël lations, bonjour à la publicité des (3) Bulletin du syndicat du Pays d’Oc de demment, le projet est annoncé Castany, président de Vinadeis ? marques ! Quand on manipule des février 2009. comme « vert » ou quasi, même s’il est très loin de la cohérence Géants du projet Carma porté par les Union nationale de coopératives citoyen·nes. Le combat pour agricoles, l’entité qui s’appelle sauver les terres agricoles de InVivo depuis 2001 n’a cessé de Gonesse continue donc – grossir depuis sa première fusion, ouiauxterresdegonesse.fr en 1945. Neuf groupes coopératifs adhèrent à son pôle vin, aujourd’hui Des chiffres dénommé Cordier by InVivo. Situés 1 023 : c’était le nombre d’uni- dans différents terroirs (Bordeaux, tés de méthanisation en France, Rhône, Sud-Ouest, Languedoc, fin 2020. Les régions Hauts- Beaujolais), ces neuf groupes ras- de-France et Grand Est cumu- semblent 3 600 vigneron·nes et lent 30 % de la production 25 000 hectares de vignes. En 2021, c’est Cordier by InVivo qui nationale de « biométhane ». fusionne avec Vinadeis et ses En moins de 10 ans, la capa- En 2018, l’export représentait un tiers de l’activité commerciale globale de Vinadeis, ancien groupe Val d’Orbieu-Uccoar, premier producteur de vin du Languedoc. 1 500 viticultrices et viticulteurs. cité de production a été mul- tipliée par 43 ! 10 \ Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021
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