Campagnes solidaires La Scop, pour un autre statut paysan ? - Confédération ...
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Campagnes solidaires Mensuel de la Confédération paysanne N° 367 décembre 2020 – 6 € – ISSN 945863 Dossier La Scop, pour un autre statut paysan ? Covid Les productions de Noël ne sont pas à la fête
Sommaire Dossier La Scop, pour un autre statut paysan ? 4 Vie syndicale Actualité 6 Covid Les productions de Noël ne sont pas à la fête 8 Agriculture et alimentation Une loi pour rien 9 France Relance Un plan sans réelle impulsion sociale et écologique 10 Abattage à la ferme : un nouveau projet au Pays Basque 10 Lactalis, une firme sans foi ni loi 11 Agriculture et énergie Un projet démesuré à l’encontre de l’intérêt des paysan·nes 12 Tribune Enseignement agricole public : la représentation nationale doit prendre ses responsabilités… maintenant ! Point de vue 13 Covid Une gestion de la crise très loin des valeurs paysannes Internationales 14 Pour d’autres échanges commerciaux Agriculture paysanne 16 Les Volonteux, une ferme coopérative Ami·e·s de la Conf’ 18 Quand les Ami·e·s soutiennent un projet d’installation Culture 19 Geoffrey Couanon Douce France 19 Nyko Leras Vincent, paysan engagé 21 Annonces 21 Abonnement Le Samson du mois À nos lectrices et lecteurs Comme bien d’autres activités, la rédaction, la fabrication et la diffusion de Campagnes solidaires sont perturbées en ces temps de coronavirus et de reconfinement. Nous n’avons pas ainsi pas pu passer tous les textes à une relecture attentive, traquant la faute dans les moindres recoins de ce numéro. De ce fait, quelques coquilles se sont sans doute « planquées » dans nos articles : nous vous prions de bien vouloir nous en excuser. Merci pour votre compréhension et pour votre fidélité. Le comité de publication de Campagnes solidaires 2 \ Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020 Les textes publiés dans Campagnes solidaires peuvent être reproduits avec indication d’origine à l’exception de ceux de la rubrique Point de vue qui sont de la responsabilité de leurs auteurs et pour lesquels un accord préalable est requis. Campagnes solidaires est imprimé sur du papier recyclé
On l’ouvre Résister Nous vivons le deuxième confinement de l’année 2020 et il n’est pas aisé d’avoir une réaction simple par rapport aux mesures qui nous sont imposées pour lutter contre la pandémie, quand bien même Hippocrate a écrit que « le médecin doit à tout prix éviter le remède si le remède nuit à son patient ». Oui, cette nouvelle maladie n’est pas plus tueuse que la pollution ou les cancers, et les chiffres dont on nous inonde quotidiennement ne permettent pas d’objectiver la situation sanitaire. Oui, une alimentation de qualité, et donc l’agriculture paysanne, est un moyen de s’en préserver en réduisant les pathologies et en développant nos capacités immunitaires. Oui, comme beaucoup d’entre vous, nous nous inquiétons de cette gestion de la pandémie qui, en n’intégrant que les seuls critères sanitaires et économiques, entraîne un recul de la démocratie, un affaiblissement de nos relations sociales, la fragilisation des personnes âgées coupées de leur famille, la mort à petit feu des milieux associatifs, sportifs, culturels ; bref, la négation de tout ce qui nous responsabilise, nous émancipe, donne du sens à notre vie, fait notre humanité. Oui, investir dans l’hôpital public est une nécessité à laquelle nos gouvernements ont renoncé depuis trop longtemps et doit donc nous mobiliser avec l’ensemble du mouvement social. Mais vu l’afflux important de malades nécessitant des soins urgents et l’incapacité hospitalière à répondre à toutes et tous sans devoir accepter l’inacceptable – laisser mourir des personnes faute de soins suffisants et imposer au personnel soignant la terrible pression du tri des patient·es – nous préférons, faute de mieux, accepter ces reculs temporaires tout en restant lucides sur les leviers politiques et économiques à engager urgemment pour ne plus jamais revivre ça, et surtout empêcher une atteinte permanente à nos libertés. Cela ne signifie pas pour autant se laisser imposer sans lutter les choix de production et de consommation tournés de manière unilatérale vers une industrialisation de plus en plus prononcée, inacceptable et à terme beaucoup plus mortifère. Résister, c’est continuer à faire notre travail syndical de lutte, de réflexion et de production d’idées nouvelles à même de construire une autre façon de vivre, produire et faire vivre nos pays malgré les obstacles et malgré les dissensus ou divergences de lecture concernant la gestion de cette crise. Résister, c’est continuer à projeter des réunions, des actions, des formations malgré les risques d’annulation. Se censurer serait faire le jeu du gouvernement qui, depuis le début du mandat présidentiel, profite de toutes les occasions pour discréditer et amoindrir les contre-pouvoirs, élu·es locaux, parlementaires, partis politiques, syndicats, monde associatif… Résister, c’est avoir la capacité d’évaluer les risques, de choisir sa façon de s’y exposer ou non, tout en respectant les autres. Le secrétariat national de la Confédération paysanne Mensuel édité par : Abonnements : 01 43 62 82 82 Comité de publication : Maquette : Pierre Rauzy l’association Média Pays abocs@confederationpaysanne.fr Christian Boisgontier, Michel Curade, Joël Impression : Chevillon 104, rue Robespierre – 93170 Bagnolet Directeur de la publication : Feydel, Florine Hamelin, Véronique Léon, 26, boulevard Kennedy Tél. : 01 43 62 82 82 – fax : 01 43 62 80 03 Nicolas Girod Jean-Claude Moreau, Michèle Roux, BP 136 – 89101 Sens Cedex campsol@confederationpaysanne.fr Rédaction : Benoît Ducasse Geneviève Savigny CPPAP n° 1121 G 88580 confederationpaysanne.fr et Sophie Chapelle Diffusion : Anne Burth N° 367 décembre 2020 facebook.com/confederationpaysanne Secrétariat de rédaction : et Jean-Pierre Edin Dépôt légal : à parution Twitter : @ConfPaysanne Benoît Ducasse Dessins : Samson et Rodho Bouclage : 24 novembre 2020 Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020 /3
Vie syndicale Jérôme Laronze n’aura jamais 40 ans Le 20 novembre, la Confédération paysanne de Saône-et-Loire appelait à manifester à Mâcon, 3 ans et demi après la mort de Jérôme Laronze, éleveur du département, adhérent de la Confédération paysanne, abattu par des gendarmes le 20 mai 2017 à la suite d’un nou- veau contrôle administratif sur sa ferme. Le porte-parole national de la Confédération pay- sanne, Nicolas Girod, était présent, ainsi que le porte-parole régional, Jérôme Gaujard. La manifestation, en lien avec la famille, dénonçait l’irrégularité des contrôles opérés les 4 juin 2015, 6 et 22 juin 2016. Irrégularité qui a été confirmée par un jugement du tri- bunal administratif de Dijon. Par un jugement en date du 28 février dernier, le tribunal qualifie les contrôles réalisés ces jours-là par la Direction départementale des territoires (DDT), avec la complicité de la gendarmerie de Cluny, de « procédure administrative de contrôle irrégulière ». Le tribunal juge que, lors de ces contrôles, les agents et gendarmes se sont affranchis du respect des règles de procédure visant à garantir le respect du domicile de la personne contrôlée. Selon la réglementation, une visite au domicile d’une personne contrôlée ne peut être réalisée qu’avec son accord ou, à défaut, avec l’autorisation du juge des liber- tés et de la détention et en présence d’un officier de police judiciaire. Le tribunal administratif de Dijon a constaté que le préfet n’a démontré ni l’accord de Jérôme Laronze pour une visite de son domicile – où se trouvaient les documents administratifs de l’exploitation, dont le registre d’élevage – ni avoir obtenu une autorisation du juge. Il a donc conclu à l’irrégularité de la procédure de contrôle et annulé la réduction des aides Pac des années 2015 et 2016. Ce jugement est aujourd’hui définitif. Cette décision claire et sans appel du tribunal administratif est déterminante. Elle doit permettre de relancer l’instruction sur la mort de Jérôme. Le combat pour la vérité et la justice continue. Le 13 novembre, Jérôme Laronze aurait eu 40 ans. La Conf’ en réseau Martinique : pour une reconnaissance de Revoir le volet « abattoirs » du plan de relance l'impact du chlordécone sur la population Le volet abattoirs du « plan de relance économique de la France de 2020- Le 7 novembre, le collectif Lyannaj Pou Dépolyé Matinik (Col- 2022 » risque de profiter aux grands industriels, sans améliorer suffisamment lectif pour la dépollution de la Martinique) – dont fait partie l’Or- la protection animale, le maillage territorial et les conditions de travail, affir- ganisation patriotique des agriculteurs de Martinique (Opam, ment, le 4 novembre, sept organisations de salariés, agriculteurs et défenseurs membre de la Confédération paysanne) – manifestait à Fort-de- des animaux d’élevage. « C’est une nouvelle occasion manquée de faire évo- France, malgré le confinement. Le but : soutenir un militant pour- luer le secteur de l’abattage », estiment dans un communiqué du 4 novembre suivi devant le tribunal de la ville suite à une manifestation en la Confédération paysanne, le syndicat de salariés Fnaf-CGT, la Fnab (producteurs juillet (procès reporté au 17 mars) et rappeler ses revendications, bio) et quatre associations travaillant sur le bien-être des animaux d’élevage. dont la dépollution des terres empoisonnées au chlordécone, l’in- Les signataires redoutent que ce plan devienne « une opportunité offerte à demnisation des petits paysans dont les terres ont été polluées ceux qui dominent la filière pour faire financer leurs investissements de routine et l’accompagnement aux reconversions. par l’État et renforcer encore leur compétitivité au détriment des abattoirs de Le chlordécone est un pesticide utilisé en Guadeloupe et en proximité ». Ils proposent « que seuls soient éligibles à ce financement les Martinique à partir de 1972. Jusqu’en 1993, les bananeraies en investissements destinés à la protection animale, au renforcement du maillage ont été aspergées pour lutter contre le charançon de la banane. des abattoirs de proximité et à l’amélioration des conditions de travail » et « que Mais le chlordécone est un perturbateur endocrinien, un poison la création d’abattoirs fixes de proximité soit aussi accompagnée par ce plan de violent aux graves conséquences sur la santé humaine. La Mar- modernisation, afin de relocaliser les outils d’abattage dans les zones où ils font tinique détient ainsi le record du monde de cancers de la pros- défaut ». tate, avec 227 nouveaux cas pour 100 000 hommes chaque année. La Guadeloupe est elle aussi très touchée par cette mala- Stopper Amazon avant qu’il ne soit trop tard die. Le chlordécone augmente également le risque de préma- Les 120 signataires de la tribune publiée le 16 novembre par France Info font turité et d’effets négatifs sur le développement cognitif et le constat d’une « crise sans précédent qui a une nouvelle fois révélé les pro- moteur des nourrissons, une réduction de la fertilité, une mul- fondes inégalités de notre société ». Pendant que « les premiers de corvées tiplication exponentielle des cancers du sein et des ovaires… risquent leurs vies au quotidien » et alors que « des dizaines de milliers de Un rapport parlementaire de 2019 déclare : « La responsabilité personnes ont perdu ou vont perdre leur emploi, et qu’un million de personnes de l’État est avérée, malgré les remontées de terrain (…), l’État a supplémentaires sont passées sous le seuil de pauvreté en France », le géant poursuivi les autorisations de vente du chlordécone, jusqu’en du e-commerce a vu ses ventes « exploser » en 2020, et la fortune de son 1993. » Interdit dès 1976 aux États-Unis, son autorisation de PDG Jeff Bezos dépasser les 200 milliards de dollars. 100 000 emplois sont vente en France ne fut retirée qu’en 1990 et son utilisation s’est menacés en France et des dizaines, voire des centaines d’hectares de terres encore poursuivie aux Antilles. Un scandale pour lequel les agricoles pourraient être détruits pour l’implantation d’entrepôts de la firme Antillais·es réclament justice. (certains projets sont déjà lancés). La tribune sur : urlz.fr/efSN 4 \ Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020
Vie syndicale La Conf’ a dit Une taxe sur les bénéfices dement défendu par ces députés demande par le CE ou les multinationales semen- des GMS que ce crédit d’impôt soit rétroactif et béné- cières ? Le 2 novembre, lors d’une réunion de tra- ficie aussi à celles et ceux qui se sont déjà Pendant que le gouvernement et les vail avec Julien Denormandie, le ministre de engagé·es dans cette certification ! » Nous semenciers jouent la montre, les colzas l’Agriculture, la Confédération paysanne a reviendrons sur le bluff de la HVE dans le OGM illégalement cultivés et les herbicides proposé que « s’ouvre rapidement une dossier de notre prochain numéro. associés à leur culture contaminent de réflexion pour élaborer une taxe sur les manière irréversible les autres cultures, la bénéfices générés par la grande distribu- Combien de temps un Premier biodiversité sauvage, les sols, l’eau et notre tion durant les périodes de confinement ». ministre peut-il contrevenir alimentation. L’île de Tasmanie vient ainsi « Elle pourrait servir à l’indemnisation des aux injonctions du Conseil d’indiquer que des repousses de colza « perdants », notamment toutes celles et d’État ? OGM sont encore présentes sur son sol ceux dont les productions sont tournées C’est la question que la Conf’ a posé dans alors que les quelques expérimentations vers des produits festifs et saisonniers qui un communiqué de presse, le 17 novembre. qui s’y sont déroulées sont stoppées depuis seront très lourdement impactés ». En février dernier, le Conseil d’État (CE) a 20 ans ! enjoint au Premier ministre d’interdire les La Confédération paysanne appelle le Pre- HVE : un « hold-up » variétés cultivées et commercialisées en mier ministre à exécuter immédiatement desservant l’agroécologie France en infraction à la réglementation les injonctions du Conseil d’État. Par un communiqué du 10 novembre, la sur les OGM. Cela concerne notamment Confédération paysanne a demandé aux toutes les variétés de colza Clearfield de Néonicotinoïdes : décrypter député·es de ne pas voter l’amendement BASF rendues tolérantes aux herbicides. L’interdiction des néonicotinoïdes n’était prévoyant un crédit d’impôt pour la certi- Le 4 novembre, soit trois jours avant la fin pas responsable des problèmes rencontrés fication Haute Valeur Environnementale de l’échéance fixée par le CE, l’Union Fran- par les productrices et producteurs de bet- (HVE) dans le cadre du projet de loi de çaise des Semenciers (UFS) a « souhaité », teraves à sucre et la réautorisation en 2021 finances (PLF) pour 2021. Dénonçant « une par voix de presse, une « adaptation régle- de leur utilisation est bien un scandale. Les certification qui n’a que l’apparence de la mentaire » permettant de ne pas appliquer mensonges de la Confédération générale transition agroécologique », le syndicat cette injonction. Après avoir refusé de publier des planteurs de betteraves (CGB, filiale de assure que « certain·es certifié·es se van- dans les temps (le 7 août) le décret exigé la Fnsea) et ceux des responsables des filières tent d’ailleurs d’avoir obtenu cette labelli- par le CE et destiné à identifier les techniques françaises du sucre et des agrocarburants sation “sans rien changer à leurs pratiques !”». de mutagenèse pouvant être exemptées de sont décryptés, chiffres et schémas à l’ap- Sur la forme, la Conf’ déplore que la mesure ces obligations, le Premier ministre n’a pas pui, dans un document de quatre pages ait été adoptée par la voie d’un amende- non plus publié la liste des variétés de colza publié début novembre par la Confédéra- ment, une procédure ayant « l’avantage de CL non exemptées. On peut légitimement tion paysanne. ne pas requérir d’étude d’impact et de se se demander qui commande à Matignon : Un document à lire et télécharger sur : faire dans la discrétion ». De plus, « l’amen- la loi votée par le Parlement et confirmée urlz.fr/ecGc Soutien à EHLG Partenariat Euskal Herriko Laborantza Ganbara (EHLG) est une association de développement agri- cole et rural, une « chambre alternative » Amnesty International pour l’agriculture du Pays Basque. Du 12 au Chaque année en décembre, autour de la Journée internationale des droits de l'homme 15 novembre, elle devait organiser sa 15ème édition de Lurrama, la très populaire et fré- du 10 décembre, Amnesty International France concentre son action sur des situations quentée vitrine de l’agriculture paysanne individuelles des violations des droits humains emblématiques des combats qui sont basque. Mais, à cause du Covid-19, cette menés dans la durée. édition a été annulée sous sa forme habi- 10 Jours Pour Signer est une campagne mondiale d'Amnesty International qui porte l’at- tuelle. tentio sur 10 cas emblématiques, 10 femmes et hommes jetés en prison pour leur oppo- C’est bien dommage : la thématique de Lur- sition aux pouvoirs en place. Cette année, en France, la campagne se déroule du 4 au rama 2020 – « Prenons soin du monde dès aujourd’hui » – était l’occasion pour l’asso- 13 décembre. ciation de présenter, entre autres, l’étude Parmi ces 10 cas défendus en 2020, Jani Silva qui se bat pour les droits des paysans contre qu’elle vient de mener portant sur le système l'extraction pétrolière, l'accaparement des terres et la déforestation en Colombie. Victime alimentaire depuis la terre nourricière jus- de harcèlement de la part de groupes armés, elle est aujourd'hui menacée de mort. Éga- qu’à l’assiette au Pays Basque en 2050. lement Paing Phyo Min, ancien président du syndicat étudiant de l'université de Dangon, Lurrama est une source importante de finan- au Myanmar, qui a été condamné à 6 ans de prison pour avoir critiqué l'armée… cement d’EHLG. C’est pourquoi l’associa- tion appelle toutes celles et tous ceux qui Pour signer les pétitions entre le 4 et 13 décembre : amnesty.fr/personnes le souhaitent à contribuer quand même, via Pour le résumé de chacun des 10 cas : un don, à son activité. En ligne sur : ehlgbai.org amnesty.fr/actualites/les-10-jours-pour-signer-les-situations Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020 /5
Le ruraleur Le ruraleur Quand Jeff Bezos Actualité veut réinventer le monde Jeff Bezos, patron d’Amazon, Les productions de Noël ne sont pas à la fête à des projets près du pont du Cette année, avec la pandémie du Covid-19 et les mesures mises en place pour éviter sa propagation, Gard, à Nantes, à Lyon, à dont les confinements, nombre de productions agricoles ont vu leurs ventes entravées. En cette fin Rouen… Partout des plate- d’année, c’est particulièrement le cas des productions dites « festives ». Témoignages. formes logistiques s’installant sur des superficies proches des 20 hectares. Châtaignes à la peine de Noëls, événements majeurs pour écouler la partie transformation Bezos, dont la fortune person- La récolte de châtaigne a été calibre ; par chance, la qualité des (confiture, crème, farine…) ; mais nelle dépasse les 200 milliards de dollars, s’est fait les dents plutôt bonne cette année en fruits est partout au rendez-vous. cette année, tous ces débouchés sur le livre. Sa révolution com- Ardèche, mais l’annulation des Globalement, c’est plutôt une sont quasi inexistants. merciale est vieille comme le foires d’automne, des marchés bonne année pour la Châtaigne La châtaigne représente une part monde : vendre un peu moins de Noël et des animations tra- d’Ardèche, signe de qualité AOP (1). importante du revenu de nom- cher plus de marchandises pour ditionnelles des « grilleurs » Mais la crise du Covid et les effets breuses et nombreux paysan·nes mettre à genoux les magasins entravent fortement les ventes des confinements pénalisent gra- ardéchois·es – entre 20 et 80 % classiques. Sa technique de tri dans cette période de fin d’an- vement l’écoulement de la pro- selon les fermes, souvent celles des produits est une applica- née très importante pour de duction. des zones les plus difficiles du tion de capacités numériques nombreuses fermes du dépar- D’une part, la demande de la département. Autant dire que l’im- monstrueuses mais banale. tement. distribution (la « grande », surtout) pact de la crise du Covid est Le Covid 19 fait peur et a est orientée principalement sur important pour ces paysan·nes. poussé aux achats en ligne ? M i-novembre : la récolte se des fruits de gros calibres : or la À la Confédération paysanne de Foin des initiatives locales et termine pour la plupart Châtaigne d’Ardèche, si elle se l’Ardèche, il nous apparaît donc des solidarités : Bezos ne laisse des productrices et pro- caractérise par sa typicité et un indispensable de soutenir cette pro- pas passer l’occasion de faire ducteurs ardéchois de châtaignes. goût sucré prononcé, produit des duction pour assurer la pérennité bondir son taux de croissance Cette production est bonne au fruits de calibre moyen. des fermes et pour ne pas mettre en à deux chiffres. Le frais et l’ali- mentaire sont à portée de centre et au sud du département D’autre part, nous avons d’habi- péril un équilibre territorial et une main : pas question pour lui de mais déficitaire au nord : la séche- tude de bons débouchés sur les économie locale fragiles. n laisser ce secteur de côté. Il s’y resse y a été très marquée (une marchés de détail, les foires d’au- David Loupiac, essaye déjà en région pari- fois de plus !), doublée de cha- tomne et les animations de producteur de châtaignes en Ardèche sienne. leurs anormales en septembre. Il « grilleurs » de novembre et Après le premier déconfine- manque ici du tonnage et du décembre, sans parler des marchés (1) chataigne-ardeche.com ment, des voix ont demandé un moratoire sur ces entrepôts. Dans la majorité politique, ces « On ne s’en sort pas trop mal grâce à la diversification » voix se sont tues. Mais avec Christelle Rapée est paysanne et nous faisons deux grandes foires queront en partie en décembre, en les fermetures sanitaires impo- à Hyères, dans le Var. Au domaine aux vins qui ont été annulées. fonction de l’évolution des mesures sées aux commerces, Bezos est de Fouques, avec ses associés Ça a été mieux cet été, mais en prises pour faire face au Covid. On la personne au monde qui pro- (son père et son mari) et trois automne nous recevons beaucoup essaye d’anticiper pour vendre les fite le plus de ces mesures et salariés (et demi), elle produit du de touristes au caveau, surtout alle- volailles, en contactant les amaps, ça fait mal. vin de 22 hectares de vignes cul- mands et belges qui, avec la en passant des encadrés dans les Obligée de communiquer pour tivées en biodynamie et 3 500 deuxième vague et le reconfinement, journaux locaux… compenser son image qui se volailles par an, proposant éga- ne sont pas venus. Nous nous retrou- Quant aux gîtes, c’est bien sûr dégrade, Amazon enfume. lement 3 gîtes à la location (1). vons avec un gros stock de rosé, leur une mauvaise année puisqu’il n’y Lorsque la marque doit fermer vin préféré, sur les bras. Un vin qui pas eu de location au printemps, ses activités pour mettre en « place des mesures de protec- Dès le début, en mars, nos se garde peu et que nous essayons ni à l’automne. tion de ses salarié·es, elle pré- ventes de vin à l’exporta- actuellement de vendre en promo. Mais finalement, on ne s’en sort tend le faire par souci de sa tion, surtout vers les États- On essaie de commercialiser pas trop mal comparé à d’autres, clientèle et non pas parce Unis, se sont effondrées. L’export davantage par correspondance, via grâce à la diversification. On pense qu’elle était tout simplement représente le tiers de nos ventes notre site Internet, en enregistrant qu’il faudrait même se diversifier en infraction. Lorsqu’elle dit de vin, dont la moitié pour les et triant des adresses mails de clients davantage. On a commencé à en payer des impôts, elle mélange États-Unis. venus au caveau ces dernières parler. On réfléchit à un atelier de toutes sortes de dépenses à la Les ventes sur place, au caveau, années, en les relançant. Tout ça fait transformation des volailles. Mais somme dérisoire qu’elle paye ont également fondu puisque tout bien plus de travail que d’habitude. ça demande à se former, peut-être au titre d’impôts sur les béné- le monde était confiné et qu’il n’y Et pour tenir les prix, on va prendre à embaucher… On avait prévu fices. Lorsqu’on lui reproche avait plus de touristes dans la en charge les coûts de transport. d’embaucher un salarié supplé- son monopole, elle met en région. Or ces ventes représen- Pour la volaille, nous vendons mentaire à la fin de l’année, mais avant les petits partenaires… tent un autre tiers de notre chiffre habituellement 600 bêtes pour les c’est bien sûr reporté… » n qui ont besoin de sa logistique. d’affaires pour le vin. On vend fêtes de fin d’année. Les commandes Propos recueillis par Benoît Ducasse Et tout est à l’avenant. aussi à quelques restaurants qui sont au point mort en novembre, Quand Jeff Bezos réinvente le ont été et sont à nouveau fermés, mais on espère qu’elles se déblo- (1) fouques-bio.com monde, le monde disparaît dans la fumée des profits de Jeff Bezos. 6 \ Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020
Écobrèves Écobrèves Actualité Le meilleur des mondes Le groupe Bel, fabricant des fro- mages en portion La Vache qui « C’est vraiment du stress supplémentaire » rit, Kiri, Babybel et Boursin, veut « rééquilibrer » son portefeuille Près de Cordes-sur-Ciel, dans le La grosse incertitude est bien sûr tion à venir l’année prochaine qu’il en développant des proposi- Tarn, Serge Barros gave, trans- pour les fêtes de fin d’année. Habi- faudra ajuster à la baisse. tions sans lait. « On sait que les forme et vend en direct l’équiva- tuellement, je pars fin novembre Cette année, c’est vraiment du protéines animales sont gour- lent de 700 à 800 canards par an. en Haute-Savoie pour faire plu- stress supplémentaire. Si on veut mandes en termes de CO2 » Une petite ferme en gavage tra- sieurs petits marchés de Noël qui limiter la casse, ça demande plus alors « on végétalise nos ditionnel mais qui subit elle aussi ont tous été annulés. Ça repré- de boulot, de s’organiser comme gammes », a déclaré à l’AFP, les conséquences des mesures sente le tiers de mes ventes on peut… J’en déduis qu’il ne en octobre, le PDG. Un Boursin prises cette année pour faire face annuelles. J’y fais de 25 000 à faut vraiment pas mettre tous 100 % végétal – à base de à la pandémie du Covid-19. 30 000 euros de chiffre d’affaires. ses œufs dans le même panier. matières grasses issues de la Pour tenter de compenser, j’es- Je vais ainsi essayer de vendre noix de coco et du colza – est « Au printemps, avec le pre- saie de vendre davantage par mon davantage localement. On est vendu depuis cet automne aux mier confinement, on a eu site Internet mais ce n’est pas évi- quelques-uns à avoir organisé États-Unis, sur la plateforme des soucis avec les ventes en dent, d’autant que je n’ai pas des ventes directes sur des sites Amazon Fresh qui plus est. Un boutique à Cordes, village très tou- constitué de carnet d’adresses en de livraisons groupées dans le Mini Babybel végétal devrait y ristique mais déserté à cette occa- prenant les mails de mes clients Tarn, via le site lacagette.org. voir le jour l’année prochaine. sion. Ça a été mieux durant l’été avec sur les stands les années précé- Ça a bien marché au printemps Bel prépare aussi « le lance- le déconfinement et le retour des dentes… Et pour maintenir les et c’est bien reparti avec le ment d’une nouvelle marque touristes. On a fait une bonne sai- prix, je prendrai en charge les frais reconfinement. À voir comment internationale 100 % végétale son en juillet-août et, si de mars à de port. Si j’arrive à sauver ça va évoluer… J’espère quand dans les prochains mois ». Pour octobre j’ai dû perdre environ 20 % 10 000 à 15 000 euros de chiffre même que les pouvoirs publics le PDG, il ne s’agit pas d’oppo- de mon chiffre d’affaires habituel, d’affaires, je serai content. et la MSA vont nous aider à pas- ser les produits laitiers à ceux les aides de l’État, les fameux Je produis et vends surtout des ser ce nouveau cap de la fin de d’origine végétale mais de 1 500 euros par mois touchés conserves : sauf le foie gras mi- l’année… » n «construire le meilleur des deux durant trois mois, ont quasiment cuit, tout pourra se conserver mais Propos recueillis mondes » au moment où les compensé ma perte de revenu. ça aura un impact sur la produc- par Benoît Ducasse consommateurs et consom- matrices sont appelées à Paysan·nes non-essentiel·les ? « réduire la part de l’animal au profit du végétal » pour des rai- 70 % du chiffre d’affaires des l’absence de prime nous dis- vent ouvrir leur boutique, ne peu- sons nutritionnelles et de pro- élevages de chèvres angora, qualifient face aux grands pays vent aller sur les marchés ou évé- tection de la planète. producteurs et parfois trans- producteurs (1) et « obligent » à nementiels (tout bonnement formateurs de mohair, se font la transformation et à la vente annulés), et nous ne faisons pas Appétit durant la période hivernale et directe. Pour faire face aux défis non plus partie des bénéficiaires C’est le groupe Carrefour qui les fêtes de fin d’année. techniques et au coût de la trans- du fonds de solidarité ! a emporté le morceau : le Nombre de ces élevages sont formation, les éleveuses et éle- Entre surcroît de travail pour 2 novembre, son PDG a en difficulté. veurs de chèvres angora pro- trouver et mettre en place des annoncé avoir été choisi par ducteurs de mohair, par solutions et catastrophe inéluc- le tribunal de commerce de S i certains se sentent pousser exemple, se sont très tôt orga- table pour nombre d’entre nous Paris pour reprendre l’enseigne des capes de super-héros, nisés : unité de sélection géné- se dessinent aussi les dégâts Bio C’ Bon. Pour 60 millions qu’ils revendiquent aux tique unique en Europe, syndi- humains et patrimoniaux pro- d’euros plus 40 millions d’eu- bords de leurs champs, d’autres cat spécifique, structures bables chez nos transformateurs, ros d’investissements, le géant dont je suis sont classés parmi les collectives de transformation (du artisans et façonniers français et de la distribution s’offre un non-essentiels. brut au vêtement) et interpro- italiens, qui sont souvent les der- réseau de 107 points de vente Nous sommes la portion congrue fession de promotion. niers à perpétuer les savoir-faire d’alimentation bio en France et de l’agriculture, les non-alimen- La période hivernale et les fêtes, spécifiques de la transformation de plus de 1 000 salarié·es « repris taires. Produire de la laine, de l’an- c’est jusqu’à 70 % de nos chiffres la laine et du mohair. n ou reclassés ». La niche du bio gora, du cachemire, de l’alpaga d’affaires. Le premier confine- Mélanie Hoff, s’agrandit et l’appétit des ou, comme moi, du mohair à des ment a déjà fait plusieurs vic- paysanne en Moselle grandes firmes capitalistes fins vestimentaires et autres times, contraintes à renoncer. aussi. réchauffements, est passionnant et Celui de novembre (peut-être (1) Les principaux élevages de chèvres angora, origine du mohair, se trouvent aujourd’hui en le plaisir de ces matières nous plus ?) s’annonce encore terrible, Turquie, en Afrique du Sud, en Argentine et en Un chiffre élève. Internet ne faisant pas tout pour Australie. En 2018, 65 % des produits Mais si nous sommes si peu des produits de niche tels que alimentaires étaient vendus nombreux (150 pour le mohair), les nôtres. par les grandes surfaces d’ali- c’est qu’en vivre est une gageure. Nous sommes donc des pay- Plus d’info sur l’élevage : mentation générale, selon une Les coûts de production élevés, sannes et des paysans qui ne peu- la-mariee-en-mohair.com/elevage note de l’Insee d’avril dernier, dont un tiers dans les hyper- Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020 / 7 marchés.
Écobrèves Écobrèves Influenza aviaire, Actualité le retour Après l’apparition de foyers en Russie et au Kazakhstan cet été, l’épizootie a progressé vers l’ouest. « La France a détecté un Agriculture et alimentation foyer hautement pathogène (IAHP) de souche H5N8 en Une loi pour rien Haute-Corse », a annoncé le À l’occasion des deux ans de la loi EGalim, la Confédération paysanne et ses 27 autres ministère de l’Agriculture le organisations partenaires au sein de la Plateforme citoyenne pour une transition agricole et 16 novembre. C’était dans une alimentaire dénoncent des « ambitions enterrées ». Une loi ou rien, ou pas grand-chose. jardinerie près de Bastia. En L conséquence, les éleveuses et a loi « pour l’équilibre des éleveurs de volailles français relations commerciales dans sont tenus d’enfermer leurs le secteur agricole et ali- animaux ou de les protéger mentaire et une alimentation saine, avec des filets. Une dérogation durable et accessible à tous », cou- est possible pour des raisons de ramment appelée loi EGalim, a bien-être animal, de conduite été adoptée il y a deux ans, le d’élevage ou de cahier des 1er novembre. Mais pas de festi- charges. Ces dispositions sont vités pour cet anniversaire, plutôt en cours d’évolution. un enterrement. Touchés La Plateforme citoyenne pour une transition agricole et alimen- Une attaque contre la liberté d’expression. C’est ainsi que les taire – qui regroupe 28 syndicats et associations, dont la Confédé- De septembre à décembre 2017 se sont tenus 75 réunions pour 14 ateliers et deux responsables du quotidien chantiers dans le cadre des États généraux de l’Alimentation. Tout ça pour ça… régional L’Indépendant ont vécu ration paysanne (1) – a publié dans l’opération coup-de-poing une note argumentée de sement amorcée au sein des jet de loi de finances pour 2021, menée par le syndicat des 20 pages (2) un bilan d’échec de la filières. plan de relance économique 2020- vignerons de l’Aude, le loi et des États généraux de l’ali- • Enfin, la loi a laissé de côté de 2022, mise en œuvre de la 9 novembre à Carcassonne. Les mentation qui l’ont précédée. nombreuses questions pour les- Convention citoyenne pour le cli- « syndicalistes » ont déversé du Ainsi : quelles tous les indicateurs sont mat… Mais tout indique à ce stade marc de raisin devant les locaux • Le revenu paysan n’est pas au rouge : climat, solidarité inter- que le gouvernement veut confor- du journal pour protester revalorisé, les profits de l’indus- nationale, biodiversité, nutrition ter l’immobilisme qui prévaut contre la parution d’un article trie et de la distribution conti- et alimentation… depuis le discours pourtant ambi- relatant les résultats d’une nuent d’augmenter, les prix à la Il y a un an, les organisations de tieux d’Emmanuel Macron, devant étude sur la qualité de l’air met- consommation aussi. la Plateforme alertaient déjà sur le les États généraux de l’alimenta- tant en avant la présence de • Les négociations commerciales manque de volonté et de moyens tion à Rungis, en octobre 2017. fongicides, herbicides et insec- ne sont pas plus encadrées pour assurer la mise en œuvre d’une La position de la France dans le cadre ticides utilisés en viticulture qu’avant et subissent même des loi EGalim déjà peu ambitieuse. Là de la réforme de la Pac – notamment dans l’air de la région et parti- tensions croissantes. où elles attendaient des amorces son Plan stratégique national (PSN) – culièrement dans l’Aude. Le • Les ambitions en matière de de transition, elles constatent au reste un des derniers leviers de ce quin- président du Syndicat des réduction de l’usage des pesticides mieux des statu quo, au pire de nou- quennat pour agir en faveur d’une Vignerons de l’Aude revendique ont été revues à la baisse, avec veaux reculs comme sur les néo- transition agroécologique. Et le plan de l’action : « Je ne veux plus qu’on même un recul notable : le retour nicotinoïdes. Là où les réformes relance français dans son volet agricole oppose l’agriculture à l’envi- ronnement. Donc chaque fois des néonicotinoïdes validé en engagées devaient permettre de ne doit pas, lui, aller à son encontre. qu’il y en a un qui le fera, et ben octobre par le Parlement français. revaloriser le revenu des paysans, La Plateforme citoyenne pour une tran- on agira. » Voilà. • La protection des riverain·es celui-ci continue à se dégrader au sition agricole et alimentaire appelle contre les pesticides n’a pas profit de l’agro-industrie. Là où des donc à maintenir la pression. n Du blé avancé, l’État se défausse en livrant objectifs intéressants étaient fixés Communiqué de presse du 3/11/2020 Le gouvernement français a cette protection aux rapports de pour la restauration collective, ils souhaité maintenir l’avantage forces sur les territoires. paraissent aujourd’hui hors d’at- (1) Plateforme citoyenne pour une transition agricole et alimentaire: Attac, CCFD-Terre Soli- fiscal accordé aux fabricants • Les objectifs d’au moins 20 % teinte tant les collectivités sont lais- daire, CFSI, CIWF France, Commerce Équitable d’éthanol d’origine agricole pour de bio dans la restauration col- sées livrées à elles-mêmes. France, Confédération paysanne, Foodwatch carburants automobiles. Il a lective et de 15 % de surface en Or la dégradation du contexte France, Fondation Nicolas Hulot pour la Nature demandé aux parlementaires et l’Homme, Fédération Nationale d’Agriculture agriculture biologique en 2022 social et environnemental se pour- Biologique, France Nature Environnement, Eau de maintenir cet avantage dans ne pourront être atteints, faute de suit : la consommation de pesti- et Rivières de Bretagne, Générations Futures, le projet de loi de finances pour moyens suffisants : nous n’en cides ne recule pas, le nombre de Greenpeace France, Miramap, Nature et Pro- 2021. À la pompe, le carburant sommes respectivement qu’à paysan·nes diminue, la biodiver- grès, Réseau Action Climat, Secours Catholique, E10 devrait donc continuer de Caritas France, SOL (Alternatives Agroécolo- 4,5 % et 8,5 %. sité continue de s’effondrer, l’in- giques et Solidaires), Terre & Humanisme, UFC- bénéficier d’une « compétiti- • Aucune transition des modes sécurité alimentaire explose en Que Choisir, Union Nationale de l’Apiculture vité » de 2 centimes par litre par Française, Welfarm, WWF. d’élevage, intégrant notamment France et partout dans le monde… rapport au SP 95-E5. Le « syn- (2) Lien vers le décryptage : une meilleure prise en compte du D’autres leviers auraient permis reseauactionclimat.org/wp-content/uploads dicat des éthanoliers », dit que bien-être animal, n’a été sérieu- cette année de corriger le tir : pro- /2019/10/decryptage-loi-egalim.pdf c’est « pour favoriser la transi- tion vers des carburants renou- velables et décarbonés ». Si ! 8 \ Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020
Écobrèves Écobrèves Actualité Cocorico ! L’entreprise française Innova- Feed a annoncé le début, cet Un plan sans réelle impulsion sociale été, de sa fabrication de farine d’insecte dans la Somme, dans « le plus grand site de produc- et écologique tion d’insectes du monde ». Objectif : élever en continu Annoncé en grande pompe mum à l’agriculture paysanne. bout de souffle. La création d’un 7 milliards de larves de par le gouvernement, le volet Nous avons ainsi obtenu l’ac- soutien à la certification HVE mouches puis les transformer agricole du plan de relance compagnement financier des abat- (Haute Valeur Environnementale) en 15 000 tonnes annuelles de national post-Covid toirs mobiles et l’éligibilité d’un – qui pourrait nous réjouir s’il ne farines protéinées pour nour- n’enclenchera pas la certain nombre de matériels essen- se trompait pas de levier pour rir les poissons d’élevage, les transition agricole dont nous tiels à l’agriculture paysanne pour accélérer la transition agroécolo- volailles et les porcelets. Inno- avons besoin. la production de protéines végé- gique – en est un autre. La HVE, vaFeed lance aussi une huile tales, et la protection face aux aléas quel que soit son niveau, ne garan- pour l’aviculture et un engrais L e 3 septembre, le Premier climatiques. À l’heure du bou- tit aucune obligation de résultat « bio » pour le grand public, ministre français, Jean Cas- clage de cet article, nous conti- quant à une réelle transformation résultat du substrat digéré par tex, a présenté le plan nuons à construire des solutions des pratiques et ne questionne en les mouches. L’usine s’est ins- « France Relance », « une feuille pour que les aides destinées au res- rien les aspects sociaux, pourtant tallée sur 5 hectares près d’une de route pour la refondation écono- pect de la réglementation sur la fondamentaux, pour une transi- unité du groupe Tereos qui mique, sociale et écologique du pays » biosécurité soient accessibles à tion agroécologique réussie et fournira la vinasse (résidu de à l’horizon 2030. Un plan, pérenne. betterave à sucre) et le son de hélas, loin de la « refonda- Rechercher la souverai- blé pour nourrir les larves. Bien tion » nécessaire face aux neté alimentaire, objectif sûr, c’est « vert » : ça évite les urgences et aux enjeux reconnu prioritaire pour d’aujourd’hui, comme en notre agriculture, passe farines de soja importées, le témoigne le volet agricole. par une sécurisation du transport, des milliers de Tout d’abord, au regard revenu paysan, par des ins- tonnes de CO2, et ça crée de des enseignements de la tallations massives, par l’emploi… crise et de l’explosion de la une rupture avec le modèle précarité alimentaire, l’en- libéral favorable à l’agro- Cocorico ! (2) jeu agricole et alimentaire business et par une réelle Déjà opérationnelle, celle qui aurait nécessité plus qu’un implication des pourrait devenir la plus grande aussi maigre pourcentage citoyen·nes pour décider ferme verticale d’Europe s’est de l’enveloppe des 100 mil- collectivement, avec les installée sur 3 000 mètres car- liards d’euros : seul 1 % du paysan·nes, de l’avenir de rés au sol près de Château- plan de relance national y notre modèle agricole et Thierry, dans l’Aisne. Elle pré- sera consacré ! alimentaire. De sorte que voit la production en 2021 de Au-delà des aspects bud- si le gouvernement ne 100 000 plants d’herbes aro- gétaires, ce plan était sur- revient pas sur sa politique matiques (coriandre, persil, tout une opportunité pour de libre-échange et n’ac- basilic…), des salades (laitue, réorienter les systèmes agri- compagne pas ce plan de roquette) et des jeunes pousses coles et alimentaires, sec- mesures de protection – (radis pourpre, moutarde, teurs indispensables au bon via la maîtrise et la régu- wasabi…). Épinard, mâche et fonctionnement de nos lation des marchés et des petits fruits sont en projet. Cul- sociétés. Au lieu de cela, la volumes – ce plan sera tivés en hydroponie et sous transition agricole et alimentaire l’élevage de porcs ou de volailles sans effet positif. Car sans politique lumière artificielle, les végé- ne bénéficiera que de saupou- en plein air. de rupture, comme demandée par taux poussent hors-sol à l’aide drage, sans réelle impulsion sociale Toutefois ce plan de relance reste la Confédération paysanne dans et écologique. Si les grands objec- représentatif du peu d’ambition de son plan « Protéger-Installer- d’un substrat irrigué au goutte tifs comme la souveraineté ali- ce gouvernement pour l’agricul- Socialiser » (2), les effets ne seront à goutte par un mélange d’eau mentaire ou l’installation-trans- ture : un appui timoré teinté de que marginaux sur les dynamiques et de nutriments. Tout ça est mission sont bien cités, une verdissement à un secteur en crise territoriales et d’installation, sur la vendu comme quasiment vert : politique de soutien et d’accom- sans proposer la moindre inflexion valorisation du travail paysan et « On utilise zéro pesticide, her- pagnement massif des paysan·nes dans la direction choisie d’indus- sur l’accessibilité à une alimenta- bicide ou fongicide », se vante pour faire évoluer en profondeur trialisation du modèle agricole. tion locale et de qualité pour toutes l’un des deux chefs de l’entre- notre agriculture fait défaut. L’aide aux agroéquipements en est et tous. n prise qui emploie 19 salarié·es Dans un cadre très contraint, la un exemple : sous le verni de l’ob- Fabien Champion et Nicolas Girod à ce jour et ambitionne 10 mil- Confédération paysanne s’est jectif de réduction de la quantité lions de chiffre d’affaires pour mobilisée depuis septembre pour de pesticides épandus, cette aide 2022. « C’est une nouvelle (1) gouvernement.fr/france-relance faire évoluer les dispositifs pré- de 135 millions d’euros ne servira (2) À (re)lire sur le site : industrie qui émerge sous cou- vus afin qu’ils bénéficient au maxi- qu’à faire perdurer un système à confederationpaysanne.fr vert d’écologie, mais c’est une industrie », résume un maraî- Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020 / 9 cher de la région.
Vous pouvez aussi lire