Campagnes solidaires La Scop, pour un autre statut paysan ? - Confédération ...

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Campagnes solidaires La Scop, pour un autre statut paysan ? - Confédération ...
Campagnes solidaires                     Mensuel de la Confédération paysanne
        N° 367 décembre 2020 – 6 € – ISSN 945863

  Dossier

  La Scop, pour un autre
  statut paysan ?

Covid Les productions de Noël ne sont pas à la fête
Campagnes solidaires La Scop, pour un autre statut paysan ? - Confédération ...
Sommaire
 Dossier La Scop, pour un autre statut paysan ?
  4 Vie syndicale
    Actualité
  6 Covid Les productions de Noël ne sont pas à la fête
  8 Agriculture et alimentation Une loi pour rien
  9 France Relance Un plan sans réelle impulsion sociale et écologique
 10 Abattage à la ferme : un nouveau projet au Pays Basque
 10 Lactalis, une firme sans foi ni loi
 11 Agriculture et énergie Un projet démesuré à l’encontre de l’intérêt
    des paysan·nes
 12 Tribune Enseignement agricole public : la représentation nationale
    doit prendre ses responsabilités… maintenant !
    Point de vue
 13 Covid Une gestion de la crise très loin des valeurs paysannes
    Internationales
 14 Pour d’autres échanges commerciaux
    Agriculture paysanne
 16 Les Volonteux, une ferme coopérative
    Ami·e·s de la Conf’
 18 Quand les Ami·e·s soutiennent un projet d’installation
    Culture
 19 Geoffrey Couanon Douce France
 19 Nyko Leras Vincent, paysan engagé
 21 Annonces
 21 Abonnement

                                                                                                                                Le Samson du mois
 À nos lectrices et lecteurs
 Comme bien d’autres activités, la rédaction, la fabrication et la diffusion de Campagnes solidaires sont perturbées en ces temps de coronavirus et
 de reconfinement.
 Nous n’avons pas ainsi pas pu passer tous les textes à une relecture attentive, traquant la faute dans les moindres recoins de ce numéro. De ce
 fait, quelques coquilles se sont sans doute « planquées » dans nos articles : nous vous prions de bien vouloir nous en excuser.
 Merci pour votre compréhension et pour votre fidélité.                                                  Le comité de publication de Campagnes solidaires

 2 \ Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020                             Les textes publiés dans Campagnes solidaires peuvent être reproduits avec indication d’origine à l’exception de ceux de la
                                                                                   rubrique Point de vue qui sont de la responsabilité de leurs auteurs et pour lesquels un accord préalable est requis.
                                                                                                                                                 Campagnes solidaires est imprimé sur du papier recyclé
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On l’ouvre

                           Résister
                            Nous vivons le deuxième confinement de l’année 2020 et il n’est pas aisé d’avoir une réaction
                          simple par rapport aux mesures qui nous sont imposées pour lutter contre la pandémie, quand bien
                          même Hippocrate a écrit que « le médecin doit à tout prix éviter le remède si le remède nuit à
                          son patient ».

                           Oui, cette nouvelle maladie n’est pas plus tueuse que la pollution ou les cancers, et les chiffres
                          dont on nous inonde quotidiennement ne permettent pas d’objectiver la situation sanitaire.

                           Oui, une alimentation de qualité, et donc l’agriculture paysanne, est un moyen de s’en préserver
                          en réduisant les pathologies et en développant nos capacités immunitaires.

                           Oui, comme beaucoup d’entre vous, nous nous inquiétons de cette gestion de la pandémie qui,
                          en n’intégrant que les seuls critères sanitaires et économiques, entraîne un recul de la démocratie,
                          un affaiblissement de nos relations sociales, la fragilisation des personnes âgées coupées de leur
                          famille, la mort à petit feu des milieux associatifs, sportifs, culturels ; bref, la négation de tout ce qui
                          nous responsabilise, nous émancipe, donne du sens à notre vie, fait notre humanité.

                           Oui, investir dans l’hôpital public est une nécessité à laquelle nos gouvernements ont renoncé
                          depuis trop longtemps et doit donc nous mobiliser avec l’ensemble du mouvement social.

                           Mais vu l’afflux important de malades nécessitant des soins urgents et l’incapacité hospitalière
                          à répondre à toutes et tous sans devoir accepter l’inacceptable – laisser mourir des personnes faute
                          de soins suffisants et imposer au personnel soignant la terrible pression du tri des patient·es –
                          nous préférons, faute de mieux, accepter ces reculs temporaires tout en restant lucides sur les leviers
                          politiques et économiques à engager urgemment pour ne plus jamais revivre ça, et surtout
                          empêcher une atteinte permanente à nos libertés.

                           Cela ne signifie pas pour autant se laisser imposer sans lutter les choix de production
                          et de consommation tournés de manière unilatérale vers une industrialisation de plus en plus
                          prononcée, inacceptable et à terme beaucoup plus mortifère.

                           Résister, c’est continuer à faire notre travail syndical de lutte, de réflexion et de production d’idées
                          nouvelles à même de construire une autre façon de vivre, produire et faire vivre nos pays malgré les
                          obstacles et malgré les dissensus ou divergences de lecture concernant la gestion de cette crise.

                            Résister, c’est continuer à projeter des réunions, des actions, des formations malgré les risques
                          d’annulation. Se censurer serait faire le jeu du gouvernement qui, depuis le début du mandat
                          présidentiel, profite de toutes les occasions pour discréditer et amoindrir les contre-pouvoirs, élu·es
                          locaux, parlementaires, partis politiques, syndicats, monde associatif…

                           Résister, c’est avoir la capacité d’évaluer les risques, de choisir sa façon de s’y exposer ou non, tout
                          en respectant les autres.
                                                                                                              Le secrétariat national de la Confédération paysanne

Mensuel édité par :                            Abonnements : 01 43 62 82 82     Comité de publication :                          Maquette : Pierre Rauzy
l’association Média Pays                       abocs@confederationpaysanne.fr   Christian Boisgontier, Michel Curade, Joël       Impression : Chevillon
104, rue Robespierre – 93170 Bagnolet          Directeur de la publication :    Feydel, Florine Hamelin, Véronique Léon,         26, boulevard Kennedy
Tél. : 01 43 62 82 82 – fax : 01 43 62 80 03   Nicolas Girod                    Jean-Claude Moreau, Michèle Roux,                BP 136 – 89101 Sens Cedex
campsol@confederationpaysanne.fr               Rédaction : Benoît Ducasse       Geneviève Savigny                                CPPAP n° 1121 G 88580
confederationpaysanne.fr                       et Sophie Chapelle               Diffusion : Anne Burth                           N° 367 décembre 2020
facebook.com/confederationpaysanne             Secrétariat de rédaction :       et Jean-Pierre Edin                              Dépôt légal : à parution
Twitter : @ConfPaysanne                        Benoît Ducasse                   Dessins : Samson et Rodho                        Bouclage : 24 novembre 2020

                                                                                                    Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020                /3
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Vie syndicale

 Jérôme Laronze n’aura jamais 40 ans
                                                               Le 20 novembre, la Confédération paysanne de Saône-et-Loire appelait à manifester à Mâcon,
                                                               3 ans et demi après la mort de Jérôme Laronze, éleveur du département, adhérent de la
                                                               Confédération paysanne, abattu par des gendarmes le 20 mai 2017 à la suite d’un nou-
                                                               veau contrôle administratif sur sa ferme. Le porte-parole national de la Confédération pay-
                                                               sanne, Nicolas Girod, était présent, ainsi que le porte-parole régional, Jérôme Gaujard.
                                                               La manifestation, en lien avec la famille, dénonçait l’irrégularité des contrôles opérés les
                                                               4 juin 2015, 6 et 22 juin 2016. Irrégularité qui a été confirmée par un jugement du tri-
                                                               bunal administratif de Dijon. Par un jugement en date du 28 février dernier, le tribunal
                                                               qualifie les contrôles réalisés ces jours-là par la Direction départementale des territoires
                                                               (DDT), avec la complicité de la gendarmerie de Cluny, de « procédure administrative de
                                                               contrôle irrégulière ».
                                                               Le tribunal juge que, lors de ces contrôles, les agents et gendarmes se sont affranchis du
                                                               respect des règles de procédure visant à garantir le respect du domicile de la personne
                                                               contrôlée. Selon la réglementation, une visite au domicile d’une personne contrôlée ne
                                                               peut être réalisée qu’avec son accord ou, à défaut, avec l’autorisation du juge des liber-
                                                               tés et de la détention et en présence d’un officier de police judiciaire.
                                                               Le tribunal administratif de Dijon a constaté que le préfet n’a démontré ni l’accord de Jérôme
                                                               Laronze pour une visite de son domicile – où se trouvaient les documents administratifs
                                                               de l’exploitation, dont le registre d’élevage – ni avoir obtenu une autorisation du juge.
                                                               Il a donc conclu à l’irrégularité de la procédure de contrôle et annulé la réduction des
                                                               aides Pac des années 2015 et 2016.
                                                               Ce jugement est aujourd’hui définitif.
                                                               Cette décision claire et sans appel du tribunal administratif est déterminante. Elle doit
                                                               permettre de relancer l’instruction sur la mort de Jérôme. Le combat pour la vérité et la
                                                               justice continue.
                                                               Le 13 novembre, Jérôme Laronze aurait eu 40 ans.

 La Conf’ en réseau                                                                     Martinique : pour une reconnaissance de
 Revoir le volet « abattoirs » du plan de relance                                       l'impact du chlordécone sur la population
 Le volet abattoirs du « plan de relance économique de la France de 2020-               Le 7 novembre, le collectif Lyannaj Pou Dépolyé Matinik (Col-
 2022 » risque de profiter aux grands industriels, sans améliorer suffisamment          lectif pour la dépollution de la Martinique) – dont fait partie l’Or-
 la protection animale, le maillage territorial et les conditions de travail, affir-    ganisation patriotique des agriculteurs de Martinique (Opam,
 ment, le 4 novembre, sept organisations de salariés, agriculteurs et défenseurs        membre de la Confédération paysanne) – manifestait à Fort-de-
 des animaux d’élevage. « C’est une nouvelle occasion manquée de faire évo-             France, malgré le confinement. Le but : soutenir un militant pour-
 luer le secteur de l’abattage », estiment dans un communiqué du 4 novembre             suivi devant le tribunal de la ville suite à une manifestation en
 la Confédération paysanne, le syndicat de salariés Fnaf-CGT, la Fnab (producteurs      juillet (procès reporté au 17 mars) et rappeler ses revendications,
 bio) et quatre associations travaillant sur le bien-être des animaux d’élevage.        dont la dépollution des terres empoisonnées au chlordécone, l’in-
 Les signataires redoutent que ce plan devienne « une opportunité offerte à             demnisation des petits paysans dont les terres ont été polluées
 ceux qui dominent la filière pour faire financer leurs investissements de routine        et l’accompagnement aux reconversions.
 par l’État et renforcer encore leur compétitivité au détriment des abattoirs de        Le chlordécone est un pesticide utilisé en Guadeloupe et en
 proximité ». Ils proposent « que seuls soient éligibles à ce financement les            Martinique à partir de 1972. Jusqu’en 1993, les bananeraies en
 investissements destinés à la protection animale, au renforcement du maillage          ont été aspergées pour lutter contre le charançon de la banane.
 des abattoirs de proximité et à l’amélioration des conditions de travail » et « que    Mais le chlordécone est un perturbateur endocrinien, un poison
 la création d’abattoirs fixes de proximité soit aussi accompagnée par ce plan de        violent aux graves conséquences sur la santé humaine. La Mar-
 modernisation, afin de relocaliser les outils d’abattage dans les zones où ils font     tinique détient ainsi le record du monde de cancers de la pros-
 défaut ».
                                                                                        tate, avec 227 nouveaux cas pour 100 000 hommes chaque
                                                                                        année. La Guadeloupe est elle aussi très touchée par cette mala-
 Stopper Amazon avant qu’il ne soit trop tard                                           die. Le chlordécone augmente également le risque de préma-
 Les 120 signataires de la tribune publiée le 16 novembre par France Info font          turité et d’effets négatifs sur le développement cognitif et
 le constat d’une « crise sans précédent qui a une nouvelle fois révélé les pro-        moteur des nourrissons, une réduction de la fertilité, une mul-
 fondes inégalités de notre société ». Pendant que « les premiers de corvées            tiplication exponentielle des cancers du sein et des ovaires…
 risquent leurs vies au quotidien » et alors que « des dizaines de milliers de          Un rapport parlementaire de 2019 déclare : « La responsabilité
 personnes ont perdu ou vont perdre leur emploi, et qu’un million de personnes          de l’État est avérée, malgré les remontées de terrain (…), l’État a
 supplémentaires sont passées sous le seuil de pauvreté en France », le géant
                                                                                        poursuivi les autorisations de vente du chlordécone, jusqu’en
 du e-commerce a vu ses ventes « exploser » en 2020, et la fortune de son
                                                                                        1993. » Interdit dès 1976 aux États-Unis, son autorisation de
 PDG Jeff Bezos dépasser les 200 milliards de dollars. 100 000 emplois sont
                                                                                        vente en France ne fut retirée qu’en 1990 et son utilisation s’est
 menacés en France et des dizaines, voire des centaines d’hectares de terres
                                                                                        encore poursuivie aux Antilles. Un scandale pour lequel les
 agricoles pourraient être détruits pour l’implantation d’entrepôts de la firme
                                                                                        Antillais·es réclament justice.
 (certains projets sont déjà lancés). La tribune sur : urlz.fr/efSN

 4 \ Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020
Campagnes solidaires La Scop, pour un autre statut paysan ? - Confédération ...
Vie syndicale

La Conf’ a dit
Une taxe sur les bénéfices                            dement défendu par ces députés demande             par le CE ou les multinationales semen-
des GMS                                               que ce crédit d’impôt soit rétroactif et béné-     cières ?
  Le 2 novembre, lors d’une réunion de tra-           ficie aussi à celles et ceux qui se sont déjà        Pendant que le gouvernement et les
vail avec Julien Denormandie, le ministre de          engagé·es dans cette certification ! » Nous        semenciers jouent la montre, les colzas
l’Agriculture, la Confédération paysanne a            reviendrons sur le bluff de la HVE dans le         OGM illégalement cultivés et les herbicides
proposé que « s’ouvre rapidement une                  dossier de notre prochain numéro.                  associés à leur culture contaminent de
réflexion pour élaborer une taxe sur les                                                                 manière irréversible les autres cultures, la
bénéfices générés par la grande distribu-             Combien de temps un Premier                        biodiversité sauvage, les sols, l’eau et notre
tion durant les périodes de confinement ».            ministre peut-il contrevenir                       alimentation. L’île de Tasmanie vient ainsi
« Elle pourrait servir à l’indemnisation des          aux injonctions du Conseil                         d’indiquer que des repousses de colza
« perdants », notamment toutes celles et              d’État ?                                           OGM sont encore présentes sur son sol
ceux dont les productions sont tournées                 C’est la question que la Conf’ a posé dans       alors que les quelques expérimentations
vers des produits festifs et saisonniers qui          un communiqué de presse, le 17 novembre.           qui s’y sont déroulées sont stoppées depuis
seront très lourdement impactés ».                      En février dernier, le Conseil d’État (CE) a     20 ans !
                                                      enjoint au Premier ministre d’interdire les          La Confédération paysanne appelle le Pre-
HVE : un « hold-up »                                  variétés cultivées et commercialisées en           mier ministre à exécuter immédiatement
desservant l’agroécologie                             France en infraction à la réglementation           les injonctions du Conseil d’État.
  Par un communiqué du 10 novembre, la                sur les OGM. Cela concerne notamment
Confédération paysanne a demandé aux                  toutes les variétés de colza Clearfield de         Néonicotinoïdes : décrypter
député·es de ne pas voter l’amendement                BASF rendues tolérantes aux herbicides.              L’interdiction des néonicotinoïdes n’était
prévoyant un crédit d’impôt pour la certi-              Le 4 novembre, soit trois jours avant la fin     pas responsable des problèmes rencontrés
fication Haute Valeur Environnementale                de l’échéance fixée par le CE, l’Union Fran-       par les productrices et producteurs de bet-
(HVE) dans le cadre du projet de loi de               çaise des Semenciers (UFS) a « souhaité »,         teraves à sucre et la réautorisation en 2021
finances (PLF) pour 2021. Dénonçant « une             par voix de presse, une « adaptation régle-        de leur utilisation est bien un scandale. Les
certification qui n’a que l’apparence de la           mentaire » permettant de ne pas appliquer          mensonges de la Confédération générale
transition agroécologique », le syndicat              cette injonction. Après avoir refusé de publier    des planteurs de betteraves (CGB, filiale de
assure que « certain·es certifié·es se van-           dans les temps (le 7 août) le décret exigé         la Fnsea) et ceux des responsables des filières
tent d’ailleurs d’avoir obtenu cette labelli-         par le CE et destiné à identifier les techniques   françaises du sucre et des agrocarburants
sation “sans rien changer à leurs pratiques !”».      de mutagenèse pouvant être exemptées de            sont décryptés, chiffres et schémas à l’ap-
Sur la forme, la Conf’ déplore que la mesure          ces obligations, le Premier ministre n’a pas       pui, dans un document de quatre pages
ait été adoptée par la voie d’un amende-              non plus publié la liste des variétés de colza     publié début novembre par la Confédéra-
ment, une procédure ayant « l’avantage de             CL non exemptées. On peut légitimement             tion paysanne.
ne pas requérir d’étude d’impact et de se             se demander qui commande à Matignon :              Un document à lire et télécharger sur :
faire dans la discrétion ». De plus, « l’amen-        la loi votée par le Parlement et confirmée         urlz.fr/ecGc

 Soutien à EHLG                                        Partenariat
 Euskal Herriko Laborantza Ganbara (EHLG)
 est une association de développement agri-
 cole et rural, une « chambre alternative »
                                                       Amnesty International
 pour l’agriculture du Pays Basque. Du 12 au
                                                       Chaque année en décembre, autour de la Journée internationale des droits de l'homme
 15 novembre, elle devait organiser sa 15ème
 édition de Lurrama, la très populaire et fré-         du 10 décembre, Amnesty International France concentre son action sur des situations
 quentée vitrine de l’agriculture paysanne             individuelles des violations des droits humains emblématiques des combats qui sont
 basque. Mais, à cause du Covid-19, cette              menés dans la durée.
 édition a été annulée sous sa forme habi-             10 Jours Pour Signer est une campagne mondiale d'Amnesty International qui porte l’at-
 tuelle.                                               tentio sur 10 cas emblématiques, 10 femmes et hommes jetés en prison pour leur oppo-
 C’est bien dommage : la thématique de Lur-
                                                       sition aux pouvoirs en place. Cette année, en France, la campagne se déroule du 4 au
 rama 2020 – « Prenons soin du monde dès
 aujourd’hui » – était l’occasion pour l’asso-         13 décembre.
 ciation de présenter, entre autres, l’étude           Parmi ces 10 cas défendus en 2020, Jani Silva qui se bat pour les droits des paysans contre
 qu’elle vient de mener portant sur le système         l'extraction pétrolière, l'accaparement des terres et la déforestation en Colombie. Victime
 alimentaire depuis la terre nourricière jus-          de harcèlement de la part de groupes armés, elle est aujourd'hui menacée de mort. Éga-
 qu’à l’assiette au Pays Basque en 2050.               lement Paing Phyo Min, ancien président du syndicat étudiant de l'université de Dangon,
 Lurrama est une source importante de finan-
                                                       au Myanmar, qui a été condamné à 6 ans de prison pour avoir critiqué l'armée…
 cement d’EHLG. C’est pourquoi l’associa-
 tion appelle toutes celles et tous ceux qui           Pour signer les pétitions entre le 4 et 13 décembre : amnesty.fr/personnes
 le souhaitent à contribuer quand même, via            Pour le résumé de chacun des 10 cas :
 un don, à son activité. En ligne sur : ehlgbai.org    amnesty.fr/actualites/les-10-jours-pour-signer-les-situations

                                                                                               Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020          /5
Campagnes solidaires La Scop, pour un autre statut paysan ? - Confédération ...
Le ruraleur

                                      Le ruraleur
Quand Jeff Bezos
                                                    Actualité
veut réinventer
le monde
Jeff Bezos, patron d’Amazon,
                                                    Les productions de Noël ne sont pas à la fête
à des projets près du pont du                       Cette année, avec la pandémie du Covid-19 et les mesures mises en place pour éviter sa propagation,
Gard, à Nantes, à Lyon, à                           dont les confinements, nombre de productions agricoles ont vu leurs ventes entravées. En cette fin
Rouen… Partout des plate-                           d’année, c’est particulièrement le cas des productions dites « festives ». Témoignages.
formes logistiques s’installant
sur des superficies proches des
20 hectares.                                        Châtaignes à la peine                                                             de Noëls, événements majeurs pour
                                                                                                                                      écouler la partie transformation
Bezos, dont la fortune person-
                                                     La récolte de châtaigne a été          calibre ; par chance, la qualité des      (confiture, crème, farine…) ; mais
nelle dépasse les 200 milliards
de dollars, s’est fait les dents
                                                    plutôt bonne cette année en             fruits est partout au rendez-vous.        cette année, tous ces débouchés
sur le livre. Sa révolution com-                    Ardèche, mais l’annulation des            Globalement, c’est plutôt une           sont quasi inexistants.
merciale est vieille comme le                       foires d’automne, des marchés           bonne année pour la Châtaigne               La châtaigne représente une part
monde : vendre un peu moins                         de Noël et des animations tra-          d’Ardèche, signe de qualité AOP (1).      importante du revenu de nom-
cher plus de marchandises pour                      ditionnelles des « grilleurs »          Mais la crise du Covid et les effets      breuses et nombreux paysan·nes
mettre à genoux les magasins                        entravent fortement les ventes          des confinements pénalisent gra-          ardéchois·es – entre 20 et 80 %
classiques. Sa technique de tri                     dans cette période de fin d’an-         vement l’écoulement de la pro-            selon les fermes, souvent celles
des produits est une applica-                       née très importante pour de             duction.                                  des zones les plus difficiles du
tion de capacités numériques                        nombreuses fermes du dépar-               D’une part, la demande de la            département. Autant dire que l’im-
monstrueuses mais banale.                           tement.                                 distribution (la « grande », surtout)     pact de la crise du Covid est
Le Covid 19 fait peur et a                                                                  est orientée principalement sur           important pour ces paysan·nes.
poussé aux achats en ligne ?

                                                    M
                                                             i-novembre : la récolte se     des fruits de gros calibres : or la         À la Confédération paysanne de
Foin des initiatives locales et                              termine pour la plupart        Châtaigne d’Ardèche, si elle se           l’Ardèche, il nous apparaît donc
des solidarités : Bezos ne laisse                            des productrices et pro-       caractérise par sa typicité et un         indispensable de soutenir cette pro-
pas passer l’occasion de faire
                                                    ducteurs ardéchois de châtaignes.       goût sucré prononcé, produit des          duction pour assurer la pérennité
bondir son taux de croissance
                                                    Cette production est bonne au           fruits de calibre moyen.                  des fermes et pour ne pas mettre en
à deux chiffres. Le frais et l’ali-
mentaire sont à portée de
                                                    centre et au sud du département           D’autre part, nous avons d’habi-        péril un équilibre territorial et une
main : pas question pour lui de                     mais déficitaire au nord : la séche-    tude de bons débouchés sur les            économie locale fragiles. n
laisser ce secteur de côté. Il s’y                  resse y a été très marquée (une         marchés de détail, les foires d’au-                               David Loupiac,
essaye déjà en région pari-                         fois de plus !), doublée de cha-        tomne et les animations de                   producteur de châtaignes en Ardèche
sienne.                                             leurs anormales en septembre. Il        « grilleurs » de novembre et
Après le premier déconfine-                         manque ici du tonnage et du             décembre, sans parler des marchés         (1) chataigne-ardeche.com
ment, des voix ont demandé un
moratoire sur ces entrepôts.
Dans la majorité politique, ces
                                                    « On ne s’en sort pas trop mal grâce à la diversification »
voix se sont tues. Mais avec                          Christelle Rapée est paysanne         et nous faisons deux grandes foires       queront en partie en décembre, en
les fermetures sanitaires impo-                     à Hyères, dans le Var. Au domaine       aux vins qui ont été annulées.            fonction de l’évolution des mesures
sées aux commerces, Bezos est                       de Fouques, avec ses associés             Ça a été mieux cet été, mais en         prises pour faire face au Covid. On
la personne au monde qui pro-                       (son père et son mari) et trois         automne nous recevons beaucoup            essaye d’anticiper pour vendre les
fite le plus de ces mesures et                      salariés (et demi), elle produit du     de touristes au caveau, surtout alle-     volailles, en contactant les amaps,
ça fait mal.                                        vin de 22 hectares de vignes cul-       mands et belges qui, avec la              en passant des encadrés dans les
Obligée de communiquer pour                         tivées en biodynamie et 3 500           deuxième vague et le reconfinement,       journaux locaux…
compenser son image qui se                          volailles par an, proposant éga-        ne sont pas venus. Nous nous retrou-        Quant aux gîtes, c’est bien sûr
dégrade, Amazon enfume.
                                                    lement 3 gîtes à la location (1).       vons avec un gros stock de rosé, leur     une mauvaise année puisqu’il n’y
Lorsque la marque doit fermer
                                                                                            vin préféré, sur les bras. Un vin qui     pas eu de location au printemps,
ses activités pour mettre en

                                                    «
place des mesures de protec-
                                                             Dès le début, en mars, nos     se garde peu et que nous essayons         ni à l’automne.
tion de ses salarié·es, elle pré-                           ventes de vin à l’exporta-      actuellement de vendre en promo.            Mais finalement, on ne s’en sort
tend le faire par souci de sa                               tion, surtout vers les États-     On essaie de commercialiser             pas trop mal comparé à d’autres,
clientèle et non pas parce                          Unis, se sont effondrées. L’export      davantage par correspondance, via         grâce à la diversification. On pense
qu’elle était tout simplement                       représente le tiers de nos ventes       notre site Internet, en enregistrant      qu’il faudrait même se diversifier
en infraction. Lorsqu’elle dit                      de vin, dont la moitié pour les         et triant des adresses mails de clients   davantage. On a commencé à en
payer des impôts, elle mélange                      États-Unis.                             venus au caveau ces dernières             parler. On réfléchit à un atelier de
toutes sortes de dépenses à la                        Les ventes sur place, au caveau,      années, en les relançant. Tout ça fait    transformation des volailles. Mais
somme dérisoire qu’elle paye                        ont également fondu puisque tout        bien plus de travail que d’habitude.      ça demande à se former, peut-être
au titre d’impôts sur les béné-                     le monde était confiné et qu’il n’y     Et pour tenir les prix, on va prendre     à embaucher… On avait prévu
fices. Lorsqu’on lui reproche                       avait plus de touristes dans la         en charge les coûts de transport.         d’embaucher un salarié supplé-
son monopole, elle met en                           région. Or ces ventes représen-           Pour la volaille, nous vendons          mentaire à la fin de l’année, mais
avant les petits partenaires…
                                                    tent un autre tiers de notre chiffre    habituellement 600 bêtes pour les         c’est bien sûr reporté… » n
qui ont besoin de sa logistique.
                                                    d’affaires pour le vin. On vend         fêtes de fin d’année. Les commandes          Propos recueillis par Benoît Ducasse
Et tout est à l’avenant.
                                                    aussi à quelques restaurants qui        sont au point mort en novembre,
Quand Jeff Bezos réinvente le
                                                    ont été et sont à nouveau fermés,       mais on espère qu’elles se déblo-         (1) fouques-bio.com
monde, le monde disparaît
dans la fumée des profits de
Jeff Bezos.                                         6   \ Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020
Campagnes solidaires La Scop, pour un autre statut paysan ? - Confédération ...
Écobrèves

                                                                                                                                  Écobrèves
                                                                                                 Actualité
                                                                                                                                                     Le meilleur
                                                                                                                                                     des mondes
                                                                                                                                              Le groupe Bel, fabricant des fro-
                                                                                                                                              mages en portion La Vache qui
« C’est vraiment du stress supplémentaire »                                                                                                   rit, Kiri, Babybel et Boursin, veut
                                                                                                                                              « rééquilibrer » son portefeuille
  Près de Cordes-sur-Ciel, dans le         La grosse incertitude est bien sûr    tion à venir l’année prochaine qu’il                         en développant des proposi-
Tarn, Serge Barros gave, trans-          pour les fêtes de fin d’année. Habi-    faudra ajuster à la baisse.                                  tions sans lait. « On sait que les
forme et vend en direct l’équiva-        tuellement, je pars fin novembre          Cette année, c’est vraiment du                             protéines animales sont gour-
lent de 700 à 800 canards par an.        en Haute-Savoie pour faire plu-         stress supplémentaire. Si on veut                            mandes en termes de CO2 »
Une petite ferme en gavage tra-          sieurs petits marchés de Noël qui       limiter la casse, ça demande plus                            alors « on végétalise nos
ditionnel mais qui subit elle aussi      ont tous été annulés. Ça repré-         de boulot, de s’organiser comme                              gammes », a déclaré à l’AFP,
les conséquences des mesures             sente le tiers de mes ventes            on peut… J’en déduis qu’il ne                                en octobre, le PDG. Un Boursin
prises cette année pour faire face       annuelles. J’y fais de 25 000 à         faut vraiment pas mettre tous                                100 % végétal – à base de
à la pandémie du Covid-19.               30 000 euros de chiffre d’affaires.     ses œufs dans le même panier.                                matières grasses issues de la
                                         Pour tenter de compenser, j’es-         Je vais ainsi essayer de vendre                              noix de coco et du colza – est

«
         Au printemps, avec le pre-      saie de vendre davantage par mon        davantage localement. On est                                 vendu depuis cet automne aux
        mier confinement, on a eu        site Internet mais ce n’est pas évi-    quelques-uns à avoir organisé                                États-Unis, sur la plateforme
        des soucis avec les ventes en    dent, d’autant que je n’ai pas          des ventes directes sur des sites                            Amazon Fresh qui plus est. Un
boutique à Cordes, village très tou-     constitué de carnet d’adresses en       de livraisons groupées dans le                               Mini Babybel végétal devrait y
ristique mais déserté à cette occa-      prenant les mails de mes clients        Tarn, via le site lacagette.org.                             voir le jour l’année prochaine.
sion. Ça a été mieux durant l’été avec   sur les stands les années précé-        Ça a bien marché au printemps                                Bel prépare aussi « le lance-
le déconfinement et le retour des        dentes… Et pour maintenir les           et c’est bien reparti avec le                                ment d’une nouvelle marque
touristes. On a fait une bonne sai-      prix, je prendrai en charge les frais   reconfinement. À voir comment                                internationale 100 % végétale
son en juillet-août et, si de mars à     de port. Si j’arrive à sauver           ça va évoluer… J’espère quand                                dans les prochains mois ». Pour
octobre j’ai dû perdre environ 20 %      10 000 à 15 000 euros de chiffre        même que les pouvoirs publics                                le PDG, il ne s’agit pas d’oppo-
de mon chiffre d’affaires habituel,      d’affaires, je serai content.           et la MSA vont nous aider à pas-                             ser les produits laitiers à ceux
les aides de l’État, les fameux            Je produis et vends surtout des       ser ce nouveau cap de la fin de                              d’origine végétale mais de
1 500 euros par mois touchés             conserves : sauf le foie gras mi-       l’année… » n                                                 «construire le meilleur des deux
durant trois mois, ont quasiment         cuit, tout pourra se conserver mais                               Propos recueillis                  mondes » au moment où les
compensé ma perte de revenu.             ça aura un impact sur la produc-                              par Benoît Ducasse                     consommateurs et consom-
                                                                                                                                              matrices sont appelées à
Paysan·nes non-essentiel·les ?                                                                                                                « réduire la part de l’animal au
                                                                                                                                              profit du végétal » pour des rai-
 70 % du chiffre d’affaires des          l’absence de prime nous dis-            vent ouvrir leur boutique, ne peu-                           sons nutritionnelles et de pro-
élevages de chèvres angora,              qualifient face aux grands pays         vent aller sur les marchés ou évé-                           tection de la planète.
producteurs et parfois trans-            producteurs (1) et « obligent » à       nementiels (tout bonnement
formateurs de mohair, se font            la transformation et à la vente         annulés), et nous ne faisons pas                                       Appétit
durant la période hivernale et           directe. Pour faire face aux défis      non plus partie des bénéficiaires                            C’est le groupe Carrefour qui
les fêtes de fin d’année.                techniques et au coût de la trans-      du fonds de solidarité !                                     a emporté le morceau : le
Nombre de ces élevages sont              formation, les éleveuses et éle-          Entre surcroît de travail pour                             2 novembre, son PDG a
en difficulté.                           veurs de chèvres angora pro-            trouver et mettre en place des                               annoncé avoir été choisi par
                                         ducteurs de mohair, par                 solutions et catastrophe inéluc-                             le tribunal de commerce de

S
       i certains se sentent pousser     exemple, se sont très tôt orga-         table pour nombre d’entre nous                               Paris pour reprendre l’enseigne
       des capes de super-héros,         nisés : unité de sélection géné-        se dessinent aussi les dégâts                                Bio C’ Bon. Pour 60 millions
       qu’ils revendiquent aux           tique unique en Europe, syndi-          humains et patrimoniaux pro-                                 d’euros plus 40 millions d’eu-
bords de leurs champs, d’autres          cat spécifique, structures              bables chez nos transformateurs,                             ros d’investissements, le géant
dont je suis sont classés parmi les      collectives de transformation (du       artisans et façonniers français et                           de la distribution s’offre un
non-essentiels.                          brut au vêtement) et interpro-          italiens, qui sont souvent les der-                          réseau de 107 points de vente
  Nous sommes la portion congrue         fession de promotion.                   niers à perpétuer les savoir-faire                           d’alimentation bio en France et
de l’agriculture, les non-alimen-          La période hivernale et les fêtes,    spécifiques de la transformation de                          plus de 1 000 salarié·es « repris
taires. Produire de la laine, de l’an-   c’est jusqu’à 70 % de nos chiffres      la laine et du mohair. n                                     ou reclassés ». La niche du bio
gora, du cachemire, de l’alpaga          d’affaires. Le premier confine-                                    Mélanie Hoff,                     s’agrandit et l’appétit des
ou, comme moi, du mohair à des           ment a déjà fait plusieurs vic-                               paysanne en Moselle                    grandes firmes capitalistes
fins vestimentaires et autres            times, contraintes à renoncer.                                                                       aussi.
réchauffements, est passionnant et       Celui de novembre (peut-être            (1) Les principaux élevages de chèvres angora,
                                                                                 origine du mohair, se trouvent aujourd’hui en
le plaisir de ces matières nous          plus ?) s’annonce encore terrible,      Turquie, en Afrique du Sud, en Argentine et en                       Un chiffre
élève.                                   Internet ne faisant pas tout pour       Australie.                                                   En 2018, 65 % des produits
  Mais si nous sommes si peu             des produits de niche tels que                                                                       alimentaires étaient vendus
nombreux (150 pour le mohair),           les nôtres.                                                                                          par les grandes surfaces d’ali-
c’est qu’en vivre est une gageure.         Nous sommes donc des pay-             Plus d’info sur l’élevage :                                  mentation générale, selon une
Les coûts de production élevés,          sannes et des paysans qui ne peu-       la-mariee-en-mohair.com/elevage                              note de l’Insee d’avril dernier,
                                                                                                                                              dont un tiers dans les hyper-
                                                              Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020 / 7                                 marchés.
Campagnes solidaires La Scop, pour un autre statut paysan ? - Confédération ...
Écobrèves

                                      Écobrèves
  Influenza aviaire,                              Actualité
       le retour
Après l’apparition de foyers en
Russie et au Kazakhstan cet
été, l’épizootie a progressé vers
l’ouest. « La France a détecté un
                                                  Agriculture et alimentation
foyer hautement pathogène
(IAHP) de souche H5N8 en
                                                  Une loi pour rien
Haute-Corse », a annoncé le                       À l’occasion des deux ans de la loi EGalim, la Confédération paysanne et ses 27 autres
ministère de l’Agriculture le                     organisations partenaires au sein de la Plateforme citoyenne pour une transition agricole et
16 novembre. C’était dans une                     alimentaire dénoncent des « ambitions enterrées ». Une loi ou rien, ou pas grand-chose.
jardinerie près de Bastia. En

                                                  L
conséquence, les éleveuses et                           a loi « pour l’équilibre des
éleveurs de volailles français                          relations commerciales dans
sont tenus d’enfermer leurs                             le secteur agricole et ali-
animaux ou de les protéger                        mentaire et une alimentation saine,
avec des filets. Une dérogation                   durable et accessible à tous », cou-
est possible pour des raisons de                  ramment appelée loi EGalim, a
bien-être animal, de conduite                     été adoptée il y a deux ans, le
d’élevage ou de cahier des                        1er novembre. Mais pas de festi-
charges. Ces dispositions sont                    vités pour cet anniversaire, plutôt
en cours d’évolution.                             un enterrement.
          Touchés                                   La Plateforme citoyenne pour
                                                  une transition agricole et alimen-
Une attaque contre la liberté
d’expression. C’est ainsi que les
                                                  taire – qui regroupe 28 syndicats
                                                  et associations, dont la Confédé-        De septembre à décembre 2017 se sont tenus 75 réunions pour 14 ateliers et deux
responsables du quotidien                                                                  chantiers dans le cadre des États généraux de l’Alimentation. Tout ça pour ça…
régional L’Indépendant ont vécu                   ration paysanne (1) – a publié dans
l’opération coup-de-poing                         une note argumentée de                  sement amorcée au sein des                 jet de loi de finances pour 2021,
menée par le syndicat des                         20 pages (2) un bilan d’échec de la     filières.                                  plan de relance économique 2020-
vignerons de l’Aude, le                           loi et des États généraux de l’ali-       • Enfin, la loi a laissé de côté de      2022, mise en œuvre de la
9 novembre à Carcassonne. Les                     mentation qui l’ont précédée.           nombreuses questions pour les-             Convention citoyenne pour le cli-
« syndicalistes » ont déversé du                    Ainsi :                               quelles tous les indicateurs sont          mat… Mais tout indique à ce stade
marc de raisin devant les locaux                    • Le revenu paysan n’est pas          au rouge : climat, solidarité inter-       que le gouvernement veut confor-
du journal pour protester                         revalorisé, les profits de l’indus-     nationale, biodiversité, nutrition         ter l’immobilisme qui prévaut
contre la parution d’un article                   trie et de la distribution conti-       et alimentation…                           depuis le discours pourtant ambi-
relatant les résultats d’une                      nuent d’augmenter, les prix à la          Il y a un an, les organisations de       tieux d’Emmanuel Macron, devant
étude sur la qualité de l’air met-                consommation aussi.                     la Plateforme alertaient déjà sur le       les États généraux de l’alimenta-
tant en avant la présence de                        • Les négociations commerciales       manque de volonté et de moyens             tion à Rungis, en octobre 2017.
fongicides, herbicides et insec-                  ne sont pas plus encadrées              pour assurer la mise en œuvre d’une          La position de la France dans le cadre
ticides utilisés en viticulture                   qu’avant et subissent même des          loi EGalim déjà peu ambitieuse. Là         de la réforme de la Pac – notamment
dans l’air de la région et parti-                 tensions croissantes.                   où elles attendaient des amorces           son Plan stratégique national (PSN) –
culièrement dans l’Aude. Le
                                                    • Les ambitions en matière de         de transition, elles constatent au         reste un des derniers leviers de ce quin-
président du Syndicat des
                                                  réduction de l’usage des pesticides     mieux des statu quo, au pire de nou-       quennat pour agir en faveur d’une
Vignerons de l’Aude revendique
                                                  ont été revues à la baisse, avec        veaux reculs comme sur les néo-            transition agroécologique. Et le plan de
l’action : « Je ne veux plus qu’on
                                                  même un recul notable : le retour       nicotinoïdes. Là où les réformes           relance français dans son volet agricole
oppose l’agriculture à l’envi-
ronnement. Donc chaque fois
                                                  des néonicotinoïdes validé en           engagées devaient permettre de             ne doit pas, lui, aller à son encontre.
qu’il y en a un qui le fera, et ben               octobre par le Parlement français.      revaloriser le revenu des paysans,         La Plateforme citoyenne pour une tran-
on agira. » Voilà.                                  • La protection des riverain·es       celui-ci continue à se dégrader au         sition agricole et alimentaire appelle
                                                  contre les pesticides n’a pas           profit de l’agro-industrie. Là où des      donc à maintenir la pression. n
           Du blé                                 avancé, l’État se défausse en livrant   objectifs intéressants étaient fixés         Communiqué de presse du 3/11/2020
Le gouvernement français a                        cette protection aux rapports de        pour la restauration collective, ils
souhaité maintenir l’avantage                     forces sur les territoires.             paraissent aujourd’hui hors d’at-          (1) Plateforme citoyenne pour une transition
                                                                                                                                     agricole et alimentaire: Attac, CCFD-Terre Soli-
fiscal accordé aux fabricants                       • Les objectifs d’au moins 20 %       teinte tant les collectivités sont lais-
                                                                                                                                     daire, CFSI, CIWF France, Commerce Équitable
d’éthanol d’origine agricole pour                 de bio dans la restauration col-        sées livrées à elles-mêmes.                France, Confédération paysanne, Foodwatch
carburants automobiles. Il a                      lective et de 15 % de surface en          Or la dégradation du contexte            France, Fondation Nicolas Hulot pour la Nature
demandé aux parlementaires                                                                                                           et l’Homme, Fédération Nationale d’Agriculture
                                                  agriculture biologique en 2022          social et environnemental se pour-
                                                                                                                                     Biologique, France Nature Environnement, Eau
de maintenir cet avantage dans                    ne pourront être atteints, faute de     suit : la consommation de pesti-           et Rivières de Bretagne, Générations Futures,
le projet de loi de finances pour                 moyens suffisants : nous n’en           cides ne recule pas, le nombre de          Greenpeace France, Miramap, Nature et Pro-
2021. À la pompe, le carburant                    sommes respectivement qu’à              paysan·nes diminue, la biodiver-           grès, Réseau Action Climat, Secours Catholique,
E10 devrait donc continuer de                                                                                                        Caritas France, SOL (Alternatives Agroécolo-
                                                  4,5 % et 8,5 %.                         sité continue de s’effondrer, l’in-        giques et Solidaires), Terre & Humanisme, UFC-
bénéficier d’une « compétiti-                       • Aucune transition des modes         sécurité alimentaire explose en            Que Choisir, Union Nationale de l’Apiculture
vité » de 2 centimes par litre par                                                                                                   Française, Welfarm, WWF.
                                                  d’élevage, intégrant notamment          France et partout dans le monde…
rapport au SP 95-E5. Le « syn-                                                                                                       (2) Lien vers le décryptage :
                                                  une meilleure prise en compte du          D’autres leviers auraient permis         reseauactionclimat.org/wp-content/uploads
dicat des éthanoliers », dit que
                                                  bien-être animal, n’a été sérieu-       cette année de corriger le tir : pro-      /2019/10/decryptage-loi-egalim.pdf
c’est « pour favoriser la transi-
tion vers des carburants renou-
velables et décarbonés ». Si !                    8   \ Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020
Campagnes solidaires La Scop, pour un autre statut paysan ? - Confédération ...
Écobrèves

                                                                                                                            Écobrèves
                                                                                                 Actualité                                      Cocorico !
                                                                                                                                        L’entreprise française Innova-
                                                                                                                                        Feed a annoncé le début, cet

Un plan sans réelle impulsion sociale                                                                                                   été, de sa fabrication de farine
                                                                                                                                        d’insecte dans la Somme, dans
                                                                                                                                        « le plus grand site de produc-
et écologique                                                                                                                           tion d’insectes du monde ».
                                                                                                                                        Objectif : élever en continu
Annoncé en grande pompe                  mum à l’agriculture paysanne.            bout de souffle. La création d’un                     7 milliards de larves de
par le gouvernement, le volet            Nous avons ainsi obtenu l’ac-            soutien à la certification HVE                        mouches puis les transformer
agricole du plan de relance              compagnement financier des abat-         (Haute Valeur Environnementale)                       en 15 000 tonnes annuelles de
national post-Covid                      toirs mobiles et l’éligibilité d’un      – qui pourrait nous réjouir s’il ne                   farines protéinées pour nour-
n’enclenchera pas la                     certain nombre de matériels essen-       se trompait pas de levier pour                        rir les poissons d’élevage, les
transition agricole dont nous            tiels à l’agriculture paysanne pour      accélérer la transition agroécolo-                    volailles et les porcelets. Inno-
avons besoin.                            la production de protéines végé-         gique – en est un autre. La HVE,                      vaFeed lance aussi une huile
                                         tales, et la protection face aux aléas   quel que soit son niveau, ne garan-                   pour l’aviculture et un engrais

L
      e 3 septembre, le Premier          climatiques. À l’heure du bou-           tit aucune obligation de résultat                     « bio » pour le grand public,
      ministre français, Jean Cas-       clage de cet article, nous conti-        quant à une réelle transformation                     résultat du substrat digéré par
      tex, a présenté le plan            nuons à construire des solutions         des pratiques et ne questionne en                     les mouches. L’usine s’est ins-
« France Relance », « une feuille        pour que les aides destinées au res-     rien les aspects sociaux, pourtant                    tallée sur 5 hectares près d’une
de route pour la refondation écono-      pect de la réglementation sur la         fondamentaux, pour une transi-                        unité du groupe Tereos qui
mique, sociale et écologique du pays »   biosécurité soient accessibles à         tion agroécologique réussie et
                                                                                                                                        fournira la vinasse (résidu de
à l’horizon 2030. Un plan,                                                                 pérenne.
                                                                                                                                        betterave à sucre) et le son de
hélas, loin de la « refonda-                                                                 Rechercher la souverai-
                                                                                                                                        blé pour nourrir les larves. Bien
tion » nécessaire face aux                                                                 neté alimentaire, objectif
                                                                                                                                        sûr, c’est « vert » : ça évite les
urgences et aux enjeux                                                                     reconnu prioritaire pour
d’aujourd’hui, comme en                                                                    notre agriculture, passe                     farines de soja importées, le
témoigne le volet agricole.                                                                par une sécurisation du                      transport, des milliers de
  Tout d’abord, au regard                                                                  revenu paysan, par des ins-                  tonnes de CO2, et ça crée de
des enseignements de la                                                                    tallations massives, par                     l’emploi…
crise et de l’explosion de la                                                              une rupture avec le modèle
précarité alimentaire, l’en-                                                               libéral favorable à l’agro-
                                                                                                                                             Cocorico ! (2)
jeu agricole et alimentaire                                                                business et par une réelle                   Déjà opérationnelle, celle qui
aurait nécessité plus qu’un                                                                implication               des                pourrait devenir la plus grande
aussi maigre pourcentage                                                                   citoyen·nes pour décider                     ferme verticale d’Europe s’est
de l’enveloppe des 100 mil-                                                                collectivement, avec les                     installée sur 3 000 mètres car-
liards d’euros : seul 1 % du                                                               paysan·nes, de l’avenir de                   rés au sol près de Château-
plan de relance national y                                                                 notre modèle agricole et                     Thierry, dans l’Aisne. Elle pré-
sera consacré !                                                                            alimentaire. De sorte que                    voit la production en 2021 de
  Au-delà des aspects bud-                                                                 si le gouvernement ne                        100 000 plants d’herbes aro-
gétaires, ce plan était sur-                                                               revient pas sur sa politique                 matiques (coriandre, persil,
tout une opportunité pour                                                                  de libre-échange et n’ac-                    basilic…), des salades (laitue,
réorienter les systèmes agri-                                                              compagne pas ce plan de                      roquette) et des jeunes pousses
coles et alimentaires, sec-                                                                mesures de protection –                      (radis pourpre, moutarde,
teurs indispensables au bon                                                                via la maîtrise et la régu-                  wasabi…). Épinard, mâche et
fonctionnement de nos                                                                      lation des marchés et des
                                                                                                                                        petits fruits sont en projet. Cul-
sociétés. Au lieu de cela, la                                                              volumes – ce plan sera
                                                                                                                                        tivés en hydroponie et sous
transition agricole et alimentaire       l’élevage de porcs ou de volailles       sans effet positif. Car sans politique
                                                                                                                                        lumière artificielle, les végé-
ne bénéficiera que de saupou-            en plein air.                            de rupture, comme demandée par
                                                                                                                                        taux poussent hors-sol à l’aide
drage, sans réelle impulsion sociale       Toutefois ce plan de relance reste     la Confédération paysanne dans
et écologique. Si les grands objec-      représentatif du peu d’ambition de       son plan « Protéger-Installer-                        d’un substrat irrigué au goutte
tifs comme la souveraineté ali-          ce gouvernement pour l’agricul-          Socialiser » (2), les effets ne seront                à goutte par un mélange d’eau
mentaire ou l’installation-trans-        ture : un appui timoré teinté de         que marginaux sur les dynamiques                      et de nutriments. Tout ça est
mission sont bien cités, une             verdissement à un secteur en crise       territoriales et d’installation, sur la               vendu comme quasiment vert :
politique de soutien et d’accom-         sans proposer la moindre inflexion       valorisation du travail paysan et                     « On utilise zéro pesticide, her-
pagnement massif des paysan·nes          dans la direction choisie d’indus-       sur l’accessibilité à une alimenta-                   bicide ou fongicide », se vante
pour faire évoluer en profondeur         trialisation du modèle agricole.         tion locale et de qualité pour toutes                 l’un des deux chefs de l’entre-
notre agriculture fait défaut.           L’aide aux agroéquipements en est        et tous. n                                            prise qui emploie 19 salarié·es
  Dans un cadre très contraint, la       un exemple : sous le verni de l’ob-         Fabien Champion et Nicolas Girod                   à ce jour et ambitionne 10 mil-
Confédération paysanne s’est             jectif de réduction de la quantité                                                             lions de chiffre d’affaires pour
mobilisée depuis septembre pour          de pesticides épandus, cette aide                                                              2022. « C’est une nouvelle
                                                                                  (1) gouvernement.fr/france-relance
faire évoluer les dispositifs pré-       de 135 millions d’euros ne servira       (2) À (re)lire sur le site :                          industrie qui émerge sous cou-
vus afin qu’ils bénéficient au maxi-     qu’à faire perdurer un système à         confederationpaysanne.fr                              vert d’écologie, mais c’est une
                                                                                                                                        industrie », résume un maraî-
                                                              Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020 / 9                           cher de la région.
Campagnes solidaires La Scop, pour un autre statut paysan ? - Confédération ...
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