Campagnes solidaires - Le lait en trop est dans les fermes-usines! 1000 vaches - Confédération Paysanne
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CS 321.qxd:CS actu 245.qxd 28/09/16 15:53 Page 1 Campagnes solidaires Mensuel de la Confédération paysanne N° 321 octobre 2016 – 6 €– ISSN 945863 1 000 vaches Le lait en trop est dans les fermes-usines! Dossier Une autre Europe pour les paysans !
CS 321.qxd:CS actu 245.qxd 28/09/16 15:29 Page 2 Sommaire Dossier Une autre Europe pour les paysans ! Actualité 4 1 000 vaches Trois ans d’une lutte plus que jamais d’actualité 5 Crise agricole Plaintes contre les responsables et les profiteurs de la crise Participez aux 3èmes Rencontres 6 Crise agricole Parce qu’il y a une urgence humaine ! nationales des agricultures ! 8 Prospectives Plus c’est gros, plus ça passe ! Manger, c’est d’un Commun ! 9 Social Qui est paysan ou paysanne ? Les 21, 22 et 23 octobre 2016 10 Pesticides Le marché du glyphosate détruit le principe à Tours (37, Centre-Val-de-Loire) de précaution En engageant nos réflexions sous l’égide du Commun, nous 11 Industrialisation de l’agriculture Droit(s) contre Monsanto affirmons qu’il n’y a pas deux fonctions séparées qui 12 Élevage Changer l’abattoir, un combat pour la dignité de tous seraient l’une de produire, l’autre de consommer, mais une seule activité partagée : se nourrir. Cela suppose une Internationales délibération en commun pour déterminer comment nous 14 Algérie La tomate industrielle pousse dans le désert saharien souhaitons vivre. 15 La Via campesina au Forum social mondial de Montréal Nous nous rassemblerons – paysans, paysannes, acteurs Initiative de l’économie agricole, rurale, environnementale – pour 16 Vaucluse Une ferme communale pour trois nouvelles partager nos expériences, pour débattre de propositions concrètes rendant les pratiques agricoles et alimentaires paysannes plus durables. Ces Rencontres seront aussi un temps de Terrain convivialité et de plaisir partagé. Nous invitons tous nos 17 Bretagne Stop au plan de licenciement des paysans ! concitoyens, concitoyennes, à prendre part à ces échanges 17 Loire et Rhône La lutte s’enracine contre l’A 45 qui permettront à tous de découvrir la paysannerie d’au- 18 Pyrénées Avant l’ours… jourd’hui et la part qu’elle entend prendre à l’avenir du 19 Ile-de-France Des légumes plutôt que des voitures ! monde. InPACT (1), la Confédération paysanne et les Amis de la 20 Aude Non à la suppression des trains de nuit ! Confédération paysanne sont à l’initiative de ces Ren- 20 Nord Grande Synthe accueille la fête paysanne régionale contres à Tours qui sont aussi le fruit d’un travail de col- de la Conf’ laboration avec de nombreux partenaires nationaux et Abonnement régionaux. 21 Des idées pour faire connaître et diffuser Campagnes solidaires Programme et inscription sur : 22 Annonces www.rencontresdesagricultures.com Culture (1) InPACT national (Initiatives pour une agriculture citoyenne et terri- 23 André Robinet Terres de résistance et de renaissance toriale) est un collectif qui regroupe 10 structures de développement Action agricole, rural et de mobilisation citoyenne : Afip, Inter AFOCG, Fadear, FNCivam, Fnap, MRJC, Miramar, Nature et Progrès, Solidarité Paysans et 24 Pour les paysannes et les paysans, c’est pas la vie Terre de liens. de château ! Mines de plombs 2 \ Campagnes solidaires • N° 321 octobre 2016 Les textes publiés dans Campagnes solidaires peuvent être reproduits avec indication d’origine à l’exception de ceux de la rubrique Point de vue qui sont de la responsabilité de leurs auteurs et pour lesquels un accord préalable est requis. Campagnes solidaires est imprimé sur du papier recyclé
CS 321.qxd:CS actu 245.qxd 28/09/16 15:29 Page 3 On l’ouvre A Justice pour les paysans ! Au moment d'écrire ces lignes, les campagnes françaises sont très majoritairement desséchées. Des repousses d'herbe inexistantes pour les éleveuses et les éleveurs, des cultures difficiles à mettre en place, mais quand même quelques récoltes qui devraient globalement bien se terminer pour les vendanges et les céréales semées au printemps. Quelques inquiétudes, mais le paysan a toujours su s'adapter. Pour la Confédération paysanne, les inquiétudes sont plus grandes quant Josian Palach, à l'évolution de la vie dans nos campagnes et du manque de volonté politique paysan dans le Tarn-et-Garonne, pour inverser un mouvement profondément négatif. Chaque crise, et en secrétaire national Mensuel édité par : ce moment nous en connaissons pléthore affectant la majorité des productions, l’association Média Pays 104, rue Robespierre – 93170 Bagnolet pousse à quitter le métier et concentre la production. Tél. : 01 43 62 82 82 – fax : 01 43 62 80 03 campsol@confederationpaysanne.fr www.confederationpaysanne.fr La Conf' doit continuer à dénoncer les causes et les responsables de la crise, www.facebook.com/confederationpaysanne Twitter : @ConfPaysanne à dénoncer les dérives, que ce soit l'industrialisation de la production (notre Abonnements : 01 43 62 82 82 abocs@confederationpaysanne.fr syndicat a été reconnu l'an dernier lanceur d'alerte dans le jugement en appel Directeur de la publication : Laurent Pinatel au procès dit de l'usine des 1 000 vaches) ou les pratiques de l'agroalimentaire, Directeur de la rédaction : Christian Boisgontier telle l'industrie laitière. Celle-ci veut bien acheter le lait comme « minerai » au Rédaction : Benoît Ducasse et Sophie Chapelle Secrétariat de rédaction : Benoît Ducasse cours mondial et s'approprier toute la valeur ajoutée, ne considérant Maquette : Pierre Rauzy Dessins : Samson les paysannes et les paysans que comme fournisseurs du dit « minerai ». Diffusion : Anne Burth et Jean-Pierre Edin Comité de publication : Le lait étant un produit très périssable, donc très dépendant de l'industriel Jo Bourgeais, Michel Curade, Véronique Daniel, Temanuata Girard, Florine Hamelin, en filière longue, le dépôt de plainte de plusieurs structures départementales Jean-Claude Moreau, Josie Riffaud, Geneviève Savigny, Véronique Léon Impression : Chevillon de la Confédération paysanne pour extorsion contre les principaux groupes 26, boulevard Kennedy BP 136 – 89101 Sens Cedex industriels laitiers est pertinent, tant la soumission du producteur est forte. CPPAP n° 1116 G 88580 N° 321 octobre 2016 Gageons que la justice juge recevables ces plaintes, comme l'a fait en mai Dépôt légal : à parution Bouclage : 28 septembre 2016 le procureur de Rodez, et poursuive leur instruction. Campagnes solidaires • N° 321 octobre 2016 /3
CS 321.qxd:CS actu 245.qxd 28/09/16 15:29 Page 4 Actualité 1 000 vaches Trois ans d’une lutte plus que jamais d’actualité L e 9 septembre, la Confédération pay- tels élevages, couplés à la fin des quotas lai- sanne a eu raison de s’emparer du dossier sanne Nord/Pas-de-Calais/Picardie a – tiers, le risque de surproduction était réel. de l’industrialisation de l’agriculture. en compagnie des syndicats Belges Nous avons les premiers fait le lien entre Grâce à l’action du 9 septembre et à la MAP, MIG et Fugea – stoppé le camion de le développement de ces mégastructures et manifestation de Novissen du surlende- la collecte de l’usine des 1000 vaches… « Le les attentes des consommateurs, le lien main, ce dossier revient sur le devant de la lait en trop est dans les fermes-usines ! », ont entre la surproduction et la concentration scène médiatique. scandé les éleveurs et les éleveuses près de des productions, le lien entre la fuite en Il va nous servir à continuer à revendi- la frontière belge. avant du toujours plus de travail, plus d’in- quer qu’il y a bien trop de lait dans certains Il y a trois ans, le 12 septembre 2013, une vestissements pour des paysans toujours élevages, et pas trop de producteurs de lait. quinzaine de militants de la Confédération moins nombreux et toujours plus précari- Il ne faut rien céder ! Nous sommes à un paysanne s’étaient introduits sur le site sés, le lien avec l’accaparement des terres, tournant… En septembre 2013, nous alors en chantier de cette usine à lait. Nous la financiarisation de notre métier… disions : « Des fermes ou des usines, la dénoncions déjà la dérive industrielle de Trois ans plus tard, au cœur de la crise Confédération paysanne a choisi ! » Conti- l’agriculture qui allait tout emporter. Nous monstrueuse que nous traversons, force nuons de faire vivre ce slogan ! n prédisions qu’avec le signal envoyé par de est de constater que la Confédération pay- Laurent Pinatel, porte-parole national A la une Un camion symbole Le 9 septembre, une trentaine d’éleveuses et d’éleveurs belges et français ont arrêté puis vidé à la frontière entre France et Belgique le camion collectant le lait de l’usine des 1 000 vaches, ouverte il y a deux ans par l’industriel du bâtiment Michel Ramery à Drucat, près d’Abbeville (Somme). Ce sont ainsi 23 000 litres qui ont été déversés sur la route. Ils devaient être livrés à la coopérative belge Milcobel, près de Langemark, en Belgique. « Les fermes-usines doivent arrê- ter d’inonder le marché du lait à bas coût, elles sont plus que les autres responsables de la surproduction qui fait chuter les prix payés aux éleveurs », estime Antoine Jean, pour la Confé- dération paysanne régionale. « Il n’y a pas trop de lait partout, il y en a trop dans les fermes-usines », ajoute-t-il en craignant une « catastrophe sociale » dans les petites exploitations. Le prix du lait en Belgique est à peine supérieur à 20 centimes du litre, contre 24 à 28 centimes en France, alors qu’on estime un prix de revient nécessaire pour vivre à 35 centimes le litre dans les deux pays. Pour l’anecdote, le camion a été bloqué (par hasard) devant une petite ferme belge, collectée par Milcobel. Les éleveurs ont expliqué qu’ils arrêtaient la production en octobre car ils ne s’en sortaient plus… et ils ont rejoint le blocage. Manifestation sur le site de l’usine des 1 000 vaches Le 11 septembre dans la Somme, près de 300 personnes ont manifesté à travers champs du village de Drucat au site de l’usine des 1 000 vaches, à quelques cen- taines de mètres de là. Dans sa prise de parole, Francis Chastagner, président de Novissen – l’associa- tion locale de lutte contre la ferme-usine – a rappelé : « Cette usine est le sym- bole vivant de la surproduction qui tue les petits producteurs. C’est une aberration économique de vendre du lait à 20 centimes le litre à 200 km d’ici. » Il a demandé « une étude d’impact précise sur les sols, par rapport aux nitrates et aux épandages, sur l’ammoniac, sur les gaz à effet de serre » générés par les 1 000 vaches… « Les vaches ne doivent pas être des machines à produire du lait industriel », a-t-il conclu. Rappelons que la ferme-usine contient 880 vaches laitières alors qu’elle n’a d’au- torisation que pour la production de 500 vaches. Une nouvelle enquête publique a été annoncée au printemps par la ministre de l’Environnement afin de régula- riser ou non la situation. En attendant, la ferme-usine continue de produire et de vendre le lait de ses 880 vaches comme si de rien n’était… 4 \ Campagnes solidaires • N° 321 octobre 2016
CS 321.qxd:CS actu 245.qxd 28/09/16 15:29 Page 5 Le ruraleur Le ruraleur Actualité Lactalis : Crise agricole un PDG invisible ? Plaintes contre les responsables Ces temps-ci, on a beaucoup parlé de Lactalis et de son et les profiteurs de la crise patron, M. Emmanuel Besnier, soi-disant invisible. Pourtant, une cinquantaine de militants La crise agricole actuelle n’est aveyronnais du Syndicat des ni un hasard, ni une fatalité. producteurs de lait de brebis Elle a des responsables et (SPLB) et de la Confédération des profiteurs. C’est ce que paysanne se souviennent très plusieurs structures bien d’avoir passé toute une départementales de journée avec lui (jeunot à la Confédération paysanne ont l’époque) et son père, Michel signifié en portant plainte (créateur de l’entreprise, décédé depuis). C’était le 19 juin 1997, contre des entreprises laitières dans une salle voûtée pour l’AG et viticoles, l’État et la Fnsea. de Société Roquefort, marque de Besnier. Sauf que quelques S i les industriels se portent paysans étaient conviés à la bien mieux que les éleveurs cérémonie, puisque porteurs et les éleveuses dont ils achè- Le 2 septembre, à Saint-Etienne, la Confédération paysanne de la Loire dépose plainte de parts, et que les « invités » pour extorsion contre Lactalis, Sodiaal et Danone. tent le lait, c’est qu’il y a un pro- furent plus nombreux: « Bénéfs blème quelque part. Un déséqui- « La Fnsea, elle, fait partie du Copa- coopératif Vinadeis et le négociant en hausse, prix en baisse: Niet!» libre. Une « extorsion » pour Cogeca, le syndicat européen qui a AdVini, et pour les mêmes raisons clamait (rien de nouveau) la plusieurs structures de la Confé- œuvré pour la fin des quotas laitiers », que leurs collègues laitiers contre banderole. dération paysanne qui ont porté dénonçait Laurent Pinatel, porte- la Fnsea et l’État. « Nous voulons Les Besnier étaient au bout de plainte contre certaines de ces parole national. Quant à l’État, les alerter sur la situation catastrophique la salle et les manifestants au entreprises et les responsables paysan.nes dénoncent la passivité de nombreux viticulteurs et viticul- fond, là où se trouvait la seule porte… Sur le Rayon, journal du politiques de la crise. dont il fait preuve en ne défendant trices de la région. En 2013, près de SPLB, on savoure cette photo Au départ de la démarche, en pas le maintien des régulations. 20 % avaient un revenu négatif », ou l’on voit Besnier père ten- février 2016, une action de la « La balle est dans le camp du pro- indiquait Olivier Lozat, de la Confé- tant une échappée mais se fai- Confédération paysanne de l’Avey- cureur, estimait Francis Enjalbert, dération paysanne de l’Aude. « Vina- sant coincer, entre autres, par ron chez Lactalis, près de Rodez. autre porte-parole aveyronnais. On deis importe du vin d’Espagne et rému- les moustaches de Bové. Et ce Bien avant la Fnsea, le syndicat espère qu’il va bien analyser notre nère les viticulteurs et viticultrices à n’est qu’en fin de soirée, après paysan agissait contre le principal argumentation. » un prix qui ne leur permet même pas maints conciliabules du pro- acheteur de la filière, distribuant à de couvrir leurs coûts de production! cureur de Millau (dont l’épouse la population des fromages « sai- La viticulture aussi Le fruit de leur travail est donc clai- était paraît-il conseillère juri- sis » dans ses entrepôts. Dans la fou- En écho, d’autres structures syn- rement extorqué, dans des conditions dique à Société) que les Bes- lée, Lactalis déposait plainte pour dicales ont porté des plaintes sem- qui ne seraient admissibles pour aucun nier père et fils purent quitter la salle sous la protection d’une vol en réunion contre la Confédé- blables, le 22 septembre. Parmi travailleur dans un autre secteur (1) », vingtaine de gendarmes. ration. Qui rétorquait le 3 mai en elles, la Confédération paysanne expliquait le syndicat dans un com- La journée fut longue, les pay- déposant une plainte identique de la Loire en a déposé une auprès muniqué. De son côté, la Confé- sans prévoyants avaient amené contre le groupe, la Fnsea qui pilote du procureur du tribunal correc- dération paysanne de l’Hérault le casse-croûte. Bons princes, la politique agricole française et tionnel de Saint-Etienne contre déposait plainte contre AdVini. « Il ils commandèrent à l’hôtel- l’État français qui s’y soumet. Sodiaal, Lactalis et Danone. Les ne faut pas s’étonner qu’il y ait de restaurant de Roquefort, là où Cette plainte ayant été jugée rece- militant.es estiment qu’en moins en moins de viticulteurs et de devaient festoyer les action- vable, les trois porte-parole de la moyenne, les 3 000 exploitations viticultrices. Les prix auxquels le naires, un plateau-repas pour Confédération de l’Aveyron ont été de la Loire perdent 20 000 à négoce nous paie le vin ne nous per- les « retenus ». Que nenni, ils entendus le 22 septembre au com- 30000 euros de chiffre d’affaires par mettent plus de vivre. Nous sommes ne voulurent point manger. missariat de Rodez. Accompagnés an. En 2015, 30 % des exploi- des acteurs primordiaux de la filière « Journée noire pour Michel par deux secrétaires nationaux – tant.es agricoles laitiers du dépar- et nous n’avons rien à dire sur le prix Besnier », titra le Rayon. Sans Laurent Pinatel et Josian Palach – tement gagnaient moins de auquel on nous achète notre produc- doute que cela lui a servi de leçon : plus d’AG de Société à et par Jean-Emile Sanchez, ancien 4000 euros comme revenu par an, tion », argumentait Thierry Arcier, Roquefort, et discrétion abso- porte-parole national, les militant.es selon les calculs de la MSA. porte-parole de la Confédération lue depuis. Si le ministre Le Foll ont fait valoir leurs arguments. « On La crise agricole s’étendant au- paysanne de l’Hérault. n prétend qu’il n’a pas le numéro va terminer 2016 à 275 euros la tonne delà du lait, les viticulteurs confé- Benoît Ducasse de portable du PDG de Lacta- de lait, alors qu’il faudrait qu’elle soit dérés ont, le même jour, mené des lis, la Conf’ de l’Aveyron, elle, payée 400 euros, pour assurer une actions similaires dans l’Aude et (1) Vinadeis ne paye actuellement que a gardé les photos. 55 euros l’hectolitre de vin alors qu’il en fau- rémunération à l’éleveur », déplorait dans l’Hérault. Ils ont déposé plainte drait 200 pour vivre, selon la Confédération Le ruraleur Francis Sabrié, l’un des porte-parole. pour extorsion contre le groupe paysanne. 26 septembre 2016 Campagnes solidaires • N° 321 octobre 2016 /5
CS 321.qxd:CS actu 245.qxd 28/09/16 15:29 Page 6 Écobrèves Écobrèves Steph sur les terres Actualité de Jim C’est dans une ambiance péta- radante que le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, a présenté le 9 septembre les Crise agricole nouvelles règles de la dotation « jeunes agriculteurs » (DJA). Parce qu’il y a une urgence humaine ! Il s’est prêté à cet exercice en Vendée, dans le cadre des jour- nées organisées par les JA, bap- tisées « Terres de Jim ». Ce type d’événement, c’est du lourd dans les deux sens du terme : cross de moisson- neuses-batteuses et motos en La Confédération pay- free style viennent mettre du sanne a décidé de tra- vailler, sur des proposi- piment à la présentation des tions de court terme afin mastodontes de la dernière de faire face, le plus vite technologie des fermes possible aux situations modernes, avec marchands de dramatiques que vivent pesticides et bouffe industrielle de plus en plus de pay- sannes et de paysans. à gogo. Les estivants, très nom- breux en cette saison près de la côte, venus goûter les pro- duits du terroir ou caresser des animaux, en furent pour leurs frais : les JA, ce n’est pas l’agri- culture du passé ! Le 13 septembre, à Rennes, la (sur l’élevage, mais aussi en pro- Mais en attendant, pour garder Les prêts JA remplacés Confédération paysanne a ductions végétales, en apiculture, les paysannes et les paysans, il par des « dotations » présenté son plan d’urgence en conchyliculture…), ce sont nous faut arracher des mesures C’est donc ce cadre que Sté- pour les paysannes et paysans encore et toujours les foyers, les rapides, simples et efficaces pour phane Le Foll a choisi pour victimes de la crise. Le syndicat ménages, qui sont la variable d’ajus- que toutes et tous puissent vivre commenter le décret publié le propose un ensemble de tement de la perte de revenu. Les décemment. Nous avons donc 22 août sur la nouvelle DJA, mesures qui peuvent être prélèvements automatiques per- porté ce plan auprès des paysans « rédigé en total accord avec mises en place très rapidement mettent à la grande majorité des au Space et à Cournon (1). Nous les JA », a-t-il tenu à souligner. Et pour cause : la nouvelle pour soutenir chaque foyer et créanciers d’être servis directement avons rencontré Stéphane le Foll réglementation reprend point chaque ferme affectés. et, de fait, prioritairement. Il ne et ses services. Nous avons tenté par point les propositions faites reste donc bien souvent aux pay- en vain de rencontrer Manuel D lors du congrès de la section errière chaque crise son lot sannes et aux paysans que leurs Valls. Nous avons rencontré Boris « jeunes » de la Fnsea, au prin- de drames, de détresse, de yeux pour pleurer en fin de mois. Vallaud, secrétaire général de l’É- temps dernier. Ainsi, les prêts désespoir aussi. La Confé- Il est inadmissible de laisser dans lysée, et Marie-France Cazalères, bonifiés ne présentent plus dération paysanne a donc décidé cette précarisation la plus inique des conseillère agricole de François d’attrait, vus les taux bas du de travailler sur des propositions gens qui sont victimes de la crise Hollande. marché. À partir de jan- de court terme afin de faire face, alors que l’agroalimentaire est flo- Ce plan d’urgence, élaboré avec vier 2017, c’est une subven- le plus vite possible aux situations rissant, poussant même l’outrecui- toutes les forces vives de la tion (dotation) qui sera attri- buée, de 11800 euros en plaine dramatiques que vivent de plus en dance, comme Danone, jusqu’à Confédération paysanne, est la et 22 000 euros en zone défa- plus de paysannes et de paysans. annoncer que, si leurs bénéfices solution immédiate aux maux vorisée. Le plan professionnel Le plan proposé se décline en sont records, c’est grâce au prix du des ménages et des fermes. Bien personnalisé (PPP) sera tou- deux parties distinctes et com- lait qui est bas! Les profits indécents évidemment, il ne nous affran- jours exigé. Les sanctions plémentaires : des uns… la misère des autres. chit pas de nous battre contre seront allégées: ainsi, si le jeune • comment subvenir le plus rapi- Il y a donc plusieurs niveaux. Ne ces politiques de plus en plus dégage plus de 3 smic, il n’aura dement possible aux besoins immé- pas relâcher notre pression sur les libérales qui n’ont pour seul but plus à rembourser ses aides diats des ménages, autrement dit, acteurs de l’agroalimentaire (plainte de faire de nous des travailleurs comme avant. Si son revenu « faire bouillir la marmite » ; contre les extorqueurs (cf. p. 5), à façon, asservis et précarisés, est compris entre 0,9 et 1 smic, • comment préserver les fermes, revendiquer une juste répartition de l’industrie agroalimentaire… la déchéance de ses aides n’est plus totale, mais seulement (!) les outils économiques des pay- des marges au sein des filières), Nous n’allons pas nous laisser de 10 %. sans : « faire tourner la ferme ». continuer d’appuyer de toutes nos faire ! n Comme on le voit, la logique Les deux volets présentés ci- forces la mise en place de l’agri- Laurent Pinatel, très sélective voulue par les JA contre sont des mesures simples culture paysanne comme ligne d’ho- paysan dans la Loire, est parfaitement respectée : ou plus complexes, mais dans tous rizon permettant de sauver tous les porte-parole national pas de sanction pour les plus les cas répondant pleinement aux paysans, et les mécanismes poli- gros revenus (plus de 3 smic), besoins immédiats. tiques pour éviter de replonger dans (1) Le Salon des productions animales (Space) s’est tenu à Rennes du 13 au 16 septembre, le pas de cadeau pour ceux qui En effet, il est totalement délirant les crises: régulation, répartition, Sommet de l’élevage s’est tenu à Cournon, n’atteignent pas 0,9 smic… de voir qu’après une année de crise réorientation des primes! près de Clermont-Ferrand, du 5 au 7 octobre. 6 \ Campagnes solidaires • N° 321 octobre 2016
CS 321.qxd:CS actu 245.qxd 28/09/16 15:29 Page 7 Écobrèves Écobrèves Actualité Accompagner « dignement » vers la sortie « Faire bouillir la marmite » De toute part chez les diri- La vie des familles doit être protégée des difficultés économiques de la ferme. geants professionnels, mais Favoriser l’accès à la Prime d’activité (et au RSA socle) aussi politiques, on parle d’ac- n Traitement des demandes dans un délai maximum de 15 jours. compagnement social, de quit- n Prise en compte du revenu familial réellement disponible pour le calcul des ressources (soustraire au revenu fis- ter le métier dans la dignité, cal les remboursements de dettes, ainsi que les annuités de plan de redressement ou de sauvegarde judiciaire). d’aides au départ plutôt que n Ouverture de droit pour un an (et non plus trimestrielle). d’aides au rebond. Sans sous- n Transfert automatique des bénéficiaires de la Prime pour l’emploi en 2015 vers la Prime d’activité, avec effet rétroactif. estimer l’intérêt des aides à la Déclenchement automatique de l’instruction pour les autres aides sociales (logement, santé, allocations reconversion pour celles et familiales, aides d’urgence, tarifs sociaux énergie, eau, téléphone…) ceux qui choisissent de quitter n Avec majoration des aides sociales pour les foyers les plus en difficulté financée par le fonds social de la MSA. le métier, cette insistance sur n Dans le calcul des ressources du foyer, tenir compte du montant du bénéfice agricole forfaitaire (ne pas aug- le « traitement social » est menter artificiellement ce revenu pour le calcul des ressources pour l’accès à certaines aides sociales). quelque peu suspecte. Seule la Accès à un service de remplacement gratuit pour que les paysannes et les paysans puissent souffler (évi- Confédération paysanne pré- ter les situations d’épuisement professionnel, burn-out) ou en cas d’arrêt maladie sente un plan d’urgence (cf. ci- n Mesure financée par le fonds social de la MSA. contre) susceptibles de main- tenir en place les paysannes « Faire tourner la ferme » et les paysans fragilisés. Toutes La trésorerie les organisations n’ont pas les n Aide à la trésorerie de 5 000 à 10 000 €. n Moratoire sur les échéanciers de paiement à tous les créanciers pendant un an, avec report de l’échéance en fin mêmes objectifs ! de plan. L’agriculture paysanne, n Suspension des poursuites en période de crise. Moratoire des services contentieux de tous les acteurs écono- c’est ringard ! miques créanciers des paysans. n Aide au fermage : prise en charge de la taxe sur le foncier non-bâti (TFNB), avec fléchage aux fermiers en cas de Parfaitement en phase avec bail. ceux qui plaident un « traite- Les aides Pac ment social » des agriculteurs n Versement effectif de l’ATR (Apport de trésorerie remboursable) 2016 au 16 octobre 2016. qui ne peuvent économique- n Prise en charge des intérêts des prêts contractés pour pallier les retards des versements Pac et des ATR. ment plus survivre, le rédacteur n Compléments d’aides couplées, avec plafond. en chef de l’agence Agra Presse n Suppression des pénalités sur les contrôles Pac et les visites rapides. affiche une fois de plus la (sa) La production couleur dans son édito du n Autorisation de cession (vente, échange et dons) pour les semences de ferme. 5 septembre : « S’imaginer n Aides plafonnées à l’hectare pour l’achat de semences. n Mécanisme de solidarité entre producteurs pour le fourrage, la paille, les aliments du bétail (prise en charge du qu’on peut les maintenir en acti- coût du transport sous condition de don, pour éviter la spéculation). vité dans un espace protégé n Aides à tous les nouveaux installés : paiement des fermages 2016, dérogation à l’obligation d’atteindre le Smic constitue un rêve ou une grande au bout de quatre ans pour les installés avec Dotation jeunes agriculteurs (référence au plan de développement hypocrisie », écrit-il. Poursui- économique), prise en charge plafonnée des frais financiers par les banques. vant : « D’aucuns crieront à un n Campagne d’information et de sensibilisation des agriculteurs sur les moyens de protéger leur outil de produc- scandaleux plan de restructu- tion par des procédures amiables ou judiciaires. Cette campagne doit mettre en avant le nécessaire accompa- ration et appelleront à un retour gnement des personnes dans ces démarches et indiquer toutes les structures à même de le mener de façon effi- à une agriculture paysanne dont cace. on ne sait pas trop ce que cela n Prise en charge de frais de procédure (pouvant aller jusqu’à 5 000 €). La protection sociale veut dire, si ce n’est des pro- n Prise en charge des cotisations sociales forfaitaires : Atexa (450 €) et IJ Maladies (200 €). blèmes lancinants de revenu ». Ce monsieur connaît mal son Comment, pour qui ? sujet : celles et ceux dont il Des mesures économiques financées par parle ici ont moins de pro- n Une contribution des responsables de la crise (agroalimentaire, grande distribution, assurances, banques, coopé- blèmes de revenu que bien ratives…) – via la loi de Finance à l’Assemblée nationale fin septembre – et de l’État. d’autres qu’il soutient. La Conf’ n Une mobilisation des collectivités territoriales (par exemple via les fonds Feader pour des plans d’urgence agri- et ses réseaux en agriculture cole). paysanne peuvent lui apporter n Actionner la réserve de crise européenne. des preuves flagrantes. Et accessibles a qui ? Ce qui est grave, c’est qu’Agra Ces mesures visent à la fois les personnes physiques (statut de non salarié agricole) et les sociétés d’ex- Presse – dont le groupe Sofi- ploitation agricole (Gaec, EARL, SCEA). proteol de Xavier Beulin est un n Les paysans ayant obtenu un minimum social (RSA socle et Prime d’activité) – Automaticité de l’aide actionnaire majeur – sert de n Les paysans en phase de conciliation ou en cours de procédures collectives (avec un critère supplémentaire sur le patrimoine privé autre que celui de l’exploitation) – Automaticité de l’aide référence à la plupart des quo- n Les paysans confrontés à de fortes baisses de trésorerie (variation à la baisse de trésorerie), tidiens régionaux généralistes n et/ou les paysans dont le taux d’endettement court terme est élevé. pour leurs pages agricoles, et n Les taux de spécialisation et d’endettement couramment retenus en cas de crise sont à proscrire car ils ne pren- donc que son influence est ainsi nent pas en compte la diversité des exploitations. démultipliée. Campagnes solidaires • N° 321 octobre 2016 /7
CS 321.qxd:CS actu 245.qxd 28/09/16 15:29 Page 8 Écobrèves Écobrèves Deux salariés de Triskalia indemnisés Actualité Stéphane Rouxel et Laurent Guillou, alors salariés de Nutréa, filiale du groupe agricole et agroa- limentaire bretonTriskalia, ont été gravement intoxiqués en 2009 Prospectives et 2010 par l’usage répété de pesticides : ils ont alors porté Plus c’est gros, plus ça passe ! plainte. Nous avons relaté leur Selon une étude publiée en juillet par trois « experts » du ministère de l’Agriculture, le modèle combat et la mobilisation autour agricole français de demain serait représenté par de très grandes exploitations multispécialisées. de leur cas (CS n° 308). En sep- Une étude hors sol très contestable pour une propagande intolérable. tembre 2014, le tribunal des affaires sociales de Saint-Brieuc U ne étude publiée dans leur donnait raison et condam- Agreste de juillet 2016 nait l’employeur pour faute inex- (bulletin du ministère de cusable. Suite à leur intoxication, les deux salariés ont développé l’Agriculture) prétend que les une hypersensibilité aux produits grandes exploitations avec au chimiques et… ont été licenciés, moins trois spécialités de pro- sans indemnité! Le 22septembre ductions sont mieux armées pour 2016, le même tribunal vient résister aux aléas du marché – mais d’ordonner qu’ils soient indem- aussi climatiques – que les exploi- nisés de 114 190 euros (pour tations (également de grande Laurent Guillou) et 104750euros taille !) hyperspécialisées décou- (pour Stéphane Rouxel), pour le lant de la politique agricole menée préjudice subi. S’agissant d’un depuis plusieurs décennies (1). Pourquoi les services du ministère ne travaillent-ils pas sur ce qui explique la résis- licenciement consécutif à leur arrêt maladie, c’est la MSA qui Les « experts » de FranceAgri- tance aux crises des paysannes et des paysans qui conduisent leur ferme dans une Mer (2), délaissant leur langage tech- logique d’agriculture économe et autonome ? doit payer la facture et se retour- ner contre Nutréa ou… faire appel nocratique, partent de l’idée qu’il et dont 49 % ont disparu sur leur • Comment des « spécialistes » sous un mois. Ce jugement peut « ne faut pas mettre tous les œufs période de référence. En revanche, financés par le ministère de l’Agri- faire jurisprudence: de nombreux dans le même panier »… Sauf les « très grandes exploitations mul- culture peuvent-ils diffuser une cas d’intoxication dans la même qu’ils devraient plutôt dire selon tispécialisées » (qu’ils baptisent telle publication sans s’interroger entreprise sont en cours d’ins- leur démonstration : « ne pas TGE) associant au moins trois ate- sur les incidences du choix pré- truction, ce qui pourrait inquié- mettre que des œufs dans un très liers « constituent le mode d’adapta- conisé en matière d’emploi, d’en- ter la MSA… très grand panier »… tion au contexte d’instabilité endé- vironnement, d’aménagement et Danger Leur étude s’appuie sur l’évolu- mique le plus pertinent ». D’où une de désertification des territoires, pour nos assiettes tion du nombre d’exploitations avalanche de graphiques et tableaux d’augmentation du prix du foncier Le 20 septembre, une centaine agricoles en France entre 2000 pour démontrer qu’avec plusieurs dans les zones favorables ? de grands chefs cuisiniers et et 2010. Sur cette période déjà spécialités par TGE, plus c’est gros, Tout cela ressemble à une provo- pâtissiers ont dénoncé dans une lointaine (6 ans !), ils remarquent plus ça passe, et donc plus c’est cation. Les services du ministère ont lettre ouverte la fusion Bayer- que ce nombre a chuté de 26 % adapté aux aléas du marché. sûrement mieux à faire que d’ana- Monsanto: « La nature, la diver- et que seules celles ayant une pro- lyser des courbes et graphiques où sité et la qualité de notre ali- duction brute standard (PBS) supé- Mieux à faire tout s’exprime en K€(4). mentation ne doivent pas passer rieure à 100 000 euros ont vu dans que provoquer Pourquoi ne travaillent-ils pas à sous le rouleau compresseur ce temps leur nombre augmen- Que la diversification des pro- l’inverse sur ce qui explique la liberticide du groupe Bayer -Mon- ter. Ils en déduisent qu’il y a un ductions soit préférable à l’ultra spé- résistance des fermes modestes, santo.» « Ardents défenseurs du bien manger, engagés quoti- lien fort entre la taille de l’exploi- cialisation encouragée par les poli- conduites par des paysannes et diennement dans la valorisation tation et leur « résilience ». tiques agricoles, tant françaises des paysans dans une logique du bon produit et des petits pro- Selon leurs statistiques, le qu’européennes, n’est pas nouveau d’agriculture économe et auto- ducteurs », ces professionnels nombre d’exploitations de plus de pour les adeptes de l’agriculture pay- nome? La Confédération paysanne de la bonne bouffe veulent rap- 250 000 euros de PBS augmente sanne qui en font même un facteur peut leur fournir des références… peler leur attachement à de 16 % de 2000 à 2010 et, dans de résistance face à la crise actuelle. Mais ce n’est évidemment pas quelques valeurs fondamentales: cette catégorie, de 34 % pour celles En revanche, que ces spécialistes dans la logique des signataires de « Sans un produit sain et de qua- qui associent trois ateliers ou (de quoi?) en fassent un argument ce brûlot. n lité, sans diversité de cultures, le plus (3). Partant de là, les « experts » pour justifier le gigantisme des Jo Bourgeais cuisinier ne peut plus exprimer décident d’observer uniquement exploitations est intolérable. son talent créatif. » Ils termi- (1) Étude disponible sur : http://agreste.agri- les exploitations associant au La façon dont est construite cette culture.gouv.fr/publications/dossiers/article/l nent sur le danger que repré- sente aussi la fusion pour les moins trois ateliers et présentant « étude » et l’opportunité de sa es-exploitations-agricoles-comme en 2010 une PBS supérieure à publication posent questions : (2) Patrick Aigrain (chef du service Évaluation, paysannes et les paysans qui Prospective et Analyses transversales de France voient se limiter leur liberté de 200 000 euros. • Sur le PBS, aucune indication AgriMer), Dominique Agostini (direction Mar- planter et de cultiver telle ou Ils annoncent clairement qu’ils sur les éléments qui constituent ce chés, Études & Prospective) et Jérôme Ler- telle semence. Avec des propos n’ont pas d’énergie à perdre pour chiffre d’affaires : part de la pro- bourg (Bureau de l’information statistique). (3) bovins lait, hors-sol et fourrage par pareils, ils vont perdre de gros analyser les fermes de moins de duction, part des subventions d’É- exemple ou encore céréales, pommes de terre clients: où vont donc dîner les 25000 euros de PBS, trop peu pro- tat et aides Pac? Quelle est la marge et élevage… patrons du CAC 40? ductives pour peser sur le marché nette d’exploitation par actif ? (4) Symbole du millier d’euros. 8 \ Campagnes solidaires • N° 321 octobre 2016
CS 321.qxd:CS actu 245.qxd 28/09/16 15:29 Page 9 Écobrèves Écobrèves Actualité Le Tafta repoussé Le projet de traité transatlan- tique de libre-échange entre les USA et l’Europe (TTIP, ou Tafta) est en mauvaise posture. C’est Social Qui est paysan ou paysanne ? ce qui ressort de la réunion – houleuse, rapporte la presse – des ministres européens du Qu’est ce qu’un paysan ? Et Des « rentiers de droits à prime » trémité où l’opérateur écono- commerce, réunis à Bratislava comment définir les contours émergent un peu partout. mique, le collecteur de lait, l’in- (Slovaquie), le 23 septembre. Il de son activité ? L’exercice La Confédération paysanne pro- tégrateur, décide de tout. La fron- y a trop de pommes de discorde s’avère périlleux quand il s’agit pose de s’appuyer sur les textes de tière est floue et beaucoup pensent entre les pays pour parvenir à un de proposer une définition droit existants. Ils sont rares mais que dans la plupart des cas, ils ne accord satisfaisant avant la fin du mandat du président Obama. précise, qui n’existe pas l’un d’eux, intéressant et ancien décident pas (niveau de prix, de Ensuite, il faudra attendre que aujourd’hui mais détermine dans le statut du fermage, tend à volume, voire conditions de pro- la nouvelle administration amé- pourtant l’accès à des droits vérifier qu’un propriétaire usant de duction), ou si peu. ricaine se mette en place, puis sur lesquels certains lorgnent son droit de reprise exerce bien le Quant au terme de pluriactivité, il y aura les élections en France, avec un appétit sans limite métier suite à l’éviction du fermier. il est utilisé à toutes les sauces. Sur puis en Allemagne… Pourtant, la (foncier, aides). Le texte est éclairant sur les condi- le fond, il faut encourager la plu- plupart des pays européens sont tions à remplir (2) : « Le bénéficiaire riactivité, condition d’exercice de favorables à la reprise des négo- ciations. En attendant, le Ceta, Ê tre paysan ou paysanne, c’est de la reprise ne peut se limiter à la l’activité dans certains territoires pouvoir accéder au foncier direction et à la surveillance de l’ex- ou situations difficiles, en fonction accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada pour produire, bénéficier ploitation et doit participer sur les de certaines conditions person- (cf. CS n° 320), devrait être signé d’un droit à construire des bâti- lieux aux travaux de façon effective nelles ou lors d’une installation le 27 octobre. Un accord qui ments en zone agricole, voire sa et permanente, selon les usages de la progressive. Il faut la distinguer bénéficie d’un soutien unanime maison d’habitation, accéder à région et en fonction de l’importance du cumul en utilisant un critère de des ministres européens, esti- diverses aides, bénéficier de règles de l’exploitation. Il doit posséder le revenu dégagé, discutable mais ment les experts, qui ignorent sociales ou fiscales particulières, cheptel et le matériel nécessaires ou, proposé à des niveaux maximums les manifestations pour s’y être admis dans certaines procé- à défaut, les moyens de les acquérir. d’environ 3 000 euros. Cela peut opposer qui ont eu lieu en Alle- dures (1), pouvoir voter aux élec- Le bénéficiaire de la reprise doit occu- paraître beaucoup à certains mais magne en septembre et qui se tions professionnelles… Les per lui-même les bâtiments d’habita- il s’agit ici d’écarter les cumulards préparent, notamment une à Paris le 15 octobre. enjeux de définition sont donc tion du bien repris ou une habitation entrepreneurs ou des cadres en considérables dans un contexte située à proximité du fonds et en per- mal de ruralité. D’autres politiques L’agriculture bio où le législateur vient de créer un mettant l’exploitation directe. » publiques, tel le contrôle des struc- pète la santé Registre des actifs agricoles et où tures, pourront ensuite définir en Dans un paysage agricole plus certains y voient une opportunité Pluriactivité et cumul deçà de ce seuil qui mettre en prio- que morose, le bio se porte très de tri ou de sélection qui inquiète. Il faut être réaliste (3), l’intérêt de rité pour l’accès au foncier. Il bien en France. Certes, les pro- Car la définition du paysan, selon cette définition est de s’assurer par convient aussi d’envisager le cumul ducteurs subissent les intempé- ce qu’elle contient, renvoie à un l’inverse des travaux effectués : qui possible entre retraite (pour les ries comme les autres, mais les chiffres de croissance sont d’un modèle d’agriculture. ne dispose d’aucun outil ne peut non-agriculteurs de métier) et acti- optimisme insolent. Le marché Si la définition des activités agri- effectuer lui-même les travaux, qui vité agricole : la loi prévoit cette du bio a augmenté de 20 % sur coles ne pose pas de difficultés habite à 300 km non plus, etc. possibilité, comme elle prévoit un an, pour atteindre 6,9 milliards (cycle biologique ou étape de ce Autre condition, liée à la précé- pour un paysan en retraite de pou- d’euros. Les surfaces certifiées bio cycle), ce que veut dire « exer- dente : avoir une maîtrise directe voir faire une activité autre que augmentent aussi de 20 % pour cer » l’activité agricole ques- (propriété, copropriété, location, paysan (salarié agricole ou autre atteindre 1,57 million d’hectares tionne. Dans les campagnes se ou prêt) ou indirecte (Cuma ou métier). Là aussi un seuil de mon- (5,8 % de la surface agricole utile développent de nouvelles « pra- parts sociales de sociétés agricoles) tant de retraite est à définir. totale), et 260000 hectares sont tiques » où le prétendu agricul- de l’outil de production. Moins Être inscrit dans un registre pro- en cours de reconversion. Le nombre de fermes en bio est de teur n’effectue plus les tâches difficile de s’en assurer que pour fessionnel (4) clôture la liste des 31880, soit + 10 % en un an (à mais se contente de diriger et la non-subordination et l’autono- conditions, étant entendu que ce comparer aux + 20 % de sur- surveiller – parfois de loin – la mie qui doivent permettre la prise « fichier » existait déjà dans les faits face!). Les responsables s’inter- conduite de l’exploitation délé- de décision par le paysan sur son (à la Mutualité sociale agricole) rogent: comment anticiper les guée au voisin ou à un entrepre- activité. Ici, la Confédération pay- pour toutes les personnes ayant un débouchés, structurer les pro- neur de travaux agricoles. sanne entend ne pas arriver à l’ex- statut agricole (5). n ducteurs, en conservant la valeur Bernard Breton, animateur national ajoutée ? Il faut tenir compte des erreurs qui ont pu être faites Être paysan : tentative de définition en charge du pôle social dans le domaine conventionnel, Les 5 conditions cumulatives : observe Stéphanie Pageot, pré- • Exercer une activité agricole de façon effective hors de la stricte direc- (1) Agriculture en difficulté, calamités agri- sidente de la Fédération natio- tion et de la surveillance, coles… nale de l’agriculture biologique • Avoir une maîtrise directe ou indirecte de l’outil de production, (2) Extrait de L411-59 du code rural. (3) Il n’est pas possible ni souhaitable de (Fnab). On assiste à un change- • Ne pas être subordonné dans l’exercice de l’activité et être autonome mettre un juge ou un fonctionnaire dans le ment d’échelle et la question dans la prise de décision, tracteur, la serre ou la salle de traite pour véri- posée est: comment croître sans • Ne pas bénéficier d’une rémunération extérieure annuelle dépassant un fier si la personne effectue le travail. tomber dans les griffes de plafond, (4) Suite à une démarche volontaire, celle de l’agroalimentaire? Vaste défi… se déclarer. • Être inscrit dans un registre professionnel agricole. Jo Bourgeais (5) Chef d’exploitation, conjoint, aide familial. Campagnes solidaires • N° 321 octobre 2016 /9
CS 321.qxd:CS actu 245.qxd 28/09/16 15:29 Page 10 Actualité Pesticides Le marché du glyphosate détruit le principe de précaution Fin juin, la Commission européenne dant de l’Organisation mondiale de la Santé, Selon le cabinet d’étude américain sur la renouvelait l’autorisation après analyse de la littérature scientifique transparence des marchés Transparency Mar- du glyphosate pour 18 mois. Pourtant, sur les impacts du glyphosate classe celui- ket Research, le marché du glyphosate qui la molécule insecticide, principe actif ci comme « cancérigène probable » (2). Ce représentait dans le monde 4,16 milliards du Roundup, produit phare que contredit l’Autorité européenne de d’euros en 2012 pourrait atteindre 8 milliards de Monsanto, est de plus en plus sécurité alimentaire (Aesa) en d’euros en 2019. Si l’Europe ne compte que suspectée de nuire à la santé humaine. novembre 2015. L’Aesa se base sur les tra- pour 12 % de ce marché, c’est parce que le vaux de l’Institut fédéral allemand d’éva- glyphosate est intrinsèquement lié aux OGM, L a polémique enfle comme les bourses luation des risques (BfR), chargé par les plus précisément aux plantes génétique- des marchands de pesticides à base de autorités européennes d’évaluer ceux liés ment modifiées. Selon Sylvie Bonny, de glyphosate. Initialement protégé par au glyphosate et qui conclut ses travaux fin l’Inra-Grignon, 81 % des OGM cultivés dans un brevet obtenu en 1974 par Monsanto, 2013 en donnant un avis favorable au le monde entre 1996 et 2014 étaient tolé- le glyphosate qu’on retrouve dans le fameux renouvellement de l’autorisation. rants aux herbicides, et l’écrasante majorité Roundup, l’herbicide le plus vendu au de ces plantes l’étaient au glyphosate. Astuce: monde, tombe dans le domaine public en De lourds enjeux commerciaux les OGM vendus par Monsanto sont sous 2000. En 2002, la demande de ré-autori- Cela ne signifie pas que le glyphosate est contrat qui stipule que les variétés transgé- sation de la molécule, déposée alors par 36 sans danger. Le BfR note que nombre niques résistantes au Roundup (Roundup entreprises, reçoit un avis favorable pour d’études sur les risques cancérigènes ou de Ready) ne peuvent être utilisées qu’avec ce dix ans dans l’Union européenne. Depuis toxicité génétique (dommages sur l’ADN) produit et non un herbicide générique. Une 2012, en l’absence d’accord entre les déci- « ne concernent pas la substance active gly- excellente façon de contourner en partie la deurs européens, l’autorisation est… pro- phosate seule, mais seulement en cas de for- fin du brevet sur la molécule. longée jusqu’au 30 juin 2016. Et fin mulation, soit en d’autres termes sous formes Les manœuvres de Monsanto dévoilent juin 2016, à nouveau faute d’accord entre de produits disponibles commercialement ». bien la teneur des enjeux du renouvellement les États membres (1), la Commission euro- L’Aesea considère, elle, « probable que les de l’autorisation du glyphosate en Europe. péenne décide de… prolonger à nouveau effets génotoxiques observés pour certaines for- Son interdiction pour cause sanitaire pour- pour 18 mois l’autorisation, soit jusqu’en mules commerciales de glyphosate soient le fait rait avoir de grandes répercutions sur le décembre 2017. des autres constituants ». marché du Roundup – et donc des OGM – Pourtant, l’innocuité du glyphosate fait Donc, si on comprend bien: on ne peut pas dans le monde. Ces manœuvres au mépris débat. En mars 2015, le Centre international conclure faute d’études suffisantes que le de la santé publique pourront être portées de recherche sur le cancer (Circ), dépen- seul glyphosate est dangereux, mais on peut devant le Tribunal Monsanto qui se réunira dire que des produits qui en contiennent et du 14 au 16 octobre à La Haye, aux Pays- Nouveau monstre qui ont été étudiés le sont probablement. Bas (voir page suivante). n Officiellement, le nouveau délai de 18 mois Benoît Ducasse, d’après Éric Meunier, Annoncé le 14 septembre, le rachat de Mon- santo par Bayer, c’est la prise de contrôle accordé par la Commission européenne vise « La molécule de la discorde », du tiers du marché des semences par une à permettre aux « experts » de l’Agence euro- article paru dans Inf ’OGM, le journal, n° 141 entreprise qui contrôle déjà 17 % du mar- péenne des produits chimiques de se pro- (septembre-octobre 2016) ché des pesticides (et atteindra 27 % avec noncer sur le dossier. On est loin du prin- Pour suivre l’actualité sur les OGM : Monsanto). En clair, c’est la mise sous dépen- cipe de précaution qui impose au contraire www.infogm.org dance des paysans qui n’auront plus d’autres qu’en cas de doute ou de controverse l’au- choix que d’acheter les produits de ce nou- torisation de la molécule soit suspendue. (1) Ils doivent dans ce cas statuer à la majorité qualifiée. veau monstre. (2) Ce qui signifie que les informations sur les animaux de Mais les enjeux commerciaux sont tels que laboratoire sont suffisantes, mais qu’elles sont limitées chez Sous prétexte de soigner des plantes sélec- le principe de précaution ne fait pas le poids. l’homme. tionnées pour être dépendantes de leurs pesticides, ce groupe aura le champ libre pour la commercialisation de quantités de produits. En réalité, c’est bien la souverai- neté alimentaire que cette transaction à 59 milliards met en danger. La Confédération paysanne appelle donc les autorités de la concurrence à refuser la création d’un tel monopole prédateur sur le marché des semences et des pesticides. L’avenir de l’agriculture passera par l’auto- nomie des paysans, pas par la dépendance Les OGM vendus par Monsanto sont sous contrat qui stipule que les variétés transgéniques résistantes au Round- aux multinationales ! up (Roundup Ready) ne peuvent être utilisées qu’avec ce produit et non un herbicide générique. Une excel- (Communiqué du 15/9) lente façon de contourner en partie la fin du brevet sur la glyphosate, tombé dans le domaine public en 2000. 10 \ Campagnes solidaires • N° 321 octobre 2016
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