Carnet de Bord du Magellan - 2ème Tome : Le Pacifique - Par l'équipage d'Un Monde d'Expéditions

 
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Carnet de Bord du Magellan

 Par l’équipage d’Un Monde d’Expéditions

               2006-2008

    2ème Tome : Le Pacifique
San Blass / Galapagos
Auteur : Chloé COTTAZ

J’avais pris le soin de réaliser un carnet de bord très détaille sur notre traversée de la mer des Caraïbes
(British Virgin Islands – San Blass). Malheureusement, l’informatique n’appréciant guère la mer
(tulbutations, embruns, humidité,…), résultat mon ordinateur est tombé en panne, engloutissant tout le
contenu, dont le fameux carnet de bord… milles excuses… des aléas liés que trop a notre Aventure marine !

Nous, voici donc arrivés le 13 avril, après une traversée de la mer des Caraïbes remarquables : vents portants
de 15N (mise a part les 2 derniers jours qui nous ont permis de jouer avec le Spi !), aux magiques San Blass.
Trois nouveaux membres sont à membres à bord de notre navire : Mathieu et Simon, frère suisses
sympathiques qui ont embarqués avec nous à St Martin en temps que « bateau stoppeurs » et qui nous
quittent aux San Blass, cap pour eux sur la Colombie puis l’Argentine, objectif initial de leur périple. Mais
une troisième équipière est à bord, Christophine, jeune poussine noire recueillie sur l’île de St Martin âgée
tout juste de 24h qui prendra très vite la patte marine : enfin une présence animale sur le bateau et des bons
œufs fermiers en perspective (labellisés : « issus de poule élevée en pleine mer » !!!) Revenons à notre
destination : les San Blass, ensemble de plus de 300 îlots de sable blanc et de cocotiers (les cocos des San
Blass sont depuis des générations les plus réputées de toutes les caraïbes) ! Ilots paradisiaques appartenant à
l’état du Panama et habités par les indiens Kunas, indiens de petite taille très typés qui ont su jusqu'à présent
préserver leur territoire et leur culture… pourvu que cela dur ! Cette halte permettra à l’équipage de
Magellan de récupérer de la navigation précédente (mer des Caraïbes : 7 jours), et de profiter du sauvage du
site avant de se jeter dans la gueule du canal de Panama (difficultés administratives et techniques en vue et
attente dans les cités pollués panaméennes). Les journées seront ponctuées des activités suivantes :
    - chasse sou marine,
    - snorkling,
    - visite des îles.
Les eaux turquoises se prêtant à merveille aux activités aquatiques. Nous nagerons tous les jours au milieu
des multiples espèces coralliennes de poissons, des raies géantes de 4 m, et des requins nourrices… que du
bonheur ! Cette halte paradisiaques nous permettra de rencontrer nos amis du catamaran Double Click :
Elizabeth, Camille et Jean, toursdumondistes originaires de nouvelles Calédonie qui nous feront partager
leurs expériences « voyageuses » ! Nous faisons également la rencontre de Joshua, américain de San
Francisco passionné… de pêche au gros ( !!!) qui fera la route avec nous jusqu’aux Marquises.

Le 22 avril, nous voici partis en quittant nos îlots paradisiaques, cap sur Colon. Mais nous sommes pourtant
enthousiastes malgré la réputation du passage du canal (nombreuses difficultés rencontrées) : il s’agit pour
nous d’une expérience unique : traverser le continent américain et passer d’un océan à l’autre au cœur d’un
ouvrage titanesque ! Après une nuit de navigation, deux thons péchés (dont un dévoré sous nos yeux par un
requin aux fesses de Magellan !!), nous voici glissant doucement vers l’entrée de la gueule du loup, entré du
port de Colon, entourés par les géants des mers aux cotés de nos amis de Double Click. Ces cargos ont
depuis le début du voyage toujours susciter ma fascination : monstres d’aciers habités par des hommes peut
être aussi des femmes, qui passent leur vie sur ces ôtes des mer, au milieu des océans, au cœur de cet autre
univers, déconnecté de la réalité du système. Une trentaine de ces géants attentes patiemment à l’entrée du
port leurs feux verts pour se jeter dans le goulot étroit du canal. Nous nous faufilons et arrivons au mouillage
assez venté du Yacht Club de Colon… là un stand bye de 15 jours nous attend, mais nous nous y étions
préparer. Les deux premiers jours sont consacrés à la course contre la montre pour réaliser l’intégralité des
formalités administratives pour ensuite avoir le plus rapidement possible notre date de passage. Les
formalités nécessaires sont élaborées à l’aide d’un agent informel (40 dollars) qui va nous aiguiller au sein
de la ville de Colon, cité pauvre assez dangereuse. Les formalités sont les suivantes :
    - acquisition du cruising permit (120 dollars),
    - immigration (visas, 11 dollars par personne - clearances entrée + sorties du territoire panaméen),
    - visite sur le bateau du mesureur pour dimensionner le bateau,
    - paiement du passage du canal à la banque (600 dollars + 850 dollars de caution)
    - Location de 4 lignes et 8 pneus utilisés comme parbatages (80 dollars)
Total des opérations : 860 dollars + 850 dollars restitués en fin de passage si pas de perturbations causées au
canal.
Une fois notre date fixée : le lundi 7 mai, nous pouvons organiser notre temps libre pour préparer la suite du
voyage. Au programme : Internet, avitaillements, réparations des ordinateurs en panne (…), achats divers et
variés pour le bateau avant le grand sot vers le Pacifique. Pour ce faire, nous allons nous rendre à Panama
City, ville située à l’autre bout du canal, côté Pacifique à 80 kms de Colon. Panama City est la capitale du
Panama, cité américanisée : n’oublions pas l’influence historique américaine concernant ce canal. Sa
construction est une œuvre américaine, la zone du canal était alors une bande de terre de 80 km sous
administration américaine qui comprenait les ports de Cristobal (ville de Colon, côté Caraïbe) et de Bilboa
(côté Pacifique, ville de Panama City). Le canal a été inauguré par les américains en 1914. En 1979, la zone
du canal passe sous juridiction panaméenne et le canal de Panama fut lui-même cédé le 31 décembre 1999,
donc très récemment.
La route Colon / Panama City nous permettra d’avoir un aperçu intéressant de Panama. Les orages et pluies
diluviennes ponctueront notre séjour panaméen, la saison des pluies étant enclenchée… Cette halte à la porte
d’entrée du Pacifique nous permettra de savourer de belles rencontres, avec des personnages de tout âge et
tout horizon (bien qu’il y est beaucoup de français !) qui voyagent comme nous, à leurs rythmes. Je pense
notamment à nos amis belges Muriel et Jean-Yves sur Bacchus, qui réalisent également un tour du Monde en
deux ans et avec qui nous resterons en contact BLU quotidien sur la suite du voyage ; je pense aussi à
Patricia, Fred et Marie sur Vavitu qui font cap sur la nouvelle Calédonie, leur ancienne patrie ; Florence et
Michel sur Mari posa qui trottent autour du Monde après avoir quitté leur ville de Calais, à Hervé et Marie
sur Baravelle, qui nous avaient rendus visite sur le chantier de Vannes, quand nous étions encore en train de
gratter le ventre rond de Magellan et que nous retrouvons après un océan !… et bien d’autres encore. En
terme de rencontre, à noter notre aide à Jean-Yves originaire de Nouvelle Calédonie, pour passer son bateau
Imagine vers l’océan Pacifique : en effet, la réglementation du passage du canal impose la présence de 5
personnes à bord, plus le pilote : 4 handliners et 1 barreur. Un cercle d’entraide et d’amitié se crée alors entre
les différents équipages en attente : les propriétaires sont contents de trouver des handliners qui se libèrent
sur deux jours pour traverser le canal, et les équipiers sont contents de vivre une fois l’aventure du canal
avant de manœuvrer leur propre bateau ; et c’est bien sûr encore l’occasion de riches et émotionnelles
rencontres.
Le week end avant de passer le canal, nous nous évadons Jean-Baptiste et moi, deux jours pour profiter du
Sauvage de Panama. Cap sur le rio Shagress, à 6 mn de là : nous remontons à bord de Magellan, la rivière :
la forêt tropicale dans toute son exubérance, déborde sur les berges abruptes de la rivière : quelle belle
expérience de remonter une rivière à bord de son voilier ! Une fois ancrés, nous gonflons nos canoes pour
des expéditions diurnes et nocturnes au sein des bras de rivières, ridules qui serpentent la forêt primaire. Les
singes hurleurs sont au rendez-vous, les voix rauques s’embrasent à l’aurore et au coucher du soleil. Ce bol
de verdure nous réhydrate, nous repartons de cet havre de paix direction le grand sot pour le Pacifique avec
notre traversée qui aura lieu le lendemain. JB est au sommet du mat afin de contrôler le gréement pendant
que je guide Magellan vers la sortie de ce Rio. Nous prenons ensuite le temps à la sortie du canal, à la
jonction de ces deux milieux (écotone pour les spécialiste !): milieu doux et milieu salin de la mer, pour
gratter le ventre bombé de Magellan : de nombreux coquillages se sont déposés sur la coque, mais nos
efforts physiques en viendront à bout ! On nous fera remarquer plus tard, que ce bain n’était pas très
opportun : les embouchures de rivières étant des sites privilégiés à la fois pour les requins et les crocodiles…
ouf !

Je laisse le privilège à notre bien-aimé Magellan, à qui nous n’offrons pas souvent l’occasion de s’exprimer,
de vous faire part de l’Aventure de notre passage du canal emplie d’émotions et de joies !

Non, pour sur je ne suis pas de ceux qui moisissent entassés les uns sur les autres dans les eaux polluées des
ports, je suis un voyageur, et pas un pigeon, un voilier de 14 mètres… Mon nom : MAGELLAN
Je suis né en 1986, après une gestation de 11 mois dans les chantiers Jeanneau, une famille noble et réputée
pour la qualité de ses rejetons. Je pesais déjà mes 21 tonnes le jour de l’accouchement, lorsque j’ai
définitivement quitté en toute autonomie mes béquilles pour le liquide salé de ma « mère ». On a le bras long
dans la famille, et tout a était organisé pour que grâce à tonton Archimède et papy Hélios je puisse
vagabonder aux 4 coins du Monde…
J’ai commencé très jeune à travailler en voilier de location histoire de préparer un pactole pour quitter ma
France natale. A 14 ans puis à 16 ans je suis parti pour faire le tour de l’Atlantique en 1 an. Puis à 20 ans,
c’est le départ pour la grande boucle, j’ai quelques précieux sponsors qui vont m’épauler pour ce challenge
de 2 ans, via les canaux de Panama et de Suez.

Panama… C’est du nouveau pour moi. J’étais plutôt spécialiste de l’atlantique… Ce qui m’attend demain
c’est de l’eau douce, des écluses, des cargos monstrueux à mes cotés et puis le grand saut, le Pacifique. Le
passage du canal est comme une porte de non retour, la suite serra obligatoirement au devant de mon
étrave, direction où le soleil se couche.

Cela fait 15 jours exactement que j’attendais sur le « Flat », zone de mouillage pour les voiliers en face de
la ville de Colon, ville ravagée par la drogue où les blancs comme moi ne sont pas le bienvenu. J’ai mis a
profit ce temps pour me remettre en parfaite condition physique pour la suite du programme, beaucoup de
navigation sur des mers inconnues. Ces jours d’attente m’ont permis de discuter avec d’autres voiliers, ceux
qui ont les mêmes aspirations que moi, pas tous ceux que j’ai pu croiser dans les Caraïbes, souvent loués ou
asservis à du charter.

Nous allons traverser avec 3 autres compagnons, je serai le plus petit donc aussi le moins rapide sur la
navigation des 40 milles nautiques au moteur. J’ai toujours mon vieux Perkins 4108 d’origine qui ronronne
comme une horloge en mon sein, malgré ses 6000 heures de bons et loyaux services. Le catamaran « Double
click » est un bon camarade de jeu, c’est une construction amateur très réussie, native de Nouvelle
Calédonie. On a passé des moments très sympathiques ensembles aux San Blass. L’autre est un ketch, un
Amel « super Maramu », détenu par un propriétaire Americain, un peu un autre monde que moi…
Climatisation a fond, bière fraîche a coté de la barre 24h sur 24… Il ne manque que la piscine avec les
Bimbos pour avoir le parfait cliché « Oncle Sam ».

17 heures le 7 mai 2007. Le pilote délégué par la direction du canal arrive a bord. C’est parti pour les
premiers 4 milles en direction des 3 premières écluses. Impressionnant… De nuit j’aperçois cet ascenseur
géant en train de hisser des cargos de plus de 250 mètres de long, de 30 mètres de large, ayant des tirants
d’eau de 12 mètres et une hauteur au dessus de l’eau de 50 mètres. Nous sommes attachés en radeau,
Double Click au milieu, avec le ricain à son bâbord et moi à tribord. Nous représentons une largeur de 20
mètres pour un couloir de circulation de 30 mètres. Bref, je suis à plus ou moins 5 mètres de ce mur en
béton pourri qui pourrait fortement m’endommagé si notre radeau de la méduse guidé par 3 pilotes et par
les 3 barreurs et maintenu en son centre par les 4 hand liners venaient à manquer de coordination. Ce serait
probablement la fin de ce périple en 2 ans… Anxieux ? Non, c’est peu être la navigation au moteur demain
qui m’inquiète le plus, les pilotes demandant d’aller à des régimes où je ne vais jamais.
Le radeau qui est maintenu au milieu par les 4 lignes est secoué par les remous de l’eau remplissant notre
bassin et nous montant de 15 mètres par rapport au niveau de la mer. S’enchaîne la seconde et la troisième
au cul d’un cargos frigorifique qui nous ballote à chaque fois qu’il remet son hélice en action. Lui est
maintenu au milieu - disons plutôt à 1 mètre de chaque coté - par 4 locomotives qui le hâlent avec des câbles
de 6cm de diamètre en double. Il est 22h et nous sommes arrivé sur le lac Gatun, lac artificiel permettant la
circulation des navires au milieu du continent centre américain, et également représentant la réserve en eau
de fonctionnement de ces écluses en action 24h sur 24 depuis 1914… La nuit à 35 mètres d’altitude dans de
l’eau douce baignée de crocodiles est douce et agréable, j’espère que les coquillages et algues qui
s’agrippent à ma coque malgré mon anti-fooling vont mourir asphyxiés ! Alors que mon équipage et celui de
Double Click prolongent la soirée avec les guitares, je m’endors dans les bras de Morphée après avoir
vérifié les niveaux de mon bourrin. Demain il va turbiner.

8h le 8 mai 2007, un nouveau pilote arrive à mon bord. Il est en retard bien sur, et demande donc de mettre
« full gaz » … Ma ligne de flottaison est plus haute que d’habitude, cela à cause de la salinité de l’eau qui
en mer me pousse un peu plus hors de l’eau. C’est un peu comme si j’étais chargé de quelques tonnes
supplémentaires. Je vais être mon rapide qu’en mer. Le lac est un dédale d’îlots et de troncs nus, dressés
comme des poteaux télégraphiques dans une piscine. L’inondation de cette terre est certes louable pour les
services que ce canal rend, mais il est dur de ne pas penser aux villages et vallées noyées sous la vase. Sans
ce canal entre les 2 Amériques, j’aurais du faire le tour par la Patagonie pour passer dans le Pacifique…
Une navigation d’expert coûteuse en matériel, le bateau étant agressé par des vents très puissants et une
mer défoncée.
Mes 2 autres camarades, plus rapides sont déjà loin devant. J’avance à 5.5 nœuds à 2300 tours minute. Le
capitaine JB cache le cadran au pilote et lui annonce régulièrement 6.5 nœuds. Chloé bichonne le pilote en
étant à ses petits soins et en lui faisant du charme. Tous les hublots sont ouverts et un ventilateur
supplémentaire crée un courant d’air aidant le bourrin à refroidir. Le capitaine a le ventre en vrac ; j’essai
pourtant de le rassurer en glissant de mon mieux sur cette eau verte où surgissent de temps à autres des
crocodiles et des cargos.
28 milles plus loin nous retrouvons mes 2 compères qui m’attendent impatient de mettre le quille dans le
Pacifique. 3 écluses pour descendre à nouveau. Le radeau est formé de la même façon que hier au soir. La
descente s’annonce plus facile, de jour, et sans les remous car l’eau s’évacue depuis le fond du bassin sans
créer de remous traîtres. Dernière écluse, Miraflorès. J’essai de me mettre en valeur. Je sais que je suis en
direct sur le Web via les webcam du canal. Je suis fier et heureux ; l’aventure continue et m’attends derrière
ces 2 portes de 30 mètres de haut, 15 mètres de larges et 2 mètres d’épaisseur. Le moteur a tenu sans
problème le rythme soutenu, sans monter en température. J’aime ce bourrin !

Il est 14h lorsque je pose mon ancre après être passé sous le pont des Amériques. Il s’agit de rendre les
lignes que l’on a loués et les pneus emballés dans des sacs poubelles qui m’ont servis à protéger ma robe
blanche. Demain, je mets les voiles !

                                                            Propos recueillis par JB Calais pour MAGELLAN

Le 08 mai, nous sommes de l’autre côté du canal à Panama City… nous y resterons jusqu’au lendemain midi
puis départ rapide pour les îles Las Perlas, appartenant à l’état de Panama. Cette halte à Panama nous
permettra de récupérer Thomas, équipier très attendu que nous avions eu le plaisir de rencontrer en
Martinique au détour d’un cyber café, repère des marins (en dehors des bars !). Ayant traversé l’Atlantique
en solitaire, il souhaitait vendre son bateau typé course pour nous rejoindre, caper vers d’autres horizons plus
lointains. Nous sommes heureux de l’accueillir enfin à bord de Magellan ! Nos premiers milles sur le
Pacifique se feront en slalomant autour de troncs d’arbres flottants, véritables vaisseaux fantômes transportés
par le courant de Humboldt qui ramène des billes de bois des côtes d’Amérique du sud vers les côtes plus au
Nord. Nous ferons une arrivée remarquable aux îles Las Perlas, à Pacheca de nuit sous une pluie diluvienne
et des éclairs menaçants… nous nous sommes guidés au GPS… ho, spectacle au réveil : nous pointons le
bout du nez en dehors des hublots et là, une île sauvage et des milliers d’oiseaux qui tournoient !
Magnifique : des frégates, des pélicans bruns ! Que le Pacifique est sauvage ! Jean-Baptiste et Thomas
partent nager et sont impressionnés par la quantité d’espèces de poissons dans l’eau ! Nous quittons l’île vers
midi pour rejoindre une île plus au sud, l’île de Pedro Gonzales : mouillage paradisiaque mais nuancé par
une attaque d’envergure de moustiques dès notre arrivée. Lendemain, snorkling, visite de l’île et rencontre
avec des pécheurs panaméens en halte sur l’île : ils nous coupent des cocos et nous donnent des bananes
plantains en échange d’un leurre… un troc sympathique ! Départ ensuite pour notre dernière escale aux
Perlas : l’île de San José. Nous arrivons alors au cœur d’un site privilégié, sable fin, hôtel de luxe très
charmant (le seul de l’île), crocodiles, toucans et perroquets en abondance ! Cette halte permettra à notre
amie de Los Angeles, Tin-Tin, embarquée à Panama City, de débarquer… et pour nous de continuer la route
cap enfin les Galapagos !
Départ donc le 13 mai pour une navigation qui s’annonce éprouvante liées aux conditions difficiles de
navigation dans cette partie du Pacifique, et qui annonce tout de suite la couleur avec de violents orages et de
grosses pluies pour notre départ. Une fois ces pluies terminées, le ciel deviendra plus clément pour éclairer
deux jours notre bateau abandonné par les vents : la zone de calme annoncée est alors vécue, vents de moins
de 3N… le petit temps est aussi et surtout éprouvant. Nous alternons moteur et voiles semi gonflées… un
courant de 3 N nous portant au nord est là pour nous compliquer la mise… mais ce temps clément aplanie la
mer, lac sans frontière… les tortues et dauphins sont là par centaines à faire des saltos, à nous accompagner,
à nous saluer… et nous arrivons même à voir, accrochez-vous bien : un dauphin rose, mais rose cochon,
naviguant avec ses congénères grisâtres : spectacles extraordinaires mais quelque peu déconcertant… nous
connaissions les éléphants roses mais pas encore les dauphins roses ! Nous pensons alors qu’il s’agit d’un
dauphin albinos. Nous croisons également des oiseaux perchés sur des billes de bois, se laissant calmement
dériver sur leurs vaisseaux de bois…. et arrive le 16 mai, date de mon anniversaire, l’après midi, le vent
commence à se relever, les voiles s’arrondissent et portent Magellan vers l’avant…Un dîner concocté par
Jean-Baptiste sait être apprécié par tous. Peu après les vents vont commencer à s’intensifier vigoureusement,
pluies, orages ! Nous nous retrouvons dans de nouvelles conditions et commençons à regretter « la pétole » !
Des vents qui varient entre 25 et 35 N de face, qui ne nous permettent pas de caper sur les Galápagos mais
sur la Colombie, et les courants perturbent notre itinéraire : malgré les vents forts au près qui tapent et
ébranlent le bateau, nous n’avançons pas, nous reculons ! Nos cœurs se crispent dès que nous entendons le
bateau s’effondrer sur une vague. Mais Magellan est toujours aussi fort et toujours aussi confortable malgré
ces circonstances. Nous ne cessons alors pendant 3 jours de virer de bord pour tenter de trouver le cap qui
nous rapprochera au plus près de notre objectif, mais rien n’y fait, nous nous enlisons jusqu’à l’île de
Malpelo, îlot sauvage colombien. De nombreux oiseaux nous accompagnent, la vie animale grouille autour
de ces îles auprès des quelles nous ne souhaitons pas trop nous attarder car les risques de piraterie sont
parait-il importants sur le secteur… Mais notre ami Joschua, fidèle à son poste de pêcheur au gros, avec ses
6 lignes aux fesses du bateau, va susciter chez nous le premier réchauffement au cœur, car le moral des
troupes avait tendance à chuter… Il pêche un magnifique thon jaune de 40 kg, le plus gros thon qu’il n’ai
jamais pêché ! Celui sera déguster, que dis-je, savouré en carpaccio, en conserves, au vinaigre, séché, à la
poile, toutes ces formes de préparation concoctées avec un grand succès par notre capitaine bien aimé ! Que
de succulents repas en perspective ! Les conditions météos ont aussi décidées de se calmer… nous arrivons
enfin à toucher des vents plus modérés et qui de part leur orientation nous permettent enfin de caper sur
notre objectif initial. L’équipage récupère sous un grand ciel bleu, et c’est l’occasion pour Jean-Baptiste et
moi de nous redéclarer combien nous sommes heureux, combien la vie est belle, combien notre Aventure est
savoureuse malgré les quelques adversités que nous traversons. Cette journée ensoleillée de récupération
permettra aussi à Jean-Baptiste de faire le tour du pont après que Magellan ait été fortement sollicité
(navigation au près sur mer formée et face à des vents puissants), résultat du checking : un petit impact à
l’avant bâbord gauche du bateau et la base de l’étai largable qui supporte actuellement la trinquette qui est en
train de céder… JB réussira à tout de suite faire une réparation de fortune à l’aide de son matériel
d’équipement de spéléo… ouf !

        Les conditions resteront plus calmes jusqu’a notre arrivée aux Galápagos, avec pourtant toujours des
vents oscillants entre 10 et 25 N. Nos amis belges sont déjà arrivés à l’île de San Cristobal, ils étaient en
effet partis 3 jours avant nous des Perlas! Notre chaleureux rendez vous radio BLU quotidien de 21h UTC
leur permettra de nous apporter de précieuses informations concernant les démarches administratives et
intérêts concernant l’archipel. Les choix sont en effet difficiles à faire : nous ne pouvons rester que 3 jours
environ dans ce fabuleux havre sauvage, nous souhaitons en effet au mieux tenir notre programme très serré
de navigation ! Il ne s’agit donc de perdre moins de temps possible en arrivant. L’île la plus intéressante à
nos yeux car la plus sauvage semble être l’île d’Isabela, donc cap sur la belle ! L’archipel s’approche, nous
sommes tous tellement excités d’aller nous frotter aux otaries, tortues géantes, iguanes, milliers d’espèces
animales sauvages… ! Et une petite halte aussi attendue avant les 3000 MN qui nous attendent au cœur du
beau Pacifique !
Les conditions climatiques sur notre parcours ont été tout à fait surprenante : nous sommes entrés en quittant
les îles des Perlas dans le très célèbre courant de Humboldt (courant puissant, près de 3 N !) qui lèche les
côtes sud américaines en remontant vers le nord (composante Nord) et qui à l’approche de l’équateur
météorologique (zones de convergence des masses d’air et eaux boréales et australes appelée ZCIT : Zone de
Convergence Intertropicale), s’incline Nord Ouest puis Ouest. L’eau et l’air en subissent alors les
conséquences : la température de l’eau de mer était de 29°C aux Perlas, pour passer à 25°C en mi-parcours et
à 21°C à l’approche des Galápagos ! L’air quant à lui est passé en matinée de 31°C à 21°C ! Nous sommes
gelés, nos corps s’étant largement acclimatés à la zone tropicale ! Nous ressortons grosses couvertures de
laine, multicouches pour les quarts de nuit (pour ma part ça sera 6 couches + un gros bonnet en laine !). JB a
ressorti son sac de couchage en polaire et s’emmitoufle durant les 3 longues heures de quart tandis que
Thomas a sorti sa grenouillère « sous vêtement », s’apparentant à un véritable skieur de fond qui nous fait
bien rigoler ! Mais une fois blottis Jean-Baptiste et moi sous notre couverture de laine nous nous disons que
finalement cette fraîche étape sera le « petit hiver » de notre périple ! Et nous savons l’apprécier !
Le 22 mai est l’occasion de fêter les 25 ans de Joschua : je prends le soin alors de cuisiner toute la journée
pour notre ami américain bien porté sur les plaisirs de table (qui sont loin d’être ceux de France, mais le
voyage c’est aussi l’adaptation !) ; pain à la banane plantain, pain aux olives vertes, pain nature, pizza
oignon fromage, quiche oignon, gâteau chocolat / écorces d’orange ! Une fois mes plats sortis du four je
devrais, telle une ménagère armée d’un torchon, chasser les « 3 grosses mouches » qui rodent et viennent
dévorer mes plats chauds !!!
Le 24 mai à 2h30 UTC nous passons enfin l’équateur géographique, les yeux rivés sur le GPS! Latitude
0°00.00, c’est beau, nous crions sous la nuit étoilée ! Nous prenons garde de ne pas emmêler la ligne de
l’équateur dans notre hélice… ouf, passage réussi ! Premiers miles nautiques dans l’hémisphère sud pour
Magellan ! Nous avons lancé le voyage au départ du port du Crouesty (Bretagne) en la latitude de
47°32.57N !
Nous glissons à présent doucement vers notre destination, baignés la journée par un frais soleil et la nuit par
les milliers d’étoiles dont la célèbre croix du sud. La poule assoupie à mes pieds, je finirai le présent carnet
de bord sur ces quelques lignes… nous tacherons de vous faire partager de manière plus fréquente notre
voyage… pour partager notre fabuleuse Aventure avec toutes les personnes que l’on aime, laissés à terre et
que nous portons tous les jours dans nos cœurs salés.

                                                           Chloé, le 24 mai 2007, 16h UTC, 0°27N – 89°17W
Page 14 : Archipel des Galápagos du 25 au 28 mai 2007
Auteur : Chloé COTTAZ

        L’arrivée sur les Galápagos fut magique, ainsi que la journée où nous avons traversé l’archipel en son
milieu dans l’axe est ouest. Naviguer silencieusement à la voile entre ces îles si sauvages était un vrai
bonheur. Le lendemain matin, les souffles alertes des otaries étaient là pour nous rappeler que nous
pénétrions dans leur royaume. Peu de vent et donc 7 heures de moteur pour l’approche du mouillage de l’île
d’Isabela… nous jetons enfin l’ancre vers midi heure locale dans un mouillage exceptionnel : peu de voiliers
(2 autres), des bateaux de pêcheurs, des otaries et petits pingouins dans l’eau turquoise, une multitude
d’oiseaux : frégates, pélicans bruns ou encore fous à pattes bleus, quel accueil !
        Après le déjeuner, nous embarquons dans l’annexe, direction la plage. Sur le chemin, nous observons
intrigués un iguane qui farniente sur un rocher. Nous posons enfin pied à terre après 12 jours de navigations
(durée quasi-équivalente à la transatlantique), quelques hommes sont là pour nous saluer gentiment, d’autres
bricolent un vieux bateau de pêche en bois. Nous empruntons la piste ensablée bordée de figuiers de
Barbarie pour nous rendre au village principal, Villamil. Tous les services sont à disposition dans cette petite
ville idéale : rues ensablées, mobilier urbain écolo (en bois), petits « boui-boui » locaux pour l’alimentation,
d’autres petits « magasins » plus mécaniques, quelques bars. Mais ce site n’apparaît pas touristique, la
plupart d’entre eux préfèrent à l’île la plus sauvage (Isabela) les deux îles principales de Santa Cruz et de
San Cristobal. Mais nous nous sentons bien ici, immergés dans la vie équatorienne (rappelons que Les
Galápagos appartiennent à l’état de l’Equateur). Contrairement aux clichés très occidentaux que nous avons
de l’archipel (vie sauvage), nous sommes dans un premier temps séduits et conquis par la population locale,
leur accueil, leur mode de vie si « nature ». Nous consacrons alors l’après-midi à l’avitaillement, aux
premières courses et à la recherche de renseignements. Nous cherchons effectivement à savoir comment
visiter l’île sans payer les droits d’entrée aux parcs nationaux. La partie a l’air jouable, nous pourrons
certainement passer à travers les mailles du filet, il est hors de question pour nous de payer 100 dollars par
personne pour passer seulement 3 jours sur l’île ! Notre escale est annoncée au responsable du port comme
une escale technique, cela nous évitant de payer des taxes supplémentaires et de ne pas passer via Santa cruz
ou St Christobal avant Isabella. Nous payons 88 dollars pour le mouillage de Magellan et la clearance.
        Le lendemain matin, première excursion grâce à un taxi et notre chauffeur Tony, qui fait la moue…
nous nous évadons du village direction la nature environnante pour voir les fameuses tortues géantes (tortues
des Galápagos).. La communication en espagnol réserve parfois des surprises : nous arrivons sur un site de
réintroduction de tortues, certes jolies, mais qui ne dépassent pas 40 cm !! Cette balade en 4*4 nous
permettra pourtant d’avoir une première approche de l’île : tortues, iguanes, flamands roses, tunnels de lave.
De ce côté de l’île, le milieu est assez inhospitalier : terrains volcaniques recouverts d’une végétation
arborescente composée d’épineux et de cactus… difficilement pénétrable !
        De retour au village, nous patientons l’heure fatidique du déjeuner sur la plage… une partie de
football s’organise alors : gamins des Galápagos contre les grandes perches françaises ! Ces derniers
réussiront à gagner ce qui leur vaudra un certain temps en terme de récupération (inadaptation au climat) !
Direction ensuite un petit restaurant local n’accueillant que des locaux. Nous dégustons une délicieuse soupe
accompagnée de riz et viande pour 2,5 dollars, pas de quoi se priver ! L’après midi, Thomas et Joshua, nos
deux fidèles équipiers prennent du bon temps « en ville » pendant que Jean-Baptiste et moi nous montons
dans un bus, direction une soi-disante « ferme » pour visiter un établissement local, aller à la rencontre de la
population et finir l’avitaillement. Le trajet de bus sera fort intéressant, nous empruntons une piste qui
s’échappe vite des coulées de lave pour s’immerger dans une végétation verdoyante façonnée par la main de
l’homme : nous retrouvons une quantité foisonnante d’arbres croulant sous leur fruits : oranges,
pamplemousses, bananes, fruits de la passion…notre bus s’arrête sur la piste, au milieu de nul part soit pour
débarquer soit pour récupérer un passager errant. Un combat de coq a lui en fin de journée en ville, quelques
jeunes hommes embarquent, arnachés de leur sac a dos qui contiennent leur bête de concours et que l’on
devine grâce aux longues plumes qui en jaillissent. Soudain le bus s’arrête : le chauffeur nous appelle et nous
explique que nous sommes a une intersection de deux pistes, que lui continue à droite et que nous devons
continuer à gauche : nous débarquons alors, au milieu de nulle part, sans aucun bus de retour, sans n’avoir
jamais croisé une voiture sur le trajet… nous avançons et devinons des plantations, nous pénétrons dans une
exploitation et là des sympathiques paysans nous accueillent. Nous allons pouvoir réaliser la fin de notre
avitaillement. Le couple de paysan nous guide dans les entres de leur exploitation, ils cueillent devant nous
les fruit que nous leur demandons, leurs chiens méfiants nous suivent, des poules et poussins picorent
partout. Cette ferme est vraiment un modèle d’exploitation agricole écologique : ils font leurs propres
pousses, établissent une rotation de leur terre (bananiers remplacent le mais par exemple), utilisation
complémentaire des sols (courges au pied des bananiers), non utilisation de produits chimiques, engrais
naturels (fientes naturelles de poules). Les prix dépassent en plus toute concurrence : 1 dollar pour 10
pamplemousses, 1 dollar pour 15 citrons, 1 dollar pour 15 oranges, 1 dollar pour une énorme pastèque ou 2
dollars pour une énorme courgette, 1 dollar par ananas. Nous savourons Jean-Baptiste et moi cette
promenade campagnarde au milieu de cette nature façonnée, si généreuse. C’est l’occasion pour moi
d’observer de magnifiques poules, en plein air, qui gambadent : je pense alors à notre Cristophine, enfermée
dans une cage, qui ne vit pas une vie de poulette… une idée éclot alors en moi: je me dois de relâcher
Christophine dans un endroit sur avant de repartir, je me dois de la rendre heureuse, au nom de mon
affection pour les bêtes ! Nos dizaines de kilos de fruits et légumes entassés dans nos sacs trop étroits, nous
partons à la recherche d’une voiture nous ramenant au village… mais rien, nous descendons la piste et
reconnaissant la voiture de notre ami Tony… 1 fille et 2 gars sont là, nous saluent et nous explique que Tony
va revenir dans 1 h et repartir vers le village. Ils nous invitent à patienter avec eux. Un gars arrive a cheval,
sa belle en croupe, d’autres cavaliers passent au galop sur la piste, l’occasion pour Jb et moi de se jeter un
regard qui en dit long : quel paradis ce pays ! Une vie si simple faite d’abondance et de nature ! La troupe
nous invite à une partie de volley sur un terrain plus que vague, et un ballon de football bien gonflé qui finira
de nous détruire doigts et poignets ! Nous gagnerons les deux parties et remporterons 6 dollars. Et oui, ces
parties permettaient de parier de l’argent, nous trouvions cela un peu gênant au début, étant donné la
différence de niveau de vie que nous avons avec eux, mais ils auraient été vexés qu’il n’en soit pas ainsi,
alors bamos ! C’est ça après tout le jeu avec les locaux ! Une fois la partie terminée, nous regagnons le port
(nous en profitons pour acheter à des pêcheurs 1kg d’un calamar de 20 kg, délicieux !) et enfin le bateau… il
s’agit maintenant de s’occuper de tous les fruits et légumes : ils seront tous rincés à l’eau javellisée
(précaution essentielle pour éviter d’introduire des larves dans notre espace de vie), et entourés de papier de
journal pour la conservation (1 mois de navigation pour les Marquises).
        Dimanche, Thomas et Joshua prévoient de partir faire du snorking au milieu des otaries, raies géantes
et pingouins. De notre côté, nos jambes nous démangent, il est temps de se défouler. On nous indique un site
d’observation des tortues géantes à 3h de marche. Nous voici partis tôt le matin, à fond sur un sentier
empoussiéré bordé de cette végétation épineuse et de cactus, n’offrant aucune ombre… nous nous
immergeons petit à petit dans ce milieu inhospitalier, très sauvage (pas de touristes), seulement des traces de
sabots recouvres le sol. Soudain, j’aperçois devant moi une pièce de cuir qui jonche le sol, je m’arrête,
enrougie et essoufflée par la chaleur déjà oppressante, je cueille le précieux objet me relève : il s’agit d’un
magnifique étrier artisanal, composé d’un épais cuir : un cavalier local a du le perdre en pleine cavalcade…
quelle belle pièce, quel beau cadeau pour moi, cavalière et passionnée des équidés ! Nous poursuivons… pas
d’animaux, seuls quelques oiseaux sifflent rarement, de nombreux ossements jonchent le sol… une
intersection est marquée par un ossement de tête de sanglier, nous continuons tout droit selon les indications
de notre ancien chauffeur Tony, 1h30 de course à pied… Les jambes lacérées par les épines, la tête éclatante
sertie de notre tee-shirt, les ampoules mûrissant, nous arrivons à un camp avec tentes, chevaux, chiens et
quelques hommes, on se croirait en plein Far West ! Ce sont des gardes du parc, il nous offrent un précieux
verre d’eau et nous expliquent que nous ne sommes pas sur le bon chemin, à l’intersection 6 km avant, il
fallait prendre à gauche ! Le site recherché est à 9 km en arrière !!! Demi tour, et nous voila repartis, et
empruntons enfin le bon chemin. Nous arrivons à la précieuse plage sur laquelle de grosses vagues se
déroulent, quel bonheur ! Le temps pour nous de s’allonger sur le sable chaud !
        Nous découvrons alors un camp, il s’agit d’écovolontaires de la fondation Charles DARWIN qui
étudient la Tortue Verte, tortue marine. Ils nous expliquent que la présente plage est un site de pondaison
pour cette espèce de tortue, ils nous invitent à rester pour espérer apercevoir cette nuit, une fameuse tortue
géante. Cela n’était pas prévu, mais bien sur séduits par l’invitation et l’aventure, nous acceptons. L’équipe,
Salvador, Sylvia, Guillermo et Christina semblent heureux de nous avoir pour partager leur passion et
rompre leur isolement. Ils ne voient jamais de touristes. Ils apprécient d’autant plus toute l’attention que
nous leur portons. Nous avons remarqué Jean-Baptiste et moi que le fait que nous voyagions en voilier
autour du Monde, nous différenciait des autres touristes et changeait complètement le rapport avec les gens,
la population locale : cela ouvre des sujets de discussion, des intérêts réciproques, les gens semblent
impressionnées et curieux de notre Aventure ; nous devenons des messagers, racontant les territoires
rencontrés. Je crois que la mer rassemble les gens, partout dans le monde. Quelque soit les pays traversés,
nous trouvions toujours en bord de mer, des hommes, des pêcheurs, noirs, indiens, blancs, qui parlaient
passionnément de la mer et qui surtout en vivait, je crois que les rapports Homme/Mer sont universels !
        L’après-midi, en attendant la fin de journée, ils nous proposent de participer à leur travaux
d’observation : direction les nids. Nous les ouvrons alors pour comptabiliser les œufs et bébés tortues, quel
bonheur de voir ces petites tortues, quelle expérience unique d’être dans ce site privilégié ! Le jour
commence à tomber, les sympathiques scientifiques nous invitent à dîner, tablée appréciée ! Le ventre
remplit, nous voici partit sur la plage pour guetter les traces de tortues venues pondre… et une première !
Une grande tortue verte est nichée dans son trou et continue de creuser, puis une fois prête, elle commence
délicatement à déposer ses oeufs (entre 60 et 100 œufs par nids) ! Une fois l’individu identifié, nous
poursuivons notre route et spectacle étonnant, nous découvrant une ribambelle de petites tortues, rampant à
toute vitesse sur la plage pour regagner le grand Pacifique, il s’agit des bébés tortues identifiés l’après midi
même dans un des nids ! Spectacle émouvant que de voir ces petites bêtes se jeter dans la vie ! Nous rentrons
ensuite au camp pour nous assoupir dans le froid et l’humidité de la nuit, la tête bercée par les rêves du
jour… 6h du matin, nous rechaussons nos baskets malgré mes pieds éventrés par les ampoules, il nous reste
de la route avant le taxi !

Cf. Volet 2- article scientifique sur les Galápagos –. Données scientifiques sur la Tortue Verte

         La matinée sera consacrée aux derniers avitaillements, à la lessive (histoire de dormir dans des draps
propres !), au grand nettoyage du bateau (interne et externe, la coque est recouverte de petits coquillages, il
faut enlever tout ça si on veut avancer dans le Pacifique !). Ce sera aussi pour moi l’occasion de débarquer,
moi aussi la poule dans le sac à dos, lui promettant de lui trouver une bonne place. Sur le chemin du village,
Thomas me désigne la cahute d’un artiste, parait-il très sympathique. Une américaine est là, facilitant la
communiquant : j’explique que j’ai beaucoup d’affection pour ma poule cueillie à St Martin, mais quelle
n’est pas heureuse à bord, dans sa cage, et que je me dois de lui rendre sa liberté. L’artiste, qui vit seul ici au
milieu d’un immense jardin ombragé, accepte de suite ému certainement par la tendresse portée à ce petit
animal. Il m’invite à le suivre dans son jardin pour me présenter où vivra Christophine : véritable paradis de
la poule ! Parc ombragé, petits cailloux, eau douce à volonté, pas d’autres animaux. Il vit seul, attachée aux
seuls humains, elle sera toujours à ses côtés, elle sera sa muse. Il la pose alors au sol, elle qui n’a jamais
connu que le pont berçant d’un voilier, elle gambade, libre, à becter des cailloux, je suis émue même si ce
n’était qu’une poule, de la voir si heureuse, je la laisse, dument confiée, le cœur gros, mais satisfaite…
délestant ainsi Magellan d’une présence animale que j’ai su tellement apprécier...
         L’après-midi je finis de préparer le bateau et me repose en prévision de la navigation. Une otarie est
là sur la jupe, prenant son bain de soleil. Les garçons partent faire une partie de snorkling qui va leur réserver
un beau cadeau de départ : une raie Manta géante, d’environ 5 mètres d’envergure tourne en rond dans le
mouillage par 3 mètres de fond. Caresses, évitages tardifs, renversements, effleurements… Joshua et JB
goûtent au plaisir et au stress de partager la nage dans cette eau turquoise avec ce monstre docile.
Il est 18h heure locale, nous levons l’ancre, heureux de prendre cap sur les Marquises, une belle navigation
nous attend, quel bonheur ! L’archipel des Galápagos restera comme la ou l’une de nos plus belles et
émouvantes escales ! A la hauteur de nos rêves !

                                    Chloé, mardi 30 mai, 20h30 UTC, Transpacifique, 01°56.41S - 93°09.39W
La Transpacifique : Galápagos (Equateur) – Iles Marquises (Polynésie français)
Auteur : Chloé

        Après y avoir tellement songé silencieusement, nous voici en train enfin de réaliser le plus grand saut
de notre périple, la traversée du grand Pacifique, plus de 3000 mn (soit environ 6000 km) des Galápagos aux
premières îles de Polynésie française : les îles Marquises. Cette longue navigation fait suite, il faut le
rappeler, à une navigation éprouvante : Panama – Marquises (12,5 jours) et une escale trop courte (comme
toute !) de 4 jours aux Galápagos. Mais nous sommes heureux de filer, de prendre la mer, pour les contrées
si attendues et exotiques du Pacifique. Nous n’avons aucune appréhension à l’idée de passer peut être un
mois en mer, elle est maintenant notre quotidien, nous embarquons de nouveau dans notre caravane marine...
pour des horizons lointains. Les vents seront en moyenne pendant la traversée inférieurs à ceux vécus pour la
traversée de l’Atlantique (vents de 15N en moyenne sur la première moitié du parcours puis 20N, au lieu de
20/25 N pour la Transatlantique), et nous vivrons quelques gros grains. Nous alternerons les allures
suivantes :
        - vent arrière avec voiles en ciseaux : Grand Voile et génois tangonné,
        - grand largue,
        - Spi,
        - Vent arrière avec génois tangonné seul quand trop de houle pour sortir une Grand Voile qui
            passera son temps à claquer…et crispera l’équipage !…
        - et enfin, vent arrière avec voiles en ciseaux sur étai avant : genois tangonné sur bâbord et
            trinquette tangonné sur la baume de GV à tribord… un peu de sport tout de même cette
            traversée !

        Il est dur d’entrer dans la narration de ce périple, je vais donc faire des choix dans la retranscription,
choix qui vont vous offrir un texte bien entendu trop restrictif… Je vous propose donc dès maintenant de
compléter ces carnets de bord toujours incomplets étant donné l’envergure de notre Aventure, autour d’un
bol de thé chaud, d’un verre de vin ou d’un bon repas dès notre retour !

Richesses de la traversée…

        J’ai des difficultés à coucher des mots pour faire partager ce qu’est la traversée d’un océan aussi
grand que celui du Pacifique ; et je crois que les difficultés que je rencontre sont liées au fait que ce voyage
est tout d’abord intérieur.

       Pourquoi un voyage intérieur ? Parce que nous nous retrouvons face à nous même, immergés et en
harmonie avec la Nature, les éléments, parce que nous nous promenons sur la planète, véritables nomades du
monde, et que nous posons nos regards curieux sur les différentes facettes de la planète. Flottant comme une
plume entre ciel et terre, ce voyage nous offre donc toutes les dispositions pour prendre du recul sur le
monde, nos idéologies, sur nous même. Ce qui est frappant c’est notre extrême sensibilité quand on fait
corps avec la Nature. Le fondement de ce voyage intérieur est bien dans le retour à l’essentiel : partir en
mer pour retrouver le véritable sens de son existence.

        Il s’agit pour nous aussi de gérer les différentes défis posés par le voyage : on peut parler en vrac, de
la lenteur de la progression, de l’isolement, de nos peurs (soucis de santé, foncer droit dans un objet flottant :
conteneur, baleine ou tronc d’arbre, rencontre d’un cargo, chute du bateau, casse matériel mettant en péril le
bateau et nous même,…), de la vie en collectivité en vase clos, de la vie de nomade des mers, de
l’éloignement avec ses proches et bien sûr des difficultés techniques rencontrées. Pour cela, chacun possède
sa propre recette. Je ne pourrais évoquer ici uniquement ce qui me concerne. Selon moi, tout réside dans
l’incroyable faculté humaine d’adaptation. Pour ma part donc, les quelques appréhensions et excitations du
début de l’Aventure ont laissé place à une sérénité étonnante : je me sens en harmonie, à ma place ici aux
côtés de Jean-Baptiste, blottis au coeur de notre Magellan, immergés en plein cœur de la vie sauvage, en
promenade sur la planète, sautant d’escales en escales plus séduisantes les unes que les autres, cela
correspond si bien à notre profil de vie ! Pour la gestion du début du voyage, il était évident à mes yeux que
l’hyperactivité, que j’ai appliqué pour la transatlantique avec un programme journalier très chargé, était le
meilleur moyen pour que mon esprit évite de vagabonder : aujourd’hui, je laisse volontairement libre cours à
mes pensées, sachant profiter de ces instants de sérénité privilégié ; et ce hormis les situations de danger qui
nécessite de garder un esprit vif et efficace. Je rejoint entièrement les idées d’Ellen Mac Arthur concernant la
mer et ses dangers : « La chance est nécessaire en mer mais pas plus que sur la route où l’accident et la
mort rôdent en permanence ». Concernant le sentiment de solitude, c’est assez paradoxal. Je ne souffre pas
de l’isolement, car nous sommes entourés et suivis par un ora puissant et protecteur: l’amour de nos proches,
qui prend pour ma part une expression plus forte que pour ma vie terrienne et que je sais apprécier !

        Les instants « privilégiés » pour exercer ce voyage intérieur se retrouvent incontestablement la nuit,
lors des quarts de nuit qui durent 3h et que nous alterneront (horaires UTC : 03h – 06h, 06h – 09h, 09h –
12h, 12H – 15h). Le bateau entre les doigts (nous barrons toute la nuit pour des soucis d’énergie, le pilote
automatique consomme beaucoup d’énergie, pour un souci d’éveil : nous restons ainsi alertes et attentifs,
pour un souci de « management de Magellan » : en toute complicité, nous apprenons à mener notre beau
voilier, à l’apprivoiser, à apprivoiser ainsi la mer et à sentir et ressentir les sensations vibrantes du périple),
bercés par le long roulis de l’océan, les yeux accrochés aux étoiles scintillantes, le nez chargé d’embrun, les
joues rosies par l’air frais : nous voici prêt à voyager, à penser. Nous nous sentons alors seul au monde, face
à nos pensées, personnellement seule face à ma vie que j’analyse, décortique durant toutes ces heures, prise
de recul privilégiée. Barrant ainsi Magellan, j’ai l’impression de flotter, je ne sais plus vers où et vers quoi je
me destine, sensation vibrante et excitante difficilement retranscriptible. Mais les quarts de nuit peuvent
aussi apparaître en cas de fatigue, comme une succession infinie de minutes qui ne veulent s’écouler… !

Le quotidien en grande navigation

        Une traversée c’est aussi un quotidien permettant d’assurer un bon fonctionnement à bord et
permettant aussi et surtout d’occuper ces dizaines d’heures. Il faut savoir au préalable que tout prend du
temps à bord, étant sans cesse soumis au roulis de l’océan plus ou moins confortable. Le temps se dilue, les
journées ne s’écoulent pas comme à terre. La priorité absolue donnée aux journées est bien entendu la
gestion du voilier : veille, réglage des voiles, nettoyage,… A côté de cela, chacun vaque à ses occupations
avec pourtant des rendez-vous quotidiens : les repas pris en commun.
        Pour Jean-Baptiste, notre Cap’tain bien aimé c’est bricolage, batterie (et oui, même au milieu du
Pacifique il répète avec énergie et frissons ses morceaux favoris !), lecture, pêche… et cuisine ! Il se
spécialise dans la conservation du poisson. En effet, il nous tient à cœur de ne jamais gâcher de la viande de
poisson, nous leur ôtons la vie pour nous nourrir, nous nous devons de les honorer dans leur intégralité ! Des
guirlandes de poissons séchés s’organisent donc à l’arrière du bateau. Il prépare également des conserves de
poissons (2h à la cocotte !) absolument exquises !
        Pour Joschua, notre pêcheur au « gros » professionnel qui nous vient en direct de San Francisco
entouré de son armada de leurres (une sorte de grande boîte à jouets !) et bien c’est pêche (nous avons eu
jusqu’à 8 lignes mises à l’eau) et en dehors de cela et bien… un intérêt grandissant au fil du voyage pour la
navigation… Les prises de notre pêcheur au gros seront, comment dire, plutôt petites, avec une taille
moyenne de 40 cm (thons, tazards, bonites, dorades) que nous seront pourtant savourer goulûment.
        Pour Thomas, et bien c’est lecture (un livre par jour en moyenne) et confection de leurres artisanaux
(j’ai une objection concernant le rejet indirect de sachets plastiques à la mer par cette activité car les leurres
sont souvent perdus ! Amis de l’écologie, à la bonne heure !)
        Pour ma part, tous les jours un programme, je suis organisée ! Mais programmes moins chargés que
pour la transatlantique ! Première occupation, les relevés météorologiques toute les 3h UTC sur toute la
plage de 24h. Je me lève donc à 15h UTC (le soleil est levé depuis environ 1h) pour mon premier relevé, je
relaie ainsi le dernier quart. Je prends un petit « petit déjeuner » (nous mangeons moins en navigation étant
donné notre activité physique tout à fait extrême ! Et continuons pourtant à faire des réserves…), ensuite
petite lecture matinale sur le pont pour un réveil en douceur au pays du Royaume du Nord (et oui, je ne lis
pour cette traversée que des ouvrages sur le Grand Nord, histoire de répondre à l’objet de la lecture, c'est -à-
dire m’évader de mon quotidien, bien que doré !) Ensuite arrive l’heure de 17h UTC et le RDV BLU (radio
longue portée) avec nos amis belges de Bacchus, Muriel et Yves, et nos amis de Bethel II, Chantal et Pierre.
Ce RDV au-delà de l’aspect sécuritaire, nous permet de rompre nos isolements réciproques et de partager au
quotidien notre Aventure.
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