Comment traiter une poussée compliquée inaugurale de maladie de Crohn luminale ?
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POST’U (2022) MICI Comment traiter une poussée compliquée inaugurale de maladie de Crohn luminale ? Anthony BUISSON Service de médecine de l’appareil digestif - CHU Estaing, 1 place Lucie et Raymond Aubrac - 63003 CLERMONT-FERRAND a_buisson@chu-clermontferrand.fr minales déclenchées par les repas, Introduction de localisation constante et cédant brutalement avec le passage de gaz et/ou de selles parfois suivies d’une La maladie de Crohn est une maladie débâcle diarrhéique), des nausées, OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES inflammatoire chronique de l’intestin voire des vomissements, une restric- (MICI) dont l’évolution naturelle — Savoir définir une poussée compli- tion alimentaire et un amaigrisse- tend vers la destruction intestinale quée inaugurale ment involontaire. Il faut noter qu’une (sténose, fistule ou résection intes- — Connaître les traitements médicaux maladie de Crohn sténosante peut tinale) et qui peut considérablement et la stratégie thérapeutique être asymptomatique ou paucisymp- altérer la qualité de vie des patients. tomatique dans certains cas et décou- — Savoir évaluer l’efficacité du traite- La maladie de Crohn luminale se révèle verte en endoscopie ou en imagerie. ment médical sous forme inflammatoire, c’est-à-dire Les indices d’activité de la maladie — Connaître les indications chirurgi- non compliquée, dans environ 80 % tels que le CDAI (Crohn’s Disease cales des cas au diagnostic (1). Les formes Activity Index) ou l’indice d’Har- luminales compliquées inaugurales vey-Bradshaw ne sont pas adaptées à concernent donc environ un patient LIENS D’INTÉRÊTS ces formes. Le CDOS (Crohn’s disease sur 5 au moment du diagnostic et obstructive score), variant de 0 à 6, Anthony BUISSON déclare avoir peuvent être de deux types : sténo- est basé sur la présence, l’intensité exercé une activité de consultant santes, pénétrantes (présence d’une et la durée de douleurs obstructives, pour Abbvie, Amgen, Arena, Biogen, ou plusieurs fistules intra-abdomi- la présence de nausées ou vomisse- Celltrion, CTMA, Ferring, Galapagos, nales indépendamment de la présence ments associés, de restriction alimen- Janssen, Nexbiome, Pfizer, Takeda, de lésions ano-périnéales) ou les deux taire et d’une hospitalisation reliée. Il Tillotts, de conférencier pour Abbvie, de manière concomitante. Il faut noter a été développé et proposé au cours Amgen, Biogen, Celltrion, Ferring, que les formes compliquées sont plus de l’étude CREOLE (3), mais reste à Janssen, Pfizer, Takeda, Tillotts, Vifor- fréquentes en cas d’atteinte iléale de valider dans une cohorte indépen- Pharma et avoir obtenu des finan- la maladie (2). dante. Le diagnostic est rarement cements de recherche de la part de évoqué en première intention devant Abbvie, Celltrion, Pfizer et Takeda. cette symptomatologie, mais l’ima- gerie abdominale, souvent réalisée Formes sténosantes dans le contexte sub-occlusif, permet MOTS-CLÉS inaugurales d’évoquer une maladie de Crohn. Maladie de Crohn ; complications ; Comme pour la forme non compli- anti-TNF quée, le diagnostic de maladie de Épidémiologie et diagnostic Crohn sténosante repose sur un Les formes sténosantes sont préfé- faisceau d’arguments anamnestiques, ABRÉVIATIONS rentiellement localisées au niveau de cliniques, biologiques, endoscopiques CDAI : Crohn's disease activity index l’iléon ou de la valvule iléo-caecale et et histologiques. Si l’endoscopie CDOS : Crohn's disease obstruc- touchent entre 5 et 10 % des patients reste centrale, elle peut être rendue tive score ; GETAID : groupe d'étude au moment du diagnostic (1,2). La difficile par les symptômes obstruc- thérapeutique des affections inflam- symptomatologie est différente de tifs responsables d’une préparation matoires digestives ; IRM : imagerie la forme luminale classique avec une mal tolérée par les patients et donc par résonance magnétique ; MICI : diarrhée au second plan ou absente. potentiellement de mauvaise qualité. maladies inflammatoires chroniques En revanche, on observe des douleurs De plus, la sténose, définie endos- de l'intestin ; PEG : polyéthylène abdominales fréquentes associées copiquement comme un rétrécisse- glycol ; TDM : tomodensitométrie ; à des signes obstructifs tels qu’un ment de la lumière digestive rendant TNF : tumor necrosis factor syndrome de Koenig (douleurs abdo- impossible ou difficile le passage par 67
un coloscope adulte (4), peut s’avérer Traitement médical d’une forme affections inflammatoires digestives). non franchissable par l’endoscope, sténosante inaugurale Il s’agissait d’une cohorte prospec- rendant la coloscopie incomplète. tive observationnelle incluant des L’imagerie est donc particulièrement Si l’arsenal thérapeutique s’est patients naïfs de biothérapie mis importante dans le diagnostic des élargi ces dernières années, il faut sous adalimumab pour une maladie formes sténosantes. Si le scanner bien reconnaître que les données de Crohn iléale sténosante symp- abdominal est souvent réalisé en d’efficacité des traitements immu- tomatique. Parmi les 97 patients urgence compte tenu de la sympto- nosuppresseurs ou des biothérapies inclus, 62 (64 %) étaient considérés en matologie, l’imagerie par résonance restent limitées et d’un faible niveau succès thérapeutique, défini comme magnétique (IRM) est l’examen de de preuve dans la maladie de Crohn le maintien à la semaine 24 du trai- référence en raison de l’absence sténosante (6). Les corticoïdes sont tement par adalimumab, sans corti- d’irradiation (5). On parle d’enté- souvent prescrits dans cette situa- coïde, sans dilatation endoscopique ro-IRM en raison de l’utilisation d’une tion. Une étude précédant l’ère des ni résection intestinale (3). Les distension intestinale par 0,5 à 1 L de biothérapies indiquait que sur une données à longs termes montrent que polyéthylène glycol (PEG) par voie cohorte de 68 patients hospitalisés 46 % des 62 patients étaient encore orale (pas de sonde d’entéroclyse), et traités par corticoïdes pour une sous adalimumab avec une médiane qui est nécessaire afin de visualiser maladie de Crohn sténosante, seuls de suivi à 4 ans. Au total, 47 % des au mieux les lésions. Cette dénomi- 11 (16,2 %) d’entre eux n’avaient patients initialement inclus ont dû pas été opérés au cours du suivi être opérés au cours du suivi. Des nation ne doit pas faire oublier qu’il (médiane = 8 ans). Ainsi, la cortico- facteurs prédictifs de succès théra- permet également l’examen du colon. thérapie ne doit être considérée que peutiques à la semaine 24 ont été L’entéro-TDM est une alternative comme un traitement symptomatique identifiés permettant de stratifier les présentant des performances rela- de courte durée au cours des formes patients en fonction de leur probabi- tivement proches, mais dont l’utili- sténosantes (donc inutile en l’absence lité de succès sous traitement médical. sation est limitée par les problèmes de symptômes) d’autant plus qu’elle Ils incluaient les 7 critères cliniques et d’irradiation précédemment cités. augmente le risque de complications radiologiques (IRM) suivants : thiopu- La définition en IRM d’une sténose, péri-opératoires et donc de stomie rines concomitantes, CDOS > 4, durée proposée par un consensus d’experts provisoire (7). Les données concer- depuis l’apparition des symptômes en 2018 reposait sur l’association des nant l’efficacité des thiopurines en obstructifs < 5 semaines, longueur de 3 critères suivants : rétrécissement cas de maladie de Crohn sténosante sténose < 12 cm, diamètre maximal (au moins 50 %) localisé de la lumière sont faméliques et ne permettent pré-sténotique compris entre 18 et intestinale, épaississement pariétal pas de recommander cette classe 29 mm, une prise de contraste tardive associé et dilatation pré-sténotique thérapeutique en monothérapie dans en séquence T1 et l’absence de fistule (> 3 cm) (5). Il faut noter que l’IRM cette indication (6). Après avoir été associée. Un score ≤ 2, = 3 ou ≥ 4 était permet une meilleure évaluation des refroidi dans un premier temps par associé à une probabilité de succès à lésions que l’endoscopie (longueur, des données préliminaires suggérant 24 semaines de 6 %, 61 % et 89 %, atteinte péri-intestinale, fistule ou que les anti-TNF pourraient aggraver respectivement (tableau 1). Ces abcès associés) mais reste moins les sténoses préexistantes, l’utilisa- critères de médecine de précision sensible. Aussi n’est-il pas rare d’avoir tion des anti-TNF semble maintenant méritent néanmoins d’être validés une sténose modérée, notamment justifiée par les données de l’étude dans des cohortes indépendantes. valvulaire, en endoscopie qui n’est CREOLE (3) conduite par le GETAID En plus de son intérêt diagnostique pas visible en IRM. (groupe d’études thérapeutique des évoqué plus haut, l’IRM a donc égale- Tableau 1 : Facteurs prédictifs de réponse au traitement médical (anti-TNF) en cas de maladie de Crohn sténosante d’après l’étude CREOLE Facteurs de bon pronostic Score Immunosuppresseur associé 1 point Crohn’s disease obstructive score (CDOS) > 4 1 point Durée des symptômes obstructifs < 5 semaines 1 point Longueur de la sténose < 12 cm 1 point Diamètre maximal de la dilatation pré-sténotique comprise entre 18 et 29 mm 1 point Prise de contraste marquée après injection (séquence T1) au temps tardif 1 point Absence de fistule associée 1 point Score de CREOLE Score de CREOLE ≤ 2 => probabilité de succès thérapeutique = 6 % Score de CREOLE = 3 => probabilité de succès thérapeutique = 61 % Score de CREOLE ≥ 4 => probabilité de succès thérapeutique = 89 % 68
MICI ment un intérêt dans la prédiction anti-TNF, la prise en charge n’est pas des lésions en IRM (5). Les signes IRM de la réponse au traitement médical consensuelle, ce qui pourrait rendre proposés étaient : 1) augmentation (anti-TNF notamment). La présen- utile de discuter la prise en charge d’au moins 50 % du diamètre de la tation dichotomique entre sténose thérapeutique avec un centre expert. lumière intestinale, 2) diminution d’au inflammatoire et fibreuse doit être moins 50 % de l’épaisseur pariétale, abandonnée au profit d’une vision Comment évaluer le succès 3) baisse d’au moins 50 % du diamètre plus réaliste caractérisée par un d’un traitement médical de la dilatation pré-sténotique, ou un continuum entre ces deux entités. Les au cours d’une forme diamètre pré-sténotique redevenu traitements médicaux seront d’autant sténosante inaugurale ? normal ou < 2,5 cm (5). Cette défini- plus efficaces que le curseur se dépla- tion, très morphologique, ne prend pas cera vers la composante inflamma- Il n’existe actuellement aucun en compte l’activité inflammatoire et toire. Toutefois, des critères liés à la consensus sur la façon d’évaluer le ne semble donc pas applicable pour morphologie de la sténose doivent succès du traitement médical dans la évaluer l’efficacité des biothérapies être également pris en compte pour maladie de Crohn sténosante. Dans actuelles. Compte tenu de l’absence prédire la réponse au traitement l’étude CREOLE, le succès thérapeu- de consensus, une approche pragma- médical. Ainsi, le caractère serré d’une tique était défini à 6 mois comme la tique est donc de proposer une défini- sténose, illustré de manière directe poursuite du traitement médical (adali- tion utilisable en pratique quotidienne. (réduction de la lumière intestinale) mumab dans cette étude) sans recours La rémission clinique, c’est-à-dire la ou indirecte (diamètre de la dilatation à une corticothérapie au-delà de la disparition des symptômes obstructifs pré-sténotique), comme sa longueur 8e semaine de traitement, sans dilata- semble l’objectif indispensable mais ou la présence d’une fistule associée tion endoscopique ou résection intes- probablement insuffisant, notam- semblent être associés à une diminu- tinale. Cette définition semble malgré ment lors d’une maladie inaugurale. tion de la probabilité d’efficacité des tout trop subjective et dépendante de Une amélioration des lésions en IRM traitements médicaux (8). la pratique des différents cliniciens. devrait être associée même s’il n’existe, Un avis d’expert, publié en 2018, comme dans la maladie luminale, En revanche, aucune donnée n’est proposait une définition clinico-radio- aucune définition consensuelle à ce actuellement disponible quant à l’ef- logique pour l’évaluation de l’effica- jour. On peut tout de même considérer ficacité de l’ustekinumab ou du vedo- cité des traitements ciblant fibrose (les qu’une optimisation thérapeutique lizumab dans la maladie de Crohn traitements disponibles traitent l’in- (augmentation de dose ou diminution sténosante. Un algorithme de prise en flammation et non la fibrose à l’heure de l’intervalle) devrait être proposée charge de la maladie de Crohn inaugu- actuelle) dans la maladie de Crohn en cas de persistance de signes inflam- rale sténosante est proposé figure 1. sténosante entre 24 et 48 semaines matoires marqués (épaississement En l’absence de données scientifiques incluant la disparition des symp- pariétal important, œdème impor- en cas d’échec primaire à un premier tômes obstructifs et une amélioration tant, ulcères ou signes d’inflammation péri-intestinale). Un dosage de calpro- Figure 1 : Proposition d’algorithme de prise en charge d’une maladie de Crohn tectine fécal pourrait être utile dans ce sténosante inaugurale contexte pour évaluer la cinétique de l’activité inflammatoire. En revanche, les caractéristiques morphologiques de la sténose tels que son caractère serré, illustré directement par le diamètre luminal, ou indirectement par la dilatation pré-sténotique, ou sa longueur semblent plutôt corres- pondre à des facteurs prédictifs de recours à la chirurgie qu’à des critères sur lesquels baser une éventuelle intensification thérapeutique même si une aggravation des caractéristiques morphologiques de cette sténose pourrait faire discuter une optimisa- tion thérapeutique. En cas de persis- tance de symptômes obstructifs malgré une optimisation maximale du premier anti-TNF, une chirurgie doit être discutée avec le patient. Une question difficile reste de savoir s’il faut changer de traitement en cas de rémission clinique obtenue sous anti-TNF optimisé au maximum (dispa- rition des symptômes obstructifs) mais persistance de signes inflammatoires en IRM. Dans cette situation, un avis auprès d’un centre expert pourrait être utile. 69
Indications chirurgicales inaugurales que la chirurgie soit refu- découverte uniquement sur l’imagerie au cours d’une maladie sée par les patients dans un premier chez des patients asymptomatiques. de Crohn sténosante inaugurale temps conduisant à la tentative d’un La conduite diagnostique ne diffère ou plusieurs traitements médicaux que très peu de la forme luminale non Il faut retenir que la décision chirur- malgré de faibles chances de succès. compliquée (faisceau d’arguments gicale doit être individualisée et Cela peut permettre de laisser le anamnestiques, cliniques, biologiques, discutée avec les patients. temps au patient de cheminer vers endoscopiques et histologiques). La La chirurgie peut être proposée à tout la décision chirurgicale. A contrario, fistule est définie endoscopiquement moment dans la prise en charge d’une certains patients pourront opter pour comme un orifice profond et bien sténose symptomatique. Le choix entre un traitement chirurgical d’emblée en limité, avec issu de pus ou de matière traitement médical et chirurgie s’ap- espérant éviter le recours aux biothé- fécale, ou avec suspicion de commu- puiera sur la balance entre les béné- rapies. nication avec un autre organe (4). fices (chance de succès) et les risques Toutefois, elle n’est pas toujours (effets secondaires pour le traitement clairement identifiée ou atteinte médical et risque de stomie provisoire lors de la coloscopie. L’imagerie joue donc un rôle central dans les formes et de conversion en laparotomie pour Formes luminales fistulisantes de maladie de Crohn. la chirurgie). Il faut toutefois garder en tête qu’en raison de l’histoire natu- fistulisantes inaugurales En urgence, le scanner abdominal relle de la récidive post-opératoire de (hors lésions ou l’échographie peuvent être utiles pour détecter un abcès et visualiser la la maladie de Crohn, une biothérapie ano-périnéales) fistule. Mais l’examen de référence est sera nécessaire dans la majorité des cas (9). Dans l’étude LIRIC, comparant l’IRM qui permettra d’évaluer l’activité l’infliximab à une résection iléo-cæ- Épidémiologie et diagnostic de la maladie (comme dans les formes cale en cas d’iléïte non abcédée résis- luminales) et d’établir la cartographie tante à une corticothérapie et/ou un Les formes fistulisantes (B3 selon la de la fistule (11). immunosuppresseur chez les patients classification de Montréal) touchent préférentiellement l’iléon et repré- Traitement médical d’une forme naïfs de biothérapie, seuls 22 % des fistulisante inaugurale patients avaient pu se passer de sentent entre 10 et 15 % des patients traitement (immunosuppresseurs au moment du diagnostic (1,2). Comme la chirurgie a longtemps été ou anti-TNF) à 5 ans (10). Toutefois, En dehors de la forme compliquée considérée comme nécessaire dans la chirurgie semble indiquée dans d’abcès qui doit être suspectée devant cette situation, peu de données sont certains cas spécifiques (tableau 2). une fièvre, une douleur abdominale disponibles quant à l’efficacité des L’étude CREOLE menée par le GETAID importante et une CRP très élevée, traitements médicaux dans les formes a permis d’identifier des facteurs les formes fistulisantes de maladie fistulisantes de maladie de Crohn prédictifs de réponse aux anti-TNF de Crohn se présentent de manière (hors lésions ano-périnéales). En cas dans les formes sténosantes. Un assez proche des formes luminales d’abcès associé, il faut rappeler que score ≤ 2 étant associé à une probabi- inflammatoires non compliquées. la première étape consiste à prendre lité de succès à 24 semaines de 6 %, Des symptômes obstructifs peuvent en charge cet abcès par antibiotiques une chirurgie d’emblée pourrait donc être également présents témoignant en le drainant si possible et en privilé- être proposée dans cette situation. soit d’une sténose associée soit d’une giant toujours la voie la moins invasive La chirurgie semble également une compression extrinsèque par un possible (endoscopique, radiologique option pertinente en cas d’échec d’un abcès. On distingue classiquement le plus souvent voire chirurgicale). ou plusieurs traitements médicaux les fistules entéro- ou colo-cutanées L’efficacité de la prise en charge de utilisés de manière optimale (combo- de diagnostic assez aisé et les fistules l’abcès doit être vérifiée avant de thérapie avec optimisation de doses) internes entre l’intestin et un organe démarrer un éventuel traitement ou dans les cas beaucoup plus rares de voisinage dont certaines peuvent médical de la maladie. L’échographie de perforation ou de découverte d’un se révéler par une symptomatologie peut alors être l’examen de choix. cancer associé. particulière comme les fistules enté- Attention, il n’est pas rare en pratique ro-vésicales (infections urinaires à quotidienne, qu’après traitement, En pratique quotidienne, il n’est pas répétition, fécalurie et pneumaturie). il persiste une coque résiduelle de rare dans ces formes compliquées Une fistule intra-abdominale peut être l’abcès, ce qui ne doit pas empêcher la Tableau 2 : Indications chirurgicales en cas de maladie de Crohn luminale compliquée de manière inaugurale Maladie de Crohn sténosante Maladie de Crohn fistulisante (hors lésions ano-périnéales) Choix du patient Échec des traitements médicaux bien conduits (anti-TNF optimisé en combothérapie) Cancer associé (très rare) Risque important d’échec du traitement médical - (score de CREOLE ≤ 2) Perforation (très rare) - 70
MICI mise en route d’un traitement médical. sténose était associée à un risque plus compliquées, d’obtenir une rémission Habituellement, il est proposé de important de chirurgie et plus faible clinique, incluant la fermeture de l’ori- couvrir la mise en route du traitement de cicatrisation de la fistule (13). fice externe en cas de fistule entéro- ou médical par la poursuite de l’antibio- L’étude MICA, une cohorte prospective colo-cutanée, associée à une amélio- thérapie pendant 2 semaines. Les du GETAID, a évalué le taux de succès ration objective des signes inflam- corticoïdes doivent être évités, parti- thérapeutique sous anti-TNF chez les matoires évalués en imagerie (IRM, culièrement en cas d’abcès associé. patients avec maladie de Crohn fistu- échographie), voire en endoscopie. La Il n’existe pas de donnée justifiant lisante compliquée d’abcès. Parmi les définition de la réponse thérapeutique l’utilisation des thiopurines ou du 190 patients, 117 (61,5 %) ont pu être en IRM n’est pas consensuelle, mais la méthotrexate en monothérapie dans inclus et ont été traités par anti-TNF persistance de signes inflammatoires cette indication. Seuls les anti-TNF ont après antibiothérapie seule (91 %) ou marqués (épaississement pariétal démontré un intérêt en cas de formes drainage (9 %) pour traiter l’abcès important, œdème intense, ulcères fistulisantes. Une cohorte rétrospec- (taille médiane de 2,9 mm) (14). ou signes d’inflammation péri-intes- tive du GETAID de 48 patients avec Un succès thérapeutique (critère tinale) doit conduire à une intensifi- fistules majoritairement entéro-cuta- composite défini comme l’absence de cation thérapeutique. Le dosage de nées traités par anti-TNF avait observé recours à une corticothérapie après la calprotectine fécale peut être utile une fermeture complète de la fistule S12, pas de récidive d’abcès, pas de dans cette situation. La persistance dans 33 % des cas à 3 mois (12). résection intestinale, pas de rechute d’une fistule interne ne doit pas être La moitié d’entre eux n’avait pas clinique (CDAI > 220 et CRP > 10 mg/L considérée comme un échec en tant présenté de réouverture de la fistule à 2 visites consécutives) et poursuite que tel contrairement à la récidive à 3 ans (12). Au total, une résection de l’adalimumab) était observé chez d’abcès qui doit faire envisager un intestinale avait dû être réalisée pour 84 % (87/117) des patients à la geste chirurgical. Un algorithme de la moitié de la cohorte (12). Plus semaine 24. La probabilité cumulée prise en charge est proposé figure 2. récemment, une autre étude rétros- d’éviter une chirurgie était de 75,4 % pective du GETAID s’est intéressée à 2 ans. Aucun facteur prédictif de Indications chirurgicales au devenir des fistules internes sous succès thérapeutique n’avait pu être au cours d’une maladie anti-TNF. Parmi 156 patients, le risque identifié. de Crohn fistulisante inaugurale cumulé de résection intestinal était Comment évaluer le succès En rappelant, comme expliqué précé- de 51 % à 5 ans alors que la proba- demment, l’importance d’une décision bilité cumulée de cicatrisation de la d’un traitement médical au cours d’une forme fistulisante chirurgicale personnalisée et discutée fistule était de 43,9 % à 5 ans (13). À de manière collégiale, les principales noter que 20,5 % des patients avaient inaugurale ? indications de résection intestinale présenté une récidive d’abcès sous L’objectif thérapeutique doit être, sont l’échec de la prise en charge ou traitement (13). La présence d’une comme dans les formes luminales non du drainage de l’abcès, l’échec d’un ou plusieurs traitements médicaux Figure 2 : Proposition d’algorithme de prise en charge d’une maladie de Crohn optimisés au maximum, ainsi que les fistulisante inaugurale (hors lésions ano-périnéales) rares cas de cancer (tableau 2). Dans la mesure du possible, il est préfé- rable d’éviter de réaliser la résec- tion intestinale sans avoir tenter de drainer l’abcès au préalable sous peine de devoir recourir à une résec- tion étendue. Cas particulier de la maladie de Crohn compliquée de localisation colique Comme précisé dans l’introduc- tion, les formes inaugurales compli- quées touchent très majoritairement le grêle, raison pour laquelle les données de la littérature concernent quasi-exclusivement la localisation iléale (1,2). Par extrapolation, les principes évoqués précédemment sont applicables aux localisations coliques incluant l’utilisation de l’IRM comme examen de référence et la prise en charge thérapeutique. 71
Il faut simplement garder en tête le 9. Buisson A, Chevaux J-B, Allen PB, et cancer colorectal comme diagnostic Références al. Review article: the natural history of postoperative Crohn’s disease différentiel en cas de sténose colique recurrence. Aliment Pharmacol Ther infranchissable. Fumery et al. avaient 1. Cosnes J, Gower-Rousseau C, Seksik P, et 2012;35:625–633. rapporté un risque de dysplasie de bas al. Epidemiology and natural history of grade, de haut grade ou de cancer de inflammatory bowel diseases. Gastroen- 10. Stevens TW, Haasnoot ML, D’Haens terology 2011;140:1785–1794. GR, et al. Laparoscopic ileocaecal 1 %, 0,4 % et 0,8 %, respectivement, resection versus infliximab for terminal chez 248 patients atteints de maladie 2. Thia KT, Sandborn WJ, Harmsen WS, et al. ileitis in Crohn’s disease: retrospective de Crohn avec sténose colique infran- Risk factors associated with progression long-term follow-up of the LIR!C to intestinal complications of Crohn’s trial. Lancet Gastroenterol Hepatol chissable opérée malgré des biopsies disease in a population-based cohort. 2020;5:900–907. préopératoires négatives. Gastroenterology 2010;139:1147–1155. 11. Gionchetti P, Dignass A, Danese S, 3. Bouhnik Y, Carbonnel F, Laharie D, et et al. 3rd European Evidence-based al. Efficacy of adalimumab in patients Consensus on the Diagnosis and with Crohn’s disease and symptomatic Management of Crohn’s Disease Conclusions small bowel stricture: a multicentre, 2016: Part 2: Surgical Management prospective, observational cohort and Special Situations. J Crohns Colitis (CREOLE) study. Gut 2018;67:53–60. 2017;11:135–149. La maladie de Crohn luminale se 4. Buisson A, Filippi J, Amiot A, et al. Defining révèle sous forme compliquée de and Assessing the Reproducibility of 12. Amiot A, Setakhr V, Seksik P, et al. manière inaugurale dans près de 20 % Crohn’s Disease Endoscopic Lesions: A Long-term outcome of enterocutaneous Delphi-like Method from the GETAID. J fistula in patients with Crohn’s disease des cas. L’IRM est l’examen de réfé- treated with anti-TNF therapy: a cohort Crohns Colitis 2021;15:1000–1008. rence pour évaluer l’activité inflam- study from the GETAID. Am J Gastroen- matoire et la morphologie des lésions, 5. Rieder F, Bettenworth D, Ma C, et al. An terol 2014;109:1443–1449. expert consensus to standardise defini- voire prédire la réponse au traitement tions, diagnosis and treatment targets 13. Bouguen G, Huguet A, Amiot A, et al. médical en cas de sténose. Les anti- for anti-fibrotic stricture therapies in Efficacy and Safety of Tumor Necrosis TNF, prescrits en association avec Crohn’s disease. Aliment Pharmacol Ther Factor Antagonists in Treatment of des thiopurines, doivent être privi- 2018;48:347–357. Internal Fistulizing Crohn’s Disease. Clin légiés dans cette situation. L’objectif Gastroenterol Hepatol Off Clin Pract J 6. Schulberg JD, Wright EK, Holt BA, et al. Am Gastroenterol Assoc 2020;18:628– du traitement doit être d’obtenir une Efficacy of drug and endoscopic 636. rémission clinique avec une amélio- treatment of Crohn’s disease strictures: A systematic review. J Gastroenterol ration objectives des signes inflam- 14. Pineton de Chambrun G, Pariente B, Hepatol 2021;36:344–361. matoires (IRM, calprotectine fécale). Seksik P, et al. Adalimumab for patients 7. Fumery M, Seksik P, Auzolle C, et al. Post- with Crohn’s disease complicated by La décision de résection intestinale intra-abdominal abscess: a multicentre, operative Complications after Ileocecal doit être personnalisée et prise de Resection in Crohn’s Disease: A Prospec- prospective, observational cohort study. manière collégiale notamment en cas tive Study From the REMIND Group. Am J J Crohns Colitis 2019;13:S616. de souhait du patient ou d’un échec Gastroenterol 2017;112:337–345. 15. Fumery M, Pineton de Chambrun des traitements médicaux. 8. Campos C, Perrey A, Lambert C, et al. G, Stefanescu C, et al. Detection of Medical Therapies for Stricturing Crohn’s Dysplasia or Cancer in 3.5% of Patients Disease: Efficacy and Cross-Sectional With Inflammatory Bowel Disease and Imaging Predictors of Therapeutic Failure. Colonic Strictures Clin Gastroenterol Dig Dis Sci 2017;62:1628–1636. Hepatol. 2015 Oct;13(10):1770-5. 72
MICI 5 Les cinq points forts ● La maladie de Crohn luminale est révélée par une complication dans 20 % des cas. ● L’IRM permet d’évaluer l’activité inflammatoire et la morphologie des lésions, voire de prédire la réponse au traitement médical en cas de sténose. ● Les anti-TNF, prescrits en association avec des thiopurines, doivent être privilégiés dans cette situation. ● L’objectif du traitement est d’obtenir une rémission clinique avec une amélioration des marqueurs d’inflammation (IRM, calprotec- tine fécale). ● La décision de résection intestinale doit être prise de manière collégiale. 73
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