Commerces : le monde d'après - le magazine de l'immobilier et de la ville - Le vélo, SIEC

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Commerces : le monde d'après - le magazine de l'immobilier et de la ville - Le vélo, SIEC
le magazine de l’immobilier et de la ville
n° 112 | juin-juillet 2020 | 25 €

                                                        Commerces :
                                                      le monde d’après

                                     Retour à       Le vélo,             La Défense
                                    Grenoble          roi du             fait renaître
                                    presqu’île   déconfinement ?         ses sous-sols
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ÉDITORIAL

Projet de transformation de la RD14 à Montigny-lès-Cormeilles (95). © Agence Seura

                                       Programmé avant la crise sanitaire et le confinement, notre dossier explore la
                                       transformation des zones commerciales, emblèmes de la « France moche », qui
                                       recherchent une nouvelle urbanité. Des opérations mixtes se développent ici ou là,
                                       sans toujours faire grand bruit. Les foncières commerciales y jouent un rôle, aux côtés
                                       des villes. Ces transformations prennent du temps : pour la Patte d’Oie d’Herblay,
                                       premier pôle commercial du Val d’Oise, dix ans se seront écoulés entre le premier travail
                                       de l’agence Seura, dans le cadre de l’atelier national « Territoires économiques »,
                                                                et le démarrage d’un chantier de logements avec rez-de-
                                                                chaussée actifs, prévu en 2021.

           Se projeter                                          Ces patients efforts seront-ils mis à bas par la crise sanitaire
                                                                et ses suites économiques ? Les intervenants cités dans
                                                                notre dossier continuent de se projeter – prudemment – dans
                                                                un « après » qualitatif. Et certains comportements adoptés
                                       pendant la crise pourraient perdurer, en faveur d’une consommation de proximité au
                                       cœur des villes. Les premières observations post-déconfinement ne tendent pourtant
                                       pas à confirmer cette hypothèse. Les files de voitures en amont d’un fast food, la ruée
                                       dans les magasins de bricolage, ou les queues devant dans des enseignes populaires
                                       de prêt à porter semblent signer le retour aux pratiques « d’avant ». Aux porteurs de
                                       projets de persister… nos colonnes leur sont ouvertes.

                                           Marie-Christine Vatov, rédactrice en chef

                                   n° 112 juin-juillet 2020                                                                   3
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SOMMAIRE

                                       14
       traits urbains n°112
Editeur :
Innovapresse & Communication
5 rue Saulnier - 75009 Paris
T 01 48 24 81 20
www.innovapresse.com
www.projetsurbains.com
RCS Paris B 329.255.566
ISSN : 1776-9604
Commission paritaire :
0324 T 87608

Directeur de la publication :
Gaël Chervet
Fondateur : Jean Audouin

Rédactrice en chef
Marie-Christine Vatov

Direction artistique
Laëtitia Loas-Orsel
Maxime Buot

                                            52
Maquette-graphisme
Laëtitia Loas-Orsel

Ont participé à ce numéro :
Lucie Bornat, Benoît Léger,
Antoine Torre (rédaction
Innovapresse Paris), Pierre Derrouch
(Innovations), Agnès Fernandez,
Nicolas Guillon, Nora Hachache,
Francis Mateo, et nos
correspondants en régions :
Séverine Cattiaux, Béatrice Girard,
Bertrand Verfaillie.

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                                       40
Aurélie Jeammes / 01 48 24 81 24
ajeammes@innovapresse.com
Abonnements
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Tarif /abonnement annuel
129 E TTC tarif France (8 numéros) -
25 E le numéro (TVA : 2,1 %)

Imprimeur : Chirat (42)
Dépôt légal à parution

En couverture :
Rue commerçante.
DR

                                                  À SUIVRE
                                              6   Agenda
                                              7   Tendances
Au prochain numéro !                         13   Transactions
Mobilités :
nouvelle donne
                                            14 DOSSIER
                                                  Zones commerciales : demain, nouveau
                                                  ou ancien monde ?

                                             18   Pascal Madry : « après la crise sanitaire, deux scénarios
                                                  possibles »
                                             19   Montpellier se Frey un chemin jusqu’à la mer
                                             20   Alfred Peter : « le domaine de pertinence s’arrête trop
                                                  souvent au diagnostic »
                                             21   Mérignac Soleil : tout sauf du bricolage
                                             22   Montigny-lès-Cormeilles veut créer son centre-ville
                                                  dans un corridor commercial
                                             25   Etixia : l’habit fait la zone

            4                                          juin-juillet 2020              n° 112
Commerces : le monde d'après - le magazine de l'immobilier et de la ville - Le vélo, SIEC
SOMMAIRE

                               36                                                     46

                                                       56
                             26                       34

     STRATÉGIES URBAINES                                         PROJETS URBAINS
26   Presqu’île : le « Grenoble de demain » ?               52   Grand Matabiau va redessiner Toulouse
30   Le Grand Narbonne mise sur                             54   La Cité fertile, « terrain d’expérimentations »
     la désimperméabilisation
34   Reconstruire autour du vide
36   Le vélo, roi du déconfinement ?                             PROJETS IMMOBILIERS
                                                            56   La Défense : Baukunst dessinera des lieux
                                                                 de vie au sein des milieux résiduels »
     STRATÉGIES IMMOBILIÈRES                                58   A Toulouse Métropole, un bailleur social
40   Gérard Lodetti (Linkcity France) : « cette crise            « aménageur en chef »
     sera un accélérateur et renforcera nos convictions »
44   Flore Trautmann : « transformer les rez-de-chaussée
     en communs urbains »                                        INNOVATIONS
                                                            60   Barcelone, terrain de jeu des opérateurs de
                                                                 la smart city
     ACTEURS                                                62   Sécurité sanitaire et développement durable
46   Philippe Druon : « la ville, on l’aime, on la subit
     ou on la quitte »
50   Mouvements

             n° 112 juin-juillet 2020                                                                          5
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À SUIVRE

AGENDA

Université d’été des urbanistes 1                Materials & Light                                1
« Les nouveaux territoires de l’utopie »         Materials & Light, le salon des solutions
seront le fil rouge de l’université d’été        innovantes pour l’architecture, organisé
des urbanistes, organisée par le Conseil         par notre confrère le magazine d’A,
français des urbanistes à la fin de l’été dans   conjuguera stands d’exposition, workshops
un lieu d’utopies, le Familistère de Guise.      et conférences, sur les thèmes du bois
Les 28 et 29 août                                (avec le magazine Séquences Bois) et autres
Familistère de Guise (Aisne)                     matériaux, du design, de la mise en lumière
Informations et préinscriptions sur              et du mobilier urbain.
https://cfdu.org et FB : @CFDUURBA               Les 8 et 9 septembre
                                                 Carreau du Temple, Paris
Salon Produrable                                 ml.darchitectures.com
Reporté pour cause de crise sanitaire, le
salon Produrable s’inscrira « dans le rebond     5 à 7 avec Richard Sennett 2
d’un New Deal européen qui propose une           Le prochain 5 à 7 du Club Ville
vraie transformation de nos modèles en           Aménagement aura pour invité le sociologue
faveur du climat, de la biodiversité, de la      et urbaniste américain Richard Sennett,

                                                                                                    © Fab5669
sobriété, du partage et du bon sens pour         sur le thème « Faire la ville éthique ».
une nouvelle prospérité, juste, raisonnée,       Conçue et animée par Ariella Masboungi,
éthique, pérenne et profitable, pour tous »,     Grand Prix de l’urbanisme 2016, avec pour
annoncent les organisateurs.                     débatteur le sociologue et urbaniste Alain
Les 7 et 8 septembre                             Bourdin, cette séance postulera que « la                                               2
Palais des congrès, Paris                        ville éthique est stimulante, inachevée et
www.produrable.com                               poreuse », et non prescriptive et fermée.
                                                 Cette conférence était programmée pour le
                                                 printemps ; le propos devrait donc s’enrichir
                                                 de l’expérience de six mois de crise sanitaire     © Ars Electronica from Österreich

                                                 et des remises en question consécutives à
                                                 cette crise.
                                                 Le 10 septembre
                                                 Tour Séquoia, La Défense
                                                 Inscription en ligne :
                                                 https://bit.ly/2RWcM3N

TENDANCES

Europan 16 : Villes vivantes
« La sortie de la crise sanitaire du covid-19 appelle une réflexion sur la résilience des milieux
urbains, leur capacité à abriter les êtres vivants et à prendre soin d'eux. Les évènements vécus
ces derniers mois montrent l'importance des métabolismes urbains, de leurs flux et stocks, des
transports et des échanges... ils pointent surtout en direction du rôle du vivant, humain et non-
humain, dans ces métabolismes ». De quoi conforter les organisateurs d’Europan (concours
de projets à destination des jeunes professionnels européens de la conception architecturale
et urbaine) dans le choix, pour la 16e session, du thème « Villes vivantes », abordé suivant
deux directions de travail : écologique et sociologique.
Prochaines étapes de cette 16e session : la recherche de sites de projets, qui se poursuit
jusqu'à l'automne 2020 ; un forum intersessions 15/16, en décembre 2020 (probablement
en partie en visioconférence) ; le lancement de la session, en avril/mai 2021.
www.europanfrance.org

        6                                                                                         juin-juillet 2020                         n° 112
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À SUIVRE

                      TENDANCES

                           Politique

                      Métropole du Grand Paris :
                      un plan de relance résiliente
                                                                                                      Le Conseil métropolitain du Grand Paris
                                                                                                      a adopté à l’unanimité, le 15 mai, un plan
                                                                                                      de relance de 110 millions d’euros afin
                                                                                                      de faire face à la crise sanitaire, soutenir
                                                                                                      l’économie locale et accélérer la transition
                                                                                                      écologique, pour « un territoire durable,
                                                                                                      équilibré et résilient ».
                                                                                                      Structuré en cinq axes et décliné en
                                                                                                      50 actions, le plan prévoit de soutenir le
                                                                                                      secteur de l’habitat et de la construction,
                                                                                                      via « le lancement d’une nouvelle édition
© Duotone / Pixabay

                                                                                                      de l’appel à projets innovants Inventons
                                                                                                      la Métropole du Grand Paris axé sur la
                                                                                                      réintroduction d’activités productives
                                                                                                      en zone dense » ou l’appel à
                                                                                                      manifestation d’intérêt pour de nouvelles
                      opérations d’intérêt métropolitain, afin « de construire et animer un réseau et des partenariats entre la Métropole et
                      les principaux acteurs métropolitains des filières de la rénovation et de la construction ».
                      Second volet : la revivification du tissu économique et culturel de proximité, avec notamment la participation à
                      hauteur de 14 millions d’euros au fonds mutualisé Résilience Ile-de-France dédié aux TPE et PME du territoire ; le
                      lancement d’une nouvelle édition du programme « Centre-ville vivant » ; le soutien à la conception et la construction
                      du pôle culturel et économique des ateliers Médicis à Clichy-Montfermeil (Seine-Saint-Denis) ; l’entrée de la Métropole
                      au capital de la Semaest ou encore le soutien à l’économie sociale et solidaire et aux jeunes entreprises innovantes.
                      L’axe « accélérer la transition écologique et le développement des mobilités douces » consiste, entre autres, en
                      l’adoption d’un Plan vélo métropolitain doté de 10 millions d’euros, la création de 100 nouvelles stations de Vélib’ d’ici
                      2022 et le déploiement de 3 000 bornes de recharge électrique sur tout le territoire. Un soutien spécifique à la filière
                      du végétal et du paysage est également prévu.
                      Le plan de relance prévoit également de repenser l’offre de santé en adoptant et promouvant une « stratégie
                      métropolitaine de la santé environnementale » qui intègre notamment le retour d’expériences de la crise sanitaire.
                      Cet axe intègre aussi la question de l’alimentation, avec « l’accélération du Plan alimentation durable métropolitain
                      engagé en 2019 ».
                      En matière de fracture et de transition numériques, le plan de relance grand-parisien projette de renforcer les
                      financements auprès des publics fragiles via le Pass numérique, de « mettre en place un programme de sensibilisation
                      dédié aux commerçants et artisans » en partenariat avec la CCI, ou encore de déployer un maillage métropolitain
                      de ressourceries de recyclage de matériel informatique.
                                                                                                                                      Lucie Bornat

                                           n° 112 juin-juillet 2020                                                                       7
Commerces : le monde d'après - le magazine de l'immobilier et de la ville - Le vélo, SIEC
À SUIVRE

TENDANCES

Des consultations citoyennes                                                                                                    Grand prix
sur la crise et ses suites à Lille                                                                                              national de
et à Dunkerque                                                                                                                  l’ingénierie :
                                                                                                                                résilient

                                                                                                                                La gare Eole CNIT-La Défense, conçue par le
                                                                                                                                consortium groupe Setec-agence Duthilleul/Arep-
                                                                                                                                Antea Group, a remporté le Grand prix national de
                                                                                                                                l’ingénierie 2019. © Setec/agenceDuthilleul/Arep

                                                                                                                                Le Grand prix national de l’ingénierie
                                                                                                                                2020 s’intéressera à la résilience.
                                                                                                                                Organisé par les ministères de la
                                                                                          © Liliane Monconduit / Pixabay

                                                                                                                                Transition écologique, de la Cohésion
                                                                                                                                des territoires et de l’Economie et
                                                                                                                                des finances, en partenariat avec
                                                                                                                                Syntec Ingénierie, il récompensera
                                                                                                                                « une équipe ayant concouru à la
                                                                                                                                conception, soit d’un produit soit d’un
                                                                                                                                projet remarquable dans le domaine
Les grands EPCI nordistes s'ébrouent au sortir de la crise sanitaire.
                                                                                                                                de l’industrie et de la construction ».
Dès la fin avril, la communauté urbaine de Dunkerque (17 communes,
                                                                                                                                Avec pour critères l’inventivité, la
198 000 habitants) a lancé un appel à idées afin « d'inventer des solutions
                                                                                                                                pluridisciplinarité, l’apport spécifique
pour vivre ensemble » après le 11 mai. Plus de 2 500 contributions ont été
                                                                                                                                de la fonction ingénierie à la faisabilité
enregistrées sur des sujets très concrets comme faire son marché, se divertir
                                                                                                                                technico-économique du projet, mais
ou s'engager localement. Au chapitre des déplacements, la communauté a
                                                                                                                                aussi l’intégration des composantes
pris les devants début mai en proposant à la population une aide à l'achat de
                                                                                                                                du développement durable. « Au vu de
vélos, ainsi que des prêts gratuits longue durée de vélos.
                                                                                                                                la crise inédite que nous traversons,
A son tour le 12 mai, la Métropole européenne de Lille (95 communes, 1,1 million
                                                                                                                                liés à la pandémie de Covid-19, le jury
d'habitants) a ouvert une consultation citoyenne « pour recueillir les expériences
                                                                                                                                portera une attention toute particulière
de confinement des métropolitains et envisager l'après ». Participation dirigée sur
                                                                                                                                aux projets qui participent à la relance
des thèmes comme l'aménagement, le cadre de vie, la démocratie locale, les
                                                                                                                                d’une économie résiliente », précisent
usages numériques, ou expression libre : les retours feront l'objet d'une synthèse,
                                                                                                                                les organisateurs.
présentée aux élus et aux différents services de la Mel.
                                                                                                                                Date limite de dépôt des candidatures :
                                             Bertrand Verfaillie (Innovapresse / Lille)
                                                                                                                                le 31 août avant midi. Règlement
                                                                                                                                du concours disponible sur syntec-
                                                                                                                                ingenierie.fr

        8                                                                                                                  juin-juillet 2020                   n° 112
Commerces : le monde d'après - le magazine de l'immobilier et de la ville - Le vélo, SIEC
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     TENDANCES

     L’expo IBA Basel
     reportée au
                                                                                     Le Puca explore
     printemps 2021                                                                  les relations
                                                                                     ville-travail
                                                                                     « Alors que le logement fait l’objet d’une quantité importante de
                                                                                     réflexions et d’expérimentations, le travail semble un impensé
                                                                                     alors même que les évolutions des usages y sont probablement
                                                                                     plus forte ». Partant de ce constat, le Puca (Plan urbanisme
                                                                                     construction architecture) a lancé une réflexion partenariale
                                                                                     avec les représentants de l’industrie, de la logistique, de la
                                                                                     promotion immobilière, de l’aménagement, des collectivités
                                                                                     locales et de plusieurs laboratoires de recherche. De cette
                                                                                     réflexion est né un appel à projets de recherche « Ville
                                                                                     productive », pour explorer « les lieux et la nature des fonctions
                                                                                     productives dans l’espace urbain et la place des travailleurs en
                                                                                     ville ». Cinq axes thématiques sont proposés : les conditions
                                                                                     et stratégies du maintien et du retour de l’activité productive
                                                                                     en ville ; les lieux du « travail à distance » de l’entreprise ; la
                                                                                     ville productive comme projet environnemental ; la logistique
DR

                                                                                     urbaine et l’évolution des pratiques commerciales ; la vie des
                                                                                     travailleurs et des travailleuses.
     L’exposition finale de l’IBA Basel (Internationale                              Les réponses sont attendues pour le 31 août (appel à projets
     Bauaustellung), prévue à la fin du mois de                                      téléchargeable sur www.urbanisme-puca.gouv.fr/appel-a-
     juin dans le Campus Vitra à Weil am Rhein                                       projets-de-recherche-sur-la-ville-a2041.html ).
     (Allemagne) se tiendra du 30 avril au 6 juin
     2021, en raison de la crise sanitaire. Pour les
     organisateurs, « il était impensable de réaliser
     la première IBA transfrontalière sans pouvoir
     réellement traverser les frontières ». Ce travail
     commun visant à faire émerger et mettre en
     lumière des initiatives urbaines, architecturales
     et paysagères, associe des collectivités
     françaises, allemandes et suisses. Et « le défi
     que peut représenter le franchissement d’une
     frontière – habituellement presque invisible –
     lors d’une pandémie dans la région trinationale,
     est en fin de compte le quotidien des urbanistes
     et autres acteurs œuvrant à un aménagement
     coordonné du territoire ».
     L’exposition, intitulée « Au-delà des limites
     ensemble », présentera les multiples projets
     visant à créer de nouveaux espaces de vie.
     www.ibaexpo.com
                                                          © Malachi Witt / Pixabay

                            n° 112 juin-juillet 2020                                                                                                9
Commerces : le monde d'après - le magazine de l'immobilier et de la ville - Le vélo, SIEC
À SUIVRE

                           TENDANCES

                           La quasi-totalité des chantiers
                           franciliens ont repris
© Ahmad Ardity / Pixabay

                           A la fin du mois de mai, la Fédération des promoteurs immobiliers d’Ile-de-France (FPI-IDF) a annoncé, via son
                           président Marc Villand, que plus de 800 chantiers – ce qui représente plus de 60 000 logements – ont repris.
                           En effet, les adhérents sondés par l’organisation ont déclaré que 95 % des chantiers étaient repartis en Ile-de-
                           France. Pour rappel, Julien Denormandie avait évoqué, le 12 mai, son intention de rouvrir « tous les chantiers
                           avant la fin du mois ».
                           La FPI-IDF propose la création d’un « PC Covid », qui permettrait d’adapter temporairement le traitement
                           des permis de construire déposés entre le 12 mars et le 31 décembre 2020. Concrètement, cela se caractériserait
                           par la « possibilité pour les maîtres d’ouvrage de transmettre le pré-dossier ou des pièces complémentaires
                           par voie dématérialisée, la suppression de toutes demandes de pièces non formellement requises légalement,
                           des prorogations des délais de validité des permis de construire devenus caducs », précise l’organisation. (AT)

                           La RE2020 entrera finalement en vigueur à l'été 2021
                           Pour tenir compte de l’impact de la situation sanitaire actuelle, le gouvernement ajuste le calendrier de la future règlementation
                           environnementale des bâtiments neufs (RE2020). La phase de simulations, lancée en janvier « afin d’éclairer les choix des
                           indicateurs et niveaux de performance pertinents », prendra fin courant mai, indique un communiqué. Les concertations
                           « se poursuivront pendant l’été pour permettre à tous les acteurs concernés d’y prendre part ». La publication des textes
                           règlementaires, à l’origine fixée à l’automne 2020, interviendra « fin 2020 ou au plus tard au tout début de l’année 2021 ».
                           Prévue par la loi Elan, la règlementation entrera en vigueur à l’été 2021, précise le gouvernement, au lieu de la date initialement
                           prévue du 1er janvier 2021.

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n° 112 juin-juillet 2020   11
À SUIVRE

                      TENDANCES

                      Quelles pistes pour relancer
                      l'attractivité des centres-villes ?
                                                                                                  L’association Centre-Ville en Mouvement a remis son
                                                                                                  rapport « Solutions et idées pour la relance de l’attractivité
                                                                                                  de nos centres-villes » – qui résulte de l’analyse d’une
                                                                                                  quarantaine d’auditions menées auprès des acteurs
                                                                                                  du centre-ville – aux ministres concernés. La crise
                                                                                                  sanitaire inédite « a profondément changé les façons de
                                                                                                  consommer, les façons de se mouvoir et de fréquenter
                                                                                                  la ville et son centre », juge le rapport. Les commerces
                                                                                                  indépendants ont subi de plein fouet les mesures de
                                                                                                  confinement à travers le décret de fermeture. Si les
                                                                                                  chiffres d’affaires des hypermarchés de périphérie ont
© Peter H / Pixabay

                                                                                                  chuté, les auditions menées ont permis de constater que
                                                                                                  les supermarchés de proximité, situés dans la ville, ont
                                                                                                  réalisé des chiffres d’affaires en hausse de 50 %.
                                                                                                  Relancer l’activité et accroître l’attractivité des centres-
                      villes passera d’abord par l’application de mesures pour les rendre « irréprochables d’un point de vue sanitaire », rapporte
                      l’association. Elle évoque la mise en place d’un label, soutenu par l’Etat, qui serait apposé sur les portes des commerces pour
                      témoigner de leur respect des normes sanitaires. Le rapport appelle aussi à « une action forte de l’État » pour soutenir la livraison,
                      qui s’est imposée, en temps de crise, comme un aspect primordial à prendre en compte pour soutenir les commerces de
                      proximité.
                      Concernant le tissu commercial, la digitalisation apparaît comme un enjeu majeur pour toucher un nombre plus important
                      de consommateurs. La relance des commerces de proximité passe aussi par un soutien de la consommation locale, à travers
                      des initiatives telles que des chèques cadeaux ou des bons de réduction subventionnés par les pouvoirs publics locaux, indique
                      le document.
                      La crise a révélé « l’impuissance de nombreux maires dans la gérance de leurs missions », constatent les acteurs auditionnés.
                      Pourtant, ce sont eux « qui vont être en première ligne » dans le plan de relance des villes, et il est important, dans ce cadre, de
                      leur redonner le pouvoir, juge le rapport. Autre profession, assurément essentielle : les managers de centre-ville, qui doivent être
                      « partie prenante de la relance en étant intégrés à toutes les échelles des discussions et des concertations ».
                      Rendre le centre-ville attractif passe par les politiques d’embellissement, pour donner l’envie aux habitants « d’y retourner pour
                      faire leurs courses ou tout simplement pour se balader », l’organisation d’activités culturelles (par exemple la création de cinémas
                      en plein air, déjà mise en œuvre dans certaines communes), et par le fait de favoriser les modes de mobilité douce. Lee rapport
                      appelle à adapter les modes de déplacement au sein de l’espace public et propose, quand cela est possible, la « condamnation de
                      quelques rues automobiles pour y intégrer le vélo ».
                                                                                                                                                   Antoine Torre

                                                                         Pavillon ouvert à l’Arsenal
                                                                         Le Pavillon de l’Arsenal a rouvert ses portes au public le 16 juin. Au programme :
                                                                         la présentation de l’ensemble des contributions du forum « Et demain, on fait
                                                                         quoi ? » dans la grande halle et la poursuite de l’exposition « Champs-Elysées
                                                                         – histoire et perspectives » prolongée jusqu’au 30 août. Les contenus du cycle
                                                                         #architecturealamaison ! , qui ont animé la période de confinement, restent
                      Capture de l’exposition virtuelle « Intelligence
                                                                         accessibles en ligne.
                      artificielle et architecture ». DR
                                                                         www.pavillon-arsenal.com

                                12                                                                              juin-juillet 2020              n° 112
À SUIVRE

                       TRANSACTIONS
                       Val de Fontenay : Ivanhoé Cambridge acquiert le campus Joya
                                                                                                               Ivanhoé Cambridge a acquis en Vefa un
                                                                                                               campus de bureaux de 50 000 m2 en blanc,
                                                                                                               situé au Val de Fontenay (94). Un ensemble
                                                                                                               baptisé Joya, imaginé par Emmanuel
                                                                                                               Combarel (ECDM architectes) et développé
                                                                                                               par le duo Europequipements – Quartus, qui
                                                                                                               sera livré en 2022. Il bénéficiera de surfaces
                                                                                                               adaptables « hyperconnectées », proposera
                                                                                                               des plateaux de 6 000 m2 répartis sur sept
                                                                                                               étages divisibles en quatre lots, « assurant
                                                                                                               une flexibilité d’aménagement optimale »,
                                                                                                               indique un communiqué daté du 26 mai.
                                                                                                               Autres caractéristiques de l’ensemble : ses
  © ECDM Architectes

                                                                                                               espaces de services (restauration, bien-être,
                                                                                                               auditorium, réunion, etc.), ses surfaces de
                                                                                                               jardins et ses terrasses accessibles.
                                                                                                               « Nous sommes très heureux de cette
                                                                                                               acquisition off-market dans le premier pôle
                       tertiaire de l’Est parisien qui s’inscrit parfaitement dans notre vision à long terme pour le Grand Paris », commente Karim Habra,
                       directeur général Europe et Asie-Pacifique d’Ivanhoé Cambridge. Il ajoute : « alors que la crise du Covid-19 accélère la mutation
                       des modes de travail et impacte les modèles d’affaires des entreprises, Joya répond d’autant plus aux besoins futurs des
                       utilisateurs en termes de coûts d’occupation, de services, de flexibilité des espaces de travail et d’accès à la technologie ». (BL)

                       Cession problématique pour l'ancien siège de la métropole de Lille
                                                                                                             La cession de l'ancien siège de la mé-
                                                                                                             tropole européenne de Lille (Mel) et de
                                                                                                             ses dépendances à Vinci immobilier pour
                                                                                                             95 millions d'euros HT n'aura pas lieu cette
                                                                                                             année comme prévu. Le délai de concréti-
                                                                                                             sation de la promesse de vente signée en
                                                                                                             juillet 2019 a été prolongé jusqu'en février
                                                                                                             2022. Conséquence d'un désaccord entre
                                                                                                             l'EPCI et la Ville de Lille, sur le territoire
© OXO Architectes

                                                                                                             de laquelle se trouve l'emprise bâtie de
                                                                                                             trois hectares, dénommée « Metropolitan
                                                                                                             Square ». Le programme présenté par
                                                                                                             Vinci immobilier avec BNP Paribas Real
                       Estate (65 000 m2 de bureaux, 30 000 m2 de logements, 2 000 m2 de commerces) ne plaît pas à Martine Aubry, qui a déposé
                       un recours il y a un an contre la désignation du groupement. Elle estime qu'il y manque des « dimensions sociales, écologiques
                       et urbaines ». La maire a maintenu cette position lors de l'adoption du nouveau PLU de la métropole en décembre dernier et le
                       document validé à l'époque par l'assemblée communautaire bloque de fait le développement du projet. Une révision partielle
                       du PLU est aujourd'hui nécessaire ; elle prendra plusieurs mois et passera peut-être par une enquête publique. Le produit de la
                       vente inscrit au budget 2020 de la Mel ne sera évidemment pas disponible.
                       L'opération Metropolitan Square a déjà connu quelques aléas par le passé. A l'origine, la Mel voulait démolir son siège et le
                       reconstruire sur place. Elle a ensuite changé d'optique, décidant d'emménager en location dans le « Biotope », un immeuble
                       neuf de 30 000 m2 édifié dans la Zac Euralille 2, et de vendre son site historique pour financer cette réinstallation. (BV)

                                              n° 112 juin-juillet 2020                                                                            13
DOSSIER

ZONES COMMERCIALES
DEMAIN, NOUVEAU
OU ANCIEN MONDE ?

Projet de transformation de Pariwest à Maurepas (78) par Etixia. © Etixia

La « France moche » se refait une beauté : les zones commerciales
d'entrée de ville ont débuté leur mutation. A Metz, Montpellier,
Mérignac ou Montigny-lès-Cormeilles, quelques-unes de ces zones
sont le support de projets urbains désormais plus équilibrés. Mais
le coronavirus s'est invité dans le tableau et le secteur du commerce a
été frappé de plein fouet par le confinement. Quels seront les impacts
de la crise ? Comment évolueront les pratiques de consommation ?
Avec quelles conséquences sur la concurrence entre enseignes de
centres-villes et ensembles de périphérie ? Les observateurs les plus
avisés, s'ils espèrent que cette crise aura un effet accélérateur sur
les bonnes pratiques, n'écartent pas non plus le scénario du coup
d'arrêt voire - pire - du retour en arrière. Premières analyses, pour
un « monde d’après » qui n’oublie pas la qualité urbaine.

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DOSSIER

                   À en croire l'architecte-urbaniste David         Que nous disent les résultats de cette étude ? En premier lieu,
Mangin, l'urbanisme commercial serait victime de malen-             que la vacance commerciale progresse dans l'ensemble des
tendus. « Le débat n'est pas entre une France moche et le           aires urbaines, à raison d'un demi-point en moyenne par an. Il
reste du monde ; la voiture et les transports en commun ;           est vrai que dans un certain nombre de cas, le commerce de
la boîte à chaussures et les gestes architecturaux », écrit-il      périphérie se porte mieux que celui de centre-ville, mais cela
dans l'ouvrage Du Far West à la ville (Éditions Paren-              vaut seulement pour 21 % des zones urbaines observées.
thèses) (lire aussi l’encadré page 24). De même, l'effet            Ailleurs, le tableau est beaucoup plus contrasté. On relève
létal du commerce de périphérie sur celui de centre-ville           en particulier une corrélation entre les aires urbaines les plus
serait une autre idée reçue. Le directeur de l'Institut de la       fragilisées et les territoires les plus en déprise, tant que sur
Ville et du Commerce (IVC), Pascal Madry, partage cette             le plan de la démographie que sur celui de l'emploi. Enfin, il
vision nuancée : « le commerce reste méconnu parce qu'on            semble qu'un équilibre ait été trouvé dans 40 % des situa-
ne chausse jamais les bonnes lunettes pour l'observer. La           tions. En conclusion, le rapport de domination si souvent
plupart des travaux concernant les zones commerciales               remis sur la table du commerce de périphérie au détriment
n'aborde que la question urbanistique alors qu'il faudrait en       de celui du centre-ville n'est, de fait, pas aussi net qu'on veut
même temps chausser des lunettes d'économiste ». C'est              bien le dire.
une des raisons qui a poussé à la création, après la crise de       Une fois ce constat dressé, il n'en demeure pas moins que
2008, de cette association qui réunit l'ensemble des acteurs        le modèle des zones commerciales issues de la période
de la filière : investisseurs, promoteurs, collectivités, syndi-    no parking no business atteint ses limites, au regard des
cats et chambres de commerce, aménageurs, laboratoires              nouveaux entrants du développement durable mais égale-
de recherche, etc. Avec un double objectif : d'une part             ment sur le plan économique. Un chiffre, un seul, résume
constituer une base de données, d'autre part produire une           tout : en 2019, le taux de vacance des zones commerciales
réflexion commune, notamment sur le lien entre périphérie           de périphérie était de 9 %, quand la limite acceptable, celle
et centre-ville, plus complexe qu'il n'y paraît. Aussi quand le     qui permet un turn-over, est de 5 %. C'est le signe d'une
Gouvernement a lancé le programme Action cœur de ville,             fragilisation du secteur de la grande distribution mais égale-
l'IVC a-t-elle souhaité prendre le contre-pied et faire du          ment de la saturation du marché. Une explication limpide à
commerce de périphérie son sujet de réflexion de l'année,           ce phénomène : dans les années 1990, 60 % des achats des
dans l'optique d'aboutir à la formulation de recommanda-            Français étaient effectués dans des hypers et 40 % dans de
tions dépassant le seul contexte des métropoles. L'IVC              plus petits magasins. Aujourd'hui, ce rapport s'est inversé.
devait tenir son assemblée générale le 18 mars dernier et           Quand il y a trente ans, le chiffre d'affaires moyen d'un hyper
par la même occasion, initier une grande réflexion natio-           était de 12 000 euros/m2/an, il n'est plus de nos jours
nale sur ce thème. Une caravane d'ateliers aux différentes          que de 8 000 euros/m2/an. Et pourtant, on continue de
problématiques (foncier, portage immobilier, programma-             construire des zones commerciales de périphérie. Depuis
tion...) devait simultanément partir sur les routes de France.      les années 1990, le rythme des ouvertures a même doublé
Mais voilà ! La crise sanitaire a tout stoppé.                      pour aboutir à cette situation absurde dans laquelle il existe
                                                                    plus de zones que la consommation ne peut absorber.
La vacance en progression partout                                   Comment en est-on arrivé là ? Par un processus endo-
                                                                    gène cannibale. « La révolution de la grande distribution
Nous nous sommes malgré tout procuré l'étude qui devait             est derrière nous », analyse Pascal Madry. « Il n'y a plus
être présentée et discutée lors cette de AG, un document            pour ce secteur de capacité de croissance. C'est pourquoi
portant sur l'évolution de 2015 à 2020 de 1 800 zones               les zones commerciales sont entrées en concurrence avec
commerciales (90 000 points de vente au total) réparties            elles-mêmes, pour piquer des parts de marché aux copains.
dans 800 aires urbaines, l'échelle d'observation la plus perti-     Les promoteurs, parce qu'ils arrivent avec leurs enseignes,
nente selon l'IVC. Rappelons en préambule qu'en France, les         parviennent encore à séduire les collectivités, naïves ou
zones commerciales représentant 70 % des lieux de consom-           complaisantes, qui se laissent appâter par la promesse
mation, le commerce de centre-ville 17 % et le commerce             d'emplois incertains. En créant une nouvelle zone commer-
diffus 13 %. « Nous avons formulé deux hypothèses », déve-          ciale sur leur territoire, les élus pensent pouvoir créer un
loppe Pascal Madry. « La première part du principe que les          flux mais cela revient à confondre la fin et les moyens
zones commerciales sont responsables de la fragilisation des        car l'équipement ne fait pas l'attractivité. Une seule règle
centres-villes marchands, ce que nous pouvons définir comme         devrait prévaloir : se baser sur les besoins réels, raisonner
une crise de la centralité. La deuxième prétend à l'opposé          par l'offre et non par la demande, car ça ne marche plus.
que le problème des zones commerciales rejoint celui des            La crise sanitaire du coronavirus en constitue la meilleure
centres-villes marchands, que leur santé irait de pair, situation   preuve : on a fermé trois quarts des enseignes dans le pays
qui s'apparente à une crise urbaine ».                              et malgré cela, nous n'avons manqué de rien ! ».

                     n° 112 juin-juillet 2020                                                                                     15
DOSSIER

Nouveau jeu d'acteurs                                                        opérations négociées, impulsées par le public et réalisées
                                                                             par le privé, comme Mérignac-Soleil, dans la métropole
Le cannibalisme connaît, toutefois, lui aussi ses limites. Les               bordelaise.
grandes chaînes ferment les magasins les uns après les                       Peut-on considérer pour autant que nous sommes à un
autres, les promoteurs voient leur terrain d'expression s'assé-              point de bascule ? « Le fait est qu'un certain nombre de
cher et les élus, qui généralement tirent la sonnette d'alarme               collectivités cheminent dans leur réflexion », observe
quand la vacance commerciale sur leur territoire dépasse                     Pascal Madry. « Nous voyons, en effet, des élus essayer
7,5 %, s'inquiètent. Aussi, commence-t-on à voir se dessiner                 d'organiser les choses en amont », confirme Pascal
un nouveau jeu d'acteurs en faveur de la requalification de                  Barboni, directeur général délégué au développement
l'existant, en s'appuyant sur les nouveaux paradigmes envi-                  chez Frey. « Nous avons ainsi répondu à plusieurs appels
ronnementaux. Jusqu'à récemment, on ne savait pas requali-                   d'offres pour la réalisation d'études prospectives urbaines.
fier sans créer de nouveaux mètres carrés. C'était toujours le               Nous intervenons, par exemple, au sein d'un groupement
serpent qui se mordait la queue. Mais aujourd'hui, à l'instar de             pluridisciplinaire, à Toulouse et Chambéry ». Cela présup-
ce que le new urbanism a pu produire aux États-Unis, on voit                 pose néanmoins un bon niveau d'attractivité du territoire.
apparaître des opérations plus complexes, où l'on n'hésite                   Mérignac c'est l'agglomération de Bordeaux, une des
pas à démonter des boîtes à chaussures pour « renaturer » et                 métropoles les plus attractives de l'Hexagone. Mais quid
mixer les fonctions – commerce, habitat, emploi – des sujets                 de ce type d'opérations à Thiers, Vierzon ou Chatellerault ?
qu'en théorie il n'aurait jamais fallu séparer, la spécialisation            Si le couplage commerce-logement est intéressant, l'em-
n'ayant jamais fait ses preuves.                                             ploi ne suit pas toujours. La dynamique Rennes promeut,
Les toutes premières opérations ont été réalisées dans la                    pour sa part, le modèle de la ville-archipel mais cela exige
région de Troyes, à la forte tradition commerciale. C'est le                 une intégration politique forte. La question de la mobilité
cas notamment dans la zone de Saint-Parres, dont la Zac                      est également primordiale. Bordeaux a tiré une ligne de
a été clôturée cette année. Depuis, nombre de projets ont                    tramway jusqu'à Mérignac. Là aussi, les choses changent.
émergé. Il existe quatre types de requalification de zone                    Jusqu'au début des années 2000, l'idée – reçue elle
commerciale : les opérations privées, comme celle qui                        aussi – selon laquelle la grande distribution n'était pas
concerne Actisud à Metz, où l'ensemble des mutations est                     compatible avec le transport en commun a conduit à la
pris en charge par Etixia, détentrice de 100 % du foncier ;                  doxa du tout-voiture. « Pendant quinze ans, on a entendu
les opérations « classiques » menées par un aménageur                        ça », peste encore David Mangin. « On ne pouvait pas faire
public dans le cadre d'une Zac, comme l’Epase (Etablis-                      arriver de ligne de tramway jusqu'aux zones commerciales
sement public d’aménagement de Saint-Etienne) à Saint-                       de périphérie, soi-disant parce qu'il était impossible de
Etienne – Pont de l’Ane ; les opérations mixtes initiées par                 monter dedans avec un caddie. Mais il y avait une autre
le public et déléguées à un opérateur privé dans le cadre                    raison à cette objection, moins avouable, et pourtant
d'une Zac concédée, comme celles que conduit le groupe                       bien réelle : on ne voulait pas d'une population pauvre et
Frey à Montpellier (Ode à la mer) ; enfin, plus rares, les                   jeune. C'est d'ailleurs d'une prise de conscience des popu-

Vues du projet de transformation d’Actisud à Augny, près de Metz. © Etixia

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lations et des professionnels de l'urbanisme – suivie de           se doit d'avancer avec la plus grande prudence. « Quels
celle des commerçants, qui ont fini par comprendre qu'ils          formats pourraient être le plus mis à mal et sur le principe
pouvaient en tirer de nouveaux bénéfices - qu'est venue            des vases communicants, quels sont ceux qui tireraient
une évolution en faveur des déplacements doux. Avec l'ar-          leur épingle du jeu ? », s'interroge Pascal Madry. « Une
rivée de tramways dans certaines zones commerciales, de            partie de la réponse est peut-être, malheureusement, dans
nouveaux clients en provenance des faubourgs ont fait leur         les cessations de paiement et les liquidations judiciaires
apparition, avec un panier d'achats certes plus réduit mais        qui ne manqueront pas d'intervenir au cours de cette
revenant plus fréquemment dans le temps ». En termes de            année particulièrement douloureuse. Or, la grande distri-
mobilité, le consommateur reste, toutefois, très contrasté         bution semble a priori la mieux armée pour encaisser le
dans ses déplacements. En banlieue, par exemple, la                choc. La zone de périphérie à l'ancienne avec ses grandes
voiture demeure le principal moyen de locomotion. Et               enseignes, ses parkings et Amazon qui viendrait s'installer
avant la crise du coronavirus, la distance pour s'approvi-         à côté, pourrait alors parachever le modèle tant décrié des
sionner avait même tendance à s'accroître.                         Trente Glorieuses et le développement des zones commer-
                                                                   ciales de nouvelle génération connaître un coup d'arrêt ».
Quid du e-commerce ?                                               Mais Ghislain Fauquet n'y croit pas : « toutes les grandes
                                                                   crises nous ont montré que les tendances qui émergeaient
La contrainte du confinement a bien évidemment boule-              avant reviennent après, souvent même avec un effet accé-
versé la donne, le consommateur étant obligé d'aller au            lérateur. Et celle-ci a quelque part donné encore plus de
plus près, quand il n'optait pas pour le drive ou la livraison à   sens à notre action ».
domicile. L'observation en a automatiquement été biaisée.          Laissons la conclusion à David Mangin : « ce qui serait
« Nous n'avons que très peu de recul », modère Ghislain            extraordinaire, ce serait déjà d'améliorer l'ordinaire, de
Fauquet, leader marketing et communication chez Etixia.            dépasser le mur de l'argent et les querelles de clocher,
« Ce ne sont que des signaux faibles. Qu'en restera-t-il           encore plus présentes dans les zones de périphérie qu'ail-
dans un ou deux ans, une fois la pandémie derrière nous ? »        leurs. Avec une vision mieux partagée des objectifs du
Dans un éditorial du Monde Diplomatique du mois d'avril,           développement durable et des projets urbains mieux cali-
Serge Halimi se montrait très sceptique : « depuis trente          brés, les agents de transformation se mobiliseront de plus
ans, chaque crise nourrit l'espérance déraisonnable d'un           en plus pour promouvoir une ville recomposée. Et du fait de
retour à la raison, d'une prise de conscience, d'un coup           la taille des espaces qu'ils engagent, de leur attractivité et
d'arrêt. Une fois la tragédie du Covid-19 surmontée, allons-       du mélange de population qu'ils génèrent, ces territoires
nous irrémédiablement changer nos modes de consomma-               sont peut-être aujourd'hui la mère de toutes les batailles à
tion ou tout recommencera-t-il comme avant ? ».                    mener ». Ces paroles datent de 2014, pourtant elles n'ont
L'équation à plusieurs inconnues pourrait aussi se poser           pas pris une ride avec le coronavirus. Cette fois, il y n'a
en ces termes : quels seront les lieux de commerce les             plus de malentendu possible.
plus résilients ? Terrain miné sur lequel l'observateur                                                            Nicolas Guillon

Actisud à Augny, le Hub. © Etixia

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DOSSIER

                                             PASCAL MADRY :
                                             « APRÈS LA CRISE SANITAIRE,
                                             DEUX SCÉNARIOS POSSIBLES »
                                            Le directeur de l'Institut de la Ville et du Commerce
                                            répète qu'il ne faudrait jamais aborder la question de
                                            l'urbanisme commercial sans chausser des lunettes
                                            d'économiste. Il nous en fait ici la démonstration tout
                                            en s'essayant au délicat exercice de la prospective
                                            post-coronavirus.
DR

                      L'anthropologue Stéphane Juguet, expert            de la rue a aussi un côté rassurant. Après cette assignation à
     des questions urbaines, explique que le confinement a               domicile, on va peut-être aussi vouloir réhabiliter les marchés
     été la redécouverte de « la ville du chausson », celle              forains, la production locale, ces nouvelles valeurs qu'on
     où il faut réussir à trouver les ressources de première             voyait s'installer chez une partie des consommateurs.
     nécessité dans un rayon de 500 mètres autour de chez
     soi. Que cette crise sanitaire a fait l'éloge du micro au           À condition que le petit commerce survive à cette
     détriment du macro, de l'hyper proximité contre la                  crise...
     périphérie. Partagez-vous ce constat ?                              C'est une évidence. Peu de commerces devraient atteindre
     C'est en effet une vision des choses très intéressante. L'ana-      cette année 60 % de leur chiffre d'affaires de 2019. Sachant
     lyse des tickets de caisse sur cette période nous montre            que 60 % de ceux-ci n'atteignent pas un résultat net de
     que les supermarchés (2 à 3 000 mètres carrés), que l'on            30 000 euros (source : FCGA), beaucoup risquent de se
     oppose rarement aux hypermarchés, sont parmi les grands             retrouver en très mauvaise posture en fin d'exercice. Car
     gagnants de cette crise. En l'occurrence, le maillage de            les mesures gouvernementales sont surtout des mesures
     proximité qu'ils offrent constitue indéniablement un atout          de report. De prime abord, nous avons affaire à un État très
     au regard de l'éloignement des hypers. Mais nous pourrions          interventionniste, protecteur, mais celui-ci n'a jamais dit qu'il
     aussi dire que le confinement a profité à « la ville du canapé »    rétablirait le chiffre d'affaires à la fin. Qui tiendra ? Si on met
     car durant cette période, le chiffre d'affaires des drives et de    tout le monde sur la ligne de départ après le déconfinement,
     la livraison à domicile a été multiplié par deux.                   je suis à peu près certain de retrouver les hypers sur la ligne
                                                                         d'arrivée. Les autres ?
     Cette crise ne va-t-elle pas modifier durablement les
     habitudes du consommateur, en recherche de sécu-                    Sur ces bases de réflexion, peut-on se hasarder à
     rité sanitaire ?                                                    l'exercice de prospective ?
     Il est en effet fort probable que les habitudes prises par le       Disons que deux scénarios peuvent être avancés. Un
     consommateur durant le confinement laissent des traces              premier, « hypocondriaque », qui verrait un prolonge-
     tant dans le choix de ses lieux d'achats que dans le choix des      ment de ces comportements de consommation observés
     produits. Il est certain que les produits locaux vont être désor-   durant la crise, motivés par la recherche de limitation des
     mais préférés aux produits chinois. Mais durant cette crise,        contacts. Cela se traduirait par un repli de l'acte d'achat
     le consommateur a surtout expérimenté la distanciation, vis         dans la sphère domestique à travers le recours accru à
     à vis de l'autre, et de l'argent liquide. Pour la première fois,    la livraison à domicile ; et une diminution de la fréquen-
     nous avons massivement fait l'expérience du commerce sans           tation des magasins physiques, à l'exception des grandes
     contact. Ce ne sera pas sans lendemain. Cette façon de faire        surfaces perçues – à tort ou à raison - comme permettant
     rassurante sur le plan sanitaire pourrait perdurer, voire devenir   de maîtriser la distanciation. En termes d'aménagement,
     la norme. Et si l'on pousse encore plus loin le raisonnement,       s'opérerait une polarisation croissante du commerce dans
     on se dit que la grande distribution que l'on trouve dans les       les zones de périphérie ainsi qu’un fort développement
     zones de périphérie a cette capacité de développer toutes les       d’interfaces d’échange permettant des achats découplés :
     interfaces possibles. Comme les GAFA d'ailleurs. La concen-         livraison à domicile, consigne, drive, etc. Ce scénario se
     tration des grands acteurs pourrait donc s'accélérer. Et en         heurte, toutefois, à un défi écologique et... sanitaire. Des
     même temps, le commerce de contact, la boutique du coin             chercheurs du Laboratoire Aménagement, Économie et

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Transports (LAET) ont, en effet, démontré que la vente en          majeure. Il promeut des formes de commerce n’ayant
grande surface et la livraison à domicile sont les formes          jamais démontré leur capacité à générer les économies
de commerce les plus polluantes. Le consommateur irait             d’échelle nécessaires à l’approvisionnement de marchés
donc à l'encontre du but recherché.                                de consommation de masse. Pour son auto-suffisance en
                                                                   produits locaux, l'Île-de-France devrait mobiliser 3 millions
Et quel est le deuxième scénario ?                                 d'hectares, ce qui nécessiterait malgré tout des déplace-
Un scénario de « reterritorialisation » qui verrait a contrario    ments de 300 kilomètres.
le consommateur chercher à renouer le contact avec le
commerce, motivé par un désir de maîtrise de la chaîne             La solution ne se trouve-t-elle pas entre les deux, dans
d'approvisionnement. Les gagnants de la crise seraient             une forme d'hybridation ?
ainsi peu à peu délaissés voire rejetés au profit de               Probablement. D'ailleurs, on le voit déjà. Des commer-
formes alternatives privilégiant la proximité et la qualité.       çants indépendants, du type maraîchers, utilisent Internet.
En termes d'aménagement, cela se traduirait par la réin-           Et de l'autre côté, la notion de filière vient s'inviter dans
troduction dans le tissu urbain de filières de production          les grandes surfaces. Une chose est sûre, d'une façon
et la réhabilitation de formes traditionnelles de vente :          ou d'une autre, les communes vont devoir s'assurer une
artisanat, marchés forains, producteurs locaux... C'est            maîtrise suffisante de leur territoire. La crise accélérera
l'exemple de Singapour qui ne dispose d'aucune terre               certainement un processus de modernisation. Lequel ?
mais développe les fermes urbaines en nombre sur ses               C'est sans doute le consommateur qui a la clé.
toits. Mais ce scénario se heurte, lui aussi, à une difficulté                                              Propos recueillis par NG

   MONTPELLIER SE FREY
   UN CHEMIN JUSQU'À LA MER
                                                                                               Projet Ode à la mer, à Montpellier. © Frey

                 Ode à la mer : le nom est un peu ronflant         et 75 000 m2 de bureaux. « Le déclin des entrées de ville
mais il faut bien avouer que le projet est imposant. Lancé         commerciales est amorcé et il est le reflet d'un échec à
en 2014 par Montpellier Agglomération et les communes              la fois urbanistique, architectural, écologique et écono-
de Lattes et Pérols, ce projet urbain, car il doit être consi-     mique », poursuit Pascal Barboni. « Le modèle a donc obli-
déré comme tel, vise la reconquête sur 250 hectares                gation de s'adapter ».
d'une entrée commerciale historique. « Il s'agit ni plus ni        Validé par le Conseil d'Etat en 2017, Ode à la mer fait
moins de reconstruire de la ville sur la ville, sur la route qui   toutefois l'objet de nombreux recours et fut un des sujets
mène à la mer », résume Pascal Barboni, directeur général          brûlants de la dernière campagne des municipales. Les
délégué au développement chez Frey. Le groupe s'est vu             plus virulents de ses opposants lui prédisent même le
confier l'acte I de l'opération à travers l'attribution d'un       destin d'Europa City. Pascal Barboni a, lui, une conviction
macro-lot de 10 hectares. La forte densité de cette zone           profonde : « dans notre monde moderne, les gens ont de
va permettre de transférer des commerces pour intro-               plus en plus besoin de sociabilisation et la période du confi-
duire de nouvelles fonctions. Le projet, très axé « loisirs »,     nement aura à mon avis renforcé ce phénomène. C'est
a également la particularité de rapatrier des enseignes            sans doute d'ailleurs la limite du e-commerce. Voilà pour-
d'autres zones vieillissantes des alentours. À terme, ce           quoi j'ai tendance à penser que les concepts de type shop-
sont 6 000 à 8 000 logements qui doivent sortir de terre,          ping promenade ont de l'avenir ». (NG)

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