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JOURNALDES N° 2213 - Avril 2021 - 194e année - Prix de ce numéro : 15 € COMMUNES Le magazine des élus et de l’administration des territoires. Sébastien Martin, président de l’AdCF Ni big bang territorial ni retour en arrière DOSSIER MOBILITÉ En dépit des aides à l’installation, Les États injectent des milliards d’euros les déserts médicaux gagnent du terrain. dans des expérimentations de mobilité Les maires sont en première ligne lourde utilisant l’hydrogène vert. Focus pour attirer les professionnels de santé sur une filière en plein décollage
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JOURNALDES POINT DE VUE COMMUNES Le magazine des élus et de l'administration des territoires N° 2213 - Avril 2021 Prêcher dans le désert > Directeur de la publication et rédacteur en chef : François-Xavier Beuzon En dépit des plans santé qui se succèdent > Grand reporter : depuis une vingtaine d’années, les déserts Jean-Christophe Savattier médicaux gagnent inexorablement du ter- >C hefs de rubrique : Philie Marcangelo-Leos (juridique) rain et ne se limitent plus aux territoires > Ont participé à ce numéro : ruraux. Au cœur même des métropoles ou Romain Béteille – Charles Cohen Jacques Donnay – Charles-Henry Dubail à leur périphérie, l’absence de profession- Johann Galy – Guillaume Mollaret nels de santé dans des quartiers délaissés, > Chargée d'édition : en particulier de médecins généralistes, ac- Aurélie Vouteau > Relecture : centue aussi le sentiment d’abandon et de Elisabeth Durant relégation perçu par un nombre croissant > Conception graphique, maquette : de nos concitoyens. DR Laurence Touati > Site internet : www.journal-des-communes.fr Les raisons de ce délitement sont bien connues. Effondrement de la > Compte Twitter : @journalcommunes démographie médicale, contingentement provoqué par un numerus > Publicité : Nadine Gomès 02 47 70 60 00 clausus qui n’a été que trop récemment augmenté, modification des pra- n.gomes@journal-des-communes.fr tiques des jeunes médecins qui, contrairement à leurs aînés, ne vivent Appoline Chaminade-Meyer 06 38 81 99 34 a.chaminade-meyer@journal-des-communes.fr plus leur métier comme un sacerdoce : le diagnostic à causes multiples > Publicité & Opérations spéciales ne souffre presque aucune contestation, si l’on excepte la sacro-sainte LMedia&Co Jean-Baptiste Leprince (président) liberté d’installation accordée aux jeunes praticiens à l’issue de longues Anne-Sophie Goujon, Jean-Eudes Sanson (associés) et difficiles études. Hervé Giraud, Elodie Coin, Raphaël Gall contact@lmedia.fr Ce privilège ardemment défendu par les principaux intéressés semble, en > Service abonnement : MCM Presse / AboMarque revanche, de plus en plus contesté par les élus de terrain, obligés de se CS 63656 livrer, selon le bon mot de Nathalie Nieson, maire de Bourg-de-Péage, à 31036 Toulouse Cedex 1 jdc@abomarque.fr « une danse du ventre permanente ». Financement de l’immobilier, aides à l’ins- tallation, recours à des chasseurs de tête ou à des plateformes numériques > Tarif abonnement 2021 Le numéro : 15 € TTC de mise en relation, les maires ou les présidents de communauté de com- Annuel : 60 € TTC munes doivent se battre bec et ongles afin de combler ces manques. Sur > Impression : Imprimerie Vincent certains territoires, « les trous dans la raquette de l’offre de soins » commencent à ZI du Menneton poser de véritables problèmes de sécurité sanitaire. Accepterait-on qu’un 37000 Tours territoire entier soit privé de pompiers ou de gendarmes ? > Publication périodique créée en 1827 > N° de commission paritaire : 0621 T 80083 Quelques lueurs d’espoir commencent à poindre. La crise sanitaire a > ISSN : 2267-9928 Dépôt légal à parution contribué à redorer le blason des villes petites et moyennes auprès des SAS MCM Presse généralistes. Ces derniers s’aperçoivent qu’ils peuvent fidéliser de belles Capital 100 000 € - RCS Tours 450 613 591 patientèles en accroissant considérablement leur qualité de vie. Le déve- 14 boulevard Heurteloup - 37000 Tours 15 rue du Louvre - 75001 Paris loppement de la télémédecine suscite aussi de fortes espérances. Beau- coup d’élus espèrent qu’un rééquilibrage de ces préférences permettra Reproduction interdite sans l’autorisation de calmer les tensions qui gâchent leur quotidien et celui de leurs admi- de l’éditeur ou du CFC (Centre français d’exploitation du droit de copie). nistrés. Mais ils sont aussi de plus en plus nombreux à réclamer qu’une Tél. : 01 44 07 47 70 – Fax : 01 53 45 91 89. petite dose de régulation vienne améliorer le traitement… Toutes les illustrations reproduites dans nos pages sont la propriété respective et exclusive de leurs Jean-Christophe Savattier auteurs ou de leurs ayants droit. PHOTO DE COUVERTURE : © Cyril Chigot Journal des Communes n° 2213 - Avril 2021 - 3
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SOMMAIRE DÉSERTIFICATION MÉDICALE DOSSIER 10 À 15 LES MAIRES EN QUÊTE DE NOUVEAUX TRAITEMENTS En dépit des multiples aides publiques à l’installation, les déserts médicaux continuent à gagner du terrain. Les maires sont en première ligne et rivalisent d’ingéniosité afin d’attirer les professionnels de santé. 16 DES LABORATOIRES sur roues encore boudés par la France 17 DANS LA MANCHE, le Samu expérimente la santé mobile 18 TULLE : le prix à payer pour avoir des médecins 19 LAURENT BRINDEL : « Être médecin salarié, c’est plus confortable » 20 À ISSOUDUN, la borne ne remplacera pas le médecin 21 À SAINT-AMBROIX, la mutuelle des mineurs va au charbon 22 À PONTARLIER, un cabinet médical éphémère pour assurer la transition DR L'INSTANT MOBILITÉ 6-7 LA MAISON MÉDICALE, panacée ou placebo ? 40 L’AUTO-STOP prend son élan dans la Chartreuse 42 LES BRETONS cherchent à promouvoir les mobilités durables ACTUALITÉS 43 LA VILLE CARBURE au vélo à hydrogène 8-9 ACTUALITÉS en bref ÉCONOMIE 24-25 LES COMMUNES misent sur les plateformes locales d’achat 26 À 29 PUBLIDOSSIER : Commerces de proximité : crise sanitaire, des contraintes et des solutions Pragma Mobility LE GRAND ENTRETIEN 30 À 35 SÉBASTIEN MARTIN : 44 À 49 PUBLIDOSSIER : Pour réussir la bataille de « Ni big bang territorial ni retour en arrière » l’hydrogène vert SELON LE NOUVEAU PATRON DE L’ADCF, la cause de ENVIRONNEMENT l’intercommunalité a davantage 50 UN GRAND BOL D’AIR pour Dijon Métropole besoin d’avancées régulières et 51 RE 2020 : l’heure n’a pas encore sonné négociées que de réformes radicales. Il fonde beaucoup 51 HARO SUR les mégots ! d’espoirs sur la contribution du contrat de relance et de transition Cyril Chigot écologique (CRTE) à l’éclosion des MÉDIATHÈQUE projets de territoire élaborés par 52-53 À LIRE en ce moment des élus de terrain. PRATIQUE 54 COMMENT LA COMMUNE peut-elle changer de nom ? GESTION LOCALE 36-37 PRÈS DE TOULOUSE, les petites villes à l’épreuve de l’aire urbaine PARU AU J.O. 38 LES MINISTRES face aux secrétaires de mairie 55 À 58 Les textes officiels concernant au plus près les 39 AFFAIBLIR LES MAIRES, ce n’est pas le bon calcul collectivités Journal des Communes n° 2213 - Avril 2021 - 5
L'INSTANT La maison médicale, panacée ou placebo ? Inexorablement, les déserts médicaux avancent. Et plus seulement en milieu rural, mais aussi dans les villes moyennes et les quartiers paupérisés des grandes villes. Pourtant, les dispositifs d’aide à l’installation de professionnels de santé se sont multipliés depuis vingt ans, à grand renfort d’argent public. Les maisons médicales ont longtemps été la réponse favorite au malaise. Mais nombreux sont désormais les élus à faire preuve de scepticisme à l’égard de ces équipements, souvent dispendieux. « Sur le papier, c’est très bien, convient Nathalie Nieson, maire de Bourg-de-Péage (Drôme). Mais en pratique, ces maisons abritent souvent des regroupements de médecins – une demande forte des jeunes praticiens – qui peuvent avoir tendance à se créer au détriment de communes voisines plus petites. Il ne s’agit pas de déshabiller Pierre pour habiller Paul. »
ACTUALITÉS Les promesses Saintry-sur-Seine dans la tourmente de Jean Castex Le 11 janvier au matin, Patrick Rauscher, maire de Saintry-sur-Seine (Essonne), une C’est à Mont-de-Marsan (Landes), non commune de quelque 6 000 habitants qui loin de son fief familial gersois de Vic- jouxte Corbeil-Essonnes, a découvert des Fezensac, que le Premier ministre Jean tags sur la façade de sa mairie. Des menaces Castex a tenu début février un comité de mort à l’endroit de l’élu et des insultes interministériel sur la transformation ont également été retrouvées sur les murs publique. Attaqué sur les ratés de l’ad- de l’une des trois écoles de la ville. Quatre DR ministration, le chef voitures, dont deux appartenant à des em- du gouvernement ployés communaux, ont été incendiées et celle d’une personne travaillant à la mairie a répondu qu’« en a été taguée. Une enquête a été ouverte pour « dégradation » et « outrage à personne dépit de tout ce qu’on dépositaire de l’autorité publique ». Ces événements succèdent à plusieurs actes de a pu entendre ou lire, malveillance commis ces derniers mois. Le second tour des élections municipales avait l’État a tenu pendant la été particulièrement tendu : l’un des candidats qualifiés, Eloy Gonzalez, s’était retiré crise ». Il a également de la course après qu’un engin incendiaire eut été lancé sur son véhicule. annoncé des actions de simplification des services publics, pas- sant notamment par La cantine à 1 € à Crécy-la-Chapelle DR l’emploi d’un langage À l’heure où le gouvernement et la municipalité lyonnaise se disputent au sujet des « ressemblant plus à celui de tous les jours » menus sans viande proposés à la cantine, des collectivités plus modestes tentent et moins au « jargon administratif ». Au de venir en aide aux enfants des familles les plus démunies. Ainsi, la commune chapitre du « réarmement » des territoires, de Crécy-la-Chapelle (Seine-et-Marne) vient de décider d’appliquer le menu à 1 € le chef du gouvernement a annoncé la aux cantines de son école maternelle, du primaire et du collège. Cette mesure création d’environ 2 500 emplois en 2021 proposée par le CCAS, aussitôt adoptée à l’unanimité par le conseil municipal, est dans les services départementaux de destinée à lutter contre les effets de la crise sanitaire sur le budget des familles l’État, qui s’ajoutent aux 2 500 que la les plus fragiles, notamment les familles monoparentales. Selon Michel Djarian, DGFiP va transférer dans les territoires adjoint au maire en charge de la vie scolaire, cette mesure applicable jusqu’aux d’ici à cinq ans : le 16 décembre, seize vacances d’été pourrait profiter à une vingtaine de familles. Elle correspond à un nouvelles villes ont rejoint les cinquante coût sur la période d’environ 1 000 €. Rappelons que ce dispositif est soutenu par premières attributaires. l’État qui accorde une aide de 2 € par repas. Impasse budgétaire à Fessenheim Les élus du Sud Alsace sont révoltés par l’absurdité de la situation. Un an tout juste après la fermeture du premier réacteur de la centrale nucléaire de Fessenheim – le deuxième a été arrêté le 29 juin –, la communauté de communes Pays Rhin-Brisach (29 communes et 32 500 habitants) n’a toujours pas obtenu de l’État qu’il renonce au prélèvement annuel de 2 M€ du Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR), un mécanisme de compensation financière mis en place à l’issue de la dernière réforme de la fiscalité locale. Et cela alors que la communauté de communes ne perçoit plus l’Ifer généré par l’équipement nucléaire, et pour cause. Faible consolation, la loi de finances 2021 a institué un fonds de mutualisation qui a permis de réduire le prélèvement du FNGIR de 3 à 2 M€. Ci-contre, Claude Brender, le maire de Fessenheim, rappelle que « plus de 1 000 emplois sont perdus » et que les dégâts économiques et sur la vie de sa commune seront considérables. DR Elles innovent Maisons-Laffitte (Yvelines) lance un AMI sur le devenir de son hippodrome, le plus grand d’Île-de-France l Rennes (Ille-et-Vilaine) a constitué un comité citoyen pour débattre d’un projet d’aménagement d’une route située près de sa rocade l Le Cerema, qui fait sa mue pour devenir une régie à laquelle les collectivités adhéreront, lance un réseau d’échanges sur la gestion des bâtiments publics l Vierzon (Cher) crée un nouveau prototype de solution de transport à la demande l Longwy (Meurthe-et-Moselle) se dote d’une mutuelle communale ouverte à tous ses habitants l Le département de la Manche est l’une des premières collectivités à communiquer sur le réseau social TikTok. 8 - Journal des Communes n° 2213 - Avril 2021
Une forêt au cœur de Lyon À Lyon, l’Office national des forêts (ONF) a été missionné par la Ville pour planter une mini-forêt de 1 000 m2. Cet espace vert, qui symbolise la démarche environnementale de la nouvelle majorité, va pousser dans le quartier de la Duchère. Chargée de la mise en œuvre du projet, la société Forestor plantera quelque 600 arbres au cœur du 9e arron- dissement, au pied de la résidence du Plateau Sud, qui compte plus de 300 logements. « Cette forêt sera comme un écrin de biodiversité, indique Yves-Marie Gardette, responsable développement de l’ONF Ain-Loire-Rhône. Régulation du climat, effet stockage de carbone, développement de la biodiversité, fertilisation du sol, les atouts sont nombreux. » La méthode uti- lisée permettra d’accélérer la mise en place du processus naturel de succession végétale. DR Disparition Appelez-moi Vanik Berberian, maire de Gargilesse-Dampierre (Indre), « Mauricette » s’est éteint le 9 mars à l’âge de 65 ans des suites « d’une Le maire de Poissy (Yvelines) a trouvé longue maladie ». Il aura consacré la moitié de son exis- un nom de baptême original pour le tence à la vie publique, d’abord dans sa commune de centre de vaccination ouvert le 18 jan- l’Indre, dont il était le maire sans interruption depuis vier dans sa commune. Mauricette, ce 1989, et comme président de l’Association des maires prénom délicieusement désuet, porté ruraux de France (AMRF) durant près de treize ans. En par une dame âgée de 78 ans qui fut la DR novembre dernier, ses problèmes de santé l’avaient obligé première personne vaccinée contre la à passer le témoin au vosgien Michel Fournier. Le moment de gloire de Vanik Covid-19 en France, a Berberian aura été la venue du président de la République à Gargilesse, le permis au centre pis- jour de la Saint-Valentin 2019, en pleine crise des Gilets jaunes. « La situation ciacais d’accéder à du pays est particulière, assez inédite, et il est important que le gouvernement une notoriété immé- écoute ce que les citoyens ont à dire », avait-il déclaré ce jour-là. diate. Mais derrière le coup médiatique de Karl Olive – « On Cadeau de Noël peut être sérieux sans se prendre au sérieux », Les fées se sont penchées sur le berceau du maire du Cham- a commenté l’ancien bon-sur-Lignon (Haute-Loire), Jean-Michel Eyraud, qui a suc- journaliste –, se cache DR cédé en juin à Eliane Wauquiez-Motte, la mère du président une opération parfai- de la Région Auvergne-Rhône-Alpes. Un homme d’origine tement orchestrée, menée en quelques autrichienne, Erick Schwam, décédé l’an passé le jour de Noël, jours grâce à la mobilisation de la préfec- a légué une somme d’environ 2 M€ à la commune, où sa ture, de l’ARS, de l’hôpital et des médecins famille juive avait trouvé refuge en 1943. Le donateur, sans de cette commune de 38 000 habitants enfants, a demandé dans son testament que des actions qui a également sollicité les bénévoles soient entreprises au profit de l’éducation et de la jeunesse de la réserve sanitaire. La mairie a même DR sous forme de bourses. « Il a été très discret toute sa vie, en laissant mis en place une navette pour le dépla- très peu de traces derrière lui. Il n’aurait peut-être pas apprécié de devenir un sujet médiatique, ça cement des personnes vulnérables. Le ne semble pas correspondre à sa personnalité. Mais nous voulons honorer sa mémoire », a déclaré coût pour la collectivité, intégrant la mise l’adjointe du maire à la culture. Le titre de « Juste parmi les nations » avait été décerné à disposition de la salle, du personnel à Chambon-sur-Lignon par l’institut Yad Vashem, en 1990. et du matériel, a été évalué à 110 000 €. Elles équipent De Bar-le-Duc (Meuse) à Bagnolet (Seine-Saint-Denis), en passant par Angers (Maine-et-Loire) et Millau (Aveyron), le dispositif des « classes bleues » pour les enfants en maternelle prend ses marques l Sallanches (Haute-Savoie) rénove sa centrale hydroélectrique pour produire du courant pour la ville l Épinal (Vosges) implante un parc urbain sur une île posée sur la Moselle l La Roche-sur-Yon va toucher 2 M€ du plan de relance pour son nouveau musée en partie consacré à son histoire, celle « d’une ville devenue préfecture par décision impériale en raison de sa position stratégique au cœur de la Vendée ». Journal des Communes n° 2213 - Avril 2021 - 9
DOSSIER Désertification médicale les maires en quête de n En dépit des multiples aides publiques à l’installation qui s’empilent depuis plus de vingt ans, les déserts médicaux continuent à gagner du terrain et à compromettre l’accès aux soins dans les régions les plus sensibles. Les maires sont en première ligne et rivalisent d’ingéniosité afin d’attirer les professionnels de santé. Lassés de cette « danse du ventre » permanente, qui met parfois territoires et élus en concurrence, ces derniers réclament des restrictions à la liberté d’installation. Ils fondent aussi des espoirs raisonnables sur la contribution de la télémédecine. L’écho médiatique du canu- exaspérées par des difficultés lar avait été ressenti jusqu’aux croissantes d’accès aux soins. États-Unis. Au printemps 2016, « Cette crise n’est pas nouvelle, es- Jean-Louis Éven, maire de La time ainsi Nathalie Nieson, maire Roche-Derrien (Côtes-d’Armor), de Bourg-de-Péage (Drôme) et annonçait que sa commune re- référente de l’Association des cherchait activement… un druide petites villes de France (APVF). pour remplacer l’un de ses der- Ce qui a changé, c’est que ces dif- niers médecins en activité, sur ficultés n’affectent plus exclusive- le point de prendre sa retraite. ment des territoires hyper-ruraux, Faute de pouvoir attirer de nou- frappés par de gros déficits d’attrac- veaux praticiens, l’élu n’avait pas tivité. Des villes moyennes, voire des d’autre choix que de recourir à territoires ou des quartiers sensibles la magie ! Ainsi qu’à la publica- infra-métropolitains sont aussi dans tion d’une annonce sur le Bon un manque cruel de médecins géné- Coin. La démarche, inhabituelle ralistes et de professionnels de santé – et diversement appréciée par comme des infirmiers libéraux. » Des villes moyennes, voire des territoires ou des quartiers sensibles infra-métropolitains sont aussi dans un manque cruel de médecins généralistes le millier d’habitants de ce vil- Autre élément nouveau et lage breton, désormais fusionné préoccupant, les maires sont dans la commune nouvelle de La aujourd’hui forcés de saisir Roche-Jaudy –, a eu le mérite de le problème à bras-le-corps : révéler l’ampleur et la gravité du « Il y a encore quelques années, phénomène. la présence médicale n’était pas Depuis plusieurs années, les un sujet municipal. On s’en re- déserts médicaux grignotent mettait à l’action de l’État. » de nouveaux territoires et Mais par la force des choses, nourrissent l’amertume et le et aussi afin de pallier l’échec ressentiment des populations des politiques nationales de re- 10 - Journal des Communes n° 2213 - Avril 2021
: ouveaux traitements peuplement des déserts médi- loin, les seules parties prenantes. » maire de B ernay Hervé Maurey. Il caux, « les élus sont désormais en « Franchement, les collectivités lo- est le co-auteur de deux rapports première ligne, observe Nathalie cales, qu’elles soient des communes, sénatoriaux sur le sujet qui ont Nieson. Les électeurs leur enjoignent des intercommunalités ou des dépar- été rendus publics, le premier en d’être des organisateurs de l’offre de tements, sont allées jusqu’au bout de 2013 (« Déserts médicaux : agir vrai- soins. Et ils en répondent, même s’il l’effort », estime pour sa part le ment »), le second en janvier 2020 est évident qu’ils ne sont pas, et de sénateur UDI de l’Eure et ancien (« Déserts médicaux : l’État doit enfin prendre des mesures courageuses »). « Les politiques publiques nationales menées depuis vingt-cinq ans n’ont jamais osé s’attaquer à la racine du mal. En dépit de quelques progrès arrachés au conservatisme des lob- bies médicaux, comme la délégation d’actes ou le soutien à la téléméde- cine, la situation s’est très nettement dégradée. De 2015 à 2018, on estime que 1,3 million de citoyens français supplémentaires ont été contraints de vivre dans des zones sous-dotées sur le plan médical. Aujourd’hui, entre 4 et 5 millions de Français habitent dans des déserts médicaux avec des effets préjudiciables sur leur santé. C’est un scandale sanitaire, mais aussi un scandale financier, sou- tient Hervé Maurey. J’ai souvent demandé aux ministres de la Santé 16 Des laboratoires sur roues encore boudés par la France l 17 Dans la Manche, le Samu expérimente la santé mobile l 18 Tulle : le prix à payer pour avoir des médecins l 19 Laurent Brindel : « Être médecin salarié, c’est plus confortable » l 20 À Issoudun, la borne ne remplacera pas le médecin l 21 À S aint- Amb ro i x , la mutuelle des mineurs va au charbon l 22 À Pontarlier, un cabinet médical éphémère pour assurer la transition. DR Journal des Communes n° 2213 - Avril 2021 - 11
DOSSIER / DÉSERTIFICATION MÉDICALE de me fournir des évaluations sur Car l’installation de praticiens ne Nathalie Nieson, le coût des politiques d’incitation à se prescrit pas sur ordonnance. maire de Bourg- de-Péage (Drôme), l’installation de praticiens dans les « On nous contraint à une danse remarque que, désor- territoires sous-dotés. Sans obtenir du ventre permanente », déplore mais, « les électeurs le moindre début de réponse. La Nathalie Nieson qui juge que enjoignent aux élus Cour des comptes s’était elle aussi l’on ne pourra pas surmonter d’être des organisateurs penchée sur le sujet. Elle avait ces difficultés sans recourir à de l’offre de soins » évalué la gabegie dans une four- des mesures coercitives mini- Norbert Lacroix Photographe chette comprise entre 1 et 5 Md€. » males : « J’ai bien conscience que cet Combien de mairies sont-elles appel est tout à fait inaudible pour aujourd’hui contraintes d’affi- les syndicats de médecins libéraux. cher sur leur fronton leur quête Mais il nous faudra bien collective- acharnée de professionnels mé- ment regarder ces réalités en face. » dicaux ? De vanter auprès des Pharmacien de son état, le maire dans toutes les régions de France, on Il faut instituer par la loi une répartition impose ! C’est la seule façon de mettre démographique et géographique sur la base un terme à la concurrence entre les collectivités. Dans le même temps, d’un médecin pour 1 000 habitants il faut revoir la rémunération des médecins libéraux, car il n’y a pas un pays où ils sont si mal payés. » jeunes praticiens, en utilisant de de Senonches (Eure-et-Loir), Xa- Selon Hervé Maurey, le seul re- multiples vecteurs de communi- vier Nicolas, qui planche aussi mède qui puisse guérir la France cation – y compris numériques –, sur ces questions à l’APVF, n’y va repose sur « la mise en œuvre de les atouts de leur territoire ? pas par quatre chemins. Après politiques de régulation. J’ai bien dit Combien de communes et avoir passé au crible tous les de régulation. Pas de coercition. On d’EPCI ont-ils facilité l’accès à leviers financiers possibles, il Xavier Nicolas, maire ne doit pas interdire à un jeune méde- l’immobilier médical, favorisé la en est arrivé à des conclusions de Senonches (Eure- cin de s’installer dans une zone sur- construction de maisons pluri- radicales : « Il faut instituer par la et-Loir), pense « qu’il dotée ou de conditionner son instal- faut revoir la rémuné- disciplinaires de santé (MPS) et loi une répartition démographique et lation à une autorisation de l’ARS. ration des médecins exploité tous azimuts les incita- géographique sur la base d’un méde- libéraux, car il n’y a pas Mais on le prévient qu’il pourra être tions mises à leur disposition ? cin pour 1 000 habitants. Partout où un pays où ils sont si déconventionné. » En Allemagne, Avec des fortunes très inégales. ce ratio n’est pas atteint, c’est-à-dire mal payés » pays « où la liberté d’installation est pourtant inscrite dans la Constitu- tion », on n’a pas hésité « à adopter des dispositifs de régulation. Parce que l’on estime que ce droit sacré à la liberté d’installation ne doit pas s’opposer à l’intérêt général. » Selon plusieurs des élus que nous avons interrogés, les techniques pour « ferrer » des praticiens sont toutes bonnes à prendre. Mais le risque de reve- nir bredouille ou qu’elles fassent long feu reste important. « Au cours de mon mandat de maire de Bernay, j’ai convaincu mon conseil municipal de salarier un médecin à plein temps. Nous avions réussi à dénicher quelqu’un de très bien et de très compétent. Mais le conseil Antoine Repesse départemental de l’Ordre des méde- cins n’a eu de cesse de lui mettre des bâtons dans les roues jusqu’à pro- 12 - Journal des Communes n° 2213 - Avril 2021
voquer son départ, se souvient Hervé Maurey. Depuis, la commune a réussi à embaucher un second pra- TokTokDoc propose le 1er hôpital mobile ticien… qui n’a pas fait l’affaire. » « C’est une première ! Cette expérimentation est le seul projet public-privé à être retenu par l’Assu- « Le financement de l’immobilier ne rance maladie dans le cadre des financements prévus au titre de l’article 51 », nous indique avec fait pas tout, soutient pour sa part fierté Laurent Schmoll (ci-dessous, en blouse blanche), chirurgien ORL et fondateur de la Yves Le Guellec, maire de Landu- plateforme de téléconsultation TokTokDoc. dec (Finistère), une commune si- Cette dernière a en effet lancé depuis plus d’un an la Policlinique mobile. Composée d’une tuée à équidistance de Quimper dizaine d’infirmiers et d’infirmières formés spécialement à la téléconsultation, cette es- et du littoral breton. « Dès 2012, la couade mobile visite à tour de rôle sept Ehpad de l’Eurométropole strasbourgeoise pour y commune a recherché un médecin. dispenser des téléconsultations Des contacts ont été pris. Le maire dans des spécialités comme la qui m’a précédé n’a pas ménagé sa cardiologie ou la dermatolo- peine en participant à des forums gie. « Cette équipe s’appuie sur le étudiants. Mais les candidats étaient maniement d’objets connectés ; trop exigeants. La collectivité devait elle peut pratiquer des examens financer tous les coûts de l’immobilier comme des électrocardiogrammes, sur le long terme. Et parfois assumer en liaison directe avec le médecin aussi d’autres charges d’exploitation traitant et les spécialistes qui effec- du cabinet. De mon point de vue, ce tuent la consultation, poursuit n’est pas acceptable. Il faut recher- Laurent Schmoll. Notre policli- cher un candidat à l’installation dont nique vient en soutien du personnel le projet professionnel et de vie est des Ehpad sous tension qui n’ont compatible avec l’environnement pas le temps d’utiliser les applica- local… pas un chasseur de primes ! » tions de télémédecine classiques D’ailleurs, la praticienne âgée de à disposition dans ce type d’éta- DR 53 ans qui a finalement choisi de blissement. Elle permet de remé- s’installer à Landudec, au rez-de- dier à l’insuffisance de la prise en charge de certaines pathologies chez les personnes âgées. » chaussée d’un immeuble récent Prévue sur une durée de trente-six mois, l’expérimentation pourrait être généralisée à l’is- – un projet inspiré par la mairie – sue de cette période d’essai « et pourquoi pas venir en appui des élus pour les aider à lutter contre « a choisi de payer intégralement son la désertification médicale ». Cette hypothèse a séduit la Banque des Territoires qui soutient loyer alors que nous lui proposions l’expérimentation et a participé à une levée de fonds de 5 M€ aux côtés de l’État, via les de l’accompagner. Il est vrai qu’elle Investissements d’Avenir, et de Macif Innovation. pratique une médecine tradition- nelle, de qualité, dans une logique de dévouement à ses patients », se est désormais l’un des principaux habiller Pierre pour habiller Paul. » réjouit Yves Le Guellec. critères retenus par les familles Pour sa part, Xavier Nicolas Une perle rare ! Presque un écho souhaitant s’installer dans un vil- nourrirait presque des remords du passé… Il juge au passage lage : « Y compris à Landudec, qui d’avoir réussi dernièrement à dé- que la présence d’un médecin compte 1 500 habitants et a gagné baucher un médecin qui exerçait 300 âmes en quelques années. » à Dreux, ville de 30 000 habitants À cet égard, nombreux sont située à une petite quarantaine les élus à faire preuve de scep- de kilomètres de Senonches, dix ticisme vis-à-vis des maisons fois moins peuplée. La presse médicales et autres maisons locale n’a pas manqué de relayer pluridisciplinaires de santé qui la petite polémique entre élus ont fleuri sur l’ensemble du ter- suscitée par ce « mercato » placé ritoire hexagonal. « Sur le papier, sous le signe du caducée. À la c’est très bien, convient Nathalie guerre comme à la guerre : les Hervé Maurey, Nieson. Mais en pratique, ces mai- trois généralistes senonchois sénateur et ancien sons abritent souvent des regroupe- ne pouvant plus faire face aux maire de Bernay (Eure), ments de médecins – une demande besoins de ses 3 000 adminis- plaide pour la mise en œuvre de poli- forte des jeunes praticiens – qui trés, Xavier Nicolas a employé les tiques, non pas peuvent avoir tendance à se créer grands moyens. La commune a de « coercition », au détriment de communes voisines été le co-acquéreur d’une mai- mais de régulation plus petites. Il ne s’agit pas de dés- son de ville au sein de laquelle DR Journal des Communes n° 2213 - Avril 2021 - 13
DOSSIER / DÉSERTIFICATION MÉDICALE le « transfuge » drouais a posé Julie Levêque que rattachées aux groupements son stéthoscope : « Il a payé l’autre (à gauche), fondatrice hospitaliers universitaires. Ceux- de la plateforme moitié, et il nous reverse un loyer. Je ci pourraient ainsi s’adosser à un Comm’une opportuni- suis à l’équilibre. » té, observe que la crise plateau technique et à une struc- Les élus qui rivalisent d’ingé- sanitaire a poussé de ture pour la gestion des patients niosité pour attirer les méde- jeunes médecins à fuir en ambulatoire. » En revanche, cins dans leurs filets pourraient les grands ensembles comme il fallait s’y attendre, pas sans doute bénéficier des évo- urbains question pour Jeunes Médecins lutions sociétales. « La crise sani- d’ouvrir la moindre brèche dans taire est passée par là », évoque le principe de la liberté d’ins- Julie Levêque, fondatrice de la tallation. « Ce serait débile, totale- plateforme Internet Comm’une opportunité, qui met en rela- tion les porteurs de projets dans DR tous les domaines et les collec- tivités. « Il y a une appétence des vert… sur un site d’ordinaire jeunes et des familles pour l’instal- plutôt habitué à accueillir des lation à la campagne ou dans les offres de boulangers, de restau- villes petites et moyennes. La ten- rateurs ou de libraires. dance, attisée par les contraintes « Les choses sont peut-être en train Marie-Laure Saillard sanitaires et de façon générale par de s’inverser. Mais c’est un mouve- (à droite), patronne les menaces climatiques, est plu- ment encore timide », admet Ema- de la plateforme de tôt de fuir les grands ensembles nuel Loeb, le président du syn- téléconsultations urbains. Il n’y pas de raison pour dicat Jeunes Médecins. Selon MesDocteurs, regrette que « les ARS et la Cnam que les jeunes médecins ne s’ins- lui, pour régler le problème, « il nous regardent avec crivent pas dans ce mouvement. » faut aller plus loin dans le trans- DR méfiance » Les communes ne s’y trompent fert et la délégation de soins vers pas. Certaines d’entre elles sont d’autres professionnels de santé, ment contre-productif, s’enflamme sur le point de s’abonner à la comme les infirmiers et les phar- immédiatement Emanuel Loeb. plateforme de Julie Levêque maciens. Nous préconisons aussi que Et cela se traduirait par une baisse pour y piocher des praticiens. les hôpitaux de proximité deviennent massive des inscriptions en études Et quelques médecins ont posté des structures gérées et exploitées de médecine. » leur projet d’installation au par des médecins libéraux, plutôt Une autre lueur brille à l’horizon des déserts médicaux. Dopée par le contexte sanitaire et l’éli- Médecins italiens gibilité au remboursement par l’assurance maladie, la télémé- persona non grata pour l’ARS decine a connu une accélération foudroyante au cours de ces der- Patrice Carvalho, le maire haut en couleur de Thourotte niers mois. En 2020, le nombre (Oise), ne l’a toujours pas digéré. En 2017, il n’a pas réussi de téléconsultations a ainsi at- à faire venir sur son territoire touché par la désertifica- teint les 19 millions d’actes. Cette tion médicale quatre généralistes et trois spécialistes montée en puissance grise les italiens employés par une coopérative, Medical Care : « En plateformes positionnées sur ce vacances de l’autre côté des Alpes, je suis tombé malade marché, qui sollicitent les élus et j’ai été remarquablement bien soigné. Le système est locaux dans le cadre de projets très différent en Italie. Les médecins, qui sont salariés, ne collaboratifs. Le pure player Me- sont pas très bien payés. Et sont pourtant, de mon point dadom (lire page 22) ambitionne de vue, mieux formés qu’en France. » d’installer 25 000 bornes de Tout était quasiment prêt. Les élus de la communauté téléconsultation dans les mai- DR de communes des Deux Vallées pouvaient s’appuyer ries d’ici à 2025 moyennant un d’un point de vue logistique sur un réseau mutualiste local dépendant du groupe abonnement mensuel de 190 € Saint-Gobain qui exploite une usine dans les environs. C’était sans compter sur acquitté par la collectivité. l’opposition de l’ARS et de l’Ordre des médecins « qui ont torpillé le projet », ful- MesDocteurs, la filiale de té- mine Patrice Carvalho. léconsultations du groupe mutualiste Vyv (MNT, SMACL 14 - Journal des Communes n° 2213 - Avril 2021
Assurances, Harmonie fonc- tion publique…), surfe aussi sur cette vague numérique. Barenton : un médecin sur facture Selon sa directrice générale, Pas moins de 15 000 € ! C’est la somme que la commune de Barenton (Manche) a dû Marie-Laure Saillard, la plate- acquitter auprès d’un cabinet de recrutement pour dénicher une praticienne espa- forme se tient prête à travail- gnole venue s’installer il y a trois ans au cœur de cette petite ville de 1 200 habitants, ler avec les maires, les EPCI et à une cinquantaine de kilomètres du Mont-Saint-Michel. Une somme rondelette qui la Régions pour participer « à aurait d’ailleurs été, en partie au moins, réglée par l’ancien maire, un médecin attristé de véritables projets de territoire ». de partir à la retraite et d’abandonner ses administrés. Mais pour Stéphane Lelièvre, son Mais il y a encore loin de la successeur à la mairie, c’est le retour à la case départ. La toubib est repartie au pays du coupe aux lèvres : « Ce sont les fandango, préférant sans doute le soleil de la côte andalouse aux brumes de la Manche. mutuelles et les assureurs privés qui, « Depuis, je collectionne les initiatives. J’ai inscrit la commune sur le site Comm’une opportunité, aujourd’hui, tentent d’élaborer des sur le site payant des internes en médecine. J’ai même fait appel à l’opération SOS Villages de TF1 », modèles économiques qu’ils sont les soupire Stéphane Lelièvre, qui n’exclut pas de recourir une seconde fois… à un cabinet seuls à financer. » Le rembourse- de recrutement : « Face à l’inaction de l’État, il faut bien agir. » ment des téléconsultations ne permet pas toujours de couvrir l'ensemble des frais de déploie- poursuit Marie-Laure Saillard, nous souhaitons nous positionner ment de ces services. « De nom- qui siège également au bureau dans une logique de complémenta- breuses conditions restrictives exi- de l’association Les entreprises rité », soutient l’un des respon- gées par l’administration limitent de télémédecine : « Les ARS et la sables d’une grande plateforme les remboursements. Nous avons Cnam nous regardent avec méfiance. de consultation. beaucoup de mal à nous intégrer Elles craignent que nous venions Les élus locaux n’ont pas fini de dans les expérimentations prévues concurrencer l’offre territoriale de prêcher dans le désert… au titre de l’article 51 de la loi de soins qu’elles peinent manifestement Jean-Christophe Savattier financement de la sécurité sociale, à organiser. C’est plutôt le contraire : (avec Johann Galy) Une large gamme de solutions techniques et notre expertise de l’éclairage urbain au service de vos projets • Depuis 1837 • 800 collaborateurs Gain énergétique • 4 usines de fabrication • 2 laboratoires de recherche • 1 passion : l’espace public Diminution des coûts de maintenance Amortissement rapide Limitation des nuisances lumineuses Sécurité et confort des usagers Pilotage innovant des points lumineux www.ghm.fr www.eclatec.com Concepteur Fabricant Journal des Communes n° 2213 - Avril 2021 - 15
DOSSIER / DÉSERTIFICATION MÉDICALE Des laboratoires sur roues encore boudés par la France Conçus par l’entreprise Toutenkamion Group, les camions équipés comme des laboratoires dernier cri sont de plus en plus demandés à l’étranger, alors que les commandes en France progressent modestement. La pandémie de Covid-19 pourrait accélérer le rythme. Il avait été lourdement équipé sur un projet de multi-cliniques mo- pour parcourir les routes de biles. C'est le seul moyen d’aller à la l’Ariège à la rencontre des per- rencontre des villages reculés. » Des sonnes isolées. Une vraie ma- unités médicalisées dont le prix chine de guerre médicale pour oscille entre 100 000 et 800 000 € lutter contre les déserts médi- selon la nature de l’équipement. caux. Trop lourdement, sans Pour autant, le patron de Touten- doute, à en croire Stéphane kamion estime que si on « balbu- Girerd, le patron de Toutenka- tie encore en France » sur ce sujet, mion Group, entreprise spécia- la pandémie aura vraisemblable- lisée dans l’aménagement de ment un effet accélérateur. « On y camions en unités mobiles ins- croit beaucoup. Il y a d’ailleurs de plus tallée à Ladon (Loiret). Ce camion, en plus de demandes en France. Nous baptisé TIMM (pour télé-image- avons livré deux unités d’ophtalmo- rie médicale mobile) était un logie en région parisienne. Souvent, énorme laboratoire expérimen- c’est une question de format qu’il faut tal mobile qui pouvait pratiquer régler. Une nouvelle pratique com- échographies, mammographies, mence à faire son chemin : celle du DR rétinographies ou encore der- partage d’une unité médicale spé- matoscopies. Trop cher, trop nationale, alors qu’elle com- À l’intérieur d’une cialisée en radiologie, échographie, gros, trop difficile à manier, il a mence à être privilégiée dans unité mobile, « nous mammographie… entre plusieurs pouvons même faire les nécessité quelques allègements. un certain nombre de pays. hôpitaux. Cela évite de déplacer les premiers diagnostics. « L’unité mobile n’en reste pas « Par exemple, il n’y a que quatre Cela permettrait de patients d’un lieu à un autre dans moins une solution intéressante unités mobiles de mammographies soulager l’hôpital », une ambulance », poursuit Sté- et intelligente pour lutter contre le en France, alors qu’il en existe une explique Stéphane phane Girerd. problème des déserts médicaux, centaine au Royaume-Uni. Et nous Girerd, patron de Bien sûr, dans le contexte sani- explique Stéphane Girerd. Plutôt venons d’en livrer dix au royaume Toutenkamion Group taire actuel, des unités mobiles de vaccination pourraient être produites quasiment à la chaîne. Vous pouvez installer dans « Nous pouvons même faire les pre- ces unités toutes les modalités miers diagnostics dans nos unités mobiles. Cela permettrait de soulager médicales que vous souhaitez l’hôpital en n’y envoyant que les per- sonnes souffrant de pathologies qui que de faire déplacer les popula- saoudien. Nous faisons aujourd’hui le nécessitent », complète le patron tions – pour certaines, c’est très dif- la moitié de notre chiffre d’affaires de Toutenkamion. ficile –, vous pouvez installer dans en dehors de nos frontières. » Au Là encore, le chef d’entreprise ces unités toutes les modalités mé- Maghreb ou au Moyen-Orient, regrette une forme d’inertie fran- dicales que vous souhaitez et dont des unités médicales mobiles çaise qui ne fait évoluer les pra- vous avez spécifiquement besoin circulent ainsi pour prendre en tiques qu’à l’issue de longues et dans votre environnement. » charge les pathologies telles que répétitives validations. Alors que D’ailleurs, Stéphane Girerd a du l’hypertension, le paludisme ou le contexte nécessite, de l’avis de mal à comprendre les raisons encore le diabète, le tout en lien tous, que l’on passe à la vitesse pour lesquelles cette solution avec de grands laboratoires euro- supérieure. reste sous-exploitée à l’échelle péens. « Au Pakistan, nous sommes Johann Galy 16 - Journal des Communes n° 2213 - Avril 2021
Dans la Manche, le Samu expérimente la santé mobile Pour faire face à l’engorgement des services d’urgence dans les hôpitaux du département, le Samu 50 a créé une unité mobile qui assure la prise en charge des patients à domicile. Directeur médical du Samu 50, finalement abouti à la création Le véhicule ayant été déployé en Thomas Delomas doit assumer de cette unité mobile de télémé- pleine période de crise Covid, il une autre responsabilité depuis decine. Composée pour l’heure a également été doté d’une ca- le 26 octobre 2020, date à laquelle d’un véhicule où prennent place pacité de dépistage. Les équipes ce médecin urgentiste s’est vu un technicien de téléconsultation sont en mesure de réaliser des confier la direction de l’unité et un infirmier, ou un étudiant en tests PCR en lien avec le labora- mobile de télémédecine nouvel- médecine, capable de réaliser des toire de l’hôpital de Saint-Lô. Ainsi, lement créée. Cette expérimen- gestes médicaux avancés, l’unité l’unité mobile a pu réaliser plus tation initialement programmée dispose d’un matériel très sophis- de 600 tests dans le cadre d’opé- pour durer deux mois a finale- tiqué de téléconsultation et de rations de dépistage de clusters intrafamiliaux, ou auprès de per- sonnes âgées dans des Ehpad… Environ 10 % des habitants du départe- « Sans notre intervention, la plupart ment, composé majoritairement de petites de ces personnes auraient été obligées de faire plus de 100 kilomètres pour communes, n’ont pas de médecin référent effectuer un dépistage en ville, alors qu’elles n’ont pas toutes un moyen de ment été prolongée jusqu’à la fin visioconsultation. « C’est une valise locomotion à leur disposition », fait-il du mois de juin 2021. « Nous avons qui était utilisée jusque-là par les forces remarquer. obtenu un financement de l’agence spéciales de l’armée. Elle embarque Opérationnelle 7 jours sur 7 de régionale de santé pour poursuivre des dispositifs de téléconsultation 8 h à minuit, l’unité a parcouru la phase de test pendant six mois. comme un stéthoscope, un électrocar- plus de 20 000 kilomètres au cours À l’issue de cette période, un premier diogramme, un otoscope pour exami- de ses deux premiers mois d’acti- bilan sera dressé », confirme-t-il. ner les tympans, un échographe pour Le véhicule ayant vité, assurant 340 interventions, Pour Thomas Delomas, ce pro- été déployé en pleine réaliser des échographies à distance et, 234 téléconsultations et adressant période de crise Covid, jet vient avant tout combler un bien entendu, le matériel de premier il a également été seulement 80 demandes d’éva- manque du Samu 50. Confronté secours : défibrillateur, oxygène… », doté d’une capacité de cuation. En ramenant aux alen- à la progressive désertification détaille Thomas Delomas. dépistage. tours de 20 à 30 % le nombre de médicale d’un département qui transferts aux urgences et le taux s’étire sur 200 kilomètres du nord d’hospitalisation à l’issue de ses au sud et 80 d’est en ouest, son interventions, l’unité mobile de service est de plus en plus sou- télémédecine a démontré sa per- vent amené à répondre à des de- tinence, estime Thomas Delomas. mandes de soins non program- « Environ 10 % des 500 000 habitants més. « Jusque-là, dans 99 % des cas, du département, qui est majoritaire- les appels au centre 15 débouchaient ment composé de petites communes, sur l’envoi d’une ambulance et le trans- n’ont pas de médecin référent, rap- fert vers un service d’urgence. Alors pelle-t-il. C’est donc le Samu qui joue que, bien souvent, ces patients auraient ce rôle et qui doit aujourd’hui adapter pu être pris en charge à domicile par un ses moyens au contexte sanitaire. De ce médecin généraliste », explique-t-il. fait, nous espérons que l’expérimenta- L’engorgement des services d’ur- tion débouchera sur une pérennisation gence, accentué depuis le début et que nous obtiendrons les moyens de la crise sanitaire, et un long financiers nécessaires pour armer un travail de concertation mené second véhicule. » avec l’association Sauv Life ont Jacques Donnay DR Journal des Communes n° 2213 - Avril 2021 - 17
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