Diagnostic des états de choc - Pr. Yves le Tulzo
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Diagnostic des états de choc Pr. Yves le Tulzo Service des Maladies infectieuses et Réanimation Médicale Faculté de Médecine, Université Rennes I Yves Le Tulzo - Sce Maladies Infectieuses & Réanimation Médicale Diagnostic des états de choc - Réanimation - Médecine d'urgence M3 - année 2012-2013 1
1. DEFINITIONS___________________________________________________________________ 3 2. DIAGNOSTIC: ___________________________________________________________________ 3 2.1. Signes directs_______________________________________________________________ 3 2.1.1. -Signes cardiovasculaires ____________________________________________________ 3 2.1.2. -Signes cutanés ___________________________________________________________ 4 2.1.3. -Signes rénaux ____________________________________________________________ 4 2.1.4. -Signes respiratoires _______________________________________________________ 4 2.2. Les conséquences du choc ______________________________________________________ 5 2.2.1. -Conséquences métaboliques __________________________________________________ 5 2.2.2. -Conséquences endocriniennes_________________________________________________ 5 2.2.3. -Conséquences rénales ______________________________________________________ 5 2.2.4. -conséquences hépatobiliaires _________________________________________________ 6 2.2.5. -Conséquences digestives ____________________________________________________ 6 2.2.6. -Conséquences respiratoires __________________________________________________ 6 2.2.7. -Conséquences cardiaques ____________________________________________________ 7 2.2.8. -Conséquences neurologiques__________________________________________________ 7 2.2.9. -Retentissement sur l'hémostase et coagulation ___________________________________ 7 2.2.10. -Conséquences immunitaires __________________________________________________ 8 3. SURVEILLANCE ET ELEMENTS DU DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE __________________________ 9 3.1. Eléments cliniques communs à tous les états de chocs ________________________________ 9 3.2. Eléments paracliniques ________________________________________________________ 9 3.2.1. Bilan biologique initial _______________________________________________________ 9 3.2.2. Bilan morphologique initial____________________________________________________ 9 3.2.3. Gestes plus spécialisés _____________________________________________________ 10 3.2.3.1. Echographie doppler cardiaque (systématique) _______________________________ 10 3.2.3.2. Mesure de pression veineuse centrale _____________________________________ 10 3.2.3.3. -Cathétérisme cardiaque droit___________________________________________ 10 3.3. DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE _________________________________________________ 12 3.3.1. Chocs avec signes d'insuffisance cardiaque droite récents ___________________________ 12 3.3.1.1. Chocs avec signes droits et oedème aigu pulmonaire ___________________________ 12 3.3.1.2. Chocs avec signes droits et hypoxémie isolée ________________________________ 12 3.3.1.3. Chocs avec signes droits purs ___________________________________________ 13 3.3.2. Chocs sans signes d'insuffisance cardiaque droite _________________________________ 13 3.3.2.1. Œdème aigu pulmonaire pur sans insuffisance cardiaque droite___________________ 13 3.3.2.2. Etat de choc pur, sans signes evocateurs d'insuffisance cardiaque ________________ 13 4. Annexes: Précisions au sujet des etats de choc_________________________________________ 14 4.1. Choc hemorragique __________________________________________________________ 14 4.1.1. Rappels Physiopathologiques _________________________________________________ 14 4.1.2. Diagnostic du choc hémorragique _____________________________________________ 15 4.1.3. Recherche de la cause du saignement __________________________________________ 15 4.2. Choc septique ______________________________________________________________ 16 4.3. Choc anaphylactique _________________________________________________________ 18 4.3.1. Mécanismes _____________________________________________________________ 18 4.3.2. Diagnostic positif _________________________________________________________ 18 4.3.3. Diagnostic différentiel _____________________________________________________ 19 4.3.4. Diagnostic de gravité ______________________________________________________ 19 4.3.5. Diagnostic étiologique______________________________________________________ 19 5. Bibliographie ____________________________________________________________________ 21 Yves Le Tulzo - Sce Maladies Infectieuses & Réanimation Médicale Diagnostic des états de choc - Réanimation - Médecine d'urgence M3 - année 2012-2013 2
DIAGNOSTIC DES ETATS DE CHOC 1. DEFINITIONS Inadéquation brutale entre les besoins métaboliques, principalement en oxygène, de l'organisme et la capacité des systèmes respiratoires et circulatoires à les assurer (altération du transport et de la délivrance des substrats énergétiques aboutissant à une dette en oxygène. Ou Insuffisance circulatoire aiguë. Ou Hypotension artérielle persistante associée à plusieurs défaillances d'organe. 2. DIAGNOSTIC: Basé sur des signes cliniques Très urgent car plusieurs études montrent que le pronostic vital dépend de la vitesse de correction du choc. Le diagnostic et le traitement sont conduits simultanément 2.1. SIGNES DIRECTS 2.1.1. -SIGNES CARDIOVASCULAIRES Le pouls rapide (>80/min) petit, "filant", mal perçu, irrégulier, variant avec la respiration au contraire il peut être anormalement bien perçu alors que la tension artérielle est basse (insuffisance aortique, choc septique). lent ! + rare (tbles conductifs, hypothermie, infection sévère, adjonction de traitements bradycardisants, ou état pré-mortem immédiat. La tension artérielle Aux deux bras ! Habituellement basse et pincée, difficile à prendre systolique : < 90 mmHg Moyenne : < 65 mmHg Avec signes d’hypoperfusion (hyperlactatémie > 4 mmol/l, oligurie). Parfois TA "normale" soit par vasoconstriction réflexe dans les chocs hémorragiques ou cardiogéniques débutants, soit parce que la TA habituelle du sujet est élevée (une chute de > 30% mmHg de la TAS correspond à un choc si le patient est habituellement hypertendu et qu'il présente d'autre signes).C’est le caractère durable (malgré le début du traitement) et/ou la nécessité de médicaments vasoactifs, et/ou l’existence de signes d’hypoperfusion d’organes qui permet de différencier un état de choc véritable d’une simple hypotension. L'hypotension n'est donc pas un critère suffisant et exclusif de choc Yves Le Tulzo - Sce Maladies Infectieuses & Réanimation Médicale Diagnostic des états de choc - Réanimation - Médecine d'urgence M3 - année 2012-2013 3
2.1.2. -SIGNES CUTANES Froideur des extrémités et des genoux Cyanose périphérique Aspect violacé des extrémités, se recherche au bout des doigts, des orteils, sous les ongles, au niveau du lobe des oreilles, du nez, associé à un allongement du temps de recoloration sous-unguéale > 3 s # "cyanose chaude" des insuffisants respiratoires chroniques. Marbrures Réseau violacé débutant aux genoux, aux coudes, pouvant s'étendre au reste des membres, à l'abdomen, à la totalité du corps. Mais aussi Aspect vultueux des téguments (choc septique hyperkinétique aprés remplissage, choc anaphylactique) Pâleur extrême au cours des anémies aiguës (attention dans ce cas les marbrures et la cyanose sont absentes - faute d'hémoglobine !!), du choc vagal, de l'intoxication aux nitrés. 2.1.3. -SIGNES RENAUX Oligurie (< 20cc/h) ou anurie nécessite un recueil correct des urines ==> sondage vésical C'est un signe très sensible ++ 2.1.4. -SIGNES RESPIRATOIRES Polypnée soit superficielle en cas de détresse respiratoire (OAP lésionnel ou non, pneumopathie infectieuse, embolie pulmonaire…) soit ample en cas d'acidose métabolique. Yves Le Tulzo - Sce Maladies Infectieuses & Réanimation Médicale Diagnostic des états de choc - Réanimation - Médecine d'urgence M3 - année 2012-2013 4
2.2. LES CONSEQUENCES DU CHOC Constituent un élément du diagnostic positif, sont des éléments du pronostic, traduisent la souffrance de différents organes qui participent à l'aggravation de la situation initiale (syndrome de défaillance multiviscérale) et incitent donc à l'urgence thérapeutique. Nécessitent une surveillance continue: on ne quitte pas un état de choc avant le transfert en réanimation. 2.2.1. -CONSEQUENCES METABOLIQUES Acidose métabolique Le plus souvent à indosés anioniques élevés avec hyperlactacidémie > 2 mmol/l Du fait d’une augmentation de production (augmentation de la glycolyse aérobie par l’adrénaline (catécholamine à la fois endogène et administrée comme traitement) et classiquement de l’hypoxie tissulaire. Du fait d'une défaillance hépatique et d'une diminution de l'épuration du lactate. De mauvais pronostic si durable 2.2.2. -CONSEQUENCES ENDOCRINIENNES Risque d'insuffisance surrénalienne latente ou patente Surtout au cours du choc infectieux chez tous les patients mais possible dans les autres chocs surtout si il existe un traitement préalable par corticoïdes au long cours. Peut nécessiter un traitement substitutif Anomalies de la glycémie Hyperglycémie par sécrétion d'hormones hyperglycémiantes (catécholamines). Hypoglycémie: + rare: nourisson ou insuffisance hépatocellulaire associée: signe de mauvais pronostic Catabolisme azoté accru fonte musculaire, dénutrition. 2.2.3. -CONSEQUENCES RENALES insuffisance rénale avec oligurie, élévation de la créatinine et de l'urée sanguine. Insuffisance rénale aiguë fonctionnelle : par baisse de la perfusion rénale au tout début du choc avec élévation rapide de l'urée sanguine élévation de la créatininurie, Na/K < 1 Insuffisance rénale aiguë organique d'installation parfois très rapide par atteinte ischémique et toxique tubulaire avec anurie le plus souvent, nécessitant l'épuration extra rénale de mauvais pronostic. Yves Le Tulzo - Sce Maladies Infectieuses & Réanimation Médicale Diagnostic des états de choc - Réanimation - Médecine d'urgence M3 - année 2012-2013 5
2.2.4. -CONSEQUENCES HEPATOBILIAIRES Hépatiques Choléstase intrahépatique Cytolyse (parfois très intense au cours des chocs cardiogéniques du fait de la chute du débit dans l'artère hépatique et le système porte et de la gène au drainage veineux par élévation des pressions droites) Insuffisance hépatocellulaire et diminution des capacités de détoxification Réorientation des fonctions de synthèse: Avec diminution de synthèse d'albumine et de facteurs de coagulation, et synthèse des protéines de l'inflammation (acute-phase proteins) ou de cytokines. -Biliaires: cholécystite de stress (nécrose ischémique de la vésicule biliaire) Ces modifications sont le fait conjoint d'une baisse de perfusion hépatique, parfois d'une gène au drainage veineux du foie (insuffisance cardiaque) et de plus, d'une souffrance mésentérique responsable de l'arrivée dans le flux porte de toxines variées (endotoxine bactérienne par exemple). L'atteinte rénale et hépatique modifie considérablement la pharmacocinétique des médicaments administrés, eux mêmes potentiellement toxiques pour ces deux organes !! donc : adapter les doses, et limiter les traitements à l'indispensable ++++ 2.2.5. -CONSEQUENCES DIGESTIVES Souffrance du grêle et du colon Ralentissement ou arrêt du transit ==> Pseudo-occlusion ou occlusion ==> création d'un 3ème secteur ==> majore une hypovolémie. Colite ischémique, nécrosante ventre distendu, douloureux, silencieux ==> Il est difficile dans ce cas de savoir "qui fait quoi" : le ventre est il conséquence ou cause de l'état de choc ?, existe-t'il une indication opératoire ?? Souffrance gastroduodénale Décompensation d'une maladie ulcéreuse, création d'un ulcère aiguë ou d'ulcérations de stress : Risque d'hémorragie digestive +++ 2.2.6. -CONSEQUENCES RESPIRATOIRES Epuisement musculaire Mauvaise compensation de Shunts intrapulmonaires l'acidose métabolique Veinoconstriction des veines ===> Hypoxie précoce et sévère pulmonaires Micro-inhalations précoces OAP lésionnel ou non (SDRA) Risque de pneumopathie Thérapeutique intempestive infectieuse Troubles de conscience Nécessité d'intubation et de ventilation assistée précoce Yves Le Tulzo - Sce Maladies Infectieuses & Réanimation Médicale Diagnostic des états de choc - Réanimation - Médecine d'urgence M3 - année 2012-2013 6
2.2.7. -CONSEQUENCES CARDIAQUES Défaillance cardiaque: à l'origine du choc Dans les chocs cardiogéniques Défaillance cardiaque secondaire au choc Aggravation d'une cardiopathie préexistante (Coronaropathie, myocardiopathie...) Baisse de précharge droite et gauche au cours des chocs hypovolémiques, hémorragiques et septiques. Augmentation de la post charge VD au cours de l’embolie pulmonaire (HTAP), enfin dysfonction systolique et diastolique au cours du choc septique 2.2.8. -CONSEQUENCES NEUROLOGIQUES Encéphalopathie Par hypoperfusion, + autres mécanismes non élucidés Angoisse ==> agitation ==>désorientation temporo faciale ==> délire Somnolence ==>prostration ==> coma Neuromyopathie "de réanimation" Non présente au début du choc, mais s'installe progressivement chez les patients les plus graves: normalement régression lente, mais cette atteinte pose des problèmes important lors du sevrage de la ventilation assistée et de la convalescence. En pratique risque de fausses routes, d'hypoventilation alvéolaire. 2.2.9. -RETENTISSEMENT SUR L'HEMOSTASE ET COAGULATION Il existe une consommation et une diminution de synthèse (insuffisance hépatocellulaire associée) des inhibiteurs biologiques de la coagulation (antithrombine III, proteine C, proteine S, inhibiteur du facteur tissulaire) et aboutit (et s'associe) à la diminution des facteurs de coagulation associées à une séquestration et à une destruction plaquettaire dans les microvaisseaux entrainant des microthromboses dans la microcirculation. La conséquence en est l'existence de saignements diffus (pt de ponction, tube digestifs, séreuses, rétine, surrénales, voire cerveau) et très probablement de l'amplification de phénomènes inflammatoires (par le biais d'une séquestration et d'une activation des cellules immunocompétentes dans ces petits vaisseaux et les tissus qu'ils irriguent. Ce lien entre coagulation et inflammation fait l'objet de recherche importante dans les états de choc septique et a aboutit à des traitements visant à limiter cette activation de la coagulation en compensant les déficits en inhibiteurs de la coagulation (antithrombine III, et surtout proteineC activée, produit qui réduit la mortalité des états de choc septiques) CIVD : Thrombopénie, allongement du TP, baisse de la fibrine, élévation des D-dimères Yves Le Tulzo - Sce Maladies Infectieuses & Réanimation Médicale Diagnostic des états de choc - Réanimation - Médecine d'urgence M3 - année 2012-2013 7
Définition de la CIVD biologique (conf consensus 2002) D-dimères > 500 g/l et Présence de: un critère majeur ou de deux critères mineurs de consommation présents dans le tableau suivant Paramètres (unité) majeur Mineur Plaquettes (G/l) < 50 50 < x < 100 TP (%) < 50 % 50% < x < 65% Fibrinogène ( g/l) - < 1 gr/l 2.2.10. -CONSEQUENCES IMMUNITAIRES Surtout vrai dans le choc infectieux mais aussi dans le choc hémorragique, du fait du choc et des transfusions qui ont un effet immunosupresseur propre. Pour mémoire, leucopénie transitoire au cours des chocs graves à pneumocoque ou à BGN liée à la margination des polynucléaires Depression immunitaire avec - apoptose lymphocytaire, lymphopénie, perte des fonctions lymphocytaires - hyporéactivité des monocytes et des macrophages qui sont incapables de sécréter les substances nécessaires à la lutte antibactérienne, et perte des capacités de présentation des cellules présentant l'antigène. il pourrait peut être s'agir d'un mécanisme de limitation des processus inflammatoires au début mais secondairement cette immunodépression "paralysie immunitaire" entrave l'éradication des agents infectieux et augmenterait le risque d'infections nosocomiales (infections secondaires acquises à l'hôpital). Cet ensemble constitue le « syndrome d'immunodépression du sepsis » et conditionne le pronostic à moyen terme de ces patients. Yves Le Tulzo - Sce Maladies Infectieuses & Réanimation Médicale Diagnostic des états de choc - Réanimation - Médecine d'urgence M3 - année 2012-2013 8
3. SURVEILLANCE ET ELEMENTS DU DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE Le diagnostic de choc, quelqu'en soit l'étiologie, nécessite l'appel à une équipe de réanimation, soit pour corriger les principales défaillances avant une intervention chirurgicale en urgence, soit pour poursuivre en parallèle l'enquête étiologique, les traitements symptomatiques et étiologiques. 3.1. ELEMENTS CLINIQUES COMMUNS A TOUS LES ETATS DE CHOCS FC, TA Mise sous scope, (vérification des niveaux d'alarme, brassard automatique (prise de TA tt les 15, 30, 60 min en fonction de l'état clinique et du trt (si possible pose d'un cathéter intra artériel permettant la surveillance continue, et les prélèvements.) FC, TA Signes de détresse respiratoire aiguë ? Fréquence respiratoire horaire Signes de détresse neurologique Diurèse horaire Eventuel recours à la ventilation assistée Niveau de conscience horaire Evolution des marbrures, de la cyanose Température tte les 2 puis 4 heures Efficacité du traitement ? Aspect cutané Frissons ? hémocultures ? Surveillance continue de la SpO2 Ces éléments sont utiles au diagnostic initial, et à l'évaluation de la thérapeutique, par exemple remontée de la pression artérielle, diminution de la tachycardie, reprise de la diurèse, disparition des marbrures au fur et à mesure de la correction du choc. 3.2. ELEMENTS PARACLINIQUES 3.2.1. BILAN BIOLOGIQUE INITIAL Numération + plaquettes (si nécessaire formule), Groupe (2 déterminations, RAI si nécessaire avant transfusion Gazométrie artérielle, lactatémie, ionogramme sanguin et urinaire ASAT, ALAT, Bilirubine libre et conjuguée Lipasémie CPK, LDH, troponine, TP (facteur V), TCA, fibrinogène, D-dimères CRP, Bandelette urinaire, Prélevement bactério selon le contexte : hémoculture aéro et anaérobie, ECBU, PL, prélèvements respiratoires, d’abcés ... 3.2.2. BILAN MORPHOLOGIQUE INITIAL ECG Cliché thoracique Echographie abdominale, urinaire et pelvienne (si point d'appel) Yves Le Tulzo - Sce Maladies Infectieuses & Réanimation Médicale Diagnostic des états de choc - Réanimation - Médecine d'urgence M3 - année 2012-2013 9
3.2.3. GESTES PLUS SPECIALISES 3.2.3.1. Echographie doppler cardiaque (systématique) Doit être réalisé par un opérateur qualifié : examen opérateur/dépendant Permet de différencier un choc cardiogénique d'un choc hypovolémique, distributif ou obstructif Permet de déterminer la cause d'une insuffisance cardiaque aiguë Evalue le degré de remplissage (la précharge VD et VG) 3.2.3.2. Mesure de pression veineuse centrale Après tests de crase sanguine (TP, TCA, Plaquettes) Après nettoyage et désinfection cutanée, (casaques, gants, champs stériles) Attention aux ponctions iatrogènes (en cas de polypnée, d'emphysème, d'hypovolémie, de troubles de coag): risque de pneumothorax, d'hémorragie. voie jugulaire interne, sous-clavière suivie d'un contrôle radio l'extrémité du cathéter doit être à l'entrée de l'oreillette droite (OD) Utilisation d'un capteur manométrique Vérification du zéro (niveau de l'OD= Ligne médioaxillaire) Vérification des oscillations cardiaques et respiratoires Causes d'erreurs : cathéter hors de la veine, coudé, bouclé Pressions thoraciques élevées (pneumo/hémothorax) Fuite sur le circuit capteur défectueux ou mal positionné Normale : 3 à 8 cm H2O 3.2.3.3. -Cathétérisme cardiaque droit Disponible au lit du malade : cathéter de « Swan et Ganz » Précautions propres à tout abord veineux profond Poussé jusque dans l'artère pulmonaire Permet la mesure des pressions dans les cavités droites et la mesure de la pression artérielle pulmonaire d'occlusion (PAPO) reflet de la PTDVG (sous certaines conditions), du débit cardiaque, de la saturation du sang veineux mêlé dans l'artère pulmonaire. Utilisé en réanimation lorsqu'il existe un doute diagnostique quant à: Une insuffisance respiratoire aiguë Un état de choc Les conséquences d'une expansion volémique importante Une ventilation en pression positive difficile Discuté actuellement et remplacée par l'echographie-doppler cardiaque et la mesure non invasive du débit cardiaque Ne doit jamais retarder le début du traitement du choc Yves Le Tulzo - Sce Maladies Infectieuses & Réanimation Médicale Diagnostic des états de choc - Réanimation - Médecine d'urgence M3 - année 2012-2013 10
Valeurs hémodynamiques"normales" PVC pression veineuse 3-8 mmHg centrale POD pression de 0-8 mmHg l'oreillette droite PVD pression du syst 15-30 mmHg ventricule droit télédiast 0-8 mmHg PAP pression de syst 15-30 mmHg l'artère pulmonaire diast 3-12 mmHg Moy 9-16 mmHg PAPO Pression de moy 1-16 mmHg l'artère pulmonaire d'occlusion DC Débit cardiaque 5-6 L/min IC Index cardiaque 3 ± 0,5 L/mn/m2 PAM Pression artérielle PAD + (PAS-PAD)/ 3 moyenne Orientation étiologique Parfois le diagnostic est évident : (hémorragie exteriorisée, forme classique de l'infarctus du myocarde (IDM), choc anaphylactique lors de l'injection d'un médicament...) Bien souvent ni le type, ni la cause n'apparaissent d'emblée: dans ce cas, certains éléments sont fondamentaux: Terrain, TRT en cours, état physiologique de base, histoire clinique détaillée, mode d'installation du choc, examen systématique (mais rapide !) de tous les appareils. L'échographie cardiaque est indispensable. On doit s'efforcer de déterminer rapidement (si possible avant les examens invasifs comme la prise de PVC ou le cathétérisme droit) la nécessité ou non: d'une oxygénothérapie par sonde ou d'une ventilation assistée d'un remplissage vasculaire ou de transfusion d'un entrainement électrosystolique de catécholamines inotropes positives ou vasoconstrictrices d'un trt anticoagulant ou fibrinolytique ou d'une angioplastie transluminale percutanée d'une ponction péricardique d'un trt antibiotique d'une épuration extrarénale…….. Yves Le Tulzo - Sce Maladies Infectieuses & Réanimation Médicale Diagnostic des états de choc - Réanimation - Médecine d'urgence M3 - année 2012-2013 11
3.3. DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE Classiquement les chocs sont classés en chocs : cardiogéniques (domine l'IDM), hypovolémiques, distributifs ( chocs septique et anaphylactique) et obstructifs (embolie pulmonaire, tamponnade). Le choc anaphylactique est classé dans les chocs hypovolémiques (CF ouvrage Réanimation-Urgence de chez Masson) Le plan proposé dans cet exposé n'est pas vraiment une classification mais plutôt un guide diagnostic précoce utilisable au lit du malade avec un minimum d'examens complémentaires, il va de soit que l'echo cœur, la mesure de la PVC et si nécessaire des pressions intracardiaques droites sont quasi constamment nécessaires à la confirmation diagnostique et à la surveillance. 3.3.1. CHOCS AVEC SIGNES D'INSUFFISANCE CARDIAQUE DROITE RECENTS Turgescence veineuse + hépatomégalie douloureuse = Choc à PVC haute ==> le choc est probablement cardiogénique ou obstructif. Le diagnostic et le traitement varient selon qu'il existe ou non des signes associés d'oedème aigu pulmonaire (OAP) signant l'atteinte du coeur gauche. 3.3.1.1. Chocs avec signes droits et oedème aigu pulmonaire Hypoxémie et (OAP) clinique et radiologique Les signes droits sont ici des éléments d'une insuffisance cardiaque globale secondaire à la défaillance du coeur gauche qui doit être confirmée par l'écho-doppler cardiaque, si on mesure la PAPO elle est élevée (≥ 18 mmHg). Le choc est ici causé par la défaillance cardiaque gauche. Infarctus du myocarde et ses complications mécaniques Myocardites et Myocardiopathies décompensées Valvulopathies mitrale ou aortique Troubles du rythme Intoxications aux cardiotropes 3.3.1.2. Chocs avec signes droits et hypoxémie isolée Hypoxémie sans OAP clinique et radiologique Le coeur gauche est intact, l'hypoxémie n'est due ni à un OAP cardiogénique (la PAPO est basse), ni à un oedème lésionnel, l'insuffisance cardiaque droite est due à un obstacle à l'éjection du ventricule droit (HTAP). Dans ces situations, le choc est du à un mauvais remplissage du ventricule gauche (baisse de précharge VG) et le traitement comporte, entre autres, une expansion volémique, l'usage d'inotropes, associés au traitement étiologique. Embolie pulmonaire (les poumons sont clairs) (choc obstructif) coeur pulmonaire chronique décompensé et maladie respiratoire chronique et (les poumons sont sujets à des lésions variées bien différentes des images d'OAP) (choc obstructif). Infarctus ventriculaire droit avec PFO (assez rare) (patent foramen ovale) : l'hypoxémie est ici due au passage de sang de l'oreillette droite vers l'oreillette gauche (shunt intracardiaque droit - gauche) (choc cardiogénique). Yves Le Tulzo - Sce Maladies Infectieuses & Réanimation Médicale Diagnostic des états de choc - Réanimation - Médecine d'urgence M3 - année 2012-2013 12
3.3.1.3. Chocs avec signes droits purs Pas d'hypoxémie, pas d'OAP clinique et radiologique Les poumons sont "sains". le choc est du à une baisse du remplissage du ventricule gauche (baisse de précharge VG) secondaire à la diminution du volume d'éjection ventriculaire droit. Le traitement comporte, entre autres, une expansion volémique. Tamponnade: épanchement péricardique aigu compressif (choc obstructif) Infarctus ventriculaire droit pur (choc cardiogénique) 3.3.2. CHOCS SANS SIGNES D'INSUFFISANCE CARDIAQUE DROITE Le choc est le plus souvent non cardiogénique toutefois certaines insuffisances cardiaques gauches aiguës peuvent associer un état de choc sans signes cliniques droits si le débit cardiaque est effondré, et que la défaillance cardiaque gauche est brutale et n'a pas encore eu le temps de provoquer une défaillance du ventricule droit. 3.3.2.1. Œdème aigu pulmonaire pur sans insuffisance cardiaque droite La question soulevée est celle de la nature de cet OAP: cardiogénique ou lésionnel ? La réponse est fournie par l'echographie cardiaque + cathéterisme droit avec mesure de PAPO PAPO élevée: ≥ 16mmHg et Index cardiaque bas (
4. ANNEXES: PRECISIONS AU SUJET DES ETATS DE CHOC Hémorragique Septique Anaphylactique 4.1. CHOC HEMORRAGIQUE 4.1.1. RAPPELS PHYSIOPATHOLOGIQUES Le choc hémorragique est la principale cause de choc hypovolémique. Sa survenue est fonction de l'importance et de la vitesse de la perte sanguine,et de l'efficacité des mécanismes compensateurs. Ceux-ci sont réduits par une anémie chronique, une hypovolémie antérieure, une insuffisance cardiaque, l'anesthésie, les bêta-bloquants ou les vasodilatateurs. Chez un sujet normal, la baisse de la pression artérielle (PA) survient pour une spoliation sanguine d'environ 25 à 40 % de la masse sanguine (valeur normale = 70 ml/kg). Trois étapes successives peuvent être distinguées au cours du choc hémorragique : Phase de choc compensé où l'hypoperfusion tissulaire est contrebalancée par des mécanismes adaptatifs circulatoires (phase sympathico-excitatrice: pas de baisse de PA), Phase de choc décompensé avec l'apparition d'un cercle vicieux d'aggravation progressive et d'évolution fatale en l'absence de traitement (phase sympathico-inhibitrice: baisse de PA), Phase de choc irréversible défini par un point de non retour quelque soit la thérapeutique instituée du fait de la défaillance multiviscérale associée Réponses neurohormonales La phase sympathico-excitatrice Réaction sympathique intense (tachycardie, augmentation des résistances artérielles systémiques et maintien de la PA. L'intensité de la vasoconstriction artérielle est variable selon le territoire : les territoires musculocutanés et splanchniques sont le siège d'une vasoconstriction croissante qui permet une redistribution du débit cardiaque vers le coeur et le cerveau. Réponse hormonale : l'activité rénine plasmatique et l'angiotensine II augmentent dès la phase non hypotensive du choc hémorragique, tandis que la sécrétion de vasopressine augmente surtout au cours d'une hémorragie sévère. La phase sympathico-inhibitrice Chute de la PA par réduction brutale des résistances systémiques et une bradycardie. Ces phénomènes sont liés à une inhibition centrale de l'activation sympathique. La bradycardie, dite paradoxale dans ce contexte, permettrait un meilleur remplissage ventriculaire diastolique. Donc, au cours d'une hémorragie, la diminution de la tachycardie, ou l'apparition d'une bradycardie prédit à très court terme un collapsus et impose un remplissage vasculaire rapide. A ce stade, la sécrétion d'adrénaline, d'angiotensine et d'arginine vasopressine est massive. Au vu de ces notions, la stratégie repose sur reconnaissance précoce du choc et la correction rapide de l'hypovolémie, puis de l'anémie et des déficits en plaquettes et/ou facteurs de coagulation. Pendant ce temps la recherche et le contrôle de l'origine du saignement sont menés en urgence. Comme tout état de choc la prise en charge nécessite l'intervention d'une équipe spécialisée et rodée à ce type de situation. Yves Le Tulzo - Sce Maladies Infectieuses & Réanimation Médicale Diagnostic des états de choc - Réanimation - Médecine d'urgence M3 - année 2012-2013 14
4.1.2. DIAGNOSTIC DU CHOC HEMORRAGIQUE Suspicion sur Le contexte, des signes cliniques: cardio-vasculaires : pouls rapide et filant, quelquefois uniquement perçu au niveau fémoral ou carotidien, souvent pouls paradoxal (réduction de l'amplitude du pic systolique à l'inspiration), parfois bradycardie extrême (péjoratif). Veines plates, PA normale ou basse, pincement de la différentielle. Renaux: oligo-anurie Cutanés : Paleur, sueurs froides, augmentation du temps de recoloration capillaire, marbrures (pas si anémie importante) Neuro-sensoriels : vertiges, agitation, angoisse, obnubilation, prostration, coma Respiratoires : polypnée superficielle, cyanose des lèvres et des extrémités (pas toujours). Généraux : soif, hypothermie. Confirmation par: La découverte du saignement ! Le chiffre d’hémoglobine rapidement évalué (moins de 20 sec) à l’admission du patient grâce à un appareil équivalent à un « dextro » : l’hémocue®. Ces signes cliniques correspondent à une perte de 25 à 40 % de la masse sanguine (soit 1000 à 2000 ml de pertes sanguines chez un sujet de 60 kg). La valeur de la PA pas un indicateur suffisant de la sévérité du choc hémorragique. Il existe un réel danger de sous-estimer l’hypovolémie ou l’importance de l’hémorragie. Pour indication quelques chiffres de la perte sanguine entrainée par une fracture de: côte = 125 ml, vertèbre ou de l’avant bras = 250 ml, l’humérus = 500 ml, fémur = 2000 ml, bassin = 500 à 5000 ml !! 4.1.3. RECHERCHE DE LA CAUSE DU SAIGNEMENT En urgence Examen clinique Echographie au lit Examens radiologiques classiques, tomodensitométriques et/ou angiographiques parfois nécessaires en tenant compte des priorités et des risques de certains examens complémentaires (Eviter l'ASP debout chez un malade avec une PA systolique à 60 mmHg !!). La gestion de ces deux démarches n'est pas facile, car s'il est urgent de stopper un saignement, certains gestes chirurgicaux ou endoscopiques ne peuvent pas être exécutés si l'état hémodynamique est trop précaire. Causes évidentes Causes non évidentes Traumatisme, plaie, hématome site Hémorragie digestive non extériorisée opératoire Hémopéritoine (rate, foie, GEU, Vx digestifs) Hémorragie digestive extériorisée Hémothorax, (dissect Ao, plaie vasc., P pleur.) Epistaxis, hémoptysie Hématome rétropéritonéal (rein, anévrisme Ao, bassin) metrorragie, hématurie fémur, pancréatite nécrotico-hemorragique, Anticoagulants) Yves Le Tulzo - Sce Maladies Infectieuses & Réanimation Médicale Diagnostic des états de choc - Réanimation - Médecine d'urgence M3 - année 2012-2013 15
4.2. CHOC SEPTIQUE le choc septique diffère totalement des autres types de chocs, il appartient à la catégorie des chocs distributifs, Le mécanisme initial est la rencontre entre l'organisme et un agent pathogène (le plus souvent une bactérie, mais aussi un champignon, un parasite, un virus). Cette rencontre peut se faire aussi bien au niveau d'un foyer suppuré localisé (abcès, cellulite, péritonite, pneumopathie,) qu'à l'occasion d'une infection systémique de ("translocation" bactérienne à partir du tube digestif, passage de méningocoque ou de pneumocoque à partir de la sphère ORL). Une hypothèse est que les patients victimes de choc septique soient des patients incapables de contrôler suffisamment précocement une infection soit du fait d'une quantité d'agent pathogène trop élevée, soit du fait d'une diminution acquise ou génétique (anomalies de reconnaissance des pathogènes par mutation des récepteurs Toll 2 ou 4, anomalies de sécrétion de TNF-alpha par exemple, anomalies de la voie du complément….) des mécanismes de défense immunitaires. La conséquence en est une prolifération microbienne très rapide responsable, à partir d'une certaine quantité d'une réaction de défense cette fois explosive trop intense et trop tardive. Cette rencontre provoque donc, chez certains sujet (immunodéprimé, prédisposition génétique ?) une réaction de l'organisme disproportionnée et inadaptée qui met très rapidement en jeu le système immunitaire avec activation simultanée, puis en cascade de médiateurs de l'inflammation: - complément sérique - cytokines: pic initial d’ IFN de TNF , puis d'IL-1 , et beaucoup d'autres (IL-6, IL-8, IL-10, IL- 12 …) - médiateurs lipidiques: Prostaglandines, leucotriènes, thromboxane A2, Facteur d'activation plaquettaire (PAF) - facteurs de croissance - médiateurs cellulaires comme: -les macrophages qui semblent être les premiers effecteurs de cette réponse: ils fixent sur des récepteurs spécifiques (Toll-like recepteur 2, 4, 9, CD14 et autres) des composants bactériens comme le lipopolysaccharide bactérien (LPS) des bacilles à Gram négatif, , et sécrètent à très haut niveau du TNF , puis de l'IL-1 et d'autre cytokines pro ou anti-inflammatoires -les polynucléaires qui jouent un rôle dans les différentes agressions tissulaires observées secondairement en libérant des facteurs toxiques (enzymes, radicaux libres…. -d'autres cellules comme les lymphocytes, les cellules endothéliales, les plaquettes ou les mastocytes..... Ces médiateurs endocriniens, humoraux et cellulaires, utiles en temps ordinaire pour la destruction de l'agent pathogène sont produits en telles quantités au cours du choc infectieux qu'ils entraînent des désordres multiples et graves: Troubles de la perméabilité capillaire (TNF, histamine, complément, prostaglandines...) avec fuite liquidienne du compartiment vasculaire vers l'interstitium, séquestration splanchnique liquidienne, oedème pulmonaire lésionnel et hypovolémie. Vasodilatation: (production de NO par une enzyme sécrétée dans les parois vasculaires: la NO synthase inductible), libération d'histamine, de bradykinine, de prostaglandines, d'endorphines, insensibilité aux catécholamines, diminution de perfusion de certains territoires (splanchnique, renaux, cutanés), et vasodilatation d'autres territoires (musculaire, coronaire). Yves Le Tulzo - Sce Maladies Infectieuses & Réanimation Médicale Diagnostic des états de choc - Réanimation - Médecine d'urgence M3 - année 2012-2013 16
Défaillance cardiaque droite et gauche, latente ou patente avec baisse de précharge, diminution de contractilité, troubles de compliance, (par troubles du métabolisme myocardique, oedème inter et intrafibrillaire et effet inotropes négatifs de certains médiateurs). Troubles de la coagulation (CIVD par activation plaquettaire et du système contact, insuffisance hépatocellulaire, diminution des facteurs anticoagulants (proteine C par exemple). Anomalies de la microcirculation (ralentissement du flux sanguin, formation de microaggrégats leuco- plaquettaires, troubles de l'extraction de l'oxygène). Anomalies des débits sanguins régionaux L'ensemble de ces mécanismes aboutit à des défaillances viscérales qui jouent un rôle essentiel dans le pronostic. Yves Le Tulzo - Sce Maladies Infectieuses & Réanimation Médicale Diagnostic des états de choc - Réanimation - Médecine d'urgence M3 - année 2012-2013 17
4.3. CHOC ANAPHYLACTIQUE Manifestation grave et redoutée de l'hypersensibilité immédiate de type I, le choc anaphylactique suppose une sensibilisation antigénique préalable. Urgence médicale absolue, la thérapeutique s'impose dès le diagnostic évoqué, remplissage vasculaire et administration d'adrénaline étant les deux mesures essentielles. Le choc anaphylactoïde pose les mêmes problèmes cliniques et thérapeutiques, sans nécessiter de sensibilisation antigénique préalable. 4.3.1. MECANISMES J1 sensibilisation des basophiles par un allergène soit complet (protéine de haut PM), soit incomplet (haptène) conjugué à une protéine vectrice (albumine par ex) En 7 à 10 j: fabrication par les cellules immunocompétentes d'Ac spécifique de l'allergène: les réagines allergiques (IgE) qui se fixent sur les mastocytes par leur fragment Fc nouveau contact: Fixation de l'antigène à l'IgE à la surface du basophile et dégranulation avec libération massive et brutale de médiateurs humoraux de l'inflammation: Histamine, SRSA (Slow reacting substance A) PGF2 et autres (Sérotonine, bradykinine ? PAF...) Conséquences et traduction clinique Vasodilatation généralisée, oedème généralisé, hypovolémie, bronchospasme, fièvre, augmentation des sécrétions et du péristaltisme digestif, parfois incompétence myocardique. 4.3.2. DIAGNOSTIC POSITIF Les premières manifestations surviennent habituellement dans les minutes qui suivent l'exposition à une substance antigénique, mais des formes retardées de plusieurs heures sont possibles. Le tableau clinique associe à des degrés divers les éléments suivants : Syndrome cardio-vasculaire. Tachycardie (son absence s'exclut pas le diagnostic) et pression artérielle abaissée, voire imprenable. La pression veineuse centrale est trouvée basse lorsqu'elle peut être mesurée. Les rares études hémodynamiques, réalisées objectivent deux phases. - 1ère phase : abaissement des résistances systémiques, élévation de l'index cardiaque, élévation des résistances artérielles pulmonaires. - 2ème phase : baisse de la pression capillaire pulmonaire, effondrement de l'index cardiaque pouvant aller jusqu'à l'arrêt circulatoire. L'ECG peut montrer des troubles de la repolarisation ou, plus rarement, des troubles du rythme ventriculaire. Syndrome respiratoire. Une dyspnée expiratoire par bronchospasme est plus volontiers observée qu'une dyspnée inspiratoire par oedème laryngé. Syndrome cutanéo-muqueux. Très souvent inaugural: prurit palmo-plantaire intense, éruption urticarienne, rash morbilliforme ou scarlatiniforme, oedème de Quincke, rhinorrhée, larmoiement, hypersialorrhée. Son absence n'exclut pas le diagnostic. Syndrome digestif. Nausées, vomissements, douleurs abdominales, diarrhée profuse parfois sanglante. Syndrome neurologique. Anxiété, agitation, céphalées, coma, convulsions. Yves Le Tulzo - Sce Maladies Infectieuses & Réanimation Médicale Diagnostic des états de choc - Réanimation - Médecine d'urgence M3 - année 2012-2013 18
Syndrome hématologique. Coagulopathie de consommation, hémoconcentration. Les formes suraiguës (1/3 des cas) associent habituellement signes cardio-vasculaires, digestifs, et neurologiques avec évolution rapide (quelques minutes) vers la mort en l'absence de thérapeutique adaptée. Des formes graves sont décrites chez les patients traités par bêta-bloquants. Biologie (utile pour la suite) Dosage dans les 30 à 60 mn (histamine, IgE spécifique, tryptase) (1 tube sec et 1 tube EDTA) (envoi au labo dans les 2 h sinon stockable 12 h max au frigo) 4.3.3. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL - choc hypovolémique, surtout septique, autres chocs - malaise vagal : volontiers observé au cours des actes de petite chirurgie, il fait souvent porter à tort le diagnostic de choc anaphylactique aux anesthésistes locaux. La bradycardie constatée possède une bonne valeur d'orientation. 4.3.4. DIAGNOSTIC DE GRAVITE GRADE I Signes cutanéomuqueux généralisés: érythème, urticaire avec ou sans oedème angioneurotique. GRADE II Atteinte multiviscérale modérée avec signes cutanéomuqueux, le plus souvent sans hypotension, hyperréactivité bronchique (toux, difficulté ventilatoire). GRADE III Choc: Atteinte multiviscérale sévère menaçant la vie et imposant un traitement spécifique; collapsus, tachycardie ou bradycardie, troubles du rythme cardiaque, bronchospasme. Les signes cutanés peuvent être absents ou n'apparaître qu'après la remontée tensionnelle. GRADE IV Arrêt circulatoire et/ou respiratoire 4.3.5. DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE Substances coupables (à rechercher +++) Médicaments (non exclusif) produits animaux, ou vegetaux, colorants Bêtalactamines (pénicilline ++), sulfamides, venin d'hymenoptère rifampicine,aminoside, cycline, amphotéricine B poissons, fruits de mer, œufs, lait, arachide… Gelatine fluide (Plasmion), dextrans Colorants : BSP, fluoresceïne, rouge congo. Anesthésiques locaux, curares Produits de contraste iodés Antalgiques (aspirine, naoramydopyrine, morphine) Vitamines (B12, K1) Sérums hétérologues, (gammaglobuline humaines) Enzymes : zymofren, alphachymotrypsine, lyzozyme, streptokinase, thiomucase. Hormones : ACTH, calcitonine, insuline. Tsts allergologiques et désensibilisation Voies préférentielles: IV > ID > digestive > les autres Dose: peut être infime Terrain favorisant: atopie, polysensibilisation connue Yves Le Tulzo - Sce Maladies Infectieuses & Réanimation Médicale Diagnostic des états de choc - Réanimation - Médecine d'urgence M3 - année 2012-2013 19
DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE D’UN CHOC CHOC Examen clinique - Gazométrie artérielle - RP - Echographie cardiaque - Pression veineuse centrale ± Swan-Ganz Choc avec signes droits Choc sans signes droits Avec «OAP» Sans «OAP» PVC basse et « OAP » PVC basse (Clin, Rx, Hypoxémie) sans « OAP » Hypoxémie Swan Ganz Contexte, examen, IVD et IVG aiguë mesure si Swan-Ganz : PAPO PAPO basse Hypoxémie IDM VG, IVD aiguë Valvulopathies Pas d’Hypoxémie PAPO haute Choc septique MCNO IVD aiguë PAPO basse Troubles du rythme Embolie pulmonaire Intox cardiotropes Insuffisance CPC décompensé Hypovolémies Tamponnade cardiaque IDM VD avec PFO Œdème lésionnel vraies Hypovolémies gauche aiguë IDM VD (SDRA) relatives accompagnant un Hémorragie choc grave. Hémolyse Toxiques Déshydratation Neurologiques Pneumopathie infectieuse Anaphylactiques Yves Le Tulzo - Sce Maladies Infectieuses & Réanimation Médicale Diagnostic des états de choc - Réanimation - Médecine d'urgence M3 - année 2012-2013 20
5. BIBLIOGRAPHIE "Réanimation et urgences" - abrégé Masson; éditeurs: Collège National des Enseignants de Réanimation Médicale. Sites internets: www.srlf.org ou www.sfar.org (pour textes des conférences de consensus) Yves Le Tulzo - Sce Maladies Infectieuses & Réanimation Médicale Diagnostic des états de choc - Réanimation - Médecine d'urgence M3 - année 2012-2013 21
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