III Le rôle des Cellules " Natural Killer " (NK) dans l'Immunité anti-pathogènes
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III Le rôle des Cellules « Natural Killer » (NK) dans l’Immunité anti-pathogènes Elie Mavoungou Professeur d’Immunologie Résumé Les cellules “tueuses naturelles” ou natural killer (NK) sont des cellules lymphoïdes qui catalysent une importante activité cytotoxique et produisent de forts taux de cytokines pro-inflammatoires en réponse aux infections. Au cours d’une infection virale, il est admis que la cytotoxicité des cellules NK et la production de cytokines sont induites principalement par les monocytes/macrophages et par les cellules dendritiques. Les ligands codant virtuellement pour les cellules NK sont actuellement en cours de description. La production d’interféron gamma (IFNγ) provenant des cellules NK est en outre essentielle pour le contrôle de plusieurs infections par les protozoaires responsables de la toxoplasmose, la trypanosomiase, la leishmaniose et du paludisme. L’activation des cellules NK par les pathogènes protozoaires est également mobilisée par les cytokines, bien que certaines études récentes suggèrent qu’une reconnaissance directe des parasites par les cellules NK dérivant des cellules accessoires ainsi que la signalisation directe, vraisemblablement par l’intermédiaire des récepteurs NK, soient nécessaires dans le cas des parasites du paludisme (Plasmodium spp.) à stimuler efficacement ces cellules. 1. Introduction La résistance de l’hôte contre les virus, les bactéries et les protozoaires pathogènes dépend d’une interrelation complexe entre les mécanismes de l’immunité innée et ceux de l’immunité spécifique ou acquise. En intervenant en première ligne de la défense de l’organisme, le système de l’immunité innée contribue au contrôle des infections aiguës par l’augmentation des réponses protectrices contre les parasites qui
envahissent l’organisme, avant la mise en place de la riposte de l’immunité à médiation cellulaire par les lymphocytes T et B, communément appelée : l’immunité spécifique. Les réponses innées stimulent et modulent aussi les réponses de l’immunité spécifique. Les cellules NK sont bien connues pour jouer un rôle clé dans ces réponses innées rapides [1]. Dans le présent article, nous relatons brièvement la biologie des cellules NK, la structure de leurs récepteurs, et nous discutons les connaissances actuelles concernant leur fonction, dans la mise en œuvre de l’immunité innée contre les infections pathogènes en nous focalisons plus particulièrement sur l’infection palustre due à Plasmodium falciparum. 2. Biologie des cellules NK L’identification de la souche lymphocytaire ayant la capacité d’exercer une activité cytolytique contre certaines cellules tumorales sans aucune stimulation préalable a conduit à l’utilisation du terme « cellule tueuse naturelle » (en anglais natural killer cells, ou cellules NK ) [2, 3]. La capacité des cellules NK à percevoir les modifications dans l’expression des molécules du complexe majeur d’histocompatibilité de classe I (CMH I) à la surface des cellules infectées avait été rapportée il y a plusieurs décennies déjà, par Klaus Kärre et ses collaborateurs à l’Institut Karolisnka de Stockholm. Dans leur étude, ces auteurs avaient remarqué que des cellules tumorales de souris n’exprimant pas d’antigènes du CMH I étaient plus facilement détruites par les cellules NK que d’autres cellules tumorales qui exprimaient un niveau normal d’antigènes de classe I. Il est maintenant bien connu qu’en plus de la destruction des cellules transformées encore dites lignées cellulaires transformées [4], les cellules NK peuvent aussi jouer un rôle dans le rejet d’allogreffes [5] et dans le contrôle d’une grande variété de pathogènes, et plus spécialement ceux qui infectent directement les cellules hôtes [6]. 2
Les cellules NK sont des cellules dites grands lymphocytes granulaires ou LGL de l’anglais « Large Granular Lymphocytes » qui dérivent de la moelle osseuse et qui chez l’homme, sont classiquement définies par l’expression à leur surface membranaire de l’antigène CD56 (une isoforme de la molécule d’adhésion neurale [N-CAM]). Les cellules NK sont caractérisées également par l’absence de l’expression du marqueur des thymocytes, l’antigène CD3, et celle des sous unités αβ et γδ du récepteur T (TCR) des lymphocytes. L’expression d’autres molécules de surface tels le marqueur 7 des leucocytes (Leu7 encore dénommé CD57), la chaîne β de l’interleukine 2 (IL-2 ou CD122), et le récepteur B1 des cellules « Killer lectin like » (KLRB1 ou CD61) a été également utilisé comme marqueur de certaines souches de cellules NK. Toutefois, ces différentes molécules sont aussi exprimées sur certaines autres sous populations de cellules T et des cellules NK-T. La caractérisation phénotypique des cellules NK de souris est plus complexe. Les marqueurs les plus communément utilisés sont, la sous unité α2 de l’intégrine (DX5 ou CD49b), l’asialo-ganglioside M1 (ASGM1) et le récepteur P1C des cellules NK (NKR-P1C encore appelé NK1.1). Cependant, les lymphocytes T CD4+ et T CD8+ peuvent aussi exprimer ces marqueurs [7, 8]. L’ASGM1 par exemple est exprimé par 20 à 30 % de cellules lymphocytaires naïves et par environ 90% de cellules activées [7]. Les anticorps anti-ASGM1 et anti-NK1.1 sont typiquement utilisés pour la déplétion des cellules NK chez la souris. Cela peut aboutir par mégarde, à la déplétion simultanée de lymphocytes T exprimant ces marqueurs. Les données des études testant la déplétion des cellules NK chez la souris nécessitent à cet effet, une interprétation très prudente. Les cellules NK représentent approximativement 10 % de cellules mononuclées du sang périphérique (PBMC), et de 0,4 à 5% de cellules mononuclées des organes lymphoïdes secondaires [9]. Les mécanismes de cytotoxicité naturelle sont semblables à ceux utilisés par les lymphocytes T cytotoxiques (CTL) i.e. sécrétion de la protéine formant des pores à la surface des cellules cibles : la perforine et les protéines induisant l’apoptose : les granzymes, et/ou l’obligation des récepteurs de mort des cellules cibles [10]. La lyse 3
catalysée par les cellules NK a été démontrée dans plusieurs infections virales humaines et chez les rongeurs [11], cependant, la signification physiologique de la cytotoxicité naturelle au cours des infections bactériennes et parasitaires est encore matière à débat [12, 13]. La seconde fonction effectrice majeure des cellules NK est la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires et de chémokines, tels le facteur activateur des macrophages : l’IFN-γ, le facteur α de nécrose des tumeurs (TNF-α), la lymphotoxine (LT-α), le facteur stimulant les colonies de granulocyte-monocytes (GM-CSF) et la protéine inflammatoire des macrophages CCL3 [14, 15]. L’IFN-γ a un rôle crucial dans la résistance de l’hôte contre plusieurs infections. Il régule plusieurs centaines de gènes associés aux fonctions du système immunitaire et draine d’autres cellules effectrices vers le site de l’infection [16]. L’IFN-γ active les macrophages et les neutrophiles, stimule la différenciation des lymphocytes Th1 CD4+, augmente la présentation des antigènes par les cellules présentatrices en régulant positivement le CMH et les molécules associées au CMH ; il induit aussi la commutation des sous classes d’immunoglobuline G (IgG) dans les lymphocytes B, et de ce fait établit le lien entre les deux principaux acteurs du système immunitaire notamment, l’immunité innée et de l’immunité spécifique [16]. Désormais, la sécrétion d’IFN-γ par les cellules NK est considérée comme ayant un rôle important dans la mobilisation de puissantes réponses immunes contre des classes variées de pathogènes [13, 17]. Les pathogènes envahissants ou les antigènes viraux, et des protozoaires d’origine bactérienne sont capturés par les cellules dendritiques (DCs) ou les monocytes/macrophages qui libèrent ensuite des cytokines activatrices des cellules NK [18-22]. L’IL-2, l’IL-12, l’IL-15, l’IL-18, le TNF-α et l’IFN-α/β contribuent tous à l’activation des cellules NK alors que l’IL-4, l’IL-10 et le TGF-β suppriment la fonction cellulaire de ces mêmes cellules [18, 23]. L’IL-12, qui est une cytokine pro- inflammatoire principalement produite par des cellules présentatrices d’antigènes professionnelles, i.e. les macrophages et les cellules dendritiques, est un puissant inducteur de l’activité cytotoxique des cellules NK, et de la sécrétion d’IFN-γ qui, avec 4
l’IL-18 jouent un rôle crucial dans la mobilisation des réponses immunes catalysées par les cellules NK [24, 25]. 3. Les récepteurs des cellules NK Alors que la stimulation par les cytokines contribue de façon significative à leur activation, les cellules NK ont aussi la capacité de détecter directement les cellules transformées ou les cellules infectées et de répondre immédiatement à de tels stimuli. L’engagement d’un répertoire élaboré de ligands via un répertoire complexe similaire de récepteurs de surface permet aux cellules NK de différencier les cellules hôtes normales des cellules anormales potentiellement dangereuses et cela sans immunisation préalable. Une fine balance des signaux inhibiteurs et stimulateurs est maintenue en association avec l’état d’activation des cellules NK [26]. Un aspect de ce processus est la reconnaissance de la perte de soi, « missing- self », proposé pour la première fois par Klaus Kärre dans les années 1980. Ce processus par lequel les cellules NK scrutent la surface cellulaire des cellules cibles potentielles, et s’activent si les cellules cibles ne peuvent pas fournir des signaux suffisamment forts en retour [27]. Il est maintenant bien compris que cela serait due au fait que, dans les conditions physiologiques normales, les cellules NK ont besoin de recevoir un signal négatif fourni par l’engagement des récepteurs inhibiteurs spécifiques au CMH de classe I en vue de prévenir leur activation [26, 29]. La régulation négative ou la perte des molécules du CMH de classe I à la surface des cellules cibles peut rompre la balance des signaux inhibiteurs et activateurs en faveur de la mobilisation de l’activation des cellules NK. Plus récemment, il a été reconnu que les cellules NK reconnaîtraient aussi les modifications du soi, « altered-self » pour lesquelles les cellules NK peuvent aussi être activées par les cellules exprimant pourtant un complément de CMH de classe I normal s’il est suffisamment bien engagé dans les récepteurs d’activation NK par les néo antigènes. Ces modifications peuvent être induites par le stress, la transformation 5
tumorale ou l’infection [29]. Il est maintenant bien connu que les récepteurs activateurs et inhibiteurs des cellules NK (Voir Tableau 1) reconnaissent un large éventail de molécules du soi et du non soi. A l’inverse des lymphocytes du système immunitaire spécifique, les cellules NK n’utilisent pas de réarrangements des gènes somatiques pour générer des clones ayant la capacité de reconnaissance de divers antigènes ; elles réalisent plutôt leurs potentialités variées par l’expression simultanée de multiple récepteurs, inhibiteurs et activateurs ayant différentes spécificités [30, 31]. Il y a trois grandes familles de récepteurs des cellules NK. Les récepteurs membres de la superfamille des immunoglobulines (G) [(e.g. les récepteurs killer Ig-like) (KIR), et les récepteurs LIR/ILT, Siglec-7], les récepteurs membres de la famille des lectines de type C qui sont représentés par les molécules hétéro dimériques (CD94/NKG2) et les récepteurs de cytotoxicité naturelle (NCR) [31, 32, 33]. Alors que la plupart des récepteurs présente très peu de polymorphisme, une remarquable diversité a été trouvée dans le gène de la famille de KIR chez les primates et parmi les gènes du récepteur équivalent, LY49 chez les rongeurs. Certains récepteurs KIR sont activateurs, c’est le cas par exemple de KIR2DS et KIR3DS. D’autres comme KIR2DL, KIR2DL4 et KIR3DL sont des récepteurs inhibiteurs. Les récepteurs KIR inhibiteurs contiennent dans leur domaine intracytoplasmique des motifs inhibiteurs appelés ITIMs (pour immuno receptor tyrosine-based inhibitory motifs) tandis que les récepteurs activateurs contiennent eux des motifs activateurs ITAMs. A chaque ligand du CMH I correspond un récepteur KIR exprimé à la surface des cellules NK. Le locus du gène KIR humain sur le chromosome 19q13.4 s’étend sur approximativement 150 KB codant pour plus de 15 gènes KIR [34]. Les variabilités haplotypique et allélique sont responsables de la grande hétérogénéité trouvée dans le génotype de KIR dans une population où chaque individu exprime un ensemble de caractéristiques de KIR inhibiteurs et activateurs. En outre, des variations dans les loci de KIR exprimés par différents clones de cellules NK entraînent un répertoire polyclonal NK au sein d’un même individu. La diversité des génotypes KIR individuel au sein d’une population est comparable à la diversité trouvée dans les génotypes des antigènes de 6
leucocytes humains (HLA) [35]. Cela suggère que des pressions sélectives similaires de diversification pourraient être activées dans l’ensemble des loci. Il n’est pas surprenant que la reconnaissance spécifique des molécules CMH de classe I par des KIR inhibiteurs forme une part essentielle du mécanisme de discrimination soi/non soi des cellules NK. A l’inverse, l’identité des ligands physiologiques de KIR activateurs demeure encore matière à intense investigation. Malgré le fait que les interactions des molécules HLA avec les KIR activateurs aient été décrites [36], les interactions fonctionnelles avec des molécules non CMH ne peuvent être exclues. Les récepteurs polymorphiques lectine de type C de la famille multigène de Ly49 sont des analogues murins du récepteur KIR humain puisqu’ils reconnaissent les molécules de CMH de classe I. De plus, les molécules de CMH de classe I-like et des haplotypes individuels de Ly49 varient en nombre de gènes des récepteurs activateurs et inhibiteurs [33]. La famille des récepteurs de type leucocytaire immunoglobulin like (LIR/ILT) présente des similarités structurales avec certaines molécules KIR mais seulement une faible variation allélique et génique n’est conservée à travers les haplotypes [37, 38]. C’est ainsi par exemple qu’un minimum de récepteurs inhibiteurs polymorphiques LIR-1/ILT-2 (LILRB1) n’est exprimé sur les cellules NK et fixe une large gamme de molécules du CMH de classe I et de molécules CMH-I like [38, 39]. La molécule multigénique NKG2 de la famille des lectines de type C est présente aussi bien chez l’homme que chez les rongeurs. Les hétérodimères de NKG2A, -B, -C ou –E avec CD94 sont connus pour reconnaître les molécules CMH-I non classiques (HLA-E/Qa-1) et contribuent ainsi à la discrimination entre le soi et le non soi [40, 41]. 7
Tableau 1. Propriétés des récepteurs des cellules NK Récepteur Famille Espèces Gènes Fonction Ligands connus Références Killer Ig Ig H, Hd, Ro Multigène Activateur CMH I, autres spécificités ? 34, 36 et/ou Récepteurs Inhibiteur KIR Ig H Multigène Activateur CMH I, gpUL18 38 et/ou Inhibiteur NKp30 Ig H, Hd, Ro Seul Activateur ? 30 NKp44 Ig H Seul Activateur Haemagglutinines virales 30 NKp46 Ig H, Hd, Ro Seul Activateur Haemagglutinines virales 30 NKp80 Ig H Seul Activateur ? 30 Siglec-7 Ig H Seul Inhibiteur Acide sialique 59, 60 LAIR Ig H Seul Inhibiteur Ep-CAM 2B4 Ig H, Ro Seul Activateur CD48 29 NKG2D CLD H, Hd, Ro Seul Activateur MICA/B, ULBP1/2/3, Rae-1, H60 Ly49 CLD H, Hd, Ro Multigène Activateur HLA I, m157, Hm1-C4, autres? 33 et/ou Inhibiteur CD94- CLD H, Hd, Ro Multigène Activateur HLA-E, Qa-1b 40, 41 NKG2 et/ou Inhibiteur KLRB1 CLD H, Hd, Ro Multigène Activateur Molécules liées aux 65 et/ou lectines de type C Inhibiteur TLR Toll Rc A, V Multigène Activateur Molécules associées Aux pathogènes Ig : Superfamille des immunoglobulines ; CDL : Domaine de la famille de lectines de type C ; H : Humain ; Hd : Humanoïdes ; Ro : Rongeurs ; A : Arthropodes ; V : Vertébrés. Chez l’homme, l’homodimère correspondant NKGD2 est un récepteur activateur qui reconnaît les molécules qui se fixent aux protéines du cytomégalovirus (CMV), les protéines UL16-binding (ULBP), ainsi que les molécules CMH like appelées MICA et MICB [42, 43]. Les ligands de NKGD2 chez la souris sont les membres de la famille du transcrit 1 précoce de l’acide rétinoïque (Rae 1), la molécule du complexe mineur d’histocompatibilité H-60, et le transcrit Mult1 de la molécule ULBP-like [1, 44, 45]. 8
Les ligands de NKGD2 ne sont pas généralement exprimés par les tissus normaux, mais l’expression de MICA, MICB, Rae 1, ULBP et des protéines ULBP-like est positivement régulée en réponse au stress cellulaire dans les cellules transformées [44,45, 46-48] et les cellules infectées [49-52] ; c’est ainsi que NKGD2 a été considéré comme étant impliqué dans l’immunité contre les tumeurs et dans la défense anti-virale [29]. Le récepteur inhibiteur killer lectine like KLRG1 a été récemment montré comme pouvant être positivement régulé par l’activation des cellules NK in vivo et pouvant supprimer la sécrétion d’IFN-γ de la cytotoxicité des cellules NK in vitro, agissant ainsi comme un avaliseur de l’activité NK [53]. Toutefois, le rôle exact de KLRG1 et l’identité de ses ligands ne sont pas encore très clairs. Jusqu’ici, la famille non polymorphique des NCR activateurs est composée de quatre membres chez la souris et chez l’homme, NKp30, NKp44, NKp46 et NKp80 qui sont encore tous des récepteurs « orphelins », dans la mesure où leurs ligands ne sont pas encore connus. Toutefois, Mandelboim et ses collaborateurs ont récemment rapporté l’engagement de NKp46 par les protéines d’hémagglutinines virales [54], et que NKp30 semblerait être impliqué dans l’activation des cellules NK par les cellules dendritiques ; le ligand restant cependant à identifier [55]. Les récepteurs NCR sont capables de déclencher l’activité cytotoxique en dehors de tout contexte de molécule du CMH. Ils ont été décrits comme étant responsables de la reconnaissance de cellules tumorales. L’importance des récepteurs de reconnaissance de motif (PRR) dans la régulation de l’activité des cellules NK est encore très peu comprise. Les récepteurs Toll-like (TLR) fixent les motifs CpG, les lipopolysaccharides et plus fréquemment des molécules associées aux pathogènes [56]. Ils sont particulièrement impliqués dans l’activation des macrophages et des cellules dendritiques et participent dans les réponses immunes précoces aux infections virales, bactériennes, parasitaires [57]. Néanmoins, puisque les TLRs exprimés à la surface des cellules NK et sur les lipophosphoglycanes purifiés à partir des parasites protozoaires ont été trouvés engagés avec des cellules infectées [58], il est difficile d’écarter la possibilité que l’engagement NK-TLRs ne soit relevant dans 9
l’immunité innée. L’inhibiteur spécifique du récepteur Siglec-7, l’α-2,8-acide di-sialique a été impliqué dans la reconnaissance des molécules de glycoconjugués non CMH I [59, 60]. La protection de cellules hôtes déficientes en molécules CMH I ou n’en exprimant que très faiblement (e.g. les neurones ganglionnaires de la racine dorsale et les érythrocytes) [61, 62], contre la cytotoxicité des cellules NK par la fixation des molécules du soi au Siglec-7 pourrait être une partie d’un nouveau mécanisme important de la discrimination entre le soi et le non soi. Il est probable que l’interaction de Siglec-7 avec les glycoprotéines de surface contenant de l’acide sialique permette à certains parasites extracellulaires d’échapper à la cytotoxicité NK alors que les pathogènes n’exprimant pas d’acide sialique (e.g. Trichophyton spp., [63]) seraient sensibles à l’attaque médiée par les cellules NK. 4. L’activation des cellules NK par les virus et les parasites pathogènes Des avancées significatives ont été réalisées au cours de ces deux dernières décennies dans la compréhension de la fonction des cellules NK dans différentes maladies infectieuses variées [13, 64]. Bien que la grande majorité des données proviennent d’études in vitro et in vivo sur les infections virales [18, 65], il y a une accumulation rapide de preuves soutenant le rôle des cellules NK dans le contrôle des maladies causées par les protozoaires. 4-1/ Les infections virales Il est maintenant bien établi que la cytotoxicité des cellules NK et la production d’IFN-γ joue un rôle crucial dans la résolution des infections causées par le virus de l’herpès, de papillomavirus et par le virus de l’influenza [18]. De plus, des interactions des cellules NK avec le virus de l’immunodéficience humaine de type 1 (VIH-1) et le virus de la leucémie des cellules humaines T (HTLV) ont été démontrées [66, 67]. L’activation des cellules NK au cours des infections virales semble généralement être médiée de manière indirecte par des cytokines, le plus souvent par l’IL-12 et l’IFN-α/β 10
sécrétées par les monocytes/macrophages [18]. Toutefois, un grand nombre de récentes études rapportent l’engagement des récepteurs des cellules NK avec les antigènes viraux in vitro. Par exemple, les protéines d’hémagglutinine des virus de l’influenza et le complexe hémagglutinine-neuraminidase du virus para influenza sont démontrés comme étant capables de mobiliser directement la cytotoxicité. Cette cytotoxicité est catalysée par les cellules NK in vitro par l’interaction spécifique avec le récepteur activateur NKp46 [54]. Toutefois, la relevance physiologique des interactions directes cellules NK et virus dans le contrôle de l’infection n’est pas encore complètement démontrée de façon convaincante in vivo. Plus récemment le groupe de Vidal, Lanier et Yokohama a apporté une preuve irréfutable que la résistance au cytomégalovirus (CMV) murin dépend de la stimulation par une glycoprotéine viral CMH like [68-70]. Cela donne une explication très plausible de la sensibilité différentielles in vivo de différentes souches de souris au CMV [71]. 4-2/ La Leishmaniose Les cellules NK fournissent aussi la base de la résistance précoce contre la leishmaniose comme le suggère le fait qu’au cours de l’infection par Leishmania major, la maladie est plus sévère chez les souris ayant subi une déplétion des cellules NK, et que la parasitémie de Leishmania amazonensis ne peut pas être efficacement limitée en absence de cellules NK [72-74]. Bien que la cytotoxicité contre les lignées cellulaires tumorales soit augmentée chez les animaux résistants, comparé aux animaux sensibles dans l’infection précoce, et que les macrophages infectés par L. major et L. amazonensis soient détruits par les cellules NK in vitro, la lyse catalysée par les cellules NK ne semble pas être essentielle à la résistance, puisque la capacité de contrôler l’infection est seulement faiblement réduite chez les souris beiges infectées par Leishmania tropica [73, 75-77]. La mutation beige perturbe sélectivement la voie lytique des cellules NK mais n’a pas modifié la voie de la sécrétion de cytokines [78]. Pris ensemble, ces données indiquent que la fonction effectrice des cellules NK dans la leishmaniose est catalysée par la voie à médiation 11
cytokinique plutôt que par celle à médiation cytolytique. Compatible avec cette idée, il a été montré qu’une production rapide d’IFN-γ au cours des premières heures et des premiers jours de l’infection par L. major était cruciale pour la survie. De plus les cellules NK sont la première source de production de cette cytokine [73, 79]. En outre, les souris sévèrement immunodéprimées (SCID) qui n’ont pas de cellules T mais présentent une fonction NK normale, sont capables de contenir les parasites de L. major dans le drainage de ganglions lymphatiques, prouvant l’existence d’un mécanisme indépendant de cellules T qui limite la propagation des parasites ; la neutralisation de l’IFN-γ ou la déplétion des cellules NK avant l’infection des souris SCID abolit leur capacité à contrôler la propagation des parasites [80]. De même, la guérison spontanée et la protection contre la leishmaniose chez l’homme semblent être associées à la capacité de répondre rapidement à l’infection à Leishmania aethiopica par la prolifération cellulaire des cellules NK et la sécrétion de cytokine [81]. La richesse de ces données est le fait que l’activation des cellules NK au stimulus de la leishmaniose est généralement un phénomène indirect médié par les cytokines/chémokines, plutôt que par un phénomène direct. L’IL-12 et l’IL- 18 sont les régulateurs majeurs des réponses immunes innée et spécifique contre l’infection par L. major [25, 82]. Les souris sensibles aux infections par Leishmania major et Leishmania donovani sont efficacement traitées avec un apport exogène d’IL-12 [83, 84]. L’absence d’activation des cellules NK par les chémokines conduit en une défense sub-optimale par les cellules NK [85]. Des études supplémentaires chez les rongeurs ont permis de suggérer que les cellules dendritiques seraient importantes dans la protection catalysée par les cellules NK. Elles constitueraient la principale source d’IL-12 précoce au cours de la leishmaniose, puisqu’une production transitoire de cette cytokine par les cellules dendritiques dans les premières 24 heures semblerait être l’événement initial requis pour la mobilisation de l’activation des cellules NK [21, 86, 87]. Il a été récemment démontré que les promastigotes vivants de L. donovani et L. aethiopiaca stimulent les cellules NK purifiées à secréter l’IFN-γ en absence d’autres cellules présentatrices d’antigènes [88]. On sait aussi qu’une stimulation directe de TLR- 12
2 de la surface des cellules NK par un lipophosphoglycan (LPG) de L. major entraîne une régulation positive de TLR-2. Cela augmente la production d’IFN-γ et de TNF-α [58] suggérant l’existence d’une activation supplémentaire des cellules NK par une voie indépendante de celle des cellules accessoires. Toutefois, le niveau de production d’IFN-γ par les cellules NK pures dans cette étude était faible (détectable par ELISPOT mais pas par ELISA ni par marquage intracellulaire [88]), suggérant que les cytokines provenant des cellules accessoires pourraient être requises à l’amplification de la réponse directe. 4-3/ La trypanosomiase L’activité précoce des cellules NK influence aussi le cours de la maladie dans les trypanosomiases américaines et africaines. La déplétion des cellules NK des souches de souris résistant à Trypanosoma cruzi provoque une forte parasitémie, une augmentation de la mortalité très précoce dans l’infection et un décalage dans la production d’IFN-γ par les cellules T [89-91]. L’analyse ex-vivo des phénotypes de lymphocytes dans la maladie de Chagas aiguë chez l’homme soutient l’idée que les cellules NK sont activées par T. cruzi avant que l’immunité des cellules T ne se développe [92]. L’importance des mécanismes de cytotoxicité dans la résistance aux parasites Trypanosoma est encore discutée. Au début des années 1980, des études ex vivo chez la souris ont révélé une augmentation de l’activité cytolytique des cellules NK, dans les 24 heures suivant l’infection à T. cruzi, et une destruction directe à médiation NK des formes épimastigotes et trypomastigotes extracellulaires de T. cruzi et Trypanosoma lewisi in vitro [93-95]. Curieusement, les parasites de Trypanosoma musculi ne sont pas sensibles à la lyse par les cellules NK et n’augmentent pas non plus la lyse des lignées cellulaires tumorales par les cellules NK [95]. Cependant, comme observé pour l’activité des cellules NK in vivo au cours de l’infection par Leishmania, la mutation beige n’a pas d’effet majeur sur l’issue de l’infection de T. cruzi [93]. En accord avec cette observation, une autre étude plus récente indique que la cytotoxicité des cellules NK n’est pas essentielle au contrôle de l’infection par T. cruzi ni à la survie des souris déficientes en IFN-α/β [96]. Bien que les souris déficientes, aussi bien pour la voie perforine/granzyme 13
que celle de Fas/sFasL succombent très précocement à l’infection par T. cruzi, témoignant d’un rôle crucial de la cytotoxicité dans le contrôle de l’infection, il n’est pas possible, à partir des expériences rapportées dans la littérature, de déterminer si la cytotoxicité est catalysée par les cellules cytotoxiques T ou par les cellules NK [97]. Comparables aux données sur les mécanismes de résistance dans la leishmaniose précoce, plusieurs études in vitro et in vivo ont montré que les cellules NK stimulées par l’IL-12 peuvent contrôler la parasitémie en sécrétant l’IFN-γ dans les premiers jours de l’infection par T. cruzi [89, 91, 98-100]. D’une part, les cellules NK semblent être activées principalement de façon indirecte par les cytokines produites par les macrophages et les cellules dendritiques. Le glycosylphosphatidylinositol (GPI) de T. cruzi et de Trypanosoma brucei active les macrophages de souris in vitro [101, 102, 103] et la protéine Tc52 libérée par T. cruzi a été montrée comme étant capable d’activer les cellules dendritiques humaines via TLR-2 [104]. D’autre part, les glycolipides de T. cruzi stimulent directement l’activité des cellules NK [105]. Il reste à établir quelles sont les voies de reconnaissance et d’activation qui sont physiologiquement relevant in vivo. 4-4/ La Toxoplasmose Il est maintenant bien établi que les cellules NK participent aussi dans la résistance précoce à l’infection par Toxoplasma gondii [106]. La cytotoxicité des cellules NK contre les cellules tumorales YAC-1 induite par T. gondii est dépendante des macrophages et les cellules NK présentent une augmentation de la cytotoxicité contre les macrophages infectés par T. gondii et contre les formes extracellulaires des tachyzoites [107-110]. Cependant, encore une fois, la cytotoxicité semble être d’une importance mineure dans la résistance puisque le défaut sélectif de la cytotoxicité des cellules NK des souris beiges n’aurait pas un effet apparent sur leur survie [111, 112]. A l’inverse, l’issue sévère de la maladie chez les souris infectées par T. gondii dont les cellules NK ont été déplétées, laisse supposer une importante fonction protectrice des cellules NK autre que la fonction cytotoxique [113]. En conséquence, il a été démontré que les tachyzoites intactes aussi bien que les extraits parasitaires stimulent la production d’IFN- γ par les cellules NK et que la survie des animaux est entièrement dépendante de cette 14
cytokine [114-117]. Dans les travaux initiaux, il avait été observé qu’au cours de l’activation indirecte des cellules NK in vitro les étapes de développement extracellulaire et intracellulaire de T. gondii étaient totalement dépendantes de l’IL-12 produite par les macrophages [115]. Des travaux plus récents suggèrent aussi un rôle physiologique des cellules dendritiques dans la reconnaissance de T. gondii et dans la stimulation initiale des cellules NK [106, 118-120]. De nouveau, les protéines GPI dérivant du parasite semblent être parmi les facteurs responsables de l’induction de l’IL-2 comme suggéré par l’activation de la voie de NF-κB dans les macrophages [121]. 4-5/ Le Paludisme Une grande perspective du rôle des cellules NK dans l’immunité contre le paludisme a été donnée par les études sur les mécanismes liés à l’IL-12 au cours des stades précoces de la maladie [122]. L’infection des souris A/J normalement sensibles à Plasmodium chabaudi chabaudi AS (P.chabaudi AS) peut être résorbée de façon significative par l’administration d’IL-12 exogène très précocement au cours de l’infection, entraînant le développement de l’immunité dépendant de l’IFN-γ , de TNF-α et de NO [123]. En outre, la déplétion in vivo des cellules NK, après un traitement avec un anticorps anti-AGM1 chez la souris C57BL/6 résistant à l’infection par P. chabaudi AS aboutit en une augmentation de la sévérité de la pathologie. De plus les souris A/J traitées à l’IL-12 mais déplétées en cellules NK sont totalement incapables de contrôler l’infection [124]. De même, l’auto-contrôle des infections par P. chabaudi AS et Plasmodium yoelii est caractérisé par la capacité de l’hôte à mobiliser une forte réponse IFN-γ dès les 24 heures suivant le challenge [125]. Les animaux privés de leurs cellules NK ont une diminution significative de la réponse IFN-γ et sont incapables de contrôler l’infection par P. chabaudi AS. Ils sont de même, incapables de contrôler l’infection par une souche non létale de P. yoelii. Cela suggère une contribution majeure de l’IFN-γ dérivé des cellules NK à la résolution de l’infection dans les premiers stades de la pathologie [125, 126]. Bien que l’interprétation de ces résultats pourrait être compliquée par l’éventuelle déplétion des souches de cellules T exprimant les marqueurs identiques à ceux exprimés par les cellules NK (comme expliqué dans l’article « Le paludisme et le 15
système immunitaire humain »), le fait que les souris SCID ayant subi une déplétion de leurs cellules NK succombent à l’infection non létale par P. yoelii même bien avant les souris SCID n’ayant subi aucune déplétion, ni les souris traitées avec l’anticorps anti-Thy 1.1 [126], confirme que le rôle des cellules NK ne dépendrait pas des cellules T. Le rôle in vivo de la cytotoxicité des cellules NK, comme opposé à la production d’IFN-γ, dans la résistance au paludisme de la souris n’est pas encore très clair. Toutefois les souris beiges présentent une parasitémie significativement forte dans les stades précoces de l’infection par Plasmodium berghei, et la lyse catalysée par les cellules NK des érythrocytes parasités par P. berghei rend les parasites incapables d’infecter efficacement les souris naïves [12, 122, 127]. Toutes les études citées ci-dessus étaient réalisées au cours des stades sanguins de l’infection palustre. Toutefois, les sporozoïtes irradiés par les rayonnements γ sont aussi capables d’induire la production d’IFN-γ in vitro et in vivo. Les sporozoïtes peuvent aussi entraîner la lyse des cellules tumorales murines par les cellules NK de la rate dans les 24 heures qui suivent leur inoculation [128]. Il a été montré plus récemment que l’immunité protectrice dépendant de l’IFN-γ et de NO et catalysée par les lymphocytes T CD8+ et par la vaccination avec des sporozoïtes irradiés de P. yoelii ou des constructions d’ADN, requiert à la fois, l’IL-12 et les cellules NK [129]. Cette étude est un excellent exemple de l’interrelation qui existe entre l’immunité innée et l’immunité acquise. Au cours de ces dernières années, le rôle des cellules NK dans le contrôle de l’infection palustre chez l’homme a commencé à être exploré. Des travaux ont révélé que chez des sujets non immuns, les cellules NK sont parmi les premières cellules du sang périphérique à produire l’IFN-γ en réponse à l’infection des érythrocytes par P. falciparum [130]. Dans le cadre de cette étude in vitro, il a été observé que les cellules NK sont activées au cours des 18 heures d’exposition aux érythrocytes parasités, alors que les cellules γ/δ T et les cellules NK-T, deux autres populations cellulaires productrices d’IFN-γ, répondaient plus tard, après 24 ou 48 heures d’exposition au pathogène. Cette 16
activation était dépendant de l’IL-12, et à une moindre mesure de l’IL-18 produits par les cellules accessoires [130]. Les résultats d’une étude réalisée chez des enfants ayant une infection aigue à P. falciparum a suggéré une corrélation positive entre l’activité lytique des cellules NK envers les cellules de la lignée leucémique humaine K562 ex vivo, et le niveau de parasitémie [131]. Orago et Facer avaient donné la preuve que les cellules NK de sujets sains et celles des sujets infectés par P. falciparum détruisent directement les érythrocytes parasités par P. falciparum in vitro [132]. Cette étude avait cependant été réalisée avec, non pas une population homogène de cellules NK mais avec un mélange de cellules mononucléaires du sang périphérique encore dénommé PBMC [132]. Nous avons, pour la première fois, clairement démontré le rôle des cellules NK dans la cytotoxicité des érythrocytes humains parasités par P. falciparum. Nous avons testé la capacité de lyse des cellules NK purifiées sur des érythrocytes parasités in vitro par P. falciparum [133]. Dans cette étude, nous avons apporté la preuve que les cellules NK purifiées inhibaient la croissance des parasites dans des cultures in vitro, et que l’activité de lyse des cellules NK était probablement réalisée via le système Fas/sFasL et celui de perforine/granzymes. De plus, nous avons montré que les cellules NK purifiées stimulées par des érythrocytes parasités par P. falciparum produisent non seulement de l’IFN-γ, mais aussi du TNF-α et pour la première fois de l’IL-12 [133]. (Ces résultats seront détaillés dans notre prochain article). Dans les infections expérimentales de P. falciparum chez des sujets non immuns réalisées au cours d’une évaluation de vaccin, des taux élevés d’IFN-γ et de granzyme A soluble ont été détectés au moment de la libération des parasites du foie vers la circulation générale périphérique, indiquant un possible rôle des cytokines inflammatoires et de la cytotoxicité, dans la défense initiale de l’organisme contre le stade sanguin de l’infection in vivo [134]. Les érythrocytes parasités élaborent de grandes modifications structurales au cours du développement de trophozoïtes et de schizontes [135] ; ces modifications sont caractérisées par une exposition anormale à la surface de la membrane des érythrocytes, de protéines telles que la spectrine et la bande 3 [136], et des néo antigènes exprimés à la surface des parasites [137]. Il est ainsi intéressant de noter 17
que la lyse par les cellules NK, des érythrocytes exprimant à leur surface des antigènes du stade schizonte de P. falciparum fût significativement plus efficiente que celle des érythrocytes non parasités. Cela suggère une éventuelle reconnaissance spécifique de la surface modifiée des érythrocytes par les cellules NK activées [132]. En soutien à cette idée, il a été démontré qu’une activation optimale de la production d’IFN-γ dérivée des cellules NK in vitro requiert le contact entre les cellules NK et les érythrocytes parasités par P. falciparum [130, 138]. Ainsi, l’activation des cellules NK par les stades sanguins asexués de P. falciparum semble dépendre au moins de deux signaux. La production de cytokines par des cellules « spectatrices » telles les monocytes/macrophages ou les cellules dendritiques, et la reconnaissance directe des érythrocytes parasités par les récepteurs des cellules NK (Figure 1). La capacité de reconnaissance spécifique des érythrocytes pourrait être expliquée par une expression anormale de ligands de récepteurs activateurs des cellules NK, e.g. les KIR activateurs, les récepteurs de cytotoxicité naturelle (NCRs), ou des récepteurs Toll- like, ou alternativement par la régulation négative ou la perte complète d’un ligand des récepteurs inhibiteurs tel que Siglec-7. De façon très intéressante, la capacité des cellules NK à répondre aux érythrocytes parasités in vitro par la production d’IFN-γ est un phénotype stable au niveau individuel de donneurs mais qui varie significativement entre les individus [130]. Les différences observées dans la réactivité des cellules NK ne sont pas le résultat de niveau variable de production d’IL-12 et d’IL-18 par les cellules dites spectatrices puisque l’administration de cytokines exogènes n’augmente pas la réponse aux érythrocytes parasités par P. falciparum par les cellules NK de sujets non répondeurs [130]. 18
Figure 1 : Modèle d’activation des cellules NK par les érythrocytes parasités par P. falciparum. Il est proposé ici que, très précocement dans le stade sanguin de l’infection, les cellules dendritiques et les monocytes-macrophages sont activés par les érythrocytes parasités par Plasmodium falciparum. Les cellules matures activées produisent et libèrent des cytokines dont l’IL-12, l’IL-18 et certainement l’IL-15 qui à leur tour, activent les cellules NK pour produire des cytokines pro-inflammatoires telle que l’IFN-γ et libérer des protéines cytotoxiques comme les granzymes et la perforine. En plus de l’activation de ces cellules dites spectatrices (bystander), l’activation optimale des cellules NK semble nécessiter la reconnaissance directe des érythrocytes infectés, probablement par les récepteurs NK. La sécrétion de l’IFN-γ par les cellules NK stimule les macrophages à phagocyter les érythrocytes parasités. De plus, l’IFN-γ associe l’immunité innée contre le paludisme à l’immunité spécifique en induisant une maturation des cellules dendritiques et la différentiation des cellules Th1. Ce schéma a été emprunté à Korbel et al. Int. J. Parasitol. 2004. 19
Les cellules NK de sujets semi immuns tels des adultes Africains vivant depuis toujours en zone d’endémie palustre, produisent significativement moins d’IFN-γ en réponse aux érythrocytes parasités par P.falciparum, que les cellules de sujets caucasiens, non immuns [130]. L’hypothèse que l’hétérogénéité dans la réponse aux érythrocytes parasités par P. falciparum serait due aux différences des répertoires exprimés des récepteurs inhibiteurs ou activateurs des cellules NK a été avancée. Selon cette hypothèse, cela pourrait refléter une variation haplotypique du génotype de KIR au niveau individuel, ou d’importants polymorphismes alléliques fonctionnels de KIR et de TLR [139-141]. Dans ce contexte, il est intéressant de noter que l’analyse génétique d’un faible nombre d’individus ait révélé une association significative entre les réponses des cellules NK aux érythrocytes parasités par P. falciparum et le génotype de KIR [138], suggérant, comme récemment démontré dans la susceptibilité au VIH et au virus de l’hépatite C [142, 143], qu’il y aurait des différences intrinsèques, génétiquement déterminées, dans la susceptibilité au paludisme, ce qui pourrait expliquer la variation de la réponse immune innée. A la suite de la stimulation des PBMC, par des érythrocytes parasités par P. falciparum, il a aussi été observé une augmentation significative de l’expression de CD94 et de NKG2A sur les cellules NK des sujets répondeurs, suggérant l’existence d’une fonction régulatrice pour le récepteur inhibiteur hétérodimérique CD94 /NKG2A dans la restriction de la pathologie potentielle causée par une activation continue des cellules NK [138]. Si ces résultats sont confirmés, cela laisserait supposer que l’activation des cellules NK par les érythrocytes parasités par P. falciparum, et par d’autres protozoaires pathogènes, est le résultat de l’intégration par les cellules l’ensemble complexe des signaux émanant à la fois des récepteurs activateurs et inhibiteurs. À cet égard, les stades finaux de l’activation des cellules NK provoquée par les pathogènes pourraient être semblables à ceux déjà décrits pour les cellules transformées et les cellules n’exprimant pas ou peu d’antigènes du CMH I. Toutefois, la confirmation de la fonction protectrice des cellules NK au cours du paludisme chez l’homme, et la détermination du rôle de KIR 20
ou d’autres polymorphismes dans l’influence de la sensibilité au paludisme nécessite une évaluation plus importante de populations exposées à l’infection par P. falciparum. 5. Conclusion Les cellules NK semblent jouer un rôle important dans la réponse immune précoce contre une grande variété de pathogènes, notamment contre un grand nombre d’infections parasitaires. Dans tous les cas, l’activation des cellules NK dépend de la libération de cytokines par les cellules accessoires telles que les macrophages et les cellules dendritiques et des preuves encourageantes commencent à émerger des interactions directes entre les protozoaires, ou les cellules infectées par les protozoaires et les récepteurs exprimées à la surface cellules NK activées. Il est vraisemblable que des ligands dérivés des pathogènes activateurs des récepteurs des cellules NK existent. Plusieurs travaux de recherches dans le domaine sont actuellement en cours. Cela permettra de les identifier dans les prochaines années. L’éventualité que les polymorphismes, au niveau des récepteurs des cellules NK, et peut être aussi au niveau des ligands exprimés par les parasites, influenceraient l’issue des interactions cellules NK-pathogènes, intervenant ainsi dans le cours de l’infection, demeure une possibilité intéressante. Références bibliographiques 1. Carayannopoulos LN, Yokoyama WM. Recognition of infected cells by natural killer cells. Curr. Opin. Immunol. 16, 26-33, 2004. 2. Herberman R, Nunn M, Lavrin D. Natural cytotoxicity reactivity of mouse lymphoid cells against syngeneic acid allogeneic tumors. I. Distribution of reactivity and specificity. Int. J. Cancer 16:216-229, 1975. 3. Kiessling R, Klein E, Wigzell H. Natural killer cells in the mouse. I. Cytotoxic cells with specificity for mouse Moloney leukemia cells. Specificity and distribution according to genotype. Eur. J. Immunol. 5:112-117, 1975. 4. Wu J, Lanier LL. Natural killer cells and cancer. Adv. Cancer Res. 90:127-156, 2003. 5. Ruggeri L, Capanni M, Tosti A, Urbani E, Posati S, Aversa F, Martelli MF, Velardi A. Innate immunity against hematological malignancies. Cytotherapy 4:343-346, 2002. 6. Robbins SH, Brossay L. NK cell receptors: emerging roles in host defense against infectious agents. Microbes Infect. 4:1523-1530, 2002. 7. Slifka MK, Pagarigan RR, Whitton JL, NK markers are expressed on a high percentage of virus-specific CD8+ and CD4+ T cells. J. Immunol. 164:2009-2015, 2000. 21
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