Introduction à la pharmacogénétique - Québec Pharmacie - Profession Santé

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Introduction à la pharmacogénétique - Québec Pharmacie - Profession Santé
Québec
                          Pharmacie
                          La référence en formation continue

                          Janvier – février 2020 vol. 67 n˚ 1

    Introduction à la
   pharmacogénétique

Incontinence urinaire
chez la personne âgée
Hidradénite suppurée                                      4 h DE FC
                                                  N° d’accréditation de l’OPQ : 7734
Le crisaborole
Intervenir sur l’asthme
Introduction à la pharmacogénétique - Québec Pharmacie - Profession Santé
sommaire                Janvier – février 2020     |   vol. 67    |    n° 1

                              Éditorial                                  À vos soins          Place aux questions
                              Nos amis les ATP                           Incontinence         Qu’est-ce que
                                                                         urinaire chez        l’hidradénite
                                                                         la personne âgée :   suppurée ?
                                                                         traiter prudemment

                              Les pages bleues                                                Avez-vous entendu
                              Introduction                                                    parler de…
                              à la pharmaco­                                                  Le crisaborole
                              génétique                                                       (EucrisaMD)

                              Intervenir

                                                                     FC
                              Asthme : retombées                         QUESTIONS DE
                              de l’implication                                                répondez sur
                              du pharmacien

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par Céline Léveillé-Imbeault, pharmacienne, B. Pharm., M. Sc.
    éditorial
                                   Rédactrice en chef

                           Nos amis les ATP
                           J’écoutais récemment les conversations de mes collègues sur les préoccupations de
                           l’heure dans ce merveilleux monde de la pharmacie. Ce qui a retenu le plus mon
                           attention, c’est la pénurie d’assistants techniques en pharmacie (ATP), qui s’aggrave
                           au fil des ans, à l’instar du manque criant de main-d’œuvre qui frappe le Québec
                           depuis plusieurs années. Malheureusement, en matière de main-d’œuvre, il y a peu
                           d’espoir que le problème se résorbe bientôt, quand les spécialistes prévoient que les
                           taux de croissance de la population active ne dépasseront pas 0,2 % au cours des
                           10 prochaines années*.
                               Depuis 20 ans, le personnel technique a suivi, en général de bon cœur, les multiples
                           changements dans la profession. Depuis la pénurie de pharmaciens jusqu’à la mise en
                           application des nouveaux actes pharmaceutiques de la loi 41 et bientôt de la loi 31 en
                           passant par l’imposition de nouvelles normes de pratique et d’agrément pour les
                           établissements, nos amis les ATP ont vu eux aussi leur métier subir de nombreuses
                           transformations en raison d’une plus grande complexité de leurs tâches et,
                           évidemment, de leurs responsabilités. Les établissements, les pharmacies et leurs ATP
                           prennent de plus en plus durement la mesure des nombreux bouleversements
                           découlant de l’augmentation du nombre d’ordonnances et d’actes pharmaceutiques,
                           ainsi que de la complexité accrue de la pharmacothérapie chez des personnes de plus
                           en plus malades. Un rehaussement de la formation des ATP se fait sentir plus que
                           jamais afin de seconder efficacement les pharmaciens.
                               Depuis 2011, l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ) et son groupe de travail,
                           où siège notamment l’Association québécoise des assistants techniques en pharmacie
                           (AQATP), effectuent un travail colossal afin de fournir des balises solides au métier
                           d’ATP. En 2012, il y a eu publication des tout premiers standards de pratique pour le
                           personnel technique créant, du même coup, deux catégories d’ATP, soit le personnel
                           technique et le personnel de soutien technique. En 2014, l’OPQ présentait les profils
                           de compétences de ces deux catégories de personnel technique.

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Depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement caquiste, on a vu se multiplier les
                           demandes de l’OPQ, de l’Association des pharmaciens des établissements de santé du
                           Québec (APES), de l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP)
                           et même de l’AQATP pour rehausser la formation des techniciens en pharmacie, tout
                           en améliorant le programme d’ATP en pharmacie de niveau secondaire. Québec a
                           donné son aval au projet à l’automne 2019. Les travaux sont déjà en cours et tout porte
                           à croire qu’on aura nos premières cohortes sur les bancs de cégeps en septembre 2021.
                           Enfin.
                               Mais, dans l’attente d’un nombre suffisant de nouveaux diplômés, il faudra faire
                           preuve de plus de leadership et d’imagination afin que l’élan de la pharmacie ne soit
                           pas freiné par le manque de soutien technique, tant en pharmacie communautaire
                           qu’en pharmacie d’établissement. J’observe présentement que la profession s’engage
                           de plus belle sur un terrain glissant, celui où plus de tâches techniques sont effectuées
                           par les pharmaciens, afin de compenser le manque de personnel technique ou leurs
                           qualifications insuffisantes. C’est un bandage sur une blessure dont il faudrait se
                           préoccuper de manière plus assidue et plus globale.
                               Face au gouvernement, il serait intéressant de s’allier aux ATP pour faire valoir
                           l’importance de leur travail et les appuyer de manière plus concrète dans leurs
                           revendications. Il faut certes revoir nos processus afin d’être plus efficaces et
                           performants, et même envisager de réduire notre panier de services. Attirer les
                           employés avec de nouvelles plateformes, offrir un meilleur suivi de nos nouvelles
                           recrues, rembourser une partie de la mise à niveau collégiale, retenir les plus âgés (en
                           ajoutant des vacances ?) ne sont que quelques exemples de mesures à mettre en place.
                           Soyez inventifs mais pertinents : offrez le transport en commun, associez-vous avec
                           une garderie, rendez disponible la livraison d’un traiteur, achetez un panier de fruits
                           par semaine, engagez un professeur de méditation… Bref, distinguez-vous pour
                           attirer la main-d’œuvre et la retenir en rendant les milieux de travail plus accueillants.
                           Voilà un nouveau défi de taille pour la prochaine décennie. n

                           * Banque de développement du Canada. Graphique 1 : Déclin du taux de croissance de la population
                             active au Canada, page 3. Dans : BDC. Étude : Pénurie de main-d’œuvre : un problème tenace.
                             Septembre 2018. Disponible : https://www.ledevoir.com/documents/pdf/2019-01-15-penurie-main-
                             doeuvre.pdf

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Texte rédigé par Yamina Belghache, étudiante au programme de qualification
                             en pharmacie (QeP)
  à vos soins
                             Révision : Peggah Badii, B. Pharm., et Simon Moretti, B. Pharm., clinicien associé à l’Université
                             de Montréal, Pharmacie Gaétan Couillard et Simon Moretti, affiliée à Uniprix, Laval.
                             L’auteure et les réviseurs scientifique ne déclarent aucun conflit d’intérêts lié à la rédaction
                             de cet article.

                             Texte original soumis le 3 décembre 2019.
                             Texte final remis le 6 décembre 2019.

                             Cette chronique présente un cas clinique selon une note SOAP, suivi d’une liste de conseils
                             et d’actes pharmaceutiques s’appuyant sur les différentes étapes de prestation de
                             soins pharmaceutiques.
                             Responsables de cette chronique :

                                     Christophe Augé, pharmacien, M. Sc., Ph. D.

                                     Annie-France Gingras, B. Pharm.

                           Incontinence urinaire
                           chez la personne âgée :
                           traiter prudemment
                           Discussion
                           L’incontinence urinaire (IU), perte involontaire d’urine, est un sujet peu abordé par
                           nos patients, souvent à cause de la gêne et même de la honte qu’ils éprouvent.
                           Considérant que ce problème est une conséquence normale du vieillissement, ils ne
                           se doutent pas qu’ils pourraient bénéficier d’un arsenal thérapeutique permettant
                           d’améliorer leurs symptômes ainsi que leur qualité de vie.

  QUESTION DE              Objectifs d’apprentissage
                           1. Comprendre l’impact              2. Connaître l’importance des               3. Évaluer les traite-
                              de l’incontinence                   mesures non pharmacolo-                     ments pour l’inconti-
                              urinaire sur le quotidien           giques dans la prise en charge              nence urinaire chez
                              du patient âgé.                     de la problématique.                        la personne âgée.

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Une patiente de 76 ans vient renouveler ses ordonnances avec un léger retard. En
                               discutant avec elle, vous apprenez qu’elle a l’impression d’avoir des troubles de mémoire
    Cas clinique
         1/1                   depuis quelque temps. Elle vous dit aussi oublier parfois certaines tâches qu’elle avait
                               prévu de faire, ce qui est contraire à ses habitudes. Elle se dit inquiète et se demande si
                               ce ne serait pas un effet secondaire d’un de ses médicaments.

                               L’IU est souvent de type mixte chez les personnes âgées, c’est-à-dire qu’elle
                           combine incontinence de stress (relâchement du sphincter urétral qui provoque une
                           fuite d’urine à la suite d’un effort, tel que toux ou éternuement) et incontinence par
                           impériosité (vessie hyperactive due à une contraction du muscle de la vessie qui
                           entraîne un besoin immédiat d’uriner avant que la vessie ne soit pleine). Selon l’étude
                           canadienne de Herschorn et coll., la prévalence des symptômes de vessie hyperactive
                           s’accroît avec l’augmentation de l’espérance de vie chez les deux sexes, soit de 23,8 %
                           chez les plus de 60 ans comparativement à 12,2 % chez les moins de 60 ans1,2,3.
                               Bien que l’IU ne mette pas en danger la vie du patient, plusieurs études ont montré
                           l’impact négatif de ce problème sur la qualité de vie, principalement sur le plan social
                           et psychologique. Les patients choisissent souvent de rester à la maison, car leur état
                           engendre de l’inconfort et de la gêne. Les nycturies ont également un impact sur la
                           qualité du sommeil, occasionnant une fatigue diurne. Ainsi, l’anxiété et l’isolement
                           social seraient des conséquences fréquentes de l’IU, ce qui va à l’encontre des objectifs
                           de prise en charge des personnes âgées, soit le maintien de l’autonomie et des activités
                           fonctionnelles le plus longtemps possible1,3.
                               Afin de prévenir cette problématique, la prise en charge de l’incontinence chez les
                           sujets âgés est primordiale.
                               Les mesures non pharmacologiques (MNP) constituent le traitement de première
                           ligne, principalement chez les aînés, étant donné leur sensibilité plus élevée aux effets
                           indésirables des médicaments.
                              Avant même l’instauration des MNP, l’éducation du patient est une étape
                           importante étant donné que les interventions sont liées au comportement et à des
                           modifications du style de vie. Une bonne compréhension du patient améliore son
                           observance du traitement et son implication dans la prise en charge de la
                           problématique. Ainsi, une explication avec des termes adaptés quant au
                           fonctionnement normal et aux modifications physiologiques du système urinaire est
                           pertinente. Plusieurs intervenants de la santé peuvent être impliqués dans ce volet
                           d’éducation, dont le pharmacien.

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Les MNP comportent deux volets. Le premier concerne la modification des
                           habitudes de vie, telle que la restriction de liquides après 18 h afin de réduire les
                           nycturies, la diminution de la consommation de café et de boissons contenant de
                           l’aspartame étant donné leur propriété diurétique, la perte de poids ainsi que la
                           régularisation du transit intestinal (la constipation étant souvent associée à l’IU).
                               Le second volet porte sur les techniques comportementales avec entraînement de
                           la vessie et du périnée (exercices de Kegel). L’entraînement vésical vise à modifier les
                           habitudes mictionnelles au moyen de différentes stratégies. Il inclut une planification

               Mme M.O. vient renouveler ses ordonnances avec un léger retard, elle nous dit que, récemment,
               elle a eu des petits oublis de plus en plus fréquents.

               Femme de 76 ans. Non-fumeuse. 79 kg
               Rx au dossier :
               n Solifénacine 10 mg die (incontinence urinaire)
               n Venlafaxine 37,5 mg die (anxiété)
               n Apixaban 2,5 mg bid (prévention thromboembolie)

               ClCr : 73 ml/min
               Aucune allergie connue
               Solifénacine depuis six ans

               Selon les critères de BEERS, les anticholinergiques peuvent entraîner chez les personnes âgées un déclin
               de la mémoire et des fonctions cognitives à long terme8.
               Si on ne peut se passer de ces molécules, le choix dépendra du potentiel de passage de la barrière hémato-
               encéphalique (BHE). La solifénacine, en raison de son passage de la BHE, pourrait être responsable du déclin
               de la mémoire de la patiente.
               D’autres solutions de rechange plus sécuritaires sont disponibles, telles que la fésotérodine (recommandations
               FORTA7). Le trospium serait aussi un bon choix vu qu’il présente un faible passage BHE, en plus d’un potentiel
               moins élevé d’interactions médicamenteuses (il est métabolisé par les estérases). Cependant, la prise BID à
               jeun pourrait avoir un impact négatif sur l’observance du traitement.
               Le mirabegron, avec un mécanisme d’action diffèrent (agoniste β3- adrénergique), pourrait également être
               utilisé étant donné que la patiente ne présente pas de contre-indications.

               n    Réviser les MNP avec Mme M.O.
               n    Discuter avec elle des choix de traitement sécuritaires pour son incontinence urinaire
               n    Suggérer au médecin de remplacer la solifénacine par la fésotérodine ou le mirabegron (opinion
                    pharmaceutique)
               n    Suivi : tolérance 2 semaines postchangement – efficacité après huit semaines – efficacité, tolérance
                    et adhésion aux renouvellements
               n    Note au dossier

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I    RÉPARTITION DES RÉCEPTEURS MUSCARINIQUES DANS LE CORPS HUMAIN4

  Cinq sous-types de récepteurs muscariniques dans un ou plusieurs organes chez le rat et l’homme di
  M1                                 Cerveau (cortex, hippocampe), ganglions sympathiques et glandes. Son inhibition
                                     peut entraîner des troubles cognitifs et une perte de mémoire.
  M2                                 Cœur, muscle lisse, cerveau. Son inhibition peut provoquer une prolongation de
                                     l’intervalle QT, ce qui risque d’entraîner de l’arythmie et de la tachycardie.
  M3                                 Muscle lisse, glandes, cerveau. Son inhibition peut entraîner une sécheresse
                                     buccale, de la constipation et des troubles de la vision.
  M4                                 Cerveau. Son inhibition peut entraîner des troubles cognitifs.
  M5                                 Hippocampe et autres zones du cerveau (substance grise), œil.
                                     Son inhibition peut entraîner des troubles cognitifs8,10.

                           de la miction sans attendre l’envie pressante d’uriner ou le recours à des horaires de
                           miction fixes avec allongement progressif des intervalles intermictionnels en fonction
                           de la réponse du patient. Les exercices de Kegel, qui consistent à contracter uniquement
                           les muscles du plancher pelvien en évitant de contracter fesses, ventre ou cuisses,
                           renforcent les muscles du périnée et améliorent le contrôle urinaire. Ils doivent être
                           effectués dans différentes positions, soit debout, assis et allongé.
                               Selon une étude comparative Cochrane, les techniques comportementales
                           présentent une efficacité comparable à celle des médicaments, et même une
                           supériorité dans certaines études (réduction des épisodes d’incontinence, réduction
                           de la fréquence des mictions et de la nycturie, et amélioration de la qualité de vie). Ces
                           techniques sont toutefois souvent difficiles à instaurer chez les personnes âgées sans
                           l’accompagnement du personnel soignant (physiothérapeute, personnel infirmier,
                           etc.), ce qui en limite l’implantation1,3.
                              Un suivi de l’efficacité des MNP est recommandé après au moins six mois afin
                           d’évaluer la nécessité d’introduire un traitement pharmacologique1,3.

                           Traitement pharmacologique
                           L’arsenal thérapeutique pharmacologique repose principalement sur deux classes de
                           médicament : les anticholinergiques et les agonistes β3-adrénergiques.
                               Les anticholinergiques constituent la pierre angulaire du traitement de l’IU.
                           Plusieurs molécules sont commercialisées (oxybutynine, toltérodine, solifénacine,
                           darifénacine, trospium, fésotérodine). Elles inhibent les récepteurs muscariniques M3
                           au niveau des voies urinaires, ce qui permet de réduire les contractions détrusoriennes

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II CARACTÉRISTIQUES DES DIFFÉRENTS ANTIMUSCARINIQUES6

                          Lipophilicité     Sélectivité des          Pénétration   Élimination          Dose
                                            récepteurs               potentielle
                                            (M3 et M1)               de la BHE 5
  Oxybutynine             ++++              M1 et M3                 ++++          Hépatique,           5 mg B-TID (IR)
  (DitropanMD)                                                                     3A4                  5 à 10 mg DIE (LA)
  Darifénacine            +++               M3 (9,3 :1)              ++            Hépatique,           7,5 à 15 mg DIE
  (EnablexMD)                                                                      2D6 et 3A4
  Toltérodine             ++                Non sélectif             +++           Hépatique,           1 à 2 mg BID (IR)
  (Detrol MD)                                                                      2D6 et 3A4
                                                                                                        2 à 4 mg DIE (LA)
  Fésotérodine            ++ (moindre       Non sélectif             +             Hépatique, fésoté-   4 à 8 mg DIE
  (Toviaz MD)             avec le mé-                                              rodine en 5-HMT
                          tabolite actif                                           via les estérases,
                          5-HMT +)                                                 5-HMT, 2D6 et 3A4
  Solifénacine            ++                M3 (2,5 :1)              +++           Hépatique,           5 à 10 mg DIE
  (Vesicare MD)                                                                    surtout 3A4
  Trospium                0                 Non sélectif             0             Rénale, inchangé     20 mg BID 1 heure
  (Trosec MD)                                                                                           avant les repas, sur
                                                                                                        un estomac vide

                           lors de la phase de remplissage sans compromettre la contractilité du détrusor durant
                           la miction.
                               Cependant, ces molécules agissent sur les autres récepteurs M situés dans tout
                           l’organisme (tableau I ), responsables des nombreux effets secondaires
                           cholinergiques connus3.
                               Plusieurs études ont démontré que l’efficacité des différentes molécules sur le
                           nombre de mictions par 24 heures et le nombre d’épisodes de fuites était comparable5.
                           Ainsi, le choix de la molécule dépendra davantage des caractéristiques de la molécule
                           (voir tableau II ) et d’autres considérations.
                               Avec les agents antimuscariniques, les effets secondaires les plus souvent observés
                           et responsables de l’inobservance thérapeutique affectent principalement le système
                           digestif, tels que la sécheresse de la bouche et la constipation. Les effets secondaires
                           sur le système nerveux ne sont pas à négliger non plus, car ils sont plus préjudiciables,
                           notamment chez les personnes âgées. Les pharmaciens ont un rôle à jouer sur ce
                           point, étant donné leur contact régulier avec les patients.

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Avec le vieillissement, les modifications pharmacocinétiques (absorption,
                           distribution, métabolisme, élimination) et pharmacodynamiques (réduction de
                           l’activité cholinergique ou diminution des récepteurs cholinergiques et augmentation
                           de la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique [BHE]) rendent les personnes
                           âgées plus sensibles aux effets anticholinergiques des médicaments. La polypharmacie
                           fréquente chez ces patients augmente le risque de combiner plusieurs de ces
                           médicaments dont les effets peuvent être additifs (fardeau anticholinergique). Ce
                           phénomène peut entraîner des troubles cognitifs, tels que perte de mémoire,
                           confusion et délirium dans les cas les plus graves1,5.
                              La molécule idéale serait la plus spécifique aux récepteurs M3 avec un faible
                           passage de la BHE (en fonction de la lipophilie, de la polarité et de la taille de la
                           molécule). D’autres critères, tels que les comorbidités et les interactions
                           médicamenteuses, devraient également être pris en compte.
                               Parmi les différents outils de prise de décision pour les médicaments inappropriés
                           en gériatrie, seule l’oxybutynine fait l’unanimité : elle ne devrait pas être utilisée en
                           gériatrie5,7.
                                Le choix parmi les autres molécules anticholinergiques diffère selon les sources.
                           Toutefois, plusieurs études soutiennent l’utilisation privilégiée du trospium et de la
                           fésotérodine chez la personne âgée. Le trospium (ammonium quaternaire) et la
                           fésotérodine présentent plusieurs avantages. D’abord, ils ne traversent pas la BHE. De
                           plus, leurs métabolites, en tant que substrats de la glycoprotéine P (P-gp), sont soumis
                           à un mécanisme d’efflux efficace à travers la BHE, contrairement à la solifénacine et
                           à l’oxybutynine. Le trospium présente moins de risques d’interactions, étant donné
                           que son métabolisme se fait via les estérases. Néanmoins, la prise BID à jeun limite
                           son utilisation en compromettant l’adhésion au traitement8,9.
                              Selon les recommandations FORTA7, la fésotérodine constitue le traitement à
                           recommander, contrairement aux autres anticholinergiques qui doivent être utilisés
                           avec précaution.
                                Le mirabegron, un β3-adrénergique, dont l’action repose sur l’activation des
                           adrénorécepteurs présents dans l’urothélium et le détrusor, provoquant ainsi une
                           relaxation musculaire, présente, selon les études10, une efficacité comparable à celle
                           des anticholinergiques, jumelée à un profil sécuritaire concernant les fonctions
                           cognitives. Par contre, le risque d’allongement de l’intervalle QT et l’augmentation de
                           la tension artérielle peuvent limiter son utilisation.

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Opinion pharmaceutique
      Docteur,
      Lors de sa plus récente visite à la pharmacie, Mme M.O. nous a fait part de son inquiétude quant
      à des pertes de mémoire de plus en plus fréquentes. À la suite d’une analyse de son dossier phar-
      macologique, nous avons constaté que Mme M.O. prenait de la solifénacine 10 mg die depuis
      six ans. Ce médicament est un anticholinergique à fort passage de la BHE et son utilisation à
      long terme pourrait être une cause de ses troubles cognitifs.
         Afin de remédier à cette situation, il me semble approprié de remplacer la solifénacine par
      une molécule aussi bénéfique, mais plus sécuritaire, telle que :
      1. Fésotérodine 4 mg die à augmenter selon tolérance et efficacité
      2. Mirabegron 25 mg die à augmenter selon tolérance et efficacité
      3. Autre
      En toute collaboration,
      Le pharmacien

                           Conclusion
                           La prise en charge de l’IU repose en premier lieu sur l’implantation des MNP. Si un trai-
                           tement pharmacologique s’avère nécessaire, le choix devrait reposer sur des molécules
                           ayant un meilleur profil d’effets secondaires et un impact moindre sur les fonctions
                           cognitives, en particulier lors de leur utilisation par des patients âgés. Actuellement, le
                           trospium, la fésotérodine et le mirabegron seraient les molécules de choix.

                           Acte pharmaceutique facturable
                           Innocuité : substituer un médicament prescrit par un autre...... WV n

                           Références
                           Les références en gras indiquent au lecteur les références principales de l’article,
                           telles que choisies par l’auteur.
                           1. P, MEYER. Algorithmes et incontinence urinaire des séniors : évaluations, traitements,
                              recommandations et niveaux de preuve. Revue de la littérature : Progrès en urologie (2017),
                              27,111-45.
                           2. Pamela L. Ramage-Morin et Heather Gilmour. Incontinence urinaire et solitude chez les personnes
                              âgées au Canada, n° 82-003-X au catalogue de Statistique Canada. Octobre 2013.
                           3. Jacques Corcos, FRCSC1, Dr Mikolaj Przydacz1, Dre Lysanne Campeau, et coll. Guide de pratique
                              de l’AUC sur la prise en charge de la vessie hyperactive chez l’adulte, 9 mai 2017 https://www.cua.
                              org/themes/web/assets/files/4586_oab_guidelines_french.pdf

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4. Abdelmounaim Qarro, MD, Mohammed Asseban, et coll. Anticholinergiques et hyperactivité
                               vésicale, Can Urol Assoc J. 2014 Jan-Feb ; 8 (1-2): E36–E43.
                           5. Geoffrion R. N(o) 353 - Traitements visant la vessie hyperactive : Accent sur la pharmacothérapie -
                               Addenda. J Obstet Gynaecol Can. 2017; Dec; 39 (12): 1230-39.
                           6. Nancy Audet. Quel est le meilleur traitement antimuscarinique de la vessie hyperactive chez une
                               patiente atteinte d’Alzheimer ? Québec Pharmacie, février-mars 2014, 41-2, www.professionsante.ca
                           7. Oelke M, Becher K, Castro-Diaz D, Chartier-Kastler E, Kirby M, Wagg A, Wehling M.
                               Appropriateness of oral drugs for long-term treatment of lower urinary tract symptoms in
                               older persons: Results of a systematic literature review and international consensus validation
                               process (LUTS-FORTA 2014). Age Ageing. 2015 Sep; 44 (5): 745-55.
                           8. Geoffrion R. N (o) 283. Traitements visant la vessie hyperactive : Accent sur la pharmacothérapie.
                               J Obstet Gynaecol Can. 2018 Jan; 40 (1): e33-e44.
                           9. Gamé X, Peyronnet B, Cornu JN. Fesoterodine: Pharmacological properties and clinical
                               implications. Eur J Pharmacol. 2018 Aug 15; 833:155-7.
                           10. Wagg A, Staskin D, Engel E, Herschorn S, Kristy RM, Schermer CR. Efficacy, safety, and
                               tolerability of mirabegron in patients aged ≥ 65yr with overactive bladder wet: A phase IV,
                               double-blind, randomised, placebo-controlled study (PILLAR). Eur Urol. 2019 Nov 13. pii:
                               S0302-2838(19)30768-7.

     QUESTIONS DE
                                                           Répondez à ces questions en vous rendant sur eCortex.
                                                           Date limite : 28 février 2021. Donne 4 h.
                                                           N° d’accréditation : 7734

     1. Lequel parmi les énoncés suivants est vrai ?
     n L’IU chez la personne âgée est de type mixte.
     n L’IU est une conséquence normale du vieillissement.
     n La prise en charge de l’IU n’est pas si importante, puisqu’elle n’a aucun impact sur la santé des aînés.

     2. Lequel parmi les énoncés suivants est vrai ?
     n Les MNP sont moins efficaces que les traitements pharmacologiques.
     n L’efficacité des MNP doit être évaluée après deux mois de mise en place.
     n Les exercices de Kegel doivent être effectués en position assise, debout et couchée.
     n Une restriction liquidienne toute la journée fait partie des MNP à recommander.

     3. Lequel parmi les énoncés suivants est vrai ?
     n L’oxybutynine est un anticholinergique de choix chez les personnes âgées.
     n La fésotérodine est la molécule à recommander aux personnes âgées.
     n Le mirabegron est sécuritaire chez les sujets avec fibrillation auriculaire.

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Texte rédigé par Thomas Weil, pharmacien, M. Sc., Pharmacologie appliquée,
     place                   Pharmacie François Lalande.
      aux
   questions                 Réviseure : Rébecca Paré, B. Pharm., candidate au DESS en pharmacie communautaire
                             de l’Université Laval, Pharmacie Frédéric Lahoud.
                             L’auteur et la réviseure scientifique ne déclarent aucun conflit d’intérêts lié à la rédaction
                             de cet article.

                             Texte original soumis le 15 janvier 2019.
                             Texte final remis le 17 septembre 2019.

                             Cette chronique fournit une information claire et concise à des questions d’ordre clinique
                             posées par des pharmaciens. Elle a l’avantage de proposer des réponses courtes à des
                             questions touchant un ensemble de sujets d’intérêt pour les cliniciens exerçant aussi bien
                             en milieu communautaire qu’en établissement de santé.
                             Responsable de cette chronique :

                                    Sandra Bélanger, B. Pharm.

                                    Geneviève Tirman, B. Pharm., diplôme de 2e cycle en pharmacie communautaire

                           Qu’est-ce que
                           l’hidradénite suppurée ?
                           L’hidradénite suppurée est une maladie inflammatoire cutanée chronique qui se
                           présente sous la forme de lésions récurrentes souvent douloureuses. Elle est aussi
                           appelée « hidrosadénite » ou « acné inversée ». Cette maladie affecte les glandes
                           sudoripares apocrines; on la retrouve donc surtout au niveau des régions à forte
                           pilosité, comme les aisselles, le périnée et la région inguinale1-3.
                               Les lésions se présentent d’abord sous forme de nodules, d’abcès et de comédons.
                           Elles sont associées à de la douleur et à une mauvaise odeur. Dans les formes sévères, les
                           lésions se rejoignent et évoluent vers une fistulisation, la formation de tractus sinusaux

                           Objectifs d’apprentissage
  QUESTIONS DE
                           1. Savoir ce qu’est              2. Connaître les principaux               3. Savoir conseiller le patient
                              l’hidradénite                    médicaments utilisés                      sur ses traitements dans
                              suppurée.                        dans le traitement de                     le cadre de cette maladie.
                                                               l’hidradénite suppurée.

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Monsieur B, 54 ans, fumeur, IMC 29 kg/m2, vient régulièrement à la pharmacie chercher
                               des antibiotiques pour des folliculites récurrentes. En effet, au cours de la dernière année, il
    Cas clinique               a reçu quatre traitements par cloxacilline, un par céfadroxil, un par amoxicilline-acide
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                               clavulanique et un par clindamycine, pour 7 à 10 jours chacun. Au terme de sa
                               consultation chez le dermatologue ce jour même, il a reçu une ordonnance de
                               clindamycine 300 mg en association avec de la rifampicine 300 mg par voie orale deux
                               fois par jour pour trois mois. Dans son dossier pharmacologique, vous constatez qu’il prend
                               de l’atorvastatine 20 mg une fois par jour. Il vous demande si ce nouveau traitement est
                               indiqué dans sa situation. Le dermatologue lui a parlé d’hidradénite suppurée.

                           et une suppuration chronique, avec l’apparition de cicatrices. Outre les complications
                           locales comme les fistules (par exemple, au niveau de l’anus), des complications générales
                           peuvent survenir (sepsis, anémie). L’hidradénite suppurée a des répercussions sur la
                           qualité de vie des patients, notamment en raison de la peur d’être stigmatisé. C’est une
                           maladie qui n’altère pas l’espérance de vie, mais qui a un fort retentissement psychosocial,
                           ce qui ne doit pas être négligé lors de la prise en charge du patient1-3.
                              Il existe diverses comorbidités associées à l’hidradénite suppurée, dont le
                           syndrome métabolique, le syndrome du côlon irritable, l’acné vulgaire, l’acné conglo-
                           bata et le sinus pilonidal. On retrouve aussi différentes maladies inflammatoires
                           ou auto-immunes, dont la maladie de Crohn, la colite ulcéreuse et la
                           spondylarthropathie1-3.
                                Selon différentes estimations, la maladie touche entre 1 % et 4 % de la population.
                           Les symptômes apparaissent généralement à la puberté et avant l’âge de 40 ans. Les
                           femmes sont plus souvent atteintes que les hommes. Il existe différents facteurs de
                           risque associés à l’apparition ou à l’exacerbation de la maladie, tels que le tabagisme
                           (la nicotine stimulerait l’occlusion du follicule), le stress mécanique par la pression et
                           la friction (pouvant induire des lésions ailleurs que celles citées précédemment, soit
                           sous les seins, sur les fesses ou à l’intérieur des cuisses), l’obésité et les antécédents
                           familiaux d’hidradénite suppurée. Étant donné leur rôle hormonal, certains
                           médicaments pourraient favoriser l’apparition de la maladie ou en aggraver les
                           symptômes, tels que les progestatifs androgéniques (acétate de médroxyprogestérone
                           intramusculaire ou stérilet contenant du lévonorgestrel). Le lithium est également
                           impliqué chez certains patients1,3,4.
                               La physiopathologie, bien que non complètement élucidée, impliquerait une occlusion
                           du follicule pileux suivie d’une rupture de celui-ci, associée à une réponse immunitaire
                           locale exagérée. Les bactéries pourraient aussi jouer un rôle dans l’apparition des lésions,

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I    MESURES NON PHARMACOLOGIQUES2,3,6

  Éviter les traumatismes, dont le rasage (ils peuvent favoriser l’apparition de lésions); préférer des vêtements amples
  en coton et éviter la chaleur excessive, ainsi que les frottements (p. ex. : gants abrasifs, crèmes exfoliantes).
  Utiliser un antiseptique topique sous la douche (de type chlorhexidine 4 %) une fois par semaine
  à quotidiennement selon la tolérance.
  Abandonner le tabac (le pharmacien peut jouer un rôle important dans le cadre de la loi 41 pour prescrire au
  patient des substituts nicotiniques).
  Perdre du poids grâce à une alimentation saine.

                           bien que les cultures soient souvent négatives ou montrent uniquement des bactéries
                           commensales (de la flore cutanée normale). Cette hypothèse est donc de plus en plus
                           controversée et on s’attarde davantage au processus inflammatoire4.
                               Le diagnostic est clinique et repose sur la présentation des lésions (type et
                           localisation) et sur leur caractère récidivant. Le temps moyen avant d’établir celui-ci
                           est de sept ans, puisqu’un diagnostic erroné de furoncle récidivant est parfois posé6.
                           L’examen physique des lésions doit évaluer la surface et le type de lésions selon la
                           classification clinique de Hurley :
                           n   Stade 1 (léger) : abcès unique ou abcès multiples sans tractus sinusaux ni
                               cicatrices.
                           n   Stade 2 (modéré) : abcès récidivants avec tractus sinusaux et cicatrices.
                           n   Stade 3 (sévère) : tractus sinusal diffus ou multiples tractus sinusaux
                               interconnectés et abcès sur toute la région3.

                           Le traitement dépend alors du stade de la maladie. Les objectifs sont de réduire la
                           fréquence des nouvelles lésions afin de diminuer la douleur et la suppuration, de
                           prévenir la progression de la maladie pour éviter les cicatrices et de traiter les lésions
                           existantes, tout cela dans le but d’améliorer la qualité de vie du patient6. Un diagnostic
                           adéquat posé tôt permet de limiter la progression de la maladie vers les stades plus
                           sévères en utilisant rapidement les traitements appropriés1.

                           Mesures non pharmacologiques
                           Il est important de rassurer le patient en lui rappelant que cette maladie n’est pas liée
                           à un manque d’hygiène et n’est pas contagieuse. Les patients peuvent se sentir
                           stigmatisés et avoir besoin d’un soutien psychologique. Les mesures non
                           pharmacologiques sont présentées dans le tableau I . Bien que non démontrées dans
                           des études randomisées, ces mesures semblent aider certains patients2,3,6.

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Traitement pharmacologique
                           Les recommandations sont basées notamment sur les lignes directrices européennes
                           sur le traitement de l’hidradénite suppurée. Il est à noter que, vu la rareté de la maladie,
                           il existe peu d’études randomisées fiables avec un échantillon intéressant de patients.
                           Les traitements diffèrent selon le stade de la maladie, mais, dans tous les cas, les
                           mesures non pharmacologiques doivent être appliquées. Outre les traitements
                           spécifiques, il ne faut pas négliger la maîtrise de la douleur (AINS, acétaminophène
                           ou opioïdes au besoin), ainsi que le traitement de la dépression ou de l’anxiété, si le
                           patient en présente les symptômes. Il faut savoir que les récidives sont fréquentes; le
                           patient doit aussi en être informé. Parfois, les lésions nécessitent un traitement
                           chirurgical, ce qui ne sera pas abordé dans le cadre de cet article3,5.

                           Stade 1
                           Au stade 1, le traitement local est privilégié. Tout d’abord, la solution de clindamycine
                           topique 1 % est utilisée à raison d’une application deux fois par jour au niveau des
                           lésions. Les effets indésirables sont principalement locaux avec des sensations de
                           brûlure ou d’irritation au site d’application6-8.
                               Une crème de résorcinol à 15 % appliquée deux fois par jour au niveau des nodules
                           est aussi parfois utilisée pendant la poussée active. La fréquence est ensuite diminuée
                           à une fois par jour en entretien. Cette molécule a des effets kératolytiques et anti-
                           inflammatoires. N’étant pas commercialisé au Canada, ce médicament doit être
                           obtenu auprès des pharmacies faisant des préparations magistrales. L’effet indésirable
                           principalement observé est la desquamation de la peau2,6.
                                Des injections intralésionnelles de corticostéroïdes sont possibles, mais elles ne
                           seront pas abordées dans cet article6. Quant aux traitements à base d’antibiotiques
                           par voie orale de courte durée, comme les bêta-lactamines, ils semblent inefficaces
                           pour ralentir la progression, tout en favorisant la sélection de souches bactériennes
                           résistantes. Ils devraient donc être évités.6. Pour les patients de stade 1 pour lesquels
                           les traitements topiques sont inefficaces ou chez lesquels les lésions sont étendues sur
                           plusieurs sites, on envisage l’utilisation d’une tétracycline par voie orale6. Les détails
                           sont présentés dans la section suivante.

                           Stade 2
                           Les antibiotiques par voie orale sont souvent employés bien qu’on ne sache pas
                           exactement si leur efficacité résulte de la réduction de la colonisation bactérienne ou
                           de leurs effets anti-inflammatoires. Les principaux antibiotiques utilisés sont de la
                           famille des tétracyclines, soit la tétracycline à 500 mg deux fois par jour, la doxycycline

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à 100 mg une à deux fois par jour ou la minocycline à 100 mg une à deux fois par jour.
                           Les traitements doivent durer plusieurs mois. En fait, le seul de ces antibiotiques ayant
                           été étudié dans une étude randomisée en double aveugle contre placébo est la
                           tétracycline, et ce, pendant une durée de 16 semaines6.
                                Dans le cas de contre-indication ou d’absence de réponse au traitement par une
                           tétracycline, on peut utiliser l’association de rifampicine 300 mg et de clindamycine
                           300 mg à raison d’une prise deux fois par jour pendant 10 à 12 semaines. On s’attend
                           à une réponse chez près de la moitié des patients. Par contre, les rechutes sont possibles
                           à l’arrêt du traitement, soit chez 60 % des patients, après cinq mois. Cette association
                           entraîne des effets indésirables gastro-intestinaux chez un tiers des patients (diarrhées
                           et nausées). La prise de clindamycine est aussi susceptible de favoriser Clostridium
                           difficile. En revanche, certains auteurs avancent l’hypothèse selon laquelle la prise de
                           rifampicine diminuerait ce risque, étant donné que cet antibiotique est actif contre
                           cette bactérie6,9,10.
                               De plus, la rifampicine est un puissant inducteur de plusieurs enzymes et
                           transporteurs métabolisant les médicaments. Le nombre d’interactions possibles est
                           élevé et doit être étudié minutieusement pour chaque patient. Entre autres, il est
                           important de mentionner qu’elle peut réduire l’efficacité des contraceptifs oraux
                           combinés. Ce médicament a également la particularité d’entraîner une coloration
                           rouge-orangée des sécrétions (larmes, urine, selles, sueur, salive) et parfois même de
                           la peau3,6,9,10.
                              D’autres antibiotiques ou associations d’antibiotiques sont parfois utilisés :
                           dapsone ou association rifampicine, moxifloxacine et métronidazole, par exemple.
                               Dans tous les cas, après la durée initiale, il est possible de répéter la cure
                           d’antibiotiques si le traitement est efficace et bien toléré6.
                               D’autres classes pharmacologiques sont employées, comme les rétinoïdes oraux :
                           acitrétine, isotrétinoïne ou alitrétinoïne. De petites études ont montré une efficacité
                           chez certains patients, avec les effets indésirables habituels de ces médicaments
                           (sécheresse de la peau et des muqueuses, dyslipidémie, dépression, etc.). On rappelle
                           que ces médicaments sont tératogènes et qu’ils doivent être utilisés avec une méthode
                           contraceptive efficace chez la femme en âge de procréer. Les grossesses doivent être
                           évitées cinq semaines après ces traitements, sauf pour l’acitrétine pour laquelle il est
                           recommandé d’attendre trois ans3,6.
                              Enfin, un traitement hormonal peut être indiqué en raison du rôle des androgènes
                           dans l’apparition de l’hidradénite suppurée. Les traitements antiandrogènes
                           comprennent l’acétate de cyprotérone, les contraceptifs oraux combinés, la

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Vous rassurez Monsieur B. L’association rifampicine et clindamycine pendant trois mois
                               est indiquée dans sa situation. Environ la moitié des patients obtient une réponse
    Cas clinique               adéquate avec ce traitement. Vous lui expliquez les effets indésirables possibles et
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                               l’informez de la coloration rouge-orangée des sécrétions. Un suivi quant à l’apparition
                               de diarrhées ou d’autres troubles digestifs doit être réalisé. Vous lui indiquez qu’il existe
                               une interaction entre la rifampicine et l’atorvastatine (diminution de l’efficacité de
                               l’atorvastatine) et lui suggérez une intervention auprès du prescripteur pour changer de
                               statine (rosuvastatine, par exemple). Vous lui rappelez les principales mesures non
                               pharmacologiques et l’assurez de votre soutien s’il souhaite arrêter de fumer. Vous
                               n’oubliez pas de le questionner sur son humeur et sur la maîtrise de la douleur, tout en
                               lui rappelant que les récidives de cette maladie sont fréquentes.

                           spironolactone et le finastéride. Ces traitements nécessitent une surveillance étroite
                           en raison du risque de thromboses veineuses2,3,6.

                           Stade 3
                           Outre les rétinoïdes oraux, les agents biologiques et les immunosuppresseurs sont
                           envisagés dans cette situation.
                                Parmi les inhibiteurs du facteur de nécrose tumorale alpha, l’infliximab et
                           l’adalimumab ont été étudiés, l’étanercept ne semblant pas efficace dans cette
                           maladie6. Seul l’adalimumab (Humira MD) a reçu l’indication officielle de Santé
                           Canada pour traiter l’hidradénite suppurée modérément à fortement évolutive chez
                           les adultes et chez les adolescents (de 12 à 17 ans et pesant 30 kg ou plus) qui n’ont pas
                           répondu à un traitement classique, y compris un traitement par des antibiotiques à
                           action générale. Par contre, à l’heure actuelle, le traitement n’est toujours pas couvert
                           par la RAMQ pour cette indication. Les lecteurs intéressés par d’autres détails
                           pourront lire l’avis de l’INESSS disponible en ligne11,12.
                               Chez l’adulte ou chez l’adolescent de 60 kg et plus, l’adalimumab est utilisé à
                           raison de 160 mg (soit 160 mg le même jour ou divisé en deux doses de 80 mg pour
                           deux jours consécutifs) en injection sous-cutanée la première semaine (semaine 0),
                           puis de 80 mg deux semaines après la première injection, puis de 40 mg chaque
                           semaine à partir de la semaine 4. L’utilisation toutes les deux semaines ne semble pas
                           efficace chez l’adulte6. Chez les adolescents de 12 ans et plus de moins de 60 kg, on
                           utilise plutôt une dose initiale de 80 mg suivie d’une dose de 40 mg la semaine
                           suivante et de 40 mg toutes les deux semaines ensuite. On peut rapprocher les
                           injections à 40 mg toutes les semaines si nécessaire. Une amélioration doit être visible

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en 12 semaines maximum, sinon, il y a lieu de reconsidérer l’utilisation de ce
                           traitement. On peut continuer de prendre des antibiotiques pendant la prise
                           d’adalimumab. Le suivi est le même que pour les autres médicaments de cette classe.
                           Pour rappel, ils augmentent le risque d’infection, d’insuffisance cardiaque, de maladie
                           démyélinisante et de cancer. Des cas d’aggravation paradoxale d’hidradénite suppurée
                           ont même été rapportés3,6.
                               D’autres immunosuppresseurs plus traditionnels sont parfois utilisés, comme les
                           glucocorticoïdes par voie orale ou la cyclosporine. D’autres agents biologiques sont
                           aussi en cours d’évaluation, comme l’ustékinumab (anti-interleukine 12/23,
                           Stelara MD), l’anakinra (anti-interleukine 1, KineretMD) et le canakinumab (anti-
                           interleukine 1-bêta, IlarisMD)6. Les lecteurs peuvent se référer aux lignes directrices
                           européennes pour avoir davantage d’informations3. n

                           Références
                           Les références en gras indiquent au lecteur les références principales de l’article,
                           telles que choisies par l’auteur.
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                           2. Lee EY, Alhusayen R, Lansang P, Shear N, Yeung J. What is hidradenitis suppurativa? Can
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                           9. Monographie Tétracyclines Monographie de l’APhC - RxTx (eCPS) [Internet]. 2018 [Cité le 12 mai
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                           10. Scheinfeld N. Why rifampin (rifampicin) is a key component in the antibiotic treatment of
                               hidradenitis suppurativa: A review of rifampin’s effects on bacteria, bacterial biofilms, and the
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11. Dessinioti C, Zisimou C, Tzanetakou V, Stratigos A, Antoniou C. Oral clindamycin and rifampicin
                               combination therapy for hidradenitis suppurativa: A prospective study and 1-year follow-up. Clin
                               Exp Dermatol. déc 2016; 41(8): 852‑7.
                           12. INESSS. HUMIRA – Hidradénite suppurée – Avis de refus d’ajout d’une indication reconnue aux
                               listes des médicaments – Valeur thérapeutique [Internet]. 2016 [Cité le 15 janvier 2019.] Disponible :
                               https://www.inesss.qc.ca/fileadmin/doc/INESSS/Inscription_medicaments/Avis_au_ministre/
                               Octobre_2016/Humira_HS_2016_10.pdf

     QUESTIONS DE
                                                            Répondez à ces questions en vous rendant sur eCortex.
                                                            Date limite : 28 février 2021. Donne 4 h.
                                                            N° d’accréditation : 7734

     4. Parmi les facteurs de risque suivants, lequel n’est pas un facteur de risque démontré
        pour l’hidradénite suppurée ?
     n     Le tabac
     n     L’alcool
     n     L’obésité
     n     Certains médicaments comme le lithium
     n     La génétique

     5. Parmi les propositions suivantes concernant le traitement non pharmacologique
        et pharmacologique de l’hidradénite, quel énoncé est faux ?
     n Pour les lésions uniques sans tractus, un traitement par clindamycine topique 1 % peut être suffisant.

     n L’association de la rifampicine avec de la clindamycine peut être utilisée pour une période
        de 10 à 12 semaines pour les patients de stade 2.
     n Il est recommandé au patient d’utiliser un savon antibactérien et d’appliquer régulièrement
        une crème exfoliante sur les lésions pour permettre leur bonne cicatrisation.
     n L’adalimumab est le seul anti-TNF alpha indiqué officiellement par Santé Canada à ce jour
        pour le traitement de l’hidradénite suppurée.
     n Une répétition de traitement par cloxacilline est à éviter en raison de la sélection de souches
        bactériennes résistantes.

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Texte rédigé par Simon de Denus, B. Pharm., M. Sc. (Pharm), Ph. D., titulaire de la Chaire en
    les pages                pharmacogénomique Beaulieu-Saucier de l’Université de Montréal, chercheur, pharmacien,
      bleues                 Institut de cardiologie de Montréal, professeur titulaire, Faculté de Pharmacie,
                             Université de Montréal.
                             Révision : Isabelle Laverdière, B. Pharm., M. Sc., Ph. D., chercheur-boursier clinicien J1, FRQS;
                             professeur adjointe, Faculté de pharmacie, Université Laval, chercheur régulière, Centre de
                             Recherche du CHU de Québec-Université Laval, Axe oncologie, pharmacienne,
                             Département de pharmacie du CHU de Québec-Université Laval.
                             Déclaration de conflit d’intérêts : au cours de la dernière année, Simon de Denus a reçu une
                             subvention de recherche de Pfizer, Dalcor et Roche Molecular Sciences. Ces subventions ne sont pas
                             reliées aux sujets discutés dans cet article. Isabelle Laverdière ne déclare aucun conflit d’intérêts lié
                             à la rédaction de cet article.

                             Texte original soumis le 1er novembre 2019.
                             Texte final remis le 12 novembre 2019.

                             Bien connue comme le « cœur » de Québec Pharmacie, cette chronique offre l’occasion
                             de faire une mise à jour des connaissances en physiopathologie, en pharmacologie
                             et en pharmacothérapie sur une grande variété de pathologies et de traitements.
                             Responsables de cette chronique :

                                    Delphine Rochefort, Pharm. D., M. B. A.

                                    Thi Thanh Yen Nguyen, B. Pharm., D. E. S. S.

                                    Alice Collin, B. Pharm., D. E. S. S., M. Sc.

                           Introduction à la
                           pharmacogénétique
                           D’énormes progrès ont été réalisés dans la compréhension de l’impact des variations
                           génétiques sur les besoins posologiques, l’efficacité et l’innocuité des médicaments.
                           La pharmacogénétique/pharmacogénomique, discipline récente, vise à optimiser la

  QUESTIONS DE             Objectifs d’apprentissage
                           1. Définir et illustrer les concepts       2. Comparer les                 3. Expliquer l'influence
                              de validité analytique, de vali-           différentes définitions         des polymorphismes
                              dité clinique et d’utilité clinique        de « données                    génétiques sur certains
                              des tests pharmacogénétiques.              probantes ».                    médicaments.

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