INTRODUCTION : DU TOURISME AU SYSTEME TOURISTIQUE
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1 INTRODUCTION : DU TOURISME AU SYSTEME TOURISTIQUE INTRODUCTION Générant plusieurs centaines de millions de déplacements annuels, le tourisme constitue aujourd’hui à l'échelle mondiale l’une des activités économiques majeures tant en termes de valeur ajoutée, de capitaux investis que d'emplois. Il est hasardeux d'en chiffrer l'importance car la définition opérationnelle du secteur reste floue (confusion entre les déplacements pour motifs d'affaires et de loisirs, prise en compte de la valeur produite par l'ensemble du secteur du voyage, … ) et que les statistiques sont entachées de nombreux biais. Toutefois, selon les estimations de l'Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), il représenterait près de 12% du produit intérieur brut mondial, 7% de l'investissement et 11% de la main-d'œuvre. Le poids économique du tourisme varie fortement selon le volume des flux reçus et le degré diversification des structures économiques des Etats. Si sa contribution à la richesse nationale atteint rarement 5% dans les Etats développés, notamment en Belgique, elle peut nettement dépasser ces valeurs dans certains Etats du Tiers Monde, en particulier dans les îles touristiques. Aux Bahamas, par exemple les recettes du tourisme international représentent 75% de la valeur des exportations de biens et services et près de 40% du produit intérieur brut. Du fait de nos expériences personnelles et de nos rencontres, nous possédons tous une image intuitive de ce qu'est ou de ce que pourrait recouvrir la notion de tourisme. Pourtant, comme le souligne Boyer (1972 : 7), pour qui veut écrire sur le tourisme, le plus difficile est de le définir. En effet, le fait touristique, derrière son apparente simplicité, se révèle rapidement d'une complexité extrême car il repose sur une forme de déplacement dont les contours sont particulièrement flous : combien de kilomètres doit-on franchir depuis son domicile pour être considéré comme touriste, quelles motivations sous-tendent ce déplacement, quels biens ou services doit-on consommer, … . LE TOURISME : UN CONCEPT A GEOMETRIE VARIABLE Au total, le tourisme se conçoit comme une forme de mobilité temporaire, motivée par la recherche d'agrément, qui s'effectue en-dehors du domicile habituel, pour une durée supérieure à au moins 24 heures et comprend donc au minimum une nuitée. Il peut s'exprimer par diverses formules de voyages qui vont du séjour dans un lieu touristique (pratique sédentaire) au circuit à travers un territoire plus ou moins étendu (pratique itinérante) (Urbain, 1993). Ces pratiques peuvent être auto-produites par le consommateur lui- même (sélection des destinations, réservation en individuel des prestations touristiques, voire, comme dans le cas du camping-caraving, auto-organisation de l'hébergement) ou, au contraire, produites par des entreprises spécialisées dans l'assemblage des prestations touristique (Cazes, 1992a). Le tourisme est aussi l'ensemble des activités économiques qui sont liées aux pratiques touristiques, à savoir des prestations variées dans le domaine des services, qui portent tant sur l'accueil des visiteurs dans les zones réceptrices (hébergement, restauration, animation, …) que sur le transport et l'encadrement de ces visiteurs depuis les zones émettrices, ou la confection et la distribution de produits touristiques, sans oublier leur promotion par les structures d'encadrement du tourisme. ACTEURS, ACTIVITES ET ESPACES TOURISTIQUES Pratiques et activités touristiques définissent un système complexe qui met en relation des espaces variés, des acteurs diversifiés et les facteurs socio-économiques et politiques qui infléchissent les uns et les autres (figure 1). Au cœur de ce système se trouve les flux (de personnes et d'argent) qui s'expriment dans le cadre des déplacements touristiques depuis un espace émetteur vers un espace récepteur. En première lecture, ces flux, qui résultent de la formation d'une demande touristique dans les espaces émetteurs, sont fonctions des distances et des obstacles entre les lieux mis en relation ainsi que de l'attractivité des destinations. TOUR-F-408 – ECONOMIE DU TOURISME
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3 qui résulte de l'interprétation de la qualité des lieux par les touristes eux-mêmes, les populations qui les accueillent et les acteurs du secteur touristique (Equipe MIT., 2002). Ces derniers se divisent classiquement en deux sphères : la sphère commerciale et la sphère territoriale (Cazes, 1992a). La première regroupe les différents acteurs qui suscitent, organisent, encadrent, acheminent et accueillent les consommateurs touristiques. Y figurent notamment les compagnies de transport, les chaînes intégrées dans le secteur de l'hébergement, de la restauration ou de l'animation, les entreprises et réseaux de production et de vente de voyages, ainsi que les sociétés qui leur fournissent des services (études de faisabilité, publicité, …) ou des capitaux. Les acteurs de la sphère commerciale exercent une influence forte sur les espaces récepteurs : ils en assurent la sélection, sur base essentiellement de critères économico- techniques (bonne accessibilité, infrastructures performantes d'hébergements, main-d'œuvre qualifiée, stabilité économique ou politique, …), y réalisent des investissements parfois substantiels et y imposent diverses formes de contrôle (définition de normes de qualité, pression à la baisse sur les prix, sélection stricte de la main-d'œuvre, …). Ils jouent également un rôle important dans les espaces émetteurs, tant par la publicité qu'ils font de leur produits – et donc, indirectement des destinations qui en sont le support – que par la commercialisation de ces mêmes produits. La sphère territoriale quant à elle regroupe les acteurs locaux du tourisme dans les espaces récepteurs, à savoir, d'une part, les entrepreneurs privés ou les associations qui, sans être intégrés dans la sphère commerciale, offrent des prestations touristiques ou para-touristiques (hébergement, restauration, commerces, organisation de visites, …) et, d'autre part, les structures d'encadrement, publiques ou parapubliques, du secteur touristique (collectivités locales et régionales, Etat) qui sont amenées à définir les règles économiques, sociales et urbanistiques en vigueur dans le champ du tourisme, à financer et organiser l'aménagement des zones touristiques tout en assurant des fonctions de promotion dans les espaces émetteurs. ** * TOUR-F-408 – ECONOMIE DU TOURISME
4 CHAPITRE I : LA FORMATION DES FLUX LA DISPONIBILITE DE TEMPS LIBRE : UNE CONDITION NECESSAIRE DU TOURISME Une condition est un état, une situation, un fait dont l'existence est indispensable pour qu'un autre état, au autre fait existe (Petit Robert). Une condition ne peut s'apparenter à une cause. En effet, si une condition fait partie de l'environnement d'un état ou d'un fait, elle n'en pas pour autant la cause. En conséquence, il faut admettre qu'un phénomène est produit par une cause sous certaines conditions ou que dans un ensemble de déterminations, l'une est censée être la cause (ce qui est à l'origine) alors que les autres ne sont que les conditions. Sans temps libre, pas de tourisme. En effet, pour entreprendre un voyage d'agrément, il est nécessaire d'avoir du temps. Derrière ce truisme, se cache une réalité complexe, car si la durée et la répartition du temps libre dépendent d'abord de la législation et / ou des réglementations professionnelles en vigueur, elle est également fonction du statut socio-professionnel des individus. Par exemple, l'intervention croissante de l'Etat dans la sphère des relations entre les travailleurs et les entreprises s'est traduite par la mise en oeuvre, puis l'extension, des congés payés à date déterminée. En ce sens, elle a largement élargi le volume de touristes potentiels. A l'inverse, les rythmes de travail dans certains secteurs d'activité, par exemple l'agriculture, interdisent de consacrer de longues plages de temps au loisir ou au tourisme. De manière plus générale, la durée du "temps contraint" ou "temps semi-libre" (déplacements domicile- travail, tâches d'entretien, d'auto-construction, de travail clandestin, …) varie sensiblement d'une catégorie sociale à l'autre. En France, par exemple, plusieurs indicateurs soulignent que le temps contraint diminue lorsque le statut social augmente. C'est ainsi que le temps pris pour faire la cuisine est plus de deux fois plus court chez les femmes de cadre que chez les femmes d'ouvrier. Des écarts comparables se rencontrent en ce qui concerne le temps de travail ménager. En effet, les appareils ménagers qui permettent de réduire le temps nécessaire consacré à l’organisation du repas comme le lave-vaisselle, le congélateur ou le four à micro- ondes se sont diffusés très lentement parmi les familles populaires, contrairement aux appareils comme la télévision et le magnétoscope, ou l’on observe peu d’effet de catégorie sociale. A peine 1/4 des familles populaires sont équipées d’un lave-vaiselle à la mi 1990, contre près de 2/3 des familles de cadres. Près de la moitié des familles de cadres disposent d’un four à micro-ondes contre à peine 20% des employés et des ouvriers et 8% du personnel de service. De plus, la part du temps libre sensu stricto consacré à la pratique réelle du loisir est également contrôlée par l'appartenance sociale. En effet, le temps consacré à des activités choisies en dehors des normes, des rites et des tâches imposées ou contrôlées par des institutions religieuses ou politiques varie selon les catégories sociales. Temps de vie et temps libre en France (en heures) – Selon J. Viard (2006) – Pour le travail, est pris en compte une carrière complète, qui dans les conditions contemporaines donne droit à une pension pleine. 1900 1950 2002 Espérance de vie 500.000 600.000 700.000 Etudes 5.000 (1%) 15.000 (2%) 30.000 (4%) Travail 195.000 (39%) 125.000 (21%) 65.000 (9%) Sommeil 200.000 (40%) 210.000 (35%) 225.000 (32%) Temps libre 100.000 (20%) 250.000 (42%) 380.000 (54%) TOUR-F-408 – ECONOMIE DU TOURISME
5 LES FACTEURS DU DEPLACEMENT TOURISTIQUE Le non-départ peut résulter d’un choix personnel : la série consacrée l'été 1998 “aux vacances à domicile” par le quotidien Libération présentaient des amoureux de leur domicile ou de leur ville, qui souhaitaient à tout prix éviter les autoroutes surchargées et les plages bondées. En France, selon l'enquête permanente sur les conditions de vie réalisée en 1999, en moyenne 1 personne sur 5 qui ne sont pas parties en vacances mentionne qu'il s'agit d'un choix délibéré. La part des non-départs par choix varie en fonction de l'âge : elle est inférieure à la moyenne chez les 20 – 39 ans (minimum = 10 % pour les personnes âgées de 25 à 29 ans) et supérieure aux âges plus élevés (maximum = 31 % pour les personnes âgées de 60 à 64 ans). Le non-départ est donc avant tout le fruit d’une contrainte, d’un handicap. En Europe, les personnes qui ne sont pas parties invoquent le plus souvent des raisons financières. L'enquête française sur les conditions de vie montre ainsi que le facteur financier est mentionné en moyenne par 37% des non-partants, avec de fortes variations selon l'âge : la proportion dépasse 45% en-deçà de 60 ans et reste inférieure à 30% aux âges plus élevés. Les autres raisons invoquées en cas de non-départ sont respectivement les contraintes familiales (18% en France), médicales (10%) et professionnelles (8%), avec à nouveau de fortes variations selon l'âge. FACTEURS ECONOMIQUES Faire du tourisme exige de disposer de ressources financières. En effet, les dépenses de vacances ne pas négligeables. En 1999, en France, 35 % des ménages partis déclaraient avoir dépensé entre 150 et 750 € pour leurs vacances d'été, et autant entre 750 et 2.250 €. Pour les vacances d'hiver, 45% des ménages déclaraient avoir dépensé entre 150 et 750 € et 28 % entre 750 et 2.250 €. En dépit de sa démocratisation, le tourisme n'est pas encore accessible à tous, loin s'en faut. Trop souvent encore, les dépenses consacrées à la satisfaction des besoins élémentaires (nourriture, logement, habillement) engloutissent la majeur partie du revenu. De ce point de vue, il faut rappeler la "loi" d’Engel, du nom du statisticien allemand qui l’a formulée le premier dès les années 1950. Selon Engel, la part des dépenses nécessaires et incompressibles (i.e. sans arbitrages possibles a sein du ménage, voir par exemple la distinction entre dépenses pour le déplacement domicile-travail et celles pour une sortie le week-end) est inversement proportionnelle au montant du budget disponible : elle tend à croître lorsque le total des dépenses décroît et, inversement, à diminuer lorsque le montant du budget augmente. Les données récentes témoignent de l’actualité de cette observation : la proportion des dépenses incompressibles est de l’ordre de 50% pour les ménages d’ouvriers et d’agriculteurs (dépenses totales comprises entre 110 et 125.000 FF) et seulement de l’ordre de 30-35% pour les ménages de gros indépendants et de cadres supérieurs (dépenses totales comprises entre 230 et 265.000 FF). Cela s’explique notamment par les dépenses alimentaires. Ce sont les plus incompressibles de toutes, celles que tout ménage doit nécessairement et quotidiennement assumer, quel que soit son budget global. Comme le souligne A. Bihr et R. Pfefferkorn, on peut sans doute rogner sur elles, mais pas au-delà d’un certain seuil, à moins de compromettre la santé et l’avenir des membres du ménage. Inversement, quand le revenu disponible croît et que les dépenses de consommation courantes peuvent elles-même augmenter en conséquence, un ménage peut certes "améliorer l’ordinaire" … mais chacun de ses membres n’en a pas moins un seul estomac. En conséquence, les dépenses d’alimentation croissent moins vite que l’ensemble des dépenses : leur part est donc d’autant plus réduite que le budget du ménage est élevé (entre 21 et 26% pour les ouvriers et les agriculteurs; entre 11 et 13% pour les gros indépendants et les cadres supérieurs). Cet aspect de la structure des budgets des ménages est fondamental. En effet, lorsque la part des dépenses incompressibles est élevée, le montant des dépenses "élastiques" est faible. Du même coup, les possibilités d’opérer des arbitrages, des choix, entre les différents postes budgétaires se restreignent. Car économiser sur un tel poste au profit de tel autre n’est possible (objectivement) et n’a de sens (subjectivement) qu'à la condition que cette économie ne réduise pas le poste amputé à la portion congrue et permette un gain substantiel par ailleurs. Un exemple permet de comprendre ces mécanismes. En 1989, un ménage de cadre supérieur a dépensé en moyenne 22.100 FF sur le poste "habillement". S’il avait choisi de restreindre ses dépenses sur ce poste de 50%, celles-ci n’en seraient pas moins restées supérieures à celles d’un ménage d’ouvrier au cours de cette même année (11.800 contre 9.000 FF) Avec les économies réalisées, il aurait pu TOUR-F-408 – ECONOMIE DU TOURISME
6 augmenter de 55% ses dépenses en faveur des “sorties et vacances”. Pour atteindre de pareils résultats, un ménage d’ouvrier aurait dû réduire ses dépenses d’habillement à 450 FF par mois, autant dire à sacrifier presque entièrement ses dépenses pour ce poste. Bref un véritable ascèse. En un mot, pour les uns, économiser sur un poste au profit d’un autre est possible. Pour les autres, cela n’est possible qu’au prix de rudes sacrifices, voire tout simplement impossible. On est le plus souvent contraint de vivre au jour le jour, bon an mal an, sans grande capacité à anticiper sur l’avenir. Il ne faut chercher plus loin l’explication de l’imprévoyance paradoxale des pauvres, souvent dénoncées par les travailleurs sociaux. FACTEURS MEDICAUX Il importe que l'état de santé du touriste potentiel soit satisfaisant . Autrement dit, la maladie et l'incapacité physique peuvent constituer des obstacles insurmontables. FACTEURS DEMOGRAPHIQUES L'âge ou, de manière plus générale, la position dans la cycle de vie joue également un rôle important. Avoir des enfants en bas âge par exemple peut constituer un sérieux handicap lorsqu'il s'agit d'entreprendre un voyage. A l'inverse, l'accès à la retraite permet, dans certaines catégories sociales, de réaliser enfin un voyage. FACTEURS SOCIAUX Les recherches sur la consommation privée montrent que lorsque deux catégories sociales différentes peuvent consacrer à la consommation des sommes voisines, elles ne les affectent pas au même bien. Une comparaison des budgets moyens de ménages français des différentes catégories sociales, à montant global de consommation a peu près égal, donc à des dates différentes, est très révélatrice à cet égard. Elle indique notamment qu'à niveau de vie égal, un ménage de cadre supérieur consacrait trois fois plus à ses dépenses culturelles en 1951 qu'un ménage d'ouvrier qualifié en 1971. La différence est d'autant plus nette, qu'entre ces deux dates, le marché des biens et services culturels ou touristiques a connu une formidable extension. Il s'agit là d'une preuve que les dépenses de culture et loisirs font partie des priorités des catégories aisées, mais pas des groupes moins favorisés (qui consentent des dépenses plus importantes d'apparence sociale [soins et hygyène, habillement, … et équipement du logement]). SYNTHESE Au total, la capacité à voyager dépend pour l'essentiel du statut social et professionel de chaque individu : elle traduit l'appartenance sociale. Il en résulte que les taux de départ en vacances varient très fortement selon les catégories socio-professionelles. En France, par exemple, les membres des catégories populaires se situent en-dessous de la moyenne : plus des deux tiers des agriculteurs ne sont pas partis en 1992, de même que près de la moitié des ouvriers et des personnels de service. Les catégories moyenne se situent plutôt à un niveau intermédiaire : un peu plus du tiers des employés et des patrons de l’industrie et du commerce ne sont pas partis en 1992. Au contraire, les cadres moyens partent presque aussi souvent que les cadres supérieurs et les professions libérales : 20% des premiers et 10% des seconds seulement ne sont pas partis en vacances en 1992. L’analyse de données rétrospectives montre cependant que les écarts ont eu tendance à se réduire : en 1964, les cadres supérieurs et les professions libérale partaient en vacances presque aussi souvent qu’aujourd’hui, en revanche, les agriculteurs, les petits patrons et les ouvriers partaient nettement moins. ** * TOUR-F-408 – ECONOMIE DU TOURISME
7 CHAPITRE II : L'ATTRACTIVITE TOURISTIQUE INTRODUCTION Comme nous le verrons au chapitre X, les flux touristiques se répartissent de manière très inégale à la surface de la terre. De toute évidence, il existe des régions attractives, d'autres qui le sont moins et d'autres enfin qui ne le sont pas du tout. Lorsqu'il s'agit de comprendre pourquoi certains lieux sont devenus touristiques et pourquoi parmi ces lieux certains sont davantage fréquentés que d'autres, la littérature scientifique évoque généralement la présence de ressources rares et exceptionnelles. L'hypothèse sous-jacente est que chaque lieu a des qualités intrinsèques, objectivables, qui conditionneraient sa touristicité (potentialité d'attrait touristique d'un territoire) et agiraient de façon déterminée sur les flux. LES RESSOURCES TOURISTIQUES Les recherches consacrées à l'attractivité touristique distinguent en général trois types de ressources : les ressources primaires, secondaires et complémentaires. Les premières comprennent l'ensemble des lieux (site naturel, église, musée, aquarium, …), activités (brocante, festival, …) ou caractéristiques (ensoleillement, paysage, gastronomie, …) d'un territoire qui sont objets de tourisme, autrement dit qui motivent le déplacement depuis le lieu de résidence habituel à des fins de loisir et jouent donc un rôle déclencheur pour les pratiques touristiques. Les ressources secondaires rassemblent pour leur part les éléments (lieux, activités, caractéristiques) d'un territoire au service d'un tourisme déclenché par les ressources primaires et qui ne sont pas au service des résidents. Elles comprennent pour l'essentiel des éléments ayant trait à l'accessibilité (information, fléchage, stationnement, …), à la restauration et à l'hébergement. Les ressources ou éléments complémentaires, enfin, étoffent la gamme des services offerts aux touristes. Elles consistent notamment en commerces, espaces verts ou rues piétonnes. A mon sens, il convient de limiter la notion de ressources touristiques aux seules ressources primaires, qui motivent le déplacement. En effet, les ressources dites secondaires et complémentaires relèvent d'une toute autre logique, celle de rendre possible et/ou faciliter le déplacement vers et le séjour dans une destination donné. En ce sens, elles constituent des conditions de réalisation du tourisme, conditions qui seront présentées plus loin. Dans certaines circonstances, ces éléments peuvent toutefois devenir des ressources touristiques à part entière. C'est le cas de certains hôtels de luxe à l'architecture soignée, de certains restaurants prestigieux ou encore d'espaces commerciaux hors normes. 1.1. LES MOBILES DU DEPLACEMENT Les recherches sur les ressources touristiques primaires sont peu nombreuses et souvent fastidieuses. Elles se présentent le plus souvent sous forme d'énumérations ou de listes, sans plus. Aucune tentative de synthèse n'existe en la matière, sauf dans le cas des ressources climatiques. L'analyse des ressources touristiques primaires s'appuie fréquemment sur une distinction entre ressources naturelles et artificielles. Les premières comprennent des éléments topographiques, des éléments aquatiques (mer, cours d'eau et plans d'eau, pluie, …), des éléments solides (neige, glace), des éléments aériens (température, vent, lumière, couleurs, ciels, luminosité, …)], la flore et la faune ainsi que les paysages résultant de la combinaison des éléments précédents. Les secondes rassemblent tous les éléments créés par les sociétés humaines et qui sont devenus objets de tourisme. La distinction entre ressources naturelles et artificielles n'est plus pertinente à l'heure actuelle. En effet, elle repose sur une vision dichotomique et caricaturale de la Nature et de la Société : l'une et l'autre sont conçues comme des entités disjointes, relevant de processus autonomes. Aujourd'hui émerge enfin l'idée qu'il ne peut y avoir de Nature en dehors du regard de l'Homme ou plus exactement des sociétés : aucune nature n'est TOUR-F-408 – ECONOMIE DU TOURISME
8 jamais vierge, puisque notre regard n'est jamais vide (Roger, 1978). La Nature est donc, au même titre que la Culture, une production sociale : elle procède de la construction du regard sur elle, de sa mise en désir, … Dans leur manuel de géographie du tourisme, J.-M. Dewailly et E. Flament proposent d'établir une distinction entre éléments non créés à des fins touristiques et éléments créés à des fins touristiques. Les premiers sont des lieux, activités ou caractéristiques d'un territoire qui, avant de devenir objets de tourisme, étaient investis ou utilisés pour d'autres usages. Dans ce cas, lorsque les fonctions initiales se perpétuent, plusieurs usages différents, voire antagonistes, peuvent coexister, ce qui se traduit fréquemment par des conflits entre utilisateurs. Les éléments non créés à des fins de tourisme recouvre largement la notion de patrimoine, qu'il soit naturel (voir liste ci-dessus)ou culturel, ce dernier pouvant être matériel (espaces bâtis et aménagés, mobilier, costumes, gastronomie, …) ou immatériel (langue, folklore et fêtes diverses, …). Pour la plupart, il s'agit de biens ou de pratiques héritées du passé auxquels les contemporains accordent une valeur suffisante pour qu'elle donne lieu tant à des mesures de protection / conservation qu'à une ouverture au public. Les ressources créées à des fins de tourisme rassemblent des éléments du territoire conçus à l'origine en fonction d'un usage touristique et qui, bien qu'éventuellement accessibles aux locaux, ne prennent leur sens complet qu'avec cet usage. Peuvent être mentionnés, les équipements culturels et récréatifs aménagés dans les stations thermales ou balnéaires (casinos, night-clubs, théâtres, salles de concert, …), les équipements sportifs les parcs d'attractions et autres complexes de loisirs aquatiques, voire les opérations de rénovation urbaine incorporant une volonté de développement touristique (fronts d'eau, quartiers sauvegardés, …). Les éléments d'un territoire qui sont objet de tourisme peuvent à la fois constituer une ressource et influencer la vie touristique en lui offrant des conditions plus ou moins favorables, voire dans certains cas en s'imposant comme contrainte ou contre-ressource. En Thaïlande, par exemple, la prostitution constitue à la fois une ressource touristique, car elle est susceptible de déclencher une pratique touristique, et une contrainte, car elle favorise la diffusion du SIDA et amoindrit en ce sens le potentiel touristique. 1.2. LA MISE EN TOURISME : LA CONSTRUCTION SOCIALE DES RESSOURCES TOURISTIQUES La littérature consacrée aux ressources touristiques tend à masquer un fait essentiel : la présence en un endroit d'éléments supposés être attractif ne suffit pas à donner naissance à un lieu touristique. On pourrait facilement montrer en effet qu'il existe parmi les espaces bénéficiant des fameuses ressources ou "matières" plus de lieux vides de touristes que de lieux fréquentés. A l'inverse, il est aisé de mettre en évidence que des lieux mal pourvus en lesdites ressources furent investis plus précocement par le tourisme que des lieux mieux pourvus. C'est ce que constate Charles Mignon (1981) à propos de l'Andalousie : la côte de Malaga est la moins ensoleillée du sud de l'Espagne, c'est pourtant là qu'apparurent les premiers hôtels. De la même manière, comme le montre l'exemple du développement touristique de la Thaïlande, la croissance de la fréquentation dans une destination n'est pas subordonnée, loin s'en faut, aux qualités intrinsèques des ressources qu'elle offre. Pour traiter de l'attractivité touristique il ne suffit donc pas de se placer du point de vue des lieux – et de leurs soi-disant qualités intrinsèques -, il convient aussi d'adopter le point de vue des acteurs et de leurs projets. Dans cette optique, l'attractivité touristique est le résultat d'une (ré)interprétation, par les touristes eux-mêmes et les acteurs des sphères commerciale et territoriale du tourisme des qualités des lieux. ** * TOUR-F-408 – ECONOMIE DU TOURISME
9 CHAPITRE III : INFRASTRUTUCTURES ET TRANSPORTS TOURISTIQUES INTRODUCTION L'offre touristique comprend l'ensemble des services et biens finals proposés par le secteur touristique aux consommateurs. Elle se mesure en termes de capacité d'équipements (e.g. le nombre d'anneaux dans un port de plaisance, …), d'hébergement (e.g. le nombre de chambres ou de lits d'hôtels, …) et de transports touristiques (e.g. le nombre de sièges offerts par les compagnies aériennes). Equipements, hébergements et transports constituent un maillon indispensable de la chaîne touristique, qu'elle soit structurée ou non. En ce sens, se sont autant de conditions de réalisation du tourisme. En effet, un lieu ne peut devenir touristique que s'il est relativement accessible et si existent sur place des infrastructures pour loger les touristes et leur permettent de pratiquer diverses activités. Individuels ou collectifs, liés ou non au secteur marchand, ces éléments de l'offre sont aussi divers que le sont les pratiques touristiques. Deux remarques importantes : - Equipements, hébergements et transports ne sont pas tous exclusivement destinés aux touristes. La logique de leur déploiement dépend donc d'autres facteurs que les seules évolutions du marché touristique. - Pour les entreprises de transports, comme pour les gestionnaires d'hôtels et d'équipements divers, le marché touristique représente un segment qu'elles ne peuvent ignorer … malgré ses inconvénients (variations saisonnières, forte sensibilité à la conjoncture économique et politique, …). En bref, les touristes, à la différence des navetteurs (pour le chemin de fer), des hommes d'affaires (pour l'hôtellerie) ou de la population locale (pour les équipements) ne sont pas une clientèle captive. L'OFFRE RELEVANT DE SECTEURS SPECIFIQUES LES HEBERGEMENTS TOURISTIQUES Le nombre de lits disponibles dans une destination est une variable cruciale car il détermine le nombre maximal de personnes qui peuvent être en même temps présente en un lieu touristique. Les hébergements touristiques se caractérisent avant tout par leur diversité : aujourd'hui on dénombre pas moins d'une quinzaine de catégories principales, au sein desquelles existent encore de multiples variantes. Dans l'espoir d'éviter la lassitude qu'engendre la mise bout à bout des définitions, la figure ci-joint propose une typologie des hébergements. Elle s'appuie tout autant sur des critères morphologiques (support de l'hébergement [bâtiment vs terrain], disposition des unités de logement [regroupement dans un bâtiment vs isolement]) que fonctionnels (prestations) ou économiques (établissements touristiques vs hébergement chez des particuliers, caractère commercial ou non de l'hébergement, caractère lucratif ou non de l'agent de l'activité). LES HEBERGEMENTS COMMERCIAUX L'hôtellerie est depuis longtemps un pilier majeur du tourisme. Sa fonction, comme son poids dans le secteur d'hébergement, ont toutefois fortement évolué. Avant le développement du tourisme moderne au XVIIIe siècle, les hôtels constituaient essentiellement des lieux d'étapes. Il s'agissait d'accueillir des voyageurs, fatigués par des déplacements souvent beaucoup plus pénibles qu'aujourd'hui, soit dans des sites isolés et/ou sur des axes de passage, soit dans les villes où l'on venait faire du commerce ou traiter ses affaires. Cette fonction s'est perpétuée, tout en prenant des formes nouvelles : lorsqu'elle est située le long des itinéraires vacanciers, l'hôtellerie adaptée à l'automobile (motels aux Etats-Unis, hôtels de chaînes aménagés à la périphérie des grandes villes en Europe) comprend dans sa clientèle non seulement un contingent majoritaire d'hommes d'affaires ou de représentants de commerces mais aussi des touristes à la recherche d'un gîte bon marché et facilement accessible depuis les axes routiers principaux. TOUR-F-408 – ECONOMIE DU TOURISME
10 A la fonction d'étape, le tourisme moderne a conféré à l'hôtellerie une fonction de séjour. Beaucoup d'hôtels se sont alors installés près d'un site remarquable (source, bord de mer, panorama, sommet, …), donnant quelquefois naissance à de véritables stations. Cette fonction de séjour s'est accentuée depuis quelques décennies. Aujourd'hui une part importante de l'offre hôtelière est conçue pour recevoir des longs séjours touristiques : hôtels pour cure de thalassothérapie ou stages de golf, hôtels pour séjour de losirs comme ceux des rivages tropicaux calibrés pour faire tourner, chaque semaine, les quelques centaines de touristes amenés par charters et à qui l'on propose sur place plages privées, piscines, tennis, dancing et autres animations. Dans ce dernier cas, il s'agit bien d'une coquille hôtelière (Cazes),, voire d'un ghetto coupé de tout véritable lien avec son milieu d'insertion. Se répand même le concept de resort qui ambitionne de proposer dans son enceinte tout ce qu'un touriste peut espérer sans avoir à en sortir et qui est un microsystème à lui seul (voir par exemple les hôtels implantés au cœur même des parcs de loirs comme Disneyland). L'offre hôtelière peut s'analyser sous différents angles : - Type de localisation : disposition relative des hôtels les uns par rapport aux autres (concentration, isolement, …), disposition au sein du territoire touristique local (centre-ville, gare, autoroute, front de mer, …) - Capacité d'accueil : d'un point de vue comptable, l'unité de mesure pertinente est le nombre de chambres. Pourtant, la capacité d'accueil, et les taux d'occupation correspondant, est souvent mesurée en nombre de places-lits, ce qui n'a pas beaucoup de sens pour certaines formes de tourisme (e.g. personnes âgées, …) ou les voyages d'affaires. La capacité d'accueil est une variable stratégique car elle détermine dans quelle mesure un hôtel est susceptible de recevoir un autocar ou un charter de tourisme. En Wallonie par exemple, bien peu d'hôtels disposent de 50 chambres et peuvent, par conséquent, se positionner sur le marché des voyages organisés. Dans certaines régions rurale, l'offre est même parfois insuffisante pour accueillir de petits groupes, ce qui coupe les hôteliers de précieuses recettes (voir par exemple les mariages japonais organisés à Modave et dont les participants logent à Bruxelles). - Classement : exprime un niveau de confort et de prestations. Le classement est réalisé selon des normes très variables d'un Etat à l'autre. Il constitue également une variable stratégique dans la mesure où elle détermine pour partie le type de clientèle et le prix des chambres. - Taux d'occupation : rapport entre le nombre de nuitées au cours d'une période donné et la capacité totale exprimée en places-lits jours ou rapport entre le nombre de chambres louées et la capacité totale exprimée en chambres jours. La rentabilité d'un hôtel est directement fonction du taux d'occupation. En France, par exemple, le seuil de rentabilité se situe autour d'un taux d'occupation annuel (en chambres) de 50 à 60%. - Mode de gestion : en la matière on distingue habituellement les hôtels indépendants, qui relèvent de la sphère territoriale, des hôtels de chaînes (intégrées, volontaires, franchisées), qui relèvent de la sphère commerciale. Jusqu'au début du XXe siècle, l'hôtellerie a été le mode dominant, souvent unique, de l'hébergement touristique. Aujourd'hui, elle est fortement concurrencée d'une part par les hébergements de plein air et d'autre part par des formes d'hébergement qui laissent une plus grande autonomie au visiteur. LES PARTS DE MARCHE DES DIFFERENTES FORMES D'HEBERGEMENT Les enquêtes sur la demande montrent que les hébergements non-commerciaux drainent une part importante des séjours et nuitées touristiques. Ainsi, en 2001, 58% des longs séjours estivaux de vacance des Français se sont effectués soit dans une résidence secondaire en propriété (10%), soit chez des parents et amis (résidence principale ou secondaire) (48%). Le poids du secteur non-commercial est encore plus important pour les vacances hivernales, puisqu'il comprend 71% des séjours, avec respectivement 9 et 62% pour les secondes résidences et les séjours chez des parents et amis. En Belgique, ce ne sont que 20% des séjours effectués en 2001 qui se sont déroulés dans une seconde résidence en propriété (4%) ou chez des parents et amis (16%). Même si l'on tient compte uniquement des séjours qui se sont déroulés sur le territoire national, les chiffres n'atteignent que 12% pour les secondes résidences et 14% pour les parents et amis. TOUR-F-408 – ECONOMIE DU TOURISME
11 1.1.1. LE POTENTIEL ECONOMIQUE D'HEBERGEMENT Afin de mettre en évidence les inégales retombées économiques des différentes formes d'hébergement, il est utile de comparer les recettes susceptibles d'être générées par l'occupation de divers hébergement. Soit : PEH, le potentiel économique d'hébergement ; CAT, la capacité d'accueil d'une unité de logement ou de comptes ; COM, le coefficient d'occupation moyen ; CE, le coefficient économique ; alors : PEH = CAT x COM x CE En tenant compte des paramètres suivants : CAT = 2 pour une chambre d'hôtel ou une chambre d'hôtes, 3 pour un emplacement de camping, 4 pour une résidence secondaire ou un meublé ; COM (sur base d'observations empiriques) : si pour une chambre d'hôtel = 1 (e.g. 60%), alors = 0.8 pour un meublé (48%), = 0.8 pour une chambre d'hôte, =0.5 pour une résidence secondaire (30%), = 0.45 pour un emplacement de camping (27%) ; CE (sur base d'observations empiriques) : si pour une nuitée d'une personne en hôtel, = 1 (e.g. 100 € dépensés en hébergement, restauration, transports sur place, souvenirs, …), alors = 0.5 (50 €) pour une nuitée d'une personne en meublé ou chambre d'hôte, = 0.35 (35 €) pour une nuitée d'une personne en camping ou en résidence secondaire ; alors : PEH d'une chambre d'hôtel = 2 x 1 x 1 = 2 PEH d'une chambre d'hôte = 2 x 0.8 x 0.5 = 0.8 PEH d'un meublé = 4 x 0.8 x 0.5 = 1.6 PEH d'une résidence secondaire = 4 x 0.5 x 0.35 = 0.7 PEH d'un emplacement de camping = 3 x 0.4 x 0.35 = 0.42 Au total donc, le PEH d'un hôtel de 50 chambres (100) = PEH d'un camping comprenant 238 emplacements (100 / 0.42), = PEH de 143 résidences secondaires (100 / 0.7) = PEH de 125 chambres d'hôtes (100 / 07) = PEH de 62 meublés (100 / 1.6). L'OFFRE DE PRODUITS TOURISTIQUES La notion de produit touristique demeure floue et ambiguë. Dans l'esprit de nombreux auteurs et professionnels, il y a produit dès lors qu'une offre est élaborée et mise sur le marché pour attirer et satisfaire une demande. Dans cette optique, une attraction touristique, un lieu avec ses équipements distractifs, voire un hébergement ou une activité pratiquée constitue autant de produits différents, même s'ils ne donnent pas lieu à une élaboration commerciale affinée. Avec Cazes (1992 : 69), nous proposons au contraire de réserver le terme à un assemblage de prestations et services (hébergement, restauration, animation, transport, excursion, visites, …) autour d'un site recherché ou d'une activité particulière qui donnent son identification au produit. LE VOYAGE A FORFAIT Plus classique des produits touristiques, le voyage à forfait se définit par trois caractéristiques. Il s'agit d'un voyage: - Organisé suivant un programme détaillé. Ce programme est déterminé avant même que la demande des clients ne se manifeste : son concepteur choisit à l'avance et à la fois, la destination, le moyen de transport, l'hébergement, ainsi que le mode d'accompagnement qui peut être complet ou partiel, voire limité à l'accueil. Le succès d'un tel voyage repose donc sur une très bonne connaissance du marché touristique et de ses évolutions. - Comprenant un ensemble plus ou moins étendu de prestations touristiques, du séjour seul à un forfait "all inclusive" portant sur le déplacement, l'accompagnement, les transferts, l'hébergement, la restauration, les distractions, l'animation et éventuellement des prestations particulières. TOUR-F-408 – ECONOMIE DU TOURISME
12 Commercialisé pour un prix fixe, déterminé à l'avance et généralement payé avant le début des vacances. Les formules de voyage à forfait sont de plus en plus diversifiées. Aux habituelles formules "tout compris", sont venues s'adjoindre ces vingt dernières années des formules mixtes dans lesquelles une partie seulement des prestations touristiques est fournie. UNE PART VARIABLE DE L'OFFRE TOURISTIQUE De manière générale, si les voyages à forfaits – au sens large – ne représentent qu'une proportion assez modeste de l'ensemble des déplacements touristiques, ils concernent une part souvent importante des séjours à l'étranger, part d'autant plus élevée que la destination est lointaine. Le graphique ci-joint montre ainsi qu'en Belgique, les packages constituent environ 20% des séjours dans l'Union européenne, 30 à 40% de ceux réalisés en Amérique du Nord et dans le reste de l'Europe mais plus de 55% de ceux réalisés en Afrique, en Amérique latine ou en Asie. La même relation s'observe à l'échelle continentale : moins de 10% des séjours dans les Etats limitrophes prennent la forme d'un voyage à forfait, contre plus de 40% pour les séjours en Espagne et près de 80% pour les séjours en Turquie ou en Grèce. De manière générale, la part des formes commerciales de tourisme (produits intégrés ou prestations isolées) augmente sensiblement avec la distance parcourue. En effet, au-delà d'un certain seuil – variable – le voyageur devra délaisser son moyen de transport individuel et se tourner vers des professionnels pour réserver un hôtel ou programmer une excursion. De manière assez logique, il recherche alors des garanties d'organisation auprès d'entreprises spécialisées. L'augmentation de la part des formes commerciales de tourisme avec la distance résulte donc en première lecture des exigences de la demande. Elle est en outre favorisée par les contraintes inhérentes à l'offre touristique. Ainsi, dans le Tiers Monde, le manque de fonds locaux à investir dans le tourisme et la pénurie de personnel qualifié à longtemps contraint les Etats à faire appel à des compagnies étrangères pour financer et organiser leur industrie touristique. La relation distance – intégration du produit n'est toutefois pas linéaire. Elle est très marquée en première ou deuxième couronne à partir des pôles émetteurs, i.e. là où les entreprises du tourisme concentrent leurs interventions. Au-delà, dans les destinations lointaines (Amérique latine pour les Etats-Unis, Afrique noire pour l'Europe), les grandes sociétés touristiques restent prudentes … dans l'attente de perspectives plus massives de fréquentation. S'il est utile d'examiner la part des formules organisées dans les séjours émis, il convient également de mesurer la part de telles formules dans les séjours reçus. Comme le dit G. Cazes, ce qui compte ce sont les 2/3 ou ¾ des européens qui pour se rendre au Pérou aux Seychelles ou au Kenya ont dû s'adresser à des entreprises touristiques. De la même manière, le taux de pénétration des entreprises intégrées d'hébergement, principalement étrangères et multinationales, variait de 60 à 90% dans les principales destinations du Tiers monde vers 1990. Au total, donc, le succès d'un Etat comme destination touristique dépend largement de sa capacité à attirer et maintenir sur le long terme l'attention des principaux voyagistes des grands marchés émetteurs. C'est particulièrement le cas dans les Etats qui ne disposent pas d'une offre touristique diversifiée et dont les attraits reposent essentiellement sur une gamme étroite de ressources substituables (mer, soleil, plage). Dans de tels cas de figure, si pour une raison quelconque les voyagistes perdent confiance dans une destination, ils peuvent aisément la retirer de leurs catalogues et proposer à la place une destination qui offre une gamme comparable de ressources. Ces derniers constats posent ouvertement la question du pouvoir des opérateurs touristiques dans les modalités du développement touristique des destinations situées en périphérie (proche ou lointaine) des principaux marchés. ** * TOUR-F-408 – ECONOMIE DU TOURISME
13 CHAPITRE IV : LA SPHERE COMMERCIALE INTRODUCTION La sphère commerciale du tourisme regroupe les différents acteurs qui suscitent, organisent, encadrent, acheminent et accueillent les consommateurs touristiques. Y figurent les publicitaires, les entreprises et réseaux de production et de vente de voyages, les transporteurs et hébergeurs, les prestataires annexes (location de véhicules, assurance et assistance, excursions, distractions diverses), sans oublier la fonction décisive de coordination des grands réseaux d'information et de réservation informatisée, dits CRS (computer reservation system) ou GDS (global distribution system). Ces derniers sont dominés au niveau mondial par les sociétés System One et Sabre et au niveau européen par Amadeus et Sabre. LES TOURS OPERATEURS Depuis une trentaine d'années, les tours opérateurs (TO) se sont imposés comme des acteurs essentiels du secteur touristique. Avec les compagnies aériennes et les chaînes hôtelières, ils contrôlent directement ou indirectement une part non négligeable de l'ensemble des déplacements et la quasi totalité des produits touristiques au sens strict du terme. En ce sens, ils exercent une influence énorme sur la géographie des flux de touristes et, par ce biais, ils font et défont les destinations à la surface de la planète. DES ACTEURS MAL CONNUS Un TO ou voyagiste est une entreprise commerciale qui assemble différentes prestations (moyen de déplacement, hébergement, animation) afin de composer des produits touristiques (voyages ou séjours à forfaits, à la carte ou sur mesure), portant sur des destinations étrangères ou nationales, et qui les vend directement et / ou par l'intermédiaire de distributeurs commissionnés. On distingue habituellement : - Les voyagistes généralistes, qui programment de multiples destinations et des formules de voyage et de séjour diversifiées, - Les voyagistes spécialistes qui concentrent leur production sur une seule destination (ou un ensemble d'Etats d'une même zone géographique), ou une même formule de voyages ou séjour thématique, ou bien pour une clientèle particulière. Les TO constituent encore aujourd'hui une terra incognata de la recherche sur le tourisme : alors que les secteurs aériens et hôteliers font l'objet d'une très abondante littérature scientifique, les voyagistes restent très mal connus. En effet, il n'existe que quelques rares études approfondies sur leurs caractéristiques et leurs stratégies (pour une synthèse, voir Ioannides). A l'origine de cette méconnaissance : - Le manque de données fiables sur les tours opérateurs. Aux Etats-Unis, par exemple, il est impossible à l'heure actuelle d'estimer l'ampleur exact de ce sous-secteur (nombre d'entreprises et d'employés, chiffre d'affaire ou valeur ajoutée) ou d'identifier quelle est le plus important voyagiste. - Le monde des voyagistes est un monde excessivement secret : les informations n'y circulent pas ou peu et les interlocuteurs des étudiants ou chercheurs se montrent toujours très réticent lorsqu'il s'agit de dévoiler ne serait ce qu'un aspect de leur entreprise. Cette paranoïa est alimentée par le caractère très compétitif du secteur et la peur, quasi obsessionnelle, de l'espionnage industriel par des concurrents. UN ENVOL POSTERIEUR A 1950 On doit à l'Anglais Thomas Cook d'avoir inventé le voyage à forfait. En 1841, il organise pour quelques 570 membres de clubs ouvriers une excursion en train pour participer à un grand gala antialcoolique et un pique nique champêtre. Tout au long de la seconde moitié du XIXe siècle, il multipliera les innovations, en proposant des voyages à forfait en Europe, voir à l'échelle mondiale. Au début des années 1920, les croisières (véritables voyages à forfait sur paquebot) connaissent une popularité croissante, alors que les produits se TOUR-F-408 – ECONOMIE DU TOURISME
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