Inventeurs de la French Tech - Palmarès 2018 des Patent-Angels.com - Institut de l'iconomie

 
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Inventeurs de la French Tech - Palmarès 2018 des Patent-Angels.com - Institut de l'iconomie
Palmarès 2018
            des
Inventeurs de la French Tech

                    présenté par

       Patent-Angels.com
       Expertise et financement de brevets
Inventeurs de la French Tech - Palmarès 2018 des Patent-Angels.com - Institut de l'iconomie
Sommaire

Palmarès 2018 des Inventeurs de la French Tech – publication de Challenges            4
Top 50                                                                                5
Top 100                                                                               6
Palmarès des régions                                                                  7
  Ile de France et Alpes                                                              8
  Bretagne et Occitanie-Toulouse                                                      9
  Provence-Alpes-Côte d’Azur et de Nouvelle Aquitaine                                10
  Occitanie-Montpellier et de Normandie                                              11
  Auvergne-Rhône et du Grand Est                                                     12
  Pays de la Loire, de la Réunion et des Hauts de France                             13
Palmarès des jeunes Inventeurs                                                       14
  Création de 2008                                                                   15
  Création de 2009                                                                   16
  Création de 2010                                                                   17
  Création de 2011                                                                   18
  Création de 2012                                                                   19
  Création de 2013                                                                   20
  Création de 2014                                                                   21
  Création de 2015                                                                   22
  Création de 2016                                                                   23
Interview par FrenchWeb                                                              25
Politique                                                                            26
  Pour protéger la French Tech, il faut élargir le champ (d’utilisation) du brevet   26
  Comment faire de la France une « Start-up Nation » ?                               30
  Pourquoi les start-up négligent-elles le Brevet ?                                  33
  Il faut penser la synthèse des intelligences artificielle et collective            37
Stratégie                                                                            41
   Le brevet, clé du développement de l’Intelligence Artificielle                    41
   Les brevets à un milliard de dollars                                              49
   Le brevet au cœur de la création de valeur des grands acteurs du numérique        53
   Google,        Apple, Nest Labs : ce que rapportent les « nouveaux » brevets      59
   Stratégie d’acquisition : le rôle des brevets                                     62
Pratique                                                                             63
  Combien coûte (vraiment) un brevet pour une entreprise ?                           63
  Comment financer les brevets de la French Tech ?                                   67
  Brevets : les bonnes questions à se poser                                          70
  « Pourquoi j’ai déposé un brevet »                                                 74
  « 10 raisons pour lesquelles une startup doit prendre un brevet »                  78
Contact                                                                              81

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Inventeurs de la French Tech - Palmarès 2018 des Patent-Angels.com - Institut de l'iconomie
Palmarès 2018 des Inventeurs de la French Tech – publication de
Challenges

                                      ©patent-angels.com

                                                                  4
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Top 50

TOP 20               TOP 50
                      APPI TECHNOLOGY         ACTILITY
                      CEDEXIS (GROUPE CITRIX) ART-FI
                      EXAGAN                  BIOSERENITY
                      FINEHEART               CAILABS
                      ISKN                    CALIXAR

                      KOLIBREE                DELAIR TECH

                      NETATMO                 DNA SCRIPT

                      RYTHM                   ECOAT

                      SLOW CONTROL            ENOGIA

                      SOMFY PROTECT (MYFOX) ENTEROME
                      STARKLAB              GAMAMABS PHARMA

                      SURGIVISIO              GLOWBL

                      UROMEMS                 IMASCAP (WRIGHT MEDICAL)
                                              INFLECTIS BIOSCIENCE
                                              MINI GREEN POWER
                                              MOVE'N SEE
                                              MYBRAIN TECHNOLOGIES
                                              SCALITY

         © PATENT-ANGELS.COM                  SCULPTEO
         2018                                 SNIPS
                                              TEAMCAST

                                                                         5
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Top 100

    TOP 100
    3D SOUND LAB                  ETHERTRUST          OROSOUND

    AIRBORNE CONCEPT              FAMOCO              PRIXTEL

    ALLECRA THERAPEUTICS          GECKO BIOMEDICAL    PRYNT

    ARKOLIA ENERGIES              GREEN CREATIVE      SEQUANS COMMUNICATION

    AXIBLE TECHNOLOGIES           HELPER DRONE        SHORT EDITION

    BODYCAP                       IFEELSMART          SOLABLE

    CANAILLES DREAM               INSITEO             SOUS LES FRAISES

    CARDIAWAVE                    INVOXIA             SPHERE

    CARDIOLOGS                    IONOSYS             SPIDEO

    CHRONOCAM                     KOLOR               SURICOG

    CONNECTED CYCLE               LEXIP               TARGEDYS

    CORNIS                        LIGHT AND SHADOWS   TECBAK

    CORWAVE                       MAAT PHARMA         THERACHON

    CRYO PUR                      MARBOTIC            TICATAG

    DIAFIR                        MEDDAY              UWINLOC

    DONECLE                       MIP ROBOTICS        WISTIKI

    EMIOTA                        MYBRAIN             WIZTIVI

    ENERBEE                       OB’DO               WYPLAY

    ENOVAP                        OCCI

                           © PATENT-ANGELS.COM
                           2018

                                                                              6
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Palmarès des régions

Notre classement révèle que l’Ile de France est en pole position pour le nombre
de start-up qui inventent. En revanche la région de Paris est reléguée en seconde
division lorsque l’on rapporte ce chiffre à son nombre total de startups.

La surprise vient davantage des régions des Alpes et de Bretagne qui se révèlent
être très fertiles en brevets, non seulement en nombre mais surtout en
proportion de leurs startups. Lyon, Marseille et Lille sont les grands absents de
ces podium, ce qui montre s’il était encore nécessaire que l’inventivité n’est pas
directement liée à la puissance économique. Ainsi, tout n’est pas concentré sur
la région parisienne : de fortes dynamiques régionales, combinées avec une
stratégie volontaire de brevets, peuvent créer la différence.

                                                                                7
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Ile de France et Alpes

Paris invente des objets, tandis que les Alpes inventent des technologies.
Paris a fait émerger les robots Nao d’Aldebaran, les enceintes et amplis Devialet,
et les objets connectés de Withings qui, après avoir été racheté par Nokia,
semble devoir revenir dans les mains de son co-fondateur Eric Carreel.
Les Alpes inventent des technologies issues des laboratoires de recherche du
CEA (Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives). Crocus
développe des capteurs magnétiques ultra-performants, Movea crée des
solutions de détection pour les objets connectés et Aledia réalise des leds plus
petites sans perte de luminosité.

                                                                                8
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Bretagne et Occitanie-Toulouse

Les régions de Rennes et Toulouse ont deux trios de champions qui se
ressemblent. Kerlink dans l’une, Sigfox dans l’autre, développent des réseaux
spécialisés pour les objets connectés. Optinvent fabrique des lunettes de vision
augmentée, Somfy commercialise des caméras de surveillance augmentée.
Taztag propose des terminaux biométriques professionnels, tandis que Delair
développe des drones professionnels.

                                                                              9
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Provence-Alpes-Côte d’Azur et de Nouvelle Aquitaine

Aix-Marseille présente un podium homogène d’inventeurs de la Green Tech.
Ecoat fabrique des peintures vertes, Enogia et Mini Green Power produisent de
l’énergie verte.
A l’inverse, l’équipe de Bordeaux brille par son hétérogénéïté. Sunna Design crée
des éclairages publics solaires, Fineheart a mis au point une mini-turbine
cardiaque et Helper envoie ses drones faire du sauvetage en mer.

                                                                              10
Occitanie-Montpellier et de Normandie

Les inventeurs de la région de Montpellier améliorent notre environnement.
Grâce à ses ampoules et objets audio connectés, AwoX rend la maison plus
intelligente. Grâce à ses terminaux wi-fi, Appi Technology connecte les membres
d’une activité de loisir même là où il n’y a pas de réseau. Grâce à ses centrales à
énergie renouvelables, Arkolia encourage la transition écologique.
Les inventeurs de Normandie améliorent notre santé à travers les solutions
thérapeutiques de Targedys qui régulent l’appétit, à travers les pilules de
BodyCap qui embarquent des capteurs biométriques, ou à travers les surfs
connectés d’Ob’do qui mesurent nos performances sportives.

                                                                                11
Auvergne-Rhône et du Grand Est

Les régions d’Auvergne-Rhône et Grand Est inventent pour la santé. Calixar isole
et purifie des cibles thérapeutiques ou vaccinales. Maat Pharma restaure la flore
intestinale d’un patient sans antibiotique après une chimiothérapie. Enovap
commercialise une cigarette électronique intelligente qui adapte pendant la
journée le bon niveau de nicotine. Allecra Therapeutics développe un nouvel
antibiotique contre lequel il n’y a pas de résistance.
Grâce à une solution créative de visio-conférence, Glowbl permet à plusieurs
amies de faire du shopping à distance sur le même site de e-commerce. Sur le
podium des inventeurs, Glowbl est le seul à n’être pas un spécialiste de la santé
(quoique…)

                                                                              12
Pays de la Loire, de la Réunion et des Hauts de France

Ces régions ne placent qu’un ou deux inventeurs dans le Top 100 de la French
Tech. Ils n’en ont que plus de mérite !

Inflectis Bioscience crée des médicaments destinés au traitement de pathologies
liées au mauvais repliement des protéines. Spécialiste des interfaces, Wiztivi
simplifie les usages de la télévision interactive. La fourchette connectée de Slow
Control veille sur notre manière de manger. Starklab récupère les fumées
industrielles pour en recycler l’énergie thermique.

                                                                               13
Palmarès des jeunes Inventeurs

Le classement des inventeurs par leur nombre de brevets privilégie les
sociétés anciennes, qui ont eu davantage de temps pour constituer leur
portefeuille. Pour mettre à l’honneur les sociétés plus jeunes, le Palmarès
des Jeunes Inventeurs de la French Tech dévoile les podiums par année
de création de la société, de 2008 à 2016.

                                                                         14
Création de 2008

Withings, qui fabrique des objets connectés, montre en France la voie de la
protection par brevet des innovations non technologiques (même si elles
intègrent des briques technologiques). L’OCDE avait déjà prouvé 2005 le
rôle prééminent de ces innovations, et réédité en conséquence son Manuel
d’Oslo. En 2009, le rapport Morand-Manceau avait élargi la définition
française de l’innovation à l’innovationd’usage. Il a pourtant fallu attendre
2015 pour que Bpifrance adopte cette nouvelle doctrine, et l’Institut
national de la propriété industrielle (INPI), qui se présente comme « la
maison des innovateurs », définit toujours aujourd’hui le brevet comme
une « protection de l’innovation technique » (1). Withings, heureusement,
n’a pas attendu pour protéger ses innovations non technologiques.
Kalray et Eveon sont à l’inverse des sociétés technologiques pour
lesquelles le dépôt de brevet est plus classique. La première développe,
sur la base d’une technologie propriétaire affinée durant dix ans, un
processeur “intelligent” destiné à analyser à la volée de grand flux de
données, réagir et prendre des décisions en temps réel. Les dispositifs
médicaux développés par la seconde assurent un débit maîtrisé, précis et
constant pour l’administration automatique et sécurisée de nouvelles
thérapies fluidiques et médicaments complexes.

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Création de 2009

Sur la plus haute marche du podium 2009, Sigfox ambitionne d’être le
premier réseau cellulaire mondial des objets connectés. Pour cette société,
le brevet est un élément essentiel de la valorisation de l’entreprise,
notamment pour obtenir des financements. Plus on dépose de brevets,
plus on a de crédibilité. Le « brevet inside » est évidemment également un
atout en termes d’image (2). La start-up toulousaine est en bonne voie pour
devenir ce que l’on appelle une « licorne », ces jeunes sociétés dont la
valorisation dépasse le milliard de dollars (3). Cedexis, qui accélère le temps
de chargement des pages web, a été rachetée en février pour un montant
d’environ 100 millions de dollars par l’américain Citrix. Et pour cause : de
nombreux géants du Net, médias, acteurs du e-commerce ou mastodontes
du cloud ont intégré sa technologie unique au monde, adoubé par sept
brevets. Ainsi, en huit ans à peine, l’aiguilleur du Web a été adopté
par Google, Facebook, Twitter, Airbnb, Slack, Microsoft, Air France, Accor
Hotels, Hermes, Dailymotion, Samsung, Tencent, Huawei et beaucoup
d’autres. De quoi faire monter les enchères… (4) Surgivisio, société
medtech innovante qui développe des technologies d’imagerie 2D/3D
intégrées à la navigation chirurgicale, a bouclé un tour de financement de
10,7 millions d’euros en particulier grâce à la protection de sa technologie.

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Création de 2010

Isorg conçoit des photodétecteurs organiques et des capteurs d’images en
électronique polymère à partir d’un procédé de fabrication par impression.
Actility développe et exploite un système de communication machine à
machine (M2M), adapté aux applications de très grand volume. Fineheart
a mis au point une mini-turbine cardiaque. Ses ruptures technologiques
sont brevetées pour empêcher toute fabrication, détention et importation
dans les territoires visés, mais avec des difficultés contrastés. Pour obtenir
une délivrance rapide et peu coûteuse aux US, la start-up a d’abord
effectué un dépôt au Canada en requérant un examen accéléré. Obtenu,
ce brevet a ensuite été étendu aux US selon la procédure PPH (Patent
Prosecution Highway) pour éviter les aller-retour avec l’examinateur
américain. À l’inverse, la société s’époumone à convaincre le bureau
chinois des brevets, malgré la délivrance d’un même titre dans la plupart
des autres pays du G20. Les examinateurs chinois contestent
systématiquement les revendications déposées et entrent dans un jeu
d’usure onéreux et à l’issue incertaine.

                                                                           17
Création de 2011

Plus brillantes et plus efficaces sur le plan énergétique, les LED d’Aledia
pourraient bousculer les technologies existantes pour l’éclairage des futurs
écrans de smartphones, de montres connectées ou de lunettes de réalité
augmentée. La structure d’émission de ses LED est constituée d’une forêt
de nanofils en nitrure de gallium, d’où un rendement lumineux très élevé.
Oledcomm diffuse Internet à haut débit sans fil et sans ondes, grâce à la
modulation à haute fréquence du signal lumineux émis par les LED –
invisible à l’œil – qui transmet les données, jusqu’à 23 mégabits par
seconde. Ynsect est le leader mondial de la production d’insectes pour les
besoins de l’alimentation animale.

                                                                         18
Création de 2012

L’assistant vocal de Snips garantit le respect de la vie privée. Ceux
d’Apple, Googleou Amazon, envoient votre voix dans le Cloud pour
l’analyser et renvoient le résultat. Snips analyse votre voix localement, dans
l’appareil, sans qu’aucune donnée ne soit envoyée sur Internet. Les sportifs
peuvent utiliser un capteur Bodycap, de la taille d’une gélule, qui permet
de mesurer leur température interne pendant l’effort. CorWave développe
une technologie de pompe ventriculaire à membrane ondulante. Pour
pallier la déficience du ventricule gauche, majoritairement responsable des
insuffisances cardiaques, la pompe de Corwave assure un fonctionnement
physiologique similaire à celui du cœur natif.

                                                                           19
Création de 2013

Le millésime 2013 se caractérise par des cycles de recherche
particulièrement longs.
InFlectis BioScience développe des thérapies qui exploitent la réponse
intégrée au stress pour le traitement d’un large éventail de maladies.
Cailabs veut faire passer, dans une même fibre optique, 45 formes
différentes de lumière. Cette technologie ouvre de nouveaux marchés dans
l’avionique et les réseaux locaux. GamaMabs Pharma est une entreprise de
biotechnologie en Immuno-Oncologie, leader dans le développement
d’anticorps optimisés ciblant AMHR2 dans le cancer. Les brevets sont donc
au coeur du développement de ces sociétés pour protéger leurs
investissements de long terme. Gamamabs a une stratégie duale, proactive
et réactive. La première consiste à engager des études pour renforcer
certaines protections. La deuxième consiste à analyser systématiquement
tous les résultats générés au regard des brevets existants pour identifier les
inventions non encore protégées. En revanche, la longueur de ces cycles
engendre des coûts d’extension et de maintenance des brevets prohibitifs
dans les pays européens. En attendant le brevet unitaire européen (5), ces
coûts continuent à pénaliser ces TPE sur leur marché domestique.

                                                                           20
Création de 2014

La tablette numérique d’ISKN concilie les sensations du dessin sur papier et
les avantages du digital, contrairement aux tablettes graphiques où le
«stylet» est roi et le papier, bon à jeter. Dreem commercialise un bandeau
portable qui mesure l’activité cérébrale afin de faciliter l’endormissement,
améliorer la qualité du sommeil profond et permettre de se réveiller plus
reposé. Exagan veut révolutionner l’électronique de puissance avec des
transistors dix fois plus rapides grâce à l’apposition d’une couche de nitrure
de gallium (GaN) sur des plaquettes de silicium. Les marchés visés sont ceux
des chargeurs de téléphones, de l’automobile électrique, l’industrie, le
photovoltaïque et l’aéronautique, à plus long terme.

                                                                           21
Création de 2015

Solable transforme l’eau du robinet en eau pure, à travers un processus
inspiré par la nature, sans filtre ni produit ajouté. Enovap a pour objectif
d’aider le fumeur à arrêter avec plaisir. Son vaporisateur intelligent
contrôle les substances actives via différentes méthodes de diffusion du
principe actif, en particulier la nicotine, ce qui a valu à son inventeur la
Médaille d’or au concours Lépine de 2014. MIP Robotics veut rendre la
robotique industrielle accessible à tous, pour des petites ou moyenne
séries mais aussi pour des utilisateurs n’ayant pas de connaissance en
informatique ou en programmation.

                                                                         22
Création de 2016

Parmi les 100 premiers inventeurs de la French Tech, une seule entreprise
a été créée depuis 2016. Il s’agit de Helper, start-up qui envoie ses drones
faire du sauvetage en mer ♦

(1) Collectif. Pour protéger la French Tech, il faut élargir le champ des
brevets. Le Monde,
2017 https://www.lemonde.fr/idees/article/2017/09/01/pour-proteger-
la-french-tech-il-faut-elargir-le-champ-des-brevets_5179472_3232.html
(2) Brevet, les bonnes questions à se poser. INPI
2017, https://www.inpi.fr/fr/brevets-les-bonnes-questions-se-poser
(3) Internet des objets : la start-up toulousaine Sigfox a refusé une offre à
un millard d’euros. La Dépêche,
2018 https://www.ladepeche.fr/article/2018/02/15/2743202-internet-
objets-start-up-toulousaine-sigfox-grande-ambitions-2018-2018.html
(4) Sylvain Rolland, Pourquoi le français Cedexis se vend à l’américain
Citrix. La Tribune, 2018 https://www.latribune.fr/technos-

                                                                            23
medias/innovation-et-start-up/pourquoi-le-francais-cedexis-se-vend-a-l-
americain-citrix-768222.html
(5) Manuel Moragues. “Le premier brevet unitaire européen devrait être
délivré début 2019”, estime Benoît Battistelli de l’OEB. L’Usine Nouvelle, 7
juin 2018. https://www.usinenouvelle.com/editorial/le-premier-brevet-
unitaire-europeen-devrait-etre-delivre-debut-2019-estime-benoit-
battistelli-le-president-de-l-oeb.N703704

                                                                          24
Interview par FrenchWeb

         Le palmarès des inventeurs : Frenchweb interviewe Vincent
         Lorphelin
         https://www.dailymotion.com/video/x6i324i?start=1032

                                                                     25
Politique

Pour protéger la French Tech, il faut élargir le champ
(d’utilisation) du brevet

                          L’innovation d’usage doit recevoir la même
                          protection que l’innovation technique, au risque de
                          voir l’activité de nos start-up bloquée, par exemple
par les géants de l’Internet. Il ne s’agit pas de changer la réglementation des
brevets, qui a ses qualités et ses défauts, mais de changer la politique de
l’innovation pour mettre à profit ce cadre réglementaire aussi efficacement
que le font les GAFA.

Par Vincent Lorphelin, François Bourdoncle et Pierre Ollivier

Le gouvernement a annoncé la création d’un Fonds d’innovation de rupture
doté de 10 milliards d’euros, financé par la vente de participations de l’Etat
dans les entreprises. Emmanuel Macron veut faire de la France une « start-up
nation ». Mais cette vision se heurte à la doctrine française de l'invention,
malgré les progrès réalisés dans la conception de l’innovation.

                                                                              26
En juillet 2014, BlaBlaCar a fait une levée record de 100 millions de dollars. Ce
succès prouve que les entrepreneurs français peuvent revenir dans la course.
Mais BPIfrance, bras armé du pays pour l’investissement dans l’innovation, qui
aurait dû accompagner ce succès, a été contraint d’admettre que son outil
n’est pas adapté aux startups dont la création de valeur n’est pas
technologique.

Pourtant l’OCDE avait prouvé dès 2005 le rôle prééminent des innovations non
technologiques, et réédité en conséquence le Manuel d’Oslo, référence
mondiale pour les statistiques sur l’innovation. En 2009, le rapport Morand-
Manceau remis au Ministre de l’économie avait élargi la définition française de
l’innovation à l’innovation d'usage. Il a fallu attendre 2015 pour
que BPIfrance adopte cette nouvelle doctrine et reconnaisse enfin, entre
autres, le site de ventes évènementiellesVente-Privée, le pèse-personne
connectéWithings et la carte sans banque Compte Nickel.

On aurait pu penser que ce revirement, bien que tardif, allait moderniser
rapidement la culture de l’innovation. Hélas l’invention d’usage, sous-jacent
essentiel de l’innovation d’usage, n’est toujours pas admise. L’Institut National
de la Propriété Industrielle(INPI), qui se présente comme « la maison des
innovateurs », définit toujours le brevet comme une « protection de
l'innovation technique ». Depuis la création du label French Tech, pas une seule
de ses startups n’a été lauréate des trophées de l’INPI. Le message est clair :
pas de brevet pour l’innovation non technologique.

Or ce message est contredit par Withings et Compte Nickel, qui ont protégé
leurs innovations non technologiques par des brevets. Il est contredit aussi par
la valeur stratégique incomparable de ce type de documents. Lorsque Apple a
déclaré la guerre à Samsung, ses armes n’étaient pas des brevets sur les
techniques de pointe des microprocesseurs ou des écrans tactiles. Il s’agissait
de ceux sur les usages du zoom en écartant deux doigts, du double tap pour
zoomer et du rebond de la liste du carnet d’adresse en fin de page. Malgré un
repli partiel depuis, les enjeux ont dépassé le milliard de dollars. De
même Yahoo! a contesté la paternité du fil d’actualité à Facebook et la
valorisation du fabriquant de thermostats connectés Nest Labs s’est envolée
grâce à sa propriété intellectuelle.

EN JEU, DES MILLIARDS D’EUROS

Les inventions d’usage foisonnent. Dernièrement Google a imaginé la
commande d’objets connectés par l’utilisateur en touchant la manche de sa

                                                                                27
veste. Facebook veut classer nos e-mails en fonction de la proximité sociale de
l’expéditeur et du destinataire. Amazon a eu l’idée de décharger des trains en
marche avec des drones pour gagner du temps de livraison.

Cette catégorie d’invention existe depuis toujours, il suffit pour s’en convaincre
de lister les grandes inventions françaises : l’automobile de Cugnot n’est-elle
pas autre chose que l'application d’un moteur à vapeur à la roue d’un chariot
? Le cinématographe n’est-il pas la combinaison du mécanisme saccadé de la
machine à coudre et de la pellicule photo ? La carte à puce n’est-elle pas la
synergie d’une carte et d’une puce ? Ces innovations mettent en oeuvre des
briques techniques, mais ce ne sont pas des innovations techniques.

Les puristes objecteront qu’une invention apporte par définition une solution
technique à un problème technique. Pour autant, une invention d'usage réside
typiquement dans la combinaison de techniques dont l’effet global dépasse la
somme des effets séparés. Les légalistes allègueront la jurisprudence de l’Office
européen des brevets, qui juge « paradoxal » de reconnaître inventive une
innovation non technologique et taxeront la locution « invention d’usage » de
contradiction. Qu’ils utilisent alors l’acronyme « IBINT » pour « invention
brevetable à finalité d’innovation non technologique », si cela peut les libérer
du piège des mots ! Les sceptiques critiqueront les brevets d’usage pour leur
largeur, qui serait un frein à l’innovation.

Le droit américain s’éreinte depuis quatre ans à éradiquer en priorité les
brevets flous, qu’ils soient techniques ou d'usages, car ils sont instrumentalisés
par les patent trolls (« chasseurs de brevets ») pour attaquer en justice les
entreprises. En attendant une illusoire réforme, décourager nos start-up laisse
le champ libre aux géants de l'Internet pour les bloquer !

Comme pour l’innovation d’usage de BlaBlaCar, faudra-t-il attendre un choc
collectif pour l’invention d’usage ? Par exemple, que BlaBlaCar percute le mur
d' Uber et son brevet d’ « informations d’itinéraire pendant un co-voiturage »,
celui de Facebook et son « co-voiturage associé à un évènement » ou celui
d’ Apple et son « co-voiturage automatique entre les membres d’un groupe
social » ?

Ne pas officialiser l’invention d’usage aboutit à un gâchis considérable. Le
brevet multiplie les chances de survie des start-up par trois. En protégeant ne
serait-ce que 30% des start-up au lieu de 15% actuellement, le taux de réussite
de la French Tech augmenterait de 50%. Rapporté au demi-point de croissance
du PIB estimé par le gouvernement, l'enjeu se calcule en milliards d’euros.

                                                                                28
L’innovation d’usage a mis plus de dix ans à être reconnue. Il faut maintenant
que la doctrine de l’invention d’usage soit reconnue à son tour pour protéger
enfin sérieusement le génie inventif de la French Tech ♦

                                                                                 29
Comment faire de la France une « Start-up Nation » ?

                 La French Tech montre un dynamisme enthousiasmant
                 mais, faute de culture de brevet, elle risque de ne jamais
franchir le cap de la maturité. Et pourtant, contrairement aux
apparences, les GAFAM sont vulnérables.

Par Vincent Lorphelin, Pierre Ollivier et Eric Le Forestier

Emmanuel Macron veut que la France devienne une nation de start-up.
Cependant les GAFAM ont déposé 52 000 brevets en 5 ans pour défendre
l’accès aux futurs marchés du numérique. Avec seulement trois d’entre
eux, Apple avait obtenu une condamnation de Samsung en milliards de
dollars. Comment alors imaginer que des start-up françaises aient la
moindre chance ? La French Tech s’enorgueillit d’être la première
délégation mondiale du CES de Las Vegas en termes de start-up et se
réjouit de ses contacts prometteurs avec des grands groupes. Pourtant le
vol des idées fait partie du top 5 des mauvaises pratiques de ces grands
groupes, et la barre pour défendre leurs droits est trop haute pour les
jeunes sociétés : de 500.000 à 4 millions de dollars par litige.

                                                                         30
Les start-up sont pillées. Pire encore, elles sont des contrefacteurs sans le
savoir jusqu’au jour où elles reçoivent un courrier d’huissier. Pour éviter
des procédures interminables, 90% des actions en contrefaçon font l’objet
d’une transaction. Mais leur part la plus visible, initiée par les “patent
trolls”, concerne à elle seule une start-up sur trois. Les start-up pensent
que leur agilité et rapidité les sauveront. Le mantra du “first takes it all”
est dans toutes les têtes, alors qu’il est contredit par les
faits : Google, Facebook et Apple n’ont pas été respectivement les
premiers moteur de recherche, réseau social ni fabricant de lecteur MP3.
Devant ces réalités écrasantes, comment ne pas penser que la “start-up
nation” ne soit qu’une lubie sans lendemain ?

En fait, le chiffre de 52 000 brevets doit être analysé plus finement. En
zoomant par exemple sur le domaine de l’intelligence artificielle, on
constate que les GAFAM n’ont déposé que 244 brevets, dont 103
par Microsoft et 80 par Google. Amazon a présenté en grandes
pompes Alexa au CES 2017, son assistant intelligent et vocal. Vite devenue
la star de Las Vegas, Alexa permet de dicter sa liste de courses, de
commander son Uber ou sa pizza… en s’adressant à des téléviseurs, des
lampes ou des réfrigérateurs. Pourtant, derrière cette vitrine
imposante, Amazon dispose de moins de 40 brevets en intelligence
artificielle.

De même, Mark Zuckerberg a annoncé le pari de Facebook sur la réalité
augmentée. Ses technologies de “camera effect platform” permettront
aux smartphones de superposer des éléments virtuels sur le monde réel.
Pourtant, le premier réseau social mondial ne dispose d’aucun brevet de
réalité augmentée en propre.

Ainsi les marchés du numérique sont tellement nombreux que 52 000
brevets rapportés à chaque marché ne pèsent finalement pas si lourd.
Les 5 brevets de réalité virtuelle rachetés par Facebook avec Oculus ne
l’auront pas empêché d’être condamné à 500 millions de dollars pour vol
de technologies à ZeniMax, et il est à nouveau accusé par ImmersiON-
VRelia. Contrairement aux apparences, les géants du numérique sont
vulnérables.

C’est là que se situe l’opportunité pour les start-up qui peuvent valoriser
leur positionnement unique, en tant que fournisseur, partenaire ou cible

                                                                           31
d’investissement. En millions, comme Vega Vista et ses 10 brevets, ou en
milliards, comme Nest et ses 40 brevets. Pour asseoir leur domination sur
les marchés du numérique, les enchères entre les grands groupes sont
illimitées. Il faut en revanche que les start-up qui veulent se valoriser
disposent de brevets de qualité, c’est-à-dire déposés de manière précoce
et avec des moyens convenables. On objectera que seules 15% des start-
up françaises détiennent au moins un brevet durant leur phase
d’amorçage. On peut voir en effet ce chiffre comme une faiblesse,
puisque son équivalent américain est de 22%. On peut le voir aussi
comme un formidable potentiel d’opportunités. Celui-ci a été identifié
depuis des années par de nombreux rapports officiels, qui insistent sur la
qualité et le foisonnement de l’inventivité en France.

Que manque-t-il ? Une culture de la propriété intellectuelle. Les
entrepreneurs sont majoritairement des inventeurs qui s’ignorent.
Les innovations non technologiques, les inventions qui mettent en œuvre
des ressources numériques ou des logiciels open source ne leur paraissent
a priori pas brevetables. Le brevet leur semble cher, compliqué,
indéfendable et le succès des licences ouvertes a brouillé leur
compréhension de la propriété intellectuelle. Leurs priorités sont la
prospection et la commercialisation. Les business angels interviennent
après l’invention, trop tard pour la protéger correctement. Sous la
pression des investisseurs, qui exigent la présence d’un brevet pour
investir, les entrepreneurs font des dépôts à moindre frais et de qualité
médiocre.

Que faut-il faire ? Selon Jean Tirole, Prix Nobel d’Economie, « pour
innover, il faut des inventeurs et du financement. L’innovation vient de
plus en plus des start-up ». L’OCDE le confirme, il faut apporter aux start-
up de l’expertise et des financements de la propriété intellectuelle. Les
SATT, France Brevets, INPI et Bpifrance font des efforts dans ce sens, mais
on est encore loin du compte. Il faudra davantage pour libérer le potentiel
des inventeurs et que le projet d’une “start-up nation” devienne plus
qu’une simple utopie ! ♦

                                                                          32
Pourquoi les start-up négligent-elles le Brevet ?

                 Les start-up qui détiennent au moins un brevet ont 3 fois
                 plus de chances de succès que celles qui n’en ont
pas. Leurs opportunités de levées de fonds sont en effet augmentées de
50% et elles disposent des moyens d’éviter le pillage de leur innovation
par les grands groupes qui est sinon systématique. La logique financière
est ainsi imparable : toutes les start-up devraient déposer des brevets.
Or seules 15% des start-up françaises en amorçage détiennent au moins
1 brevet, derrière les start-up américaines et allemandes, qui brevètent
respectivement à 22% et 23%. Quelles raisons contredisent la logique
apparemment élémentaire du brevetage ?
Par Vincent Lorphelin, Frédéric Hege et Marine Travaillot
La principale raison avancée par les start-up qui renoncent au brevet
semble être la même de part et d’autre de l’Atlantique, malgré l’absence
d’enquête universitaire aussi détaillée en France : le coût. Non seulement
celui de l’obtention du brevet, mais également celui lié à la protection de
ses droits contre les contrefacteurs. D’autres raisons sont fréquemment
évoquées auprès des Conseils et dans la presse.
Le manque de financement

                                                                         33
Les innovateurs trouvent des financements pour des développements
commerciaux, pour lancer une production de série, pour investir dans un
équipement industriel, mais échouent par exemple à trouver un
financement destiné à étendre la protection d’un brevet à quelques
dizaines de pays. Les aides publiques se limitent en général à l’étude de
brevetabilité d’une invention déjà identifiée et décrite, mais non de
l’identification préalable de l’invention dans une innovation, qui est
d’autant plus délicate et coûteuse qu’il s’agit d’une innovation d’usage.
Finalement, la propriété intellectuelle se finance essentiellement sur
fonds propres.
Le manque de visibilité sur la valorisation
Il n’existe pas d’étude officielle permettant d’estimer, même de manière
approximative, la valeur intrinsèque que représente un portefeuille de
brevets, et encore moins la contribution à la valeur totale de l’entreprise
ou à la rentabilité des investissements en capital-risque.
Le manque d’appréciation de l’opportunité stratégique
Au début de l’aventure, les premiers actionnaires ne voient pas les
brevets comme une priorité, mais comme une charge, un investissement
important tant en temps qu’en capital. Ils sont davantage préoccupés par
le lancement commercial et le recrutement de collaborateurs et préfèrent
remettre cette dépense à plus tard. L’absence de brevet n’est pas un
handicap au départ et il n’est pas rare qu’un premier tour de table
aboutisse sans brevet. Par contre, il empêche de passer le cap suivant,
celui où les start-up devraient grossir et devenir des licornes ou se
valoriser auprès d’acquéreurs potentiels.
Le manque de visibilité sur les coûts
Le site officiel de l’INPI annonce un coût de 700 EUR alors que France
Brevets annonce une fourchette comprise en 5.000 et 50.000 EUR par
brevet.
Le manque d’incitation par les investisseurs
Les business angels et les investisseurs en amorçage apprécient la
présence d’un brevet, gage de sérieux, mais rechignent à financer la
constitution d’un véritable portefeuille.
La brièveté de la fenêtre d’opportunité
L’amorçage est la meilleure période pour protéger son innovation car elle
a une portée plus large et permet une protection complète de la
technologie. Le dépôt de la demande de brevet doit aussi intervenir avant
de révéler l’invention à la presse ou au public, afin de couper court à

                                                                         34
toute velléité des concurrents à « s’inspirer » de l’idée présentée. Si on
rate cette fenêtre d’opportunité, il faut alors se rabattre sur la protection
de nouvelles versions du prototype, voire accepter que certains pans ne
soient pas protégés. Pire, un tiers peut avoir protégé l’idée ou le
prototype avant vous, ce qui oblige à payer une licence pour développer
les versions ultérieures ou commercialiser le produit ou service.
Le manque d’expertise sur la brevetabilité
Open source, logiciel, algorithme, intelligence artificielle, tous ces mots
semblent incompatibles a priori avec le brevet, ce qui est loin d’être le
cas. Contre-exemple flagrant, Google se positionne comme le cinquième
déposant mondial.
Le manque d’expertise sur le brevet américain
L’office américain des brevets est moins strict que ses homologues
européens, en particulier pour les inventions mises en oeuvre par des
logiciels et les innovations d’usage. Pourtant leader mondial du co-
voiturage, BlaBlaCar n’a pas breveté son invention. Il est maintenant
confronté à plusieurs dizaines de brevets américains, ce qui gêne son
développement.
La culture française de l'innovation
La culture de l’innovation « techno-centrée » : la vision traditionnelle de
l’innovation est centrée en France sur la recherche et la technologie.
Malgré un changement de doctrine de BPIfrance en 2015 pour ouvrir
cette vision à l’innovation d’usage, la French Tech se sent trop souvent
exclue du champ du brevet.
La culture du scepticisme envers le brevet : les brevets sont
instrumentalisés par les « patent trolls », des chercheurs remettent en
cause l’intérêt du brevet pour l’innovation, les innovations radicales ne
seraient jamais le fruit des brevets, les pays les plus innovants ne sont pas
ceux qui accumulent le plus de brevets. Bref, le brevetage est souvent
soupçonné de nuire à l’intérêt général.
La culture du « tout gratuit » nuit beaucoup à la brevetabilité. L’idée de la
libre circulation des idées fait partie de la culture française et se retrouve
même renforcée par le numérique.

La rationalité financière du brevet est masquée par de nombreuses
objections plus ou moins légitimes et particulièrement présentes en
France. Dans ce contexte, il n’est finalement pas si étonnant de constater
que les entrepreneurs ne cherchent pas à déposer de brevet, ce qui

                                                                            35
contribue à solidifier le plafond de verre qui empêche la France de
devenir une « Start-up Nation » ♦

                                                                      36
Il faut penser la synthèse des intelligences artificielle et
collective

                          Vouloir engager une réflexion nationale sur
                          l'intelligence artificielle est un piège politique que
                          le gouvernement se tend à lui-même. Pour l'éviter,
il vaut mieux chercher la synthèse de l'intelligence artificielle et de
l'intelligence collective.

Par Vincent Lorphelin, Christian Saint-Etienne, Denis Jacquet, Fabrice
Imbault, Jean-Paul Betbèze, Jean-Philippe Robé

Le Premier Ministre a confié au Député et mathématicien Cédric Villani
une mission sur l'intelligence artificielle (IA) pour l'éclairer et "ouvrir le
champ à une réflexion nationale". L'enjeu est en effet de taille. Mark
Zuckerberg, le fondateur de Facebook, et Eric Schmidt, Président exécutif
de Google, pensent pouvoir grâce à l'IA « réparer tous les problèmes du
monde ».

Ce courant de pensée est puissant, mais critiqué pour ses dérives
"solutionnistes". Demander à l'IA de résoudre le problème des sans-abris
reviendrait à lui laisser les effacer en temps réel dans nos lunettes de

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réalité augmentée. Aussi perfectionnée soit-elle, l'IA ne sait pas
contextualiser les problèmes pour les élucider, et se précipite trop tôt sur
de fausses solutions. C'est pourquoi Elon Musk, fondateur de Tesla, craint
le scénario de Terminator : « jusqu'à ce que les gens voient vraiment des
robots tuer des personnes, ils ne sauront pas comment réagir, tellement
ça leur paraîtra irréel ». Pour contrer ce funeste destin, il a créé la
société Neuralink avec la mission vertigineuse d'implanter des électrodes
dans notre cerveau, et veut ainsi augmenter l'intelligence humaine. Ce
deuxième courant de pensée "transhumaniste" est lui-même critiqué
pour être un remède pire que le mal.

A l'inverse l' intelligence collective (IC) veut augmenter la coopération
entre les humains. Mais ce rêve ancien est resté inachevé. L'intelligence
est certes interconnectée avec Internet et collaborative avec Google et les
réseaux sociaux, mais elle est encore peu collective. Ce développement
s'est toujours heurté aux limites du bénévolat, de la gouvernance
partagée ou de l'organisation hiérarchique. A chaque fois dans l'histoire
qu'une dynamique d'invention collective s'est mise à bouillonner, pour
lancer la machine à vapeur, l'aviation ou la micro-informatique, elle s'est
figée brusquement dès les premiers succès. Les contributeurs se
disputent la propriété des fruits de l'IC et, lorsqu'ils essaient de résoudre
le dilemme entre propriété privée ou commune, ils s'enlisent dans le
sempiternel clivage capitalisme / communisme.

Le thème de l'IA conduit mécaniquement aux thèses solutionniste et
transhumaniste, et son inverse l'IC conduit aux antithèses capitaliste et
communiste. Bloquée dans ces oppositions, la pensée ressasse les
craintes du chômage, de colonisation numérique, de fuite des cerveaux,
d'impossibilité de régulation et de perte de souveraineté. Elle sécrète
ainsi un poison anxiogène qui intoxiquera toute réflexion nationale. Le
gouvernement, qui n'aura aucun argument solide face à ces craintes,
dépensera son énergie à ne pas se laisser contaminer. On exhortera l'IA à
être plus verte et responsable, on durcira les contrôles administratifs, on
dispensera quelques saupoudrages pour adoucir le mal, et on finira par
ranger le tout dans le tiroir des occasions ratées avec le smartphone, le
commerce électronique et l'ubérisation.

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Pourtant notre histoire a déjà été confrontée à ce type de situation. Pour
faire émerger une nouvelle intelligence du monde, le philosophe René
Descartes établissait au XVIIème siècle la prééminence du raisonnement.
Isaac Newton lui opposait celle de l'observation. Il constatait en effet
qu'une pomme est attirée par la Terre comme les planètes par le Soleil,
sans raison. Cette querelle de deux sciences incomplètes, envenimée par
les préjugés des théologiens, a alimenté des débats fiévreux et vains
pendant presque un siècle. Il a fallu attendre les Lumières pour inventer la
synthèse du raisonnement et de l'observation par la science moderne.
Alors seulement celle-ci a pu se développer pour résoudre les grands
problèmes de son temps - la misère, les grandes épidémies et la mortalité
infantile.

De même aujourd'hui, la réflexion doit se focaliser sur la synthèse
naissante des intelligences IA+IC. Celle-ci se dessine justement grâce à un
foisonnement de jeunes expériences pour mieux coordonner les
automobilistes et accroître la sécurité routière. Pour partager les images
médicales et expertises, et améliorer la prévention des risques. Pour
enrichir et simplifier la coopération entre les équipes marketing et leurs
clients, entre élèves et professeurs. Pour répartir la prise de décision et
remplacer le commandement par l'animation. Pour établir, dans les
entreprises "à mission", des comptabilités extra-financières poussées et
se fixer des objectifs responsables au-delà de la seule rentabilité. Pour
mesurer, sur les plate-formes "décentralisées", la valeur de chaque
contribution, lui attribuer des parts de co-propriété et sortir du travail
gratuit habituellement récolté par les GAFA. Pour gérer les œuvres
collectives et les big data comme des co-propriétés massives, dépasser les
vieux clivages idéologiques sur la propriété et sortir du tout gratuit
lorsque les GAFA les monétisent. Pour mesurer de multiples indicateurs
de qualité de vie, les inclure dans les statistiques officielles et gouverner
une économie enfin durable. Aucun de ces enjeux n'est accessible à l'IA
ou l'IC pris séparément.

En traitant le sujet tel qu'il lui a été confié, l'aboutissement de la mission
sur l'IA sera anxiogène pour la réflexion nationale. En ouvrant son sujet à
la synthèse de l'IA et de l'IC, cette mission pourra orienter les Français et
les Européens vers l'avènement d'une nouvelle science capable de faire
face aux grands problèmes contemporains. Cette vision offrira une

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alternative aux courants de pensée dominants de l'IA, et sera plus en ligne
avec nos valeurs, davantage portées par l'intérêt collectif. Le défi
intellectuel est de taille, mais Cédric Villani en a relevé d'autres ♦

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Stratégie
Le brevet, clé du développement de l’Intelligence
Artificielle

                 Malgré les enjeux évoqués par la mission Villani, la
                 French IA protège peu ses innovations à cause de
l’incompatibilité supposée des logiciels et des brevets. Or l’IA repousse
les frontières de la brevetabilité sur plusieurs fronts, y compris en
Europe. Il faut seulement approfondir la recherche des inventions sous-
jacentes.

Par Vincent Lorphelin, Eric Le Forestier, Jean-Christophe Rolland, Pierre
Ollivier, Frédéric Hege, Mathieu Buchkremer

Vladimir Poutine déclarait que le leader de l’IA « dominera le monde ». Le
médaillé Fields et député Cédric Villani exhorte l’Europe à investir des
dizaines de milliards d’euros dans l’IA. Selon le rapport intermédiaire de
sa mission, les enjeux ne sont pas moins que ceux de la « domination
économique », de l’« aspiration de la valeur » et même du risque de
« déshumanisation ».

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Il vante la vitalité française dans l’IA avec ses 270 start-up, plusieurs
dizaines de centres de recherche et un haut niveau de recherche en
mathématiques et informatique. Pourtant, nous n’avons toujours pas
résolu un problème majeur. La France continue à inventer pour le
bénéfice du monde entier, sauf du sien. Chaque rapport officiel déplore
son manque de propriété intellectuelle. Pour ce qui concerne les start-
up, seulement 15% d’entre elles sont protégées contre 22% en Allemagne
et aux Etats-Unis.

La French Tech est sceptique

Les start-up de l’IA ne se sentent en général pas concernées par ce
problème. Elles croient majoritairement que l’IA n’est pas brevetable.
Parmi les raisons évoquées :

  •   Intégrer des briques open source empêcherait la brevetabilité.
      Pourtant Google, héraut mondial de l’open source, est le cinquième
      déposant mondial de brevets.
  •   Les logiciels ne seraient pas brevetables. Pourtant IBM est le
      premier déposant mondial avec 8088 demandes dont 2700 pour
      l’IA.
  •   Les algorithmes ne seraient pas brevetables en France. Pourtant le
      CNES vient d’obtenir un brevet de surveillance apprenante du bon
      fonctionnement des satellites, donc basé sur des algorithmes de
      machine learning (5).
  •   Les innovations d’usage, qui intègrent des briques d’IA, n’auraient
      pas la technicité suffisante pour être brevetées. Pourtant Apple a
      protégé le déverrouillage d’un portillon automatique par
      reconnaissance de l’empreinte digitale sur un iPhone placé à
      proximité (2). Facebook a protégé l’accès à une communauté en
      ligne par scan d’un QRcode imprimé sur une affiche (3). Amazon a
      protégé la liste de mots-clés proposés à un utilisateur pour décrire
      une photo qu’il s’apprête à poster (4).

En dépit de ces faits la French IA reste sceptique sur la brevetabilité de
ses innovations. Il faut reconnaître à sa décharge que la première
prestation qui leur est proposée par les professionnels est en général une
analyse de brevetabilité. Or celle-ci conclut trop souvent par la négative
lorsqu’il s’agit d’une innovation d’usage. Cette analyse n’est hélas que

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rarement précédée par une identification approfondie des inventions
sous-jacentes, prestation plus longue et coûteuse alors que les budgets ne
sont pas toujours là, mais qui révèlerait des trésors aujourd’hui ignorés !
Cette identification consiste à dénicher par exemple les inventions sous-
jacentes d’un assistant de beauté qui conseille à une cliente un blush et
un crayon à lèvres lorsqu’elle achète du rouge à lèvres (5), d’un
synthétiseur de voix qui apparaît plus naturel à l’écoute (6), ou d’un
animateur artificiel de conférences en ligne qui réagit en fonction de
l’ambiance des débats (7).

Le champ du brevet est élargi par l’IA

L’intelligence artificielle est une source de brevetabilité considérable que
la French Tech ignore pour de mauvaises raisons. L’IA repousse même les
limites de la brevetabilité en Europe au-delà de frontières qui paraissaient
jusqu’alors intangibles.

Sur son site web l’INPI (Institut National de la Propriété Intellectuelle)
indique que « au sens de la propriété industrielle, le brevet protège une
invention technique, c’est-à-dire un produit ou un procédé qui apporte
une nouvelle solution technique à un problème technique donné ». Or
on peut se demander où se trouve l’élément technique dans la
revendication fondatrice du brevet du CNES précédemment évoqué (1).

   •   L’INPI n’a soulevé aucune objection de non brevetabilité, et l’OEB
       (Office Européen des Brevets) en rédigeant l’Opinion Ecrite ne l’a
       pas soulevé non plus. Dans le jargon des experts, il s’agit en effet
       d’un procédé de traitement de mesures, et le procédé logique
       produit un effet nouveau sur le traitement des mesures. Par
       exemple si la détermination d’une frontière par le programme lui-
       même permet d’obtenir une plus grande fiabilité des alertes, on a
       un effet technique. Cette méthode permet de plus d’optimiser et de
       gagner en sollicitation de ressources machines compte tenu du
       grand nombre de paramètres à surveiller, et fait gagner en temps
       de calcul de manière significative.
   •   L’ optimisation peut être considérée comme un effet technique,
       surtout lorsqu’elle rend des choses possibles qui ne le sont pas sans
       l’invention.

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