Laissez-vous conter Notre-Dame-de-Lorette - Ablain-Saint-Nazaire Souchez - Lens ...
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Villes et Pays d’art et d’histoire Lens-Liévin laissez-vous conter la nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette Ablain-Saint-Nazaire Souchez
Située sur la commune d’Ablain-Saint- Nazaire et dominant le territoire de la Communauté d’Agglomération de Lens-Liévin, la nécropole de Notre-Dame-de-Lorette constitue un lieu éminemment symbolique de la Grande Guerre en Artois. Position stratégique du front pendant quatre ans, théâtre de combats meurtriers, Édito du Président de la Communauté la colline de Lorette est choisie dès la fin du conflit pour y ériger une nécropole militaire, qui devient la plus grande du territoire français. La reconnaissance vouée aux soldats morts au combat est parachevée par la d’Agglomération de Lens-Liévin construction d’une chapelle et d’une tour-lanterne au sein du cimetière. À l’heure du centenaire de la Grande Guerre, le site est mis à l’honneur grâce à la mobilisation de l’État, du Conseil Régional du Nord - Pas de Calais, du Conseil départemental du Pas-de-Calais et de la Communauté d’Agglomération de Lens-Liévin. En plus de l’aménagement des abords du site, deux projets d’envergure se concrétisent : le Mémorial international de Notre-Dame-de-Lorette face à la nécropole et Lens’14-18 – Centre d’Histoire Guerre et Paix à Souchez. Ces initiatives traduisent la volonté des pouvoirs publics de contribuer au travail de mémoire, notamment pour les jeunes générations, mais aussi de renforcer l’attractivité du territoire en matière de tourisme de mémoire à l’échelle nationale et internationale. Sylvain Robert Président de la Communauté d’Agglomération de Lens-Liévin Maire de Lens
Carte simplifiée de l’évolution du front en Artois au cours de l’année 1915 Repères géographiques et chronologiques Relief Zone occupée par l’armée allemande Zone reprise par l’armée française lors de l’attaque de mai 1915 Zone reprise par les armées française et britannique lors de l’attaque de septembre 1915 3 août 1914 25 septembre 1915 Mars – avril 1917 Déclaration de guerre de Lancement de la Les Allemands évacuent l’Allemagne à la France. Troisième bataille d’Artois. massivement les civils Bataille de diversion encore présents sur le Septembre – octobre 1914 à Loos-en-Gohelle par territoire vers la Belgique. Course à la mer. l’armée britannique. Lens est occupée dès le 9 avril – 15 mai 1917 4 octobre. 1916 Bataille d’Arras. L’armée française Prise de la crête de Vimy Hiver 1914 quitte le front d’Artois par les Canadiens. Première bataille d’Artois. pour se concentrer sur la zone de front des 10-12 octobre 1918 9 mai 1915 Libération du secteur Lancement de la Deuxième départements de l’Est de la France. L’armée de Lens-Liévin. bataille d’Artois. Reprise du plateau de britannique se voit Notre-Dame-de-Lorette confier la gestion du front par l’armée française. Nord - Pas de Calais. 4
Ablain-Saint-Nazaire et le plateau de Notre-Dame-de-Lorette avant 1914. Les ruines de l’hôtel de ville et du beffroi d’Arras à la fin de l’année 1915. Dans la conscience collective, La course à la mer où la ville d’Arras constitue Allemands s’affrontent dans une la guerre 1914-1918 est Au début du conflit, l’armée un point de tension. série d’attaques et de contre- souvent associée aux sites du allemande applique son plan attaques visant à « grignoter » Chemin des Dames (Aisne) de bataille connu sous le La prise du plateau les positions adverses. ou de Verdun (Meuse). nom de « plan Schlieffen » de Lorette Les premières tranchées Les batailles d’Artois sont et traverse la Belgique neutre Dans la nuit du 4 au 5 octobre sont encore rudimentaires, généralement moins connues. avec l’objectif de foncer vers 1914, les troupes de la mais les troupes allemandes, Les batailles d’Artois Pourtant, le front entre la capitale française. La 6e armée allemande pénètrent mieux équipées que les Lens et Arras a représenté victoire des Français lors dans Lens et prennent pied sur troupes françaises, aménagent un enjeu stratégique pour de la bataille de la Marne le plateau de Lorette. Cette rapidement de puissantes lignes le commandement français en septembre 1914 permet position est d’autant plus facile de défense. Le front se fixe d’abord, britannique ensuite, de sauver Paris et amorce à emporter que les Français alors selon un axe nord-sud et les combats qui s’y sont l’épisode appelé « course ont laissé une brèche s’ouvrir englobant la colline de Lorette déroulés n’ont pas été à la mer ». Durant cette entre Carency et Grenay. et la crête de Vimy, toutes deux moins meurtriers que dans période, l’armée allemande Les Allemands sont aux portes occupées par les Allemands. d’autres départements. En et les forces armées d’Arras. Les Français mènent À ce stade, ces points d’ancrage témoigne le surnom donné françaises et britanniques des combats acharnés pour constituent le principal à la colline de Lorette tentent de se déborder défendre la ville qui croule sous objectif que le commandement par les soldats tant côté réciproquement par des les obus. Face à la résistance français s’emploie à conquérir français que côté allemand, mouvements d’encerclement française, les Allemands avec obstination en lançant « la colline aux 100 000 vers le nord. Les troupes finissent par renoncer et se de grandes offensives morts » ou « Totenhügel » ennemies s’affrontent alors en replient sur les hauteurs des successives entre octobre 1914 (= la colline de la mort). remontant progressivement collines d’Artois. Commence et octobre 1915. Appelés vers la Belgique et la Mer alors la guerre de position. « les batailles d’Artois », du Nord à travers l’Oise, la Au cours des mois d’octobre ces affrontements s’avèrent Somme et le Pas-de-Calais et novembre 1914, Français et particulièrement meurtriers. 5
Mise en scène d’un assaut de soldats français à Notre-Dame-de-Lorette. Notre-Dame-de-Lorette et Ablain-Saint-Nazaire pendant le bombardement. Aquarelle de François Flameng, mai 1915. La première bataille Le début de l’année 1915 est d’Artois marqué par la guerre des mines Le 17 décembre 1914, une que se livrent les belligérants, opération est déclenchée à dans le secteur de Carency l’initiative du général Joffre, notamment. Cette technique, Commandant en chef de responsable de nombreuses l’armée française, qui souhaite pertes, consiste à détruire les reprendre la guerre de tranchées adverses en creusant mouvement sur tout le front des galeries souterraines pour y occidental. La 10 e armée du déposer des charges explosives. général de Maud’huy passe à l’attaque sur le plateau de Lorette et dans le village de Carency, sans succès. Accablés par les conditions Le plateau de Lorette, d’une série d’éperons aux de Flandres par temps clair, particulièrement rigoureuses une topographie pentes abruptes au sud. vers les bois de Givenchy- de l’hiver, les soldats se battent déterminante Au pied de cette colline en-Gohelle et la crête de contre le feu ennemi mais aussi s’étirent les vallons creusés Vimy à l’est et vers les contre le froid, la pluie, la neige La colline de Notre-Dame- par les cours d’eaux du tours de l’ancienne abbaye et surtout la boue, argileuse et de-Lorette correspond à Saint-Nazaire et du Carency. du Mont-Saint-Eloi et la collante, qui piège les morts l’extrémité est des collines Cette position dominante route d’Arras au sud-est. comme les vivants. La fin de d’Artois. Culminant à 165 m offre une vue exceptionnelle La colline de Notre-Dame- l’hiver est mise à profit par les d’altitude, elle est dotée sur les alentours : vers de-Lorette constitue donc deux armées pour conforter et d’une pente douce crayeuse le bassin minier au nord un promontoire stratégique organiser leurs positions malgré sur son versant nord-est et jusqu’à Lille et aux monts pour celui qui en est maître. la poursuite des combats. 6
Carte de l’organisation de l’armée française lors de l’offensive de mai 1915 Position du 21e corps d’armée français Position du 33e corps d’armée français La deuxième bataille d’Artois Au début du printemps 1915, le général Joffre décide de aux photographies aériennes. les lignes allemandes défendues du groupe d’armées du Nord, lancer une nouvelle offensive Une semaine avant l’assaut, des par un redoutable « fortin ». décide finalement de stopper d’envergure pour le mois tirs nourris de 1 125 canons Les soldats se battent au l’offensive le 24 juin face à la de mai. Il faut à tout prix pilonnent les lignes allemandes. corps à corps, à la grenade résistance allemande. À l’heure reprendre le plateau de L’attaque est déclenchée le et à la baïonnette. Après des du bilan, la réalité frappe les Lorette et la crête de Vimy 9 mai sur un front de près de affrontements acharnés, esprits. Du 9 mai au 25 juin, afin d’ouvrir la voie vers 20 km. À 6 heures du matin, le plateau de Lorette est pour reconquérir 20 km 2 , le Nord et la frontière belge. l’artillerie française entre en repris le 12 mai de même 104 000 soldats français sont En prévision de cette attaque, action. À 10 heures, l’infanterie que le village de Carency et tués, portés disparus, blessés les Français effectuent un donne l’assaut. Le 33e corps une partie du village d’Ablain- ou faits prisonniers. Côté travail considérable pour d’armée (CA)* commandé par Saint-Nazaire. Les Allemands allemand, les positions sur la renforcer leurs tranchées : le général Pétain, la division sont repoussés sur les pentes crête de Vimy sont sauvegardées mise en place de différentes marocaine et les légionnaires sud-est de la colline dont les mais au prix de lourdes pertes lignes de combats parallèles attaquent dans le secteur de Français s’emparent le 22 mai. avec 75 000 hommes tués, reliées par de nombreux Neuville-Saint-Vaast et font Le village d’Ablain-Saint- blessés ou prisonniers. boyaux, installation de postes une percée remarquable vers Nazaire est totalement repris de commandement, de postes la crête de Vimy qui ne peut les 28-29 mai après une lutte de secours, stockage de cependant être confortée intense, notamment au niveau munitions, matériel divers, eau, faute de renforts. Au niveau du cimetière de la commune. vivres, création d’un réseau du plateau de Lorette, les Progressivement, les troupes téléphonique enterré… Une soldats du 21e corps d’armée s’épuisent et les combats reconnaissance minutieuse commandé par le général s’enlisent à hauteur de Souchez. du terrain est effectuée grâce Maistre viennent butter sur Le général Foch, commandant 7
Le parc du château du Carieul à Souchez à la fin de l’année 1915. Des soldats français dans les maisons en ruines à Ablain-Saint-Nazaire. La troisième bataille L’assaut est donné le d’Artois 25 septembre. Le 21e corps L’été 1915 s’écoule sans que le et le 33e corps s’élancent La chanson de Craonne origine sur le plateau de front n’évolue mais les armées vers Souchez. L’avancée des Refrain : Notre-Dame-de-Lorette et se livrent une lutte constante soldats est contrariée par Adieu la vie, adieu l’amour, disait alors : C’est à Lorette, d’artillerie à grands renforts la présence de marécages et Adieu toutes les femmes sur le plateau… Créée par de mortiers, surnommés d’obus asphyxiants lancés C’est bien fini, c’est un anonyme et transmise « crapouillots » par les soldats par les batteries allemandes pour toujours oralement, il en existe en français, et « Minenwerfer » depuis Angres et Liévin. Dans De cette guerre infâme réalité plusieurs variantes. côté allemand. En le cimetière de Souchez, une C’est à Craonne, Cette chanson a fait l’objet septembre 1915, l’État-major lutte acharnée se livre sous sur le plateau d’une censure pendant français souhaite à nouveau les grenades. Au final, les Qu’on doit laisser sa peau la guerre à cause de son lancer une importante attaque troupes françaises reprennent Car nous sommes caractère contestataire et simultanée en Champagne et en les villages de Givenchy et tous condamnés antimilitariste. Les paroles Artois. Après les efforts fournis de Souchez (26 septembre) et Nous sommes les sacrifiés sont publiées pour la en mai, il faut définitivement atteignent la cote 119 de la première fois en 1919 par percer le « verrou » de Souchez, crête de Vimy. Celle-ci reste La chanson de Craonne Raymond Lefebvre puis par qui commande le principal cependant aux mains des (du nom du village de Paul Vaillant-Couturier. accès vers Lens, et prendre Allemands et n’est reprise qu’en Craonne dans l’Aisne), La mélodie s’inspire de pied sur la crête de Vimy. avril 1917 par les Canadiens notamment connue pour l’air d’une chanson bien La 10 e armée française est lors de la bataille d’Arras. avoir été entonnée par plus légère « Bonsoir une nouvelle fois mobilisée. les soldats français lors M’amour », créée par Karl Elle reçoit parallèlement des mutineries consécutives Ditan sur des paroles de le soutien des forces à l’offensive du Chemin des Raoul Le Peltier et une britanniques dans le secteur Dames en 1917, trouve son musique d’Adelmar Sablon. de Loos-en-Gohelle. 8
La sucrerie-distillerie entre Ablain-Saint-Nazaire et Souchez avant 1914. La même sucrerie-distillerie après les combats de 1915. Les villages situés aux abords à l’image des ruines de L’église d’Ablain- de Notre-Dame-de-Lorette, la sucrerie-distillerie située Saint-Nazaire tels qu’Ablain-Saint-Nazaire, entre Ablain-Saint-Nazaire et Avec sa tour de 34 m de haut, Carency ou Souchez, sont Souchez, que les Allemands l’église du village est utilisée touchés de plein fouet par transforment en véritable par les soldats allemands le conflit. Dans ce secteur, forteresse. Les terrains alentours comme poste d’observation la population qui n’a pas fui sont par ailleurs inondés pour et devient la cible de Les villages au cœur au moment de l’invasion en gêner l’avancée de l’adversaire. l’artillerie française et août 1914 est évacuée par D’autres dispositifs complètent britannique en 1914 et 1915. les Allemands au début de la ligne de défense allemande, Construit par Jacques l’année 1915. Ces derniers comme à Angres et Liévin, où Le Caron, l’architecte du investissent les habitations et des canons de longue portée beffroi d’Arras, l’édifice réalisent d’importants travaux : sont installés pour bombarder date du xvie siècle. Avec les maisons sont reliées les tranchées françaises situées ses hautes fenêtres et son des combats les unes aux autres par des boyaux sur la colline de Lorette. portail richement sculpté souterrains ou par des en façade sud, cette église tranchées. Les caves sont est considérée comme un étayées et renforcées fleuron du style gothique par des couches de flamboyant. Classé béton. Les murs sont Monument Historique percés pour y placer en 1908, l’édifice est des mitrailleuses. Ces symboliquement laissé villages forment alors à l’état de ruines après la un puissant système guerre, comme témoin des défensif dotés de points terribles combats en Artois. d’appui stratégiques, 9
Enterrement d’un soldat français dans le secteur de Bully-Grenay Cimetière provisoire à proximité de Notre-Dame-de-Lorette le 26 novembre 1915. (bois de Bouvigny) en 1917. Les cimetières Les programmes Lois et décrets pris par « Mort pour la France ». provisoires nationaux le gouvernement français Des instructions précisent Pendant le conflit, des Aux lendemains de la guerre, Une première loi est votée les dispositions visant à cimetières provisoires sont chaque nation décide d’établir le 29 décembre 1915 pour respecter les différentes érigés par les belligérants, des cimetières permanents régir la création des lieux convictions religieuses : soit aux abords immédiats selon des logiques différentes. de sépultures des armées les stèles peuvent comporter du front, soit à l’arrière, près La France et l’Allemagne françaises et alliées. Elle est un emblème confessionnel Cimetières militaires des hôpitaux de campagne conservent le principe étendue le 28 juin 1922 aux et les soldats musulmans où décèdent de nombreux du regroupement des tombes allemandes. Selon sont enterrés dans des blessés. En territoire occupé, combattants dans de grandes la loi du 31 juillet 1920, tombes orientées sud-ouest/ comme à Lens, les autorités nécropoles tandis que le les cimetières sont gardés nord-est, le corps couché allemandes établissent des gouvernement britannique et entretenus aux frais de sur le côté droit et le visage cimetières qui témoignent privilégie l’inhumation des la Nation. Toutefois, les tourné vers La Mecque. d’un réel souci esthétique soldats au plus près du lieu où communes et associations et qui sont manifestement ils sont tombés. Cela explique qui le demandent peuvent L’aménagement des conçus pour durer. la présence des nombreux bénéficier d’une convention nécropoles françaises La France et le Royaume- cimetières du Commonwealth pour assurer ces missions Plutôt sobre, il respecte Uni choisissent de regrouper dans le paysage actuel comme pour le compte de l’État. Elles une logique d’économie les corps dans des fosses celui du « Cabaret Rouge » à reçoivent en contrepartie une de moyens. Les tombes communes : jusqu’à 100 Souchez ou celui du « Villers indemnité forfaitaire fixée sont alignées par rangées, corps pour les Français, Station » à Villers-au-Bois. par décret. C’est le décret du comme les soldats d’une par groupes de 6 pour 25 septembre 1920 qui établit armée, et traitées de manière les Britanniques. Les le principe d’un monument identique. Leur grand Allemands mettent tout de individuel et uniforme pour nombre crée un effet de suite en place le principe chaque soldat (stèle ou masse soulignant l’ampleur de la tombe individuelle. croix) portant l’inscription des pertes subies, tandis que 10
Monument funéraire allemand La foule lors de l’inauguration du Cérémonie du 11 novembre 1920 à Paris. Devant le Panthéon, le char érigé à Lens en mémoire des soldats monument aux morts de Lens en 1925. transportant le cœur de Gambetta et le canon de 155 prêt à recevoir le cercueil tombés à Notre-Dame-de-Lorette. du soldat inconnu. leur homogénéité symbolise Les cimetières allemands s’avère par ailleurs laborieuse Le culte du soldat l’égalité de tous devant la mort Ils sont d’abord gérés par et coûteuse même si l’État inconnu et le don de soi pour la patrie. les services français qui participe aux frais. C’est Des milliers de morts L’entretien de ces nécropoles procèdent au regroupement de dans ce contexte que chaque n’ayant pu être identifiés, est assuré par le Ministère nombreux cimetières existants. commune décide d’élever un de nombreuses familles sont de la Guerre, aujourd’hui Une association populaire, monument permettant aux confrontées à l’absence de Ministère de la Défense en la Volksbund Deutsche familles d’honorer leurs morts. corps. Pour rendre hommage lien avec l’Office national des Kriegsgräberfürsorge (VDK)*, Chez les Britanniques, hormis à ces héros anonymes, l’État anciens combattants et victimes est pourtant créée dès 1919 les contingences logistique français décide d’honorer de guerre (ONACVG). un soldat inconnu dans mais elle n’est autorisée à et financière, les convictions un monument dévoilé intervenir en territoire français spirituelles n’encouragent pas le 11 novembre 1920 sous L’approche britannique qu’en 1926. Les cimetières le recours au rapatriement. l’Arc de Triomphe à Paris, Les cimetières britanniques allemands sont marqués Pour ce qui est des soldats l’inhumation n’ayant lieu sont régis par un organisme par une grande sobriété et allemands, l’administration qu’en janvier 1921. Cette créé dès 1917, l’Imperial War reflètent dans leur conception française refuse de rendre tombe devient alors symbole Graves Commission devenue l’idée de communion entre les corps aux familles. de recueillement national. en 1960 la Commonwealth War l’Homme et la Nature. Le gouvernement britannique Graves Commission (CWGC)*. inhume le même jour un La conception et l’entretien de Le rapatriement des corps soldat inconnu dans l’abbaye de Westminster à Londres. ces cimetières répondent à un Certaines familles souhaitent D’autres pays imitent cahier des charges précis. Les enterrer leurs défunts dans rapidement cette démarche. stèles sont toutes identiques le cimetière communal mais En revanche, le culte du et organisées selon un plan cette pratique est peu courante soldat inconnu en Allemagne rigoureux. Un soin particulier car l’exhumation des corps apparaît plus tardivement, est réservé au fleurissement des n’est autorisée en France qu’à à l’initiative d’Adolf Hitler. tombes et à la taille des arbres. partir de 1920. La procédure 11
Un des cimetières provisoires à proximité de Notre-Dame-de-Lorette. L’association du Monument de Lorette. Assis au centre, Monseigneur Julien À l’arrière-plan, les ruines de l’église d’Ablain-Saint-Nazaire. avec le général Maistre à sa gauche. Derrière eux, debout en costume sombre, l’architecte Louis-Marie Cordonnier. Un lieu symbolique L’association du Monument un temps le rôle de trésorier. Avec sa position dominante, de Lorette Placé sous le haut patronage mais plus encore au regard Avant même la fin du conflit, du Président de la République, de l’importance des pertes deux hommes particulièrement de l’Archevêque de Paris et subies en ce lieu, le site de touchés par le sort des soldats des maréchaux Foch, Joffre et Notre-Dame-de-Lorette en Artois, Monseigneur Julien, Pétain, le comité se structure s’impose dès 1919 comme lieu évêque d’Arras, et le général en association loi 1901 dès de commémoration du sacrifice Maistre, ancien commandant le mois de septembre 1920 de milliers de combattants du 21e corps d’armée qui et se donne pour but, selon morts pour la patrie. Le petit a repris le plateau de Lorette l’article 1er de ses statuts : cimetière créé sur place en en 1915, émettent l’idée d’élever « l’érection d’un monument 1915, qui s’est progressivement sur la colline de Lorette un commémoratif sur la colline de de la nécropole agrandi durant les combats, monument symbolique pour Notre-Dame-de-Lorette, destiné reçoit, entre 1920 et 1926, se souvenir. Très vite, d’autres à perpétuer le souvenir des luttes les corps de soldats provenant personnalités adhèrent à cette tragiques dont cette colline Les origines de plus de 150 cimetières des initiative et un premier comité et ses abords furent le théâtre champs de bataille de l’Artois, est créé. Celui-ci rassemble, pendant la Grande Guerre et des Flandres, de l’Yser et du au-delà de tout clivage politique à honorer la mémoire des soldats littoral belge. Pendant cette ou religieux, des membres du qui succombèrent dans ces luttes phase de transfert, 12 800 clergé, des institutionnels ou pour la défense de la Patrie ». corps sont rendus aux familles. encore des notables, parmi Pour mener à bien ce projet, Dans la nécropole, 20 000 lesquels plusieurs dirigeants l’association compte sur la soldats sont enterrés sous une du monde minier comme générosité publique et recueille tombe individuelle tandis que Louis Mercier, Directeur général des dons et des subventions. 22 000 restes non identifiés de la Compagnie des Mines de reposent dans des ossuaires. Béthune, qui assure pendant 12
Carte de souscription Souscription pour le monument de La foule gravissant la Blanche Voie à Ablain-Saint-Nazaire lors de la pour l’achèvement du monument Lorette. Imprimé de remerciement. manifestation du 12 septembre 1920. À l’arrière-plan, l’église en ruines. de Lorette. Le 12 septembre 1920, une par lequel l’État autorise nombreux fidèles venus inspirée du style roman. Dotée importante manifestation la construction d’un de toute la région. Chaque de deux portails identiques, est organisée sur le plateau monument commémoratif année autour du 8 septembre la façade principale est de Lorette afin de lancer dans la nécropole nationale. – fête de la nativité de dominée par un petit clocheton. une souscription publique. la Vierge – sont célébrées L’édifice est complètement Un grand cortège composé des neuvaines (prières détruit lors des combats qui de personnalités politiques, L’ancienne chapelle poursuivies pendant neuf se déroulent sur le plateau en militaires, religieuses et de Notre-Dame-de-Lorette jours en vue d’un miracle). 1915. Les travaux du parvis nombreuses associations La création de cette chapelle En 1914, la chapelle réalisés en 2014 en lien avec (harmonies des mines, remonte à 1727 lorsque Florent se présente sous la forme la construction de l’Anneau associations de gymnastique, Guilbert, peintre originaire d’une nef à double-transept et de la Mémoire ont notamment d’anciens combattants, de de la paroisse d’Ablain-Saint- occupe une surface d’environ permis de mettre au jour mutilés de guerre, etc.) fait Nazaire, se rend en pèlerinage 200 m2. Son architecture est les fondations de l’édifice. l’ascension de la colline. au sanctuaire de Loreto en Des tracts sont spécialement Italie (province d’Ancône). édités à cette occasion, ainsi Miraculeusement guéri, que des cartes postales et des il fait édifier à son retour un médailles. La presse relaie oratoire dédié à Notre-Dame largement l’événement. de Lorette sur le plateau qui Au 30 septembre 1923, domine Ablain-Saint-Nazaire. le montant des dons recueillis Détruite en 1794, la chapelle s’élève à un peu plus de est relevée en 1815, puis 1 490 000 francs. L’initiative agrandie de 1870 à 1880. de l’association du Monument Un pèlerinage se développe de Lorette est confortée par rapidement et attire de un décret du 16 janvier 1924 13
Projet initial de L.M. Cordonnier pour le monument de Notre-Dame-de-Lorette, dessin. L’âme du projet L’architecte Louis-Marie Cordonnier, membre du comité de Lorette dès sa création, est chargé de réaliser les plans de la nécropole et du monument envisagé par l’association. Monseigneur Julien, qui joue un rôle déterminant dans la définition du projet, affiche d’emblée la volonté Le programme héritée de son prédécesseur Monseigneur Lobbedey architectural de reconstruire la chapelle anéantie par les combats. phare. Cette « lanterne des Deuxième projet de Les trois projets de morts », inspirée des pratiques L.M. Cordonnier pour le monument de Notre-Dame-de-Lorette, dessin Louis-Marie Cordonnier funéraires anciennes, aquarellé rehaussé de gouache. Le premier projet propose doit veiller sur l’âme des un programme grandiose soldats. L’ensemble s’inscrit composé d’une chapelle de au centre d’un rectangle plan carré couverte d’une matérialisé par des allées coupole culminant à 52 m, à couvertes sur 3 côtés, à la laquelle est associée une tour manière d’un campo-santo* de 76 m de haut dotée d’un destiné à abriter les restes 14
Troisième projet de L.M. Cordonnier pour le monument Louis-Marie Cordonnier dans son cabinet. de Notre-Dame-de-Lorette, dessin. Louis-Marie Cordonnier de soldats inconnus, qu’ils deux édifices distincts. Ce (1854-1940) soient français ou alliés. parti-pris tient compte du Natif d’Haubourdin, Louis-Marie Face au coût démesuré de ce caractère laïc de la nécropole Cordonnier fait ses études à l’École des projet, l’association demande militaire dont l’aménagement Beaux-arts de Paris, où il s’intéresse à l’architecte de procéder est assuré aux frais de l’État. notamment aux œuvres d’Eugène Viollet- à des simplifications. Monseigneur Julien exprime le-Duc et de Charles Garnier. Très actif L.M. Cordonnier présente alors l’idée de séparer dans le Nord-Pas de Calais, il réalise de un deuxième projet, repensé la chapelle – monument nombreux édifices publics comme les hôtels dans son ensemble, avec un religieux – et la lanterne des de ville de Loos-Lez-Lille ou de Dunkerque seul édifice central, formé morts – monument civil dans et se voit confier en 1906 la conception de d’une chapelle de plan un souci de cohérence vis-à- la station balnéaire d’Hardelot. Il s’illustre basilical, sans dôme, et d’une vis de la loi de séparation de également en 1913 grâce à la construction tour-clocher faisant office l’Eglise et de l’État de 1905. du Palais de la Paix à La Haye (Pays-Bas). de lanterne des morts. Les L’existence de la chapelle Après la Première Guerre mondiale, il allées couvertes prévues dans le projet réalisé souligne s’investit beaucoup dans la Reconstruction pour déposer les restes des ainsi la dimension chrétienne de la région, notamment à Lille, Bailleul soldats disparaissent au du lieu et fait par ailleurs la et Armentières. Dans le secteur de Lens- profit de plusieurs ossuaires singularité de la nécropole Liévin, outre le projet de Notre-Dame- répartis dans la nécropole. nationale de Notre-Dame- de-Lorette, il travaille pour la Société Ce deuxième projet ne de-Lorette comparée aux des Mines de Lens dont il conçoit les donnant pas encore autres grandes nécropoles Grands Bureaux (actuelle Faculté des satisfaction, il est remanié militaires françaises qui ne Sciences Jean Perrin à Lens) entre 1928 une nouvelle fois pour aboutir comportent pas d’édifice et 1930, ainsi que plusieurs églises de à une troisième et dernière cultuel dans leur enceinte. cités minières. Il décède en 1940 laissant proposition où la chapelle et une forte empreinte régionaliste dans la tour-lanterne redeviennent le paysage architectural de la région. 15
Le secteur sud-ouest de la nécropole où sont regroupées les stèles juives (au premier plan) et musulmanes (à l’arrière-plan). Matériaux Plan de situation de la nécropole de Notre-Dame-de-Lorette établi en 1927. Les croix et les stèles réalisées dans un premier temps en bois sont remplacées au début des Il débute en 1920 par Pendant les travaux, une La nécropole années 1930 par du béton. l’aménagement de la chapelle provisoire en tôle Elle représente un rectangle L’architecte tente de concilier nécropole. Les « premières est installée à proximité de 645 m sur 200 m soit qualité et économie pour pierres » de la tour-lanterne afin de permettre la tenue une surface d’environ la construction de la chapelle et de la chapelle sont des pèlerinages annuels 13 hectares. Deux allées et de la tour-lanterne. posées le 19 juin 1921 qui reprennent dès 1919. perpendiculaires découpent Il a recours au béton armé, par le Maréchal Pétain et Un bureau d’état civil est le terrain en 4 sections où matériau solide, léger et Monseigneur Julien lors d’un également mis en place les tombes sont alignées peu onéreux, pour élaborer grand rassemblement public. afin de renseigner les par rangées successives. l’armature des deux La construction du gros familles venues se recueillir. La procédure d’inhumation édifices, ensuite recouverts œuvre se poursuit jusqu’en Parallèlement, l’État engage des soldats commence dès d’un parement de pierre Le chantier 1927, suivie de la pose une phase d’expropriation 1920 avec pour principe reconstituée. Les quantités des décors qui dure jusqu’à des parcelles qui s’étale de général celui de rassembler nécessaires au chantier la fin des années 1930. 1925 à 1938. dans une même section sont impressionnantes. Divers facteurs rendent le du cimetière les dépouilles Pas moins de 700 m3 de chantier laborieux : phase provenant d’un même béton sont nécessaires pour de déminage, mauvaise champ de bataille. Les stèles construire la tour-lanterne et qualité de terrain avec risques des soldats de confession 1 800 m3 pour la chapelle. d’affaissement, difficultés musulmane et juive sont pour d’acheminement des la plupart regroupées dans la matériaux, rudesse du climat. partie sud-ouest du cimetière. 16
La tour-lanterne en construction. La tour-lanterne. La tour s’élève sur une base de laquelle s’inscrit une croix carrée de 12 m de côté. Elle de guerre. Ces deux éléments repose sur un socle formant symboliques soulignent à la 4 volées d’escaliers. Haute de fois le caractère funéraire et 52 m, elle est composée de militaire de l’édifice. D’autres 5 plateformes superposées motifs de rinceaux ou de reliées entre elles par des feuillages stylisés, sont utilisés escaliers composés de 200 en frise notamment pour orner marches au total. Au rez-de- le sarcophage évoqué plus haut. chaussée, un caveau voûté, Des symboles empruntés au matérialisé à l’extérieur par vocabulaire de l’art militaire La tour-lanterne un sarcophage monumental, sont également visibles : a été ménagé pour accueillir branche de laurier, couronne les cercueils de 32 soldats de feuilles de chêne, épée. inconnus. Au sommet de la tour, une colonnade couverte d’une toiture conique protège le phare dont le faisceau Au premier étage lumineux est visible dans un de la tour se trouve rayon de 70 km à la ronde. aujourd’hui un espace Complètement aveugle, l’édifice d’interprétation qui ne comporte qu’une seule donne quelques clés entrée située en façade est. pour comprendre Les 4 faces sont traitées de le site et son histoire. Coupe verticale de la tour-lanterne. manière identique : une grande croix latine domine, au centre 17
La chapelle. Détail du tympan situé au-dessus de l’entrée de la chapelle. L’édifice adopte un plan en La décoration extérieure d’un tympan* représentant croix latine mais le transept est plutôt sobre : des motifs deux anges encenseurs. Des est toutefois peu saillant avec végétaux ou géométriques bustes d’anges plus discrets Notre-Dame-de-Lorette 30 m de large contre 14 m stylisés en bas-reliefs sont décorent les gargouilles. pour la nef. Longue de 46 m, utilisés pour souligner la nef est dotée d’une abside* habilement l’architecture : en cul-de-four, tandis que frises représentant des chaque bras du transept vagues à mi-hauteur dispose d’une absidiole*. des murs, motifs semi- Le portail principal est circulaires tapissant les précédé d’un large parvis qui frontons, denticules* au comporte un autel protégé niveau de la corniche, etc. pour les cérémonies de Le motif de croix, croix de plein air. Au chevet, deux guerre ou croix grecque, sacristies sont réparties de est assez récurrent sur part et d’autre de l’abside et tout l’édifice comme La chapelle sont reliées par un couloir c’est également le cas au desservi par une petite niveau de la tour-lanterne. entrée. L’ensemble de l’édifice Des éléments figuratifs est éclairé par un seul niveau plus significatifs sont de fenêtres en plein cintre*. toutefois présents : une À la croisée du transept, Vierge à l’Enfant dans une un tambour* percé de petites mandorle* domine le fronton baies géminées* supporte triangulaire de la façade une coupole octogonale principale tandis que la culminant à 34 m de haut. porte d’entrée est surmontée 18
Le sarcophage de la tour-lanterne. La façade principale de la chapelle et l’autel de plein air. L’épitaphe de Ossements qu’animait la tour-lanterne un fier souffle naguère, Chacune des 4 faces Membres épars, débris de la tour-lanterne sans nom, humain chaos, comporte un cartouche Pêle-mêle sacré avec un texte gravé. d’un vaste reliquaire, Il s’agit pour 3 d’entre-eux Dieu vous reconnaîtra, L’autel de plein air. de quatrains composés poussière de héros ! par Monseigneur Julien lui-même. Avec des mots Vous qui passez en pèlerins L’autel de plein air chargés d’émotion, près de leurs tombes, Gravée sur un cartouche il interpelle le visiteur Gravissant leur calvaire La chapelle agrémenté d’une frise Les inscriptions et promeut un discours et ses sanglants chemins ; Sur la façade principale, une décorative, une phrase teinté de pacifisme : Écoutez la clameur qui dédicace à la Vierge permet en latin extraite du « Livre sort des hécatombes : de rappeler que la chapelle des Rois » évoque par « C’est la lampe attentive Peuples, soyez unis ! a bénéficié de nombreux la comparaison le sacrifice à garder leur mémoire Hommes, soyez humains ! » dons, en particulier des des soldats sur la colline Contre la nuit qui tombe, femmes ayant perdu un mari de Notre-Dame-de-Lorette : oublieuse, dessus : ou un fils lors du conflit : Le phare qui s’allume aux « Considera Israël pro rayons de leur gloire « O toi qui du sein his qui mortui sunt super Et met au Ciel de France, des douleurs excelsa tua vulnerati ! » une étoile de plus. Enfantas la Sainte Espérance À toi ce temple né des pleurs « Vénère ô Israël, ceux-là Offerts par les femmes qui sont tombés immolés de France » sur tes collines ! » 19
La coupole de la chapelle. Détail de la tour-lanterne. L’ossuaire de Douaumont. Alors qu’il est plutôt projets qu’il a élaborés pour coutumier du style Notre-Dame-de-Lorette. régionaliste, Louis-Marie Le style romano-byzantin Cordonnier s’inspire proposé ici par l’architecte L’ossuaire de Douaumont d’emblée du style romano- permet de souligner le Erigé à proximité des champs byzantin* pour réaliser caractère solennel des de batailles de Verdun (Meuse), la chapelle et la tour- bâtiments, effet qui est l’ossuaire de Douaumont présente lanterne de Notre-Dame- renforcé par la blancheur de des similitudes avec la nécropole nationale de Notre-Dame-de- Styles et influences de-Lorette. L’exemple le la pierre utilisée en façade. plus représentatif de ce Une légère influence de l’Art Lorette. Créé à l’initiative de style est sans doute la déco, mouvement en plein Monseigneur Ginisty, évêque de basilique du Sacré-Cœur à essor dans les années 1920, Verdun connu comme « l’évêque des Montmartre, réalisée par est cependant perceptible, soldats », l’ossuaire adopte la forme Paul Abadie entre 1875 dans la stylisation des d’une tour-lanterne qui domine le et 1912. L’influence de ce motifs décoratifs, comme cimetière. Il n’y a en revanche pas modèle semble d’ailleurs par exemple au niveau d’édifice cultuel. Plus massive que plus affirmée dans le projet des grandes croix latines celle de Lorette, la tour-lanterne initial de Cordonnier, où la qui ornent les 4 faces de Douaumont prend appui sur un coupole est de forme semi- de la tour-lanterne. long cloître de 137 m qui abrite les circulaire et non octogonale. restes de 130 000 soldats français Plus tard, lorsque Louis- et allemands dans 46 caveaux. Marie Cordonnier se voit Inauguré en 1932, l’ossuaire est confier la construction de l’œuvre des architectes Léon Azéma, la basilique de Lisieux à la Max Edrei et Jacques Hardy. fin des années 1920, celui-ci s’appuie largement sur les 20
La mosaïque de l’abside de la chapelle. Les mosaïques de l’ossuaire de la tour-lanterne. Le décor architectural intérieur La pose des décors intervient par l’utilisation récurrente saint Matthieu, le lion essentiellement à partir de de tesselles* dorées. de saint Marc et l’aigle 1927, une fois le gros œuvre Dans ses prescriptions, de saint Jean) dans terminé, et se poursuit au L. M. Cordonnier décrit les écoinçons*. Partout gré des capacités financières avec précisions les coloris ailleurs, des mosaïques de l’association jusqu’à la fin à adopter et les proportions à motifs géométriques ou des années 1930. Comme de mosaïques à associer stylisés tapissent les murs il a l’habitude de le faire avec des fonds enduits, des parties hautes de sur ses chantiers, Louis- notamment dans le but la nef et des absidioles ainsi Marie Cordonnier supervise de limiter les coûts. que la voûte de l’ossuaire chaque détail : il dessine Le chœur est décoré d’un de la tour-lanterne. Projet de mosaïque pour l’abside de la chapelle représentant le mobilier tout comme les Christ en majesté surgissant Notre-Dame de Lorette. motifs des mosaïques et du de nuées aux tons bleutés carrelage et se charge de et entourés de 4 anges recruter de grands artistes aux ailes déployées. Ateliers Jean Gaudin pour exécuter ces travaux. En dessous est mentionné Toutes les mosaïques y compris celles de certains D’emblée, la profusion des en latin Pax hominibus éléments de mobilier, sont réalisées par le célèbre décorations contraste avec (« Paix des hommes »). Atelier Gaudin à Paris. Félix (1851-1930), la sobriété extérieure. D’autres éléments figuratifs Jean (1879-1954) et Pierre Gaudin (1908-1973) du répertoire religieux sont sont peintres-verriers et mosaïstes de père en fils. Les mosaïques visibles : les quatre vertus Jean Gaudin est très actif lors de la Reconstruction Omniprésentes sur cardinales (Tempérance, et travaille sur de nombreux chantiers dans les murs et les voûtes, Prudence, Justice et Force) le Pas-de-Calais et la Somme notamment. les mosaïques soulignent dans la coupole et les quatre Il participe également aux décorations de la Basilique clairement l’influence de évangélistes (le bœuf de de Lisieux sous la direction de Cordonnier. l’art byzantin, confortée saint Luc, l’homme de 21
Vitrail de la nef représentant Vitrail de la nef représentant Vitrail de la nef représentant Sainte Clotilde (s). Charlemagne (b). Saint Louis (d). Lettres et numéros Aux thèmes religieux approcher l’idée de portrait. font référence au plan généralement illustrés dans La palette colorée, assez schématique de la chapelle les lieux de culte est privilégié large, propose des tonalités consultable en page 39. ici un programme dédié vives (rouge, vert, bleu…). aux grandes batailles de Ce programme initial est Pour concevoir les vitraux l’Histoire de France en écho toutefois modifié lorsque destinés à orner les 19 fenêtres à la Grande Guerre qui a l’Imperial War Graves de l’édifice, L. M. Cordonnier tant marqué les esprits. Commission* décide d’offrir s’associe à l’artiste Henri Pinta, Henri Pinta propose de traiter des vitraux en remerciement chargé de réaliser les cartons chaque verrière de façon de l’aide apportée par des vitraux, et au célèbre homogène : un personnage la France lors de la création maître-verrier Charles Lorin significatif (un roi, une reine…) des cimetières britanniques. qui en assure la fabrication est représenté en pied et Six verrières sont supprimées et la pose. Les vitraux de la associé à une scène de bataille au profit de vitraux réalisés chapelle sont pour la plupart illustrant sa gloire dans le en 1929 par l’artiste anglais financés par des donateurs registre inférieur du vitrail. Henry Payne. Ce dernier Les vitraux dont les noms figurent au bas Les poses des personnages sont conserve une certaine de chaque verrière. Parmi plutôt académiques (de face, cohérence avec le programme eux, des anonymes, mais la tête parfois tournée). L’artiste élaboré par Henri Pinta en aussi des personnalités. apporte un soin particulier proposant des vitraux dédiés Ainsi les artistes Lorin et Pinta à la représentation des à des personnages représentés eux-mêmes offrent le vitrail costumes et des attributs en pied, le style d’Henry Payne de Saint-Louis, en mémoire qui doivent permettre semble cependant plus fouillé et de leurs enfants morts pour d’identifier clairement chaque plus réaliste dans le traitement la France durant le conflit. personnage. Les visages sont des visages notamment. traités en grisaille de façon à 22
Registre inférieur du vitrail Vitrail britannique représentant Vitrail britannique représentant de la France Combattante (i). Jeanne d’Arc (g). des anges survolant un cimetière (o). Les vitraux de la nef le cycle des personnages offerts par les Britanniques La nef compte sept fenêtres importants avec sainte Jeanne qui ornent les six fenêtres (trois au nord et quatre d’Arc (p) et sainte Geneviève des pignons du transept. au sud). Six d’entre elles (e), la patronne de Paris. À Côté nord, le vitrail central mettent à l’honneur des ces vitraux répondent, sur représente saint Georges (n), souverains illustres avec, les faces latérales ouest, deux le patron de l’Angleterre dans l’ordre chronologique, vitraux évoquant la Grande tandis que de part et d’autre sainte Clotilde (s), Charles Guerre à travers des allégories : des allégories se recueillent sur Martel (r), Godefroy de la France Combattante (i) les tombes des soldats (m, o). Bouillon (q), Charlemagne associée à une scène où des Côté sud, sainte Jeanne d’Arc (b), Philippe-Auguste (c) et soldats en uniforme bleu (g), qui est donc représentée saint Louis (d). La septième horizon lancent l’assaut sous à deux reprises dans la chapelle, fenêtre (a), située au niveau le drapeau tricolore et, la est entourée des allégories du de la tribune, est traitée de France Triomphante (l) avec des Souvenir et de la Gloire (f, h). façon isolée. Elle est dotée d’un soldats défilant sur les Champs L’artiste Henry Payne, qui vitrail figurant le blason des Elysées à Paris, au premier rang a réalisé ces six vitraux, 3 villes dépendant de l’évêché desquels sont reconnaissables a associé les différents d’Arras : Arras, Boulogne- les généraux Foch et Joffre. blasons de la royauté et sur-Mer et Saint-Omer. Initialement, le cycle dédié des colonies britanniques à la Grande Guerre est plus de l’époque (Canada, Nouvelle- Les vitraux du transept important (figures allégoriques Zélande…) afin de rendre Le transept est éclairé par dix de la France Souffrante et hommage aux soldats issus fenêtres : six au niveau des Reconnaissante, évocation de tout l’Empire britannique pignons et quatre au niveau des des champs de batailles, des venus combattre en France. faces latérales. Les deux vitraux régiments…) mais il est réduit des faces latérales est achèvent afin d’intégrer les vitraux 23
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