Le Jeu Vidéo en Asie Orientale - Projet SHS de 1ère année Master Rapport accepté le
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Le Jeu Vidéo en Asie Orientale Stéphane Rabie (IN), Quentin Heath (IN), Damien Auroux (IN) Projet SHS de 1ère année Master Encadré par : Erik W. Maeder, Branche SHS « Asie Orientale » Rapport accepté le : _____________ Lausanne, 2007-08 1
Table des matières Introduction ................................................................................................................................. 3 Présentation générale du jeu vidéo ............................................................................................... 4 Le jeu vidéo des débuts (1960).............................................................................................................4 L’apparition de la console (1970) ........................................................................................................4 Le jeu d’arcade (1970) .........................................................................................................................5 Le jeu sur ordinateur personnel (PC) (1980) .......................................................................................6 Le jeu en réseau (1990) .......................................................................................................................6 Les différents types de jeux..................................................................................................................7 Réflexion ...........................................................................................................................................7 Plate-forme .......................................................................................................................................7 Combat ............................................................................................................................................8 Aventure ..........................................................................................................................................8 Tir ......................................................................................................................................................8 Stratégie ..........................................................................................................................................9 Conclusion ..................................................................................................................................... 10 L’arrivée du jeu vidéo en Asie : le cas japonais .............................................................................11 Les pionniers du jeu vidéo au Japon ................................................................................................. 11 L’âge d’or du jeu d’arcade ................................................................................................................ 12 L’ère des consoles de salon .............................................................................................................. 13 L’arrivée du jeu vidéo en Asie : le cas de la Corée du Sud .............................................................16 L’origine du succès des jeux vidéo en Corée .................................................................................... 16 Le jeu qui a tout déclenché : Starcraft ............................................................................................. 18 L’e-sport ............................................................................................................................................ 20 Développement du jeu vidéo coréen : le MMORPG ......................................................................... 22 NCsoft, le développeur coréen au succès mondial ........................................................................... 23 Les spécificités du jeu vidéo au Japon ..........................................................................................26 Quelques grandes catégories du jeu vidéo japonais ......................................................................... 26 Le RPG japonais ............................................................................................................................ 26 Le Survival-Horror ......................................................................................................................... 28 Le phénomène Pokemon .............................................................................................................. 28 L’arcade au Japon ......................................................................................................................... 29 Les « Hentai Games » ................................................................................................................... 32 Les raisons de la popularité du jeu vidéo au Japon ........................................................................... 33 Les raisons du succès du jeu vidéo japonais dans le monde ............................................................. 34 Les spécificités du jeu vidéo en Corée ..........................................................................................38 Le jeu vidéo coréen typique : Lineage 2 ............................................................................................ 38 Les nouveaux modèles économiques ............................................................................................... 39 Le jeu sur téléphone portable ........................................................................................................... 41 Les impacts négatifs du jeu vidéo en Corée ...................................................................................... 42 Conclusion ..................................................................................................................................44 Bibliographie ..............................................................................................................................46 2
Introduction Le jeu vidéo est une discipline presque aussi vieille que l'ordinateur lui-même. Il s'agissait à l'origine d'applications très simples destinées à tester le matériel ou à en faire la démonstration ; par son aspect attrayant, ce phénomène a accompagné les évolutions de l'informatique à travers le 20e siècle et, comme l'informatique, a en partie révolutionné les sociétés où il s'est implanté. Sans pouvoir être plus précis, on peut estimer sa naissance aux années 50. Les premiers jeux étaient basiques, souvent de simples adaptations informatiques de jeux comme le morpion, qui n'apportaient aucune plus-value à la version papier. Leurs concepteurs n'en saisissaient en général pas l'importance future. En 1950, peu de personnes envisageaient le jeu vidéo comme un élément majeur des loisirs, aussi on ne les rencontrait que dans des contextes très académiques : par exemple, l'OXO1, un morpion sur ordinateur précisément, qui illustrait en 1952 une thèse de doctorat sur les interactions homme machine ! L'évolution a ensuite suivi son cours : les premières consoles ont marqué la reconnaissance de la place que le jeu vidéo allait avoir dans les foyers ; les salles d'arcades lui ont offert des lieux dédiés ainsi qu'un nouveau public ; et la technique avançant, bien sûr, l'ordinateur personnel et, enfin, le jeu sur Internet ont achevé de donner sa place à ce nouveau type de divertissement. Seulement, tout ceci - consoles, bornes d'arcade, ordinateurs personnels, et même Internet - a vu le jour aux États-Unis qui, pendant les 30 premières années du jeu vidéo, ont également eu le premier rôle sur le plan commercial ; dans ces conditions, pourquoi s'intéresser au cas de l'Asie ? En réalité, les pays d'Asie orientale ont connu, au moins culturellement, de nombreux bouleversements au cours du 20e siècle, et ont intégré à leurs cultures de nombreux traits importés d'Occident, tout en parvenant à garder leur particularité. Ainsi, dès les années 1980, le Japon a réussi à s'approprier le marché d'un type de divertissement initialement américain et à lui donner, en plus d'un nouvel essor commercial, une importance culturelle mondiale. Au-delà de cela, d'autres pays d'Asie du sud-est ont eux aussi assimilé le jeu vidéo à leur manière. Après avoir brièvement brossé un portrait du jeu vidéo tel qu'il était avant son arrivée en Asie et tel qu'il est maintenant, nous nous pencherons sur l'étude de deux cas particulièrement intéressants : le Japon et la Corée du Sud. Nous commencerons par expliquer, dans une perspective historique, comment se sont façonnés ces deux pays par rapport au jeu vidéo ; puis nous détaillerons les spécificités des jeux japonais et des jeux coréens, ainsi que des cultures du jeu vidéo dans ces pays. 1 Noughts And Crosses - The oldest graphical computer game, http://www.pong-story.com/1952.htm 3
Présentation générale du jeu vidéo Le jeu vidéo des débuts (1960) Initialement, le jeu vidéo ne concernait que des utilisateurs avertis, ses créateurs en fait. Par exemple, une entreprise désirait faire une démonstration des capacités de l'ordinateur qu'elle venait de construire ; elle en offrait un exemplaire à une université, laquelle se chargeait de réaliser dessus un programme exploitant les performances, l'ergonomie, la maniabilité de l'ordinateur... Bref, un mini-jeu était souvent l'idéal pour réaliser une bonne démonstration, et c'est ainsi que le MIT a donné naissance en 1961 à Spacewar!2, petit jeu très simple dans lequel deux joueurs s'affrontent aux commandes de vaisseaux spatiaux. Une recette très simple, mais qui fera ses preuves : 40 ans plus tard il existe toujours des copies conformes de ce jeu, utilisées sur des machines modernes3. Le jeu Spacewar !, et la machine sur laquelle tourne ce jeu En revanche, malgré le succès de la démonstration, cette première n'eut aucun retentissement mondial, et ce pour une raison très simple : tournant sur un ordinateur central possédé par une université, présenté uniquement à des universitaires et des industriels ne s'intéressant pas - encore ! - au marché du divertissement, ce jeu était à la fois trop confidentiel et pas assez accessible. Il manquait donc, pour que le jeu vidéo prenne sa place dans la société, l'élément qui allait lui permettre de s'introduire dans chaque foyer : la console. L'apparition de la console (1970) Parallèlement à la découverte de cette nouvelle utilisation des ordinateurs, des ingénieurs avaient eu l'idée de faire d'une télévision un instrument interactif. L'idée de base était de créer un nouveau loisir en ajoutant à un poste de télévision ordinaire, chose que de 2 SPACEWAR!, the first computer video game, http://www3.sympatico.ca/maury/games/space/spacewar.html 3 KspaceDuel, http://www.azweb.de/kspaceduel/ 4
plus en plus de foyers allaient posséder, un appareil auquel il ne manquait que l'affichage pour jouer. En 1972, onze ans après Spacewar!, après de nombreuses années de tâtonnements, la première console est mise en vente : l'Odyssey, qui permet déjà de choisir entre plusieurs jeux, se branche sur un poste de télévision standard, possède quelques instruments de contrôle (manettes et pistolet), et est disponible à un prix abordable. Enfin entré dans le cadre familial par le biais d'entreprises américaines, le jeu vidéo va s'y développer jusqu'à être repris par le Japon pendant les années 1980. De nos jours, deux types de consoles existent toujours : les consoles de salon et celles portatives qui peuvent être transportées n'importe où (la seule limitation étant l'autonomie de la batterie). Chaque innovation vise à y apporter plus de liberté : moins de câbles, plus de possibilités de contrôle avec une seule manette, connexions entre différentes consoles, etc. Globalement, les jeux existant sur consoles sont les mêmes que ceux disponibles sur ordinateurs, ou du moins ont leurs équivalents. Le jeu d'arcade (1970) Au début des années 1970, un autre type de jeu se développe : croisement de l'Odyssey, console abordable se branchant sur une télévision, et des héritiers de Spacewar!, le jeu vidéo nécessitant l'ordinateur central d'une université, voici le jeu vidéo sur borne d'arcade, popularisée dans le monde entier par le célèbre Pong. Pong, le jeu qui a popularisé l’arcade aux Etats-Unis Le principe du jeu d'arcade existait déjà lors de la décennie précédente, mais était alors en grande partie mécanique et n'exploitait que peu les nouvelles technologies qui composaient le jeu informatique. La nouveauté, ici, est de déplacer le jeu vidéo hors des laboratoires d'informatique ou même des salons, et de lui donner, en plus d'un matériel dédié et facilement reconnaissable, un lieu réservé : les salles d'arcades donnent au jeu vidéo son aspect social en faisant de son utilisation une activité publique, en faisant se rencontrer des joueurs qui peuvent s'affronter sur des bornes multi-joueurs sans se connaître, c'est-à-dire en quelque sorte en posant les bases de ce qui va devenir le jeu en réseau. En 2008, si les jeux vidéo d'arcade ont maintenant dépassé leur grande époque, ils sont toujours très prisés, alors qu'une partie d'entre eux peuvent maintenant être joués sur 5
ordinateurs personnels, preuve que l'aspect culturel des bornes d'arcade a gardé son importance aux yeux des joueurs. Economiquement, le jeu d'arcade représente aussi un modèle assez particulier dans la mesure où il se différencie grandement du jeu de console ou d'ordinateur où lorsque le joueur achète un jeu, il le possède une bonne fois pour toute et peut effectuer autant de parties qu'il le souhaite. Pour un jeu d'arcade, le joueur est obligé d'insérer une pièce dans la machine afin de débuter une partie, et lorsque celle-ci se termine (soit parce que le joueur a perdu, soit parce qu'il a joué pendant suffisamment longtemps), il doit payer à nouveau s'il veut pouvoir continuer à jouer. Ainsi, le dosage de la difficulté est particulièrement important : si le jeu est trop difficile, le joueur se découragera et arrêtera d'y jouer, mais s'il est trop facile, le joueur ne perdra pas assez de parties et n'y dépensera donc pas beaucoup d'argent. Les jeux proposés sur borne d'arcade doivent aussi être suffisamment attrayants et faciles à prendre en main pour qu'un nouveau venu ait envie de les essayer. Le jeu sur ordinateur personnel (PC) (1980) Dès 1980, l'ordinateur personnel est assez avancé pour remplacer petit à petit la console. Ce nouveau venu dans les foyers est plus puissant, plus polyvalent qu'une console, et en pleine expansion : son développement rapide va d'ailleurs être l’une des raisons du recul brutal de la console sur le marché, crise au sortir de laquelle le Japon aura gagné sa place au devant de la scène du jeu vidéo sur console. Mais la spécificité de l'ordinateur est qu'il peut se connecter à internet ; depuis la fin des années 1970 on jouait parfois en réseau, mais de manière marginale, uniquement pour des jeux non graphiques (seulement du texte, ce qui complexifie la compréhension du jeu tout en dégradant l'immersion, ce qui s'oppose un peu à la popularisation du genre). L'ordinateur s'améliorant, les graphismes s'affinent, les jeux se complexifient et gagnent en réalisme. Le jeu en réseau (1990) Vers le milieu des années 1990, les jeux en ligne gagnent en popularité en adoptant largement des graphismes, les rendant beaucoup plus attrayants que leurs pendants en mode texte ; Rogue et Ultima Online : du texte à l’image 6
surtout, une nouveauté de l'époque est de rendre les jeux en ligne persistants, c'est-à-dire que les éléments du jeu continuent d'évoluer même quand certains des joueurs ne sont plus connectés. Cela renforce le sentiment d'immersion, le joueur ayant l'impression qu'il interagit avec de vrais personnages dans un vrai univers, qui n'a pas besoin de lui, joueur, pour exister. La notion d'univers du jeu est alors plus forte que jamais, il ne s'agit plus seulement d'un concept. Les différents types de jeux Pour terminer, maintenant que les types de supports de jeux (console, borne d'arcade, ordinateur personnel, et console ou ordinateur personnel intégré dans un réseau) ont été présentés, répertorions maintenant quelques différents types de jeux. Réflexion Les premiers jeux étaient souvent des jeux de réflexion : morpion, jeux de cartes... Ces jeux, qui ne présentent en général aucune différence avec leur version non informatisée (sauf, éventuellement, la possibilité de jouer en réseau), ont atteint leur limite sur le plan du développement technologique il y a de nombreuses années ; de plus, ils sont tellement nombreux qu'aucun en particulier ne suscite d'engouement le détachant des autres. Une version informatique du Mahjong Plate-forme Dans un jeu de plate-forme, qui peut être considéré comme un successeur du jeu de labyrinthe qui était l'une des toutes premières catégories de jeux vidéo à voir le jour, le joueur dirige un personnage qui doit traverser un environnement hostile jusqu'au bout en évitant les obstacles, pièges ou ennemis. Contrairement aux jeux de combat ou de tir où la clé de la réussite consiste essentiellement à faire preuve de réflexes et à être le plus rapide à réagir, les jeux de plate-forme demandent souvent en plus un certain sens de l'observation et de la coordination de la part du joueur : s'il ne planifie pas un minimum ses futures actions, il court le risque de commettre une erreur et de perdre la partie. 7
Super Mario Bros., l’un des plus emblématiques représentants du jeu de plate-forme Combat Très rapidement sont venus les jeux de combat : deux vaisseaux spatiaux face à face, deux raquettes de ping-pong (oui, cela est assimilable à un combat !), ou un peu plus tard, sur les bornes d'arcade, deux personnages se battant à mains nues, le schéma est toujours le même : un duel symétrique, divisé en manches toutes identiques ou presque. Aventure Au contraire, le jeu d'aventure repose sur le principe d'un univers vaste et diversifié, devant être exploré pour une raison ou une autre. Ici, la réflexion refait son entrée pour résoudre des énigmes, mais l'objectif est surtout la découverte de nouveaux défis et de l'univers, plutôt que la résolution d'un défi clairement exposé dès le début comme pour un jeu de réflexion pure. Certains de ces jeux s'inspirent dans leur format des jeux de rôle sur table : le personnage incarné par le joueur doit être choisi dans une liste de personnages, ses caractéristiques (physiques, morales ou autres) déterminant l'aventure elle-même. Ces RPG (pour role playing game) bénéficient d'un large public, et pas seulement chez les adeptes de jeux de rôle sur table, dans la mesure où ils introduisent un nouveau niveau d'interactivité dans le monde du jeu d'aventure. Tir Le jeu de tir est un des types de jeu les plus populaires actuellement. Dans tous les cas, il s'agit de tirer sur un ou des adversaires, sans qu'il y ait la symétrie présente dans le jeu de combat ; la configuration la plus classique présente le personnage incarné en vue subjective (on parle alors de First Person Shooter ou FPS), c'est-à-dire que le joueur voit en permanence la scène par les yeux de son personnage, et ne voit de lui-même que les mains et les éventuelles armes. L'immersion joue un grand rôle dans ce genre de jeux : les évolutions vont dans le sens de graphismes et de mouvements plus réalistes donnant l'impression de contrôler un vrai personnage dans un vrai environnement. Cela dit, l'engouement pour ces jeux est le même chez toutes les populations pratiquant le jeu vidéo, et ne semble pas relever d'une spécificité culturelle. 8
Stratégie Le jeu de stratégie repose sur une gestion correcte de ressources en vue d'obtenir la victoire sur un adversaire qui possède des ressources du même type. Typiquement, un joueur dispose d'un grand nombre de « pions » représentant des soldats ; de même que dans de nombreux jeux de pions et plateau, les pions sont regroupés en catégories, chacune possédant ses caractéristiques propres. Age of Empires II : Age of Kings, un jeu de stratégie à l’époque médiévale Mais, en plus d'avoir à choisir quel pion bouger à quel moment, le joueur doit souvent planifier la création de nouveaux pions ou bâtiments, voire utiliser certains pions pour récolter des ressources qui seront nécessaires à cette construction. On peut donc voir ces jeux comme une réelle évolution des jeux stratégie sur plateau ; mais, là où le jeu de tir ou le jeu d'aventure cherchaient à captiver par leur réalisme et leur pouvoir d'immersion, le jeu de stratégie met le joueur à la place d'un dieu qui contrôlerait un microcosme. Les premiers étaient tous des jeux au tour par tour, en cela que, comme dans une version plateau, chaque joueur devait réaliser une quantité limitée d'actions (par exemple, le déplacement d'un pion ou le lancement d'une nouvelle construction), puis laisser la main au joueur suivant. Mais au début des années 1990 sortent des jeux qui regroupent les concepts de stratégie existant depuis 10 ans, en y ajoutant le temps réel propre aux jeux de combat : dans les RTS (pour real time strategy) les joueurs jouent maintenant simultanément, et la réflexion ne suffit plus, il faut également être le plus rapide. Si les jeux de stratégie en temps réel s'écartent des jeux de plateau, ils gagnent en réalisme et en capacité d'immersion ; le joueur peut maintenant réellement se sentir dirigeant d'un pays ou d'une armée. 9
Conclusion Il est évident que tout jeu peut contenir des éléments le rattachant à plusieurs types. De plus, un même jeu, mettons un jeu de combat, pourra devenir populaire sur borne d'arcade, comme de nombreux jeux au Japon dans les années 80, avant d'être commercialisé sur console. Nous pouvons néanmoins retenir deux combinaisons populaires : les jeux de stratégie en temps réel et les jeux de rôles, pratiqués en réseau avec de larges communautés de joueurs. Si, dans le premier cas, par « large communauté » on doit comprendre une dizaine de joueurs (typiquement, dix pays, factions ou autres se font la guerre tout en se développant), dans le cas du RPG, les communautés atteignent 10000 personnes (on parle alors de MMORPG, pour massively multiplayer online role playing game). Contrairement aux RTS en ligne, où les joueurs s'entendent pour jouer à un moment donné et pour une session unique, les MMORPG doivent utiliser des univers persistants, permettant à n'importe quel joueur d'entrer dans la partie ou de la quitter sans interrompre son déroulement. Il n'y a donc plus vraiment de partie, juste un univers de jeu indépendant que l'on rejoint momentanément. Il y a donc, même au fil des mois ou des années passés à jouer, une notion de progression du personnage et de compétition favorisant l'addiction des joueurs. De plus, autre particularité du MMORPG, les joueurs peuvent facilement se regrouper en groupes plus ou moins importants (du duo de joueurs à la guilde comprenant plusieurs centaines de membres) afin de poursuivre des objectifs communs. La constitution de ces groupes qui ignorent totalement toute frontière géographique ou autre, est un aspect important de la culture du MMORPG. 10
L’arrivée du jeu vidéo en Asie : le cas japonais Les pionniers du jeu vidéo au Japon L'histoire du jeu vidéo au Japon est quasiment indissociable de celle des trois grandes compagnies mondialement connues, Nintendo, Sega et Sony, qui ont façonné le jeu vidéo japonais au fil des décennies, d'abord avec le jeu d'arcade, puis les consoles de salon. Tout commence avec la société Rosen Entreprises fondée en 1954 à Tokyo par un homme d'affaire américain du nom de David Rosen. Initialement spécialisée dans l'exportation d'œuvres d'art, elle va rencontrer un succès inattendu avec l'importation de photomatons et va alors continuer de se développer en se lançant dans l'importation de machines de divertissement à pièces. Réalisant que ces appareils sont appelés à devenir de plus en plus populaires au Japon, Rosen Entreprises va alors s'agrandir en fusionnant en 1965 avec SErvice GAmes of Japan, une société américaine fondée en 1940 à Hawaii pour produire des machines de divertissement à destination des bases militaires américaines dans le Pacifique. C'est la naissance de Sega Corporation, qui sortira un an plus tard Periscope, considéré comme le premier jeu vidéo d'arcade en noir et blanc (dans lequel le but est de tirer des torpilles sur d'autres bateaux), et qui remportera immédiatement un immense succès d'abord au Japon, puis dans le monde entier.4 4 DUBOIS, Philippe, L’histoire de Sega, http://mo5.com/MHI/Firmes/Sega/sega.htm 11
Le jeu d'arcade va alors progressivement se développer au Japon et aux Etats-Unis, et en 1978 sort Space Invaders. Commercialisé par Taito, ce jeu dans lequel on dirige un vaisseau spatial devant détruire les météorites qui le menacent, connait un succès international immédiat, et c'est pourquoi l'année 1978 est communément considérée comme le début de l'âge d'or de l'arcade, d'autant plus que cette année coïncide également avec l'entrée de Nintendo sur le marché des bornes d'arcade. Fondée en 1889 à Kyoto par Fasajiro Yamauchi, la Nintendo Company Ltd. était initialement une humble entreprise familiale de fabrication de jeux de cartes à jouer artisanales. Celles-ci remportant progressivement de plus en plus de succès au Japon, Nintendo essaya dans les années 1960 d'étendre ses activités en se lançant dans des projets aussi hétéroclites que la création d'une chaîne de « love hôtel », d'une compagnie de taxis, d'une chaîne de télévision ou d'une usine de nourriture produisant du riz instantané, mais toutes ces tentatives se soldèrent par des échecs, et Nintendo fut forcée de se recentrer sur le marché du jouet. Criblée de dettes, Nintendo en était réduite à lutter pour sa survie dans un marché dominé par des compagnies mieux établies qu'elle telles que Bandai ou Tomy, et c'est du jeu vidéo que viendrait le salut, faisant de Nintendo la célèbre multinationale que l'on connaît aujourd'hui...5 En 1975, Nintendo acheta les droits pour distribuer au Japon la Magnavox Odyssey, considérée comme la première console de jeux pour particuliers, qui était distribuée aux Etats-Unis depuis 1972. Parallèlement à cela, Nintendo commença également à développer ses propres machines d'arcade et se lança sur le marché en 1978 avec la sortie d'Othello adapté du jeu de société éponyme. L'âge d'or du jeu d'arcade Les années 1980 resteront dans les mémoires comme la période durant laquelle la popularité des bornes d'arcade fut à son apogée partout dans le monde6. Durant cette époque, marquée par un développement technologique suffisant pour fournir des graphismes en couleur et du son de bonne qualité, le jeu d'arcade connut une grande phase d'innovation sous l'impulsion de firmes japonaises telles que Namco, Nintendo, Sega, Camcom, Konami, Taito ou SNK. Toutes ces compagnies feront preuve d'une grande créativité pour s'imposer et proposer des concepts toujours plus inventifs aux joueurs. Bien que toutes ces bornes d'arcade étaient initialement destinées à des établissements tels que des bars, supermarchés ou stations-service désireux de trouver d'autres sources de revenu, leur succès conduisit à l'apparition des salles de jeux dédiées entièrement aux bornes d'arcade. Comme les capacités techniques ne permettaient pas les graphismes réalistes et les effets spéciaux impressionnants qui sont courants aujourd'hui, les développeurs de jeux étaient obligés de tout miser sur l'originalité et l'amusement procuré s’ils voulaient que leur jeu ait du succès, ce qui explique que beaucoup d'entre eux restent encore appréciés aujourd'hui malgré leur âge et le fait qu'ils soient complètement dépassés techniquement. Ainsi, aux jeux de tir et de labyrinthe qui composaient la majorité des jeux d'arcade à leurs 5 Nintendo, Histoire d’un grand-père centenaire, http://artofwar.free.fr/dossiers/dossier_histoire_nintendo.php 6 KENT, Steven L., Return of Arcade : Great ‘80s-style fun, http://archive.southcoasttoday.com/daily/03-96/03- 09-96/2arcade.htm 12
débuts, succédèrent rapidement une très grande variété de genres : jeux de réflexion, de plate-forme, de stratégie, simulations sportives, etc.7 Considéré comme l'un des jeux les plus difficiles de tous les temps, Ghost'n Goblins aura donné des cauchemars aux générations de joueurs qui se sont ruinés sur cette borne d'arcade pour tenter de faire survivre le plus longtemps possible Arthur face aux hordes de démons qui veulent sa mort. Certains jeux de cet époque entreront même dans la culture populaire, tels que Donkey Kong. Produit en 1981 par Nintendo, ce jeu mettant en scène un charpentier qui doit sauver sa petite amie enlevée par un gorille, a été créé par Shigeru Miyamoto, qui deviendra plus tard le directeur de Nintendo, considéré aujourd'hui comme le plus grand nom du jeu vidéo au monde, à l'origine d'une grande partie des succès de Nintendo. Introduisant des concepts jamais vus auparavant tels que des cinématiques pour raconter l'histoire, ou plusieurs niveaux successifs au lieu d'un seul écran de jeu, Donkey Kong remporta un tel succès que son héros, initialement baptisé Jumpman puis renommé Mario (d'après Mario Segali, le propriétaire de l'entrepôt Nintendo à Washington...) pour la distribution du jeu aux Etats-Unis, allait devenir quelques années plus tard la mascotte de Nintendo.8 Mais le jeu le plus emblématique de cette période restera sans doute Pac-Man développé par Namco, dans lequel le joueur dirige un personnage sphérique qui doit manger toutes les pastilles dispersées dans un labyrinthe en évitant les ennemis qui le poursuivent. Ce jeu fut tellement populaire qu'il donna naissance à un dessin animé, un produit alimentaire et une chanson aussi bien en français qu'en anglais, Pac-Man Fever, et comme pour Donkey Kong, on peut trouver encore aujourd'hui des références à Pac-Man dans de nombreuses chansons, séries télévisées ou films. L'ère des consoles de salon En 1983, Nintendo a déjà une certaine expérience dans le domaine des consoles de jeu grâce à la fabrication de la Color TV Game sortie uniquement au Japon, ainsi qu'à la série de jeux électroniques portables tenant dans la poche Game&Watch qui eurent un très grand 7 The Top Coin-Operated Videogames of all Times, The International Arcade Museum, http://www.klov.com/TOP100.html 8 Donkey Kong, Video game at Arcade-history, http://www.arcade-history.com/index.php?page=detail&id=666 13
succès à travers le monde (certaines versions très recherchées par les collectionneurs peuvent atteindre des prix allant jusqu'à 800 francs). Nintendo se lance alors véritablement sur le marché des consoles de salon avec la sortie de la Famicom au Japon, qui sera distribuée quelques années plus tard dans le reste du monde sous le nom de Nintendo Entertainment System (NES). Contrairement au cas du jeu d'arcade pour lequel le Japon faisait partie des pionniers, le marché des consoles de salon existait déjà avant que les firmes japonaises ne s'y intéressent. Principalement développé aux Etats-Unis, il était dominé par la firme américaine Atari, mais en 1983 il connaissait une grave crise due à l'abondance de jeux de mauvaise qualité ainsi qu'à la concurrence des ordinateurs personnels. La sortie de la NES va alors contribuer à revitaliser ce secteur grâce à son prix très compétitif. La crise des jeux vidéo de 1983 aura de plus comme conséquence qu'Atari perdra progressivement son avance sur le marché des consoles jusqu'à abandonner définitivement ses activités dans l'industrie du jeu vidéo en 1996 après l'échec de la Jaguar face aux consoles de Nintendo et Sega, et la domination des firmes japonaises sur le marché des consoles de salon sera désormais totale (jusqu'à l'entrée de Microsoft sur le marché avec la Xbox). C'est sur la NES que sortiront les premiers épisodes des plus grands succès de Nintendo, tels que Metroid, The Legend of Zelda ou Super Mario Bros. qui sera vendu à plus de 40 millions d'exemplaires dans le monde. En 1986, Sega sort la Master System, ce qui marquera le début de la concurrence acharnée entre Sega et Nintendo pour le contrôle du marché des consoles de salon, concurrence qui ne s'arrêtera qu'en 2001 avec le retrait de Sega du marché après le semi-échec de la Dreamcast. Malgré la concurrence de la Master System, Nintendo continuera de régner en maître sur le marché de la console : à la fin des années 1980, près d'un foyer japonais sur deux est équipé d'une Famicom et Nintendo est l'entreprise la plus rentable du Japon. Nintendo continue alors de s'imposer sur le marché en sortant en 1989 sa première console portable, la Game Boy. Grâce à son prix, son autonomie et son très grand catalogue de jeux (dont le célèbre Tetris pour lequel Nintendo a obtenu les droits après une lutte acharnée contre Atari et l'éditeur de jeux britannique Mirrorsoft), elle remporte un succès foudroyant qui sera à peine entamé par la concurrence de la Game Gear sortie un an plus tard par Sega. C'est le début de la suprématie de Nintendo sur le marché des consoles portables, qui continue encore aujourd'hui avec la sortie de la Game Boy Advance en 2001 puis de la Nintendo DS en 2004.9 Du côté des consoles de salon, la domination de Nintendo sera cependant brisée en 1989 avec la sortie de la Megadrive. Nintendo contre-attaque alors avec la sortie de la Super Famicom (connue sous le nom de SNES aux Etats-Unis, Super Nintendo en Europe) et regagne son avance grâce à la légère supériorité technique de la SNES sur la Megadrive. La rivalité entre ces deux consoles se traduit par une compétition permanente pour s'attirer les bonnes grâces des joueurs, ce qui aura pour conséquence une période de grande créativité pour les développeurs de jeux avec la sortie de nombreux titres restés célèbres et encore très populaires aujourd'hui, tels que Super Mario Kart, Donkey Kong Country, la série des Final Fantasy ou encore Sonic the Hedgehog qui deviendra la mascotte de Sega.10 9 Histoire des consoles Nintendo, http://www.nintendo.fr/NOE/fr_FR/58.html 10 KENT, Steven L., The Ultimate History of Video Games : The Story behind the Craze that Touched Our Lives and Changed the World, Three Rivers Press, New York, 2001 14
A la fin des années 1980, Nintendo cherche à développer une extension permettant à la SNES de lire des CD-ROM, et signe pour cela un accord avec la célèbre compagnie d'électronique Sony afin de commencer à concevoir son projet connu sous le nom de code SNES-CD. Mais en 1991, suite à un désaccord sur les termes du contrat, Nintendo annule brutalement son partenariat avec Sony et décide à la place de travailler avec Philips (ce qui donnera naissance à la CD-I qui sera un échec complet). Cette annonce est un véritable coup de tonnerre dans l'industrie japonaise : dans le milieu des affaires japonais, il était tout simplement inconcevable que Nintendo trahisse Sony, entreprise japonaise, au profit d'une société européenne. Sony songe alors pendant un temps à abandonner complètement ce projet, mais décide finalement d'utiliser ce qui a déjà été développé afin de produire une console à part entière : ce sera la PlayStation, qui malgré un procès de Nintendo visant à faire interdire sa commercialisation, sortira finalement au Japon en 1994 et constituera les premiers pas de l'entrée de Sony sur le marché des jeux vidéos.11 La concurrence entre Nintendo, Sega et Sony se poursuivra alors, rythmée régulièrement par les sorties de consoles de nouvelle génération (Nintendo et Sony avec respectivement la Wii et la PlayStation 3 en sont actuellement à la septième génération, la NES et la Megadrive étant des consoles de la troisième génération). Depuis le retrait de Sega qui a décidé en 2001 de se concentrer uniquement sur les jeux et les bornes d'arcade, Sony et Nintendo sont maintenant seuls pour régner sur le marché florissant des consoles japonaises, bien qu'ils doivent à présent affronter la concurrence du géant américain Microsoft qui s'est lancé sur le marché en 1999 avec la Xbox. 11 L’histoire des consoles : SONY Playstation, http://jeux.video.tripod.com/psx.html 15
L’arrivée du jeu vidéo en Asie : le cas de la Corée du Sud Comme nous venons de le voir, au Japon c’est principalement aux grands acteurs et pionniers du marché, Nintendo et Sega, que le jeu vidéo doit son succès. Dès sa naissance, le jeu vidéo japonais a su se créer une identité propre et se démarquer fortement du jeu vidéo dans le reste du monde, et c’est le dynamisme des entreprises japonaises du jeu vidéo qui a permis cela. En Corée du Sud au contraire, c’est le phénomène inverse qui s’est produit : le jeu vidéo occidental y a rencontré un succès phénoménal, créant ainsi peu à peu une forte culture coréenne du jeu vidéo, ce qui a ensuite permis le développement de nombreuses entreprises locales dans ce domaine, et le jeu vidéo coréen s’est seulement ensuite forgé son identité propre. Ces origines radicalement différentes expliquent les très nombreuses différences que nous allons soulever entre le jeu vidéo coréen et le jeu vidéo japonais. L’origine du succès des jeux vidéo en Corée Durant les premières années d’histoire du jeu vidéo, la Corée du sud semblait être un pays comme les autres, au sens où comme la majorité des pays industrialisés, le jeu vidéo y a fait une entrée modeste, rencontrant un public restreint de passionnés ayant les moyens et l’envie d’acheter des consoles aux prix prohibitifs pour jouer à des jeux d’un intérêt limité. Même lorsque le Japon a donné un nouveau souffle au jeu vidéo grâce à Nintendo et Sega qui l’ont démocratisé, la Corée n’a pas particulièrement profité de la proximité du Japon et si les consoles japonaises ont connu un certain succès en Corée, l’engouement est resté du même niveau que dans les pays occidentaux. Ceci est en partie dû à une interdiction de tous les jeux japonais (les consoles étant autorisées) sur le territoire coréen, à cause de l’histoire difficile entre les deux pays12, ce qui expliquera entre autres la montée en puissance du jeu sur ordinateur au détriment du jeu sur console dans ce pays. Mais jusqu’au milieu des années 1990, rien ne prédestinait la Corée à tenir un rôle particulier dans le monde du jeu vidéo. Dans les années 1980, les constructeurs de consoles et développeurs de jeux se rendent rapidement compte qu’il est bien plus amusant de jouer à plusieurs que tout seul. En plus de décupler le plaisir du joueur qui se retrouve face à un adversaire aussi intelligent que lui, le développement de consoles et de jeux permettant de jouer jusqu’à deux ou quatre joueurs est également intéressant d’un point de vue marketing, puisqu’il permet de vendre plus de manettes et d’éviter la tâche difficile de créer un adversaire virtuel doté d’une intelligence artificielle suffisante pour rendre le jeu intéressant. Le jeu vidéo devient alors indissociable du multi-joueurs, et le premier argument de vente des consoles est la possibilité de jouer en famille ou entre amis jusqu’à quatre joueurs sur une seule console. Au début des années 90, l’ordinateur personnel (PC) se dirige peu à peu vers un prix abordable, et bien que son prix soit encore beaucoup plus élevé que celui d’une console, cet outil auparavant réservé aux professionnels par son prix et sa complexité se démocratise peu à peu dans les foyers. Les professionnels du jeu vidéo tirent alors parti de la puissance 12 BEAU, Franck, La Corée du Sud, nouvelle terre de gamers, http://www.internetactu.net/2002/08/28/la-core- du-sud-nouvelle-terre-de-gamers/ 16
phénoménale du PC pour en faire une console de jeux haut de gamme en plus d’un outil de travail. Les jeux vidéo sur PC exploitent eux aussi le filon du multi-joueurs, mais s’il est facile de proposer des jeux permettant de jouer à deux, il est difficile de placer quatre joueurs devant un seul clavier. Pour résoudre ce problème, la possibilité de relier deux ordinateurs l’un à l’autre est alors exploitée : le jeu en réseau est né. Alors que la console est techniquement limitée à quatre joueurs par l’impossibilité de faire de même (ce n’est plus le cas aujourd’hui, les consoles de dernière génération étant capables de se connecter à Internet), sur PC il n’y a théoriquement plus de limite au nombre de joueurs que l’on peut accueillir dans une seule et même partie. Il devient alors courant de voir de grands nombres de joueurs se rassembler avec leurs ordinateurs pour un week-end de jeu vidéo ensemble, ces évènements portant le nom de LAN Party (Local Area Network étant un acronyme technique désignant un réseau local). Cependant les difficultés logistiques d’organisation de tels évènements font que les LAN restent des évènements exceptionnels. Une LAN Party à Seoul en 1999, lors des débuts de ce phénomène La démocratisation d’Internet a résolu plus tard ce problème en permettant à des joueurs de s’affronter sans bouger de chez eux. Cependant jusqu’à la fin des années 1990, le haut débit était très peu répandu et prohibitif, le bas débit n’offrait pas un grand confort de jeu et coûtait lui aussi assez cher, ce qui explique que le jeu sur Internet ne se soit développé à grande échelle que dans les années 2000. Dans la fin des années 1990 le haut débit était très peu répandu… sauf en Corée du Sud ! En effet en 1999, afin de redresser le pays après une crise économique, le ministère de l’Information et de la Communication coréen a lancé le programme Cyber Korea 21, visant à promouvoir et subventionner les achats d’ordinateurs, les logements pré-câblés équipés du haut débit et la création de cybercafés13, ce qui a permis aux Coréens d’avoir plusieurs années d’avance sur le reste du monde dans le 13 DION, Julia, Corée du Sud : Le jackpot de Séoul, France-Corée (Novembre 2002) et l’Express (07/11/2002) 17
domaine de l’informatisation des foyers et l’Internet à haut débit.14 C’est ainsi que les Coréens ont eu un accès plus rapide et plus confortable que les autres à ce nouveau moyen de divertissement qu’est le jeu en ligne sur PC, et que des jeux comme Starcraft ont fait de la Corée ce qu’elle est aujourd’hui. Le jeu qui a tout déclenché : Starcraft15 Starcraft est un jeu de stratégie en temps réel (RTS) créé par le développeur américain Blizzard Entertainment et sorti en avril 1998 sur PC. L’histoire du jeu se déroule dans un lointain futur, où trois races s’affrontent à l’échelle galactique : les Terrans, lointains descendants de l’humanité ; les Protoss, guerriers humanoïdes dotés de pouvoirs psychiques ; et enfin les Zergs, insectes agressifs dotés d’une conscience collective.16 Le jeu a connu un succès planétaire, et est encore aujourd’hui considéré comme une référence dans son genre. Basé sur des règles simples et des développements intuitifs, le jeu est facile à appréhender pour un débutant. Mais il est aussi très difficile à maîtriser et pour avoir un bon niveau de jeu, il est nécessaire de faire preuve d’un excellent sens de la stratégie et de la tactique, et d’être extrêmement rapide à la manipulation de la souris et du clavier, à tel point que le jeu est naturellement taillé pour la compétition. Mais ce qui a rendu ce jeu si passionnant sur le long terme, c’est le niveau d’équilibre inégalé entre trois factions totalement asymétriques, ainsi que dans la distribution des tâches entre le militaire, l’économie et le contrôle du terrain. Le tout est associé à une intelligence artificielle redoutable et une réalisation globale du jeu à laquelle il n’y a pas grand chose à reprocher.17 Starcraft : une référence du jeu de stratégie en temps réel 14 JOFFE, Benjamin, Corée : la vie à très haut débit, http://www.journaldunet.com/tribune/060412-joffe.shtml 15 Starcraft : Papi fait de la résistance, Joystick n°204, 50-54 16 StarCraft’s 10-Year Anniversary : A Retrospective, http://www.blizzard.com/us/press/10-years-starcraft.html 17 StarCraft for PC Review, Gamespot, http://uk.gamespot.com/gamespot/features/all/greatestgames/starcraft.html 18
Starcraft fut incontestablement le jeu de stratégie le plus joué dans le monde durant les quelques années suivant sa sortie, le jeu et son extension Brood War ont été vendus au nombre record de 9 millions d’exemplaires. Le développement d’Internet étant encore limité à cette époque dans les pays occidentaux, la plupart des joueurs occidentaux se limitaient principalement au jeu en solo ou en réseau local avec des amis, les connexions Internet étant trop contraignantes d’un point de vue technique et financier pour jouer fréquemment par ce biais. Mais en Corée, il y avait alors déjà suffisamment de foyers connectés à Internet et de cybercafés pour déclencher un véritable mouvement de masse parmi les joueurs. Starcraft fut aussi l’un des premiers jeux vidéo à disposer d’une plate-forme Internet de rencontre entre joueurs, du nom de Battle.net, permettant aux joueurs de se rencontrer, de consulter la liste des parties en cours ou à venir et de se joindre à elles. A une époque où il était difficile de jouer sur Internet à moins de connaître un serveur hébergeant des parties et de s’y donner rendez-vous avec des amis, Starcraft était l’un des premiers jeux où il était possible, dès le lancement du jeu, de consulter une liste des joueurs et parties disponibles et de rejoindre très rapidement une partie de son choix aux côtés de joueurs inconnus mais de même niveau que soi. La plate-forme Battle.net propose aussi un système de points et de classement des joueurs, qui a fortement contribué à l’engouement des Coréens, naturellement dotés de l’esprit de compétition typiquement asiatique. Battle.NET, la plate-forme Internet qui rassemble les joueurs Le succès phénoménal rencontré par Starcraft en Corée s’explique donc par l’ensemble des facteurs suivants, conjointement : 18 - un excellent jeu parfaitement réalisé, naturellement taillé pour la compétition et peu répétitif, et offrant des facilités d’accès inédites pour l’internaute - un accès à Internet pour la majorité de la population grâce aux efforts du gouvernement Coréen - des joueurs Coréens portés par un esprit de compétition bien plus poussé que celui des occidentaux. 18 SERRAULT, David, La Corée du Sud et Starcraft, Corée en France, http://www.coreeenfrance.com/index.php?part=2&rub=23&art=149 19
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