Le Mag - Les tumeurs cérébrales chez l'enfant - nº 35 - janvier 2021 - Association Tête en l'air
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Édito Retournons-nous un instant sur cette année 2020. Des projets, nous en avons toujours et encore : Elle a été difficile pour tout le monde et nous pen- vous allez découvrir notre nouveau site Internet, sons beaucoup aux enfants hospitalisés qui ont notre présence renforcée sur les réseaux sociaux et été privés de visites familiales et d’animations pour l’application HydroApp va continuer à progresser. garder le moral et égayer leur quotidien. Nous allons également poursuivre notre stratégie de déploiement de nos actions dans les hôpitaux en Tête en l’air, dans ce contexte sanitaire, a poursuivi région et bien sûr nous reprendrons dès que pos- sa mission. Vous allez pouvoir le constater plus en sible nos petits déjeuners et animations à l’hôpital détails dans ce Mag. Necker-Enfants malades. Nous y consacrons un dossier sur les tumeurs céré- Vous pouvez tous compter sur nous. Nous serons brales chez l’enfant et vous verrez les remarquables au rendez-vous. progrès de la médecine pour ces pathologies. Bravo à toute notre équipe qui est restée très moti- Les dossiers préparés par Tête en l’air sont vée et engagée malgré les conditions sanitaires. construits pour être de vrais documents pédago- giques de référence d’autant qu’ils sont tous éla- Je remercie aussi pour leurs soutiens fidèles nos borés et validés avec des professionnels de santé adhérents et tous ceux qui nous font confiance, en des différentes spécialités concernées. Ils peuvent particulier nos mécènes. d’ailleurs leur servir de supports pour communi- quer avec les familles. Thierry Mure Président Sommaire Comité de rédaction Les tumeurs cérébrales chez l’enfant 4 Sylvie Bérat Vanessa de Monts La vie de l’Association 24 Thierry Mure L’actualité de nos mécènes 27 Laure Paret Nous avons vu et lu pour vous 28 Graphisme Olivier Bergère Impression Montparnasse Expression Tête en l’air Le Mag 35 – janvier 2021 3
Les tumeurs cérébrales chez l’enfant Hôpital Necker-Enfants Malades Présentation du service de neurochirurgie pédiatrique de l’hôpital Necker- Enfants Malades de Paris Le service de neurochirurgie pédiatrique de l’hô- Le Professeur Thomas pital Necker-Enfants Malades, le plus important Blauwblomme, responsable de France, accueille chaque année plus de 1 500 de l’unité fonctionnelle de enfants. Il assure la grande garde de neurochirur- chirurgie de l’épilepsie et gie pédiatrique d’Ile-de-France 24 h / 24, 7 j / 7, et le Docteur Kévin Beccaria, 365 jours par an. responsable de l’unité fonc- tionnelle oncologie ont par- Son activité couvre tous les domaines de la neu- ticipé à ce dossier. Tous les rochirurgie pédiatrique : les tumeurs cérébrales, deux opèrent les enfants médullaires mais aussi les tumeurs des os du crâne atteints de tumeurs céré- et du rachis ou de la colonne vertébrale, les mal- brales. formations telles que spina bifida et autres dysra- phismes, l’hydrocéphalie, l’épilepsie, la traumato- http://hopital-necker.aphp.fr/neurochirurgie logie, les hématomes sous-duraux du nourrisson, les malformations vasculaires, les malformations crânio-faciales… http://hopital-necker.aphp.fr/ Présentation du service de radiologie pédiatrique de l’hôpital Necker-Enfants Malades de Paris Avec plus de 65 000 actes annuels, il est le pre- Le Professeur Nathalie mier centre de radiologie pédiatrique en France et Boddaert, cheffe du service accueille tous les enfants qui sont pris en charge et responsable de l’unité de par un médecin de l’hôpital, quelle que soit sa neuroradiologie a participé pathologie. Il a la particularité d’être un départe- à ce dossier. ment surspécialisé, chaque médecin sénior dispo- sant d’une expertise complète pour une partie pré- cise du corps de l’enfant (tête, cou, cœur, thorax, abdomen, pelvis, bassin, os). http://hopital-necker.aphp.fr/radiologie-enfants 4 Tête en l’air Le Mag 35 – janvier 2021
Gustave Roussy Présentation du département d’oncologie pédiatrique de Gustave Roussy Le département d’oncologie pédiatrique de https://www.gustaveroussy.fr/fr/ Gustave Roussy est le premier service de cancéro- decouvrir-la-pediatrie-presentation logie pédiatrique en France et prend en charge tout type de tumeurs solides : neuroblastomes, tumeurs Le département d’onco-radiothérapie de Gustave cérébrales, tumeurs osseuses et des parties molles, Roussy est l’un des 15 services en France habilité à lymphomes, néphroblastomes, tumeurs germi- traiter des enfants. Parmi les 4 000 patients béné- nales et tumeurs rares. 150 nouveaux enfants sont ficiant d’une radiothérapie annuellement dans le pris en charge chaque année pour un diagnostic de département, une centaine sont des enfants. tumeur cérébrale pédiatrique et le département suit environ 500 patients. Le Docteur Stéphanie Bolle, onco-radiothérapeute avec https://www.gustaveroussy.fr une surspécialité en oncolo- gie pédiatrique a participé à Le Docteur Jacques Grill, médecin-chercheur, res- ce dossier. ponsable du programme Tumeurs cérébrales des enfants depuis 2011 et res- ponsable d’une équipe de https://www.gustaveroussy.fr/fr/ recherche INSERM consa- radiotherapie-departement crée à l’étude de ces tumeurs depuis 2020, a par- ticipé à ce dossier. Institut Curie Présentation du département d’oncologie pédiatrique de l’Institut Curie L’Institut Curie est un centre expert pour les plus de 700 jeunes patients, tumeurs cérébrales de l’enfant et à ce titre, il dispose tous cancers confondus. d’un plateau technique de pointe, avec notamment un plateau de protonthérapie. Il dispose également Le Docteur Franck Bour- d’un centre de recherche de renommée internatio- deaut, pédiatre oncologue nale au sein duquel plusieurs équipes travaillent sur et chercheur a participé à ce les tumeurs cérébrales. Il accueille chaque année dossier. Tête en l’air Le Mag 35 – janvier 2021 5
Les tumeurs cérébrales sont la première cause de tumeurs solides chez l’enfant Les cancers pédiatriques sont des maladies Les tumeurs gliales (gliomes) sont les plus fré- rares. En France, les tumeurs cérébrales sont quentes (50 %). Généralement localisées dans la fosse postérieure, elles peuvent se développer les plus fréquentes des tumeurs solides de partout dans le système nerveux central, depuis l’enfant et la 2e cause de cancer en pédiatrie le nerf optique jusqu’à l’extrémité de la moelle épi- (20 % des cancers), après les leucémies. nière. Les gliomes de bas grade (bénins) sont plus fréquents chez les plus jeunes alors que les gliomes 500 nouveaux cas sont diagnostiqués malins touchent des enfants plus âgés ou des ado- chaque année chez les enfants âgés de 0 et lescents. Ces tumeurs regroupent des formes de 15 ans. très bon pronostic comme l’astrocytome pilocy- tique et des types beaucoup plus difficiles à soigner Certaines tumeurs ont un excellent pronos- tels que l’épendymome et le gliome infiltrant du tronc cérébral. tic, parfois après chirurgie seule, alors que d’autres sont aujourd’hui encore sans trai- Les tumeurs embryonnaires représentent plus de tement efficace connu, malgré une prise en 20 % des tumeurs cérébrales, avec notamment le charge pluridisciplinaire. médulloblastome ainsi que les tumeurs tératoïdes rhabdoïdes atypiques (ATRT). Elles sont généra- lement localisées dans la fosse postérieure, au Qu’est-ce qu’une tumeur cérébrale de contact du cervelet, qui permet de coordonner les mouvements, de maintenir l’équilibre et le to- l’enfant ? nus des muscles. 75 % de ces tumeurs surviennent avant l’âge de 10 ans mais elles peuvent se voir chez Les tumeurs cérébrales sont des masses de cel- l’adolescent ou chez le jeune adulte. La majorité de lules anormales qui se multiplient dans le cerveau ces tumeurs sont malignes. ou la moelle épinière de façon incontrôlée et en- vahissent ou déplacent le cerveau normal. Plus de Les tumeurs germinales (moins de 5 % des tumeurs 200 diagnostics différents existent et ils sont, par cérébrales) se développent dans la région de la conséquence pris en charge avec des traitements glande pinéale ou de l’hypophyse. appropriés. Les craniopharyngiomes sont des tumeurs bé- Chez l’enfant, ce sont en très grande majorité des nignes qui se développent dans la région hypotha- tumeurs du cerveau lui-même (90 %) et beaucoup lamo-hypophysaire. plus rarement des tumeurs de la moelle épinière ou des os du crâne et de la colonne vertébrale (10 %). Les tumeurs des plexus choroïdes (qui secrètent le La moitié sont des tumeurs bénignes et générale- liquide céphalo-rachidien) peuvent être bénignes ment localisées. Les autres sont malignes et vont (papillomes) ou malignes (carcinomes). alors avoir tendance à se disséminer ou à récidiver. La plupart se situent au niveau sous-sensoriel, dans Pour en savoir plus la fosse postérieure (60 %), c’est à dire dans le cer- velet, le tronc cérébral ou le 4e ventricule (astrocy- https://curie.fr/dossier-pedagogique/ tome, médulloblastome, épendymome). Les autres cancers-de-lenfant-les-tumeurs-cerebrales tumeurs se situent au niveau sus-sensoriel, dans les https://www.gustaveroussy.fr/fr/ hémisphères cérébraux ou sur la ligne médiane (as- tumeurs-cerebrales trocytome, craniopharyngiome, tumeur des plexus choroïde, épendymome, tumeurs germinales…). 6 Tête en l’air Le Mag 35 – janvier 2021
Symptômes et diagnostic Les symptômes Les signes cliniques diffèrent d’une tumeur cé- maux de tête ne sont pas signes de tumeur céré- rébrale à l’autre. Ils sont très variables et ne sur- brale. C’est leur caractère inhabituel (par exemple la viennent pas tous systématiquement. Chaque nuit), leur durée, leur persistance ou leur résistance enfant présentera des symptômes et vivra une ex- aux traitements qui doivent alerter les médecins, périence qui lui est propre. - crises d’épilepsie, Les symptômes les plus fréquents sont les sui- vants : - signes neurologiques directement liés à la loca- lisation de la tumeur qui peut affecter une région - maux de tête, liés à l’augmentation de la pression spécifique du cerveau ou de la moelle épinière : intracrânienne. Ils peuvent être accompagnés de troubles de la vision, de l’équilibre, de la marche, de nausées, voire de vomissements. La majorité des la parole… 8 Tête en l’air Le Mag 35 – janvier 2021
Photo : Institut Curie Le diagnostic Dans la majorité des cas, les symptômes vont parents…). Il faut aller voir un pédiatre. Lui seul sait apparaitre progressivement. C’est pourquoi, le examiner les enfants dans leur ensemble et écouter diagnostic d’une tumeur cérébrale peut prendre les parents. du temps. De plus, ce sont des maladies rares. Le pédiatre ou les professionnels de santé consultés Les parents ne doivent pas culpabiliser si les symp- vont peut-être penser à d’autres causes possibles tômes ne les ont pas alertés : c’est un message im- aux symptômes présentés. portant à faire passer. Les tumeurs cérébrales sont très difficiles à détecter. Il y a des étapes clés dans le diagnostic d’une tu- meur cérébrale pédiatrique. Généralement c’est la Docteur Jacques Grill : « Il faut aussi garder à l’es- persistance d’un ou plusieurs symptômes qui per- prit que la rapidité avec laquelle on fait le diagnos- met de suspecter son existence. tic d’une tumeur est liée à la gravité de la situation. Pour les tumeurs agressives, le diagnostic est fait Certains signes doivent alerter. Un enfant qui voit beaucoup plus vite. Les symptômes sont graves, les moins bien, qui se rapproche de son livre pour lire médecins ne vont pas passer à côté. Le contraire se correctement, ce n’est pas normal. Des céphalées vérifie aussi. Souvent lorsqu’il y a eu errance dans le qui persistent dans le temps non plus. Tout comme diagnostic, c’est que la tumeur est de bas grade et un enfant qui a mal au dos ou qui a une sciatique donc à évolution lente. Cela ne veut pas pour autant comme un adulte. Les enfants ne mentent pas. dire qu’il faut perdre du temps pour le diagnostic. » Pour les petits enfants, une modification du com- portement, une régression des acquisitions ou un fléchissement scolaire sont aussi des signes. Pour en savoir plus sur les symptômes Par ailleurs, il faut absolument éviter d’attribuer les https://www.headsmart.org.uk/ (en anglais) symptômes à une situation psychologique tempo- https://curie.fr/dossier-pedagogique/cancers-de- raire de l’enfant ou au sein de sa cellule familiale lenfant-les-tumeurs-cerebrales (naissance d’un frère ou d’une sœur, séparation des Tête en l’air Le Mag 35 – janvier 2021 9
Photo : Institut Curie L’annonce à la famille Le neurochirurgien est souvent le premier interlo- L’information donnée doit être la plus claire pos- cuteur des familles. sible, y aller par étapes, ne pas noyer les parents qui ne retiendront en moyenne que 30 % de l’infor- L’enfant peut lui avoir été adressé par : mation. C’est comme cela que va s’établir la relation de confiance entre les soignants et la famille. - un service d’urgence de proximité dans lequel il a été pris en charge à cause de ses maux de tête Professeur Thomas Blauwblomme : « Quand on an- persistants signes d’hypertension intracrânienne. nonce un diagnostic de tumeur cérébrale à des pa- Le neurochirurgien est alors amené à agir sans dé- rents, ils sont complètement bouleversés. Le monde lai afin de soulager la douleur et libérer la pression s’arrête de tourner. Nous prenons le temps de leur dans le crâne, parler et de les écouter. Nous ne les assommons pas avec plein de détails dès le premier rendez-vous. - un pédiatre ou un autre spécialiste après avoir Surtout que nous ne savons pas tout à ce stade de constaté des troubles fonctionnels ou si l’enfant se la prise en charge. Même si nous avons des doutes, plaint de symptômes inhabituels, l’IRM n’est pas suffisante pour savoir si la tumeur est bénigne ou non par exemple. Seul l’analyse de cette - un neurologue qui a été consulté car l’enfant fait dernière pourra le confirmer. Le neurochirurgien va des crises d’épilepsie ou présente des signes neuro- donc surtout parler de solutions et expliquer la pre- logiques suspects. mière étape qui est souvent la chirurgie. » Quelle que soit la situation, un examen neurolo- Pour plus d’information sur l’annonce du gique complet sera réalisé et une IRM cérébrale complètera le bilan pour diagnostiquer une tumeur diagnostic cérébrale. Voir le Mag 24 https://teteenlair.asso.fr/le-mag 10 Tête en l’air Le Mag 35 – janvier 2021
Les traitements Photos : Hôpital Necker Les tumeurs cérébrales pédiatriques sont un en- À Necker, le neuroradiologue et le neurochirurgien semble de maladies très différentes et leur prise travaillent main dans la main. Le diagnostic est en charge va dépendre de l’âge de l’enfant et de la souvent réalisé à deux. Et si nous avons un doute, tumeur en elle-même (sa localisation, sa taille, sa nous n’hésitons pas à refaire des séquences. C’est la nature et son degré d’agressivité). grande force de notre service. Ce sont les examens d’imagerie et l’analyse du tis- Tout est fait pour rassurer les enfants pendant les su prélevé (quand cela est possible) qui vont per- examens. Il y a, par exemple, une fausse machine mettre de poser définitivement le diagnostic et dé- d’IRM qui permet aux enfants de se familiariser avec terminer les modalités thérapeutiques. De plus en l’examen. Ils savent ensuite quels sont les bruits plus, on réalise des analyses moléculaires (séquen- qu’ils vont entendre, pourquoi ils ne doivent pas bou- çage par exemple) pour guider les traitements. Ces ger. Nous pouvons aussi leur donner des lunettes de derniers reposent sur la chirurgie, la radiothérapie « CinémaVision » spécialement conçues pour être et la chimiothérapie. compatibles avec l’IRM. La vidéo les isole complète- ment de l’environnement stressant. Et cela nous per- met de diminuer le temps de l’examen et dans cer- L’examen d’imagerie confirme l’exis- tains cas d’éviter l’anesthésie. » tence de la tumeur Les clichés (IRM Imagerie par Résonance Magnétique ou TDM Tomodensitométrie) vont ai- der les médecins à déterminer la localisation, la taille et la forme de la tumeur et son caractère dif- fus ou non. Généralement, le neuroradiologue donne au neuro- chirurgien son interprétation et ce dernier saura s’il peut ou non opérer. Professeur Nathalie Boddaert : « Lorsque nous voyons à l’IRM une masse dans la tête d’un enfant, nous pouvons, dans un grand nombre de cas, avoir une idée de la nature de la tumeur (bénigne ou ma- ligne) et nous pouvons aussi préciser ses contours. Jeu enfant IRM / le vrai IRM de l’hôpital Necker Tête en l’air Le Mag 35 – janvier 2021 11
Les décisions sont prises en Réunion Docteur Stéphanie Bolle : « Les RCP sont de Concertation Pluridisciplinaire essentielles. C’est à ce moment-là que l’on (RCP) décide de moduler les différents traitements en fonction de leurs risques et bénéfices. » Les enfants seront toujours suivis par une équipe de spécialistes qui se retrouvent en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) pour discuter de chaque cas. Professeur Nathalie Boddaert : « Les RCP Les décisions sont prises de manière collégiale permettent à tous les spécialistes d’être tenus entre neurochirurgien, neurologue, neuroradio- au courant de l’évolution des enfants suivis. logue, onco-radiothérapeute, oncologue pédiatre C’est aussi l’occasion de discuter de toutes les et anatomopathologiste*. demandes de second avis médical que nous recevons de l’extérieur (hôpitaux, médecins et En premier lieu, les médecins discutent de la chirur- familles de France et de l’étranger) » gie. Si la tumeur n’est pas opérable ou si elle né- cessite un traitement complémentaire, ils décident alors de la stratégie médicale à mettre en place. Cela peut être une seconde intervention, si la tu- meur n’a pas été enlevée complètement, de la ra- Professeur Thomas Blauwblomme : « Avec diothérapie, de la chimiothérapie ou une combinai- ces RCP nous savons très vite si un de nos son de plusieurs traitements. En cas de récidive, tous les choix thérapeutiques seront évoqués (nou- patients a un problème, même si nous ne velle chirurgie, nouveaux traitements) avant prise l’avons pas vu en consultation récemment. de décision commune. Cela nous permet d’être très réactifs en cas de récidive. » * https://www.afaqap.fr/lassociation/lanapath 12 Tête en l’air Le Mag 35 – janvier 2021
La chirurgie est privilégiée, quand elle est possible Professeur Thomas Blauwblomme : « La chirurgie Docteur Kévin Beccaria : « Bien souvent les enfants est le plus souvent le premier traitement envisagé. n’ont jamais été hospitalisés. Nous prenons systé- Cependant, toutes les tumeurs cérébrales ne sont matiquement le temps d’expliquer à l’enfant et ses pas opérables. Cela va dépendre de la localisation, parents les enjeux de la chirurgie, ses étapes et ses du caractère diffus ou circonscrit de la lésion et des risques. Nous les voyons ou les appelons après l’opé- déficits possibles de la chirurgie sur les fonctions de ration pour leur dire ce que nous avons fait, s’il y a eu l’enfant. » des surprises ou non. Nous leur expliquons aussi qu’il faut attendre l’IRM de contrôle réalisé le lendemain - En cas d’hypertension intracrânienne (hydro- pour rentrer plus dans le détail. C’est cet examen céphalie), le neurochirurgien va devoir réaliser une IRM qui confirmera nos impressions, si la tumeur a première chirurgie, en urgence. L’objectif est de li- été complètement enlevée ou non par exemple. Nous bérer la pression dans le crâne pour éviter des at- leur conseillons aussi de ne pas hésiter à nous appe- teintes neurologiques et soulager l’enfant de ses ler ou venir nous voir s’ils ont des questions. Ils ne symptômes (le plus souvent maux de têtes, vomis- nous dérangeront jamais. Nous préférons répondre à sement et somnolence). leurs interrogations plutôt qu’ils aillent chercher les réponses sur Internet, qui ne sont pas toujours fiables - Indépendamment de l’hypertension intracrâ- ou adaptées à la situation de leur enfant ». nienne, si la tumeur est opérable, le neurochirur- gien va réaliser une résection la plus complète pos- sible. A chaque fois, la balance bénéfices-risques de C’est l’analyse de la tumeur qui va l’intervention et le caractère complet ou non de la résection seront finement étudiés. permettre d’en savoir plus - Enfin, si la tumeur n’est pas opérable, le neuro- Le résultat de l’examen anatomopathologique chirurgien va réaliser, s’il le peut, une biopsie qui (analyse de la biopsie) va permettre de confirmer consister à prélever un échantillon de la tumeur les premières hypothèses des médecins. pour ensuite pouvoir l’analyser. Les résultats du diagnostic pathologique permet- Une IRM post-opératoire de contrôle est toujours tront de déterminer avec précision le type et le réalisée dans les 24 à 48 heures après l’opération. Le grade de la tumeur. On y associera souvent une neuroradiologue pédiatre est de nouveau sollicité. analyse moléculaire orientée par les premières C’est l’interprétation de cet examen qui permet de constatations de l’anatomopathologiste* au mi- déterminer s’il existe un résidu. Un résidu peut être croscope. retrouvé même très petit ou mal placé. C’est en connaissant plus de détails sur la tumeur Professeur Nathalie Boddaert : « Cet examen est que le plan de traitement va être décidé en RCP. incontournable. Il faut savoir l’interpréter correcte- ment, d’où la nécessité d’être un centre expert spé- * https://www.ecancer.fr/Dictionnaire/A/ cialisé. Nous savons déterminer l’étendue de la résec- anatomopathologie tion et repérer un résidu, même s’il est extrêmement petit. D’autant plus pour une tumeur maligne car le pronostic vital de l’enfant entre en jeu. Si le chirur- gien n’a pas tout enlevé, la question de la ré-opéra- bilité doit se poser, tout en privilégiant toujours les fonctions de l’enfant. » Tête en l’air Le Mag 35 – janvier 2021 13
La radiothérapie La radiothérapie ou irradiation, est un traitement qui consiste à utiliser des rayons X à haute énergie pour détruire ou endommager les cellules cancé- reuses. Elle peut être utilisée après une intervention chirur- gicale, pour prévenir une récidive ou quand la tu- meur est inopérable. Les techniques de radiothérapie modernes (radio- thérapies conformationnelle 3D ou avec modula- Photo : Gustave Roussy tion de fréquence) permettent aux médecins de cibler la région à traiter avec beaucoup plus de pré- cision, tout en épargnant le plus possible les tissus La radiothérapie s’étale le plus souvent sur 6 se- sains voisins. Pour atteindre la tumeur, les rayons maines, avec des séances journalières de 15 à 20 doivent traverser des tissus normaux. Les méde- minutes, à l’exception des weekends. Elles sont réa- cins s’efforcent de minimiser la quantité de rayons lisées en ambulatoire, ce qui peut permettre à l’en- qui les toucheront de façon à réduire le risque d’ef- fant de continuer à aller à l’école à mi-temps si son fets secondaires. état de santé le permet. Le circuit de l’enfant pris en charge est encadré. Docteur Stéphanie Bolle : « La difficulté est de de- Après une première consultation, un masque facial mander à un enfant, surtout s’il est jeune de rester thermoformé spécifique à l’enfant va être fabriqué immobilisé pendant la séance. Il faut aussi gérer ses et sera utilisé à chaque séance pour immobiliser peurs car il n’est pas accompagné par ses parents la partie à traiter. Ensuite, un scanner sera réalisé pendant la séance. C’est pourquoi certains enfants, dans la position dans laquelle le traitement sera surtout les plus jeunes sont anesthésiés de manière effectué. Il pourra être complété dans certains cas très légère ». d’une nouvelle IRM. La radiothérapie peut être localisée ou plus éten- Grâce à ces examens, la zone à traiter ainsi que les due. Pour les médulloblastomes par exemple, tout organes voisins vont être repérés de façon précise. le cerveau et tout le canal rachidien dans lesquels L’équipe de radiothérapie calculera alors avec préci- circule le liquide cérébro-spinal vont être traités. sion les doses à administrer ainsi que leur ciblage. Car des cellules cancéreuses peuvent se disséminer Des contrôles réguliers vont être ensuite effectués dans ce liquide, même si elles sont invisibles à l’ima- pour vérifier la position de l’enfant et que les doses gerie ou à l’analyse du liquide. Pour un astrocytome délivrées sont conformes aux calculs effectués. Une pilocytique, pour lequel le risque de métastase est consultation hebdomadaire avec l’onco-radiothé- nul ou quasi nul, l’irradiation sera localisée, centrée rapeute permet également d’évaluer la tolérance sur la tumeur. de l’irradiation. Docteur Stéphanie Bolle : « On va donc organiser la radiothérapie pour que la dose de rayons se répar- tisse de façon optimum dans la tumeur tout en pré- servant les organes sensibles. Chaque protocole sera unique et adapté spécifiquement au cas rencontré. » 14 Tête en l’air Le Mag 35 – janvier 2021
Photos : Gustave Roussy La chimiothérapie Le terme chimiothérapie désigne les médicaments Si ce premier protocole ne fonctionne pas ou ne qui sont utilisés dans les traitements. correspond pas à l’enfant, il existe encore des so- lutions en chimiothérapie. Des médicaments plus Elle peut être administrée par voie orale ou par voie sophistiqués peuvent être proposés, souvent dans intraveineuse. Elle est souvent associée à la chirur- des centres plus spécialisés. gie et à la radiothérapie (chimiothérapie concomi- tante). En Ile de France, les enfants pourront être pris en charge à l’Institut Curie ou à Gustave Roussy. Les médicaments vont stopper la prolifération des cellules cancéreuses. D’autres permettent de Docteur Jacques Grill : « Nous sommes souvent obli- rendre la tumeur plus sensible à la radiothérapie. gés d’adapter nos traitements, de faire du sur-me- sure quand le protocole national n’a pas fonctionné. Pour être efficaces, les chimiothérapies doivent C’est d’ailleurs pour cette expertise et nos solutions pouvoir arriver jusqu’à la tumeur. Celle-ci est située que les familles viennent nous consulter de toute la dans le cerveau qui est l’organe le mieux protégé du France et même d’ailleurs. Dans nos protocoles, on corps. L’enjeu est donc de pouvoir donner des mé- intègre toujours en premier lieu les médicaments les dicaments qui vont être capables de passer la bar- moins dangereux, même si l’on sait qu’ils ne vont pas rière hémato-encéphalique* qui protège le cerveau guérir tous les enfants. Puis ensuite pour ceux qui ne et la moelle épinière de toute substance toxique. réagissent pas à ce premier protocole, on les intègre dans des essais cliniques avec des médicaments in- L’enfant est, dans un premier temps, inclus dans un novants plus ciblés sur les anomalies biologiques protocole national de chimiothérapie. Il en existe de la tumeur. Il faut trouver le meilleur compromis pour chaque type de tumeur. Quel que soit le possible entre la chance de guérison et la lourdeur centre où l’enfant est accueilli en France, les proto- du traitement. La prise en charge est de plus en plus coles de première ligne sont identiques. Ils sont ho- complexe et spécifique à chacun des patients. Les fa- mogènes et reconnus. C’est pourquoi il est souvent milles ont beaucoup d’attente, nous devons leur pro- préférable de choisir le centre de traitement le plus poser des solutions innovantes. » proche par rapport au lieu d’habitation. Tête en l’air Le Mag 35 – janvier 2021 15
La qualité de vie des enfants au centre des préoccupations : le suivi à long terme Le suivi à long terme est absolument indispen- la chimiothérapie sont transitoires et vont dispa- sable. C’est comme cela que sont détectées et soi- raitre dans les jours ou semaines qui suivent l’arrêt gnées les récidives. Il sert aussi à prendre en charge des traitements. Cela peut être une perte de che- les effets secondaires, les éventuelles séquelles et veux, des nausées, des maux de tête ou de la fa- à organiser la rééducation. tigue. Les parents sont toujours prévenus. Une fois les traitements terminés, l’enfant passe Il peut aussi y avoir des effets à long terme qui en surveillance. Des examens sont programmés peuvent survenir plusieurs mois ou plusieurs an- avec en général une IRM tous les trois mois et des nées après un traitement. Ce sont ceux auxquels consultations, pour vérifier que la tumeur ne ré- font attention les médecins dans leur stratégie apparait pas ainsi que pour gérer les effets secon- médicale. Ils peuvent affecter les capacités d’ap- daires potentiels de la tumeur et des traitements. prentissage, les habiletés physiques, la vision, l’au- Le dossier de l’enfant sera rediscuté en RCP si l’un dition, la croissance, la puberté et la fertilité. des médecins observe une anomalie ou suspecte une récidive. Il y a des séquelles induites par la maladie elle- même : une tumeur cérébrale, si elle est grosse, peut léser une partie du cerveau. Pourquoi une récidive ? Il y a ensuite le geste du neurochirurgien qui doit retirer la tumeur. Parfois les médecins peuvent être Une récidive peut apparaitre quand toutes les cel- face à un dilemme : laisser un reliquat de tumeur lules cancéreuses n’ont pas été détruites par les pour éviter des séquelles trop importantes ou bien premiers traitements. Il ne faut pas la prendre donner une plus grande chance de guérison à l’en- comme un échec. fant avec une chirurgie plus large qui affectera ses capacités. Il existe des traitements alternatifs qui peuvent la traiter de façon efficace. Aujourd’hui il est possible Enfin, les séquelles peuvent être dues à la chimio- de guérir d’une récidive. thérapie et à la radiothérapie. Cette dernière peut léser les tissus sains qui sont à proximité de la zone Docteur Jacques Grill : « Souvent la récidive survient tumorale. Lorsque cela est possible, les enfants de quand le neurochirurgien n’a pas pu enlever complè- moins de 3 ans ne reçoivent pas de radiothérapie tement la tumeur. Opérer dans le cerveau ce n’est pas car elle peut affecter le développement de leur la même chose qu’opérer dans une autre partie du cerveau et donc d’engendrer des troubles cogni- corps. Dans le cerveau, on passe au ras de la tumeur. tifs par la suite. Pour ces enfants, des protocoles On ne peut pas prendre de marge de sécurité. Il peut de chimiothérapie ont été développés pour éviter donc rester des cellules microscopiques malades la radiothérapie ou la retarder le plus longtemps après l’opération. C’est d’ailleurs aussi pour cela que possible. l’on fait de la radiothérapie. Pour bien irradier le bord de la cavité opératoire et quelques millimètres en Professeur Thomas Blauwblomme : « Les préoc- plus. » cupations thérapeutiques concernent non seule- ment l’amélioration du pronostic mais également l’amélioration de la qualité de vie et la diminution Anticiper et soigner les séquelles des séquelles pour l’enfant. Le neurochirurgien ne va plus opérer d’emblée et à tout prix au dé- La tumeur en elle-même et tous les traitements triment de séquelles neurologiques et physiques peuvent entraîner des séquelles à court, moyen et définitives. Les chirurgies sont de moins en moins long terme, mais elles ne sont pas obligatoires. agressives. Pour les tumeurs bénignes, ce sont les fonctions qui priment. Pour les tumeurs malignes, Les effets à court terme de la radiothérapie et de c’est au cas par cas. » 16 Tête en l’air Le Mag 35 – janvier 2021
Photos : Gustave Roussy Docteur Kévin Beccaria : « La chirurgie ne va pas Dans notre unité, la rééducation commence dès l’ar- toujours être retenue en première intention. Les mé- rivée de l’enfant. Une évaluation neuropsychologique decins peuvent ainsi décider de privilégier un traite- est automatiquement réalisée avant le début des ment par chimiothérapie ou radiothérapie pour en- traitements. Elle va nous servir de repère. Dans cer- suite proposer une intervention chirurgicale sur un tains cas, on va débuter très rapidement la rééduca- résidu. Pour certaines chirurgies il est même préfé- tion car on sait que tel ou tel médicament va engen- rable d’y aller par étape afin de préserver les fonc- drer des séquelles. tions. Pour les tumeurs des tout-petits, qui sont parfois très volumineuses, on peut décider d’opérer Par ailleurs notre programme de suivi à long terme plusieurs fois pour diminuer le risque hémorragique. nous permet de nous adapter et de trouver des alter- Tout cela est expliqué clairement aux familles aupa- natives à des traitements qui ont des effets secon- ravant. Réopérer n’est pas un échec, cela peut être daires lourds pour les enfants. Par exemple, on ne va une volonté pour aboutir à un résultat satisfaisant. » pas donner à un enfant ayant une tumeur des voies optiques et qui risque par la suite d’avoir des pro- Les enfants atteints d’une tumeur cérébrale sont blèmes de vision, un médicament dont on sait qu’il va suivis très longtemps, au moins jusqu’à leur ma- diminuer son audition car il risque de cumuler deux jorité et même après. Des bilans neuropsycholo- déficits sensoriels majeurs. giques à intervalle régulier sont effectués. C’est le meilleur moyen de dépister, atténuer et traiter ces Notre objectif final est bien sûr la guérison, mais pas séquelles. à n’importe quel prix. On doit faire en sorte que l’en- fant s’insère au mieux dans sa vie d’adulte. » Docteur Jacques Grill : « Avant tout, les séquelles ne sont pas obligatoires. Tous les enfants ne réagissent Pour plus d’informations sur les séquelles pas de la même manière aux traitements. A Gustave Roussy, nous avons mis en place un programme de Voir le Mag 28 https://teteenlair.asso.fr/le-mag suivi à long terme de nos patients, unique en France par son ampleur et son historique. Grâce à ce pro- gramme, nous connaissons mieux les séquelles des traitements, nous sommes capables de les prévoir et de lutter efficacement. Tête en l’air Le Mag 35 – janvier 2021 17
Les dernières avancées médicales En neurochirurgie La prise en charge des craniopharyngiomes est cules de rentrer plus facilement dans la tumeur de beaucoup moins invasive. l’enfant. Jusqu’à aujourd’hui évaluée uniquement chez l’adulte, l’équipe du Docteur Kévin Beccaria va Le craniopharyngiome est une tumeur bégnine qui bientôt l’appliquer à l’enfant, en collaboration avec entraîne des maux de tête, des troubles de la vision les équipes de neuroradiologie de Necker et d’onco- et des problèmes hormonaux (ralentissement de la logie de Gustave Roussy et de l’Institut Curie. Cette croissance et obésité). Avant, la chirurgie complète méthode innovante pourrait améliorer la prise en de ces tumeurs était toujours privilégiée quitte à charge des tumeurs cérébrales profondes, inacces- endommager la région de l’hypothalamus (centre sibles à une chirurgie pour lesquels les chimiothé- de contrôle de fonctions essentielles comme la rapies ne sont pas, à ce jour, efficaces. faim et la soif). La prise en charge a complètement évolué. La Utilisation du laser guidé par IRM pour l’ablation stratégie maintenant est de réaliser une chirurgie d’une tumeur cérébrale moins invasive pour préserver l’hypothalamus. Elle peut être associée à une radiothérapie s’il existe un Le laser permet de cibler avec une précision milli- reliquat de tumeur. Pour certains très jeunes en- métrique des lésions dans le cerveau et de les re- fants, il est même possible de retarder les traite- tirer sans endommager les tissus à proximité. Avec ments grâce à un suivi médical très rapproché. cette chirurgie mini-invasive (sans ouverture du crâne) il est maintenant possible d’atteindre cer- L’objectif de cette approche est d’assurer une meil- taines tumeurs de petite taille et profondes qui ne leure qualité de vie aux enfants. En préservant l’hy- sont pas accessibles avec une chirurgie classique. pothalamus et donc ses fonctions, les médecins limitent les troubles du comportement alimentaire Le Professeur Thomas Blauwblomme et son équipe qui entrainent un surpoids voire une obésité mor- ont opéré, pour la première fois à Necker, un enfant bide. de 7 ans pour une chirurgie de l’épilepsie à l’aide de cette nouvelle technologie de laser guidé. Cette Cette approche a été initiée par l’équipe du technologie amène le bloc opératoire dans le ser- Professeur Stéphanie Puget (service de neuro- vice d’imagerie pédiatrique du Professeur Nathalie chirurgie pédiatrique de Necker) et de celle du Boddaert qui, avec deux manipulatrices radio ont Docteur Claire Alapetite (service de radiothérapie eu un rôle essentiel. L’hôpital Necker est le second de l’Institut Curie). site en France à être équipé de ce système après le CHU d’Amiens. Une nouvelle technique chirurgicale permet de Cette intervention s’effectue sur l’IRM 3 Tesla, par- mieux faire pénétrer les médicaments dans le cer- tagé entre l’Hôpital Necker et l’Institut Imagine, veau. installé dans le service de radiologie pédiatrique du Pr Nathalie Boddaert. Souvent la barrière hémato-encéphalique (qui pro- tège le cerveau des substances toxiques) est une des causes de l’échec des traitements de chimio- thérapie car elle limite le passage des molécules vers le cerveau. Une technique qui combine ultra- sons de faible intensité et injection de microbulles par voie intraveineuse permet d’ouvrir temporai- rement cette barrière afin de permettre aux molé- 18 Tête en l’air Le Mag 35 – janvier 2021
La protonthérapie La radiothérapie stéréotaxie ou radiochirurgie La radiochirurgie n’a rien à voir avec de la chirurgie contrairement à ce que son nom indique. C’est une technique qui utilise des rayonnements très précis et délivre des doses très élevées en quelques séances (1 à 10 séances) Elle est réalisée avec des systèmes dédiés tels que Photo : Institut Curie le GammaKnife et le Cyberknife ou des accéléra- teurs linéaires de radiothérapie adaptés. La protonthérapie utilise des protons (et non des En fonction du système utilisé, elle peut nécessiter rayons X) qui ont une meilleure précision. Les fais- la fixation sur le crâne sous anesthésie locale d’un ceaux de protons entrent dans la tumeur et s’y ar- cadre de stéréotaxie. Ce cadre peut également être rêtent. A l’inverse de la radiothérapie par rayons X, fixé via un masque thermoformé très serré. Une qui peut toucher d’avantage les cellules saines si- fois, le cadre mis en place, on réalise un examen tuées à proximité, car la dose continue d’agir à la d’imagerie dans laquelle le cadre apparaît et sert de sortie, après avoir ciblée la tumeur. repère. Elle a le même taux de guérison que la radiothéra- Elle peut être une alternative à une chirurgie pour pie. Son intérêt réside essentiellement dans la pré- les tumeurs de petits tailles (moins de 3 cm), aux servation des tissus sains et limite donc la probabi- contours bien définis et difficilement opérables car lité d’impact sur le développement et la croissance profondes. de l’enfant. Elle permet d’envisager une irradiation chez de jeunes enfants qui jusqu’à présent ne pou- Elle ne peut pas être utilisée ni pour traiter les tu- vaient recevoir ce type de traitement en raison des meurs étendues ou infiltrantes car elle serait inef- potentiels effets tardifs. ficace ni sur les tumeurs trop proches de certaines zones sensibles, notamment les nerfs optiques car La protonthérapie est une technique récente et ses elle pourrait les endommager. bénéfices nécessitent encore d’être évalués à long terme. De par sa grande précision, elle peut être également utilisée pour des récidives très localisées dans des C’est l’équipe médicale qui va décider de son inté- zones déjà irradiées. rêt potentiel pour l’enfant. Elle pourra être envi- sagée pour les tumeurs mal placées ou celles dites radio-résistantes. https://curie.fr/dossier-pedagogique/les-cancers- traites-par-protontherapie-les-cancers-de-lenfant Tête en l’air Le Mag 35 – janvier 2021 19
L’immunothérapie Docteur Franck Bourdeaut : « Les immunothérapies sont l’une des avancées récentes les plus specta- culaires et les plus prometteuses en cancérologie. D’une façon générale, il s’agit de détruire les cellules tumorales en abolissant leur capacité d’échappe- ment à l’action des cellules « tueuses » du système immunitaire du patient lui-même. Certaines immu- nothérapies récentes consistent en des perfusions d’anticorps qui réactivent la réponse antitumorale de Photo : Institut Curie l’hôte ; ces approches ont montré des effets très puis- sants sur de nombreux cancers affectant les adultes. Malheureusement, la plupart des cancers pédia- Des travaux sont aussi menés dans de nombreux la- triques ne sont pas sensibles à ces traitements, parce boratoires pour tenter de modifier les cellules immu- que les cellules plus « embryonnaires » des cancers nitaires des enfants en les « armant » contre les cel- pédiatriques sont moins bien reconnues par les cel- lules cancéreuses, de façon très ciblée. Ce nouveau lules immunitaires. L’analyse de l’ADN des tumeurs champ de l’immunothérapie, appelé les « CAR-T », peut cependant permettre d’anticiper les quelques ouvre des perspectives très prometteuses pour le cas qui ont des chances d’être sensibles à ce type de traitement des leucémies de l’enfant, mais fait aus- traitement, et l’on peut alors proposer ce traitement si l’objet de recherche active pour les tumeurs céré- aux enfants, soit dans des protocoles cliniques, soit brales. » au cas par cas. Surtout, beaucoup de recherches sont en cours, dans les laboratoires mais aussi dans des https://curie.fr/page/cancers-de-lenfant/portrait- essais cliniques, pour associer ces immunothéra- franck-bourdeaut-pediatre-oncologue-chercheur- pies avec d’autres traitements (la radiothérapie par siredo exemple), susceptibles de faciliter la reconnaissance des cellules cancéreuses par le système immunitaire. Le bouleversement de la génomique en chimiothérapie Les avancées qui ont été faites sur le plan molécu- laire sont révolutionnaires. L’étude des caractéristiques génétiques d’une tu- meur, ce que l’on appelle la génomique, est un vé- ritable bouleversement dans la compréhension du cancer. Photo : Gustave Roussy Ainsi, en plus de l’analyse de la tumeur prélevée, les chercheurs sont maintenant capables d’identifier les anomalies moléculaires comme la mutation d’un ou plusieurs gènes à l’origine du cancer. 20 Tête en l’air Le Mag 35 – janvier 2021
Le séquençage du génome a permis d’avoir des facteurs pronostics extrêmement importants. Les chercheurs se sont également aperçus qu’il était possible de retrouver la même mutation dans plu- sieurs cancers totalement différents. La classifica- tion des cancers a donc évolué. Ils ne sont plus uni- quement regroupés en fonction de l’organe touché, il est aussi possible de les regrouper en fonction de leurs mutations génétiques. Docteur Jacques Grill : « Pour nous, c’est une véri- table révolution car l’étendue des traitements à pro- poser s’est élargie. Selon la mutation génétique iso- lée, il va être possible d’attaquer la tumeur avec des médicaments qui auparavant étaient réservés à un tout autre cancer (le mélanome de l’adulte ou le can- cer du poumon par exemple). Et souvent, ces médica- ments, on les connait bien et depuis très longtemps. On sait qu’ils fonctionnent. Ils ont été utilisés par des centaines de malades. On dispose de données histo- riques sur leurs résultats, leur tolérance, les effets secondaires engendrés. On pourra espérer que ces Photos : Gustave Roussy mêmes médicaments donneront de bons résultats dans les tumeurs cérébrales pédiatriques. On rentre dans une nouvelle ère et je peux com- Professeur Thomas Blauwblomme : « Le séquen- prendre que cela déstabilise les parents. Il faut pou- çage complet du génome a ouvert des perspectives voir se familiariser avec cette nouvelle approche. Le fabuleuses avec la thérapie ciblée. A l’avenir l’enjeu séquençage de l’ADN va prendre deux à trois mois, de la chirurgie complète pourrait être moindre. On long processus devenu indispensable. Entre-temps, pourrait très bien envisager ne plus devoir retirer un traitement est bien évidemment mis en place. Et intégralement une tumeur (avec les risques de sé- s’il ne fonctionne pas, on va s’appuyer sur les résul- quelles que cela entraine) et que les médicaments tats du séquençage pour nous adapter et proposer ciblés prennent le relai pour assurer la guérison. d’autres médicaments. Cela change complètement notre vision de la prise en charge des tumeurs cérébrales pédiatriques et On revisite tout ce que l’on a appris par le passé et pourrait améliorer nettement la qualité de vie des grâce à ces nouveaux traitements ciblés, le taux de enfants. » guérison va augmenter. » https://www.gustaveroussy.fr/fr/genomique-et- oncogenese-des-tumeurs-cerebrales-pediatriques Tête en l’air Le Mag 35 – janvier 2021 21
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