LLiiggnneess ddee ccrrêêtteess - Chrétiens dans l'Enseignement Public
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ldc5 couv 01CR_Mise en page 1 01/12/09 14:07 Page1 Lignes de crêtes n °5 Enseigner, un métier ? ! ... Octobre-Novembre-Décembre 2009 8€ ISSN 1969-2137 Métier Église et Foi Société Et ailleurs ? Vie culturelle Vie de l’association Chrétiens dans l’Enseignement Public
ii ldc 5 couv 02CR_Mise en page 1 07/12/09 10:48 Page2 Lignes de crêtes est la revue de Chrétiens dans l’En- seignement Public, résultat de la fu- Sommaire sion des Équipes Enseignantes et de Éditorial....................................................................... p 3 la Paroisse Universitaire. Enseigner ? Un métier mais aussi une éthique (J.-G. Girardet).p 4 Elle s’adresse à ceux qui se sentent concernés par l’école et les questions Métier d’éducation, qui ont le souci de nourrir Semaine de 4 jours en élémentaire (Monique) ....... p 5 leur foi pour faire vivre leurs engage- Vie privée, vie professionnelle… (Alain Serre).......... p 6 ments et éclairer leur regard sur le Accueil des enfants handicapés à l’école ............... p 9 monde. Débuter : pas si simple ! (Cathy Réalini) .................. p 10 Connaissances, capacités... (Jean Kayser) .............. p 12 Au collège (Martine Bosdevesy) ............................... p 14 Abonnement à Lignes de crêtes Principales données des recherches... (Canada) ... p 16 normal (cotisants, Silence dans les rangs !… (Cathy Réalini) ............... p 17 aumôniers) 25 € Directrice en Val-de-Marne (Sylvie Fabre) ............... p 20 soutien et 35 € non cotisants Église et Foi étranger 40 € Enseigner : un métier vécu comme mémoire de la souffrance et utopie (Marcel Annequin).......... p 22 Cotisation à Chrétiens dans Prière d’un responsable (Norbert Segard) ............... p 25 l’Enseignement Public Nouveaux rapports laïcité et religion (Edmond Vandermeersch)......................................... p 26 Cotisation minimale annuelle de 30 € Trois livres présentés par Marie-Françoise Tinel .... p 29 Cependant, nous vous proposons de déterminer le montant de votre cotisation Société en fonction de vos possibilités. Vous trou- Vous avez dit : pédagogie Freinet ? (J. Bizet) ........... p 31 verez ci-dessous un tableau donnant des Relations parents-professeurs (M.-F. Tinel).............. p 32 indications de montant. Le privilège d’enseigner (Chantal) ........................... p 33 traitement mensuel cotisation Les religions, menace ou espoir (M.-T. Drouillon) ... p 34 1000-1400 € 70 € Et ailleurs ? 1400-2000 € 110 € Italie : l’école en suspens (Louis Touvier) ................ p 35 Strasbourg 2009 (M. et A. Martin) .......................... p 36 + de 2000 € 150 € ou plus Difficile éducation publique au Pérou (J. Bolon) ..... p 38 Merci de libeller votre chèque à l’ordre Vie culturelle de Chrétiens dans l’Enseignement Livres .......................................................................... p 40 Public et de l’envoyer à : Livres pour enfants ................................................... p 45 Chrétiens dans l’Enseignement Public 170 boulevard du Montparnasse Vie de l’association 75014 Paris - tél : 01 43 35 28 50 CdEP Info ................................................................... p 46 Un éventail de sessions ........................................... p 48 Dans les prochains numéros Choix de vie : agir, réagir Iconographie Enseignants, producteurs de Naissance (Christine Pellistrandi) ............................ p 50 richesses ? Société de l’évaluation, intérêts et llimites Photos de couverture : Site de CdEP : www.cdep-asso.org/ montage de photos diverses Drecteur de publication : Anne-Marie Marty - Commission Paritaire des Publications et Agences de Presse n° 1109 G 81752 du 8 novembre 2007 Imprimerie Chauveau-Indica, 2 rue 19 Mars 1962 - 28630 Le COUDRAY. Bureaux : 24/26 rue de l’Industrie 92400 Courbevoie 2 Lignes de crêtes 2009 - 5
ii ldc5 (p 3)_Mise en page 1 01/12/09 14:26 Page3 Éditorial “E h oui, c’est un métier!” Qui n’a pas, ces derniers temps, entendu cette phrase, revendica- est ainsi entré dans une culture anxieuse du résultat. Du coup, S ans tomber dans le piège d’un esprit de compétition rampant, tion de la dignité de son travail et l’école qui juge de la qualité des un enseignant d’aujourd’hui ne peut d’une compétence à reconnaître, à uns et des autres, devient à son pas ne pas consacrer du temps à la une époque où il est si facile de tour l’objet de jugements de la part concertation avec ses collègues, à la parler de tout et sur tout ? de ses élèves et de leurs parents. rédaction de projets avec eux, à La mondialisation, vécue concrète- l’aide auprès d’élèves en difficultés, our nous, agir ou réagir en P professionnel est en effet une exigence à prendre au sérieux. ment à travers les délocalisations, les expériences Erasmus ou la par exemple pour la recherche d’un stage permettant ensuite d’enten- concurrence internationale, pousse dre un écho autre sur eux. Nous nous sentons, comme mem- naturellement à comparer son ider les élèves à se construire bres d’une équipe éducative, une grande responsabilité sur ce qui école à celle des pays voisins”1. A demande une formation spé- cifique pour leur accompagne- uels sont alors les critères est dû aux élèves. t pourtant, il y avait fin juin Q d’une bonne éducation sco- ment. Il n’y a pas d’équité sans E dans les salles des maîtres une désespérance dont notre ren- laire ? Selon Baudelot et Establet, “les enquêtes PISA montrent compétence, ni sans le respect d’une vraie formation pour ceux que les efforts de démocrati- qui vont enseigner. contre d’août dernier s’est fait sation sont payants : tout mon- lain Serre nous proposait l’écho : “Comment tenir bon dans notre métier face à des réformes tre en effet que la massification de l’enseignement a abouti à une A aussi dans le débat “d’aller dans les recoins des maisons où qui vont à l’encontre de la qualité de l’école publique, en opposition réduction substantielle des inéga- on ne va pas toujours, d’ôter aux besoins de l’enfant ?”, “le sou- lités sociales”. “Mais en dépit des quelques toiles d’araignée”. Nous tien des élèves en grande difficulté politiques de démocratisation en- avons tout à gagner à sortir de s’effiloche du fait de la suppres- treprises ces dernières décennies l’hérésie du dualisme pédago- sion des RASED”, “l’institution (mais souvent inachevées), l’école gistes / disciplinaires, souvent ins- comptabilise les signalements, française est en effet trop et trop trumentalisé de façon idéologique. mais supprime des postes…”, tôt sélective”1. S’il y a du travail à faire pour crédibi- Bayeux, en août 2008, Alain liser la profession, “de haut en bas”, “comment se contenter de la pro- position de se détacher des pro- blèmes et des difficultés des À Serre mentionnait au cours du débat suivant sa conférence que ce soit sans arrogance. “Ils étaient frappés de son enseigne- “ce paradoxe que la réussite de ment, un enseignement nouveau, jeunes pour faire le programme l’école se joue trop en dehors d’elle donné d’autorité et non pas comme coûte que coûte ?”, “le danger est par l’importance du travail à la mai- les scribes” (Marc 1, 22-27). de ne plus évaluer les pratiques pé- n n’éduque pas tout seul. dagogiques mais les résultats”. our certains, le terme “profes- son. L’élève devrait trouver dans la structure scolaire tout ce dont il a O L’éducateur est lui-même tra- P sionnalisation” en vient même à perdre sa notion de com- besoin. Mais cela aussi ne s’impro- vise pas, ne se décrète pas”2. versé, habité par des apparte- nances individuelles, un travail d’équipe, une cohérence institu- estent ensuite les questions pétence aux dépens d’une impli- cation négative de pure technicité. R de tous les jours : comment mettre au travail des élèves qui ne tionnelle, une fidélité à des vérités ou des valeurs qui le dépassent. À n ne peut accepter sans rien O dire que s’installent découra- gement collectif et lassitude. supportent pas la frustration ? Être justes dans nos décisions est nous de les creuser ensemble pour bâtir cet “enseignement nou- veau, donné d’autorité”. parfois difficile. i la responsabilité éducative S dépend de l’ensemble de l’éta- blissement qui porte un projet, C omment intégrer la vie et la cul- ture des jeunes dans nos projets ? Mireille Nicault novembre 2009 avant chaque enseignant particu- omment anticiper l’imprévu ? lier, c’est aux familles qu’elle revient en premier. Or, “sans refuser que C Quelle est notre capacité à nous laisser enseigner par d’au- 1/ Extrait d’un article de Christian Bau- l’école forme à la culture ou au ci- tres ? par des situations concrètes ? delot et Roger Establet dans Alternatives visme, les parents entendent par d’autres types d’enseigne- Économiques, n° 279, avril 2009 d’abord qu’elle prépare convena- ment ? Qu’y a-t-il d’immobile dans 2/ Á la session “Enseignants en acti- blement au monde du travail. On nos paroles, nos attitudes ? vité“. Voir article page 6. Lignes de crêtes 2009 - 5 3
ii ldc5 (p 4)CR_Mise en page 1 04/12/09 14:09 Page4 Enseigner ? Un métier mais aussi une éthique ! Ce qu’en disait un pendamment des aléas et exi- et fidélité deux fois, au total huit. gences de la relation humaine. Le Du côté “amour” je pense “rela- professeur monde des livres, celui de l’ordi- tion” en hébreu “hesed”, du côté “J’entends plutôt éducateur dans nateur appartiennent à la sphère “savoir” je lis “vérité”, “savoir” le sens d’adulte-repère, d’adulte humaine et non à je ne sais quel “instruction” en hébreu “emet”. garant de valeurs auxquelles un empyrée, partie supérieure du ciel Dans cette dernière langue ces certain nombre d’enfants ne se ré- chez les Anciens et séjour des deux mots offrent une grande ri- fère plus. Comment envisager dieux où régnerait ordre, calme et chesse de sens. “Hesed” désigne la d’exercer notre profession sans volupté ! Livre et ordinateur sont bonté et la condescendance di- penser que nous sommes là pour simplement des supports de sa- vines. Elle est miséricorde, bienfai- les aider à grandir, à devenir eux- voirs, de communication, des sance, mais nullement faiblesse et mêmes, pour nous mettre au ser- modes particuliers de relations hu- tendresse aveugle… C’est la rela- vice d’êtres humains que nous maines, lot commun de tout être tion-même qui définit l’Alliance. avons pour mission d’instruire vivant. Il est vrai que parfois ces “Emet” marque la fidélité de Dieu, (et/ou d’éduquer) ?… Cependant, relations sont difficiles, voire très fondement solide de la sécurité du cette priorité est indissociable de la difficiles, empreintes de violence. croyant. Dieu est fidèle, vrai et so- qualité du savoir que nous devons Le besoin se fait sentir alors de lide comme le rocher auquel on leur communiquer. Chaque enfant souffler, de s’isoler, pour se re- s’accroche (Emoun = le fidèle ; doit avoir accès au même savoir trouver et ne pas devenir étranger amen = c’est vrai, j’adhère). Le que tous les autres. Le respect que à soi-même. Le livre, l’ordinateur mot définit l’attitude intérieure de nous lui devons passe également apportent un savoir, transmettent l’Alliance (L’homme selon la Bible, par la maîtrise de la matière que une relation plus douce, plus ma- Albert Gelin). Il y a bien ici ensei- l’on enseigne. Lorsque je n’avais niable, plus reposante. Mais la re- gnement du solide et de la relation encore aucune expérience, j’étais lation reste de l’ordre de la vie. humaine. très soucieuse d’être ou de devenir cette technicienne du savoir, pen- Amour et vérité L’usage liturgique de ce psaume sant éviter ainsi un grand nombre Je n’étonnerai personne en re- 84 renforce le sentiment que nous de problèmes. Je sais maintenant marquant que dans la Bible il n’y a avons avec “savoir” et “relation hu- que nous ne sommes pas en com- pas de réponse à ce type de maine” un couple fécond. La litur- pétition avec des machines très per- débat. Le contraire surprendrait. gie juive emploie ce psaume dans fectionnées et qu’il s’agit de Et pourtant me sont venues à l’es- les périodes de calamité publique, concilier au mieux notre rôle d’en- prit quelques paroles du psaume d’invasion, d’oppression sociale, seignant avec celui d’éducateur, en 85 (84) versets 11-12, “Amour et de tyrannie, afin que ces temps acceptant de ne pas voir pousser ce vérité se sont rencontrés, justice malheureux cessent grâce à Dieu. que l’on sème”*. et paix s’embrassent”. Dans un Dans la liturgie catholique ce contexte évidemment tout autre, psaume revient douze fois, trois Ce témoignage m’a paru inté- fois durant l’Avent, neuf durant le ressant car il fait droit en même elles établissent la même distinc- tion — union qu’entre savoir et rela- temps ordinaire et la plupart du temps au savoir et à la relation hu- temps en lien avec des lectures ou maine alors que, si je comprends tion éducative, mais avec des mots différents. J’ai consulté trois bibles des évocations de prophètes de bien, l’un et l’autre sont souvent l’espérance, Isaïe, Amos, Michée, pensés en terme d’incompatibi- (Jérusalem, Tob, Bayard) et la litur- gie catholique, soit quatre docu- Elie, Ezéchiel. Dans l’avenir, lité. Pour la relation voyez celui-ci ! “hesed” et “emet” ont encore plus Pour le savoir celle-là ! Il n’est pas ments pour me rendre compte de l’intérêt ou non de cette hypothèse. à voir ensemble, pourquoi pas au difficile de comprendre l’aspect collège Jules Ferry par exemple ! réducteur de telle distinction. Voici la traduction Bayard : Comme si le savoir n’était pas lui- “Amour et vérité se sont rencon- Jean-Guy Girardet même de l’humain, il vient de la trés…”. Psaume 84/11. Pour la Saint Etienne recherche tous azimuts menée de- traduction de la première partie Novembre 2009 puis des siècles, comme si ce sa- de ce verset, soit huit mots fran- voir appartenait au monde des çais pour deux hébreux, amour et * M. Savet, Partie Prenante 4/1996 p.9 idées, vivant sur lui-même indé- vérité reviennent trois fois chacun 4 Lignes de crêtes 2009 - 5
ii ldc5 (p 5)CR_Mise en page 1 04/12/09 14:09 Page5 Métier La “professionnalisation” du métier : écoutons ce qu'en disent des enseignants, de l'élémentaire au secondaire, dont un professeur débutant, une institutrice qui reçoit des handicapés, une directrice d'école, une retraitée... ; mais aussi des chercheurs (du Canada) en pédagogie ; un (ancien) inspecteur ; les textes officiels. intéressant... !) ; et enfin Million, dont les dessins nous “parlent” aussi ! Semaine de 4 jours en élémentaire La semaine de quatre jours, moins de temps à midi pour se Manque de temps pour recevoir c’est d’abord deux heures d’en- voir et décompresser, car le soutien les parents : deux soirs par se- seignement en moins, donc forcé- était deux soirs par semaine, donc maine consacrés au soutien et ment des renoncements douloureux. corrections et préparation à midi ; plus de samedi matin, moment Exemple le samedi matin, on faisait privilégié pour les rencontres. Ré- des enseignants mal à l’aise musique et chant à plusieurs en- sultat : beaucoup de “jonglages“ ou en colère devant des consignes seignants, conseil, géométrie et dans nos emplois du temps. à appliquer dont ils savaient révision, remédiation… L’an passé, qu’elles ne seraient pas efficaces ; Enfin, un bilan très mitigé sur on n’a pas trouvé où placer chant l’efficacité du soutien : les en- et musique pendant le 1er trimes- beaucoup d’énergie passée à fants étaient ravis d’y participer tre, on les a mis le lundi matin au organiser les temps de réunions et en redemandaient pour cer- 2e trimestre pour être sûr obligatoires : pas les tains. Pour l’enseignant, c’était de ne pas les oublier, jours de soutien car un temps de relation privilégiée mais au 3e trimestre trop tard, des plus ludique et décontractée, on avait la piscine mercredis et mais il est bien évident que ce dans ce créneau, donc des samedis temps devrait se trouver sur le plus de chant. matins pour temps scolaire, et non en dehors, Dommage…. Il est contenter avec moins d’élèves dans les évident que globa- tout le monde, classes et une autre organisation. lement on a privi- surtout les col- légié maths et lègues avec des En ce qui concerne les résultats français (même si les enfants petits ; de ce travail en soutien, on a ob- créneaux horaires ont aussi servé que pour les enfants qui des journées de été amputés) au détriment des avaient simplement des pro- classe très longues et matières “moins scolaires”. blèmes d’adaptation au rythme de une fatigue plus marquée malgré travail, c’était positif, ils ont pris Pas assez de temps de respira- le temps de repos du samedi confiance en eux. tion dans la classe, trop de pres- matin, une sensation de rythme sion au début pour essayer de tout épuisant. Par contre, pour les enfants en faire. Ensuite fatalisme de l’ensei- réelles difficultés scolaires, il n’y a Grosse fatigue chez les enfants gnant, et autre choix douloureux : pas eu de progrès significatifs, le qui se couchent plus tard le ven- faire un peu de tout ou sacrifier temps de soutien a été bien in- dredi soir (on a demandé aux pa- des passages du programme pour vesti, mais les élèves n’ont pas uti- rents) et ne récupèrent pas assez en approfondir d’autres ? lisé leurs acquis, au moment des du week-end. On a remarqué une évaluations par exemple. Tensions dans l’équipe ensei- plus grande excitation dans la gnante (l’infirmière scolaire qui cour en fin d’année, et on a eu vient régulièrement dans l’école beaucoup plus de déclarations Monique depuis plusieurs années a été frap- d’accidents ! Haute-Savoie pée du changement d’ambiance) : Lignes de crêtes 2009 - 5 5
ii ldc5 (p 6-8)CR_Mise en page 1 04/12/09 14:11 Page6 Métier Vie privée, vie professionnelle, quel équilibre ? Le temps de un nombre important d’ensei- seignant de faire du “soutien”, de gnants choisit ce métier non pour “l’accompagnement scolaire”, de travail de son salaire attractif mais pour le “temps libre” qu’il dégage ; la “remise à niveau”, du “tuto- rat”... voire des “stages” de “rat- l’enseignant le corps enseignant a “bas- trapage” pendant des périodes de vacances ou des heures supplé- culé” du premier au second degré. mentaires. Tout cela repose pour L’enseignant a du “temps le moment sur le volontariat, contraint” (heures de présence les initiatives individuelles devant élèves + heures de réu- ou la politique de tel éta- nions diverses) qu’il ne gère pas, blissement, et n’est pas et du “temps non contraint” (pré- sans incidence sur la na- parations, corrections, gestion ture même du métier des dossiers élèves...) qui n’est d’enseignant : enseigner pas codifié, qui se passe souvent devient aussi “accom- hors de l’établissement, et qu’il pagner”. gère à sa guise. Les deux varient dans des proportions considéra- bles, selon le niveau d’enseigne- ment, la discipline, les personnes ; le temps “non contraint” est laissé à l’appréciation de chacun ; il conditionne pourtant la qualité de l’action enseignante. En fait, on peut presque affirmer que En effet, avec l’allongement de la scolarité pour les élèves, on a eu Concrètement c’est là que tout se joue. peu à peu plus de professeurs que pour chacun(e) d’instituteurs/trices. Conséquen- La liberté pédagogique, recon- ce : les enseignants se sont beau- nue et réaffirmée, sans cesse rap- Quel temps dois-je consacrer à coup plus focalisés sur les pelée, inclut aussi la liberté ma vie professionnelle ? (car, tout domaines disciplinaires : le “faire d’organisation de l’enseignant, et ce qui est économisé sur le temps la classe” d’autrefois est devenu donc sa gestion du temps. de travail peut être consacré à la pour la plupart un “faire une leçon vie personnelle et familiale, et ré- Cependant... ou un cours sur...”. Ce qui a consi- ciproquement...). Où est la bonne dérablement changé leur regard la féminisation du corps en- sur l’enseignement, sur leur pro- mesure ? Faut-il “se donner” ou seignant (là où autrefois il y avait simplement “se prêter” à la chose fession. la parité dans le premier degré) publique, à son métier ? est allée de pair avec une baisse des revenus des enseignants. Le La forme du Un enseignant consacre une partie de son temps à sa “per- désir de qualité de vie des travail de sonne” : se cultiver, se maintenir femmes leur faisait justement re- en forme physique, autant de fac- chercher un métier où il y avait l’enseignant teurs d’équilibre et de progrès in- moins de temps de travail dividuels, qui se répercutent contraint. Du fait de cette fémini- Elle s’est modifiée peu à peu, et positivement sur sa pratique pro- sation, les revendications et mobi- pas seulement au sujet de l’orga- fessionnelle. (exemples banals : lisations au sujet des revenus sont nisation de son temps de travail. lire, consacrer du temps à s’infor- restées assez limitées ; Par exemple, on demande à l’en- mer et suivre l’actualité, mais 6 Lignes de crêtes 2009 - 5
ii ldc5 (p 6-8)_Mise en page 1 01/12/09 14:52 Page7 Métier aussi voyager, faire du sport, pra- peler des “vertus” comme le cou- tiquer une activité artistique...). La notion de rage, l’honnêteté, la solidarité... Une vie (personnelle, familiale) équilibrée et épanouissante n’est- liberté Par “valeurs”, j’entends “ce qui vaut”, de façon universelle et ab- elle pas gage d’une vie profes- solue, et j’y mettrais la vérité (qui L’enseignant est donc libre de sionnelle “réussie” ? Une person- implique des méthodes d’ap- délimiter les temps respectifs à ne heureuse, équilibrée, épa- proche et des critères), la liberté consacrer à son travail et à sa vie nouie, fera un meilleur enseignant (qui est aussi liée à la condition personnelle. Cette liberté est sou- qu’une personne fatiguée et stres- humaine) et enfin la beauté vent un cadeau que beaucoup ap- sée, surtout dans ses contacts (d’une toute autre nature, mais précient à sa juste valeur (bien avec les élèves ! qui s’éduque elle aussi, et touche des professions ne permettent C’est un conseil que j’ai toujours à une facette importante de l’indi- pas une telle gestion des temps donné aux débutants “sérieux”, vidu : émotions, aspiration à l’har- contraint et non contraint). Mais prenant très à cœur leur profes- monie, à l’élévation). elle peut aussi s’avérer être un far- sion, et qui pratiquaient la péda- deau (comme la cagette pédago- Ce sont ces valeurs qui doivent gogie de la “cagette plastique” ou gique était un poids, au propre et s’imposer à nous, enseignants, mallette pédagogique : je les au figuré) : c’est l’enseignant lui- pour opérer nos arbitrages. La dé- voyais arriver en cours déjà fati- même qui doit opérer ses propres fense et la promotion de ces va- gués, ayant passé des heures le choix et tracer ses limites, prati- leurs (liberté, vérité, beauté) dans soir à préparer et peaufiner leurs quement en permanence, et l’action éducatrice, valeurs qui leçons et leurs cours, transportant presque toujours seul. D’où l’im- sont dues à tous nos élèves, don- un poids impressionnant (dans la portance de rencontres ou de nent à chaque éducateur une res- fameuse “cagette” plastique) : dif- groupes de dialogue entre ensei- ponsabilité considérable. férents spécimens de manuels, gnants (comme les CdEP) qui peu- des fiches pédagogiques “par- vent aider les participants à C’est le principe de Laïcité, et sa faites”, et tout ce qu’ils avaient discuter, confronter leurs pra- mise en œuvre quotidienne, qui trouvé ou préparé sur le sujet... au tiques, leurs expériences, à y voir doivent guider et finalement im- détriment d’heures de sommeil et un peu plus clair, et à se rassurer... poser les choix à ce niveau. Dans de détente tout aussi nécessaires ou à s’inquiéter, se remettre en cet esprit, la référence à une Mo- pour le bon exercice de leur mé- question. rale qui dépasse les options per- sonnelles devrait s’imposer. Aussi, pour respecter les valeurs que j’ai déjà précisées, la morale ne de- vrait-elle pas être indépendante de l’explication du monde que peuvent donner une foi religieuse, un dogme philosophique, une po- litique d’État ? Laïcité et Morale tier. Je leur recommandais alors de se fixer des limites, d’écouter La question des ne devraient-elles pas pouvoir se passer de qualificatifs ? les informations (leurs élèves le valeurs font, et peuvent les questionner au lendemain d’un “événement”), Le “bon” L’organisation du temps de l’en- de lire, de sortir, et d’arriver en seignant se fait en fonction de cri- professionnel classe suffisamment reposés et tères qui jouent subtilement entre disponibles ! Accumuler les sa- Finalement, on pourrait dire que le qualitatif et le quantitatif. Et voirs et les méthodes est, certes, dans l’idéal, il ne devrait jamais y donc au niveau des “valeurs”. nécessaire ; arriver souriant et dé- avoir de “cas de conscience” pour tendu en classe l’est également. Je ne prends pas ce mot dans le le professionnel, dans la mesure Le bénéfice en sera d’autant plus sens de ce qu’on “valorise” sou- où il maîtrise : grand pour les élèves, et l’inspec- vent : la réussite sociale, l’argent, teur y trouvera aussi son la notoriété... Pas plus que je n’y l’acte pédagogique (c’est la compte… ! mets ce qu’on pourrait plutôt ap- tâche du didacticien), Lignes de crêtes 2009 - 5 7
ii ldc5 (p 6-8)_Mise en page 1 01/12/09 14:52 Page8 Métier la gestion de la classe et des personnelle et privée ? C’est à cha- L’important est d’avoir conscience élèves (cela regarde le péda- cun, me semble-t-il, de chercher et du problème, de sa permanence et gogue), surtout de déterminer son chemin. de sa difficulté. Condorcet disait : Qu’est-ce qui est statutairement “les meilleurs amis de la vérité sont où il se sent, bon gré mal gré, légal, qu’est-ce qui est moralement ceux qui la cherchent, et non ceux solidaire d’un système local (l’éta- acceptable ou raisonnable ? Il y a qui se vantent de l’avoir trouvée”. blissement où il exerce) et natio- nal (en tant que fonctionnaire), ce que je dois à l’institution, à mes Je ne voudrais pas terminer élèves, et ce que je me dois à moi- sans parler du “bonheur”… Bon- et où, en tant qu‘être humain, même. heur de travailler à “instituer” des il sait s’inspirer des principes dont Quel que soit le modèle (système individus (“instituteur” est un joli on vient de parler et les appliquer. actuel, ou nouvelle organisation qui mot), à “élever” des élèves... Pour ce qui est de la prise en inclurait dans le temps de service Et si, finalement, la recherche compte, dans le temps de travail tout ou partie du reste du travail d’un équilibre entre vie privée et contraint, de tâches à effectuer laissé aujourd’hui à l’appréciation vie professionnelle n’était qu’une aujourd’hui à l’extérieur, que ga- individuelle), ce sera toujours à cha- formulation pudique de la ques- gnerait-on à “encadrer” ce temps cun d’exercer sa liberté (cadeau et tion intime de la recherche indivi- de travail hors présence des fardeau...) et sa responsabilité (éty- duelle du bonheur, dans la élèves, et à prendre sur ce qui au- mologiquement : le fait d’avoir à ré- conjugaison harmonieuse des di- jourd’hui est considéré comme un pondre de ses choix). vers cadres au sein desquels cha- temps libre ? Celui qui aurait ef- On pourrait aussi parler du cun vit “ses différentes vies” ? fectué ses heures “statutaires” pourrait se dire qu’il est en droit “sens du devoir”, mais également Chacun pourra, au quotidien, de ne pas aller au-delà. Quel bon du “bon sens”, en se rappelant la évaluer ses propres choix, les moyen de se donner bonne “cagette”… On ne doit pas oublier corps d’inspection aussi le feront conscience ! la nécessité pour le maître d’avoir périodiquement, mais c’est finale- une tête bien faite, comme Mon- ment l’Évaluateur Suprême (Dieu.. Mais pour le travail au plus près taigne nous y invitait, et pas seu- pour ceux qui croient au Ciel), qui des élèves, et qui relève de tâches lement bien pleine… Sans aura le dernier mot. nouvelles, ne serait-on pas au compter que cette tête appartient contraire dans une logique mieux à à un corps ! Alain Serre même d’aider ces élèves à accéder IA-IPR Administration et à ce vers quoi l’Institution nous in- vite ? Les valeurs que j’évoquais En forme de Vie Scolaire, en retraite Extraits de libres propos tenus à tout à l’heure ne trouveraient-elles pas un meilleur cadre pour être dé- conclusion Bayeux, à la session d’été des CdEP, le 22 août 2008. fendues ? L’égalité républicaine, ou l’équité n’y trouveraient-elles pas En tant qu’inspecteur, j’ai eu à mieux leur compte ? évaluer les enseignants pendant de nombreuses années : évalue-t- on seulement des pratiques ? Dif- Peut-on dégager ficile question qui a fait mon “Enseigner : d’abord moti- ver, donner un sens, mais au- un modèle idéal quotidien. Même si les grilles paravant éduquer et essayer d’évaluation plus ou moins élabo- de trouver les partenaires de répartition du rées, techniques voire technocra- pour coéduquer ; enseigner tiques, existent, on est toujours sur des savoir-être avant de pou- temps ? le fil du rasoir. De la même ma- voir enseigner des savoirs et nière, lorsque vous avez devant des savoir-faire ; un challenge, Autrement dit, est-il possible de vous un enfant ou un adolescent, une mutation de la société où dégager des règles pour définir un qui exerce son “métier d’élève”, car l‘on doit essayer d’inclure les “bon enseignant”, celui qui maî- c’est un vrai métier, avec ses outils, nouvelles technologies que trise harmonieusement le subtil ses codes, son apprentissage, sa les élèves maîtrisent souvent équilibre entre ce qu’il doit consa- maîtrise, comment dissocier vrai- bien mieux que les maîtres...” crer à son métier et ce qu’il est né- ment ce qui relève du “profession- Nathalie cessaire de réserver à sa vie nel” ou du “personnel” ? 8 Lignes de crêtes 2009 - 5
ii ldc5 (p 9)CR_Mise en page 1 07/12/09 10:48 Page9 Métier Accueil des enfants handicapés à l’école J’ai intégré dans ma classe de 27 CE1-CE2 un élève Pourtant je n’ai jamais rencontré un enseignant scolarisé en CLIS (Classe d’Intégration Scolaire) dans refusant un élève handicapé dans sa classe et le l’école, pour un temps de lecture. Il vient trois fois par système fonctionne avec beaucoup de bricolage, de semaine avec les CE2. Il a des problèmes apparentés bonne volonté mais aussi d’épuisement. à l’autisme. Il est évident que, dans une classe surchargée, la Première constatation : c’est très enrichissant au ni- présence d’un enfant handicapé prend à l’enseignant veau de l’éducation au respect de la différence. Les du temps qu’il ne peut pas accorder aux enfants en enfants de ma classe le côtoient déjà dans la cour, et difficultés scolaires, et il faut toujours jongler. Il fau- subissent parfois ses accès imprévisibles d’agressi- drait donc, pour pouvoir faire une scolarisation de vité, mais le reçoivent en séance de lecture avec beau- qualité, avoir moins d’élèves, et plus de personnel coup de tolérance, ils lui rappellent où on en est… qualifié… une douce utopie ! Par contre, quand il est agité, les élèves qui ont des Il nous semble dans notre école que la solution de problèmes d’attention se focalisent sur lui et ont du la scolarisation en CLIS (dans le cas du handicap mal à suivre. Heureusement j’ai la chance, en accord mental) avec intégration partielle dans les autres avec son maître, de pouvoir le renvoyer dans sa classes est positive, car elle est plus souple. classe quand il ne peut pas respecter le contrat de conduite que nous avons passé, ce qui n’est pas pos- Une collègue sible quand l’enfant handicapé est scolarisé dans Haute-Savoie une classe “normale”. À l’école, nous avons eu le cas d’une petite autiste scolarisée en grande section avec une Auxiliaire de Vie Scolaire (AVS) recrutée à la ren- trée, donc absolument pas formée, dans une classe de 30 enfants. Bien que leur fille ne soit pas à plein temps dans la classe, les parents ont rapidement reproché à l’en- seignante le fait que leur fille n’obtenait pas les mêmes résultats en graphisme que les autres en- fants. Malgré de nombreuses médiations, le conflit a été présent toute l’année et l’enseignante, épuisée par l’énergie que lui prenait la petite fille et découra- gée par l’attitude des parents, a dû s’arrêter. Pour les parents, il était évident que le fait que l’école scola- rise leur fille signifiait qu’elle devait avoir des résul- tats “normaux”. Et c’est le discours implicite de l’Éducation Nationale : les enfants handicapés sont maintenant accueillis “normalement” à l’école. Mais on leurre les parents en leur cachant les conditions d’accueil : apprendre à une petite autiste dans une classe de 30 élèves, même avec une AVS, relève de l’exploit malgré tous les côtés positifs de travail sur la différence. Ce type de réflexion est bien sûr politiquement in- correct car, quand un enseignant tient de tels propos, il est considéré comme méprisant envers le handi- cap, voire “raciste”. Lignes de crêtes 2009 - 5 9
ii ldc5 (p 10-11)_Mise en page 1 01/12/09 15:03 Page10 Métier Débuter : pas si simple ! Jeune collègue d’anglais en région parisienne, Étienne a fort gentiment accepté de parler de ses débuts, tout récents... et difficiles. notre façon de communiquer, uni- Pourquoi avoir quement de notre savoir. Or les Mes difficultés de choisi de devenir deux sont importants pour être un bon enseignant ! Je suis stupéfait professeur professeur qu'on remette en cause le rôle ou débutant l'existence des IUFM (à tort ou à Je viens d’une famille assez mo- raison), sans se préoccuper de D‘un naturel timide, j’ai du mal deste, j’étais bon élève, sérieux. modifier quoi que ce soit dans les à m’imposer. Là, j‘étais assez Doué en langues, et très inté- concours de recrutement… crispé, mal à l’aise et les élèves ressé, j’ai suivi un cursus clas- Ensuite, comme tous ceux reçus (d’une banlieue “difficile”) ont vite sique en université jusqu‘aux à un concours (l’agrégation, pour senti que j’étais inexpérimenté et concours : CAPES et agrégation. moi), je suis passé par l’IUFM. Je facilement déstabilisé. Ils se sont J’ai toujours été attiré par l’ensei- n’en garde pas un mauvais souve- engouffrés dans la brèche, et de gnement, à cause d’une part de nir, au contraire : les formatrices y bavardage en “bazar”, j’ai été ra- mon amour pour les langues, et faisaient de leur mieux. Mais quel pidement débordé en classe. Je d’autre part de mon désir de com- système ! 1er cours (ou 1e rencon- ne savais pas comment réagir, muniquer cette passion et de mon tre) des stagiaires et des forma- tantôt sévère et rigide, tantôt souhait d’exercer un métier de trices le 31 août... pour commencer laxiste et laissant passer des contact. Donc, professeur de nos cours, devant nos élèves le 2 choses “peu acceptables”. Je langue, c’était un vrai choix, et pas ou le 3 septembre !!! Calendrier ab- m’attendais bien à avoir des diffi- un choix par défaut. surde et bien trop serré pour nous cultés au début, mais pas autant préparer efficacement à ce qui avec le comportement et les réac- tions des élèves. Pourtant, le Mon regard sur nous attendait : faire cours, gérer contact avec eux n’était pas mau- une classe et intéresser les élèves ma formation du secondaire. On nous a bien vais, je les trouvais attachants, somme toute, et eux aussi En tant qu’étudiant d’abord : si avaient l’air de m’apprécier ; cer- j’ai apprécié le niveau des cours tains m’ont dit en fin d’année dans le supérieur, je dois bien “Monsieur, est-ce que vous dire que la plupart ne me ser- allez rester ? L’année pro- vent pas à grand-chose pour chaine, franchement, faut plus faire les miens ! (et encore, j’ai vous laisser casser les pieds commencé en lycée). Les cours comme ça !”. Un élève exclu de que j’ai suivis en grammaire et cours pour grossièreté a dit au linguistique, par exemple, CPE : “Franchement, ça m’em- n’avaient rien, mais rien à voir bête d’avoir dit ça, ce prof, je avec ce que je devrais savoir sur la l’aime bien”. Donc tout n’était pas façon d’enseigner la grammaire négatif, mais je ne trouvais pas aux lycéens... Et tout est comme donné quelques conseils du type : mes marques et je ne “tenais” pas cela. Conclusion : je trouve que le “alors, il faut être ferme dès le mes classes... niveau de recrutement des début, les élèves vont vous tester, Paradoxalement, le pire a été concours est très élevé, on recrute il faut vous imposer”, mais cela dans l‘établissement suivant : là, des gens brillants, on leur donne n’aide pas vraiment quand on est alors que je m’attendais à ce que une formation intellectuelle poin- “en situation”, et la crainte de cela aille mieux, vu sa réputation tue et théorique... mais on ne manquer d'autorité peut avoir et le niveau socio-culturel global nous prépare pas du tout au mé- pour conséquence de nous rendre (milieu plus aisé), il y a eu un rejet tier de professeur. On ne prend trop rigides, méfiants voire de la part des élèves, des nui- pas en compte notre personnalité, presque paranoïaques au début ! sances des parents, et, de la part 10 Lignes de crêtes 2009 - 5
ii ldc5 (p 10-11)CR_Mise en page 1 04/12/09 14:13 Page11 Métier des collègues et de l’administra- par mes problèmes persistants ! Grâce aux conseils d’amis, j’ai tion, de l’indifférence, qui s’est La tutrice de collège m’a davan- pris la difficile décision de travail- vite muée en envie de se débar- tage aidé, ne serait-ce que par sa ler sur ma personne, pour mieux rasser du “problème” que je po- présence au début : j’assistais à gérer l’imprévu, prendre plus d’as- sais. Mais tout s’est fait “par ses cours, elle aux miens, et surance. Réagir à tout, cela use en-dessous”, dans le non-dit, de c’était bien plus progressif comme nerveusement ; mais il y a des façon assez sournoise. Grosso démarche et comme approche de choses qu’on ne peut pas laisser modo on me jugeait inapte à exer- la classe. L’IUFM a bien essayé de passer. J’aurais attendu ce type de cer ce métier et, plutôt que de m’aider, cherchant à jouer un rôle conseil (ou de formation ?) de la m’aider vraiment, on m‘a conseillé de soutien, mais l'organisation gé- part du “système” : l’Éducation à mots couverts de quitter l’ensei- nérale du système est telle qu'il ne Nationale se rend-elle compte gnement ou de me “trouver une le pouvait pas vraiment... C'est qu’elle doit former des “per- planque”. Visiblement, on cher- une des seules institutions capa- sonnes” à un métier ? Je trouve chait surtout à m’écarter, pas à bles de soutenir les stagiaires, bien que cette dimension humaine et m’aider à m’améliorer ; enfin, que les formations dispensées et personnelle est très peu prise en c’est ce que j’ai ressenti. l’organisation générale ne soient compte par le “système” sensé pas toujours celles que l’on vou- nous former. À part gérer mes classes, m’im- poser, instaurer des règles et une drait ; mais les réformes actuelles certaine discipline, mon autre ne semblent aller ni dans ce sens, Aujourd’hui... et souci a été l’organisation de mon ni non plus dans l’intérêt des sta- temps de travail : je me suis noyé giaires. Le cahier des charges qui demain ? dans les préparations, les sé- est imposé à l’IUFM et le temps ou le cadre dont il dispose, font qu’il Je suis mieux accepté dans le quences, le travail chez moi. L’an- n’est pas vraiment efficace : en lycée de banlieue (93) où je suis en née de stage, même si l’on n’a fait, il faudrait un tout autre type de poste, je n’ai plus cette impression que 8 heures de cours devant les fonctionnement, l’année du stage. pénible que je suis “mauvais” et élèves, on court sans cesse entre Bref, j‘avais l’impression de couler, qu’on cherche à “m’éjecter”. Je les modules de formation, les dans l’indifférence générale ou prends peu à peu “mes marques”. cours à assurer et les prépara- sous des regards apitoyés mais im- Mais je ne sais pas si j’exercerai ce tions. J’ai toujours la crainte de puissants. métier toute ma vie : j’apprécie les n’avoir pas préparé mon cours contacts avec les élèves, je redoute avec assez de rigueur, j’approfon- l’épuisement, la fatigue. Et il y a dis, j‘y passe beaucoup de temps... aussi le manque de temps pour trop ? Je m’organise peut-être mal... Encore une chose qu’on ne Du positif quand moi : le temps professionnel enva- hit encore beaucoup mon temps nous apprend pas ou trop peu en même ? personnel (j’ai d’ailleurs toujours IUFM : gérer le travail maison ! Je eu du mal à m’accorder du temps voulais tellement faire un “bon” Sur le coup, j’ai eu l’impression pour moi). Or, se reposer et être en cours, une séquence pédagogique d’avoir vécu une année cauche- forme est primordial dans ce mé- “sérieuse”... mardesque, que rien de positif tier, pour bien réagir face aux n’émergeait. J’essayais de ne pas élèves. De l’aide ? craquer. Et puis, avec le recul, ce sont les relations avec les élèves Les réponses à toutes ces ques- Ma tutrice de lycée m’a donné qui me reviennent comme le meil- tions ne viennent qu’avec le temps des conseils trop généraux et leur de cette année si difficile. Si on et l’expérience, et je pense qu’à théoriques, alors que j’avais be- les respecte, si on fait de son mieux certains moments de sa carrière il soin de concret : enseigner, c’est pour eux, ils le sentent, ils y sont est normal qu’on se les pose. faire des choses concrètes, pra- sensibles. Globalement même si je tiques, et en temps limité, et à manquais d'assurance, j'ai eu de cela je n’étais guère préparé. Fi- bonnes relations avec eux. Par Propos recueillis par nalement, elle m’a paru mise elle- exemple, l’élève exclu de cours dont Cathy Réalini même en difficulté et déstabilisée j’ai parlé précédemment. Île-de-France Lignes de crêtes 2009 - 5 11
ii ldc5 (p 12-13)_Mise en page 1 01/12/09 15:08 Page12 Métier Connaissances, capacités et attitudes attendues d’un enseignant Résumé du Cahier des charges de la formation des maîtres, B.O. n°1 du 04/01/2007 Agir en fonctionnaire de l’État et de façon éthique et responsable Connaissances Capacités Attitudes Grands textes régissant la Répu- Travailler dans une institution, re- Exercer son métier de façon res- blique et ses valeurs, le système pérer les difficultés des élèves ponsable vis à vis de tous et res- éducatif et le monde de l’entre- (santé, maltraitance, comporte- pecter l’éthique laïque. prise. ments à risque…) et élaborer des solutions avec des partenaires. Maîtriser la langue française pour enseigner et communiquer Connaissances Capacités Attitudes Maîtrise de l’oral et de l’écrit (vo- Repérer les difficultés des élèves Favoriser, cabulaire, orthographe et gram- dans la maîtrise de l’oral et de Intégrer dans toutes les situations maire). l’écrit, travailler la maîtrise de la professionnelles le souci de la langue dans les situations langue orale et écrite. d’étude. Maîtriser les disciplines et avoir une bonne culture générale Connaissances Capacités Attitudes Connaître les objectifs du pri- Organiser son enseignement en Favoriser la construction d’une maire, des collèges et lycées ainsi cohérence avec les autres ensei- culture commune, souci de la ri- que les relations de ses disci- gnements. gueur scientifique. plines avec les autres. Concevoir et mettre en œuvre son enseignement Connaissances Capacités Attitudes Connaître les objectifs des pro- Raisonner en termes de compé- Développer les approches pluri- grammes de ses disciplines et les tences, élaborer une progression, disciplinaires et varier les activités données de la psychologie de prendre en compte les résultats permettant de construire une l’élève, et de la pédagogie. des évaluations, utiliser les res- compétence donnée. sources appropriées. Organiser le travail de la classe Connaissances Capacités Attitudes Maîtriser les connaissances rela- Organiser la participation de cha- Instaurer un cadre de travail serein. tives à la gestion des groupes et cun au sein d’un groupe classe. des conflits. Gérer l’espace de l’étude (mo- ments didactiques). 12 Lignes de crêtes 2009 - 5
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