RECOMMANDATIONS CLINIQUES CHEZ L'ADULTE AVEC TSA SANS DI - Professeur Amaria BAGHDADLI Centre de Ressources Autisme CHU Montpellier - Colloque-tv
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RECOMMANDATIONS CLINIQUES CHEZ L’ADULTE AVEC TSA SANS DI Professeur Amaria BAGHDADLI Centre de Ressources Autisme CHU Montpellier
Caractéristiques du TSA • Début précoce / chronique • Fréquent : 1% (chez l’enfant = chez l’adulte) • Spectre clinique (extrême diversité) • Polypathologie • Evolutions variées Population hétérogène Besoins différenciés
Définition actuelle du TSA : Un Trouble neuro-développemental TSA Troubles du TAC développement intellectuel Troubles de la TDA/H communication/ TLO Tr Apprentissage
DSM IV (1994-2013) Troubles Envahissant du développement Trouble Trouble Asperger PDD-NOS Re5’s au*s*que désintégra*f DSM 5 (Mai 2013) Trouble du spectre de l’autisme
Description actuelle du TSA TSA Comportements Communication restreints et sociale répétitifs Niveau de Langage Expressif Niveau intellectuel Niveau d’aide requis Diagnostic and Statistical Manual-5th Edition
TSA chez l’adulte • Longtemps (et encore) perçus comme des problèmes infantiles alors que l’espérance de vie rejoint celle de la population générale (sauf si DI sévère ou épilepsie) • Diagnostic souvent ignoré ou oublié • La moitié des cas n’a pas de DI • Mauvaise connaissance des transformations évolutives avec l’âge (compensation…) et des cas chez les filles probablement sous- diagnostiquées (sex-ratio de 4 à 9 pour 1 fille)
Comorbidités : partie cachée de l’Iceberg Cpt restreint, stéréotypé et répétitif Langage & Interaction Sociale Communication DI, TL; TDAH; TAC; TAD Tr. Anxieux, dépression, maladies neurologiques…
Troubles psychiatriques dans le TSA-SDI plus fréquents qu’en population générale (Joshi 2013) • Comparaison de la fréquence des comorbidités psychiatriques chez adultes avec TSA-SDI et contrôles de même âge et sexe sans troubles • Comorbidités significativement + fréquentes au cours de la vie dans le TSA-SDI : • 6 (DS=3) en moyenne vs. 3 (DS= 2) chez contrôles • Comorbidités les + fréquentes : EDM, troubles anxieux, TOC, phobie sociale • Troubles souvent non pris en charge
Recours inapproprié aux psychotropes (Lake 2012) • Etude canadienne chez 142 adultes de 21 à 61 ans (76% de garçons) ayant eu une « crise psychiatrique » • 64% ont reçu au moins 1 psychotrope (29% en avaient au moins 3 prescrits) • 62 % n’ont pas d’autre diagnostic que le TSA et 22% ne sont pas suivis par un psychiatre • Plus de la moitié ont un traitement non relié à leur diagnostic (56% antipsychotiques, 30% anxiolytiques, 25% ATD, 18% normo-thymiques) • Polymédication + fréquente pour ceux en institution (OR 3,3) et ceux avec épisodes agressifs (OR 3,73)
Trajectoires du TSA à l’âge adulte • Grande diversité : progrès (symptômes, tr. du comportement, adaptation sociale, conscience des troubles), stagnation; régression (> si tr. psychiatriques) • Bonne évolution dans < 20 % des cas (Howlin 2012) en lien avec certains facteurs : QI et langage précoces, comorbidités, support social • Meilleur pronostic social dans le TSA-SDI mais persistance de difficultés adaptatives : une majorité font des études, 43 % ont un emploi, 50% vivent indépendamment (Hofvander et al 2009)
Howlin 2012
Le cas des évolutions « optimales » Fein et al 2013, JCPP
Les femmes avec TSA-SDI • Moindre prévalence du TSA liée à la validation des critères et outils diagnostiques surtout dans des échantillons de garçons ce qui entraine un biais des études épidémiologiques • L’autre hypothèse est la compensation + importante des symptômes et de meilleurs progrès dans l’adaptation sociale chez les femmes donnant lieu à des tableaux cliniques plus subtils (Dworzynski 2012) • Enfin, la conscience des particularités serait plus forte chez les filles les conduisant à mieux « camoufler » leur TSA (Gould & Ashton-Smith 2011)
Les femmes avec TSA-SDI • La conséquence est la sous-estimation du diagnostic de TSA-SDI chez les filles mais aussi des erreurs de diagnostic différentiel avec l’anorexie, les troubles anxieux ou les troubles du langage ( Head 2012) • Au plan de l’évolution, les principales différences selon le genre seraient que les filles auraient davantage de troubles psychiatriques et supporteraient moins bien l’isolement social (enquête australienne We belong)
QUELLES SONT LES PRATIQUES ET INTERVENTIONS RECOMMANDÉES DANS LE TSA-DI CHEZ L’ADULTE
Enjeux des « bonnes » pratiques chez l’adulte (HAS 2011, NICE 2012) • Détecter tôt les adultes concernés • Etablir un diagnostic de qualité • Rechercher les problèmes de santé associés notamment les troubles psychiatriques • Proposer des interventions basées sur des preuves adaptées aux difficultés et aux priorités • Fournir un soutien social
Motifs des demandes diagnostiques • Diagnostic de TSA dans la famille, notamment chez ses propres enfants • Difficultés relationnelles anciennes et besoin de les comprendre • Difficultés familiales ou conjugales et envie d’un meilleur ajustement • Thérapies inefficaces de troubles considérés jusque là comme psychiatriques • Médias
Utilité(s) d’un diagnostic tardif • Permettre à la personne et à son entourage de mieux comprendre ses difficultés relationnelles • Echanger avec d’autres sur ses difficultés • Avoir des aides adaptées (job coaching, réhabilitation) • Etre orientés vers des dispositifs sociaux adaptés (MDPH, associations) ou bénéficier d’aménagements (examens, AVS..)
Signes cliniques « d’alerte » • Souvent subtils car meilleur ajustement psychosocial avec l’âge et compensation cognitive des déficits • Situations évocatrices: • Association précoce et persistante depuis l’enfance de difficultés socio-communicatives et de comportements stéréotypés ++ • Difficultés « chroniques et inexpliquées » dans l’adaptation sociale et la communication • Trouble psychiatrique non spécifique et atypique en particulier dans la réponse aux psychotropes et autres traitements
Repérage clinique en pratique • Caractère souvent tardif (Happe & Charlton, 2012 ; Stoddart, 2012) • Errance médicale et orientations spécialisées et interventions inadéquates. • Freins : • Méconnaissance des professionnels • Difficultés du diagnostic différentiel • Manque d’outils validés pour le dépistage et aider à l’exploration diagnostique.
Repérage clinique en pratique • Démarche clinique interdisciplinaire • Outils utilisables en complément mais peu nombreux et à la validité incertaine : • Pour dépister le risque de TSA et déterminer l’indication d’une évaluation diagnostique : simples, rapides, requérant peu d’expertise (utilisables en « 1ére ligne ») • Pour aider au diagnostic dans le cadre d’une exploration multidisciplinaire : + long et complets et nécessitant davantage d’expertise
Outils utilisables (en théorie) pour détecter le TSA chez l’adulte (liste non exhaustive) * ABS / Adaptative Behavior Scale (Krug, Arick, & Almond, 1980) * ASDASQ / ASD in Adult Screening Questionnaire (Nylander & Gillberg, 2001) * CARS2-HF / Children Autism Rating Scale 2 – HF (Schopler et al. 2010) * AMSE / Autism Mental Status Exam (Grodberg & al., 2014) * ASDI / Asperger Syndrome Diagnostic Interview (Gillberg, Rastam & Wentz, 2001) * SRS-Adult / Social Responsiveness Scale - Adult (Constantino & Gruber, 2012) * ADOS-2 Module 4 (Lord, Rutter, DiLavore, Risi, Gotham, & Bishop, 2012) * ADI-R (Lord C, Rutter M, Le Couteur A. 1994) * DISCO-11 (Wing, 2003)
Outils utilisables (en théorie) pour détecter le TSA chez l’adulte SDI Peu d’outils spécifiques pour les adultes (> 18 ans) avec TSA SDI : * AQ / Autism Quotient (Baron-Cohen, 2001) * EQ / Empathy Quotient (Baron-Cohen & Wheelwright, 2004) RAADS-R / Ritvo Asperger and Autism Rating Scale (Ritvo et al. 2011) AAA / Adult Asperger Assessment (Baron Cohen, Wheelwright S, Robinson & Woodbury-Smith, 2005) *Auto-questionnaires validés en Français mais en population d’adolescents ou sur de faibles populations
Exemple de la Ritvo Autism and Asperger Diagnostic Scale ou RAADS (Ritvo 2011) • Auto-questionnaire (45’) pour adultes SDI validé dans plusieurs pays (en cours en France) = bonnes qualités psychométriques +++ • Basée sur la CIM 10/DSMIV dans une approche développementale (signes actuels et dans l’enfance) • 80 items autoadministrés en présence d’un clinicien dont 63 ciblant les signes de TSA dans 4 domaines (langage, interaction, intérêts restreints, sensorialité) et 17 ciblant des comportements non spécifiques • 4 réponses possibles : « Vrai maintenant et quand j’étais jeune » (3 pts) ; «Vrai maintenant seulement » (2 pts) ; « Vrai seulement quand j’avais moins de 16 ans » (1 pt) ; « Jamais vrai » (0 pt)
Version abrégée de la RAADS 14 questions cotés en 4 points (0 à 3) dans 3 domaines: Ø Déficit de mentalisation, Ø Anxiété sociale, Ø Réaction sensorielle, Score (0 à 42) médian= • 32 chez adultes HFA; • 15 chez adultes TDAH; • 11 chez adultes avec troubles psychiatriques • 3 chez contrôle sans troubles
Diagnostic médical en pratique • Démarche clinique multidisciplinaire, formalisée et coordonnée par une équipe expérimentée : • Recueil clinique dans divers contextes+ observations directes et indirectes (auprès des proches). • Anamnèse portant sur l’enfance, la trajectoire de développement et la situation actuelle • Outils standardisés: ADI-R et ADOS. • Examen du profil psychologique: QI, Vineland, • Examen de la communication et du langage • Examen du profil sensoriel et de la motricité
Recherche des troubles associés • Doit être systématique car les comorbidités sont la règle : en particulier les troubles neuro- développementaux et psychiatriques (troubles anxio-dépressifs++) • Passe par un examen clinique pour orienter des explorations qui sont non systématiques (sensorielle, neurologique, génétique). • Limitée par le manque de formation des professionnels de santé sur le TSA en particulier chez l’adulte
Que savons nous des interventions ? • Certaines sont farfelues, pseudo- scientifiques voire dangereuses, d’autres rigoureuses et sérieuses… • Informations sur internet sur des « miracles thérapeutiques » dont il ne faut pas sous- estimer les enjeux commerciaux ou idéologiques… • Globalement, niveau de preuve d’efficacité de la majorité des interventions faible ou très faible
Quel consensus sur les interventions en France (HAS/ANESM,2012) ? • Nécessité d’une prise en charge précoce afin de déclencher/entretenir des gains développementaux. • Efficacité des programmes à référence comportementale/développementale pour une partie des enfants, sans données probantes sur leur effet à long terme.
Quel consensus sur les interventions aux USA (Warren – 2011) ? • Effet bénéfique pour certains enfants seulement des interventions précoces intensives UCLA/Lovaas et ESDM (langage, adaptation, trajectoire scolaire) avec un niveau de preuve insuffisant pour en affirmer définitivement l’efficacité • Nombre significatif d’enfants bénéficiant de ces interventions gardant des déficits importants.
Quel consensus sur les interventions au Québec (INESSS 2014) ? • Pas d’ interventions à l’efficacité démontrée « hors de tout doute », les effets rapportés n’étant pas assez robustes et les niveaux de preuve faibles (ABA) ou insuffisants (autres interventions). • Intervention comportementale intensive précoce à privilégier à l’âge préscolaire, compte tenu des effets sur le fonctionnement cognitif, adaptatif et langagier. • Interventions à privilégier à l’âge scolaire: TEACCH; EHS; TCC
There is currently no scientific, ethical, or societal justification for EIBI. The degree of improvement in the well- being and adaptive abilities of autistic children and adults does not justify the withdrawal of autistic children from the regular educational system and culture provided by their families and countries. The purpose of educational and child psychiatry interventions should rather be to allow the individual to achieve an abstract level of happiness, personal accomplishment, access to cultural material, and social integration.
Finalement quelles Interventions pour l’adulte ? • A discuter dès l’annonce du diagnostic dans le cadre du plan d’aide personnalisée en même temps que l’orientation vers les ressources communautaires • Deux grands groupes : psychosociales et biomédicales • Peu de recherche interventionnelle chez l’adulte et les études publiées sont de qualité insuffisantes avec des résultats apportant un faible niveau de preuve ce qui limite les recommandations pour la pratique
Interventions psychosociales • Certaines améliorent les signes centraux de TSA chez les adultes SDI ou DI léger : scénarii sociaux, groupe d’EHS ou de gestion de l’anxiété • TCC inefficace sur les signes centraux de TSA mais peut améliorer les troubles anxieux associés avec des questions sur son format • Quelques données émergentes sur l’intérêt du mindfullness pour améliorer le stress et l’entrainement sociocognitifs en réalité virtuelle ou avec avatars
Interventions biomédicales • Non recommandées (en l’absence de preuve d’efficacité) comme traitement des signes centraux du TSA • Pourtant souvent utilisés sans preuves : • Antiépileptiques, chélateurs, • Régimes alimentaires (sans gluten ni caséine) et suppléments en vitamines; • ocytocine, sécrétine, • caisson hyperbare, • Psychotropes
Psychotropes • Utiles dans le traitement des troubles associés mais les preuves sur leur efficacité et leur tolérance sont encore faibles • Risperidone : diminution des comportements agressifs avec évidence forte d’effets indésirables (sédation et prise de poids) • Fluvoxamine: diminution des comportements répétitifs (Mc Dougle 1996) • Fluoxétine : diminution des comportements répétitifs (35% dans le groupe expérimental vs 0% dans le contrôle) (Hollander et al 2012)
Ce qui manque en pratique • Aide au parcours professionnel et à l’employabilité (recherche et maintien dans l’emploi): • Malgré les compétences cognitives difficultés à décrocher et maintenir un emploi significatif • Rares dispositifs dédiés aux USA (CSAAC, Community Services for Autistic Adults and Children), GB (Prospect) ou Canada (equitravail); aucun en France • Aide à l’autonomie résidentielle: pas de dispositif dédié en France • Aide au conjoint et aux relations affectives : idem
Remarques conclusives • Les besoins liés au TSA-SDI chez l’adulte sont insuffisamment connus, compris et pris en charge • Il s’ensuit des difficultés dans leur parcours de soins et de vie • Il connaissent une errance diagnostique • Les prises en charges proposées sont souvent inappropriées à leurs besoins et les dispositifs d’appui à l’inclusion sociale absents
• Des efforts doivent être faits en termes d’organisation des dispositifs déjà dédiés au diagnostic ou aux interventions et de formation des professionnels susceptibles d’intervenir auprès d’adultes • La recherche scientifique doit faire face à des défis : • Apporter des preuves sur l’efficacité et la tolérance des interventions • Améliorer la connaissance des trajectoires évolutives et des facteurs pronostiques • Mieux comprendre les tableaux cliniques des filles
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