La mammite bovine : de l'initiation à la résolution - JM'2004
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Manuscrit déposé le 28/08/2005 Ann. Méd. Vét., 2006, 150, 1-26 FORMATION CONTINUE - ARTICLES DE SYNTHÈSE La mammite bovine : de l’initiation à la résolution BOUTET P., BUREAU F., LEKEUX P. Département des Sciences fonctionnelles, Biochimie Faculté de Médecine vétérinaire, Université de Liège, boulevard de Colonster 20, Bât. B42, 4000 Liège, Belgique Correspondance : Dr. Ph. Boutet, Tél : 32(0)4/366.42.08 ; Fax : 32(0)4/366.40.07 ; Email : philippe.boutet@ulg.ac.be RESUME : La guérison de la vache souffrant d’une mammite d’origine bactérienne repose sur l’équilibre entre l’élimination de l’agent infectieux et la résolution de la réponse inflammatoire, étapes toutes deux indispensables au retour d’une composition normale du lait et d’une faible concentration cellulaire. La persistance de la réaction inflammatoire, dont la conséquence principale est la chute de la production laitière, est une caractéristique de la mammite chronique. Cette maladie fréquente résulte des interactions inappropriées entre l’hôte et le pathogène et n’est toujours pas bien comprise. Cette synthèse reprend les principaux mécanismes de défenses de la glande mammaire bovine, en soulignant les rôles prépondé- rants joués par le neutrophile, et apporte des précisions sur l’importance des lipoxines dans la résolution de l’inflammation. Il est également discuté des raisons pouvant expliquer la persistance de la réaction inflammatoire, phénomène rencontré notamment dans les mammites chroniques à Staphylococcus aureus. 1. INTRODUCTION trophiles permettent une guérison savoir le rôle de l’apoptose des neutro- spontanée dans les jours qui suivent philes dans l’accumulation cellulaire La mamelle bovine est protégée par le début de l’infection (Hill, 1994). au site infectieux. différents mécanismes de défense, Si au contraire, une bactérie telle regroupés en deux entités distinc- Staphylococcus aureus résiste à cette tes : l’immunité innée et l’immu- réponse immédiate, l’inflammation nité acquise (Sordillo et al., 1997). persiste et le recrutement des leucocy- 2. LES DÉFENSES L’immunité innée, encore appelée tes se prolonge, entraînant des lésions IMMUNITAIRES DE LA réponse non spécifique, est de nature du parenchyme mammaire et une GLANDE MAMMAIRE anatomique (les trayons de la glande diminution de la production laitière (Harmon et Heald, 1982 ; Sordillo et 2.1. L’immunité innée mammaire), cellulaire (macrophages, Nickerson, 1988). Ce type de mam- La première ligne de défense de la neutrophiles et les cellules « tueu- mite subclinique se traduit par l’afflux glande mammaire est représentée par ses naturelles » ou NK pour natural killer), et biochimique (lactoferrine, persistant, plusieurs mois encore après le canal du trayon. Celui-ci est consti- système du complément, lysozyme, le début de l’infection, des neutrophi- tué, entre autre, de kératine et d’acides les (Sutra et Poutrel, 1994 ; Riollet et gras aux propriétés bactériostatiques, lactoperoxydase). Son action se trouve al., 2001 ; Boutet et al., 2003). tels que les acides myristique, pal- complétée par la réaction inflamma- toire. L’immunité acquise ou réponse Cette synthèse reprend les principaux mitoléique, et linoléique (Treece et spécifique reconnaît les déterminants mécanismes de défenses immunitai- al., 1966). Les germes pathogènes qui antigéniques spécifiques d’un patho- res de la glande mammaire bovine en parviennent tout de même à traver- insistant sur l’activité centrale qu’oc- ser l’extrémité du trayon doivent alors gène particulier, et en permet une éli- cupe le neutrophile. Il y est discuté de affronter les défenses antibactériennes mination sélective. Elle implique les mécanismes permettant d’expliquer la anticorps, les macrophages, et diffé- présentes dans les sécrétions lactées, persistance de l’inflammation au sein rentes populations lymphocytaires. de la mamelle. Des précisions sont si ils veulent s’établir dans la glande Ainsi, lors de mammite clinique induite apportées sur l’importance des lipoxi- mammaire. Dans les tissus affectés, par exemple par Escherichia coli, nes (LX) dans la résolution du pro- la réponse inflammatoire, composante une réponse inflammatoire précoce cessus inflammatoire. Un autre grand de la réponse précoce de l’immunité et un recrutement rapide des neu- phénomène est également abordé, à innée, va permettre l’augmentation 1
de la perméabilité vasculaire et du (Outteridge et Lee, 1981). Par ailleurs, toire, les neutrophiles sont les premiè- flux sanguin. Il en résulte un afflux de les macrophages mammaires agis- res cellules à migrer du sang vers le cellules et de facteurs solubles indis- sent comme initiateurs de la réponse site inflammatoire. Quelques heures pensables au bon fonctionnement des inflammatoire. Suite à leur activation après l’inoculation d’E. coli dans un défenses mammaires. Les propriétés lors de la phagocytose du pathogène, quartier mammaire sain, de grandes des leucocytes résidents et nouvelle- ils libèrent des facteurs à activité chi- quantités de cytokines pro-inflamma- miotactique pour les neutrophiles, et toires comme l’IL-1, l’IL-6 et le tumor ment recrutés vont alors jouer un rôle amplifient ainsi la réponse inflamma- necrosis factor (TNF)-α sont retrou- crucial dans l’établissement potentiel toire (Craven, 1983). Les macrophages vées dans les sécrétions mammaires. de l’infection intramammaire. jouent également un rôle clé en temps Ces cytokines ont des effets locaux et Le lait contient différents types cel- que cellules présentatrices d’antigènes systémiques. Au niveau systémique, lulaires, incluant les neutrophiles, les (APC, pour antigen-presenting cell). elles interviennent dans la réaction de macrophages, les lymphocytes et un Certains fragments d’antigènes de la la phase aiguë – fièvre, augmentation plus faible pourcentage de cellules bactérie ingérée vont être traités et des concentrations sériques en corti- épithéliales (Lee et al., 1980 ; Sordillo présentés au niveau de la surface cel- sol, libération de protéines de la phase et Nickerson, 1988 ; Östenson et al., lulaire, en association à une molécule aiguë, leucopénie, etc. (Eberhart et al., 1988). Selon le statut sain ou infec- MHC de classe II. Ces antigènes MHC 1979 ; Lohuis et al., 1988 ; Jackson et tieux de la glande mammaire, la con- de classe II sont des molécules poly- al., 1990) – alors que localement, elles centration cellulaire (SCC pour soma- morphiques de membrane présentées activent la diapédèse des neutrophiles. tic cell count) varie en nombre et en aux lymphocytes T et interviennent Ainsi, le neutrophile est le type cel- composition (tableau I). Le SCC d’une dans la reconnaissance d’antigènes lulaire prédominant retrouvé dans les mamelle saine est généralement infé- étrangers. Cette reconnaissance active tissus et les sécrétions mammaires lors rieur à 200.000 cellules/ml (Harmon, à la fois les lymphocytes T et d’autres d’un processus inflammatoire. Une 1994 ; Burvenich et al., 2004), mais APC, comme les cellules dendritiques fois au site infectieux, les neutrophi- dans les heures qui suivent une infec- et les lymphocytes B, ce qui déclenche les phagocytent et tuent les bactéries tion intramammaire, le SCC augmente leur production de cytokines. Ainsi les ingérées grâce à un processus appelé jusqu’à plusieurs millions de cellules/ macrophages mammaires sont capa- « flambée oxydative ». Certaines cyto- ml de lait (Paape et al., 1981 ; Persson bles de libérer des chimiokines, telles kines inflammatoires, telles que l’IL- et al., 1992). Des études ont mon- que l’interleukine (IL)-8, des méta- 1, le TNF-α ou l’interféron (IFN)-γ tré que la sévérité et la durée de la bolites de l’acide arachidonique, et peuvent augmenter la phagocytose mammite sont étroitement liées à la le platelet-activating factor. Ces fac- et/ou le pouvoir bactéricide des neu- rapidité de la migration des leucocytes teurs augmentent fortement la réponse trophiles (Steinbeck et Roth, 1989 ; au site de l’infection et à leur pouvoir inflammatoire locale et, avec des com- Sample et Czuprynski, 1991 ; Sordillo bactéricide (Hill, 1981 ; Grommers et posants du complément comme le fac- et Babiuk, 1991). Après avoir ingérer al., 1989). teur C5a, vont attirer les leucocytes et tuer la bactérie, les neutrophiles au site inflammatoire (Persson et al., vont mourir selon un phénomène bien Les monocytes constituent 2 à 7 % 1993 ; Kehrli et Harp, 2001 ; Sordillo régulé, appelé apoptose ou mort cellu- des leucocytes sanguins bovins (Jain, et Streicher, 2002). Finalement, les laire programmée. 1986). Quand les monocytes quittent macrophages phagocytent non seule- la circulation sanguine et entrent dans Les cellules NK possèdent une activité ment les microorganismes, mais éga- les tissus, ils maturent et deviennent cytotoxique non spécifique ne dépen- lement les cellules endommagées, les alors des macrophages. Les macro- dant pas du MHC, ainsi qu’un récep- matrices tissulaires, et les neutrophi- phages représentent le type cellulaire teur Fc qui leur permet de participer les apoptotiques, et minimisent de la prédominant dans le lait et les tissus à la défense de type ADCC (antibody- sorte les dommages tissulaires (Sipe, d’une glande mammaire saine, et leurs dependent, cell-mediated cytotoxicity). 1985). fonctions primaires sont la phagocy- Dans le sang bovin, 15 à 45 % des leu- Une fois que la cellule NK a fixé à tose et la digestion intracellulaire de microorganismes, mais également le cocytes sont des polymorphonucléai- son récepteur Fc un anticorps opso- retrait des globules gras du lait lors res neutrophiles (Jain, 1986). Après nisé à une cellule cible, contenant par de la période d’involution mammaire l’initiation de la cascade inflamma- exemple une bactérie intracellulaire, Tableau I – Types cellulaires rencontrés dans la glande mammaire saine et infectée SCC Composition cellulaire (%) (cellules/ml de Cellules lait) Macrophages Neutrophiles Lymphocytes épithéliales Quartier sain < 200.000 66-88 1 0-11 1 10-27 1 0-7 1 35 2, 3 26-34 2, 3 18-24 2, 3 12-15 2, 3 Quartier infecté > 200.000 9-32 1, 3 50-95 1, 3 14-24 1 0-9 1, 3 1-2 3 SCC, somatic cell count = taux de cellules somatiques du lait 1 D’après Lee et al., 1980 ; Concha et al., 1986 ; Miller et al., 1991 ; Riollet et al., 2000 2 D’après Miller et al., 1991 3 D’après Boutet et al., 2003 2
la libération de perforines va détruire obscure, et les conséquences de ces pour les cellules T CD4+, les deux cette cellule cible. changements sur les défenses de la sous-populations de cellules CD8+ mamelle restent hypothétiques. Une expriment différentes cytokines : IL- La glande mammaire contient éga- possibilité serait que les cellules mam- 4, IL-5 et IL-10 ont été associées au lement des composants bactériostati- phénotype suppresseur (Salgame et ques non spécifiques travaillant indé- maires T CD8+ représentent un type cellulaire activé, différent des cellules al., 1991 ; Inoue et al., 1993), et IFN- pendamment ou de concert avec les γ au phénotype cytotoxique (Shafer- anticorps et les facteurs cellulaires. T CD8+ sanguines, dont le rôle poten- Weaver et Sordillo, 1997). Dans des Ces défenses solubles sont représen- tiel serait de maintenir l’intégrité des quartiers atteints d’infection chroni- tées par la lactoferrine – contenue limites épithéliales en éliminant les que à S. aureus, Riollet et collabora- notamment dans les granules secon- cellules abîmées ou infectées (Taylor teurs (2001) ont montré que les lym- daires des neutrophiles – le système et al., 1994 ; Asai et al., 1998). Lors phocytes T CD8+ étaient recrutés en du complément, le lysozyme, et le d’infection mammaire, les lymphocy- plus grand nombre que les CD4+ et complexe lactoperoxydase/thiocya- tes T CD4+ constituent le phénotype que l’expression de l’ARNm de l’IL- nate/peroxyde d’hydrogène (Sordillo prédominant (Taylor et al., 1997). Ces 10 était augmentée dans les cellules lymphocytes T-helper produisent des isolées de lait infecté. Ceci suggère et al., 1997). Cependant, ces différents cytokines en réponse à la reconnais- que le profil des lymphocytes CD8+ mécanismes de défenses sont retrou- retrouvés dans les quartiers infectés vés en faible quantité dans la mamelle sance d’un complexe antigène-MHC de classe II présent sur les lympho- par S. aureus est bien de type suppres- en lactation, et semblent dès lors n’of- seur. frir que peu de protection à la glande cytes B ou les macrophages. Grâce à leur capacité à secréter certaines cyto- Les fonctions biologiques des mammaire (Chandran et al., 1964 ; Reiter, 1978 ; Smith et Oliver, 1981 ; kines, les cellules CD4+ jouent un lymphocytes T γδ ne sont pas encore Sordillo et al., 1997). rôle important dans l’activation des bien caractérisées. En comparaison lymphocytes B, des macrophages et du sang, le parenchyme et les sécré- 2.2. L’immunité acquise d’une variété d’autres cellules partici- tions mammaires de la femme et pant à la réponse immune (Sordillo et des ruminants contiennent plus de L’immunité acquise implique direc- lymphocytes T γδ (Richie et al., 1982). al., 1997 ; Riollet et al., 2000a). tement les lymphocytes. Ces cel- Des études ont suggéré qu’ils pour- lules ont la capacité de reconnaître Il est maintenant clairement établi que les cellules CD8+ peuvent exercer une raient agir comme des cellules cyto- les antigènes grâce à des récepteurs toxiques et constitueraient une ligne membranaires spécifiques du patho- fonction cytotoxique ou une fonction suppressive (Inoue et al., 1993). Les de défense contre les infections bac- gène. Dans la mamelle saine en lac- lymphocytes T cytotoxiques reconnais- tériennes (Mackay et Hein, 1991). Les tation, la population de lymphocytes sent des antigènes spécifiques asso- lymphocytes T γδ migrent préféren- est essentiellement représentée par les ciés aux molécules MHC de classe I tiellement vers les surfaces épithéliales cellules T, et peu par les cellules B présents à la surface de cellules infec- et ne circulent pas considérablement (Sordillo et al., 1997). Les lympho- tées et les éliminent. Ils peuvent donc (Mackay et Hein, 1989 ; Allison et cytes T peuvent être subdivisés en agir comme des « éboueurs », élimi- Harvan, 1991). Les lymphocytes T γδ, cellules T αβ, incluant les lymphocy- nant les cellules sécrétrices endomma- tout comme les cellules NK, possè- tes CD4+ (T-helper) et CD8+ (de type gées, lesquelles pourraient augmenter la sensibilité de la glande mammaire dent des propriétés cytotoxiques, sans T-cytotoxique ou T-suppresseur), et aux infections (Taylor et al., 1994). impliquer le MHC (Sordillo et al., en lymphocytes T γδ. En fonction du Par contre, les lymphocytes T sup- 1997 ; Pollock et Welsh, 2002). Leur stade de lactation et de la localisation presseurs contrôleraient et module- capacité cytotoxique suggère que ces tissulaire, le pourcentage de ces dif- raient la réponse immune. Sordillo et cellules sont capables de détruirent les férentes cellules peut varier significa- collaborateurs (1997) indiquent que cellules épithéliales altérées (Mackay tivement (Sordillo et al., 1997). Dans les lymphocytes CD8+ isolés directe- et Hein, 1991). les tissus mammaires et les sécrétions ment après la parturition sont du type lactées saines, les cellules T expri- suppresseur, alors que ceux isolés en Les lymphocytes B ont pour rôle pri- ment principalement le récepteur des milieu ou en fin de lactation sont plu- maire de produire des anticorps contre cellules T αβ et sont principalement tôt du type cytotoxique. La circulation les organismes pathogènes. A la diffé- de phénotype CD8+ ; le rapport CD4: préférentielle des lymphocytes CD8+ rence des macrophages et des neutro- CD8 est donc < 1, contrairement au suppresseurs dans les tissus et les philes, les lymphocytes B utilisent leur sang où le rapport est > 1 (Park et al., sécrétions mammaires pourrait être récepteur de surface pour reconnaître 1992 ; Taylor et al., 1994). Le rapport responsable de la moindre capacité de des antigènes spécifiques et s’acti- CD4:CD8 dans les sécrétions mam- réponse des leucocytes locaux, compa- vent une fois que l’antigène est lié au rés à ceux provenant de la circulation récepteur. Ils internalisent, traitent et maires devient > 1 lors du tarissement, sanguine (Sordillo et al., 1997). Une reste > 1 lors de la période sèche et présentent aux lymphocytes T-helper étude a démontré que lors d’infection redevient < 1 juste avant le part (Asai à S. aureus, la prolifération des cel- l’antigène associé au MHC de clas- et al., 1998). La signification fonc- lules CD4+ était stoppée par des cel- se II. Suite à cette présentation, les tionnelle des différentes sous-popu- lules CD8+ activées, et pourrait donc lymphocytes T sécrètent des cytoki- lations de lymphocytes retrouvées favoriser la persistance des infections nes, telles que IL-2, IL-4, IL-6 et IL- dans la glande mammaire bovine reste à S. aureus (Park et al., 1993). Comme 10 (Riollet et al., 2000a), ce qui provo- 3
que la prolifération et la différentiation les complexes anticorps-C3b-bacté- mammaires avec du GM-CSF recom- des lymphocytes B en plasmocytes, ries et phagocytent ainsi la bactérie binant bovin (rbGM-CSF) augmente producteurs d’anticorps ou de cellu- de manière plus efficace (Sordillo et les pouvoirs bactéricide et chimiotac- les mémoires (Sordillo et al., 1997). al., 1997). Les IgA contribuent à l’ag- tique des neutrophiles (Sordillo et al., Sous certaines conditions, la différen- glutination, empêchent la colonisation 1992). L’infusion intramammaire de tiation des lymphocytes B peut direc- bactérienne, et neutralisent les toxines rbGM-CSF à des doses supérieures à tement être stimulée par un antigène, (Sordillo et al., 1997). 5 mg n’affecte pas le SCC du lait mais comme le lipopolysaccharide (LPS) augmente la capacité de production de (Sordillo et al., 1997). A la différence 2.3. Modulation de la résistance superoxide par les neutrophiles rési- des lymphocytes T, le pourcentage de de l’hôte aux infections : impli- dents et augmente le pourcentage de lymphocytes B reste constant tout au cation des cytokines phagocytes (Daley et al., 1991). long de la lactation (Shafer-Weaver Les cytokines sont des protéines pro- Les IFN sont un groupe de protéi- et al., 1996) et leur proportion n’aug- duites naturellement et jouent un rôle nes étroitement liées classées en mente pas dans le lait lors d’infection important dans la régulation des acti- deux types sur base de leurs proprié- (Riollet et al., 2001). vités cellulaires participant à l’immu- tés physiques et biologiques. Le type Le rôle primaire des plasmocytes est de nité innée et acquise. Le terme « cyto- I comprend l’IFN-α et l’IFN-β. Le produire des anticorps spécifiques de kine » désigne un groupe hétérogène deuxième type se compose d’une l’antigène, qui sont en fait une forme de protéines produites par un éventail seule protéine, l’IFN-γ. L’IFN-γ est soluble du récepteur du lymphocy- de cellules immunes ou non (Sordillo une cytokine dérivée des lymphocy- te B. Quatre classes d’immunoglobu- et al., 1997). De nombreuses études tes T, souvent produite en réponse à lines (Ig) influencent les défenses de ont rapporté les effets immunomodu- une stimulation antigénique. Ainsi, la glande mammaire lors de mammite lateurs de cytokines recombinantes sur IFN-γ augmente l’activité des cellules bactérienne : IgG1, IgG2, IgA et IgM d’importantes fonctions immunitai- NK, du système ADCC, et des cel- (Sordillo et al., 1997). Contrairement res de la glande mammaire (Daley et lules T cytotoxiques. L’IFN-γ stimule à d’autres espèces, IgG est le type al., 1991 ; Sordillo et Babiuk, 1991 ; également la synthèse et la libération prédominant dans le colostrum et le Sordillo et al., 1991 ; Alluwaimi, de formes réactives de l’oxygène par lait de vache, et non IgA (Kehrli et 2004). Les groupes majeurs de cytoki- les macrophages et les neutrophiles Harp, 2001). La concentration de cha- nes étudiées comprennent les interleu- (Sordillo et al., 1997). que classe d’Ig varie avec le stade de kines (IL), les facteurs stimulateurs Le rôle du TNF a été largement étudié lactation et le statut infectieux. Dans de colonies (colony-stimulating factor dans la pathogénie de la mammite à la glande mammaire saine, la concen- - CSF), les interférons (IFN) et le TNF coliformes. Les symptômes aigus très tration est faible pendant la lactation (tumor necrosis factor) (tableau II). fréquemment associés à la mammite mais augmente lentement au moment IL-2 est la cytokine bovine la mieux à coliformes sont dus à la croissance de la période sèche, pour atteindre un caractérisée. Elles est principalement exponentielle du microorganisme, à pic de concentration lors de la colos- produite par les lymphocytes T-helper la libération du LPS, et au dévelop- trogenèse (Sordillo et al., 1987). Les et est responsable de l’expansion clo- pement de la réaction inflammatoire concentrations augmentent également nale de la réponse immune lympho- cytaire T initiale et de l’établissement qui y fait suite (Sordillo et al., 1997 ; lors d’inflammation. La quantité d’Ig Burvenich et al., 2003). La libération mesurée dans la glande dépend du du phénomène de mémoire (Sordillo et al., 1997). IL-2 joue aussi un rôle du LPS initie une réponse de la phase degré de perméabilité du tissu sécré- aiguë non spécifique en suscitant la dans la croissance et la différentiation toire et du nombre de plasmocytes pré- des lymphocytes B, augmente la pro- synthèse et la libération de cytokines sents dans la mamelle (Sordillo et al., lifération des thymocytes, active les et d’eicosanoïdes au site inflamma- 1987). Bien que l’isotype IgG1 est pré- cellules NK, et initie l’activation des toire (Zia et al., 1987 ; Lohuis et al., dominant dans les sécrétions lactées cellules T cytotoxiques (Magnuson et 1988 ; Van Miert, 1991). Parmi les d’une glande saine, en présence d’un al., 1987). cytokines produites durant la phase processus inflammatoire, les neutro- Les CSF sont un groupe de cytokines aiguë de la réaction inflammatoire philes peuvent transporter les IgG 2 requises pour la prolifération et la dif- précoce, le TNF-α est un médiateur de lors de leur migration vers la glande férentiation d’une variété de cellules première importance dans le dévelop- mammaire (Sordillo et al., 1997). souches hématopoïétiques. Le granu- pement du choc endotoxinique qui se Les études ont montré que les IgG1, locyte/macrophage (GM)-CSF a été produit lors de mammite à coliformes IgG2 et IgM peuvent jouer le rôle d’op- le premier identifié pour sa capacité suraiguë. Une étude a montré que les sonines et augmenter la phagocytose à induire le développement de précur- monocytes isolés de vaches en peri- des bactéries par les neutrophiles et les seurs hématopoïétiques en granulocy- partum produisaient plus de TNF-α macrophages. Ces anticorps peuvent tes et macrophages (Metcalf, 1985). en réponse à une stimulation au LPS se lier directement à la bactérie, ou Différentes études chez la vache laitière que les cellules isolées en milieu ou via le composant C3b du complément ont montré que le GM-CSF influençait en fin de lactation (Sordillo et al., (Howard et al., 1980). Les neutrophi- également une variété de fonctions des 1995). L’augmentation de la capacité les et les macrophages peuvent lier granulocytes matures. Le traitement de production de ce médiateur par ces les complexes anticorps-bactéries et des neutrophiles bovins sanguins et populations cellulaires aux alentours 4
Tableau II – Effets des cytokines sur les réponses inflammatoire et immunitaire de la glande mammaire bovine Cytokine Observation Référence IL-1 Associé à une augmentation de l’afflux de neutrophiles dans les infections Riollet et al., 2000b ; Shuster à E. coli. et al., 1995 ; 1997 Son infusion dans une glande saine augmente le SCC, essentiellement Nickerson et al., 1993 composé de neutrophiles et augmente la température rectale. L’infusion d’IL-1β dans une glande infectée chroniquement par S. aureus Daley et al., 1991 ; 1993 augmente l’afflux de neutrophiles et la production de radicaux oxygé- nés, sans effet sur la phagocytose. Il-2 Son infusion dans la glande mammaire augmente le SCC, essentiellement Nickerson et al., 1992 ; 1993 ; composé de macrophages et de plasmocytes. Torre et al., 1992 Son infusion dans une glande infectée par S. aureus augmente le nombre Nickerson et al., 1989 ; de lymphocytes, neutrophiles, macrophages et le titre en anticorps. Quiroga et al., 1993 ; Reddy et Augmente les activités cytotoxiques et bactéricides des lymphocytes. al., 1992 Adjuvant de vaccin efficace. Sordillo et al., 1991 Pighetti et Sordillo, 1995 IL-6 Facilite la transition de la réaction inflammatoire d’un afflux de neutro- Kaplanski et al., 2003 philes vers celui de monocytes. Participe au développement du choc endotoxinique à E. coli mais est Shuster et al., 1993 ; Riollet négligeable dans la mammite à S. aureus. et al., 2001 ; Alluwaimi et al., 2003 IL-8 Puissant agent leucotaxique des neutrophiles produit par les macropha- Matsushima et Oppenheim, ges, les lymphocytes T, les cellules endothéliales. 1989 Augmentation de sa concentration lors de mammite à E. coli mais pas de Riollet et al., 2000b ; changements significatif dans les infections à S. aureus. 2000c ; Shuster et al., 1997 ; Alluwaimi et al., 2001 Facilite la libération du CD14 soluble à partir du CD14 membranaire. Lee et al., 2003 IL-12 Polarise la réponse immune lymphocytaire vers un phénotype Th-1 ou Th- Trinchieri, 1995 2 et lie l’immunité innée à l’immunité acquise. Niveau d’expression de l’ARNm augmenté dans une infection expé- Alluwaimi et al., 2003 ; Riollet rimentale à S. aureus, mais aucune apparence de polarisation de la et al., 2001 réponse immune. IFN-γ Augmente la phagocytose et l’activité bactéricide du neutrophile. Sordillo et Babiuk, 1991 ; Riollet et al., 2000a Défaut de son activité transcriptionnelle dans la mammite expérimentale Alluwaimi et al., 2003 ; à S. aureus mais augmentation de sa concentration dans la mammite à Hisaeda et al., 2001 coliformes. Augmente la liaison des IgG2 au neutrophile lors de la phagocytose. Worku et al., 1994 TNF-α Augmente la phase aiguë de la réponse inflammatoire. Blum et al., 2000 ; Sordillo et Streicher, 2002 Augmente la phagocytose et l’activité bactéricide du neutrophile. Sordillo et Streicher, 2002 Augmente l’expression de molécules d’adhésion endothéliale. Sordillo et Streicher, 2002 GM-CSF Augmente les activités chimiotactique et bactéricide du neutrophile. Sordillo et al., 1992 Active la formation de radicaux oxygène par les neutrophiles mais n’a pas Daley et al., 1993 d’effet sur leur nombre dans un modèle de mammite à S. aureus. Augmente le nombre et l’activité bactéricide des neutrophiles. Kehrli et al., 1991a ; 1991b Retarde l’apoptose des neutrophiles bovins. Boutet et al., 2004 SCC, somatic cell count = taux de cellules somatiques du lait 3. LE NEUTROPHILE : de la parturition peut expliquer la plus gène. Les leucocytes, et plus parti- grande fréquence des mammites clini- UN ACTEUR CENTRAL culièrement les neutrophiles, sont les ques de ce type lors de cette période Le développement de la réaction acteurs principaux de ce mécanisme (Sordillo et Streicher, 2002). inflammatoire est un élément crucial de défense naturelle, et leur migration dans la défense tissulaire contre l’in- au site de l’infection est un facteur fection par un microorganisme patho- déterminant pour la guérison de l’in- 5
fection. Différentes cytokines, telles les neutrophiles ingèrent des globules des bactéries gram-positives et gram- que IL-1β, IL-8, TNF-α, GM-CSF, gras et de la caséine. Ce phénomène négatives, et le LPS, composant IFN-γ, et le facteur C5a, jouent un est responsable d’une diminution des de la membrane externe des bacté- rôle important dans l’accumulation, fonctions phagocytaire et bactéricide ries gram-négatives, font parties des le pouvoir phagocytaire et bactéricide, et provoque la mort du neutrophile PAMP (pathogen associated molecu- ou encore la survie des leucocytes au (Paape et al., 1975). La traite per- lar patterns) et se lient aux PRR (pat- site inflammatoire (Cybulsky et al., met alors d’éliminer ces neutrophiles tern recognition receptors), présents 1988 ; Baggiolini et al., 1989 ; Shuster compromis, lesquels sont remplacés sur de nombreuses cellules impliquées et al., 1997). par des nouveaux en provenance de la dans la défense de l’individu. Ils sont circulation sanguine, et les défenses capables d’induire la synthèse et la 3.1. Granulopoïèse et granuloci- contre les infections bactériennes sont sécrétion de cytokines chez les dif- nétique à nouveau renforcées. férentes cellules concernées. Le LPS Les trois phases de la vie du neutro- Le lent afflux basal de neutrophiles se lie à une protéine de liaison spé- phile sont les phases intramédullaire, dans la glande mammaire saine aug- cifique (LBP pour LPS binding pro- circulatoire et tissulaire (Jain, 1986). mente rapidement lors d’infection tein) et le complexe est reconnu par Ce cycle de vie est de courte durée. La bactérienne. De puissants médiateurs le CD14 membranaire présent sur les phase intramédullaire comprend les libérés lors de la réaction inflamma- macrophages. Ceci provoque l’activa- pools de prolifération, de maturation toire vont constituer un gradient chi- tion du TLR4 (Toll-like receptor 4) et mique et guider les neutrophiles jus- induit l’expression de gènes inflam- et de réserve de neutrophiles. Chez qu’au foyer infectieux ; ce processus matoires via l’activation du facteur l’homme, la maturation s’effectue en s’appelle le chimiotactisme. Différents 10 à 14 jours dans la moelle osseuse de transcription nucléaire κB (NF- lipopolysaccharides (LPS) de bacté- (Bainton et al., 1971). Les neutrophi- ries gram-négatives, les composants κB) (Medzhitov, 2001), provoquant les matures gagnent alors le courant du complément C5a et C3a, le leuco- entre autre la libération de TNF-α qui circulatoire dans lequel ils circulent triène (LT) B4, IL-1, IL-2 et IL-8 sont initie la réponse inflammatoire. Le peu de temps (durée de vie de 8,9 heu- de puissants chimioattractants (Daley CD14 membranaire peut également res chez le bovin) (Carlson et Kaneko, et al., 1991 ; Persson et al., 1993). Ces être clivé et libère le CD14 soluble. Ce 1975). Le neutrophile quitte la circu- substances leucotaxiques se lient à des dernier est présent dans le sang et le lation par diapédèse entre les cellules récepteurs spécifiques présents sur la lait bovin (Wang et al., 2002), et se lie endothéliales et pénètre dans les tissus membrane plasmique du neutrophile avec beaucoup d’affinité au LPS. Le (Paape et al., 2003). complexe interagit alors avec les TLR où il fonctionne comme phagocyte. Les neutrophiles sénescents entrepren- L’initiation de la réponse inflammatoire présents à la surface des cellules épi- nent alors le processus d’apoptose, ou et la sécrétion de chimioattractants théliales et endothéliales, provoquant mort cellulaire programmée, et sont sont des phénomènes indispensables la libération de substances chimiotac- éliminés par les macrophages. pour que le processus de diapédèse se tiques (Wright et al., 1990). Le processus de la granulopoïèse est produise de manière efficace. Celle- Le contact et la reconnaissance entre sous le contrôle régulateur de facteurs ci se produit grâce à l’expression de le phagocyte et la bactérie représentent de croissance, parmi lesquels le G-CSF différentes molécules d’adhésion, tant les premiers événements qui se produi- joue un rôle capital. Ces CSF assurent sur les cellules endothéliales que sur sent lors du processus de phagocytose. la maintenance d’un état d’équilibre. les neutrophiles. La molécule d’ad- La reconnaissance immunologique hésion CR3 (Mac-1, CD11b/CD18) s’exerce principalement par des anti- 3.2. Activité fonctionnelle du est un membre de la famille β2-inté- corps spécifiques qui reconnaissent la neutrophile bovin grine (molécules d’adhésion des leu- bactérie par leurs régions Fab, et lient cocytes), composé de trois hétérodi- le récepteur Fc (FcR) présent sur la 3.2.1. Chimiotactisme et diapédèse membrane plasmique du neutrophile. Physiologiquement, les stimuli de la mères LFA-1 (CD11a/CD18), Mac-1 Cette reconnaissance entre l’anticorps tétée et de la traite induisent la migra- (CD11b/CD18) et p150.95 (CD11c/ et la bactérie s’appelle opsonisation tion de neutrophiles dans les tissus CD18), et permet avec d’autres molé- et est principalement exercée par les mammaires (Paape et Guidry, 1969), cules d’adhésion exprimées sur les IgG2 et IgM chez le bovin (Anderson et par conséquent dans le lait. De cette cellules endothéliales activées, comme et al., 1986 ; Miller et al., 1988). Le manière, il existe un apport constant de ICAM-1 (intercellular adhesion mole- composant C3b du complément est neutrophiles dans la glande mammaire cule-1), la liaison du neutrophile à capable, lui aussi, d’opsoniser la bac- normalement stérile. Par ailleurs, le l’endothélium (Riollet et al., 2000a ; térie et de se lier au récepteur CR1 sur drainage du lait fraîchement synthé- Paape et al., 2003). La protéine L- le neutrophile et dès lors de promou- sélectine (CD62L), constitutivement voir la phagocytose (Howard et al., tisé vers les conduits et la citerne per- exprimée à la surface des neutrophiles, 1980 ; Arnaout et al., 1981). Le récep- met d’éliminer les neutrophiles venant teur CR1 est plus abondant sur les de migrer dans la mamelle. Le pro- joue également un rôle prépondérant neutrophiles mammaires que sur ceux cessus se renouvelle avec l’arrivée de dans le phénomène de diapédèse. présents dans le sang, indiquant que neutrophiles dans le lait nouvellement la migration des neutrophiles du sang synthétisé par les alvéoles. Cependant, 3.2.2. Reconnaissance du pathogène vers la glande mammaire induit l’ex- une fois dans la lumière alvéolaire, Le peptidoglycane, associé à la paroi pression de CR1 (Paape et al., 2003). 6
Il existe également un autre type de mation de phagosomes, contenant de des antimicrobiens (Burvenich et al., phagocytose, ne dépendant pas de l’op- la graisse et de la caséine. De plus, 2004). Parmi ceux-ci, les β-défensines sonisation, importante pour le contrôle l’activité bactéricide est inhibée par possèdent une activité bactéricide in des infections intramammaires par les les composants du lait suite à la perte vitro aussi bien vis-à-vis de S. aureus germes gram-négatifs (Paape et al., de lysosomes ayant fusionnés avec des que de E. coli (Selsted et al., 1993). phagosomes contenant de la graisse 1996 ; Dosogne et al., 1998). Celle-ci et de la caséine au lieu de phago- 3.2.5. Acteur de l’inflammation et dépend des lectines et des propriétés some contenant des bactéries (Paape hydrophobes des surfaces cellulaires régulateur de l’immunité et Guidry, 1977). Il a été démontré (Paape et al., 2003). Ainsi, les récep- que les activités phagocytaire et bac- Le neutrophile est donc un acteur teurs lectine-carbohydrates de la sur- téricide étaient particulièrement dimi- essentiel de la réaction inflamma- face cellulaire du neutrophile bovin nuées lors du péripartum (Paape et al., toire durant laquelle il peut exercer peuvent interagir avec les pili riches en 1981 ; Weber et al., 1983). une série de fonctions qui constituent carbohydrates d’E. coli en l’absence collectivement un mécanisme majeur d’opsonines spécifiques (Paape et al., 3.2.4. Activité bactéricide et flambée de l’immunité innée. Récemment, 1996). oxydative cependant, il est devenu de plus en Endéans les secondes qui suivent la plus évident que l’implication du neu- 3.2.3. Phagocytose reconnaissance de la bactérie et la trophile dans les défenses de l’hôte Une fois le contact et la reconnais- phagocytose, le neutrophile s’active et et l’immunité innée s’élargissait bien sance effectués, le neutrophile peut génère de puissantes formes réactives au-delà de leur traditionnel rôle de jouer son rôle de phagocyte. Des pseu- de l’oxygène. Ce processus est associé phagocyte professionnel. En effet, les dopodes, provenant de la membrane à une augmentation de la consomma- neutrophiles sont capables d’exprimer plasmique du neutrophile, se forment tion en oxygène (O2) (Baldridge et des gènes dont les produits – cytoki- autour du pathogène. Leur fusion Gerard, 1933) et est appelé « flam- nes et chimiokines – sont étroitement mène à la formation d’une vacuole bée oxydative ». La nicotinamide adé- impliqués dans la réponse immuni- de phagocytose ou phagosome. Les nine dinucléotide phosphate oxydase taire (Scapini et al., 2000). Cette capa- granules cytoplasmiques du neutro- (NADPH-oxydase) est activée et cata- cité à produire ces différents média- phile fusionnent alors avec la mem- lyse la réaction suivante : teurs indique que les neutrophiles sont brane du phagosome, donnant nais- 2 O2 + NADPH → 2 O2- + NADP + H+, des cellules primordiales impliquées sance au phagolysosome. Le contenu conduisant à la formation d’anions dans les premières phases d’activation bactéricide des granules se déverse superoxyde (O2-). La superoxyde dis- et de migration cellulaires. Après la dans le phagolysosome et la diges- mutase (SOD) convertit alors O2- en migration au site infectieux, il est pro- tion du microorganisme peut alors se peroxyde d’hydrogène (H2O2) : bable que les neutrophiles, stimulés dérouler. Durant la phagocytose, les 2 O2- + 2 H+ → H2O2 + O2. par l’agent étiologique, produisent des lysosomes migrent vers la particule H2O2 et les nouveaux O2- formés dans chimiokines qui vont à leur tour pro- ingérée et les enzymes lysosomiaux le phagosome peuvent alors interagir voquer le recrutement d’autres types sont libérés avant que la fusion des pour former un radical hydroxyl (OH°) de leucocytes. Ainsi, le neutrophile pseudopodes ne soit complète, ce qui hautement réactif, composant clé des est, par exemple, capable de produire provoque la libération d’une partie du mécanismes bactéricides dépendant de très grande quantité d’IL-8, pro- contenu des lysosomes en dehors du de l’O2. De plus, la fusion d’un pha- voquant le recrutement ultérieur d’un neutrophile (Gennaro et al., 1983). La gosome contenant un microorganisme grand nombre de neutrophiles, ampli- phagocytose peut donc être responsa- avec les granules primaires du neutro- fiant la réponse initiale, mais produit ble, du moins en partie, de la corré- philes, ou granules azurophiles, active également d’autres chimiokines res- lation négative existant entre le SCC la myéloperoxydase. Cet enzyme ponsables de l’accumulation et de et la production laitière (Raubertas et catalyse la réaction entre H2O2 et Cl-, l’activation de monocytes, macropha- Shook, 1982). I-, ou Br- et conduit à la formation ges, cellules dendritiques immatures d’hypohalides hautement toxiques et à et lymphocytes T (Cassatella, 1999 ; Le pouvoir phagocytaire des neutro- l’oxydation d’amines. Ce système est Scapini et al., 2000). Le neutrophile philes du lait est moindre que celui très efficace lors d’infection à E. coli amplifie donc la réaction inflamma- des neutrophiles sanguins. Cette moindre efficacité est due en partie (Klebanoff, 1970 ; Burvenich et al., toire et fonctionne aussi bien comme aux plus faibles réserves énergétiques 2004). un acteur de cette réponse que comme sous forme de glycogène. Le neutro- Depuis quelques années, plusieurs une cellule immunorégulatrice. phile présent dans le lait contient en classes de peptides antimicrobiens ont effet 38 % de glycogène en moins que été purifiées à partir de phagocytes 3.3. La mort cellulaire program- le neutrophile du sang (Newbould, de mammifères, et il apparaît mainte- mée ou apoptose 1973). Par ailleurs, les globules gras et nant clairement que les neutrophiles 3.3.1. Régulation de la durée de vie la caséine du lait réduisent la phago- bovins sont non seulement capables du neutrophile cytose (Paape et al., 1981 ; Weber et de détruire les microorganismes grâce al., 1983 ; Sordillo et Babiuk, 1991). à la production de formes réactives de L’apoptose est décrite comme une Ceci est dû à l’internalisation de mem- l’oxygène, mais aussi en les exposants mort cellulaire programmée, physiolo- brane plasmique, nécessaire à la for- dans le phagolysosome à ces pepti- gique, n’induisant pas ou peu de réac- 7
tion inflammatoire. Elle se caractérise de l’apoptose induite par le TNF-α CSF serait due à une augmentation de morphologiquement par la conden- (Hachiya et al., 1995). Le LPS injecté l’expression de la protéine anti-apop- sation de la chromatine, la fragmen- dans la glande mammaire empêche totique Mcl-1 (Moulding et al., 1998 ; tation nucléaire et le rétrécissement l’apoptose des neutrophiles mammai- Epling-Burnette et al., 2001) et une cellulaire (Reed, 2000). Malgré ces res, mais n’affecte pas l’apoptose des diminution de l’expression de la pro- téine pro-apoptotique Bax (Weinmann changements, la membrane plasmi- neutrophiles circulants (Van Oostveldt et al., 1999). De plus, sous GM-CSF, que reste intacte et agit comme une et al., 2002b ; Paape et al., 2003). Ceci la protéine kinase B/Akt est activée, barrière, du moins durant les premiè- est dû au fait que peu de LPS passe ce qui provoque la phosphorylation de res phases de l’apoptose. Par contre, dans le courant circulatoire lorsqu’il la protéine Bad, laquelle est séques- l’autre forme de mort cellulaire, la est infusé dans un quartier mammaire trée dans le cytoplasme par la pro- nécrose, se caractérise par le gonfle- (Hoeben et al., 2000). Cependant, téine 14-3-3 (del Peso et al., 1997 ; ment et la lyse cellulaire. La perte de d’autres auteurs ont rapporté une Blume-Jensen et al., 1998 ). Bad ne l’intégrité membranaire des cellules augmentation du taux d’apoptose des peut dès lors plus se lier à des protéi- nécrotiques s’accompagne de la libé- neutrophiles sanguins suite à l’infu- nes anti-apoptotiques comme Bcl-xL, ration du contenu cellulaire, déclen- sion intramammaire de LPS de E. coli lesquelles vont alors bloquer l’activité chant une réaction inflammatoire (Yagi et al., 2002). Le rôle du LPS pro-apoptotique de protéines comme Bax (Downward, 1999). Lorsque Bad néfaste pour le voisinage cellulaire dans l’apoptose des neutrophiles est déphosphorylé, suite à un stimulus (Reed, 2000). bovins est donc encore actuellement pro-apoptotique, il est libéré et va se Dans les conditions physiologiques, controversé. relocaliser dans la membrane mito- les neutrophiles bovins ont une demi- chondriale. vie de courte durée et entrent spon- 3.3.3. Régulation moléculaire de L’apoptose des neutrophiles joue un tanément en apoptose. Ce processus l’apoptose permet de réguler de façon adéquate le rôle majeur dans la résolution de la Le délabrement cellulaire caractéris- réponse inflammatoire, aussi bien chez nombre de neutrophiles circulants et tique de l’apoptose est en réalité dû à l’homme (Ishii et al., 1998 ; Haslett, est un élément clé assurant l’homéos- tasie. Lors d’infection, la réaction l’activation d’enzymes protéolytiques 1999) que chez le bovin (Chin et al., inflammatoire est capable d’accélérer spécifiques appartenant à la famille 2000 ; Sladek et Rysanek, 2001). Chez ou retarder l’apoptose selon qu’elle des cystéines protéases et connues sous la vache atteinte de mammite subcli- se trouve en phase évolutive ou réso- le nom de caspases (Yuan et al., 1993). nique avec une élévation persistante lutive. Les caspases existent sous forme de du SCC, il a été démontré que les zymogènes inactifs dont l’activation neutrophiles isolés du lait présentaient 3.3.2. Influence du processus inflam- provoque une série d’évènements un retard d’apoptose par rapport aux matoire protéolytiques conduisant aux modi- neutrophiles isolés de mamelles saines Lors d’infection, les cytokines pro- fications morphologiques cellulaires (Boutet et al., 2004). Il a été suggéré inflammatoires et les facteurs bacté- caractéristiques de l’apoptose. que le mécanisme anti-apoptotique riens peuvent moduler le déclenche- La capacité d’une cellule à rentrer en responsable était induit par une aug- ment de l’apoptose des neutrophiles. apoptose est déterminée par des voies mentation de l’expression de l’ARNm Différentes cytokines, surexprimées moléculaires pro- et anti-apoptotiques. de la protéine anti-apoptotique Bcl- durant la réaction inflammatoire, telles La famille de protéines Bcl-2 joue un xL, sous la dépendance du facteur de que IL-1β (Colotta et al., 1992), IL-2 rôle central dans la régulation de ces transcription STAT5 activé par le GM- (Pericle et al., 1994), IL-4 (Girard et mécanismes diamétralement opposés CSF. Ce mécanisme anti-apoptotique (Adams et Cory, 1998 ; Antonsson pourrait expliquer, du moins en par- al., 1997), IL-6 (Biffl et al., 1995), IL- et Martinou, 2000). Les membres de 8 (Kettritz et al., 1998 ; Leuenroth et tie, la persistance de l’inflammation cette famille se divisent en protéines al., 1998), IL-15 (Girard et al., 1996), pro- et anti-apoptotiques. Les neutro- et de l’élévation du SCC dans le lait IFN-γ (Colotta et al., 1992 ; Klebanoff philes humains expriment des mem- de vaches atteintes de mammite sub- et al., 1992), G-CSF (Colotta et al., bres pro-apoptotiques (Bax, Bik, Bad, clinique. 1992), et GM-CSF (Colotta et al., Bak, Bid…) et anti-apoptotiques (A1, 1992 ; Lee et al., 1993), prolongent Bcl-xL, Mcl-1…) de la famille Bcl- la survie des neutrophiles humains. 2 (Reed, 1997). Des niveaux élevés 4. LA RÉSOLUTION TNF-α, une autre cytokine surexpri- d’expression de membres pro-apopto- DU PROCESSUS mée dès les premières phases d’une tiques de cette famille ont été obser- INFLAMMATOIRE: LE RÔLE infection mammaire induit l’apoptose vés dans les neutrophiles normaux, et DES LIPOXINES des neutrophiles humains (Hachiya et pourraient expliquer leur courte durée La libération d’acide arachidonique de vie (Simon, 2003). Ainsi, il existe al., 1995 ; Yamashita et al., 1999) et et la formation de ses produits déri- différentes preuves pour suggérer que bovins (Van Oostveldt et al., 2002a). le déclenchement ou non de l’apoptose vés sont des événements régulateurs Mais, il a été démontré que le LPS du neutrophile repose sur les change- clés impliqués dans les défenses de inhibait l’apoptose spontanée des neu- ments modifiant l’équilibre des expres- l’hôte, et notamment dans la résolu- trophiles humains (Lee et al., 1993 ; sions relatives de ces protéines. Chez tion de l’inflammation. L’oxygénation Hachiya et al., 1995 ; Sweeney et al., l’homme, l’augmentation du délai de de l’acide arachidonique initie la syn- 1998 ; Klein et al., 2001) et protégeait l’apoptose du neutrophile par le GM- thèse de composés bioactifs puissants, 8
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