La mammite bovine : de l'initiation à la résolution - JM'2004

 
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La mammite bovine : de l'initiation à la résolution - JM'2004
Manuscrit déposé le 28/08/2005                                                                                 Ann. Méd. Vét., 2006, 150, 1-26

                                                               FORMATION CONTINUE - ARTICLES DE SYNTHÈSE

                        La mammite bovine : de l’initiation à la résolution

                                                 BOUTET P., BUREAU F., LEKEUX P.

Département des Sciences fonctionnelles, Biochimie
Faculté de Médecine vétérinaire, Université de Liège, boulevard de Colonster 20, Bât. B42, 4000 Liège, Belgique

Correspondance : Dr. Ph. Boutet,
Tél : 32(0)4/366.42.08 ; Fax : 32(0)4/366.40.07 ; Email : philippe.boutet@ulg.ac.be

RESUME : La guérison de la vache souffrant d’une mammite d’origine bactérienne repose sur l’équilibre
entre l’élimination de l’agent infectieux et la résolution de la réponse inflammatoire, étapes toutes deux
indispensables au retour d’une composition normale du lait et d’une faible concentration cellulaire. La
persistance de la réaction inflammatoire, dont la conséquence principale est la chute de la production
laitière, est une caractéristique de la mammite chronique. Cette maladie fréquente résulte des interactions
inappropriées entre l’hôte et le pathogène et n’est toujours pas bien comprise. Cette synthèse reprend les
principaux mécanismes de défenses de la glande mammaire bovine, en soulignant les rôles prépondé-
rants joués par le neutrophile, et apporte des précisions sur l’importance des lipoxines dans la résolution
de l’inflammation. Il est également discuté des raisons pouvant expliquer la persistance de la réaction
inflammatoire, phénomène rencontré notamment dans les mammites chroniques à Staphylococcus
aureus.

1. INTRODUCTION                                     trophiles permettent une guérison          savoir le rôle de l’apoptose des neutro-
                                                    spontanée dans les jours qui suivent       philes dans l’accumulation cellulaire
La mamelle bovine est protégée par
                                                    le début de l’infection (Hill, 1994).      au site infectieux.
différents mécanismes de défense,                   Si au contraire, une bactérie telle
regroupés en deux entités distinc-                  Staphylococcus aureus résiste à cette
tes : l’immunité innée et l’immu-                   réponse immédiate, l’inflammation
nité acquise (Sordillo et al., 1997).               persiste et le recrutement des leucocy-    2. LES DÉFENSES
L’immunité innée, encore appelée                    tes se prolonge, entraînant des lésions    IMMUNITAIRES DE LA
réponse non spécifique, est de nature               du parenchyme mammaire et une              GLANDE MAMMAIRE
anatomique (les trayons de la glande                diminution de la production laitière
                                                    (Harmon et Heald, 1982 ; Sordillo et
                                                                                               2.1. L’immunité innée
mammaire), cellulaire (macrophages,
                                                    Nickerson, 1988). Ce type de mam-          La première ligne de défense de la
neutrophiles et les cellules « tueu-
                                                    mite subclinique se traduit par l’afflux   glande mammaire est représentée par
ses naturelles » ou NK pour natural
killer), et biochimique (lactoferrine,              persistant, plusieurs mois encore après    le canal du trayon. Celui-ci est consti-
système du complément, lysozyme,                    le début de l’infection, des neutrophi-    tué, entre autre, de kératine et d’acides
                                                    les (Sutra et Poutrel, 1994 ; Riollet et   gras aux propriétés bactériostatiques,
lactoperoxydase). Son action se trouve
                                                    al., 2001 ; Boutet et al., 2003).          tels que les acides myristique, pal-
complétée par la réaction inflamma-
toire. L’immunité acquise ou réponse                Cette synthèse reprend les principaux      mitoléique, et linoléique (Treece et
spécifique reconnaît les déterminants               mécanismes de défenses immunitai-          al., 1966). Les germes pathogènes qui
antigéniques spécifiques d’un patho-                res de la glande mammaire bovine en        parviennent tout de même à traver-
                                                    insistant sur l’activité centrale qu’oc-   ser l’extrémité du trayon doivent alors
gène particulier, et en permet une éli-
                                                    cupe le neutrophile. Il y est discuté de   affronter les défenses antibactériennes
mination sélective. Elle implique les
                                                    mécanismes permettant d’expliquer la
anticorps, les macrophages, et diffé-                                                          présentes dans les sécrétions lactées,
                                                    persistance de l’inflammation au sein
rentes populations lymphocytaires.                  de la mamelle. Des précisions sont         si ils veulent s’établir dans la glande
Ainsi, lors de mammite clinique induite             apportées sur l’importance des lipoxi-     mammaire. Dans les tissus affectés,
par exemple par Escherichia coli,                   nes (LX) dans la résolution du pro-        la réponse inflammatoire, composante
une réponse inflammatoire précoce                   cessus inflammatoire. Un autre grand       de la réponse précoce de l’immunité
et un recrutement rapide des neu-                   phénomène est également abordé, à          innée, va permettre l’augmentation

                                                                                                                                            1
de la perméabilité vasculaire et du                     (Outteridge et Lee, 1981). Par ailleurs,           toire, les neutrophiles sont les premiè-
flux sanguin. Il en résulte un afflux de                les macrophages mammaires agis-                    res cellules à migrer du sang vers le
cellules et de facteurs solubles indis-                 sent comme initiateurs de la réponse               site inflammatoire. Quelques heures
pensables au bon fonctionnement des                     inflammatoire. Suite à leur activation             après l’inoculation d’E. coli dans un
défenses mammaires. Les propriétés                      lors de la phagocytose du pathogène,               quartier mammaire sain, de grandes
des leucocytes résidents et nouvelle-                   ils libèrent des facteurs à activité chi-          quantités de cytokines pro-inflamma-
                                                        miotactique pour les neutrophiles, et              toires comme l’IL-1, l’IL-6 et le tumor
ment recrutés vont alors jouer un rôle
                                                        amplifient ainsi la réponse inflamma-              necrosis factor (TNF)-α sont retrou-
crucial dans l’établissement potentiel                  toire (Craven, 1983). Les macrophages              vées dans les sécrétions mammaires.
de l’infection intramammaire.                           jouent également un rôle clé en temps              Ces cytokines ont des effets locaux et
Le lait contient différents types cel-                  que cellules présentatrices d’antigènes            systémiques. Au niveau systémique,
lulaires, incluant les neutrophiles, les                (APC, pour antigen-presenting cell).               elles interviennent dans la réaction de
macrophages, les lymphocytes et un                      Certains fragments d’antigènes de la               la phase aiguë – fièvre, augmentation
plus faible pourcentage de cellules                     bactérie ingérée vont être traités et              des concentrations sériques en corti-
épithéliales (Lee et al., 1980 ; Sordillo               présentés au niveau de la surface cel-             sol, libération de protéines de la phase
et Nickerson, 1988 ; Östenson et al.,                   lulaire, en association à une molécule             aiguë, leucopénie, etc. (Eberhart et al.,
1988). Selon le statut sain ou infec-                   MHC de classe II. Ces antigènes MHC                1979 ; Lohuis et al., 1988 ; Jackson et
tieux de la glande mammaire, la con-                    de classe II sont des molécules poly-              al., 1990) – alors que localement, elles
centration cellulaire (SCC pour soma-                   morphiques de membrane présentées                  activent la diapédèse des neutrophiles.
tic cell count) varie en nombre et en                   aux lymphocytes T et interviennent                 Ainsi, le neutrophile est le type cel-
composition (tableau I). Le SCC d’une                   dans la reconnaissance d’antigènes                 lulaire prédominant retrouvé dans les
mamelle saine est généralement infé-                    étrangers. Cette reconnaissance active             tissus et les sécrétions mammaires lors
rieur à 200.000 cellules/ml (Harmon,                    à la fois les lymphocytes T et d’autres            d’un processus inflammatoire. Une
1994 ; Burvenich et al., 2004), mais                    APC, comme les cellules dendritiques               fois au site infectieux, les neutrophi-
dans les heures qui suivent une infec-                  et les lymphocytes B, ce qui déclenche             les phagocytent et tuent les bactéries
tion intramammaire, le SCC augmente                     leur production de cytokines. Ainsi les            ingérées grâce à un processus appelé
jusqu’à plusieurs millions de cellules/                 macrophages mammaires sont capa-                   « flambée oxydative ». Certaines cyto-
ml de lait (Paape et al., 1981 ; Persson                bles de libérer des chimiokines, telles            kines inflammatoires, telles que l’IL-
et al., 1992). Des études ont mon-                      que l’interleukine (IL)-8, des méta-               1, le TNF-α ou l’interféron (IFN)-γ
tré que la sévérité et la durée de la                   bolites de l’acide arachidonique, et               peuvent augmenter la phagocytose
mammite sont étroitement liées à la                     le platelet-activating factor. Ces fac-            et/ou le pouvoir bactéricide des neu-
rapidité de la migration des leucocytes                 teurs augmentent fortement la réponse              trophiles (Steinbeck et Roth, 1989 ;
au site de l’infection et à leur pouvoir                inflammatoire locale et, avec des com-             Sample et Czuprynski, 1991 ; Sordillo
bactéricide (Hill, 1981 ; Grommers et                   posants du complément comme le fac-                et Babiuk, 1991). Après avoir ingérer
al., 1989).                                             teur C5a, vont attirer les leucocytes              et tuer la bactérie, les neutrophiles
                                                        au site inflammatoire (Persson et al.,             vont mourir selon un phénomène bien
Les monocytes constituent 2 à 7 %
                                                        1993 ; Kehrli et Harp, 2001 ; Sordillo             régulé, appelé apoptose ou mort cellu-
des leucocytes sanguins bovins (Jain,
                                                        et Streicher, 2002). Finalement, les               laire programmée.
1986). Quand les monocytes quittent
                                                        macrophages phagocytent non seule-
la circulation sanguine et entrent dans                                                                    Les cellules NK possèdent une activité
                                                        ment les microorganismes, mais éga-
les tissus, ils maturent et deviennent                                                                     cytotoxique non spécifique ne dépen-
                                                        lement les cellules endommagées, les
alors des macrophages. Les macro-                                                                          dant pas du MHC, ainsi qu’un récep-
                                                        matrices tissulaires, et les neutrophi-
phages représentent le type cellulaire                                                                     teur Fc qui leur permet de participer
                                                        les apoptotiques, et minimisent de la
prédominant dans le lait et les tissus                                                                     à la défense de type ADCC (antibody-
                                                        sorte les dommages tissulaires (Sipe,
d’une glande mammaire saine, et leurs                                                                      dependent, cell-mediated cytotoxicity).
                                                        1985).
fonctions primaires sont la phagocy-
                                                        Dans le sang bovin, 15 à 45 % des leu-             Une fois que la cellule NK a fixé à
tose et la digestion intracellulaire de
microorganismes, mais également le                      cocytes sont des polymorphonucléai-                son récepteur Fc un anticorps opso-
retrait des globules gras du lait lors                  res neutrophiles (Jain, 1986). Après               nisé à une cellule cible, contenant par
de la période d’involution mammaire                     l’initiation de la cascade inflamma-               exemple une bactérie intracellulaire,

Tableau I – Types cellulaires rencontrés dans la glande mammaire saine et infectée

                                 SCC                                                      Composition cellulaire (%)
                            (cellules/ml de                                                                                         Cellules
                                  lait)                 Macrophages                 Neutrophiles           Lymphocytes             épithéliales
 Quartier sain                 < 200.000                    66-88 1                     0-11 1                 10-27 1                0-7 1
                                                             35 2, 3                   26-34 2, 3             18-24 2, 3            12-15 2, 3

 Quartier infecté              > 200.000                    9-32 1, 3                  50-95 1, 3             14-24 1                0-9 1, 3
                                                                                                               1-2 3
SCC, somatic cell count = taux de cellules somatiques du lait
1
  D’après Lee et al., 1980 ; Concha et al., 1986 ; Miller et al., 1991 ; Riollet et al., 2000
2
  D’après Miller et al., 1991
3
  D’après Boutet et al., 2003

2
la libération de perforines va détruire    obscure, et les conséquences de ces         pour les cellules T CD4+, les deux
cette cellule cible.                       changements sur les défenses de la          sous-populations de cellules CD8+
                                           mamelle restent hypothétiques. Une          expriment différentes cytokines : IL-
La glande mammaire contient éga-
                                           possibilité serait que les cellules mam-    4, IL-5 et IL-10 ont été associées au
lement des composants bactériostati-                                                   phénotype suppresseur (Salgame et
ques non spécifiques travaillant indé-     maires T CD8+ représentent un type
                                           cellulaire activé, différent des cellules   al., 1991 ; Inoue et al., 1993), et IFN-
pendamment ou de concert avec les                                                      γ au phénotype cytotoxique (Shafer-
anticorps et les facteurs cellulaires.     T CD8+ sanguines, dont le rôle poten-
                                                                                       Weaver et Sordillo, 1997). Dans des
Ces défenses solubles sont représen-       tiel serait de maintenir l’intégrité des    quartiers atteints d’infection chroni-
tées par la lactoferrine – contenue        limites épithéliales en éliminant les       que à S. aureus, Riollet et collabora-
notamment dans les granules secon-         cellules abîmées ou infectées (Taylor       teurs (2001) ont montré que les lym-
daires des neutrophiles – le système       et al., 1994 ; Asai et al., 1998). Lors     phocytes T CD8+ étaient recrutés en
du complément, le lysozyme, et le          d’infection mammaire, les lymphocy-         plus grand nombre que les CD4+ et
complexe lactoperoxydase/thiocya-          tes T CD4+ constituent le phénotype         que l’expression de l’ARNm de l’IL-
nate/peroxyde d’hydrogène (Sordillo        prédominant (Taylor et al., 1997). Ces      10 était augmentée dans les cellules
                                           lymphocytes T-helper produisent des         isolées de lait infecté. Ceci suggère
et al., 1997). Cependant, ces différents
                                           cytokines en réponse à la reconnais-        que le profil des lymphocytes CD8+
mécanismes de défenses sont retrou-                                                    retrouvés dans les quartiers infectés
vés en faible quantité dans la mamelle     sance d’un complexe antigène-MHC
                                           de classe II présent sur les lympho-        par S. aureus est bien de type suppres-
en lactation, et semblent dès lors n’of-                                               seur.
frir que peu de protection à la glande     cytes B ou les macrophages. Grâce à
                                           leur capacité à secréter certaines cyto-    Les fonctions biologiques des
mammaire (Chandran et al., 1964 ;
Reiter, 1978 ; Smith et Oliver, 1981 ;     kines, les cellules CD4+ jouent un          lymphocytes T γδ ne sont pas encore
Sordillo et al., 1997).                    rôle important dans l’activation des        bien caractérisées. En comparaison
                                           lymphocytes B, des macrophages et           du sang, le parenchyme et les sécré-
2.2. L’immunité acquise                    d’une variété d’autres cellules partici-    tions mammaires de la femme et
                                           pant à la réponse immune (Sordillo et       des ruminants contiennent plus de
L’immunité acquise implique direc-                                                     lymphocytes T γδ (Richie et al., 1982).
                                           al., 1997 ; Riollet et al., 2000a).
tement les lymphocytes. Ces cel-                                                       Des études ont suggéré qu’ils pour-
lules ont la capacité de reconnaître       Il est maintenant clairement établi que
                                           les cellules CD8+ peuvent exercer une       raient agir comme des cellules cyto-
les antigènes grâce à des récepteurs                                                   toxiques et constitueraient une ligne
membranaires spécifiques du patho-         fonction cytotoxique ou une fonction
                                           suppressive (Inoue et al., 1993). Les       de défense contre les infections bac-
gène. Dans la mamelle saine en lac-
                                           lymphocytes T cytotoxiques reconnais-       tériennes (Mackay et Hein, 1991). Les
tation, la population de lymphocytes       sent des antigènes spécifiques asso-        lymphocytes T γδ migrent préféren-
est essentiellement représentée par les    ciés aux molécules MHC de classe I          tiellement vers les surfaces épithéliales
cellules T, et peu par les cellules B      présents à la surface de cellules infec-    et ne circulent pas considérablement
(Sordillo et al., 1997). Les lympho-       tées et les éliminent. Ils peuvent donc     (Mackay et Hein, 1989 ; Allison et
cytes T peuvent être subdivisés en         agir comme des « éboueurs », élimi-         Harvan, 1991). Les lymphocytes T γδ,
cellules T αβ, incluant les lymphocy-      nant les cellules sécrétrices endomma-
                                                                                       tout comme les cellules NK, possè-
tes CD4+ (T-helper) et CD8+ (de type       gées, lesquelles pourraient augmenter
                                           la sensibilité de la glande mammaire        dent des propriétés cytotoxiques, sans
T-cytotoxique ou T-suppresseur), et
                                           aux infections (Taylor et al., 1994).       impliquer le MHC (Sordillo et al.,
en lymphocytes T γδ. En fonction du
                                           Par contre, les lymphocytes T sup-          1997 ; Pollock et Welsh, 2002). Leur
stade de lactation et de la localisation
                                           presseurs contrôleraient et module-         capacité cytotoxique suggère que ces
tissulaire, le pourcentage de ces dif-
                                           raient la réponse immune. Sordillo et       cellules sont capables de détruirent les
férentes cellules peut varier significa-
                                           collaborateurs (1997) indiquent que         cellules épithéliales altérées (Mackay
tivement (Sordillo et al., 1997). Dans     les lymphocytes CD8+ isolés directe-        et Hein, 1991).
les tissus mammaires et les sécrétions     ment après la parturition sont du type
lactées saines, les cellules T expri-      suppresseur, alors que ceux isolés en       Les lymphocytes B ont pour rôle pri-
ment principalement le récepteur des       milieu ou en fin de lactation sont plu-     maire de produire des anticorps contre
cellules T αβ et sont principalement       tôt du type cytotoxique. La circulation     les organismes pathogènes. A la diffé-
de phénotype CD8+ ; le rapport CD4:        préférentielle des lymphocytes CD8+         rence des macrophages et des neutro-
CD8 est donc < 1, contrairement au         suppresseurs dans les tissus et les         philes, les lymphocytes B utilisent leur
sang où le rapport est > 1 (Park et al.,   sécrétions mammaires pourrait être          récepteur de surface pour reconnaître
1992 ; Taylor et al., 1994). Le rapport    responsable de la moindre capacité de       des antigènes spécifiques et s’acti-
CD4:CD8 dans les sécrétions mam-           réponse des leucocytes locaux, compa-       vent une fois que l’antigène est lié au
                                           rés à ceux provenant de la circulation      récepteur. Ils internalisent, traitent et
maires devient > 1 lors du tarissement,
                                           sanguine (Sordillo et al., 1997). Une
reste > 1 lors de la période sèche et                                                  présentent aux lymphocytes T-helper
                                           étude a démontré que lors d’infection
redevient < 1 juste avant le part (Asai    à S. aureus, la prolifération des cel-      l’antigène associé au MHC de clas-
et al., 1998). La signification fonc-      lules CD4+ était stoppée par des cel-       se II. Suite à cette présentation, les
tionnelle des différentes sous-popu-       lules CD8+ activées, et pourrait donc       lymphocytes T sécrètent des cytoki-
lations de lymphocytes retrouvées          favoriser la persistance des infections     nes, telles que IL-2, IL-4, IL-6 et IL-
dans la glande mammaire bovine reste       à S. aureus (Park et al., 1993). Comme      10 (Riollet et al., 2000a), ce qui provo-

                                                                                                                              3
que la prolifération et la différentiation   les complexes anticorps-C3b-bacté-          mammaires avec du GM-CSF recom-
des lymphocytes B en plasmocytes,            ries et phagocytent ainsi la bactérie       binant bovin (rbGM-CSF) augmente
producteurs d’anticorps ou de cellu-         de manière plus efficace (Sordillo et       les pouvoirs bactéricide et chimiotac-
les mémoires (Sordillo et al., 1997).        al., 1997). Les IgA contribuent à l’ag-     tique des neutrophiles (Sordillo et al.,
Sous certaines conditions, la différen-      glutination, empêchent la colonisation      1992). L’infusion intramammaire de
tiation des lymphocytes B peut direc-        bactérienne, et neutralisent les toxines    rbGM-CSF à des doses supérieures à
tement être stimulée par un antigène,        (Sordillo et al., 1997).                    5 mg n’affecte pas le SCC du lait mais
comme le lipopolysaccharide (LPS)                                                        augmente la capacité de production de
(Sordillo et al., 1997). A la différence     2.3. Modulation de la résistance            superoxide par les neutrophiles rési-
des lymphocytes T, le pourcentage de         de l’hôte aux infections : impli-           dents et augmente le pourcentage de
lymphocytes B reste constant tout au         cation des cytokines                        phagocytes (Daley et al., 1991).
long de la lactation (Shafer-Weaver          Les cytokines sont des protéines pro-       Les IFN sont un groupe de protéi-
et al., 1996) et leur proportion n’aug-      duites naturellement et jouent un rôle      nes étroitement liées classées en
mente pas dans le lait lors d’infection      important dans la régulation des acti-      deux types sur base de leurs proprié-
(Riollet et al., 2001).                      vités cellulaires participant à l’immu-     tés physiques et biologiques. Le type
Le rôle primaire des plasmocytes est de      nité innée et acquise. Le terme « cyto-     I comprend l’IFN-α et l’IFN-β. Le
produire des anticorps spécifiques de        kine » désigne un groupe hétérogène         deuxième type se compose d’une
l’antigène, qui sont en fait une forme       de protéines produites par un éventail      seule protéine, l’IFN-γ. L’IFN-γ est
soluble du récepteur du lymphocy-            de cellules immunes ou non (Sordillo        une cytokine dérivée des lymphocy-
te B. Quatre classes d’immunoglobu-          et al., 1997). De nombreuses études         tes T, souvent produite en réponse à
lines (Ig) influencent les défenses de       ont rapporté les effets immunomodu-         une stimulation antigénique. Ainsi,
la glande mammaire lors de mammite           lateurs de cytokines recombinantes sur      IFN-γ augmente l’activité des cellules
bactérienne : IgG1, IgG2, IgA et IgM         d’importantes fonctions immunitai-          NK, du système ADCC, et des cel-
(Sordillo et al., 1997). Contrairement       res de la glande mammaire (Daley et         lules T cytotoxiques. L’IFN-γ stimule
à d’autres espèces, IgG est le type          al., 1991 ; Sordillo et Babiuk, 1991 ;      également la synthèse et la libération
prédominant dans le colostrum et le          Sordillo et al., 1991 ; Alluwaimi,          de formes réactives de l’oxygène par
lait de vache, et non IgA (Kehrli et         2004). Les groupes majeurs de cytoki-       les macrophages et les neutrophiles
Harp, 2001). La concentration de cha-        nes étudiées comprennent les interleu-      (Sordillo et al., 1997).
que classe d’Ig varie avec le stade de       kines (IL), les facteurs stimulateurs
                                                                                         Le rôle du TNF a été largement étudié
lactation et le statut infectieux. Dans      de colonies (colony-stimulating factor
                                                                                         dans la pathogénie de la mammite à
la glande mammaire saine, la concen-         - CSF), les interférons (IFN) et le TNF
                                                                                         coliformes. Les symptômes aigus très
tration est faible pendant la lactation      (tumor necrosis factor) (tableau II).
                                                                                         fréquemment associés à la mammite
mais augmente lentement au moment            IL-2 est la cytokine bovine la mieux        à coliformes sont dus à la croissance
de la période sèche, pour atteindre un       caractérisée. Elles est principalement      exponentielle du microorganisme, à
pic de concentration lors de la colos-       produite par les lymphocytes T-helper       la libération du LPS, et au dévelop-
trogenèse (Sordillo et al., 1987). Les       et est responsable de l’expansion clo-
                                                                                         pement de la réaction inflammatoire
concentrations augmentent également          nale de la réponse immune lympho-
                                             cytaire T initiale et de l’établissement    qui y fait suite (Sordillo et al., 1997 ;
lors d’inflammation. La quantité d’Ig                                                    Burvenich et al., 2003). La libération
mesurée dans la glande dépend du             du phénomène de mémoire (Sordillo
                                             et al., 1997). IL-2 joue aussi un rôle      du LPS initie une réponse de la phase
degré de perméabilité du tissu sécré-                                                    aiguë non spécifique en suscitant la
                                             dans la croissance et la différentiation
toire et du nombre de plasmocytes pré-       des lymphocytes B, augmente la pro-         synthèse et la libération de cytokines
sents dans la mamelle (Sordillo et al.,      lifération des thymocytes, active les       et d’eicosanoïdes au site inflamma-
1987). Bien que l’isotype IgG1 est pré-      cellules NK, et initie l’activation des     toire (Zia et al., 1987 ; Lohuis et al.,
dominant dans les sécrétions lactées         cellules T cytotoxiques (Magnuson et        1988 ; Van Miert, 1991). Parmi les
d’une glande saine, en présence d’un         al., 1987).                                 cytokines produites durant la phase
processus inflammatoire, les neutro-         Les CSF sont un groupe de cytokines         aiguë de la réaction inflammatoire
philes peuvent transporter les IgG 2         requises pour la prolifération et la dif-   précoce, le TNF-α est un médiateur de
lors de leur migration vers la glande        férentiation d’une variété de cellules      première importance dans le dévelop-
mammaire (Sordillo et al., 1997).            souches hématopoïétiques. Le granu-         pement du choc endotoxinique qui se
Les études ont montré que les IgG1,          locyte/macrophage (GM)-CSF a été            produit lors de mammite à coliformes
IgG2 et IgM peuvent jouer le rôle d’op-      le premier identifié pour sa capacité       suraiguë. Une étude a montré que les
sonines et augmenter la phagocytose          à induire le développement de précur-       monocytes isolés de vaches en peri-
des bactéries par les neutrophiles et les    seurs hématopoïétiques en granulocy-        partum produisaient plus de TNF-α
macrophages. Ces anticorps peuvent           tes et macrophages (Metcalf, 1985).         en réponse à une stimulation au LPS
se lier directement à la bactérie, ou        Différentes études chez la vache laitière   que les cellules isolées en milieu ou
via le composant C3b du complément           ont montré que le GM-CSF influençait        en fin de lactation (Sordillo et al.,
(Howard et al., 1980). Les neutrophi-        également une variété de fonctions des      1995). L’augmentation de la capacité
les et les macrophages peuvent lier          granulocytes matures. Le traitement         de production de ce médiateur par ces
les complexes anticorps-bactéries et         des neutrophiles bovins sanguins et         populations cellulaires aux alentours

4
Tableau II – Effets des cytokines sur les réponses inflammatoire et immunitaire de la glande mammaire bovine

 Cytokine      Observation                                                                  Référence
 IL-1          Associé à une augmentation de l’afflux de neutrophiles dans les infections   Riollet et al., 2000b ; Shuster
                  à E. coli.                                                                et al., 1995 ; 1997
               Son infusion dans une glande saine augmente le SCC, essentiellement          Nickerson et al., 1993
                  composé de neutrophiles et augmente la température rectale.
               L’infusion d’IL-1β dans une glande infectée chroniquement par S. aureus      Daley et al., 1991 ; 1993
                  augmente l’afflux de neutrophiles et la production de radicaux oxygé-
                  nés, sans effet sur la phagocytose.
 Il-2          Son infusion dans la glande mammaire augmente le SCC, essentiellement        Nickerson et al., 1992 ; 1993 ;
                  composé de macrophages et de plasmocytes.                                 Torre et al., 1992
               Son infusion dans une glande infectée par S. aureus augmente le nombre       Nickerson et al., 1989 ;
                  de lymphocytes, neutrophiles, macrophages et le titre en anticorps.       Quiroga et al., 1993 ; Reddy et
               Augmente les activités cytotoxiques et bactéricides des lymphocytes.         al., 1992
               Adjuvant de vaccin efficace.                                                 Sordillo et al., 1991
                                                                                            Pighetti et Sordillo, 1995
 IL-6          Facilite la transition de la réaction inflammatoire d’un afflux de neutro-   Kaplanski et al., 2003
                  philes vers celui de monocytes.
               Participe au développement du choc endotoxinique à E. coli mais est          Shuster et al., 1993 ; Riollet
                  négligeable dans la mammite à S. aureus.                                  et al., 2001 ; Alluwaimi et al.,
                                                                                            2003
 IL-8          Puissant agent leucotaxique des neutrophiles produit par les macropha-       Matsushima et Oppenheim,
                  ges, les lymphocytes T, les cellules endothéliales.                       1989
               Augmentation de sa concentration lors de mammite à E. coli mais pas de       Riollet et al., 2000b ;
                  changements significatif dans les infections à S. aureus.                 2000c ; Shuster et al., 1997 ;
                                                                                            Alluwaimi et al., 2001
               Facilite la libération du CD14 soluble à partir du CD14 membranaire.         Lee et al., 2003
 IL-12         Polarise la réponse immune lymphocytaire vers un phénotype Th-1 ou Th-       Trinchieri, 1995
                  2 et lie l’immunité innée à l’immunité acquise.
               Niveau d’expression de l’ARNm augmenté dans une infection expé-              Alluwaimi et al., 2003 ; Riollet
                  rimentale à S. aureus, mais aucune apparence de polarisation de la        et al., 2001
                  réponse immune.
 IFN-γ         Augmente la phagocytose et l’activité bactéricide du neutrophile.            Sordillo et Babiuk, 1991 ;
                                                                                            Riollet et al., 2000a
               Défaut de son activité transcriptionnelle dans la mammite expérimentale      Alluwaimi et al., 2003 ;
                 à S. aureus mais augmentation de sa concentration dans la mammite à        Hisaeda et al., 2001
                 coliformes.
               Augmente la liaison des IgG2 au neutrophile lors de la phagocytose.          Worku et al., 1994
 TNF-α         Augmente la phase aiguë de la réponse inflammatoire.                         Blum et al., 2000 ; Sordillo et
                                                                                            Streicher, 2002
               Augmente la phagocytose et l’activité bactéricide du neutrophile.            Sordillo et Streicher, 2002
               Augmente l’expression de molécules d’adhésion endothéliale.                  Sordillo et Streicher, 2002
 GM-CSF        Augmente les activités chimiotactique et bactéricide du neutrophile.         Sordillo et al., 1992
               Active la formation de radicaux oxygène par les neutrophiles mais n’a pas    Daley et al., 1993
                  d’effet sur leur nombre dans un modèle de mammite à S. aureus.
               Augmente le nombre et l’activité bactéricide des neutrophiles.               Kehrli et al., 1991a ; 1991b
               Retarde l’apoptose des neutrophiles bovins.                                  Boutet et al., 2004
SCC, somatic cell count = taux de cellules somatiques du lait

                                           3. LE NEUTROPHILE :
de la parturition peut expliquer la plus                                             gène. Les leucocytes, et plus parti-
grande fréquence des mammites clini-
                                           UN ACTEUR CENTRAL                         culièrement les neutrophiles, sont les
ques de ce type lors de cette période      Le développement de la réaction           acteurs principaux de ce mécanisme
(Sordillo et Streicher, 2002).             inflammatoire est un élément crucial      de défense naturelle, et leur migration
                                           dans la défense tissulaire contre l’in-   au site de l’infection est un facteur
                                           fection par un microorganisme patho-      déterminant pour la guérison de l’in-

                                                                                                                               5
fection. Différentes cytokines, telles      les neutrophiles ingèrent des globules      des bactéries gram-positives et gram-
que IL-1β, IL-8, TNF-α, GM-CSF,             gras et de la caséine. Ce phénomène         négatives, et le LPS, composant
IFN-γ, et le facteur C5a, jouent un         est responsable d’une diminution des        de la membrane externe des bacté-
rôle important dans l’accumulation,         fonctions phagocytaire et bactéricide       ries gram-négatives, font parties des
le pouvoir phagocytaire et bactéricide,     et provoque la mort du neutrophile          PAMP (pathogen associated molecu-
ou encore la survie des leucocytes au       (Paape et al., 1975). La traite per-        lar patterns) et se lient aux PRR (pat-
site inflammatoire (Cybulsky et al.,        met alors d’éliminer ces neutrophiles       tern recognition receptors), présents
1988 ; Baggiolini et al., 1989 ; Shuster    compromis, lesquels sont remplacés          sur de nombreuses cellules impliquées
et al., 1997).                              par des nouveaux en provenance de la        dans la défense de l’individu. Ils sont
                                            circulation sanguine, et les défenses       capables d’induire la synthèse et la
3.1. Granulopoïèse et granuloci-            contre les infections bactériennes sont     sécrétion de cytokines chez les dif-
nétique                                     à nouveau renforcées.                       férentes cellules concernées. Le LPS
Les trois phases de la vie du neutro-       Le lent afflux basal de neutrophiles        se lie à une protéine de liaison spé-
phile sont les phases intramédullaire,      dans la glande mammaire saine aug-          cifique (LBP pour LPS binding pro-
circulatoire et tissulaire (Jain, 1986).    mente rapidement lors d’infection           tein) et le complexe est reconnu par
Ce cycle de vie est de courte durée. La     bactérienne. De puissants médiateurs        le CD14 membranaire présent sur les
phase intramédullaire comprend les          libérés lors de la réaction inflamma-       macrophages. Ceci provoque l’activa-
pools de prolifération, de maturation       toire vont constituer un gradient chi-      tion du TLR4 (Toll-like receptor 4) et
                                            mique et guider les neutrophiles jus-       induit l’expression de gènes inflam-
et de réserve de neutrophiles. Chez
                                            qu’au foyer infectieux ; ce processus       matoires via l’activation du facteur
l’homme, la maturation s’effectue en        s’appelle le chimiotactisme. Différents
10 à 14 jours dans la moelle osseuse                                                    de transcription nucléaire κB (NF-
                                            lipopolysaccharides (LPS) de bacté-
(Bainton et al., 1971). Les neutrophi-      ries gram-négatives, les composants         κB) (Medzhitov, 2001), provoquant
les matures gagnent alors le courant        du complément C5a et C3a, le leuco-         entre autre la libération de TNF-α qui
circulatoire dans lequel ils circulent      triène (LT) B4, IL-1, IL-2 et IL-8 sont     initie la réponse inflammatoire. Le
peu de temps (durée de vie de 8,9 heu-      de puissants chimioattractants (Daley       CD14 membranaire peut également
res chez le bovin) (Carlson et Kaneko,      et al., 1991 ; Persson et al., 1993). Ces   être clivé et libère le CD14 soluble. Ce
1975). Le neutrophile quitte la circu-      substances leucotaxiques se lient à des     dernier est présent dans le sang et le
lation par diapédèse entre les cellules     récepteurs spécifiques présents sur la      lait bovin (Wang et al., 2002), et se lie
endothéliales et pénètre dans les tissus    membrane plasmique du neutrophile           avec beaucoup d’affinité au LPS. Le
                                            (Paape et al., 2003).                       complexe interagit alors avec les TLR
où il fonctionne comme phagocyte.
Les neutrophiles sénescents entrepren-      L’initiation de la réponse inflammatoire    présents à la surface des cellules épi-
nent alors le processus d’apoptose, ou      et la sécrétion de chimioattractants        théliales et endothéliales, provoquant
mort cellulaire programmée, et sont         sont des phénomènes indispensables          la libération de substances chimiotac-
éliminés par les macrophages.               pour que le processus de diapédèse se       tiques (Wright et al., 1990).
Le processus de la granulopoïèse est        produise de manière efficace. Celle-        Le contact et la reconnaissance entre
sous le contrôle régulateur de facteurs     ci se produit grâce à l’expression de       le phagocyte et la bactérie représentent
de croissance, parmi lesquels le G-CSF      différentes molécules d’adhésion, tant      les premiers événements qui se produi-
joue un rôle capital. Ces CSF assurent      sur les cellules endothéliales que sur      sent lors du processus de phagocytose.
la maintenance d’un état d’équilibre.       les neutrophiles. La molécule d’ad-         La reconnaissance immunologique
                                            hésion CR3 (Mac-1, CD11b/CD18)              s’exerce principalement par des anti-
3.2. Activité fonctionnelle du              est un membre de la famille β2-inté-        corps spécifiques qui reconnaissent la
neutrophile bovin                           grine (molécules d’adhésion des leu-        bactérie par leurs régions Fab, et lient
                                            cocytes), composé de trois hétérodi-        le récepteur Fc (FcR) présent sur la
3.2.1. Chimiotactisme et diapédèse                                                      membrane plasmique du neutrophile.
Physiologiquement, les stimuli de la        mères LFA-1 (CD11a/CD18), Mac-1
                                                                                        Cette reconnaissance entre l’anticorps
tétée et de la traite induisent la migra-   (CD11b/CD18) et p150.95 (CD11c/             et la bactérie s’appelle opsonisation
tion de neutrophiles dans les tissus        CD18), et permet avec d’autres molé-        et est principalement exercée par les
mammaires (Paape et Guidry, 1969),          cules d’adhésion exprimées sur les          IgG2 et IgM chez le bovin (Anderson
et par conséquent dans le lait. De cette    cellules endothéliales activées, comme      et al., 1986 ; Miller et al., 1988). Le
manière, il existe un apport constant de    ICAM-1 (intercellular adhesion mole-        composant C3b du complément est
neutrophiles dans la glande mammaire        cule-1), la liaison du neutrophile à        capable, lui aussi, d’opsoniser la bac-
normalement stérile. Par ailleurs, le       l’endothélium (Riollet et al., 2000a ;      térie et de se lier au récepteur CR1 sur
drainage du lait fraîchement synthé-        Paape et al., 2003). La protéine L-         le neutrophile et dès lors de promou-
                                            sélectine (CD62L), constitutivement         voir la phagocytose (Howard et al.,
tisé vers les conduits et la citerne per-
                                            exprimée à la surface des neutrophiles,     1980 ; Arnaout et al., 1981). Le récep-
met d’éliminer les neutrophiles venant                                                  teur CR1 est plus abondant sur les
de migrer dans la mamelle. Le pro-          joue également un rôle prépondérant
                                                                                        neutrophiles mammaires que sur ceux
cessus se renouvelle avec l’arrivée de      dans le phénomène de diapédèse.
                                                                                        présents dans le sang, indiquant que
neutrophiles dans le lait nouvellement                                                  la migration des neutrophiles du sang
synthétisé par les alvéoles. Cependant,     3.2.2. Reconnaissance du pathogène          vers la glande mammaire induit l’ex-
une fois dans la lumière alvéolaire,        Le peptidoglycane, associé à la paroi       pression de CR1 (Paape et al., 2003).

6
Il existe également un autre type de        mation de phagosomes, contenant de         des antimicrobiens (Burvenich et al.,
phagocytose, ne dépendant pas de l’op-      la graisse et de la caséine. De plus,      2004). Parmi ceux-ci, les β-défensines
sonisation, importante pour le contrôle     l’activité bactéricide est inhibée par     possèdent une activité bactéricide in
des infections intramammaires par les       les composants du lait suite à la perte    vitro aussi bien vis-à-vis de S. aureus
germes gram-négatifs (Paape et al.,         de lysosomes ayant fusionnés avec des      que de E. coli (Selsted et al., 1993).
                                            phagosomes contenant de la graisse
1996 ; Dosogne et al., 1998). Celle-ci
                                            et de la caséine au lieu de phago-         3.2.5. Acteur de l’inflammation et
dépend des lectines et des propriétés       some contenant des bactéries (Paape
hydrophobes des surfaces cellulaires                                                   régulateur de l’immunité
                                            et Guidry, 1977). Il a été démontré
(Paape et al., 2003). Ainsi, les récep-     que les activités phagocytaire et bac-     Le neutrophile est donc un acteur
teurs lectine-carbohydrates de la sur-      téricide étaient particulièrement dimi-    essentiel de la réaction inflamma-
face cellulaire du neutrophile bovin        nuées lors du péripartum (Paape et al.,    toire durant laquelle il peut exercer
peuvent interagir avec les pili riches en   1981 ; Weber et al., 1983).                une série de fonctions qui constituent
carbohydrates d’E. coli en l’absence                                                   collectivement un mécanisme majeur
d’opsonines spécifiques (Paape et al.,      3.2.4. Activité bactéricide et flambée     de l’immunité innée. Récemment,
1996).                                      oxydative                                  cependant, il est devenu de plus en
                                            Endéans les secondes qui suivent la        plus évident que l’implication du neu-
3.2.3. Phagocytose                          reconnaissance de la bactérie et la        trophile dans les défenses de l’hôte
Une fois le contact et la reconnais-        phagocytose, le neutrophile s’active et    et l’immunité innée s’élargissait bien
sance effectués, le neutrophile peut        génère de puissantes formes réactives      au-delà de leur traditionnel rôle de
jouer son rôle de phagocyte. Des pseu-      de l’oxygène. Ce processus est associé     phagocyte professionnel. En effet, les
dopodes, provenant de la membrane           à une augmentation de la consomma-         neutrophiles sont capables d’exprimer
plasmique du neutrophile, se forment        tion en oxygène (O2) (Baldridge et         des gènes dont les produits – cytoki-
autour du pathogène. Leur fusion            Gerard, 1933) et est appelé « flam-        nes et chimiokines – sont étroitement
mène à la formation d’une vacuole           bée oxydative ». La nicotinamide adé-      impliqués dans la réponse immuni-
de phagocytose ou phagosome. Les            nine dinucléotide phosphate oxydase        taire (Scapini et al., 2000). Cette capa-
granules cytoplasmiques du neutro-          (NADPH-oxydase) est activée et cata-       cité à produire ces différents média-
phile fusionnent alors avec la mem-         lyse la réaction suivante :                teurs indique que les neutrophiles sont
brane du phagosome, donnant nais-           2 O2 + NADPH → 2 O2- + NADP + H+,          des cellules primordiales impliquées
sance au phagolysosome. Le contenu          conduisant à la formation d’anions         dans les premières phases d’activation
bactéricide des granules se déverse         superoxyde (O2-). La superoxyde dis-       et de migration cellulaires. Après la
dans le phagolysosome et la diges-          mutase (SOD) convertit alors O2- en        migration au site infectieux, il est pro-
tion du microorganisme peut alors se        peroxyde d’hydrogène (H2O2) :              bable que les neutrophiles, stimulés
dérouler. Durant la phagocytose, les              2 O2- + 2 H+ → H2O2 + O2.            par l’agent étiologique, produisent des
lysosomes migrent vers la particule         H2O2 et les nouveaux O2- formés dans       chimiokines qui vont à leur tour pro-
ingérée et les enzymes lysosomiaux          le phagosome peuvent alors interagir       voquer le recrutement d’autres types
sont libérés avant que la fusion des        pour former un radical hydroxyl (OH°)      de leucocytes. Ainsi, le neutrophile
pseudopodes ne soit complète, ce qui        hautement réactif, composant clé des       est, par exemple, capable de produire
provoque la libération d’une partie du      mécanismes bactéricides dépendant          de très grande quantité d’IL-8, pro-
contenu des lysosomes en dehors du          de l’O2. De plus, la fusion d’un pha-      voquant le recrutement ultérieur d’un
neutrophile (Gennaro et al., 1983). La      gosome contenant un microorganisme         grand nombre de neutrophiles, ampli-
phagocytose peut donc être responsa-        avec les granules primaires du neutro-     fiant la réponse initiale, mais produit
ble, du moins en partie, de la corré-       philes, ou granules azurophiles, active    également d’autres chimiokines res-
lation négative existant entre le SCC       la myéloperoxydase. Cet enzyme             ponsables de l’accumulation et de
et la production laitière (Raubertas et     catalyse la réaction entre H2O2 et Cl-,    l’activation de monocytes, macropha-
Shook, 1982).                               I-, ou Br- et conduit à la formation       ges, cellules dendritiques immatures
                                            d’hypohalides hautement toxiques et à      et lymphocytes T (Cassatella, 1999 ;
Le pouvoir phagocytaire des neutro-         l’oxydation d’amines. Ce système est       Scapini et al., 2000). Le neutrophile
philes du lait est moindre que celui
                                            très efficace lors d’infection à E. coli   amplifie donc la réaction inflamma-
des neutrophiles sanguins. Cette
moindre efficacité est due en partie        (Klebanoff, 1970 ; Burvenich et al.,       toire et fonctionne aussi bien comme
aux plus faibles réserves énergétiques      2004).                                     un acteur de cette réponse que comme
sous forme de glycogène. Le neutro-         Depuis quelques années, plusieurs          une cellule immunorégulatrice.
phile présent dans le lait contient en      classes de peptides antimicrobiens ont
effet 38 % de glycogène en moins que        été purifiées à partir de phagocytes       3.3. La mort cellulaire program-
le neutrophile du sang (Newbould,           de mammifères, et il apparaît mainte-      mée ou apoptose
1973). Par ailleurs, les globules gras et   nant clairement que les neutrophiles       3.3.1. Régulation de la durée de vie
la caséine du lait réduisent la phago-      bovins sont non seulement capables         du neutrophile
cytose (Paape et al., 1981 ; Weber et       de détruire les microorganismes grâce
al., 1983 ; Sordillo et Babiuk, 1991).      à la production de formes réactives de     L’apoptose est décrite comme une
Ceci est dû à l’internalisation de mem-     l’oxygène, mais aussi en les exposants     mort cellulaire programmée, physiolo-
brane plasmique, nécessaire à la for-       dans le phagolysosome à ces pepti-         gique, n’induisant pas ou peu de réac-

                                                                                                                              7
tion inflammatoire. Elle se caractérise      de l’apoptose induite par le TNF-α          CSF serait due à une augmentation de
morphologiquement par la conden-             (Hachiya et al., 1995). Le LPS injecté      l’expression de la protéine anti-apop-
sation de la chromatine, la fragmen-         dans la glande mammaire empêche             totique Mcl-1 (Moulding et al., 1998 ;
tation nucléaire et le rétrécissement        l’apoptose des neutrophiles mammai-         Epling-Burnette et al., 2001) et une
cellulaire (Reed, 2000). Malgré ces          res, mais n’affecte pas l’apoptose des      diminution de l’expression de la pro-
                                                                                         téine pro-apoptotique Bax (Weinmann
changements, la membrane plasmi-             neutrophiles circulants (Van Oostveldt
                                                                                         et al., 1999). De plus, sous GM-CSF,
que reste intacte et agit comme une          et al., 2002b ; Paape et al., 2003). Ceci   la protéine kinase B/Akt est activée,
barrière, du moins durant les premiè-        est dû au fait que peu de LPS passe         ce qui provoque la phosphorylation de
res phases de l’apoptose. Par contre,        dans le courant circulatoire lorsqu’il      la protéine Bad, laquelle est séques-
l’autre forme de mort cellulaire, la         est infusé dans un quartier mammaire        trée dans le cytoplasme par la pro-
nécrose, se caractérise par le gonfle-       (Hoeben et al., 2000). Cependant,           téine 14-3-3 (del Peso et al., 1997 ;
ment et la lyse cellulaire. La perte de      d’autres auteurs ont rapporté une           Blume-Jensen et al., 1998 ). Bad ne
l’intégrité membranaire des cellules         augmentation du taux d’apoptose des         peut dès lors plus se lier à des protéi-
nécrotiques s’accompagne de la libé-         neutrophiles sanguins suite à l’infu-       nes anti-apoptotiques comme Bcl-xL,
ration du contenu cellulaire, déclen-        sion intramammaire de LPS de E. coli        lesquelles vont alors bloquer l’activité
chant une réaction inflammatoire             (Yagi et al., 2002). Le rôle du LPS         pro-apoptotique de protéines comme
                                                                                         Bax (Downward, 1999). Lorsque Bad
néfaste pour le voisinage cellulaire         dans l’apoptose des neutrophiles
                                                                                         est déphosphorylé, suite à un stimulus
(Reed, 2000).                                bovins est donc encore actuellement         pro-apoptotique, il est libéré et va se
Dans les conditions physiologiques,          controversé.                                relocaliser dans la membrane mito-
les neutrophiles bovins ont une demi-                                                    chondriale.
vie de courte durée et entrent spon-         3.3.3. Régulation moléculaire de
                                                                                         L’apoptose des neutrophiles joue un
tanément en apoptose. Ce processus           l’apoptose
permet de réguler de façon adéquate le                                                   rôle majeur dans la résolution de la
                                             Le délabrement cellulaire caractéris-       réponse inflammatoire, aussi bien chez
nombre de neutrophiles circulants et
                                             tique de l’apoptose est en réalité dû à     l’homme (Ishii et al., 1998 ; Haslett,
est un élément clé assurant l’homéos-
tasie. Lors d’infection, la réaction         l’activation d’enzymes protéolytiques       1999) que chez le bovin (Chin et al.,
inflammatoire est capable d’accélérer        spécifiques appartenant à la famille        2000 ; Sladek et Rysanek, 2001). Chez
ou retarder l’apoptose selon qu’elle         des cystéines protéases et connues sous     la vache atteinte de mammite subcli-
se trouve en phase évolutive ou réso-        le nom de caspases (Yuan et al., 1993).     nique avec une élévation persistante
lutive.                                      Les caspases existent sous forme de         du SCC, il a été démontré que les
                                             zymogènes inactifs dont l’activation        neutrophiles isolés du lait présentaient
3.3.2. Influence du processus inflam-        provoque une série d’évènements             un retard d’apoptose par rapport aux
matoire                                      protéolytiques conduisant aux modi-         neutrophiles isolés de mamelles saines
Lors d’infection, les cytokines pro-         fications morphologiques cellulaires        (Boutet et al., 2004). Il a été suggéré
inflammatoires et les facteurs bacté-        caractéristiques de l’apoptose.             que le mécanisme anti-apoptotique
riens peuvent moduler le déclenche-          La capacité d’une cellule à rentrer en      responsable était induit par une aug-
ment de l’apoptose des neutrophiles.         apoptose est déterminée par des voies       mentation de l’expression de l’ARNm
Différentes cytokines, surexprimées          moléculaires pro- et anti-apoptotiques.     de la protéine anti-apoptotique Bcl-
durant la réaction inflammatoire, telles     La famille de protéines Bcl-2 joue un       xL, sous la dépendance du facteur de
que IL-1β (Colotta et al., 1992), IL-2       rôle central dans la régulation de ces      transcription STAT5 activé par le GM-
(Pericle et al., 1994), IL-4 (Girard et      mécanismes diamétralement opposés           CSF. Ce mécanisme anti-apoptotique
                                             (Adams et Cory, 1998 ; Antonsson            pourrait expliquer, du moins en par-
al., 1997), IL-6 (Biffl et al., 1995), IL-
                                             et Martinou, 2000). Les membres de
8 (Kettritz et al., 1998 ; Leuenroth et                                                  tie, la persistance de l’inflammation
                                             cette famille se divisent en protéines
al., 1998), IL-15 (Girard et al., 1996),     pro- et anti-apoptotiques. Les neutro-      et de l’élévation du SCC dans le lait
IFN-γ (Colotta et al., 1992 ; Klebanoff      philes humains expriment des mem-           de vaches atteintes de mammite sub-
et al., 1992), G-CSF (Colotta et al.,        bres pro-apoptotiques (Bax, Bik, Bad,       clinique.
1992), et GM-CSF (Colotta et al.,            Bak, Bid…) et anti-apoptotiques (A1,
1992 ; Lee et al., 1993), prolongent         Bcl-xL, Mcl-1…) de la famille Bcl-
la survie des neutrophiles humains.          2 (Reed, 1997). Des niveaux élevés          4. LA RÉSOLUTION
TNF-α, une autre cytokine surexpri-          d’expression de membres pro-apopto-         DU PROCESSUS
mée dès les premières phases d’une           tiques de cette famille ont été obser-      INFLAMMATOIRE: LE RÔLE
infection mammaire induit l’apoptose         vés dans les neutrophiles normaux, et       DES LIPOXINES
des neutrophiles humains (Hachiya et         pourraient expliquer leur courte durée      La libération d’acide arachidonique
                                             de vie (Simon, 2003). Ainsi, il existe
al., 1995 ; Yamashita et al., 1999) et                                                   et la formation de ses produits déri-
                                             différentes preuves pour suggérer que
bovins (Van Oostveldt et al., 2002a).        le déclenchement ou non de l’apoptose       vés sont des événements régulateurs
Mais, il a été démontré que le LPS           du neutrophile repose sur les change-       clés impliqués dans les défenses de
inhibait l’apoptose spontanée des neu-       ments modifiant l’équilibre des expres-     l’hôte, et notamment dans la résolu-
trophiles humains (Lee et al., 1993 ;        sions relatives de ces protéines. Chez      tion de l’inflammation. L’oxygénation
Hachiya et al., 1995 ; Sweeney et al.,       l’homme, l’augmentation du délai de         de l’acide arachidonique initie la syn-
1998 ; Klein et al., 2001) et protégeait     l’apoptose du neutrophile par le GM-        thèse de composés bioactifs puissants,

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