Prévention : la SuiSSe fait-elle le maximum ? - Planète Santé
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planetesante.ch
Prévention :
la Suisse
fait-elle le
maximum ?
# 25 – mars 2017 CHF 4.50
Allergies : comment ça marche ? ● Les hommes ne sont pas à l’abri de la dépression
● Compléments alimentaires : à ne pas prendre à la légère ● Vertiges, tête qui
tourne… et si c’était un trouble de l’équilibre ? ● Futures mamans, prenez soin
de vous ● Bien manger grâce à nos conseils ● Fiche maladie : l’anémie
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Aujourd’hui, c’est
le moment de privilégier
les légumes.
Conseils et informations passionnants
concernant la santé sur migros-impuls.ch
edito
IMPRESSUM
Rédacteur en chef
Michael Balavoine
Rédactrice en chef adjointe
Elodie Lavigne
Rédacteurs
Patricia Bernheim
Elisabeth Gordon
Prévention et big data :
Laetitia Grimaldi
Marc Hochmann-Favre
Esther Rich
Joanna Szymanski
l’heure de la
Ellen Weigand
Conception graphique
responsabilisation ?
giganto.ch
Photographie
DR
Edition
O
Joanna Szymanski
n connaît tous l’adage : « Mieux n’a évidemment pas que du bon. Ainsi,
Éditeur
Editions Médecine & Hygiène
vaut prévenir que guérir ». Banal des contraintes pourraient apparaître
Chemin de la Mousse 46 certes, mais surtout de plus en – de la part d’assureurs, d’employeurs, de
1225 Chêne-Bourg
planetesante@medhyg.ch
plus vrai. Près de 80 % des maladies qui l’Etat même – obligeant chacun à adapter
Tél : +41 22 702 93 11 touchent les populations sont non trans- son mode de vie et son comportement
Fax : +41 22 702 93 55
missibles. Leur survenue ou leur gravité aux résultats des calculs d’algorithmes.
Fiche technique peuvent être diminuées par un mode de La menace sur la liberté individuelle est
ISSN : 1662-8608
Tirage : 30 000 exemplaires
vie sain et un environnement adéquat extrêmement concrète.
4 fois par an (lire notre dossier en page 6). C’est sur Mais, en même temps, cette nouvelle ère
Publicité
cette base que se fonde toute politique de l’observation de l’individu pourrait
Publicitas SA sanitaire digne de ce nom : partant de aussi offrir aux gouvernements des outils
Rue Etraz 4 - CP 7114
CH-1002 Lausanne
données scientifiques, elle donne des inédits pour mettre en place des poli-
T +41 58 680 95 30 recommandations permettant à chacun tiques de prévention où chacun, et pas
F +41 58 680 95 31
magazines@publicitas.com
de se préserver des grandes maladies seulement les malades, pourrait voir sa
publicitas.ch/magazines biologiques des corps. Et elle cherche en santé améliorée. L’idée est assez simple :
Abonnements
même temps à créer une démarche équi- en définissant des organisations de lieux
Version électronique : gratuite table, autrement dit visant la santé pour et des types de comportements qui pré-
Abonnement papier : CHF 12/an
Tél : +41 22 702 93 11
tous. servent la santé, des manières de vivre
Fax : +41 22 702 93 55 Or, les nouvelles possibilités de stockage « idéales » pourraient être adaptées pour
abonnements@medhyg.ch
www.planetesante.ch
et d’analyse de grandes quantités de le plus grand nombre. Les inégalités de
données – ce qu’on appelle aujourd’hui santé vont-elles diminuer grâce à cette
Planète Santé
est soutenu par
le Big Data – pourraient bien remanier meilleure prévention ? Ou au contraire
- la Société vaudoise de médecine les cartes de ces anciens objectifs de de nouvelles discriminations vont-elles
- la Société médicale du Valais
- l’Association des médecins
santé publique. Comparer des profils apparaître en permettant seulement aux
du canton de Genève individuels aux données récoltées auprès riches d’avoir accès aux modes de vies
- la Société neuchâteloise
de médecine
d’une population de plus en plus large les plus favorables ? Tout se jouera dans
- la Société médicale du canton pourrait en effet aboutir à une connais- l’accompagnement politique de cette
du Jura
sance bien plus fine des comportements révolution. Et en la matière, la récente
Comité de rédaction problématiques en matière de bonne décision des deux chambres fédérales
Dr Pierre-Yves Bilat
Dr Henri-Kim de Heller
santé et redéfinir les contours globaux en 2016 de refuser de limiter la publicité
Dr Marc-Henri Gauchat des risques. En poussant le raisonne- pour le tabac montre que notre Parlement
Dr Bertrand Kiefer
Dr Michel Matter
ment, on peut même dire que cette nou- n’a pas encore pris la mesure des enjeux.
Dr Monique Leky Hagen velle connaissance issue du traitement Si les forces du marché sont laissées à
Dr Remo Osterwalder
M. Pierre-André Repond
des données va permettre de prédire elles-mêmes et sans modèle concomitant
Pr Bernard Rossier l’évolution du devenir médical d’un indi- de solidarité, les politiques de prévention
M. Paul-Olivier Vallotton
Dr Véronique Monnier-Cornuz
vidu pratiquement dès sa naissance. Or, pourraient bien avoir une efficacité toute
Dr Walter Gusmini en donnant une valeur très importante limitée et même entraîner une augmenta-
Couverture
aux facteurs que l’individu peut influen- tion des inégalités. ●
© Gettyimages/Jonathan Knowles cer, le système de prévention lui confère
aussi une forme accrue de responsabilité
Michael Balavoine
morale de bonne gestion de son « capi- rédacteur en chef
tal-santé ». Une responsabilisation qui Planète Santé
SOMMAIRE
planète santé # 25 – mars 2017
32
36
6
20
26
6 dossier
Prévention : place à l’action
INTERVIEW TRAJET
12 Dr Théodore Hovaguimian : 30 Mélanome : que ciblent
« En proie à la dépression, les traitements ?
les hommes compensent NEUROSCIENCES
souvent par un excès de 32 Comment l’addiction modifie
virilité » le cerveau
AUTOMÉDICATION
APPLIS
16 Pas de compléments 34 Apprendre les gestes qui
alimentaires sans avis médical sauvent sans quitter son
SENS canapé
18 Troubles de l’équilibre : ALIMENTATION
un problème largement 36 Faim et satiété : l’important
méconnu est de s’écouter
MATERNITÉ
Fiche maladie
20 Prendre soin de soi pendant 40 L’anémie
la grossesse
JURIDIQUE
iNFOGRAPHIE
44 Les droits du patient :
24 Nouveau traitement pour un « chemin de croix »
faire baisser le cholestérol du point de vue financier
SAISONS
PEOPLE
26 Comprendre l’allergie 48 Pauline Seiterle : « L’énergie
aux pollens des gens nous a nourris »
EN BREF
28 Planète Santé et l’émission
CQFD s’associent
6 dossier planète santé – mars 2017
Prévention :
place à l’action
Les cibles sont identifiées. Le public, à
l’écoute. Les connaissances, à la pointe.
Les volontés, bien présentes. Et pourtant,
en matière de prévention, la Suisse se fait
régulièrement sanctionner d’un « peut mieux
faire » par les organisations internationales.
Les raisons ? Elles sont multiples… et en
bonne partie économiques. Explications.
TEXTE Laetitia Grimaldi
© Getty/Bernhard Lang
plus d’articles sur planetesante.ch 7
P
endant longtemps, la lutte a été
surtout infectieuse : tuberculose,
diphtérie ou encore choléra déci-
maient les populations. Puis les anti-
biotiques sont arrivés. Aujourd’hui, le
combat s’est déplacé vers les maladies
dites « non transmissibles » (MNT). Leurs
identités : maladies cardio-vasculaires,
diabète, cancer, affections des voies res-
piratoires… autant de pathologies avan-
çant masquées, en réponse souvent à nos
mauvaises habitudes de vie.
Pourquoi parler de prévention ? Pour
deux raisons majeures. D’abord parce
qu’à ce jour, aucun remède ne permet
d’éradiquer facilement ces pathologies
sournoises. Alors il faut si possible les
combattre avant même qu’elles ne sur-
viennent. Ensuite, parce qu’elles ont pour
point commun de s’installer dans nos
vies parfois pour des décennies (on parle
de maladies chroniques), minant l’épa-
nouissement personnel et professionnel,
réduisant l’espérance de vie et confron-
tant la médecine et la société à des défis
inédits.
80 % des coûts de la santé
Parlons chiffres. A elles seules, les MNT
représentent 80 % des coûts directs de
la santé en Suisse. La prise en charge des
cinq MNT les plus répandues – maladies
cardio-vasculaires, diabète, cancer, affec-
tions chroniques des voies respiratoires
et troubles musculo-squelettiques –
frôle les 30 milliards de francs par an,
un chiffre en constante augmentation. En
contrepartie, le pourcentage alloué à leur
prévention paraît bien maigre : 2,2 % en
2013, quand la moyenne des pays de l’Or-
ganisation de coopération et de dévelop-
pement économiques (OCDE) atteignait
les 3,1 %.
« En matière de prévention, la santé
publique suisse est encore faible.
Malheureusement, nous sommes encore
8 dossier planète santé – mars 2017
trop souvent dans une logique écono- alcool ou sédentarité – mais de créer les Guessous, médecin adjoint dans l’unité
mique axée sur les soins, plus que sur conditions pour aider l’individu à mieux d’épidémiologie populationnelle des
la prévention », alerte le Dr Jean-Paul vivre, y compris dans son environnement HUG et médecin agréé à la Policlinique
Humair, médecin adjoint au Département professionnel et urbain. Et de faire évo- médicale universitaire de Lausanne
de médecine de premier recours des luer les mentalités : la prévention n’est (PMU).
Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), pas qu’une question de renoncements, L’autre défi qui se joue au sein du cabi-
se faisant l’écho d’une communauté elle permet aussi de dessiner une vie plus net médical concerne le médecin lui-
médicale unanime sur le sujet. agréable et plus légère… » même. « Le soignant est un acteur clé
Investir davantage serait-ce la clé ? Bien Une approche militante adoptée par du dépistage, mais son rôle n’est pas si
sûr, mais pas seulement. En juin 2016, le le canton de Genève par exemple. simple : c’est à lui de prendre les devants
Parlement rejetait un projet de loi visant « Inauguré au début de l’année, le nou- et de trouver l’opportunité de parler à
à limiter la publicité pour le tabac et
par conséquent à réduire le tabagisme
chez les jeunes. Parmi les faits énoncés
pour justifier cette décision : la publi-
cité n’augmente pas le tabagisme. Faux,
répondent à l’unisson les études interna-
tionales. Hors des murs du Parlement, “En matière de prévention,
le constat est donc amer : « Oui, l’indus- la santé publique suisse
trie du tabac rapporte deux millions de
francs par an aux caisses de l’Etat, mais est encore faible„
le tabagisme coûte cinq fois plus en frais
de santé ! », poursuit le Dr Humair. Un
argument confirmé par l’Office fédéral de
la santé publique (OFSP) qui annonce :
chaque franc investi dans la prévention
du tabagisme permet d’en économiser veau Concept cantonal de promotion de son patient de risques, alors qu’aucun
41 ! « Ces logiques reviennent à bafouer la santé et de prévention 2030 défend symptôme n’est présent », explique le
la santé publique au profit d’intérêts une approche globale. Le but est de Dr Guessous. Autre difficulté : il est le
économiques contestables, poursuit le placer l’humain au centre de stratégies porte-parole d’un dépistage qui n’est
médecin. Il en va de même pour le fonc- permettant d’agir sur l’ensemble des fac- souvent pas remboursé et qui n’est
tionnement de l’industrie alimentaire… » teurs qui influencent sa santé. Ceci afin pas encore une science exacte. « Bien
Alors les lois s’enrayent et avortent. A de prévenir le développement de patho- sûr le dépistage sauve des vies, mais il
l’image de la loi sur la prévention* reje- logies, mais aussi de promouvoir son débouche également sur des faux positifs
tée en 2012. bien-être physique, psychique et social. et des surdiagnostics (détection d’une
L’une des priorités est de faciliter l’accès tumeur qui ne se serait jamais traduite
Pas qu’une question de à la prévention aux personnes les plus par des signes ou symptômes dans la vie
renoncements vulnérables », explique Pascal Haefliger, de la personne, ndlr). Autant d’éléments
La solution ? « Le développement de chef du secteur Prévention et promotion qui doivent être expliqués en toute trans-
stratégies nationales et une coordina- de la santé à la direction générale de la parence aux patients », insiste le spécia-
tion optimisée entre les acteurs de la santé du Canton de Genève. liste. Avec cette finalité : « Le médecin
santé publique : Promotion Santé Suisse, est l’expert des connaissances, mais
les Ligues de santé, les associations, Expert de ses valeurs le patient reste l’expert de ses propres
les communes, et bien sûr les cantons, Direction le cabinet médical. « 80 % de valeurs, insiste le Pr Jacques Cornuz,
à qui incombe la gestion des questions la population se rend au moins une fois directeur de la PMU. La santé publique
de santé », répond Andrea Arz de Falco, par an chez son médecin. C’est donc une doit tout mettre en œuvre pour optimiser
vice-directrice de l’OFSP. Et de citer les chance immense de sensibiliser une large la prévention à tous les niveaux, mais il
deux nouveaux projets issus de l’agenda franche de la population à la prévention, est clair que chacun reste libre de sa vie
Santé 2020 du Conseil fédéral : la stra- mais la limite est évidente : il faut que les et de ses choix. »
tégie nationale Prévention des mala- gens viennent ! Or bien souvent, ce sont
* Le projet de loi fédérale sur la prévention et la
dies non transmissibles et la stratégie les personnes qui en ont le plus besoin, promotion de la santé (loi sur la prévention, LPrév)
nationale Addictions. « Notre objectif aux conditions de vie périlleuses pour a été rejeté au Conseil des Etats en septembre 2012.
aujourd’hui n’est plus seulement de leur santé, qui sont les plus exclues des
combattre les facteurs de risque – tabac, radars du dépistage », rappelle le Dr Idris
plus d’articles sur planetesante.ch 9
Quels dépistages, à quel âge ?
A l’heure du dépistage, l’idée n’est pas de passer sous un scanner
des pieds à la tête chaque année. L’enjeu : faire « juste » ce qu’il faut
quand il faut en tenant compte de ses antécédents et en restant à
l’écoute de son corps. Le point avec le Pr Jacques Cornuz, directeur
de la Policlinique médicale universitaire de Lausanne.
A partir de 20 ans : on repère A partir de 50 ans :
les facteurs de risque on investigue dans le corps
Mesure de la pression artérielle. Deux mesures suc- Important : un entretien avec son médecin est nécessaire
cessives (espacées d’au moins une semaine) à plus avant tout dépistage pour en cerner les avantages et les
de 140/90 mm Hg orientent vers le diagnostic d’une inconvénients spécifiques.
hypertension artérielle. Si on la traque, c’est parce qu’elle
augmente le risque de maladies cardio-vasculaires. Dépistage du cancer colorectal. Il se fait au choix via
une coloscopie ou la recherche de sang dans les selles.
Frottis du col de l’utérus. L’objectif : repérer les anoma- Deux avantages pour le premier : suppression immé-
lies liées aux prémices ou à la présence d’un cancer du diate des polypes potentiellement cancéreux et, si tout
col de l’utérus. Recommandé chez les femmes tous les est normal, renouvellement tous les dix ans seulement.
trois ans environ (à condition que les deux à trois précé- La seconde option est à réitérer tous les deux ans.
dents aient été négatifs ; plus fréquemment dans le cas
contraire). Dépistage du cancer du sein. La mammographie est
conseillée aux femmes entre 50 et 70 ans (dès 40 ans
Focus sur les comportements délétères : sédentarité, en cas d’antécédents familiaux), à raison d’un examen
tabagisme, consommation excessive d’alcool, surpoids, tous les deux ans.
addictions.
Dépistage du cancer de la prostate. Les investigations
Vaccins à jour ? Une nouveauté : rappel de la diphtérie portent, via une prise de sang, sur le dosage du PSA
et du tétanos tous les 20 ans (et plus tous les 10 ans). (ou « Antigène spécifique de la prostate »), une protéine
dont le taux augmente en cas de tumeur. Concerne les
hommes entre 50 et 70 ans.
Dépistage d’ostéoporose. Densitométrie à envisager
chez les femmes vers 65 ans ou avant en cas de contexte
Entre 35 et 50 ans : on explore délétère pour les os : sédentarité, maigreur, tabagisme,
consommation excessive d’alcool, ménopause précoce.
les excès dans le sang
Dépistage d’anévrisme de l’aorte abdominale.
Taux de cholestérol et de triglycérides favorisant les
Préconisé chez les hommes fumeurs ou anciens fumeurs
maladies cardio-vasculaires. Prise de sang dès 35 ans
entre 65 et 75 ans. Une échographie permet de repérer
chez les hommes, vers 45 ans chez les femmes. Si les
un élargissement de l’aorte abdominale, prémices d’une
taux sont dans les normes, un contrôle tous les trois à
rupture d’anévrisme potentiellement fatale.
cinq ans suffit.
Taux de sucre dans le sang pour rechercher les signes
d’un diabète. Envisager un dosage à partir de 40 ans,
en particulier en cas de surcharge pondérale, d’hyperten-
sion artérielle ou de tabagisme, trois facteurs accentuant
les risques de diabète.
10 dossier planète santé – mars 2017
Prévention, mode d’emploi
L’idée de la prévention est, en fonction de l’âge, de repérer ce qui nous
prédispose à une possible maladie. Puis, plus tard dans la vie, d'aller
chercher les indices du développement éventuel de cette pathologie.
Et, une fois qu’elle a pu être prise en charge et soignée, éviter qu’elle
ne revienne. Les médecins parlent respectivement, pour ces trois étapes,
de prévention primaire, secondaire et tertiaire. Selon l’Organisation
mondiale de la santé (OMS), un mode de vie sain permet d’éviter ou
de retarder l’apparition des maladies non transmissibles (tels que cancer,
diabète, maladies cardio-vasculaires) dans plus de 50 % des cas. Dans
les faits, comment insuffler de la prévention dans sa vie ? L’affaire est plus
simple qu’il n’y paraît.
© iStock/TommLplus d’articles sur planetesante.ch 11
Repérer les Bouger Deux tournants
signes de Le plus important pour les bienfaits clés
sur la santé n’est pas de viser les Jeux
déséquilibre Olympiques, mais de tout faire chaque
Quand on parle de prévention, deux
étapes de la vie sont cruciales. Le virage
L’objectif : agir contre les maladies jour pour fuir la sédentarité. Prendre son
des 40 ans pour faire le point sur les fac-
cardio-vasculaires, le cancer, le diabète vélo et non le bus, garer sa voiture le
teurs de risques présents (et idéalement
et les maladies musculo-squelettiques, plus loin possible, prendre les escaliers
à combattre) et celui des 50 ans pour
dont l’apparition est souvent intime- plutôt que l’ascenseur : tous les pré-
déceler, notamment par le dépistage, les
ment liée à notre mode de vie. textes sont bons. En parallèle, pratiquer
prémices des pathologies, notamment
Les indices de nos mauvaises habitu- deux à trois fois par semaine une acti-
celles étant liées à ces mêmes facteurs
des : surpoids, taux de cholestérol, de vité physique de plus de trente minutes
de risque.
triglycérides et de sucre élevés dans le est l’idéal.
sang, hypertension artérielle.
Les ennemis à combattre : le manque
d’activité physique, le tabagisme, l’abus
d’alcool, la sédentarité, une alimenta- Pas de fatalité Choisir ses mets
tion déséquilibrée. En Suisse, le constat est sans appel :
Une étude menée aux Etats-Unis auprès
nous mangeons trop gras, trop sucré,
de plus de 55 685 personnes génétique-
trop salé, pas assez de fruits ni de
ment prédisposées à développer une
légumes. Rectifier le tir peut commen-
maladie cardio-vasculaire a de quoi
cer par préférer les repas simples aux
motiver : adopter un mode de vie sain a
plats industriels (souvent trop gras, trop
fait fondre de moitié leur risque de déve-
sucrés, trop salés) et se pencher plus
lopper une telle pathologie. Les compo-
souvent sur les étiquettes des aliments.
santes de cette vie plus saine énoncées
A traquer par exemple, deux ingrédients
dans l’étude ? Les mêmes que celles
qui ont réussi à inonder les aliments
conseillées dans les cabinets médicaux :
au détriment de notre santé : l’huile de
absence de tabagisme et d’obésité, acti-
palme et le sirop de glucose.
vité physique régulière et alimentation
saine et équilibrée.
Côté moral
Debout ! Souvent minimisés, masqués et intégrés
tant bien que mal au quotidien, dépres-
A noter cette ennemie sournoise : la
sion, schizophrénie, troubles anxieux,
position assise. Bureau, voiture ou trans-
etc., ne sont pas toujours affrontés
ports en commun, soirée télé ou ordi-
avec un arsenal médical suffisant. Un
nateur : notre quotidien nous expose
chiffre : les hommes, bien que deux fois
facilement à rester de longues heures
moins atteints par la dépression que les
assis et pourtant, notre corps le vit
femmes, se suicident quatre fois plus. La
comme une aberration. Ce défaut de nos
raison principale : le manque de dépis-
vies actuelles démultiplie les risques de
tage et donc l’absence de traitement.
développer maladies cardiaques, can-
Les conséquences de ces patholo-
cers, infections et maladies mentales.
gies psychiques sur la vie personnelle,
Alors l’idée est de prendre conscience
sociale et professionnelle peuvent pour-
de cette mauvaise habitude et de la limi-
tant devenir dramatiques. A l’instar du
ter autant que possible. Et ce d’autant
diabète ou du cancer, plus les maladies
plus que même l’activité physique ne
mentales sont prises en charge tôt, plus
permet pas de compenser à elle seule
grandes sont les chances de guérison.
ses méfaits.12 INTERVIEW planète santé – mars 2017
Dr Théodore Hovaguimian
« En proie à la dépression,
les hommes compensent
souvent par un excès de
virilité »
On savait la dépression personnelle, complexe, organique autant
que psychologique, on la découvre sexuée. Portrait de la dépression
masculine avec le Dr Théodore Hovaguimian, psychiatre et
psychothérapeute*.
PROPOS RECUEILLIS PAR Laetitia Grimaldi
Planète Santé : On parle de plus en plus s’ajouter des troubles de la concentra- Pourquoi les hommes passent-ils direc-
de dépression masculine. La dépression tion, du sommeil, une baisse de libido tement à des dépressions plus graves ?
se déclinerait-elle au masculin ou au et de l’appétit, des idées suicidaires. Le La question est en partie d’ordre sociolo-
féminin ? tableau obtenu en évaluant ces diverses gique. Tout porte à croire qu’aujourd’hui
Dr T. Hovaguimian : Absolument. On manifestations renseigne sur la sévérité encore la construction de la vie est plus
constate que la façon dont la dépression de la dépression : plus il y aura de symp- aisée pour les hommes, par exemple au
naît, se vit et s’affronte est souvent très tômes, plus elle sera marquée. niveau professionnel : moins de discri-
différente chez les hommes et chez les mination, de meilleurs salaires, moins
femmes. De façon générale, les femmes de tiraillement entre carrière et désir
souffrent plus souvent de dépression d’enfant… Mais également, entre autres,
légère ou modérée, les hommes passent moins de violences domestiques. Ce
directement aux formes graves de la “Les taux de contexte semble protéger, un temps, les
maladie. Les statistiques vont dans ce
sens : les hommes souffrent deux fois
suicide hommes de la dépression. Mais certains
moments de la vie sont plus périlleux.
moins souvent de dépression – environ chez les C’est là que peuvent ressurgir les trauma-
10 % chez les hommes, près de 20 %
chez les femmes – mais les taux de sui-
hommes sont tismes de l’enfance, qui ne sont d’ailleurs
pas vécus de la même manière chez les
cide sont, chez eux, quatre fois plus quatre fois garçons et chez les filles.
élevés.
plus élevés C’est-à-dire ?
Qu’est-ce qui permet de distinguer une que chez De façon schématique, une fille qui
dépression « légère » d’une dépression pleure va attiser l’aide et la compassion ;
« sévère » ? les femmes„ un garçon qui pleure, les coups et les
Le cœur d’une dépression est fait du moqueries. C’est dans ce contexte que
déclin de trois éléments : l’humeur, les garçons apprennent à autocensurer
l’énergie et l’intérêt. A ce noyau peuvent l’expression de leur tristesse.© REBECCA BOWRING
14 INTERVIEW planète santé – mars 2017
© REBECCA BOWRING
Le cap de la quarantaine reste-t-il le tous les domaines – travail, sport, sexua- éloignée de l’univers hypermasculin à
virage délicat ? lité – et se laissent aller à des excès d’au- la « John Wayne » vers une situation où
Oui, même si cela tend à devenir plus torité, des transgressions, des prises de les hommes doivent être dans l’émo-
précoce. A noter que ce n’est pas forcé- risque exagérées. Une femme déprimée tion, tout en restant forts et rassurants.
ment un coup dur qui va déclencher cette aspire à se sentir aimée, un homme Et surtout sans empiéter sur le terrain
dépression mais plutôt une prise de dis- déprimé, à se faire respecter. Leur objec- des femmes qui souhaitent elles aussi
tance des hommes sur leur vie. Certains tif : donner le change. « aller au front ». Pour elles, l’enjeu est
pourront par exemple ressentir qu’ils ont de manier la carte de la féminité et du
rempli le contrat : carrière profession- Et cela fonctionne-t-il longtemps ? pouvoir en même temps. En somme, les
nelle, mariage, enfants… mais en passant Au début, oui. Et puis les conflits se mul- nouveaux codes n’ont pas remplacé les
à côté de leurs aspirations profondes. tiplient, l’alcool apparaît pour combattre anciens, mais se sont superposés à eux.
le stress, l’insomnie s’installe. Tout cela Ce qui crée une génération en manque
Comment la dépression va-t-elle dans le déni et jusqu’à l’épuisement. de repères, et des dépressions qui com-
s’exprimer ? Le principal danger est le passage à mencent plus tôt.
L’un des faits les plus spectaculaires l’acte suicidaire si rien ne vient stopper
est la façon dont la baisse de l’humeur l’escalade. Pour autant, a-t-on des raisons d’être
propre à la dépression se traduit. Chez optimiste sur la prise en charge de
les femmes, la tristesse va oser s’expri- Ces différences hommes/femmes sont- la dépression, en particulier chez les
mer, par des mots, des larmes. On parle elles toujours aussi tranchées ? hommes ?
de « dépression chaude ». A l’opposé, les Bien sûr, certains hommes font des Oui, grâce à un grand changement :
hommes vont se sentir envahis d’un vide dépressions « féminines » et inversement. tout le monde, ou presque, recon-
affectif – l’impression de ne plus rien res- Mais ce n’est de loin pas une majorité. naît aujourd’hui que la dépression est
sentir – et devenir irritables. On ne dira Les raisons qui sous-tendent, depuis l’en- une maladie à part entière, et pas une
pas d’eux qu’ils sont tristes, mais de sale fance, ces réactions masculines ou fémi- marque de lâcheté ou une faiblesse de
humeur. C’est le début de l’engrenage. nines restent très ancrées. l’âme comme on l’a longtemps entendu.
J’ai bon espoir que cette approche plus
Comment cela évolue-t-il ? Ces constats n’évoluent-ils pas avec le pragmatique va aider les hommes à
En proie à la dépression et à un senti- temps ? consulter plus facilement. ●
ment de faiblesse, les hommes com- Si, mais pas forcément que dans le bon
* Auteur du livre La dépression masculine. Comprendre
pensent souvent par un excès de virilité. sens. La nouvelle génération est dans et faire face, en coll. avec Philippe Barraud,
Ils deviennent impulsifs, hyperactifs dans une période de transition. Elle s’est Ed. Médecine et Hygiène, 2013.10CAsNsjY0MDCx1LUwMDY0MgMAPxLNaA8AAAA=
10CFXLoQ6AMAxF0S_q8tptXUslmVsQBD9D0Py_IuAQ1507RtSEr7VvR9-DgeJkyCwaVTW5OEernNjgLSBiAm4LvCgjI_8WYpgqMF9DEBKbcCqVRKcXT_d5PYWiUFh1AAAA
Pour allier plaisir et bien-être.
Depuis plus de dix ans, Coop s’engage activement pour faciliter la vie aux personnes souf-
frant d’une intolérance alimentaire et leur permettre de se faire plaisir sans craindre d’effets
secondaires.
En plus d’offrir le plus vaste choix de produits spéciaux du commerce de détail suisse, Coop
propose également de multiples services aux personnes souffrant d’une intolérance alimentaire.
Pour en savoir plus: coop.ch/freefrom16 AUTOMÉDICATION planète santé – mars 2017 Pas de compléments alimentaires sans avis médical Consommer des compléments alimentaires présente-t-il des bénéfices ? « Clairement pas, sauf s’il existe une indication précise », répond le Pr Daniel Teta, médecin chef du service de néphrologie à l’hôpital du Valais. Cela peut même comporter des risques sérieux pour la santé, raison pour laquelle un avis médical est nécessaire en cas de consommation prolongée. PROPOS RECUEILLIS PAR Patricia Bernheim © iStock/gregory_lee
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Qu’entend-on exactement par complé- peu sur le sujet, puisque les effets consomment des suppléments sans en
ments alimentaires ? indésirables des compléments ne sont discuter au préalable avec leur médecin
Cela concerne toute une panoplie de pas enregistrés de façon systématique de famille. Or, si ces personnes ont une
produits pour le bien-être et la santé qui dans la grande majorité des pays. Mais maladie silencieuse – par exemple mala-
complètent l’alimentation, à savoir les les Etats-Unis, qui ont mis en place un die rénale, diabète – non diagnostiquée,
minéraux, les vitamines, les oligo-élé- registre, signalent des centaines de cas certains composants de ces produits
ments, les oméga 3, les suppléments de complications sérieuses mises en rela- peuvent entraîner une toxicité grave.
protéiques et les extraits de plantes
(phytothérapie).
Dans quel cadre sont-ils prescrits ?
Il faut au préalable préciser qu’il n’y a Toxicité : l’exemple identique à celui contenu dans les
aucune raison d’en prescrire à une per- médicaments ! La différence réside
du riz rouge dans le dosage : le riz rouge contient
sonne en bonne santé qui a une ali-
Il y a plusieurs années, une étude ini- une quantité nettement moins élevée
mentation équilibrée. La plupart des
tiale avait montré que les levures de de statines que les médicaments,
consommateurs de compléments ali-
riz rouge faisaient significativement mais le taux est variable selon la pré-
mentaires prennent ces compléments baisser le taux de LDL-cholestérol paration. Si le dosage est élevé, il y a
en auto-prescription. Les prescriptions (mauvais cholestérol), suggérant que un effet hypocholestérolémiant signi-
concernent certaines populations à le riz rouge pouvait remplacer les sta- ficatif mais aussi un risque d’atteinte
risque bien connues. tines pour cette indication. Le marché des fonctions musculaires et hépa-
propose maintenant des comprimés tiques. Si le dosage est faible, l’effet
Quelles sont ces populations à risque ? de levures de riz rouge en vente libre hypocholestérolémiant est nul et les
Les femmes enceintes ont besoin par et cette consommation est devenue risques également.
exemple d’un supplément en acide très populaire. Ainsi, en achetant des comprimés de
folique pour prévenir des malformations Il est connu que les statines peuvent riz rouge et en supprimant les sta-
provoquer des effets secondaires tines, les consommateurs s’exposent
du tube neural du fœtus. Les femmes
importants tels que des douleurs non seulement au risque d’effets
qui allaitent peuvent être sujettes à une
musculaires et des hépatites médica- indésirables des statines, mais
supplémentation en vitamine D, en cas menteuses, ce qui a renforcé l’attrait également aux complications de l’hy-
de carence ou de façon systématique du grand public pour les levures de percholestérolémie, par exemple un
(recommandée selon les pays). Une pres- riz rouge. Or, celles-ci contiennent de infarctus du myocarde ou un accident
cription de calcium peut être envisagée la monacoline K qui est une statine vasculaire cérébral.
chez un enfant qui en consomme peu, (lovastatine), dont le principe actif est
par exemple à cause d’une intolérance
au lactose. On peut aussi citer les per-
sonnes âgées, dont les apports alimen-
taires sont souvent insuffisants, certains
végétariens, les patients atteints d’une
maladie chronique grave (rénale-diges- tion avec la consommation de complé- Vos recommandations ?
tive ou autre), les sujets qui viennent de ments alimentaires. En Europe, des cas La situation est claire : il y a des indica-
subir une grosse opération ou qui sortent sporadiques graves ont également été tions précises pour les compléments ali-
d’une maladie aiguë grave ou d’une rapportés. mentaires. Les individus en bonne santé
longue hospitalisation. Quelle que soit avec une alimentation équilibrée n’en
la situation, une prescription n’est faite A quoi ces risques sont-ils liés ? ont pas besoin. Il est donc conseillé,
qu’après une évaluation clinique et bio- En premier lieu, au manque de régu- avant de consommer des compléments
logique (prise de sang) détaillée. lation sur la mise en circulation de ces alimentaires de façon régulière, d’en par-
produits, qui ne font pas l’objet d’études ler avec son médecin, de faire des tests
Y a-t-il des risques à s’auto- rigoureuses évaluant les bénéfices et la sanguins et urinaires de façon à dépis-
complémenter ? toxicité des compléments alimentaires, ter d’éventuelles déficiences, et d’iden-
Les gens qui puisent aveuglément dans en particulier les préparations multiples tifier d’éventuelles contre-indications.
cette gamme de produits le font pour leur (plusieurs composés dans une même En résumé, il faut établir dans chaque
bien-être et ne sont pas conscients que préparation) qui représentent une majo- cas la balance entre les bénéfices et les
leur utilisation prolongée peut effective- rité des compléments alimentaires. risques qu’un complément alimentaire
ment comporter des risques pour leur L’autre problème est lié aux personnes peut entraîner. ●
santé. La littérature médicale renseigne qui se sentent en bonne santé et qui18 SENS planète santé – mars 2017 Troubles de l’équilibre : un problème largement méconnu Très handicapants, les troubles de la fonction vestibulaire – fonction d’équilibre de l’oreille –, ne sont souvent diagnostiqués qu’au bout de plusieurs années, faute d’être connus des patients et des médecins. L’éclairage du Pr Jean-Philippe Guyot, médecin-chef du service ORL des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). TEXTE Patricia Bernheim © Getty/Klaus Vedfelt
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Dernières découvertes
Le Système auditif Si vous souffrez de troubles de
l’équilibre, il vaut la peine de tester
Marteau Enclume Nerf vestibulaire Nerf auditif la fonction vestibulaire de l’oreille.
Ces cinq dernières années,
d’énormes progrès ont été
accomplis. On a ainsi découvert
que, de la même manière
Pavillon qu’on peut perdre la vision ou
Nerf
cochléaire l’audition, on peut également
connaître des pertes partielles
de la fonction vestibulaire qui
Conduit auditif
Cochlée peuvent aller jusqu’au déficit
vestibulaire bilatéral. Désormais,
les cinq organelles des deux
Trompe d’Eustache
Etrier oreilles, qui nous renseignent sur
notre position dans l’espace et
Tympan Vestibule nos mouvements, peuvent être
testées. Dans certains cas, rares,
l’organelle coupable peut être
sectionnée chirurgicalement.
I
l est communément admis que nous Grande variété de manifestations Il n’existe actuellement pas de traite-
disposons de cinq sens, mais pour le Le vertige est protéiforme, ce qui le rend ments médicamenteux pour les affec-
Pr Jean-Philippe Guyot, nous en avons difficile à diagnostiquer. A cela s’ajoute la tions de l’oreille interne. On peut en
clairement un sixième, la fonction ves- difficulté, pour les patients, de décrire les revanche corriger certains troubles grâce
tibulaire. Largement méconnue, elle troubles d’un sens dont ils ignorent tout. à une physiothérapie vestibulaire et jouer
influence quantité de systèmes dans tout « Ils disent que ça tourne, que ça bouge, sur les capacités adaptatives du système
le cerveau. « Si l’on peut maintenir une qu’ils ont un sentiment de flotter, de nerveux central.
posture ou la stabilité de notre vision sur tomber, de marcher comme un ivrogne.
un objet et s’orienter dans l’espace, c’est Ils ont face à eux un corps médical qui Traitement : un avenir prometteur
parce que ce sens est intact. C’est lors- dispose d’un catalogue de troubles bien Un nouveau traitement actuellement en
qu’on est atteint d’un trouble vestibulaire définis du type "Lorsqu’on ne voit rien, phase de test s’annonce en revanche très
qu’on réalise à quel point celui-ci mérite on est aveugle" et qui pense que seule prometteur dans les situations où le défi-
l’appellation de sixième sens ». la description d’un mouvement de cit vestibulaire est bilatéral. Associé à des
Lorsqu’on lui demande de définir le rotation correspond à un "vrai" vertige. recherches sur l’animal menées à Boston,
trouble de l’équilibre, le Pr Guyot com- Le problème avec le déficit vestibulaire, le Pr Guyot et son équipe ont développé
mence par préciser qu’« on ne tient pas c’est donc avant tout une question de une neuro-prothèse faite de capteurs de
en équilibre, on ne fait que lutter contre vocabulaire qui manque aux patients mouvements couplés à un processeur
la chute ». Pour gérer la situation, notre comme aux médecins pour définir les électronique. Elle envoie l’information au
cerveau tient compte de plusieurs para- troubles. » cerveau par des électrodes implantées
mètres : la proprioception, la vision La conséquence de cette méconnaissance, dans le nerf vestibulaire, sur le même
centrale et périphérique et le système ves- c’est que, selon une étude réalisée à modèle que l’implant cochléaire. Grâce
tibulaire de l’oreille interne. Quand toutes Genève, les patients peuvent consulter au développement d’une nouvelle
les informations sont concordantes, on se jusqu’à sept ou huit médecins géné- technique chirurgicale, cette oreille
sent bien dans ses baskets. A contrario, ralistes et spécialistes différents et qu’il artificielle est en phase de test sur treize
lorsqu’il y a une soudaine discordance s’écoule en moyenne trois ans avant la personnes depuis 2007, ce qui fait de
entre les informations, on se sent à côté pose d’un diagnostic. « La plupart des Genève le leader mondial. « Les pre-
de ses pompes. « Mais heureusement, le oto-rhino-laryngologues ne sont que peu miers résultats montrent que toutes les
cerveau est adaptatif et peut gérer cer- ou pas sensibilisés à ce trouble et testent fonctions peuvent être restituées ». Le
taines discordances, sinon personne ne donc peu la fonction vestibulaire », professeur et son équipe espèrent que
pourrait se tenir sur un bateau qui tangue poursuit le spécialiste. l’application clinique pourra débuter
sans se sentir très mal ». d’ici trois à quatre ans. ●20 MATERNITÉ planète santé – mars 2017
Prendre soin de soi pendant
la grossesse
Vivre une grossesse harmonieuse est le souhait de toutes. Si on ne
peut pas en maîtriser tous les paramètres, on sait qu’une hygiène de
vie saine est une façon de mettre toutes les chances de son côté. Les
conseils d’Elodie Lavigne, auteure du livre J’ai envie de comprendre…
Ma grossesse*.
ADAPTATION Joanna Szymanski
© iStock/federicomarsicano
Continuer à pratiquer
une activité physique est
bénéfique pour la grossesse
et l'accouchement.plus d’articles sur planetesante.ch 21
Arrêter de fumer
La santé des dents bouche peuvent mettre en danger
La grossesse est une excellente opportu- l’enfant à naître. Mieux vaut donc
avant et pendant prévenir et prendre soin de ses
nité pour arrêter de fumer. Pour un tiers
des femmes, c’est même une grande
la grossesse dents avant de tomber enceinte.
Un nettoyage auprès d’un hygiéniste
source de motivation. Pourtant, deux tiers
L’hygiène bucco-dentaire est dentaire ainsi qu’un contrôle de
d’entre elles continuent à fumer durant
particulièrement importante chez la santé des dents sont fortement
leur grossesse.
les femmes en désir d’enfant. recommandés avant la grossesse.
Les complications redoutées durant cette D’une part parce que les possibilités Durant la grossesse, il est indis-
période sont surtout dues au monoxyde de traitement durant la grossesse pensable de lutter contre la plaque
de carbone et aux métaux lourds pré- sont limitées et que des radiogra- dentaire et de veiller à un apport en
sents dans le tabac, responsables d’une phies sont parfois nécessaires. fluor suffisant pour prévenir les caries
hypoxie (diminution de la concentration D’autre part car les infections de la et les gingivites.
d'oxygène dans le sang), deux fois plus
élevée chez le fœtus que chez la mère.
Les méfaits du tabagisme maternel
durant la grossesse sont nombreux : gros-
sesse extra-utérine, fausse couche spon- maternel et présence de nicotine dans internationales sont de renoncer complè-
tanée, saignements inopinés, problèmes celui-ci, augmentation du risque de mort tement à l’alcool durant cette période.
placentaires, rupture prématurée des subite du nourrisson, augmentation de Pourquoi ? D’abord parce que l’éthanol
membranes ou accouchement préma- certaines malformations chez le bébé passe rapidement du sang de la mère
turé, retard de croissance intra-utérin (fentes labiales et du palais, etc.). à celui de l’enfant à travers le placenta.
avec un plus faible poids à la naissance Le risque de complications augmente Or une exposition excessive, qu’elle soit
(les bébés de mères fumeuses pèsent en avec le niveau de consommation chronique ou occasionnelle, entraîne des
moyenne 200 grammes de moins que quotidienne. dommages neurologiques, organiques et
ceux des non-fumeuses), hémorragies à psychosociaux chez l’enfant, allant de
l’accouchement, augmentation des com- Comment arrêter ? simples troubles à de graves malforma-
plications pour le bébé à l’accouche- Même si la grossesse est en cours, il n’est tions, voire à la mort in utero. Les consé-
ment, diminution de la quantité de lait jamais trop tard pour arrêter de fumer. quences sur le développement de l’enfant
Mais le tabac est une drogue dure et la dépendent du degré, de la quantité et du
volonté est souvent insuffisante. Le sou- moment de la grossesse où l’alcoolisa-
tien, même bref, d’un professionnel aug- tion a lieu. Par exemple, une consomma-
La cigarette mente les chances de réussite et est donc tion jusqu’à la 14e semaine de grossesse
électronique est- vivement conseillé. Si le degré de dépen- perturbe gravement la formation des cel-
elle une alternative dance est important, on peut recourir aux lules et des organes. Passé ce stade, on
concevable ? substituts nicotiniques à courte durée redoute des lésions sur le système ner-
d’action (gomme, pastille, spray buccal, veux central et sur le cerveau qui se déve-
Il n’existe pas d’études sur le inhalateur) pour diminuer les symptômes loppe tout au long de la gestation.
vapotage durant la grossesse, de sevrage et faciliter l’arrêt. La sécurité En cas de consommation problématique,
mais la composition des ciga- de ces produits n’est certes pas absolue, n’hésitez pas à vous adresser à des pro-
rettes électroniques (avec mais ils sont très largement plus sûrs que fessionnels (gynécologue, médecin de
nicotine) laisse penser qu'elles le tabac. En revanche, les médicaments famille, sage-femme, service spécialisé
sont une alternative beaucoup
tels que Champix® ou Zyban®, délivrés en alcoologie, etc.) pour obtenir de l’aide
moins nocive que la poursuite du
sur ordonnance pour l’aide au sevrage ou du soutien.
tabagisme. La cigarette électro-
nique peut donc constituer une
tabagique, ne sont pas recommandés
option pour les femmes qui ne durant la grossesse.
peuvent ou ne veulent pas arrêter Garder la forme
de fumer. Néanmoins, son effica-
cité n’a pas encore été démontrée Se passer d’alcool Une activité physique régulière est excel-
scientifiquement pour l’arrêt du lente pour la santé, également lorsqu’on
tabagisme. Elle semble être une En Suisse, un nourrisson sur cent souffre est enceinte. Continuez donc à bouger
aide à court terme pour réduire la de conséquences liées à la consomma- régulièrement, malgré les changements
consommation de tabac. tion d’alcool de sa mère durant la gros- du corps et la prise de poids. Bien que
sesse. Aujourd’hui, les recommandations de nombreux facteurs entrent en jeu,22 MATERNITÉ planète santé – mars 2017
une bonne forme physique ne peut être apparaissent, comme des besoins d’uri-
que bénéfique pour l’accouchement, une ner plus fréquents qui multiplient les
épreuve qui demande beaucoup d’éner- réveils nocturnes. Les changements de Repères pour une
gie et de résistance. la silhouette peuvent gêner les habitu- alimentation équilibrée
Pour se dépenser, on peut simplement des d’endormissement. La prise de poids durant la grossesse
continuer à pratiquer son activité phy- elle-même favorise les ronflements et les
sique habituelle, l’important étant de apnées du sommeil. Or, bien que cela • La règle des « 5 par jour » :
rester à l’écoute de son corps et de ses soit peu connu, les troubles respiratoires au minimum 2 portions de
sensations. Mieux vaut éviter de se lan- sont un facteur de risque de pré-éclamp- fruits et 3 de légumes par jour
cer dans des défis sportifs inédits. Les sie. Dormir sur le côté ou la tête légère- (une portion = une poignée
sports doux (marche, yoga, Pilates, nata- ment surélevée peut alors diminuer les ou 120 grammes).
tion, etc.) sont à privilégier, tandis qu’il ronflements et les risques associés. Les
convient d’éviter les sports de contact crampes peuvent aussi être plus fré- • Des produits céréaliers
(à base de céréales complètes
(arts martiaux, boxe, basket, par ex.) et quentes durant la grossesse et provoquer
de préférence), pommes de
ceux qui sollicitent les ligaments (risque des réveils impromptus. Enfin, la gros-
terre et légumineuses 3 à 4 fois
plus grand d’entorses et de luxation sesse peut aussi être un facteur déclen- par jour.
durant la grossesse) ou l’équilibre (ski, cheur ou aggravant du syndrome des
vélo, etc.) en raison des risques de chute. jambes sans repos. • 3 à 4 portions de lait ou
Si la qualité de votre sommeil change de de produits laitiers (fromage,
manière importante durant votre gros- yogourt, etc.) par jour.
sesse, parlez-en à votre médecin afin
d'éviter que les troubles ne deviennent • 1 portion de protéines (viande,
Faire de la gymnastique
chroniques. En effet, une diminution de poisson, œufs, tofu, etc.) par
prénatale ? jour.
la qualité et de la quantité de sommeil
Les cours de gymnastique augmente les risques de diabète, d’hy-
prénatale sont très en vogue. • Des huiles et graisses végé-
pertension et de dépression. Il existe
Ils favorisent le plaisir de bou- tales de qualité supérieure,
aussi un lien entre une dette de sommeil mais avec modération.
ger, permettent de prendre
et un faible poids de naissance, la pré-
conscience de son corps – de
maturité ainsi qu’une augmentation de la • 1,5 à 2 litres de liquide par jour.
ses zones les plus intimes – et
d’entretenir des liens sociaux. En durée de l’accouchement.
ce sens, ils sont très utiles, mais • Café et thé avec modération.
ils ne sont pas « obligatoires ».
Tout dépend des besoins, de son Manger équilibré • Sucreries, biscuits salés
confort personnel, de la prise de et boissons sucrées avec
poids, ou des moyens financiers. Veiller à son alimentation prend d’autant modération.
Certains cours sont axés sur la plus de sens quand la santé de son futur
musculation du périnée en vue enfant est en jeu. Manger sainement, Plus d’informations sur le site
de l’accouchement. Toutefois, le de la Société suisse de nutrition
préserver la santé de son bébé en évitant (www.sge-ssn.ch)
périnée ayant une grande plasti-
certains aliments et maîtriser la prise de
cité, favorisée par les hormones
poids font ainsi partie des préoccupa-
de grossesse, il n’y a pas de
nécessité, démontrée scienti- tions des femmes enceintes.
fiquement, à s’astreindre à une Une alimentation équilibrée consiste
préparation physique particulière. à manger diversifié, éviter les excès
de sucre, de graisse, et de protéines, et partie. Les aliments ingérés sont méta-
faire la part belle aux fruits et légumes. bolisés par l’organisme puis parviennent
Lorsqu’on projette une grossesse, il jusqu’à lui. On sait par exemple que cer-
est recommandé de surveiller déjà ses taines pathologies comme une hypercho-
Bien dormir apports, afin d’avoir des réserves suf- lestérolémie ou une obésité augmentent
fisantes en vitamines, en fer ou encore le risque de complications (hypertension
Le sommeil de la femme enceinte est sou- en acide folique. De même, on évitera ou pré-éclampsie) durant la grossesse.
vent fragilisé. Indépendamment du stress autant que possible d’être en surpoids. Toutefois, le souci de l’hygiène de vie
en général, plusieurs facteurs peuvent Une fois la grossesse en cours, l’hygiène de même que la question de la prise de
gêner le repos. C’est souvent durant les de vie est d’autant plus importante que poids ne doivent pas devenir une dicta-
deux derniers trimestres que les troubles la santé du bébé en dépend en grande ture. Le plaisir, à table, est important !Vous pouvez aussi lire
