Les futurs du métro Vus par SYSTRA et Usbek & Rica - MobiliseYourCity
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Édito Prochain arrêt : le présent Le métro dépasse son siècle et demi d’existence en 2020. SYSTRA ayant contribué à mettre sur les rails la moitié des métros automatiques en circulation dans le monde, nous avons vu dans cet anniversaire l’occasion d’une pause et d’une prise de hauteur. C’est avec cette ambition en tête que nous avons imaginé et conçu ce cahier : pour retracer les évolutions successives du métro et envisager les possi- bilités offertes par les prochaines décennies. Mais se lancer dans la prospective en pleine pandémie, quelle aventure ! Indépendamment de notre volonté, la ré- daction de cet ouvrage se sera ainsi faite à cheval sur deux mondes : celui de l’avant-covid-19 et celui que l’on sur- nomme dorénavant « le monde d’après ». Comment produire un écrit pérenne dans une période aussi incertaine ? Comment envisager le futur du transport en commun quand la distanciation physique devient la nouvelle norme ? Mais c’est peut-être son contexte qui fera la force de ce docu- ment. Ce cahier – à l’image de son objet, le métro – a été pensé pour s’adapter à toute situation et pour encaisser tout type de futur. Pour se plier à la réalité, sans jamais rompre. Et puis, n’est-ce pas quand tout vacille que l’on distingue le mieux les éléments les plus stables ? Partout, la crise a fait l’effet d’un révélateur en braquant ses projecteurs sur les fonctions vitales de nos sociétés : soigner, se nourrir, édu- quer. Mais aussi se réunir. 3
Édito Sommaire En contraignant la moitié de la planète au confinement, la crise a rappelé l’extrême mobilité de nos quotidiens profes- Des chiffres Une brève histoire sionnels et personnels. En nous privant momentanément qui parlent du métro de leur usage, elle a fait la preuve, en creux, de l’importance p. 7 p. 8 des transports en commun dans le vivre-ensemble. Car le métro appartient à l’infra-ordinaire, à « ce qui se passe chaque jour et qui revient chaque jour, le banal, le quotidien, l’évident, le commun, l’ordinaire, l’infra-ordinaire, le bruit de fond, l’habi- tuel », comme disait l’écrivain français Georges Perec. Demain, quand le métro aura repris pleinement sa course coutumière, nous nous émerveillerons peut-être de cette Itinéraire machine robuste et résistante, fluide et sans friction. Nous à ciel ouvert réaliserons peut-être brièvement tout ce qu’elle a d’inno- p. 10 vant, avant de la réintégrer au familier, jusqu’à oublier sa présence. Mais d’ici là, et à partir de maintenant, le métro va Le métro, entre devoir apprendre à vivre dans un monde marqué par des crises et crises de plus en plus fortes et répétées. Il va devoir s’habi- opportunités Rencontre tuer à réagir à celles-ci, mais aussi à y apporter des réponses. p. 12 avec Il va enfin devoir affirmer sa place au sein d’un écosystème et, pourquoi pas, contribuer à structurer la collaboration Philippe Rahm des uns avec les autres. De cette manière, il pourra conti- p. 16 nuer ce qu’il sait faire de mieux : être la colonne vertébrale de nos quotidiens, assez rigide pour construire le vivre-en- semble, mais aussi assez souple pour se plier à tous les fu- turs possibles. Un métro virtuel au service du réel • Le métro dans p. 18 Pierre Verzat, sa beauté Président du directoire ordinaire de SYSTRA p. 20 Jérôme Ruskin, Directeur général d’Usbek & Rica Les questions qui tuent p. 24 Métro en 2035 : trois scénarios pour une Le métro station du futur dans la SF p. 26 p. 28 4 5
Numérologie Éclairages Des chiffres qui parlent Familier et quotidien, le métro recèle pourtant de nombreux secrets. Petit tour d’horizon en quelques chiffres de ses prouesses discrètes et de ses exploits grand format. 1863 C’est la date de la première sortie 14 000 km C’est la longueur totale de l’ensemble des lignes de métro dans le monde. 90 sur 100 40 de The London Underground qui devient le 1er métro au monde. Un vrai « Tube » planétaire. C’est le nombre de stations de métro de Stockholm qui sont habillées d’œuvres. Ce travail, mené par 25 à 40 150 artistes, a commencé dès 1950. km / h C’est la vitesse moyenne à laquelle le métro transporte ses passagers. Une célérité bien supérieure à celle de la voiture dans les plus grandes agglomérations mondiales (13 km/h à Paris, 16 km/h à Londres). ans 3,64 C’est la durée de vie technique moyenne d’une rame de métro. Soit presque 4 fois plus que la durée de vie moyenne d’une millions La station la plus fréquentée au monde, celle de Shinjuku (Tokyo), voit défiler voiture en Europe (11 ans). 3,64 millions de passagers chaque jour, soit l’équivalent de la population entière 180 105 sur 2 de l’Uruguay. 1 métro villes mètres Environ 180 villes au monde ont leur réseau de métro. Cela représente C’est la profondeur de la station Arsenalna, SYSTRA a contribué au développement de la moitié des métros automatiques en circulation en tout plus de 11 000 stations. la plus insondable du monde, à Kiev. dans le monde. 7
Éclairages Éclairages Une brève histoire 1906 avec son projet de Véhicule Automatique Léger circulant sur ses lignes 1 et 2 sans conducteur. L’Allemagne ne tardera pas à suivre dès 1984 avec deux lignes du métro de Nuremberg, suivie Signalisation du métro par le Canada et Vancouver. Encore assez spora- Aux États-Unis, le système de signalisation Hall dique dans les années 1990, le phénomène par « sémaphores » est largement utilisé dès la fin s’étend à toute la planète dans les années 2000 TEXTE du xixe siècle. Adopté par la France, il est rapide- avec des villes comme Budapest, Barcelone, Sao Éric Senabre ment remplacé par un dispositif électrique auto- Paulo, Dubaï… et amène à l’automatisation de matique dès 1906. Il faudra attendre les années lignes existantes (Paris ligne 1 en 2013). 1960 pour que l’électronique et l’informatique, Le métro fait à ce point partie du quotidien des grandes villes qu’on se encore balbutiantes, prennent le relais. Le métro le donne pour acquis. Pourtant, son histoire est déjà longue, et jalonnée d'innovations, dont on ne mesure plus l’aspect révolutionnaire. bénéficie aujourd’hui d’une signalisation dont la complexité et l’efficacité n’ont rien à envier à celles 2003 des grandes lignes de chemin de fer. Adieu le ticket ? 1952 - 1956 La Oyster Card londonienne voit le jour en l’électricité qui s’impose devant des alternatives 2003. Fonctionnant sur le principe de la techno- 1863 parfois étonnantes (coussin d’eau, plan incliné, propulsion pneumatique, etc.). Trois sociétés indé- logie RFID, elle simplifie grandement les tran- sactions billettiques, tant pour l’opérateur que pendantes se chargent de fournir l’électricité, en Articulation et pneus pour le passager. La carte Navigo parisienne Succès instantané attendant qu’une usine de production dédiée soit Pour répondre aux besoins importants durant les existait déjà sous une forme « expérimentale », Si l’histoire du métro commence dès la deuxième terminée, quai de la Râpée. Indépendamment du heures de pointe, Paris se dote en 1952 de son mais ce n’est qu’entre 2005 et 2006 que son moitié du xixe siècle, elle s’est bâtie sur des impé- confort qu’elle apporte aux voyageurs et de la ré- « matériel articulé » (ou MA 1951). Techniquement usage s’est généralisé. Aujourd’hui, alors que ratifs encore valables aujourd’hui. Ainsi, quand le ponse donnée aux difficultés d’avitaillement, plus abouti que les anciennes Sprague-Thomson, certains smartphones permettent déjà de jouer chantier du métro londonien débute, pour une l’électricité rend pérenne l’idée d’un réseau sou- il permet de coupler des éléments de trois voi- le rôle de « super-tickets », des solutions applica- inauguration le 10 janvier 1863, c’est avant tout terrain, alors que d’autres villes ont fait le pari de la tures par deux ou par trois selon l’affluence, mon- tives/matérielles plus universelles sont à l’étude. pour soulager la congestion en surface. Pas de surface. trant une réelle volonté de s’adapter à l’intensité voitures à moteur en ce temps, certes, mais la cir- des flux de voyageurs. Toutefois, le succès est culation « hippomobile », dans une ville qui comp- mitigé, et la RATP concentre donc ses efforts sur 2010 - 2020 tait déjà plus d’habitants que Paris intra-muros aujourd’hui, posait strictement les mêmes soucis 1903 le « matériel sur pneus » (MP). Les rames sur pneu autorisent des freinages et des accélérations d’engorgement... et même de pollution (le crottin beaucoup plus forts, ce qui a pour conséquence Expérience voyageur et développement durable de cheval était considéré comme un fléau). La sécurité en question de réduire l’intervalle entre deux trains. Une Dès la fin des années 2000, le métro mise à la fois Mission accomplie, avec 30 000 passagers trans- En 1903, une rame prend feu au niveau de la sta- autre façon de régler le problème de l’affluence, sur un confort accru pour ses passagers et l’écolo- portés entre la gare de Paddington et Farringdon tion Ménilmontant, à Paris. Les fumées dégagées sans même parler de la disparition des crisse- gie. Le wi-fi fait petit à petit son apparition dans dès la première journée d’exploitation. asphyxient 84 passagers sur le quai de la station ments, pas toujours agréables pour les usagers. les rames (dès 2009 pour le métro de Séoul), tan- Couronnes. Les deux responsables de cette catas- dis que la 4G se déploie dans le métro (à Singapour, 1980 - 2000 trophe sont, d’une part, le bois utilisé dans la 4G et Wi-Fi couvrent l’ensemble du réseau). En 1890 conception des caisses et, d’autre part, l’absence de sorties alternatives au niveau des stations. On Asie, le paiement sans contact s’accélère, hébergé sur des applications mobiles. Dès 2017, la ligne abandonne donc le bois pour le métal. Cela donne- S1 du métro de Beijing se dote de trains à susten- L’électrification ra naissance à la mythique Sprague-Thomson, en Pilotage automatique tation magnétique. Dans le même temps, d’autres Jusqu’en 1890, le métro londonien fonctionne à la 1908, dont le modèle restera en service jusqu’en Avec la ligne Nankô Port Town, la ville d'Osaka, villes passent au vert. À Lausanne ou à Toronto (la vapeur. Malgré la rapidité avec laquelle cette solu- 1983 ! Et bien entendu, les stations se mettent à la dès 1981, introduit le monde entier au concept station Victoria Park), la végétalisation extérieure tion s’impose (40 millions de voyageurs par an dès page pour la sécurité de toutes et tous. de métro automatique. Deux ans plus tard, la ville des stations, façon canopée, bat son plein. Et à 1880), on imagine sans peine les désagréments de Lille va plus loin encore dans l'automatisation l’intérieur ? À Paris, la station Gare de Lyon de la engendrés par cette énergie dans un espace cou- Air comprimé Stations fantômes ligne 14 a déjà ouvert la voie. Et si la tentative vert. Aussi, plutôt que de recourir à la traction par Après l’ouverture du métro de Londres, il a rapidement été établi que le charbon Le métro de Paris comporte pas moins de 16 stations fantômes. Si certaines chinoise de végétaliser la rame elle-même à câble retenue par le métro de New York, Londres et la vapeur ne pourraient pas être des solutions sur le long terme. Pourtant, ont en réalité fusionné avec la station voisine (comme Martin Nadaud avec Hangzhou, en 2016, aura été de avant que l’on ne se fixe sur l’électricité, un certain nombre de projets ont vu le Gambetta), et demeurent de facto accessibles sous une forme différente, préfère l’électricité, plus moderne et véritable star courte durée, elle montrait néan- jour. Parmi les alternatives : l’air comprimé. Si des moteurs à air comprimé ont bel d’autres sont purement et simplement abandonnées (comme la fantomatique de l’Exposition universelle de 1881, devançant et bien été mis en service (sur les tramways nantais jusqu’à la fin de la Première station Saint-Martin de la ligne 9, dont on distingue encore le quai quand on moins le cap que le métro s’effor- ainsi le chemin de fer classique de 3 ans. Quand Guerre mondiale, notamment), il a aussi existé des systèmes (comme à Londres, passe de Strasbourg-Saint-Denis à République) ou, plus étrange, n’ont jamais cera probablement de tenir dans Paris se dote à son tour d’un métro en 1900, c’est puis à New York, dès 1864) où un train était « aspiré » dans un tunnel tubulaire. ouvert malgré la réalisation des quais – à l’image de Haxo, dans le 19e. les décennies à venir. 8 9
Utopie Utopie Itinéraire tas d’équipements extérieurs, comme le chauf- été généralisée. Elle offre une température op- fage électrique, l’éclairage, la ventilation des es- timale à l’intérieur. paces publics et les logements environnants. — Ah bien joué ! Ça donne un côté magique. » Une conception plus frugale a permis d’alléger à ciel ouvert TEXTE le poids des rames qui maintenant consom- David Attié Plus loin, les adolescents font des selfies avec ment moins et dégagent moins de chaleur. leurs déguisements. Ils vont à l’arrêt des Elles utilisent des matériaux nouvelle généra- ILLUSTRATION Peupliers, que tout le monde appelle UbiDream, tion à fort albédo et plus isolants. Billie se re- Nelson Goncalves du nom de la célèbre entreprise de jeux vidéo. mémore l’été dernier, quand le métro était de- C’est une des rares stations du réseau qui a été venu un refuge de fraîcheur pendant la cofinancée par un promoteur immobilier, dans canicule. Aujourd’hui, la plupart des stations 2035, le métro du futur n’a pas fait de révolution. Il continue une approche poreuse entre le tunnel et la sur- sont conçues comme des oasis climatiques. à sédimenter les innovations discrètes, à peaufiner son face. Non seulement les déblais de la ligne ont Elles tirent profit notamment d’éléments bio- fonctionnement et à organiser sa résilience. servi pour la construction du bâtiment, mais il sourcés, comme l’argile et le bois, qui amé- existe une continuité physique entre les deux. liorent la qualité de l’air et réduisent le stress. Un des escalators accède directement à l’im- Juste avant que la rame ne replonge sous terre, ans forcer, Billie file tout Pendant quelques secondes, les LED du stand meuble que partagent UbiDream et l’École Billie reconnaît les peupliers et l’immeuble droit sur son vélo. Un re- se mettent à briller et à scintiller de toutes leurs 404, spécialisée dans les métiers vidéolu- UbiDream. Conformément aux concepts de gard sur son téléphone lui forces. Billie fronce les sourcils : « Ouah, c’est diques. Transit-Oriented Development, la station a été confirme qu’elle est en quoi ça ? » Abel plisse les yeux mystérieusement Aménagé en salle d’arcade ouverte au public, construite au milieu d’un quartier populaire en- avance. L’écran de veille lui et indique du regard le métro qui est arrivé. le rez-de-chaussée de l’immeuble permet de clavé. Un travail de concertation entre la col- indique le passage du prochain Billie s’engouffre dans la rame. tester différents jeux, de découvrir les der- lectivité, les habitants et le promoteur a permis train à la seconde près et le Un rayon de soleil tombe pile sur un siège vide, nières technologies et d’assister à des ren- d’endiguer la hausse des prix, et aux riverains nombre exact d’emplace- c’est l’heure à laquelle l’astre est aligné avec la contres. Professionnels, étudiants, joueurs et de rester. Grâce à la piétonnisation, des com- ments disponibles dans pente de la station. Elle s’assoit et rédige un mes- simples voyageurs s’y croisent toute l’année merces se sont installés et le quartier a retrou- le «multi-park ». Ce ga- sage. « Sérieusement, t’as mis un éclairage disco ou dans une joyeuse effervescence. vé un second souffle. rage réservable en ligne quoi ? » En relevant la tête, elle observe autour Alors que les adolescents au fond commencent est maintenant à l’en- d’elle. Grâce aux nouvelles surfaces auto-net- Alors que le métro sort momentanément du à chanter, le grand-père se penche vers Billie. trée de toutes les sta- toyantes et aux mini-balayeuses autonomes, la tunnel, l’éclairage s’adapte à la lumière du jour tions, il offre des espaces rame est impeccable. Spacieuse et lumineuse, et les vitres athermiques régulent la chaleur du « Ils sont surexcités, vous savez ce qui se passe au- adaptables aux différentes elle se déplace sans bruit, ni vibration. Un grand- soleil. Moins énergivore que la climatisation, la jourd’hui ? micro-mobilités. La station à père et ses trois petits-enfants sont installés à ventilation mécanique forcée et réfrigérée a —C ’est le lancement du dernier jeu UbiDream, tout ciel ouvert apparaît, sur une petite place animée. côté avec plusieurs sacs de le monde en parle. Billie continue sur la piste cyclable qui descend courses. Le plus jeune des trois — Vous y allez aussi ? Vous n’êtes pas déguisée ! en pente douce jusqu’au niveau inférieur, où l’on est retourné et épie un groupe —E n fait, j’anime un atelier. J’ai travaillé sur le jeu, trouve des boutiques et l’accès aux trains. Dans d’adolescents en cosplay quelques on a développé une technologie auditive en 3D l’herbe, des chanceux profitent du soleil, mais rangées plus loin. Billie sourit d’un super-immersive. » elle n’y fait pas attention. Son vélo accroché air entendu. Ils vont à la station entre un hoverboard et une trottinette élec- UbiDream, cela ne fait aucun D’un même mouvement, les enfants écar- trique, elle s’éloigne du multi-park et s’avance doute. Son téléphone vibre, c’est quillent les yeux et se tournent vers leur grand- immédiatement vers le comptoir d’Abel, qui l’ac- Abel qui répond. père, qui éclate de rire. Il leur donne le feu vert, cueille avec un grand sourire. Depuis que la bil- mais à condition de l’aider d’abord à monter les lettique est dématérialisée, les stations ont libéré « Ha ha. Non mais figure-toi, hier, courses. En une seconde, ils se retrouvent tous pas mal de mètres carrés en enlevant les lignes un technicien est venu vérifier debout, les bras chargés. de contrôle. Abel a créé une association qui ins- l’installation électrique du stand. Suivant le guidage intelligent proposé par leur talle des mini-fermes bio dans des locaux tech- Apparemment, ils ont mis au smartphone, les adolescents en cosplay se sont niques dégagés. point un système qui permet de agglutinés devant la porte la plus proche de récupérer l’énergie du freinage l’escalator UbiDream. Les quelques secondes « Ah te voilà, c’est le grand jour aujourd’hui ? des rames pour alimenter en qui précèdent l’ouverture s’écoulent dans un — Ouais, je passe juste te faire un coucou et je électricité le quartier. Il se trouve silence fiévreux. Billie leur fonce ! Tu me mets de côté quelques champi- que quand un métro arrive en lance un clin d’œil et, dans un gnons ? Je les récupère ce soir. gare et freine, on peut récupérer bip enchanteur, les portes du — Yes, j’ai des pleurotes frais de ce matin... » l’énergie produite (une énergie métro s’ouvrent déjà. gratuite !) pour alimenter tout un 11
Dialogue Dialogue Le métro, Penser le métro au cœur connus, comme les séismes… Lors Christelle Chichignoud Que ce soit TEXTE d’un projet de transition du tremblement de terre de pour un ouvrage existant ou pour Millie Servant écologique, c’est aussi Mexico de 1985, l’essentiel du ré- un nouvel ouvrage, adapter le seau métro a résisté aux secousses métro aux enjeux climatiques de ILLUSTRATION envisager sa place à et l’exploitation a pu reprendre ra- demain nécessite une conception Marine Benz travers les dynamiques pidement, sans travaux majeurs. et un management environne- & Jan Siemen sociales et économiques Les conséquences d’une crue cen- mental spécifiques. Nous inté- entre de nos zones urbaines. tennale peuvent être intégrées dès grons très tôt dans la conception L’occasion d’un exercice la conception pour protéger les du projet d’infrastructures une de prospective « grand équipements sensibles des instal- analyse de risques liés aux lations fixes, moyennant des adap- contextes climatiques exception- angle » avec la directrice tations. Ces risques peuvent égale- nels et nous proposons des di- de projet études ment faire l’objet de mesures mensionnements d’ouvrages et mobilité et solutions organisationnelles pour agir en si- des adaptations en fonction de innovantes du groupe crises et tuation de crise (ex. : obstruction cette analyse. C’est également SYSTRA, Maud Bernard, du tunnel du métro par la construc- tout un management de l’événe- et la directrice tion rapide d’un mur provisoire). Le ment exceptionnel en soi qui doit défi auquel nous nous préparons être pensé. De l’alerte au suivi en développement durable, aujourd’hui est de réussir à penser temps réel, toute la chaîne doit Christelle Chichignoud. l’imprévisible pour pouvoir s’adap- être anticipée, planifiée et parta- ter dans l’instant, mais aussi après gée entre les différents acteurs. coup, à une situation inédite. À opportunités → Nos sociétés l’heure actuelle, on parle beaucoup → Le métro peut-il vont connaître des de résilience, un concept malléable, devenir une solution événements naturels qui désigne « la capacité d’un sys- face au risque ? de plus en plus tème à faire face à un choc ». Selon M.B. son degré d’intensité, la résilience Le métro en tant qu’ouvrage imprédictibles. peut jouer un rôle protecteur. Il est associée à la capacité de résis- Comment le métro tance du système (absorbative), à peut, par exemple, être conçu pour peut-il s’y préparer ? la mise en œuvre de changements protéger de températures ex- pour adapter le système et le trêmes, pour résister aux incendies Maud Bernard ou à de fortes précipitations. Le Chez SYSTRA, nous rendre plus résistant (adaptative) avons déjà une culture de la ges- ou encore à la transformation radi- métro de Moscou a notamment été tion des risques qui nous permet cale du modèle dominant (trans- conçu pour que ses stations de- de faire face à des événements formative). viennent des abris en cas de guerre. Mais pour que le métro endosse pleinement ce rôle, il faut égale- Total luxe ment garder en tête que le sys- Le métro de Moscou n’est pas seulement le plus fréquenté d’Europe, tème à bâtir doit être le plus éco- avec ses 365 km de lignes et 232 stations : il a aussi la réputation d’être nome possible en ressources, Christelle Chichignoud, Maud Bernard, le plus beau. En 1935, Moscou n’a pas encore de métro et Staline a envie directrice développement durable directrice de projet études mobilité d’en faire un autre exemple de « rayonnement soviétique » mondial. tant dans la phase de construc- du groupe SYSTRA. et solutions innovantes du groupe SYSTRA. Le projet est colossal et de nombreuses stations vont porter la marque tion que d’exploitation. Il y a là de ces ambitions démesurées : Arbatskaya avec ses lustres, son tout un champ à explorer : on marbre, Elektrozavodskaya avec sa voûte ornée de cercles lumineux peut par exemple jouer sur l’ar- et Barrikadnaya dont le décor est en roche polie. chitecture des stations ou leur implantation pour réguler la Sans arrêt température sans avoir recours à La Première Guerre mondiale aura certes limité l’activité du métro parisien, mais elle n’en sera pas venue à bout : en moyenne, entre 1914 l’air conditionné. et 1918, 30 % du trafic est assuré. Avec la Deuxième Guerre mondiale, C. C. le chiffre remonte à 40 % malgré la fermeture de nombreuses stations. Le métro est à la fois un objet Toutefois, compte tenu de la difficulté à s’approvisionner en essence de performance et un objet utile, → (et en pneus), le métro demeure le plus sûr moyen de locomotion pour les Parisiens. Finalement, la crise de la Covid aura été plus sévère au service des commu- pour la fréquentation du métro que les conflits armés, avec un trafic nautés. L’innovation ne parfois réduit de -80 %. consiste pas seulement 12 13
Dialogue Dialogue à regarder au travers de projets ments des transports en commun l’empreinte carbone de nos diffé- centrique... Cela ouvre un champ futuristes comme l’Hyperloop ou vers la voiture n’est pourtant ni rents scénarios de conception, intéressant sur l’usage de la res- les voitures volantes. Nous pou- viable ni souhaitable. La crise ne nous encourageons auprès de nos source foncière et le recyclage de vons faire évoluer le métro vers doit pas être un frein, un retour clients, dès que cela est possible, l’espace urbain (multiplication des un modèle d’innovation incré- en arrière dans le cadre de la les solutions techniques (choix de usages, réversibilité des espaces). mentale : une innovation profi- transition énergétique. matériaux, méthodes construc- Ces futurs possibles posent des table et vertueuse. tives) qui permettent de limiter les questions de distance, de proxi- → Comment faire impacts. Sur certains projets, nous mité, mais aussi de connexité (des → Quel sera l’impact alors pour que sommes, par exemple, capables liens entre les différents lieux, ndlr). sur la vie de la cité de proposer une économie de Plus que de courtes distances, les transports en 10 % de béton sur un viaduc de c’est de composition des échelles si le métro perd une commun soient 20 km, ce qui peut éviter d’émettre dont nous avons besoin et de partie de sa capacité des mobilités 6 000 t de gaz à effet de serre, soit penser la planification urbaine en de transport ? plus désirables ? l’équivalent des émissions de 600 lien avec l’offre de transport. M.B. La crise sanitaire de la co- M.B. Il s’agit en premier lieu d’ap- individus sur 1 an (11,9 t d’équiva- Dans leur travail académique sur vid-19 a occasionné une perte de porter de la simplicité, de la flui- lent CO2 par personne et par an, la « ville cohérente », les cher- capacité de 80 %, qui correspond dité et du confort. Il faut qu’il soit selon les chiffres du gouvernement cheurs Emre Korsu, Marie-Hélène à la fois à la baisse du niveau de agréable de se rendre d’un point français sur l’année 2016). Massot et Jean- Pierre Orfeuil ont services et à la diminution de la A à un point B. Cela passe par la Nous veillons également à tirer montré, sur le cas de l’Île-de- capacité des véhicules à respec- fiabilité et la robustesse du sys- parti du potentiel du système, de France, que si l’on rapprochait les ter les règles de distanciation tème, son bon dimensionnement, sa conception à sa maintenance, actifs à moins de 30 minutes de physique. Dans une situation la prise en compte des usages et en passant bien sûr par son exploi- leur bureau, on pouvait faire bais- comme celle-ci, il faut aplatir la l’interconnexion du métro avec tation, mais aussi par le fonction- ser la circulation automobile due courbe des transports en dé-den- les autres modes de transport (on nement des stations et des bâti- au travail de 10 % et celle en sifiant les déplacements et en parle d’intermodalité). ments administratifs. L’ambition transport public de 47 %. Si cette évitant les pics de fréquentation. Mais on peut aller plus loin : l’an- est de pouvoir, demain, construire vision reste utopique, l’étude a Cela implique une coordination thropologue urbaine Sonia un métro en maîtrisant l’ensemble soulevé les difficultés liées à la de tous les acteurs pour modifier Lavadinho disait à juste titre que de ses besoins énergétiques. spécialisation des zones et à une les horaires de travail, éviter les raisonne pas seulement sur le leurs bien compris. Dans les « quand nous pourrons dire que Nous pourrons également propo- trop forte concentration de l’em- heures de pointe, reporter les métro lui-même, mais sur sa place zones urbaines, une majorité de notre temps passé dans la rue et ser des fonctions annexes qui gé- ploi. flux sur d’autres modes de trans- dans un ensemble et sur la ma- trajets courts (500 m à 10 km) les transports est une heure pleine, nèrent une plus-value pour l’envi- Comme le relève Jean-Marc port, etc. On voit bien ici que la nière dont il s’intègre dans un en- sont encore réalisés en voiture, et une heure bien vécue, nous aurons ronnement et les villes. C’est grâce Offner dans son ouvrage résilience nécessite l’activation vironnement urbain. Il faut adop- l’autsolisme (utilisation en solo de répondu aux enjeux de la mobili- à cette approche que le métro ne Anachronismes urbains, l’avenir est de systèmes multi-échelles, com- ter un effet de zoom et de son auto, ndlr) bat son plein. Aux té ». Les espaces du métro peuvent sera bientôt plus seulement une à l’établissement d’un système de binant la force de chacun pour dézoom en permanence. Plus que États-Unis, 50 % des déplace- être des lieux où la notion du ligne, mais une brique essentielle mobilité fondé sur trois piliers : la faire réseau. Cette crise sanitaire jamais, la capacité du métro, sa ments réalisés en voiture font temps s’efface, grâce au design, au de nos villes et du vivre-ensemble. marche à pied et les EDP (engins contraint à imaginer un « système plus-value au service de commu- moins de 10 km et en France, beau et au ludique. de déplacement personnel) pour global » et à accélérer certaines nautés et de territoires est à envi- seulement 3 % des déplacements → Les temps de les déplacements courte dis- mutations qui étaient doucement sager en articulation et en com- sont réalisés à vélo, alors que trajet risquent tance ; les transports en commun plémentarité d’autres services et c’est un mode de transport qui a → Le métro a aussi à l’œuvre ou qui étaient encore à d’évoluer dans la pour les déplacements massifs l’état de gestation. Cela oblige à d’autres modes de transport. un débit très élevé. des externalités fiables, et les transports à la de- repenser les villes pour le vélo, la Le problème en cas de perte de négatives : comment ville du futur : quel mande et l’autopartage pour les marche et les micro-mobilités, et → Faudrait-il songer capacité de transport du métro, les limiter, voire peut être l’impact autres déplacements. Dans un tel à reconnaître ceux-ci comme des à mieux répartir c’est que son débit de passagers en tirer parti ? sur les usages système, les réseaux s’alimentent modes de déplacement à part en- les passagers sur est difficilement égalable : un mé- C. C. Chez SYSTRA, nous envisa- du métro ? les uns les autres et s’entraident tière. tro peut véhiculer 60 000 per- geons les potentialités, mais aussi M.B. Il n’y a transport que parce pour apporter des réponses sans les différents modes sonnes par heure. La Direction de faille aux attentes des usagers. les impacts dans leur globalité, à qu’il y a activité. Si nous modifions C. C. Que ce soit à l’occasion d’une de transport en la voirie et des déplacements de l’échelle du projet et sur la durée la manière dont nous localisons crise ou, plus largement, dans le fonction de leurs la Ville de Paris a ainsi estimé que de vie totale de l’infrastructure. nos activités, nous modifierons cadre du réchauffement clima- temps de trajet ? si seulement 5 % des 600 000 Nous sommes très attachés à op- alors la façon dont nous construi- tique et d’une stratégie zéro M.B. Il y a un gisement énorme voyageurs quotidiens de la ligne timiser le cycle de vie de l’in- sons nos villes. Il est beaucoup émissions, il faut adopter une ap- pour les déplacements de courte 13 prenaient leur voiture, il fau- frastructure et ses interactions question aujourd’hui de concepts proche écosystémique et rompre distance. Les opérateurs privés drait 4 voies automobiles supplé- avec l’environnement. de ville des courtes distances : la avec l’approche en silos. On ne de micro-mobilités l’avaient d’ail- mentaires. Reporter les déplace- Par exemple, nous suivons de près ville du quart d’heure, la ville poly- 14 15
Rencontre Rencontre Éloge a mis en P.R. La végétation dépend de la riaux à haute effusivité, et les ma- TEXTE Éric Senabre qualité de l’air, de la lumière, du porte-à-faux tériaux en face de nous devraient taux d’humidité. Or, il y a une le concept même être à haute émissivité. du vide part de dépendance technique de « circulation → Alors que → Justement, qui rend tout cela difficile à gé- → Quel rôle la rer, à commencer par l’arrosage. de l’air »… l’architecture dans le vide créé P.R. On ne sait pas encore parfai- géothermie Et puis, les effets seraient cer- renvoie par les espaces tainement plus psychologiques tement comment le virus cir- pourrait-elle jouer spontanément du métro, comment qu’autre chose. Un humain a be- cule. Des études montrent que dans la manière de à l’image de penser la question soin en moyenne de 300 arbres si Milan a été à ce point tou- penser le métro matériaux, du confort pour compenser son empreinte chée, c’est à cause de la pollu- futur ? de masses, climatique carbone annuelle de CO2 : avec tion de la ville et des particules P.R. Je pense que l’on peut large- des milliers de personnes dans fines sur lesquelles se fixerait le de surfaces, et de l’efficacité virus. Dans le cas du métro, bien ment utiliser la géothermie pour le métro, quelques arbustes ne venir rafraîchir l’air en été quand de volumes pleins, énergétique ? feront pas grand-chose. Cela ne sûr, il est légitime de craindre il est soufflé dans le métro. Un vous défendez P.R. À Paris, il suffit de descendre changera pas radicalement la une circulation plus active du peu à la manière des puits cana- une vision centrée à 5 m sous la terre pour avoir la fraîcheur de l’air, du moins, pas virus puisqu’il y a une concen- diens. S’il est soufflé directement sur l’idée de vide. température annuelle moyenne davantage qu’avec un bassin ou tration très forte de particules dans les tubes du métro depuis de la ville, entre 11 et 12 °C. Un fines. Mais la solution pourrait Que représente-t-il peu comme les caves à Reims, où une fontaine. l’extérieur en période de canicule, être de diluer cette concentra- dans votre l’on fait maturer le champagne. tion, comme on peut déjà le il va être brûlant. Mais si on le fait démarche ? Les églises de la Renaissance, → Quels autres circuler sous l’air dans des ser- faire pour la pollution à la sur- Philippe Rahm La mission première comme les basiliques romaines, leviers d’action face. pentins, il aura eu le temps de se est-il raisonnable refroidir. Bien sûr, c’est un peu de l’architecture, on l’oublie avaient justement une valeur compliqué de faire bouger l’air trop souvent, c’est justement de thermique. Le métro, aujourd’hui, d’envisager pour → Vous évoquiez naturellement, mais… c’est pos- créer un espace, un vide, dans est avant tout fonctionnel : des rendre le métro la fraîcheur sible ! En utilisant des cheminées lequel il ne va pas pleuvoir tubes qui relient des stations les plus résilient, quand il pleut dehors, où il y a unes aux autres. Mais il pourrait des églises de la solaires, qui sont noires dans leur moins de soleil quand il y en a être intéressant de lui penser une ou, du moins, Renaissance. partie supérieure et vont sur- trop à l’extérieur. Ce sont des valeur « urbaine », comme les plus agréable ? Dans le même ordre chauffer afin de créer des dépres- P.R. Avant tout, la qualité de l’air sions. Ces cheminées thermiques portions du monde, de l’atmos- shopping mall canadiens à de- d’idée, y a-t-il un pourraient permettre de se pas- phère du monde, que l’on va mi-souterrains. Cette valeur ther- et la lumière. Les spectres émis par les tubes du métro sont travail à effectuer ser d’une ventilation mécanique. transformer pour que le climat à mique pourrait avoir un rôle public. l’intérieur soit plus habitable Reste qu’en hiver, actuellement, il y standard, mais on devrait les sur les matières pour l’homme. Les murs exté- a des déperditions énormes de choisir pour être plus en phase utilisées dans rieurs sont là pour délimiter ce chaleur en provenance du métro. avec les besoins métaboliques le métro ? de lumière des passagers, et P.R. vide. Ce qui m’a intéressé, c’est On devrait pouvoir récupérer l’air à Oui, ce sont des questions L’architecte suisse de me dire « ce vide n’est pas la sortie des bouches de métro pourquoi pas les faire varier en d’émissivité et d’effusivité très Philippe Rahm promeut neutre, c’est une matière ». Et pour éviter ce gaspillage. fonction du moment de la jour- importantes. Un matériau en face une expérience de cette matière, on peut la définir née. Pourquoi ne pas imaginer de nous qui aurait une haute l’architecture où le selon des paramètres réels de → Pensez-vous que la lumière devient jaune le émissivité absorberait notre cha- physiologique et température, d’humidité et de soir pour ne pas bloquer les cy- leur puisque, dans le même que la végétalisation cles circadiens ? La question de le météorologique qualité de l’air, de quantité de temps, il serait constamment re- lumière, de rayonnements. Il y a du métro soit la qualité de l’air, elle, est en- froidi par les 11°C de la terre. occuperaient une place une aussi une part chimique, une piste à suivre core compliquée à traiter. Dans Dans le métro, tout ce qu’on centrale. Il a accepté électromagnétique… L’architecte en matière l’absolu, ces deux notions pour- touche devrait être des maté- de réfléchir avec nous travaille sur des briques, du bé- de régulation raient même revêtir une qualité à ce que pourrait être, ton, de l’acier, mais pourquoi ne thermique ? esthétique : et si la beauté du De profundis à l’avenir, un métro plus pas y intégrer la pollution de métro résidait avant tout dans Ou, a minima, une sa lumière et son air ? La station de métro Arsenalna, à Kiev, a la drôle d’idée de se situer au en phase avec les besoins l’air, la température, le type de lumière ? C’est ainsi que j’envi- manière de faire un sommet d’une vallée. En conséquence, les quais se trouvent 105 m plus bas et nécessitent un long voyage sur les escalators : on y passe naturels, aussi bien sage mon travail : en considé- trait d’union entre → Le hic, c’est en général 5 minutes. Bien sûr, il ne s’agit pas de cruauté gratuite en matière de climat rant le vide comme la matière surface et sous-sol ? qu’aujourd’hui la de la part des ingénieurs : la station suivante se trouve bel et bien dans que d’individus. première de l’architecte. crise de la covid-19 la vallée, et il aurait été beaucoup plus compliqué de faire gravir une pareille dénivellation au train lui-même. 16 17
Point de vue Un métro virtuel Une maintenance réinventée par l’intelligence artificielle Les capteurs se font progressivement une au service du réel place sur les équipements entre les stations et dans le matériel roulant, pour un suivi au milli- mètre : associées à des algorithmes d’intelli- gence artificielle, les données qu’ils collectent ouvrent la voie à une maintenance prédictive et préventive plutôt que corrective ou plani- TEXTE Le métro du futur sera aussi virtuel ! La création de son double fiée. On parle alors d’Asset Management. Benoit Zante numérique offrira une modélisation multidimensionnelle exacte ILLUSTRATION du réseau, évoluant en temps réel grâce aux capteurs connectés « Grâce à l’exploitation des données, la main- Julie Guillem déployés sur le terrain. Des bureaux d’études jusqu’à la maintenance, tenance prédictive vise à réduire les risques en passant par les chantiers de construction et l’exploitation des de pannes les plus critiques en même temps infrastructures, ce métro virtuel aura des impacts bien réels et que le nombre d’interventions. Le matériel peut ainsi rouler plus longtemps chaque jour, permettra une continuité digitale… À la clé : gain de temps, économies avec un temps d’immobilisation réduit, ce d’énergie, meilleure fiabilité et expérience réinventée pour l’usager. qui permet d’augmenter les fréquences avec une meilleure fiabilité » explique Jessica Smith, chargée d’études mobilité chez La virtualisation du réseau, Thomas Juin, Directeur du digital, SYSTRA de précieuses données qui servent, en fonction SYSTRA Scott Lister, Australie. ce n’est plus de la science-fiction « Le métro est un système complexe à dompter et nous avons besoin d’une conception des cas, à surveiller les capacités de stockage sur Le jumeau numérique permet également de rigoureusement déterministe pour assurer la sécurité des voyageurs. L’émergence La virtualisation du métro est déjà bien engagée : le site, garantir la sécurité des ouvriers ou s’assu- bien préparer les opérations de gros entretiens de nouvelles sources de données apporte des outils d’observation et de mesure les concepteurs des métros de demain travaillent du comportement réel qui nous aident à mieux caler nos modèles déterministes rer du respect des plannings en suivant l’avancée et renouvellements (renouvellement voie bal- déjà à partir de maquettes numériques en utili- de simulation. Ces données nous invitent à l’humilité en mettant en lumière des des travaux au jour le jour, entre autres. last, changement de rail, circuits de voie…) en sant une plateforme BIM (pour “Building phénomènes non prédictibles ou dont l’explication nous échappe encore. Il ne faut réduisant l’impact sur l’exploitation. Information Modeling”) agrégeant toutes les don- pas faire de l’exploitation des données une révolte des statistiques dans une « On complète désormais les traditionnels re- dictature déterministe. Statistiques et déterminisme doivent travailler main dans nées du projet. Cet outil est déterminant pour la levés topographiques par une captation des Pour l’usager, la main au service d’un métro plus économe en énergie, plus sûr, plus efficace. » coordination des différentes parties prenantes, données bien plus précise, avec des drones, une expérience améliorée afin de limiter les risques d’erreurs et de retard des capteurs ou des satellites » explique Eric Le centre de contrôle virtuel assure également sur les chantiers. Dès la phase de conception, ces « Avant, chacun arrivait dans les réunions avec Pruvost, directeur plan transformation BIM une plus grande réactivité au réseau et garantit outils de virtualisation permettent déjà et per- ses propres outils. Aujourd’hui, grâce au cloud, chez SYSTRA. une meilleure expérience au quotidien pour ses mettront encore plus à l’avenir de simuler, orga- on peut tous accéder ensemble à la même Une fois l’infrastructure livrée, les plans numé- usagers. Gestion des flux, de la température ou niser et planifier efficacement les activités de maquette, tester, échanger et choisir les meil- riques, capteurs connectés et maquettes vir- de la luminosité peuvent être optimisés en construction, d’exploitation et de maintenance. leures solutions » explique Vladana Darras, tuelles ne sont pas abandonnés, au contraire : ils temps réel. Responsable du déploiement du BIM au sein commencent une nouvelle vie, au service de la « En travaillant dans un environnement virtuel, du Groupe SYSTRA. maintenance et de l’exploitation des infrastruc- « Des capteurs à l’intérieur et à l’extérieur de il est possible d’identifier des problèmes qui Ces maquettes numériques ouvrent également la tures. Le réseau peut même s’enrichir d’un « ju- la station peuvent servir à analyser la tempé- étaient invisibles jusqu’ici. En consacrant da- voie à des gains non négligeables à plus long meau numérique », véritable centre de contrôle rature, la luminosité ou le nombre de per- vantage de moyens au design, on peut mieux terme, sur toute la durée de vie du réseau, en si- virtuel. sonnes présentes, afin d’optimiser la lumière, anticiper la suite : passer plus de temps à réflé- mulant virtuellement les performances de l’en- Le jumeau numérique facilite l’intégration d’évo- le niveau sonore, la climatisation ou les infor- chir en conception coûtera toujours moins cher semble du système de transport dès la phase de lutions futures d’une ligne de métro existante : mations à destination des passagers comme que corriger des erreurs lors de la construc- conception, en amont des essais. En simulant extension, adaptation du plan de voie, arrivée le positionnement dans les rames » explique tion. » ajoute Sandra Lang, directeur tech- virtuellement les infrastructures, il est aussi pos- d’un nouveau matériel roulant, automatisation Alan Trestour, Directeur Conseil chez nique chez SYSTRA Scott Lister, Australie. sible de modéliser leur impact environnemental en cours de vie…) et de son environnement direct SYSTRA en Australie et Nouvelle-Zélande et de déterminer à l’avance leur bilan carbone, ce (bâtiments, autres systèmes de transport). Qu’il s’agisse des dernières lignes sorties de Modéliser pour mieux collaborer qui s’avère particulièrement utile pour identifier terre ou de réseaux plus anciens, l’installation et maîtriser les impacts les configurations les plus économes en énergie. Marc Seffacene, directeur des opérations , SYSTRA, Dubaï progressive de ces capteurs vient fournir de Le BIM s’avère tout aussi utile sur le terrain, lors « Dans les villes tropicales, la quantité d’énergie dédiée aux stations devient précieuses données sur l’utilisation des in- de la phase de construction, en facilitant la colla- Des capteurs équivalente à celle consommée par les rames. L’enjeu d’optimisation énergétique frastructures. Éclairés par ces est réel. Tous ces systèmes se doivent de fonctionner avec une parfaite fiabilité, boration des différents corps de métiers qui pour un suivi en temps réel informations inédites, les ges- et de s’adapter aux flux de passagers, grâce à une supervision constante qui est doivent travailler ensemble, dans des espaces BIM et maquettes numériques ne sont d’ailleurs devenue de plus en plus fine au fil des progrès technologiques : dans les métros tionnaires des réseaux peuvent souvent contraints. pas la seule incursion du digital sur les chantiers : les plus modernes, des centaines de milliers de points de mesure de température, optimiser l’existant… et planifier drones, images satellite, capteurs IoT fournissent de tension, de luminosité, de bruit, sont collectés chaque seconde. » les prochaines extensions. 18 19
Vous pouvez aussi lire