MÉDOC MENACE SUR LA FORÊT - Revue Trimestrielle de la SEPANSO
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o Revue Trimestrielle de la S E PA N S O N 131 MÉDOC N° 131 - Novembre 2005 - 5 M ENACE SUR LA F ORÊT Fédération des Sociétés pour l’Étude, la Protection et l’Aménagement de la Nature dans le Sud-Ouest
SUD-OUEST NATURE édité par la SEPANSO Fédération des Sociétés pour l'Etude, la Protection et l'Aménagement de la Nature dans le Sud-Ouest Association loi 1901 à but non lucratif Affiliée à France Nature Environnement - Reconnue d'utilité publique m m a i r e So EDITORIAL Une procédure en voie de dénaturation . . . . . . . . . . . . . . . . 1 AU FIL DES MOIS Nouvelles en bref . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 ACTUALITÉ Parc Naturalis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 JURIDIQUE Destruction de Cannelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 DOSSIER Enquête publique de défrichement . . . . . . . . . . . . 9 OGM Contre projet de loi et vrai débat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 DÉCHETS Déchets ménagers et industriels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 PROTECTION L'esturgeon européen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 RÉSERVES NATURELLES Un Balbuzard écossais à Cousseau . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 LOISIRS Sorties d'avril . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 5 Novembre 2005 Les auteurs conservent Fédération SEPANSO l'entière responsabilité 1-3 rue de Tauzia - 33800 BORDEAUX des opinions exprimées Tél. 05.56.91.33.65 - Fax. 05.56.91.85.75 dans les articles de ce Adresse électronique : sepanso.fed@wanadoo.fr numéro. La reproduc- tion, partielle ou intégra- le, des textes et illustra- tions est acceptée après Photo de couverture : Philippe BARBEDIENNE autorisation préalable.
E D I TO R I A L Une procédure en voie de dénaturation a multiplication des conflits entre les administrations, les élus et les populations concernées L par le développement des grandes infrastructures ou des sites industriels majeurs a entraîné depuis les années soixante-dix des réactions diverses de ceux qu’on baptise globalement "les pouvoirs publics". “les publics”. Excédés par les nuisances générées par de telles opérations - on se rappelle sur- tout la vague de construction des autoroutes françaises puis, dans une deuxième étape, celle du ré- seau des TGV - les populations locales ont rapidement exprimé leur ras-le-bol dans des manifesta- tions plus ou moins pacifiques, plus ou moins efficaces. Elles ont été souvent précédées ou relayées par les associations environnementalistes, qui se sont efforcées de faire une analyse objective des problèmes environnementaux - le terme environnement étant pris ici à son sens le plus large - et de suggérer des solutions alternatives. Dans les institutions, la préoccupation a cédé peu à peu à l’inquiétude, puis à des tentatives de débat ou de consultation, souvent inspirées par les exemples étrangers. Ainsi, par exemple, pour prendre en charge les problèmes parfois contradictoires posés sur un bassin versant fluvial, a-t-on tenté avec quelque succès une procédure d’arbitrage négocié multi-partenarial d’origine québécoise, qui a abouti à une Charte de protection de la Dordogne et à la création d’un Etablissement Public Interdépartemental de la Dordogne, dit “EPIDOR”. Ailleurs, suite aux conflits très vifs survenus dans la vallée du Rhône et dans le Sud-Est, une étape fut franchie avec ce que l’on appela la “circulaire Bianco”, qui mettait en place le principe même de ce qui deviendra un peu plus tard, sous le ministère Barnier, la loi de février 2002. Celle-ci précise que "le “le public est associé au processus processus d’élaboration d'élaborationdes desprojets projetsayant ayantune uneincidence incidenceimportante importantesur surl’en- l'en- vironnement vironnement ou l'aménagement territoire". Ainsi est instaurée la procédure de Débat Public, arbi- l’aménagement du territoire”. trée sous l’autorité de la Commission Nationale du Débat Public, ou CNDP. Le Débat Public, s’il est dé- cidé, "porte “porte sur l'opportunité, caractéristiques principales du projet" l’opportunité, les objectifs et les caractéristiques projet” (art. 134). On a bien lu :"l'opportunité". “l’opportunité”. En bon Français, cela veut dire que le Débat Public peut juger le dit projet “inopportun”, c’est-à-dire ne devant pas être réalisé. Devant une opinion publique unanime pour condamner un ouvrage, la Commission doit prendre acte de la "vox “vox populi" populi” et peut donc aller jusqu’à conseiller le renoncement à construire. Ainsi Y. Mansillon, Président de la CNDP, affirme : "il “il faut vraiment vraiment une discussion sur sur l’opportunité l'opportunitéduduprojet projet: on : onsesedemande demande s’ils'il estest nécessaire, nécessaire, avant avant de se de se demander demander oùoù ilil va passer" passer” (1). Certes, mais la loi prévoit seulement qu’après le rendu par la Commission c'est le de son rapport final, c’est le maître maître d’ouvrage d'ouvrage(ou (oulalapuissance puissancepublique publiqueconcernée) concernée)qui quireste restelibre libre de de poursuivre poursuivre ou non, de modifier ou non le projet (art. 121-13). Ainsi doit être levée une première ambiguïté, portant sur le rôle de la CNDP : elle organise le DP, veille à sa réalisation, est porteuse du "poids “poids moral" moral” de l’opinion publique, mais elle ne peut en tirer la leçon à la place du maître d’ouvrage... Que dire alors lorsque l’Etat, franchissant une étape supplémentaire, bafoue l’esprit même d’une telle concertation ? Coup sur coup, viennent de se tenir deux Débats Publics qui sont autant d’oc- casions de porter atteinte à la nature du Débat Public voulu par le législateur. Pour le réacteur nucléaire EPR, le gouvernement a imposé, par le vote de la Loi d’Orientation sur l’Energie (LOE), la construction de l’EPR, dès avant tout Débat Public. De même, par le vote de la loi de 1991 prévoyant en 2006 au plus tard une décision sur le sort des déchets radioactifs, le Parlement a rendu plus difficile la discussion sur le bien-fondé d’un des modes envisagés par les autorités - l’enfouissement - un mode qui bénéficie depuis quinze ans de sa prédilection affichée. C’est d’ailleurs ce que vient de confirmer l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) affirmant - avant même que la CPDP ait rendu son rapport ! - que le stockage profond défi- nitif est une solution "incontournable" “incontournable” (1er février 2006). Que reste-t-il alors à débattre ?! Dans ces deux cas, seul un examen de la politique énergétique dans sa globalité aurait permis d’envisager des alternatives plus acceptables en termes d’environnement et d’économie. Le vote Suite page 2... S UD -O UEST N ATURE - R EVUE TRIMESTRIELLE DE LA SEPANSO - N° 131
AU FIL DES MOIS 2 ... Suite Nouve E D I TO R I A L préalable des orientations de cette politique ôtait donc tout sens à une telle démarche. De même, on peut dire que si l’on excluait d’entrée de jeu toute réflexion sur la politique de transports mise en œuvre par Notées pour vous quelq l’Union Européenne, le Débat Public sur le Contournement Auto- routier de Bordeaux était vidé de l’essentiel - ce qui fut le cas. mois dans le domaine d A ce triste bilan est venu s’ajouter, dans le cas du nucléaire, le frein à l’éclairage du citoyen que constitue l’usage abusif de la Les quads et les dunes notion de “secret-défense”. Appliqué par le Haut Fonctionnaire Novembre 2005 de Défense (HFD) pour refuser de répondre sur la vulnérabilité de l’EPR à la chute d’un avion de ligne ou sur celle des transports Nouvel "animal" récemment apparu, de déchets radioactifs, il ajoute le ridicule à l’obstruction, et il comportant quatre roues et un moteur et a justifié, devant sa persistance inacceptable, le boycottage de adapté aux milieux dunaires et forestiers, il deux Débats Publics par les associations environnementales. s'agit des quads. Le gardien des quinze mille Que dire enfin du débat récemment ouvert sur ITER, sinon hectares de forêts domaniales et communa- que lui aussi est le fruit de décisions prises bien en amont, et les du nord-médocain entre Hourtin et Le au niveau international. Que signifie alors, dans ce cas, la dis- Verdon a constaté leur passage sur les mul- cussion sur l'opportunité l’opportunité d’un projet dont les modalités même tiples chemins. Après deux à trois passages, sont déjà pratiquement fixées ?! la végétation est détruite, le vent s'engouff- Peut-être alors faut-il aller chercher ailleurs la raison de l’a- re alors et emporte le sable : la dune n'est charnement développé par les pouvoirs publics - le plus souvent plus stabilisée. L'ONF précise que la plupart soutenus par les élus, au motif que c’est eux qui votent les lois, et donc des dunes sont artificielles, créées pour fixer que discuter de leur opportunité après coup serait remettre en question le littoral. La plante stabilisatrice des dunes leur légitimité ! D. Delestre, Vice-Président de la SEPANSO, a pioché s'appelle l'oyat ou gourbet ; cohabitent avec dans un rapport d’études sur les transports (2) un paragraphe qui éclaire elle des essences rares comme l'éphédra ou un peu plus crûment le regard porté par technocrates ou politiques sur l'astragale de Bayonne. Le passage des la démarche “Débat Public” : quads contribue à la dégradation de la bio- “Pourtant, au bout du compte, le sentiment domine qu’il s’agit assez diversité. L'ONF diffuse des plaquettes de largement de donner une illusion de la co-décision pour mieux faire pas- communication auprès des administrations ser la pilule (qui prend neuf fois sur dix la forme d’une nouvelle infras- locales, offices de tourisme, associations, tructure) que d’une réelle recherche de renouvellement des outils démo- cratiques. Il ressort en effet explicitement de plusieurs travaux que la loueurs de quads, etc... Il rappelle les élé- sincérité de ces démarches de participation ou de concertation fait la ments du code forestier et de la loi de 1991 plupart du temps défaut et que leur but est moins de rendre les proces- sur la conservation durable des espaces na- sus de décision plus démocratiques que de déboucher sur la réalisation turels. La pratique des quads, qui sont im- sans prendre trop de retard. Derrière cette observation se cache peut- matriculés, est soumise aux mêmes règles être le seul véritable objectif de la politique des transports en France : que celle des voitures particulières. Il est construire pour faire tourner la machine économique nationale. En clair, bon de savoir que la contravention encourue on ne décide jamais de ne rien construire suite à une concertation.” peut grimper jusqu'à 1500 euros... FC Au bout du chemin, le constat : la procédure du Débat Public, qui avait un énorme potentiel en terme d’exercice concret de la démocratie, Ethers de glycol se trouve bel et bien dénaturée et - sauf réformes profondes - mena- Novembre 2005 cée à terme de discrédit. Triste bilan pour une façon de faire positive, créée par des hommes Plusieurs responsables de la SEPANSO de bonne volonté et de toutes origines politiques. avaient attiré l'attention des pouvoirs publics sur les problèmes constatés à la suite de l'u- Pierre DELACROIX, tilisation de produits cosmétiques contenant Président d'Honneur de la SEPANSO certains éthers de glycol. L'Agence françai- se de sécurité sanitaire des produits de santé (1) "Le Figaro", 9 novembre 2004. a limité l'utilisation du butoxyétanol, du bu- (2) PREDIT-DRAST - Politique des transports, état des lieux de la re- toxyléthooxyéthanol et de l'éthoxyéthoxyé- cherche, dit "Rapport Kauffmann", 2004. thanol par décision en date du 18 novembre 2005. Nous continuons à demander que tous S UD -O UEST N ATURE - R EVUE TRIMESTRIELLE DE LA SEPANSO - N° 131
AU FIL DES MOIS 3 lles en bref BILLET ues nouvelles marquantes de ces derniers HOMMAGE A e l'environnement. CHRISTIAN GARLOT, PRESIDENT DE LA SE- les produits chimiques soient évalués et PANSO PAYS BASQUE sanne), lien direct entre l'agriculteur et que leur usage soit proscrit ou régle- le consommateur, et, pour changer les Lorsque nous avons appris que Chris- menté selon les risques constatés. GC choses, "acheter local" le produit de sai- tian était frappé par cette maladie son directement au paysan du coin ou, inexorable dont la majorité des gens Commerce équitable au pire, en supermarché en étant atten- s'efforce de ne pas prononcer le nom - exception faite des militants inéquitable ? tif à la provenance. FC écologistes qui ont fait depuis long- temps le lien entre pollution et can- Novembre 2005 OGM, cer, et bien entendu quelques pleu- A l'occasion du "Premier salon in- ternational pour un commerce équita- une première juridique reuses politiciennes qui s'efforcent d'abonder des budgets pour les ble" à l'Ile-Saint-Denis (93) le 2 octobre Décembre 2005 traitements des patients au lieu de 2005, Christian Jacquiau (auteur des s'attaquer aux racines du mal - nous Le Tribunal correctionnel d'Or- avons tous été consternés. "Coulisses de la grande distribution") a léans a relaxé 49 faucheurs volontaires parlé des conséquences sociales des Lorsque nous avons compris que de maïs génétiquement modifié en re- Christian voulait continuer à tenir différents modes de distribution com- connaissant "l'état de nécessité" dans sa place à la SEPANSO aussi long- merciale. Concernant les produits lequel ils se trouvaient. Pour la pre- temps que possible, nous avons ad- "équitables", l'engagement de la part de mière fois, le tribunal d'Orléans a invo- miré son courage. la grande surface est nul, l'enseigne réa- qué le principe du "droit à un environ- Lorsque nous avons appris que Chris- lisant autant de marges qu'elle veut nement sain" voté par le congrès à Ver- tian ne dirait et n'écrirait plus un puisque c'est le consommateur qui paie sailles en 2003 et désormais annexé à mot, nous avons éprouvé une grande le supplément en achetant ces produits la Constitution de la République. Le tristesse. Nous avons fait le chemin plus chers que les autres. Le consomma- chemin des militants anti-OGM n'est en arrière, nous remémorant soit teur paie le produit plus cher sans avoir cependant pas terminé puis-que la so- nos échanges conviviaux, soit ses la garantie que les producteurs aient de prises de parole toutes empreintes ciété Monsanto risque de faire appel de vrais revenus leur permettant de vivre : de dignité, voire de solennité. Chris- ce jugement désastreux pour eux. FC tian demandait peu souvent la parole par exemple, aujourd'hui, pour l'ensem- mais, lorsqu'il s'exprimait, son dis- ble des produits agricoles, le prix payé La bataille de l'eau cours était clair et se gravait dans est cinq à sept fois le prix acheté au pro- la mémoire de son interlocuteur. Il Décembre 2005 ducteur, la vente des produits étant ré- fallait défendre l'environnement et partie entre producteurs, intermédiaires Jean François-Poncet, Président il discourait alors avec passion. Le et distributeurs ; la chaîne est longue qui du Comité de bassin Adour-Garonne, problème global devenait une affai- comporte aussi le transport par route ou plaide pour les grands ouvrages de Ga- re personnelle. Certains le lui ont mer. Dans les pays du Tiers-Monde, il y bas et Charlas. L'irrigation est une ques- parfois reproché, mais c'est pour tion de survie pour l'agriculture lot-et- cela que la majorité gardera de lui a quelques heureux bénéficiaires du le souvenir d'un militant dévoué. système "équitable" mais en trop petit garonnaise. Bruxelles n'a pas encore pris des mesures dissuasives concer- Mais nous nous souviendrons aussi nombre, la plupart n'ayant pas eu la de l'homme, détendu et apaisé, heu- chance d'entrer dans le circuit parce nant le maïs, il y a le changement cli- reux de vivre, qui donnait libre cours qu'ils sont trop petits : et puis cela en- matique et les biocarburants au début à sa jovialité naturelle et qui trou- traîne l'arrachage des cultures vivrières d'un développement considérable, ceci vait facilement des complices pour pour faire des cultures d'exportation pour affirmer : "on n'aura pas besoin de des échanges riches et variés. "équitables" qui rapportent quelques moins d'eau à l'avenir" ! Les mesures Toute la complexité d'une vie ! sous. La solution serait la création d'or- préconisées par Jean François-Poncet : Avec cet hommage, la SEPANSO ganismes certificateurs indépendants et des économies par une meilleure ges- assure encore une fois son épouse, le soutien aux AMAP (Associations tion des ouvrages existants, mais aussi sa famille et ses amis les plus pro- pour le Maintien d'une Agriculture Pay- la création des deux grands ouvrages : ches de toute sa sympathie. Georges CINGAL S UD -O UEST N ATURE - R EVUE TRIMESTRIELLE DE LA SEPANSO - N° 131
au fil des mois 4 le barrage de Gabas dans les Pyrénées- Sécheresse Breves Atlantiques et le barrage de Charlas en Janvier 2006 Haute-Garonne. Il s'en est pris aux écologistes opposés à ces deux pro- La cellule sécheresse s'est réunie jets : "S'il y avait eu des écologistes du le 25 janvier 2006 afin de faire le point temps des Romains, on n'aurait jamais sur la ressource en eau superficielle et POLLUTION INDUS- construit le pont du Gard" ! Mais il faut souterraine, évaluer les risques encou- TRIELLE, PEUT ENCORE que les financements suivent et no- rus pour l'approvisionnement en eau MIEUX FAIRE tamment les financements d'Etat. "Il potable et pour les autres usages au faut trouver des sous" a martelé le Pré- cours de l'été à venir. En Gironde, la Poussé par les pouvoirs publics, le sident du Comité de bassin en invitant situation n'est pas plus grave secteur industriel a fait de gros ef- les agriculteurs à "se battre". FC qu'ailleurs mais demeure préoccupan- forts pour moins polluer l'at- te, les pluies d'automne n'ayant pas été mosphère. En Aquitaine comme ailleurs, la DRIRE (Direction Régio- Poissons suffisantes : le débit des sources ali- mentant l'agglomération est 20 % en nale de l'Industrie, de la Recherche sous traitement dessous de la normale et 4 % en des- et de l'Environnement) l'invite ce- Janvier 2006 sous de ce qu'il était au cours de l'hi- pendant à mieux faire. ver 2004-05. Autant dire une nouvelle Tout récemment, il y a eu sur le Les cours d'eau : année "noire", des restrictions se pré- campus de Talence la "Journée scien- L'Aquitaine est une région papetiè- parent mais qui ne résoudront pas les tifique du CRCM" (Centre de Recher- re. Les Papeteries de Gascogne (Mi- problèmes pour l'avenir : lancer un che en Chimie Moléculaire) animée mizan) détiennent le maillot jaune programme de recherche de nouvelles par Philippe Garrigues. Ce pôle re- des effluents polluants ; Smurfit à sources d'approvisionnement. FC Facture (Gironde), Condat à Lardin groupe six laboratoires et plus de 250 (Dordogne), Tembec à Tartas (Lan- scientifiques : chaque année, il fait le Le Bassin à tout prix des), Univar (produits phytosanitai- point sur ses activités au cours d'une res) à Blanquefort (Gironde) pol- journée ouverte au public. Parmi les Janvier 2006 luent également. intervenants, Hélène Budzinski et son Le Bassin d'Arcachon est le théât- Cependant, les papeteries conti- équipe ont mené une étude dans quat- re d'une spéculation immobilière effré- nuent à mettre en œuvre des ac- re estuaires (Seine, Loire, Gironde et née. En vingt ans, les communes du tions pour réduire leurs rejets. Les Adour) en recherchant plusieurs caté- Sud Bassin (La-Teste-de-Buch, Gujan- DRIRE se sont lancées dans des en- gories de médicaments (hypolipé- Mestras et Le Teich) ont vu leur popu- quêtes pour détecter certains types miants, broncho-dilatateurs, antidé- lation augmenter de 44 %, passant de de substances (métaux lourds). Ain- presseurs, anti-inflammatoires...) : ré- 29.584 à 42.750 habitants.Au Nord (de si, à proximité du bassin industriel de Lacq, a été relevée la présence sultats édifiants, tous les estuaires sont Biganos à Lège-Cap-Ferret), la hausse de cadmium et de toluène. contaminés. La plus forte concentra- frôle les 57 %. Les personnalités de tion a été relevée dans la Seine, la plus l'audiovisuel, les golden boys, les pro- Lacq et les engrais : faible dans la Gironde : mais cette fessions libérales se sont entichés de Même s'il a réduit ses nuisances, variabilité dépend du volume d'eau, l'endroit et cela a entraîné une suren- Lacq garde toujours le premier rang du nombre d'habitants et de la locali- chère permanente, si bien que les gens dans les émissions atmosphériques sation des stations d'épuration. La ré- qui travaillent sur place ne peuvent plus nuisibles. D'autre part, les usines gion (Adour et Gironde) est moins se loger, la côte n'appartient plus à ceux d'incinération ménagères ont été contaminée mais pas épargnée pour qui la font vivre. Les élus locaux es- contraintes de se mettre en confor- autant : des relevés effectués sur "une saient de freiner l'urbanisation tout en mité avec les normes européennes. petite rivière de la communauté ur- proposant des logements aux gens du Le hit-parade des déchets : baine" révèlent une concentration pays. Ces programmes n'en sont pas Sept établissements industriels ré- équivalente à celle de la Seine. Nos ri- moins consommateurs d'espace : ce gionaux produisent plus de 10.000 vières sont donc des pharmacies am- grignotage des terres pose problème, tonnes de déchets toxiques traités bulantes. Dans la Seine, il a été cons- déplore Claude Feigné : "il est néces- sur place ou à l'extérieur : l'aciérie taté une féminisation des poissons ; saire de maintenir des corridors écolo- ADA arrive en tête avec 191.000 dans l'Hérault, on retrouve la présen- giques... entre les rives du Bassin et la tonnes suivie de la plateforme chi- ce de paracétamol (Doliprane) dans forêt". La pression de l'urbanisation a mique béarnaise Sobegi. les nappes phréatiques alimentant le été accentuée sur la partie la plus sen- réseau d'eau courante et les recher- sible, à savoir le rivage, et les deman- Françoise COULOUDOU ches ne font que commencer. FC des de démoustication ont ainsi explo- S UD -O UEST N ATURE - R EVUE TRIMESTRIELLE DE LA SEPANSO - N° 131
au fil des mois 5 sé... Avec quelles conséquences sur notre équilibre, notre santé et l'environ- nement ? Le phénomène n'a pas été encore pris en compte. FC Chasse au grand large... BIODIVERSITE Février 2006 A l'abri des regards, au cœur de l'océan austral, à coups PROCES INTENTE CONTRE de harpons et de grenades, les Japonais arrachent à l'o- KOKOPELLI PAR LA SOCIETE BAUMAUX céan la viande la plus chère du monde : l'escadre japo- naise, composée d'un navire abattoir et de trois navi- Le 9 décembre 2005, l’association Kokopelli a été assignée à com- res "chasseurs", traque les baleines sans relâche. Les paraître auprès du Tribunal de Grande Instance de Nancy par la so- ciété Graines Baumaux. Très appréciée des dizaines de milliers de jar- "robins des mers" de Greenpeace, sous la menace diniers amateurs ainsi que de très nombreuses collectivités locales (mai- des harpons, essaient de gêner cette "pêche". La ries de Paris, mairie de Poitiers), de certains Conseils généraux, Parcs na- campagne de Greenpeace a commencé fin no- tionaux et Conservatoires, l’association Kokopelli a pour finalité de re- vembre 2005 et a duré deux mois, leur mission mettre en valeur une collection planétaire d’anciennes variétés pour les n'a jamais été aussi périlleuse à bord de leur potagers et jardins et de la rendre de nouveau accessible aux jardiniers. A ce jour, ce sont 2000 variétés ou espèces qui sont distribuées par l’associa- petit bateau pneumatique en butte à des af- tion, dont 550 variétés de tomates, 300 variétés de piments doux et forts, 130 frontements violents : l'un d'entre eux a variétés de laitues, 150 variétés de courges, 50 variétés d’aubergines... même été précipité à la mer. Malgré l'ins- tauration en 1986 d'un moratoire interdisant La plainte pour concurrence portée au catalogue de vente par correspondance de la société Graines Baumaux pourrait sembler risible si elle ne s’inscrivait pas dans la chasse commerciale, le Japon continue un contexte de répression croissante contre toutes les formes de semences la pêche à la baleine sous couvert d'études paysannes qui échappent encore à l’uniformisation et au monopole des groupes se- scientifiques ; or, depuis vingt ans, les Ja- menciers. Aujourd’hui, cinq compagnies semencières contrôlent, à elles seules, 75 % ponais n'ont publié aucun article scienti- de la semence potagère au niveau mondial et, en conséquence, la base génétique de fique sérieux. Cette année, 2137 baleines toutes les “variétés” dites modernes est extrêmement restreinte. Par exemple, sur les 106 clones hétérozygotes (“hybrides F1”) de courgettes inscrites dans le ca- - quota fixé par la Commission baleiniè- talogue 2004, 88 (à savoir 83 %) sont en fait la propriété de seulement trois multi- re internationale - seront sacrifiées dans nationales : Limagrain (62 clones), Monsanto (17 clones) et Syngenta (9 clones). Cé- le monde. Les Japonais réclament une li- réales, fourrages, légumes, arbres fruitiers, vignes... on assiste à une extraordinai- bération des quotas, ils voudraient en tuer re érosion de la diversité des plantes cultivées au point qu’aujourd’hui trois ou deux fois plus. "C'est une histoire de gros quatre variétés couvrent 60 % de l’assolement annuel en blé et que 80 % des légumes sous uniquement, dit le leader de l'expé- cultivés il y a cinquante ans ont disparu (source : semencespaysannes.org). dition de Greenpeace, Shane Rattenbury, Depuis le début de l’année 2004, les visites des agents de la Répression des fraudes ça n'a rien à voir avec la science !" FC s’intensifient parce qu’une grande partie des semences de plantes potagères distri- buées par Kokopelli sont des semences de variétés anciennes non inscrites dans le Attention ! Pétition à catalogue officiel. Mais Kokopelli n’est pas le seul semencier harcelé car l’offensive est généralisée contre les semences libres. Des adhérents de SIMPLES (Syndicat signer de toute urgence Inter Massifs pour la Production et l’Economie des Simples), sanctionnés pour avoir vendu de la Prêle des champs en dehors du circuit pharmaceutique, le ré- La loi du 3 janvier 1991 encadre stricte- seau Semences Paysannes, les opposants aux OGM, etc... sont tous poursuivis ment la circulation des véhicules motorisés pour leur opposition au nivellement génétique et à la confiscation du vivant. dans les espaces naturels. Pour avoir rappelé Malgré de grandes déclarations sur la biodiversité (engagement de la France à cette loi et vouloir la faire appliquer, la Minis- s’opposer à toute perte de biodiversité d’ici à 2010), le brevetage du vivant et les règles du commerce international restent des principes d’ordre supérieur... tre de l'Ecologie et du Développement Durable, Nelly Olin (circulaire du 06/09/05), a provoqué Vous pouvez manifester votre soutien par courrier une levée de bouclier, de la part des pratiquants de électronique en vous rendant sur les sites de Kokopel- loisirs motorisés, regroupés en collectif, mais aussi li et des Semences Paysannes (rubrique "Contact") : de certains parlementaires ! Le collectif a déjà re- http://www.kokopelli.asso.fr groupé 35.000 signatures et attaque la circulaire en http://www.semencespaysannes.org. Conseil d'Etat. Il n'est pas certain que la Ministre tienne sa position face à ce lobbying. La fréquentation de nos fo- Merci de faire copie de ces envois électroniques rêts, nos dunes, nos vignes... avec des engins polluants, au réseau agriculture de FNE : agriculture-foret@fne.asso.fr bruyants et dévastateurs devenant de plus en plus importante, il faut apporter un soutien massif à Madame Olin. Signez et fai- tes signer cette pétition pour le calme de la nature sur le site Internet dédié (http://petition.stmedd.free.fr) ou à la Maison de la Nature, 3 rue de Tauzia à Bordeaux. S UD -O UEST N ATURE - R EVUE TRIMESTRIELLE DE LA SEPANSO - N° 131
actualité 6 Michel ANDRE, Vice-Président de la SEPANSO Dordogne Parc "Naturalis" à Château-L'Evêque A près les projets de golfs 18 trous parce que ce projet, selon lui, pourrait d'une étude d'impact pourtant obligatoi- dans le Bergeracois, du plus aboutir à la création (hypothétique) de re au regard de ce projet d'une dimen- grand circuit de course au mon- centaines d'emplois. sion hors du commun. de d'automobiles anciennes sur le Non- Dans ce pays où le chômage atteint Nous considérons, après avoir pris tronais (dans le Parc naturel régional le cap des 10 %, l'emploi est devenu un connaissance du projet dans son entier, Périgord-Limousin), les multiples pro- véritable leitmotiv et à défaut de trou- qu'il y a manifestement incompatibilité jets de villages de tourisme et de loisirs ver de véritables solutions au problème absolue entre la vocation de ces sites dans le Sarladais, aujourd'hui, nous posé, certains politiques et les repré- privilégiés et la spéculation affairiste pouvons prétendre, en Dordogne, à un sentants de l'Etat se donnent, à ce titre, consistant à implanter une réalisation de incroyable projet "Naturalis" (qui n'a bonne conscience pour tolérer voire ce type dans cette zone naturelle. d'écolo que le nom) à Château-l'E- protéger des chefs d'entreprises (hors la vêque. Certains maires, en mal de re- En effet, une telle réalisation génère- loi) afin qu'ils puissent, au nom de la ra : bruits, circulation importante, écou- connaissance et pour se valoriser, consi- préservation de l'emploi, continuer dèrent que ces projets correspondent à lement d'hydrocarbures, agression vi- d'exploiter en toute illégalité. Pour les suelle et aux dires des porteurs du pro- une demande pressante et qu'ils sont mêmes raisons, ils sont prêts à favori- donc prêts à tout accepter. jet, la fréquentation annuelle d'adeptes, ser les projets de promoteurs immobi- se comptant par milliers, cela signifiera Les touristes aiment le Périgord liers parfois peu scrupuleux, même si donc encombrement et production de pour ce qu'il est, tel qu'il est et non pas cela doit passer par la mise à mal de déchets, destruction et dérangement de pour ce que des affairistes souhaitent l'environnement et de la protection de la biodiversité, perte du caractère calme qu'il devienne. "Naturalis" serait en la faune, de la flore et du cadre de vie. et agréable de cette région souvent choi- quelque sorte un Luna parc préhisto- Ce projet n'a pas été soumis à une en- sie par les habitants, en raison de cette rique où pour faire couleur locale on y quête publique et aucune concertation qualité de la vie à laquelle viendrait at- construirait des maisons "troglodytes" digne de ce nom n'a été proposée aux ri- tenter le promoteur de ce projet funeste. où les touristes redevenus homo sapiens verains. Par ailleurs et à notre connais- pourront être exhibés et ainsi, c'est le Pour la SEPANSO, ce projet s'inscrit sance, aucune étude géotechnique de but recherché, permettre à certains de dans ce côté négatif des acquisitions de stabilité n'a été réalisée préalablement faire des placements juteux à bon comp- terrains faites par des affairistes pour à la demande du permis de construire, te. En passant, les collectivités (c'est à qui l'emploi est secondaire car ils sont, alors qu'un plan de prévention des dire nous) mettront bien sûr la main à la avant tout, en quête de réalisations lu- risques (retrait gonflement des argiles) poche, pour permettre à ces nantis de cratives pour eux-mêmes mais désas- a été prescrit par arrêté préfectoral le 25 bénéficier de réductions d'impôts pen- treuses pour la nature. mai 2004 sur la commune de Château- dant une décennie. l'Evêque. Les terrains du projet sont si- Aussi, la SEPANSO Dordogne a La SEPANSO Dordogne émet la plus tués dans une zone fortement exposée. d'ores et déjà engagé une procédure ju- vive opposition à cet absurde et scanda- ridictionnelle devant le juge adminis- Dans une première phase de ce vas- leux projet d'implantation d'un "énorme tratif. Si nécessaire, elle engagera les te projet, un permis de construire a donc parc de tourisme, de loisirs et d'affaires" procédures judiciaires à l'encontre du été accordé pour la construction de 102 à Château-l'Evêque, sur une zone concer- promoteur, pour empêcher cette trans- bâtiments "troglodytes" comportant née de 200 hectares, voire 300. formation d'un site naturel existant en 203 logements de trois catégories, se- parc d'attraction régional et pour le Un homme d'affaires bien connu en lon la surface. Il ne s'agit pas ici des tra- sanctionner par d'importants dommages Aquitaine et dans le Périgord, Monsieur ditionnelles "cages à lapins" mais plu- et intérêts, pour troubles du voisinage et François Miras qui a déjà réalisé de tôt d'une sorte de "terriers" dont la les nuisances ainsi provoquées. nombreux programmes immobiliers sur conception correspond à des "grottes" la côte, à Bordeaux, Bergerac etc. et qui bétonnées réalisées en paliers sur le Outre les actions juridictionnelles, la après avoir tenté, sans succès, de réali- flanc de ce qui aura été une colline. SEPANSO Dordogne appellera, en cas ser sur un autre site ce type de projet, Dans la demande du permis de de maintien du projet, la population lo- considère aujourd'hui que les politiques construire, nous avons constaté le man- cale, les associations de défense de l'en- et les services de l'Etat sont prêts à ac- quement à certaines règles entre aut- vironnement à manifester sur place, céder favorablement à ses ambitions, res : l'absence d'un volet paysager et dans les semaines à venir. S UD -O UEST N ATURE - R EVUE TRIMESTRIELLE DE LA SEPANSO - N° 131
juridique 7 Destruction de Cannelle Karine EYSNER D'après les informations fournies par Philippe BARBEDIENNE Bientôt le procès... et Maître François RUFFIE Imprudences L e 1er novembre 2004, disparais- directement auprès du Président de sait la dernière ourse de souche l'ACCA (Bernard Claverie, participant pyrénéenne, connue sous le nom lui aussi à la chasse) le vendredi pré- Quoi qu'il en soit, il ressort des dé- de Cannelle, suite au coup de fusil fatal cédent, et que ce dernier en a avisé l'en- clarations des chasseurs que, dès le dé- de René Marquèze, en action de chasse semble des membres du groupe. but de la chasse, Francis Claverie, tra- au sanglier au sein d'une équipe de six queur ce jour-là, a rencontré Cannelle, La localisation donnée par les serv- personnes dans le secteur du Rouglan, accompagnée de son petit, et a tiré deux ices du réseau "Ours brun" était distan- entre Urdos et le fort du Portalet, en val- fois en l'air pour l'effaroucher. Monsieur te au plus d'un kilomètre du lieu où Can- lée d'Aspe. Ce dernier (et seulement Marquèze déclare avoir entendu ces nelle a été tuée. Or, le territoire vital d'u- lui...) est mis en examen au motif de des- coups de feu et le "vilain cri" du traqueur, ne femelle d'ours des Pyrénées fait ha- truction d'espèce protégée.Au terme d'u- ce que la reconstitution effectuée sur pla- bituellement entre 70 et 300 km2. La ra- ne longue procédure d'instruction, la- ce a confirmé puisqu'elle a permis de se pidité de déplacement de l'animal ren- quelle a comporté le 8 novembre 2005 rendre compte que la voix (et le télé- dait sa présence en ces lieux plus que une reconstitution des faits in situ, nous phone portable) portent sur l'ensemble probable. Si on ajoute que le lieu où saurons dans les semaines à venir si le du secteur. Dès lors, il appartenait aux elle a été tuée s'appelle "Le pas de juge d'instruction renvoie l'auteur de chasseurs de démonter de toute urgence l'ours", que les chasseurs expliquent l'infraction devant les tribunaux ou s'il leur dispositif de chasse. Ils n'en ont rien avoir attendu le départ d'un berger, sur- ordonne un non-lieu. fait : Francis Claverie, alors qu'il aurait nommé "le garde-manger de l'ours", Afin d'échapper à sa responsabilité pu alerter ses amis à la voix, a déclaré pour chasser en cet endroit, et qu'enfin pénale, le prévenu se réfère à la notion avoir rebroussé chemin pour les rejoin- il y avait des traces d'ours, non seule- d'état de nécessité (1) (qui remplace dés- dre et les informer de sa rencontre l'un ment près du poste où était placé René ormais celle de légitime défense). Or, après l'autre... le dernier sur le trajet se Marquèze, mais également en bas de la plusieurs exemples de jurisprudence trouvant justement être le tireur. traque, le long du trajet emprunté par précisent que "la faute qui place son au- Francis Claverie, on reste confondus teur dans la nécessité de commettre une devant l'outrecuidance de cette équipe Incohérences infraction ne constitue pas un fait justi- de chasseurs qui assurent d'une seule ficatif de cette infraction".Autrement dit, Monsieur Marquèze prétend avoir voix avoir été surpris de rencontrer un qui se place volontairement en "état de descendu un éboulis jusqu'à une petite ours des Pyrénées en ce lieu. nécessité", y compris par imprudence ou vire pour s'y réfugier lorsqu'il s'est trou- négligence, ne peut invoquer cette D'après leurs déclarations, jamais, de vé face à l'ours. Ses déclarations durant disposition pour sa défense. Dans le cas mémoire d'homme, on n'aurait vu l'ours l'instruction font état d'une bête particu- qui nous occupe, le mis en examen et les dans ce secteur et s'il s'y est trouvé ce jour- lièrement impressionnante par son membres de la société de chasse d'Urdos là, c'est sans aucun doute parce qu'il a été agressivité, qui l'aurait "gardé" pendant qui l'accompagnaient ont pour le moins dérangé par les photographes, touristes 30 à 45 minutes, en grognant et soufflant multiplié les imprudences et négligences. et, pour ne pas les nommer, protecteurs au dessus de lui. Pourtant, alors qu'il a pu des ours et membres du réseau "Ours entrer en contact avec les membres de Négligences brun" qui "viennent le photographier" et son équipe par téléphone et que ceux-ci finissent par le "cantonner en bas"... Non lui ont demandé de rester sur place jus- Il ressort tout d'abord clairement du contents de pratiquer la chasse sur un qu'à leur arrivée (qui est au plus l'affaire dossier d'instruction que Monsieur lieu où l'ours est susceptible d'être pré- de quelques minutes), il prend soudaine- Marquèze et ses acolytes avaient été sent, les chasseurs ne disposaient d'au- ment la décision de quitter son abri... avisés de la présence de l'ours dans la cun des dispositifs d'avertissement so- pour se trouver nez à nez avec le planti- zone où ils sont allés chasser ce lundi, nore habituellement utilisés en chasse grade. Enfin, se trouvant à proximité de le dernier avertissement étant intervenu de groupe (cornes, sifflets...). l'ours, Monsieur Marquèze n'a rien tenté (1) Etat de nécessité (article 122-7 du Code pénal) : “N’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace.” S UD -O UEST N ATURE - R EVUE TRIMESTRIELLE DE LA SEPANSO - N° 131
juridique 8 pour l'effrayer ou le repousser, comme son acolyte quelques instants auparavant : se sentant menacé, il fait feu sans autres préliminaires. Rien dans le dossier ne justifie qu'il aurait été dans l'absolue nécessité de le faire... L'autopsie de la dépouille de Can- Santé & Environnement nelle n'a malheureusement pas permis de déterminer la distance de tir, l'orifice pro- REACH voqué par la balle ayant commencé à être "nettoyé" par les vautours. Le défenseur de René Marquèze estime que ce dernier est irréprochable sur le Au Parlement européen, le projet REACH a plan strictement réglementaire, rien en effet n'interdisant la chasse dans une été voté le 17 novembre 2005, avec un certain nombre de concessions accordées au lobby des in- zone où l'ours est susceptible de se trouver, et invoque le fameux "état de né- dustries chimiques. Nous enregistrions cependant cessité". Bien pratique en effet, d'autant que tous les habitants de la vallée, des progrès significatifs, en particulier la validation et les chasseurs en particulier, ont en mémoire les suites juridiques des du principe de substitution : remplacement obligatoire deux dernières destructions d'ours par tir. André Apiou et Alain Cedet, d’une substance dangereuse par une moins dangereuse. auteurs de la destruction, qui se voulait discrète, d'une ourse en 1994, Le 13 décembre 2005, le Conseil des Ministres s’est pro- ont été confondus, jugés et condamnés plusieurs années après, à la sui- noncé sur la proposition REACH. Le Conseil a repris une te d'une enquête minutieuse de l'ONCFS et de la gendarmerie. Par cont- partie des “mauvais” amendements suggérés au Parlement re, le jeune chasseur qui avait abattu l'ourse Melba à Bezins-Garraux européen par les industriels et il a rejeté les propositions (Haute-Garonne) a bénéficié d'un non-lieu, compte tenu qu'il avait positives du Parlement : rejet du principe de substitution obligatoire, rejet du “duty of care” (devoir de diligence des fait feu à bout portant, se sentant menacé. La conclusion que peut industries), droit d’information du citoyen bafoué au nom du tirer tout chasseur de ces éléments est que, pour éviter de lourdes secret industriel, réduction des obligations en terme d’enre- condamnations en cas de destruction d'un ours, tout nouveau tir de gistrement (presque deux tiers des 30.000 substances se- plantigrade doit sembler être la conséquence d'un geste de légiti- ront exemptées). Le principe de substitution ne s’appliquera me défense (et qu'il serait en outre absolument vain de tenter de le qu’aux substances chimiques persistantes et bio-accumulatives dissimuler étant donné le suivi rigoureux dont font l'objet les der- - ce qui n’est pas négligeable mais ne s’appliquera pas aux sub- stances cancérigènes ou toxiques pour la reproduction (phtala- niers ours de la part des membres du réseau "Ours brun"). tes DEHP S) ou les perturbateurs hormonaux (bisphénol AS). René Marquèze nous explique donc qu'il s'est trouvé particuliè- Un gouvernement pourra toujours autoriser une substance rement choqué à la suite de sa rencontre avec l'ours. Ses compa- dangereuse si elle est “valablement maîtrisée”. gnons de chasse témoignent également de l'état dans lequel il se Nous regrettons que la nouvelle version de REACH n’encourage trouvait lorsqu'ils l'ont retrouvé après le coup de fusil fatal : "as- absolument pas la recherche pour trouver des produits moins sis par terre, le fusil sur les jambes, pleurant et tremblant"... ayant dangereux. De plus, elle ne nous fournira pas des données suf- fisantes qui nous permettent d’évaluer indépendamment les certainement cru sa dernière heure arrivée. Il ressort pourtant du produits chimiques. dossier d'instruction lui-même (comportant plusieurs pièces ten- dant à mesurer le degré d'agressivité des ours des Pyrénées en- Nelly Olin, Ministre de l’Ecologie et du Développement Dura- ble, considère que REACH (dans sa version “Conseil”) a permis vers les hommes) une absence totale de cas de blessure grave ou d’atteindre “un équilibre entre la nécessité d’assurer une pro- de mort d'homme provoqués par des ours, les pires attaques tection suffisante de l’environnement et la santé tout en connues dans les Pyrénées s'étant toujours soldées par de simples veillant au maintien de la compétitivité des entreprises”. égratignures, les autres par une grosse frayeur... Rappelons égale- France Nature Environnement et ses associations membres ment qu'avec ses 70 centimètres de hauteur au garrot, Cannelle n'a- ne font pas cette analyse et lui laissent l’entière responsabi- vait rien d'un grizzly. C'était une ourse de taille particulièrement lité de cette affirmation. modeste (celle d'un très gros chien). Enfin, nous relevons avec per- Nous savons que, si la décision du Conseil est validée par le plexité que, selon la thèse des chasseurs, face à des photographes, Parlement européen, l’Europe continuera à découvrir régu- l'ourse est craintive et se décantonne et, face à des chasseurs, elle se lièrement de nouveaux scandales. Faute de prévention et d’information, les mauvaises nouvelles arrivent à retarde- mue en fauve sanguinaire et attaque pour tuer. Ces derniers, armés ment ! Plus que jamais, les citoyens et les associations doi- (contrairement aux premiers), se sentent alors obligés de faire feu pour vent faire pression sur les députés européens pour qu’ils se défendre... Nous vous laissons juges... maintiennent au moins le principe de substitution obli- gatoire lors de la deuxième lecture au Parlement. Adressez vos voeux aux parlementaires et n’oubliez Un non-lieu est inconcevable... pas de mentionner celui-là ! En outre, la responsabilité de René Marquèze se trouve singulièrement Georges Cingal, pilote de la Mission Europe et alourdie par le fait qu'il était, jusqu'à quelques semaines avant les faits, Pré- affaires internationales de France Nature sident de l'ACCA d'Urdos. Monsieur Claverie, également présent lors de cet- Environnement, peut vous fournir copie de te chasse, lui avait succédé. Deux "responsables" cynégétiques donc, en prin- son message pour 2006 et la liste des parlementaires européens, mais un cipe particulièrement informés de la législation applicable et des règles de pru- message personnel semble net- dence et de diligence que tout bon chasseur se doit de respecter. En tant que par- tement préférable. tie civile dans cette affaire, nous considérons pour notre part que les responsabili- tés de cette équipe de chasse sont accablantes. Notre avocat, Maître Ruffié, plaide- ra en ce sens lors du procès qui, nous n'en doutons pas, aura bien lieu. S UD -O UEST N ATURE - R EVUE TRIMESTRIELLE DE LA SEPANSO - N° 131
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