NOUVELLES DÉCOUVERTES - BEYROUTH une petite Rome en Orient - Mars/Avril 2019

 
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NOUVELLES DÉCOUVERTES - BEYROUTH une petite Rome en Orient - Mars/Avril 2019
No 392 - Mars / Avril 2019
                               SANCTUAIRES
                             et FORTERESSES
                                 de montagne

BEYROUTH
une petite Rome
en Orient

TYR
vestiges phéniciens
et romains

SIDON
et ses monuments
funéraires

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    DÉCOUVERTES
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NOUVELLES DÉCOUVERTES - BEYROUTH une petite Rome en Orient - Mars/Avril 2019
NOUVELLES DÉCOUVERTES - BEYROUTH une petite Rome en Orient - Mars/Avril 2019
COMITÉ SCIENTIFIQUE
Guillemette ANDREU-LANOË, Conservateur général, directrice
du département des Antiquités égyptiennes au musée du Louvre
Yves COPPENS, Membre de l’Institut, professeur au Collège
de France
Jean-Paul DEMOULE, Professeur érémite de protohistoire
européenne à l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, membre
de l'Institut universitaire de France
Jean-Marie DURAND, Directeur d’Études à l’École pratique
des hautes études, Directeur de laboratoire au CNRS et professeur
au Collège de France
Henri-Paul FRANCFORT, Directeur de recherche au CNRS
Jean-Louis HUOT, Professeur honoraire à l’université de Paris I
Panthéon-Sorbonne
Vassos KARAGHEORGIS, Professeur émérite à l’université de Chypre
Venceslas KRUTA, Directeur d’études honoraire à l’École pratique
des hautes études
Pierre LERICHE, Directeur de recherche émérite au CNRS,
École normale supérieure
Daniel LÉVINE, Professeur à l’université de Paris IV-Sorbonne
Jean-Pierre MOHEN, Directeur du laboratoire de recherche
des Musées de France
Jean-Paul MOREL, Professeur émérite de l’université de Provence
Philippe PERGOLA, Directeur de recherche au CNRS, université
de Provence (LAMM-MMSH), professeur et ancien recteur
de l'Institut Pontifical d'archéologie chrétienne à Rome
Véronique SCHILTZ, Professeur honoraire à l’université de Besançon
Bernard VANDERMEERSCH, Ancien directeur du laboratoire
d’Anthropologie de l’université de Bordeaux, professeur à l’université
de Bordeaux I, directeur à l’École pratique des hautes études

DIRECTRICE DE LA PUBLICATION
RÉDACTRICE EN CHEF
Jeanne FATON

RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE
Ludivine PÉCHOUX                                                         «

                                                                         L
                                                                                   e plus souvent je ne ferai qu’éveiller le désir d’investigations
RÉDACTION                                                                          plus étendues. Je n’ai pas songé un moment, en effet, qu’il me
David FERNANDÈS, Pascal PICHON
                                                                                   fût possible d’épuiser une matière aussi neuve. Si l’Italie, qui a
Éditions Faton 25 rue Berbisey - 21000 DIJON
Tél. Rédaction : 03 80 40 41 02                                              des antiquaires habiles depuis quatre cents ans, laisse place encore
redaction@dossiers-archeologie.com                                           à des découvertes importantes, ce n’est pas en quelques mois qu’on
RÉALISATION GRAPHIQUE                                                        pouvait espérer de faire rendre à cette terre, qui compte trois mille
Aurélie CAMUSET
                                                                             ans d’histoire, tout ce qu’elle recèle. Ma tâche devait se borner à
PUBLICITÉ                                                                    ouvrir la série des explorations profondes dans le sol, à vérifier et
ANAT RÉGIE
9 rue de Miromesnil                                                          suivre en détail ce que d’ingénieux et savants voyageurs ont déjà
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E-mail : o.diaz@anatregie.fr - presse@faton.fr
                                                                             travaux futurs, à entreprendre surtout ce que la spéculation privée,
POUR LA BELGIQUE                                                             suffisante pour la recherche des objets transportables, ne saurait
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POUR LA SUISSE                                                               objet un an de ma pleine activité. En même temps qu’un inconsolable
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                                                                             dans le contact le plus intime avec l’antiquité, un profond souvenir. »
Dossiers d’Archéologie est un bimestriel édité par                           (Ernest Renan, Mission de Phénicie, 1864, pages 16-17.)
les Éditions FATON, S.A.S. Capital 342 000 euros
25, rue Berbisey, F - 21000 DIJON                                            À la demande de Napoléon III, en 1860 et 1861, Ernest Renan part
Imprimé en France
par L’IMPRIMERIE DE CHAMPAGNE à Langres                                      à la découverte de la Phénicie, dont l’archéologie est encore large-
                                                                             ment inexplorée par les missions occidentales. Au terme de son
                                                                                                                                                                                     Dossiers d’Archéologie / n° 392

Commission paritaire 0419 K 84758
                                                                                                                                                         Dossiers d’Archéologie / n° 371

                                                                             périple, il revient avec le sentiment que tout est encore à faire pour
ISSN 1141-7137
Diffusion MLP                                                                retrouver le passé du Liban qui demeure, pour le savant français,
© 2019, Éditions FATON S.A.S.
                                                                             dans l’ombre du « miracle grec ». En 2019, ses successeurs, dans
La reproduction des textes et des illustrations
publiés dans ce numéro est interdite.                                        les pages qui suivent, ont poursuivi l’exploration profonde du sol,
Eco-contribution : papier couverture origine
                                                                             réglé quelques questions d’histoire qui en soulèvent de nouvelles,
Maastricht (Pays-Bas), taux de fibres recyclées 69,6 %,                      et sorti de l’ombre grecque un passé libanais singulier.
certification PEFC et FSC, Ptot 0,04 kg/tonne - papier intérieur
origine Lanaken (Belgique), taux de fibres recyclées 73,8 %,
certification PEFC et FSC, Ptot 0,01 kg/tonne.

Rez-de-chaussée et premier étage du                                                                                            Ludivine PÉCHOUX
Musée national de Beyrouth. © Ministère
de la Culture / DGA - Musée national de Beyrouth
                                                                                                                                                        03
                                                                                                                                                        1
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NOUVELLES DÉCOUVERTES - BEYROUTH une petite Rome en Orient - Mars/Avril 2019
DOSSIERS D’ARCHÉOLOGIE n° 392 mars / avril 2019

                                                                    Le Liban – Nouvelles découvertes
                                                                    Coordinateur scientifique : Pierre-Louis GATIER

                                       EN COUVERTURE
                                       Porte monumentale romaine
                                       à l’entrée de Tyr.
                                       © Adobe Stock / R. Yoshida

                                                                          06                Dossier
                                                                                     06
                                                                                                  • INTRODUCTION
                                                                                                   Les grandes étapes du passé libanais
                                                                                                   par Pierre-Louis GATIER

                                                                                                  • AVANT-PROPOS
                                                                                             11    La direction générale des Antiquités
                                                                                                   par Sarkis EL-KHOURY

                                                                                                  • PRISE DE VUE

                                                                          16               12      Les musées d’archéologie au Liban
                                                                                                   par Anne-Marie MAÏLA AFEICHE

                                                                                     16            Beyrouth. Une petite Rome en Orient
                                                                                                   par Julien ALIQUOT

                                                                                                   Beyrouth. Vingt ans d’archéologie urbaine
                                                                                          20       par Assaad SEIF, et coll. Fadi BEAINO et Hadi CHOUERI

                                                                                                   Le faubourg oriental de Béryte
                                                                                           24      à l’époque romaine
                                                                                                   par Georges EL HAIBÉ, Hadi CHOUERI, Fadi BEAINO et Assaad SEIF

                                                                          30                    • FOCUS
                                                                                          28      Pratiques funéraires dans les nécropoles de Beyrouth
                                                                                                   par Julien CHANTEAU et Joyce NASSAR

                                                                                       30
                                                                                                   Deir el-Qalaa. Un sanctuaire rural
                                                                                                   près de Beyrouth
                                                                                                   par Julien ALIQUOT et Lévon NORDIGUIAN

                                                                                                • FOCUS
Dossiers d’Archéologie / n° 392

                                                                                                  Ej-Jaouzé, village antique de la montagne libanaise
                                                                                          36       par Lina NACOUZI et Dominique PIERI
                                                                          42
                                                                                                   Sidon, 20 ans d’archéologie
                                                                                          38       par Claude DOUMET-SERHAL

                                                                                        42         Le sanctuaire extra-urbain d’Eshmoun
                                                                                                   par Rolf A. STUCKY

                                                                                                   Les monuments funéraires de Sidon
                                                                                         48        à l’époque romaine
                                  04                                                               par Jean-Baptiste YON
NOUVELLES DÉCOUVERTES - BEYROUTH une petite Rome en Orient - Mars/Avril 2019
La nécropole phénicienne de Tyr
52 par María Eugenia AUBET                                          Les auteurs du dossier
     Un sanctuaire phénicien à Tyr                                  Julien ALIQUOT, chercheur au CNRS, laboratoire HiSoMA,
56   par Leila BADRE                                                Maison de l’Orient et de la Méditerranée, Lyon

                                                                    María Eugenia AUBET, professeure d’archéologie,
     L’histoire de Tyr.
60   Nouvelles découvertes archéologiques
                                                                    Universidad Pompeu Fabra, Barcelone

     par Pierre-Louis GATIER                                        Leila BADRE, directrice du musée d’Archéologie,
                                                                    Université américaine de Beyrouth
   • FOCUS
     L’hippodrome romain de Tyr                                     Fadi BEAINO, archéologue, coordinateur de fouilles, Beyrouth
66 par Hani KAHWAGI-HANO

68
                                                                    Julien CHANTEAU, archéologue, musée du Louvre
     La renaissance du château de Beaufort                          Hadi CHOUERI, chercheur associé, laboratoire d’Archéologie libanaise,
     par Jean YASMINE
                                                                    Centre de recherche de la faculté des Lettres et
                                                                    des Sciences humaines, Université libanaise, Beyrouth

                                                                    Claude DOUMET-SERHAL, directrice des fouilles de Sidon ; assistante
                                                             68     de recherche au British Museum, département du Proche-Orient

                                                                    Georges EL HAIBÉ, chercheur au CNRS, laboratoire HiSoMA,
                                                                    Maison de l’Orient et de la Méditerranée, Lyon ; Institut français
                                                                    du Proche-Orient

                                                                    Pierre-Louis GATIER, ancien directeur de la mission archéologique
                                                                    libano-française de Tyr (2008-2017) ; directeur de recherche
                                                                    émérite, CNRS, laboratoire HiSoMA, Maison de l’Orient et
                                                                    de la Méditerranée, Lyon

                                                                    Hani KAHWAGI-HANO, architecte et restaurateur ; docteur en
                                                                    archéologie, université Paris-Sorbonne ; Institut français
                                                                    du Proche-Orient

  72-81
                                                                    Sarkis KHOURY, directeur général de la Direction générale
                                                                    des Antiquités (Liban)

          Actualités
                                                                    Anne-Marie MAÏLA-AFEICHE, directrice générale et présidente
                                                                    du Conseil général des musées (Liban)

                                                                    Lina NACOUZI, chercheuse associée à l’Institut français du Proche-Orient
           • EN BREF
             par Ludivine PÉCHOUX                                   Joyce NASSAR, archéoanthropologue, PACEA UMR 5199 ;
             et David FERNANDÈS                                     Institut français du Proche-Orient

                                                                    Lévon NORDIGUIAN, directeur de la photothèque de
           • POINT(S) DE VUE
                                                                    la Bibliothèque orientale, université Saint-Joseph, Beyrouth
             Filmer l’archéologie.
             Du terrain au documentaire                             Dominique PIERI, directeur du département d’archéologie
             Interview de David GEOFFROY                            à l’Institut français du Proche-Orient

           • AUTOUR D’UNE EXPO                                      Assaad SEIF, professeur assistant, Université libanaise ; laboratoire
             Tomber sur un os. Les archéologues et la mort          d’Archéologie libanaise, Centre de recherche de la faculté des Lettres
             par Stéphanie PIODA
                                                                    et des Sciences humaines, Université libanaise, Beyrouth

                                                                    Rolf A. STUCKY, professeur émérite de l’université de Bâle (Suisse)
           • LIVRES
                                                                    Jean YASMINE, architecte du patrimoine, chargé d’études et de
                                                                    restauration du château de Beaufort ; docteur en archéologie
           ERRATUM
           Dans le numéro 391 des Dossiers d’Archéologie consacré   Jean-Baptiste YON, directeur de recherche au CNRS, département
           aux vikings, la partie du Danevirke reproduite page 24   d’archéologie et d’histoire de l’Antiquité, Institut français du Proche-Orient
           date du XIIe siècle.
NOUVELLES DÉCOUVERTES - BEYROUTH une petite Rome en Orient - Mars/Avril 2019
Les grandes étapes
du passé libanais
Sept ans après un numéro qui offrait une synthèse des connaissances relatives aux
grands sites du Liban, les Dossiers d’Archéologie ont une nouvelle occasion de faire
état des découvertes les plus récentes sur le sujet. Alors que la capitale, Beyrouth,
connaît une activité d’archéologie préventive parmi les plus intenses du monde et
que diverses missions scientifiques sont déployées sur le terrain, le Liban présente
l’image d’un pays qui offre une belle place à son passé et à son patrimoine.

                                                                       Pierre-Louis GATIER
NOUVELLES DÉCOUVERTES - BEYROUTH une petite Rome en Orient - Mars/Avril 2019
UNE GÉOGRAPHIE SINGULIÈRE

                                                                                 L
                                                                                                e Liban moderne, ou République
                                                   Tell Arqa                                    libanaise, petit pays d’une
                                  Tripoli
               Mer                                                                              superficie d’environ 10 400 km2,
        Méditerranée                                                                       mesure, pour ses dimensions maxi-

                                                                  te
                                                                        N

                                                                  on
                              Vallée
                                 allé de la

                                                                Or
                                                                     A                     males, 250 km du nord au sud et
                                     Qadisha
                                                                  IB                       60 km d’est en ouest. On le compare
                                                                L
                       Jbeil
                                                            U      k aa                    fréquemment à la Corse et on en fait
                    (Byblos)                              D a Bé               IBA
                                                                                  N
                                                                                           souvent l’équivalent de deux dépar-
                                                b
                                                               l Baalbek I-L
                                           K el                            T
                                                     E
       Deir el-Qalaa

                                                    de
                              N a hr e l - ÎN                             N                tements français de taille moyenne.
                                                                        ’A
                                                 ne
                                                                                           Dans la partie orientale de la Médi-

                                                            L
       Beyrouth                               ai
                                      A

                                                          E
                                                         D
                                            Pl
                                  CH

                                                                                           terranée, il concentre sur cet espace

                                                        E
                                                       N
                 Ej-Jaouzé
                     ao                          Aanjar
                                                     AÎ                                    restreint une histoire extrêmement
                                                   CH
                                      ni

                                                                                           riche qu’évoquent les noms de Tripoli,
                                  Lita

      Saïda           Aw a li                                                              Byblos, Beyrouth, Sidon et Tyr, sur la
                                                     mid el-Loz
                                                  Kamid  e
   (Sidon)                                                                                 côte, et ceux de Baalbek et d’Aanjar,
                                                    n                                      dans la plaine intérieure de la Békaa,
 Sour                                            m            Damas
                                                                                           pour ne citer que quelques sites
 (Tyr)                   Beaufort
            Litani                                                                         emblématiques.
                                                  N
                                                                                               Le Liban appartient à l’ensemble
  Oumm el-Amed
  O
                          r ain

                                                                                           du Proche-Orient syro-palestinien « de
                      Joourd

                                                                                           l’Amanus au Sinaï », région définie his-
© C. Voyer.                        0                    30 km
                                                                                           toriquement comme le Bilad el-Sham
                                                                             ou comme le Levant. Le pays s’organise en une série
                                                                             de bandes parallèles qui se succèdent d’ouest en
                                                                             est et que l’on retrouve dans les pays voisins. Le lit-
                                                                             toral, très découpé, a permis l’installation des ports
                                                                             dès les époques les plus anciennes. Puis vient la
                                                                             bande côtière, occupée par une plaine comparti-
                                                                             mentée, irrégulière, voire inexistante, comme au
                                                                             promontoire du Nahr el-Kelb, au nord de Beyrouth,
                                                                             où la montagne tombe dans la mer. Néanmoins, les
                                                                             étroites plaines côtières et les collines adjacentes
                                                                             ont procuré jadis aux villes des ressources agricoles
                                                                             non négligeables.
                                                                                  La deuxième bande se compose d’une mon-
                                                                             tagne abrupte particulièrement élevée au nord
                                                                             entre Beyrouth et Tripoli, là où elle culmine à
                                                                             3 083 m et où elle constitue le mont Liban propre-
                                                                             ment dit. Cette chaîne a fourni deux richesses
                                                                             essentielles, exceptionnelles au Proche-Orient :
                                                                             d’une part, le bois, en particulier celui du cèdre
                                                                             devenu fort rare de nos jours ; d’autre part, l’eau
                                                                             qu’apportent les pluies et la fonte des neiges. Le
                                                                             pays tire en effet son nom de la racine sémitique
                                                                             lbn, qui évoque la blancheur et la neige. Les deux
                                                                             autres bandes sont formées par la haute plaine
                                                                             d’effondrement de la Békaa, qui culmine autour de
                                                                             1 100 m, et par la seconde chaîne montagneuse,
                                                                             l’Anti-Liban, où se trouve la frontière moderne avec
                                                                                                                                       Localisation de sites
                                                                             la Syrie et qui est prolongée au sud par le mont          archéologiques au Liban.
                                                                             Hermon, ou Gebel esh-Sheikh. L’Anti-Liban, mon-
                                                                             tagne sèche et inhospitalière, culmine autour de          Le site d’Aanjar dans
                                                                                                                                       la plaine de la Békaa.
                                                                             2 679 m, mais l’Hermon, plus fertile du côté liba-        © Adobe / Prashant
                                                                             nais, s’élève jusqu’à 2 814 m.                            Agrawal
NOUVELLES DÉCOUVERTES - BEYROUTH une petite Rome en Orient - Mars/Avril 2019
Chantier de           Liban et Anti-Liban sont de véritables barrières,
                                      fouille à         mais franchissables par des cols. Cependant, l’en-
                                      Beyrouth, en
                                      2010. © Alamy /   caissement des vallées de la chaîne du Liban
                                      E. Kart           sépare les secteurs et rend difficile les circulations
                                                        internes à la montagne. Les fleuves côtiers sont
                                                        particulièrement nombreux dans la partie nord du
                                                        pays, où ils prennent l’allure de courts torrents irré-
                                                        guliers issus de la montagne. Mais les deux princi-
                                                        paux cours d’eau, l’Oronte et le Litani, naissent
                                                        dans la Békaa ; le premier file vers le nord de la
                                                        Syrie ; le second part vers le sud, avant d’obliquer
                                                        à angle droit vers la Méditerranée, où il se jette huit
                                                        kilomètres au nord de Tyr.

                                                        UN MILLEFEUILLE DE CIVILISATIONS
                                                           Il n’est pas possible de résumer en quelques
Dossiers d’Archéologie / n° 392

                                                        phrases une très longue histoire, où se sont suc-
                                                        cédé de nombreuses cultures et civilisations, avec
                                                        à de nombreuses reprises des occupations et des
                                                        mainmises étrangères. Les anciens empires qui ont
                                                        dominé la côte levantine ont, bien entendu,
                                                        contrôlé directement ou indirectement la région
                                                        qui est devenue le Liban contemporain et ont
                                                        exercé une influence culturelle, qui se traduit aussi
                                                        dans la documentation archéologique.
                                                           Certaines périodes, pourtant passionnantes,
                                  8                     n’ont pas été abordées dans les pages qui suivent,
NOUVELLES DÉCOUVERTES - BEYROUTH une petite Rome en Orient - Mars/Avril 2019
comme la préhistoire ou l’âge du Bronze ancien               Cependant, il faut se rappeler que les termes
(vers 3200 - 2000 avant J.-C.). De plus, le IIe millé-       « Phénicie » et « Phénicien » ont été créés par les
naire, d’une part, le Moyen Âge islamique et franc,          Grecs pour désigner les habitants d’une portion du
d’autre part, n’occupent qu’une place réduite. En            Levant plus étendue que le Liban actuel, au-delà
effet, on s’est efforcé de concentrer l’attention sur        d’Acre au sud et de Marathos / Amrit ou Arados /
les deux périodes les mieux représentées dans les            Arwad au nord. Les Phéniciens, qui ne se sont
sites libanais : d’abord, l’âge du Fer (1200 - 332           jamais conçus comme tels, mais qui avaient de nom-
avant J.-C.), qu’on divise traditionnellement en Fer         breux traits communs, dont la langue et l’écriture, se
I (1200 - 900 avant J.-C.), Fer II (900 - 539 avant J.-C.)   désignaient comme des habitants de telle ou telle
et Fer III ou époque perse (539 - 332 avant J.-C.) ;         cité, par exemple Tyr ou Sidon, un peu à la manière
ensuite, le grand millénaire gréco-romain, de 332            des Génois ou des Vénitiens du Moyen Âge.
avant J.-C. à 638 après J.-C., qui commence par
la conquête d’Alexandre le Grand. Il comprend                QUELLES NOUVEAUTÉS ?
la période hellénistique (332 - 64 avant J.-C.),                 Il a été question du Liban à plusieurs reprises
la période romaine (64 avant J.-C. - 330 après J.-C.),       dans les Dossiers d ’Archéologie. Rappelons le
la période protobyzantine (330 - 638 après J.-C.) et         no 12 de septembre-octobre 1975, Liban. Les
s’achève par la conquête arabo-islamique.                    grands sites : Tyr, Byblos, Baalbek…, le hors-série      Les vestiges romains devant
     Pendant l’âge du Fer, la civilisation phénicienne       no 13 de novembre 2007, La Méditerranée des              la cathédrale Saint-George,
                                                                                                                      dans le centre-ville de
s’est épanouie à partir des villes côtières de Tyr, de       Phéniciens. Plus récemment, le no 350 de mars-avril      Beyrouth. © Alamy / Em
Sidon, de Béryte / Beyrouth et de Tripolis / Tripoli.        2012, Liban, un passé recomposé, offrait une large       Campos (2017)
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gamme d’informations. Comme l’écrivait Jean-             moment surtout beyrouthine, mais l’on peut sou-
                                       Louis Huot, l’ancien directeur de l’Institut français    haiter que les quelques autres exemples de sa
                                       d’archéologie du Proche-Orient (Ifapo, devenu            mise en œuvre, en particulier à Sidon et à Tyr,
                                       Ifpo), ce numéro « témoignait donc avec éclat de         annoncent de futurs développements. Près de
                                       ce renouveau » que connaissait le Liban, dans le         Beyrouth, l’étude des résultats des fouilles
                                       domaine de la recherche archéologique après la           anciennes du site romain et protobyzantin de Deir
                                       fin de la guerre civile.                                 el-Qalaa utilise d’autres méthodes, puisqu’il s’agit
                                           Dans le présent numéro, on s’est efforcé d’ap-       de reprendre une documentation antérieure à la
                                       porter des informations nouvelles sur des sujets qui     guerre civile ; elle prolonge les travaux, signalés
                                       n’avaient pas été traités naguère, quitte à laisser      dans les Dossiers de 2012, traitant des nombreux
                                       de côté pour l’instant de nombreux sites, dont           sanctuaires de la montagne libanaise.
                                       Byblos et Baalbek, mais aussi de vastes champs                À Sidon, la moderne Saïda, ce sont vingt ans
                                       d’activité, comme l’archéologie sous-marine ou les       de fouilles – programmées sur un seul secteur et
                                       prospections. Il est d’abord question des musées,        par ailleurs intensément publiées – qui sont résu-
                                       aussi bien de la récente et spectaculaire réfection      més ici. S’y ajoutent une recherche sur les monu-
                                       du sous-sol du Musée national autour des thèmes          ments funéraires d’époque romaine appuyée par
                                       funéraires que de la politique de développement          l’épigraphie grecque et latine, et une synthèse sur
                                       des musées de site ou thématiques, comme le              l’extraordinaire sanctuaire phénicien hors les murs
                                       futur musée de l’Histoire de Beyrouth. Il a ensuite      consacré au dieu Eshmoun, fondée sur l’archéolo-
                                       semblé utile de revoir trois des grands sites liba-      gie monumentale, l’iconographie et l’histoire de
                                       nais, Beyrouth, Sidon et Tyr, essentiellement parce      l’art. On constate ainsi que les méthodes clas-
                                       que la documentation et l’état de la recherche ont       siques peuvent encore se révéler particulièrement
                                       beaucoup changé depuis leur dernière présence            productives. À Tyr, quatre zones différentes don-
                                       dans les Dossiers.                                       nent lieu à des articles qui présentent les résultats
Bibliographie                              Beyrouth illustre parfaitement la place consi-       de trois fouilles programmées récentes et d’une
                                       dérable tenue par l’archéologie préventive dans la       nouvelle enquête architecturale sur l’hippodrome.
• BLAS DE ROBLÈS (J.-M.),
                                       connaissance et dans l’économie du savoir à              Enfin, non loin dans l’arrière-pays, les travaux sur
PIERI (D.), YON (J.-B.) — Vestiges
archéologiques du Liban,               l’heure actuelle au Liban. Il était nécessaire de met-   le site de Beaufort permettent de montrer la
Aix-en-Provence/Beyrouth,              tre à jour les informations des Dossiers de 2012 sur     richesse du Liban dans le domaine des forteresses
Édisud/Librairie Antoine, 2004.        les résultats de ses multiples chantiers de sauve-       médiévales, mais aussi d’évoquer les enjeux de
• BRIQUEL-CHATONNET (Fr.),
                                       tage ou de prévention. Trois articles s’y emploient.     mémoire auxquels les archéologues doivent prê-
GUBEL (É.) — Les Phéniciens,
                                       Au Liban, l’archéologie préventive est pour le           ter une attention croissante.
aux origines du Liban, Paris,
Gallimard, 1998.
• GERNEZ (G.), PÉRISSÉ-VALÉRO (I.)
— Le Liban de la Préhistoire à
l’Antiquité, Paris, Errance, 2010.
• MARRINER (N.) —
Géoarchéologie des ports
antiques du Liban, Paris,
L’Harmattan, 2009.
• MAÏLA-AFEICHE (A.-M.),
MARTINIANI-REBER (M.),
HALDIMANN (M.-A.) — Fascination
du Liban. Soixante siècles
d’histoire de religions, d’art et
d’archéologie, Paris, Skira, 2012.
• RENAN (E.) — Mission de
Phénicie, Paris, Librairie impériale
(puis nationale), 1864-1874.

                  Fouilles dans le
                   centre-ville de
                        Beyrouth.
   10             © Adobe / Diak
Avant-propos : la direction
générale des Antiquités
Sarkis EL-KHOURY, Directeur général des Antiquités

Grande cour du sanctuaire de Jupiter Héliopolitain à Baalbek. © Adobe Stock / L. Kieboom

L
     a direction générale des Antiquités      Dans une région du monde soumise à            moyens financiers et des ressources
     est l’entité responsable, au sein du     de terribles épreuves, où les enjeux cul-     humaines de la DGA en comparaison
     ministère de la Culture, de la ges-      turels pourraient sembler secondaires,        avec l’immensité de ses responsabilités.
tion du patrimoine culturel libanais tan-     le Liban témoigne actuellement d’une          Cependant, la coopération internatio-
gible, mobile et immobile.                    phase qui peut être qualifiée d’active        nale constitue un élément important
Sa mission consiste à élaborer et à exé-      quant aux actions menées en faveur de         dans l’exécution des tâches assumées
cuter des plans stratégiques pour la          son patrimoine.                               par la DGA. La parution d’un nouveau
protection et la sauvegarde de cet            En effet, les missions de fouilles, liba-     numéro des Dossiers d’Archéologie
héritage, afin d’assurer sa pérennité et,     naises et étrangères, se multiplient et le    consacré au Liban représente ainsi un
par là, sa transmission aux générations       nombre des études et des publications         bon exemple de ce type de collabora-
futures, permettant ainsi aux Libanais        augmente. Les projets de restauration         tion pour la diffusion des connaissances,
de se réapproprier leur patrimoine et         et de conservation s’intensifient, et le      en témoignant du rayonnement inter-
leur histoire collectifs, de façon à par-     secteur muséologique prospère. Par            national des cultures qui se sont suc-
tager des valeurs communes et à parti-        ailleurs, les efforts et les initiatives se   cédé sur le sol libanais et de l’avancée
ciper à la protection de cet héritage         croisent pour aller encore plus de            des recherches archéologiques dans le
si menacé.                                    l’avant, malgré parfois la précarité des      pays au cours des dernières années.
Les musées d’archéologie
                                             au Liban
                                                                                                   Le 26 avril 2018 naissait par décret
                                                                                                   ministériel un organisme au sein
                                                                                                   du ministère de la Culture du Liban.
                                                                                                   Sous le nom de Conseil général des
                                                                                                   musées, ce nouveau corps aura pour
                                                                                                   mission de réglementer les musées
                                                                                                   d’État, d’en créer de nouveaux et
                                                                                                   d’en conserver les collections. Cette
                                                                                                   initiative témoigne d’un intérêt certain pour
                                                                                                   les musées, apparu durant la dernière
                                                                                                   décennie du siècle passé, années qui ont
                                                                                                   suivi la fin de la guerre civile.
                                                                                                                               Anne-Marie MAÏLA AFEICHE
                                       Façade du musée national
                                       de Beyrouth. © Ministère    DES MUSÉES AUX THÉMATIQUES
                                       de la Culture / DGA -
                                       Musée national de           VARIÉES

                                                                   O
                                       Beyrouth                               utre les musées d’archéologie,
                                                                              relevant pour la plupart du
                                                                              ministère de la Culture ou
                                                                   faisant partie d’institutions univer-
                                                                   sitaires, comme le musée de l’Uni-
                                              Pectoral du roi Ib   versité américaine de Beyrouth
                                        Shemou Abi. Beyrouth,
                                               Musée national.     (AUB) ou celui de la Préhistoire
                                              © Ministère de la    libanaise de l’université Saint-
                                         Culture / DGA - Musée
                                                                   Joseph (USJ), de nombreux
                                          national de Beyrouth
                                                                   musées privés ont également vu le
                                                                   jour. Musées d’Art moderne et
                                                                   contemporain, des Minéraux, des
                                                                   Merveilles de la mer, de la Monnaie, de
                                                                   la Soie ou du Savon sont autant d’initia-
                                                                   tives personnelles particulièrement réus-
                                                                   sies, qui attirent, et à juste raison, de     propriétaire des biens mobiliers enfouis
Dossiers d’Archéologie / n° 392

                                                                   nombreux visiteurs.                           dans son sous-sol. Ce sont par consé-
                                                                   Les collections archéologiques natio-         quent les découvertes archéologiques
                                                                   nales rassemblées depuis la fin du            qui constituent l’embryon des collections
                                                                   XIXe siècle trouvent naturellement leur       nationales. L’émir Maurice Chéhab
                                                                   place dans les édifices publics bâtis à       (1904-1994), premier conservateur du
                                                                   cet égard. C’est le cas du Musée natio-       Musée national de Beyrouth et directeur
                                                                   nal de Beyrouth, dont la construction         général des Antiquités du Liban, écrivait
                                                                   débute en 1930 à l’initiative d’un comité     en 1937 que le musée regrouperait
                                                                   fondateur, mu par la volonté de racon-        désormais les vestiges recueillis sur le
                                                                   ter l’histoire d’un pays. Selon la loi qui    territoire libanais (Bulletin du Musée de
                                  12                               régit les antiquités nationales, l’État est   Beyrouth, vol. 1, 1937, p. 1).
UN MUSÉE NATIONAL AUX
COLLECTIONS EXCEPTIONNELLES
Aujourd’hui les musées d’archéologie
sont essentiellement des musées d’État.
Le plus important en est le Musée natio-
nal de Beyrouth, qui a connu un par-
cours particulier depuis sa création et au
long des années de la guerre civile
(1975-1991). Sa collection exception-
nelle, qui comporte des œuvres qui
vont de la préhistoire à la période otto-
mane, soit le XIXe siècle, a été fort heu-
reusement préservée. Le bâtiment a           grâce aux nombreuses fouilles et pros-      Le sous-sol du Musée
                                             pections menées par différentes             national de Beyrouth.
subi de lourdes destructions à cause de
                                                                                         © Ministère de la
sa position stratégique le long de la        équipes scientifiques, sous l’égide de la   Culture / DGA - Musée
ligne de démarcation d’alors, qui divisait   direction générale des Antiquités. À        national de Beyrouth

deux régions de Beyrouth. Des chapes         l’heure où les musées internationaux
de béton armé avaient été en effet cou-      s’interrogent, dans certains cas, sur la
lées autour des grandes pièces de la         provenance de leurs collections, le
collection exposées au rez-de-chaussée       Liban abonde en ressources archéolo-
du musée. Cette initiative avait, par        giques issues de son patrimoine natio-
conséquent, permis de sauvegarder les        nal. Certaines fouilles concernent les
objets sur place et de les mettre à l’abri   sites principaux du pays, à l’instar de
des dommages, des années durant.             Byblos, Baalbeck, Kamid el-Loz, Saïda
Bien après 1942, date d’ouverture du         et Tyr, tandis que d’autres sont enga-
musée, l’enrichissement des collections      gées lors de travaux d’infrastructure
archéologiques nationales se poursuit        ou de construction. L’exemple le plus

                                                                                                                 La collection
                                                                                                                 de sarcophages
                                                                                                                 anthropoïdes.
                                                                                                                 Beyrouth,
                                                                                                                 Musée national.
                                                                                                                 © Ministère de
                                                                                                                 la Culture / DGA -
                                                                                                                 Musée national
                                                                                                                 de Beyrouth
Sarcophage d’Ahiram.       probant en est d’ailleurs la capitale,        scandent le parcours, baigné d’une
Beyrouth, Musée
national. © Ministère de
                           Beyrouth, où avant la reconstruction du       chaude lumière ocre. Dans la galerie
la Culture / DGA - Musée   centre-ville, à partir de 1995, ont été       déambulatoire du premier étage est
national de Beyrouth       entreprises des fouilles de sauvetage         exhibée, dans soixante-dix vitrines, la
                           qui ont révélé des stratigraphies             collection d’artefacts de plus petites
                           jusqu’alors inexplorées (voir p. 20-23).      dimensions. Le propos chronologique
                           Le Musée national de Beyrouth expose          débute avec des silex de la préhistoire
                           sa riche collection sur trois étages. Dans    libanaise et se poursuit avec des ex-
                           un souci de témoigner de l’histoire et de     voto, statuettes en bronze, quelquefois
                           la géographie du pays, le choix des           recouvertes de feuilles d’or, du matériel
                           objets respecte des critères de repré-        céramique et des bijoux, au fil des
                           sentativité territoriale et chronologique.    périodes historiques. Enfin, au sous-sol,
                           Le parcours muséographique du rez-de-         la collection permanente a déterminé
                           chaussée concerne principalement la           les points forts autour desquels le dis-
                           collection lapidaire, comme le sarco-         cours de l’art funéraire s’est focalisé. La
                           phage du roi Ahiram de Byblos, daté du        plus grande série de sarcophages
                           Xe siècle avant J.-C., ou les sarcophages     anthropoïdes en marbre exposée de
                           historiés romains de Tyr. Autels, stèles et   nos jours dans un musée y est présen-
                           statues, trônes d’Astarté et mosaïques        tée. La tombe de Tyr datée du IIe siècle

     Fresque de la
     tombe du Tyr.
     © Ministère de la
     Culture / DGA -
     Musée national de
     Beyrouth
après J.-C. est un hypogée dont les          2002 à l’intérieur du château croisé. Il
parois recouvertes de fresques furent        raconte l’évolution des lieux et témoigne
transportées au sous-sol du Musée            d’une habitation constante depuis la
national en 1939 et recomposées dans         préhistoire jusqu’au XXe siècle.
une salle spécialement aménagée aux          Des projets en cours concernent égale-
mêmes dimensions pour les recevoir.          ment des musées sur les sites de Tyr et
Ces peintures murales se rapportent à        de Saïda. Ce dernier a la particularité de
des thèmes de la mythologie grecque.         se développer sur un chantier de fouille
Elles témoignent de l’art funéraire pen-     qui a dévoilé depuis plus de vingt ans
dant la période romaine au Sud-Liban.        des installations continues relatives à
                                             l’histoire de la ville de Sidon.
LES AUTRES MUSÉES                            Enfin, le projet du musée de l’Histoire
D’ARCHÉOLOGIE                                de Beyrouth, en voie d’exécution, est
Les autres musées qui dépendent de la        également en liaison directe avec le site
Direction générale des Antiquités/minis-     archéologique de l’ancien tell de la ville
tère de la Culture sont relatifs aux sites   antique de Beyrouth. Conçu par l’archi-
de Baalbeck, Byblos, Tripoli, Beited-        tecte Renzo Piano, le futur MHB a pour
dine… et en font partie intégrante. Ils      objectif de croiser les résultats de ter-
ont été conçus pour permettre de mieux       rain – en d’autres termes les évidences
appréhender la visite de leurs vestiges.     archéologiques mises au jour par les
Le musée de Baalbeck, inauguré en            fouilles – avec les sources historiques,
1998, offre, outre des œuvres archéolo-      pour illustrer le quotidien des Beyrou-
giques, un grand nombre de documents         thins et de leur ville au fil des siècles.
graphiques et photographiques qui
révèlent la découverte du site. Le musée     Projet du musée de l’Histoire de Beyrouth
de Byblos, quant à lui, a été aménagé en     par l’architecte Renzo Piano. © RPBW
Beyrouth
Une petite Rome en Orient
Entre la conquête du Proche-Orient par le général Pompée au Ier siècle avant J.-C.
et le règne de l’empereur Justinien au VIe siècle après J.-C., la cité de Bérytos,
devenue une colonie romaine, connaît une prospérité qui lui permet de se hisser
au niveau des plus grandes métropoles de la Méditerranée antique.
                                                                       Julien ALIQUOT
A
                                              u moment où Rome s’impose au Proche-                 Poids commercial en
                                                                                                   plomb au nom de la cité
                                              Orient aux dépens des Séleucides, rien ne            de Beyrouth, avec l’image
                                              prédispose Bérytos, l’actuelle Beyrouth, à           du fondateur de la colonie
                                     jouer un rôle particulier dans la province de Syrie           traçant le sillon primordial
                                                                                                   (sulcus primigenius).
                                     créée par Pompée en 64-63 avant J.-C. Ville de                © Archives IGLS
                                     second plan au sein des royaumes hellénistiques,              CNRS / HiSoMA
                                     affectée par un siège en 143 avant J.-C., la cité phé-
                                     nicienne subit les raids des Ituréens. Les guerres
                                     civiles de la fin de la République romaine suscitent
                                     aussi des troubles dans la région.
                                          En 27 avant J.-C., l’avènement d’Auguste s’ac-
                                     compagne de l’implantation à Beyrouth de la pre-
                                     mière colonie romaine de Syrie. Le choix du
                                     fondateur de l’Empire ne saurait être une faveur
                                     accordée aux Phéniciens de Bérytos, qui accueil-
                                     lent les vétérans de deux légions, la V Macedonica
                                     et la VIII Gallica. Il s’agit plutôt de porter un coup
                                     d’arrêt au brigandage endémique au Liban en dis-
                                     tribuant des lots de terre aux fidèles artisans de la
                                     victoire d’Actium. Dès l’an 15 avant J.-C., Marcus
                                     Agrippa, gendre d’Auguste, étend le territoire de
                                     la colonia Iulia Augusta Felix Berytus dans la vallée
                                     de la Békaa, autour du sanctuaire d’Héliopolis
                                     (Baalbek), et jusqu’aux sources de l’Oronte. Ces
                                     mesures scellent le destin de la cité.

                                       Inscription funéraire de Beyrouth
                                       commémorant la prise de la citadelle
                                       des Ituréens par le préfet Quintus
                                       Aemilius Secundus sur l’ordre du
                                       gouverneur de la province de Syrie, au
                                       début du Ier siècle après J.-C. : « envoyé
                                       par Quirinius en mission contre les
                                       Ituréens dans le mont Liban, j’ai pris leur
                                       forteresse » (missu Quirini adversus
                                       Ituraeos in Libano monte castellum eorum
                                       cepi). Fac-similé d’après G. B. De Rossi,
                                       Bullettino di archeologia cristiana, 1880,
                                       planche 9.

                                        LES ITURÉENS DANS
                                        L’ARRIÈRE-PAYS
                                        Peut-être liés aux Arabes qui ont harcelé les Grecs sur leurs arrières lors du siège
                                        de Tyr par Alexandre le Grand, les Ituréens sont identifiés dans les sources
   Colonnade remontée sur le site
      archéologique des Quarante        grecques et latines à un peuple de brigands arabes. Lorsque Rome annexe la Phé-
    Martyrs à Beyrouth, le long de      nicie, ils dominent l’arrière-pays de Beyrouth et se taillent une principauté dans la
      l’axe majeur nord-sud (cardo      Békaa et dans la montagne sous l’autorité de Ptolémaios (vers 85-40 avant J.-C.),
  maximus) de la colonie romaine.
                                        tétrarque et grand-prêtre de Chalcis du Liban. Le géographe grec Strabon décrit
© J. Aliquot, CNRS / HiSoMA 2018
                                        leurs fortins, « tous ces repaires que Pompée détruisit et d’où ils partaient pour
                                        faire des incursions contre Byblos et sa voisine Bérytos ». Une inscription latine de
                                        Beyrouth repérée à Venise au XVIIe siècle commémore la prise de leur citadelle,
                                        sans doute leur capitale, Chalcis, par le préfet Quintus Aemilius Secundus, vers
                                        l’an 6 après J.-C. Certains territoires ituréens reviennent finalement aux cités de la
                                        région, au premier chef à la colonie de Beyrouth. D’autres, d’abord confiés aux
                                        héritiers d’Hérode le Grand, sont intégrés à la fin du Ier siècle après J.-C. dans un
                                        vaste domaine forestier dont l’empereur se réserve la propriété et l’usage et dont
                                        de nombreuses marques rupestres au nom d’Hadrien (117-138) délimitent les
                                        contours au Liban.
”
                                                                                                                               Beyrouth devient
                                                                                                                         rapidement une petite Rome
                                                                                                                         en Phénicie en même temps
                                                                                                                          qu’un foyer de latinité dans
                                                                                                                        un environnement culturel grec
                                                                                                                                 et araméen.

                                                                                                                                                         ”
                                                                                                                        navant l’Oronte syrien se déverse dans le Tibre »
                                                                                                                        pour décrire la contamination de l’Urbs par les
                                                                                                                        mœurs des Syriens, on peut dire qu’à Beyrouth le
                                                                                                                        Tibre se déverse dans l’Oronte, sous l’Empire.
                                                                                                                            La cité rayonne désormais dans tout le monde
                                                                                                                        romain. Ses marchands exportent ses productions
                                                                                                                        (vin, pourpre, verre, soie) jusqu’en Occident. Ses
                                                                                                                        érudits, tel le grammairien latin Marcus Valérius
                                                                                                                        Probus, s’illustrent jusqu’à Rome. Ses cultes essai-
                                                                                                                        ment de la Bretagne à l’Euphrate, en particulier
                                       Les thermes               LE TIBRE DÉVERSÉ DANS L’ORONTE                         celui de la triade héliopolitaine (Jupiter, Vénus,
                                       impériaux mis
                                                                     Beyrouth devient rapidement une petite Rome        Mercure). Ses concours grecs, réunissant périodi-
                                       au jour sur le
                                       versant oriental          en Phénicie en même temps qu’un foyer de latinité      quement des épreuves gymniques, hippiques et
                                       de la colline             dans un environnement culturel grec et araméen.        musicales à la manière des Jeux olympiques, sont
                                       du Sérail à
                                                                 Dotée du droit italique, exempte de tribut, elle est   aussi réputés que ceux d’Antioche, de Tyr et de
                                       Beyrouth.
                                       © J. Aliquot,             aussi un centre d’affichage et de dépôt des consti-    Sidon. Des bienfaiteurs, Hérode le Grand et ses
                                       CNRS / HiSoMA             tutions impériales, à partir duquel son École de       descendants surtout, dotent la ville d’une parure
                                       2018
                                                                 droit se développe. Ses institutions sont calquées     monumentale digne des plus prestigieuses cités
                                                                 sur le modèle romain, avec ses duumvirs, équiva-       d’Orient et offrent à ses citoyens les combats de
                                                                 lents des consuls, et ses décurions, réunis en         gladiateurs à la mode occidentale. Même les
                                                                 assemblée comme les sénateurs. En prenant à            empereurs patronnent la colonie. Vespasien et
                                                                 rebours le vers de Juvénal, qui déplore que « doré-    Hadrien acceptent le titre de duumvir honoraire.

                                              Deux bases de
                                        statues portant des
                                        inscriptions en latin
                                                et érigées en
Dossiers d’Archéologie / n° 392

                                                l’honneur de
                                             Marcus Sentius
                                          Proculus, sénateur
                                       romain originaire de
                                           Beyrouth, ancien
                                          duumvir et patron
                                          de la colonie, sous
                                                  le règne de
                                        l’empereur Hadrien
                                                    (117-138).
                                                     Beyrouth,
                                            Musée national.
                                                © J. Aliquot,
                                             CNRS / HiSoMA
                                  18                     2015
Trajan consulte l’oracle d’Héliopolis à la veille de
ses campagnes parthiques.
                                                                DU PAIN ET DES JEUX
                                                                Les jeux du cirque figurent en bonne place aux côtés de l’École de droit parmi les
    L’idylle de Beyrouth et de Rome ne s’inter-
                                                                titres de gloire de Beyrouth qu’énumère l’Expositio totius mundi et gentium,
rompt qu’au moment où Septime Sévère, victo-
                                                                catalogue topographique latin du IVe siècle après J.-C. Dans la Vie de Sévère
rieux de Pescennius Niger, réorganise l’Orient en               d’Antioche, les étudiants des années 480 s’enflamment pour les courses de chars.
193-194. La colonie, qui a pris le parti de Niger, est          Selon Zacharie le Scholastique, l’auteur du récit hagiographique, le futur patriarche
amputée de son territoire dans la Békaa et englo-               aurait démasqué des condisciples qui projetaient de sacrifier de nuit un esclave éthio-
bée dans la nouvelle province de Syrie-Phénicie,                pien dans l’hippodrome de la ville. La réputation maléfique du cirque tient autant
dont Tyr, sa grande rivale, est la capitale. La parti-          aux rixes des factions qu’à ces pratiques magiques. En 1929, une tablette d’exécra-
tion de la Syrie-Phénicie à la fin du IVe siècle ne             tion relative à l’envoûtement d’une écurie a été trouvée près du lieu où Robert Du
modifie pas l’équilibre des forces, puisque Tyr est             Mesnil du Buisson, pionnier de l’archéologie beyrouthine, reconnaissait la trace d’un
à la fois le chef-lieu administratif et la métropole            champ de courses extra-muros à l’ouest de la ville antique. Depuis, les fouilles du
ecclésiastique de la Phénicie maritime, où se situe             quartier de Wadi Abu Jamil ont mis au jour les gradins, les stalles de départ (carceres)
                                                                et la construction centrale (spina) d’un hippodrome d’environ 330 m de long sur 60 m
également Beyrouth.
                                                                de large, associé à un théâtre et à des bains. Elles laissent entrevoir la possibilité
                                                                d’une fondation précoce du cirque par les rois hérodiens, bienfaiteurs de Beyrouth.
LE TRIOMPHE DU CHRISTIANISME
DANS LA CITÉ DES LOIS
    L’Antiquité tardive est un nouvel âge d’or. Bey-
routh, acquise à la foi chrétienne, se couvre
d’églises. Outre la cathédrale dite de l’Anastasie et
l’église de la Théotokos (Mère de Dieu), elle compte
deux martyria, l’un de saint Jude, le « frère » de
Jésus, l’autre de saint Étienne, le protomartyr. Bien                                                                                        Les fondations
que dépourvue de tradition apostolique ancienne,                                                                                             des gradins de
                                                                                                                                             l’hippodrome
elle s’autonomise en s’alliant tantôt au patriarche
                                                                                                                                             romain de
d’Antioche, tantôt à celui de Jérusalem contre le                                                                                            Beyrouth.
métropolite de Tyr. L’évêque Eustathe obtient l’in-                                                                                          © J. Aliquot,
                                                                                                                                             CNRS / HiSoMA
dépendance juridique pour sa cité et le titre de                                                                                             2009
métropolite honoraire pour lui-même et pour ses
successeurs en 449-451. La ville se pare du titre grec,
rare et officieux, de « belle cité » (kallipolis), qu’elle   « Nourrice des lois » (legum nutrix), la cité supplante             Épigramme grecque
                                                                                                                                 chrétienne en l’honneur
partage avec Jérusalem.                                      Tyr, patrie du juriste Ulpien, mais aussi Césarée
                                                                                                                                 de Patrikios, le plus célèbre
    Dès le IIIe siècle, la floraison des lettres latines à   Maritime, Alexandrie, Athènes et les deux seules cités              professeur de l’École de droit
Beyrouth et le statut privilégié de la ville sont propices   où l’empereur Justinien (527-565) laisse subsister de               du Ve siècle après J.-C.,
                                                                                                                                 sur une base de statue
à la formation de l’École de droit autour d’un noyau         semblables institutions : Rome et Constantinople.
                                                                                                                                 découverte au début du
de juristes capables d’interpréter également la juris-       L’École prospère jusqu’au tremblement de terre de                   XXe siècle dans le centre-ville
prudence gréco-romaine et les droits locaux. La légis-       551, qui détruit la cité et force maîtres et étudiants à            de Beyrouth, près de l’actuelle
                                                                                                                                 cathédrale Saint-Georges des
lation impériale se diffuse de là dans tout l’Orient.        se réfugier à Sidon, puis à Constantinople.
                                                                                                                                 Grecs-Orthodoxes. Beyrouth,
                                                                                                                                 Musée national. © J. Aliquot,
                                                             Bibliographie                                                       CNRS / HiSoMA 2006
                                                             • ALIQUOT (J.) — Culte des saints et rivalités civiques en
                                                             Phénicie à l’époque protobyzantine, dans J.-P. Caillet et alii
                                                             (dir.), Des dieux civiques aux saints patrons (IVe-VIIe siècle),
                                                             Paris, Picard, 2015, p. 117-138.
                                                             • COLLINET (P.) — Histoire de l’École de droit de Beyrouth,
                                                             Paris, Société anonyme du Recueil Sirey, 1925.
                                                             • CURVERS (H. H.) et alii — The hippodrome of Berytos.
                                                             Preliminary report, dans Bulletin d’archéologie et d’architecture
                                                             libanaises, n° 17, 2017, p. 7-78.
                                                             • HALL (L. J.) — Roman Berytus. Beirut in Late Antiquity,
                                                             Londres/New York, Routledge, 2004.
                                                             • LAUFFRAY (J.) — Beyrouth, archéologie et histoire I : période
                                                             hellénistique et Haut-Empire romain, dans Aufstieg und
                                                             Niedergang der römischen Welt, II, 8, Berlin/New York, Walter
                                                             de Gruyter, 1978, p. 135-163.
                                                             • MOUTERDE (R.) — Regards sur Beyrouth phénicienne,
                                                             hellénistique et romaine, dans Mélanges de l’université
                                                             Saint-Joseph, n° 40, 1964, p. 145-190.
Beyrouth
                      Vingt ans d’archéologie urbaine
                      En octobre 1993, trois ans après la fin déclarée de la guerre civile au Liban,
                      la première pioche commença à creuser le sous-sol de Beyrouth. Depuis,
                      l’aventure archéologique dans cette cité millénaire n’a cessé d’en livrer
                      les secrets. Cet article brosse un aperçu historique de ces fouilles depuis
Vue générale du
site BEY166, à        leurs débuts, et présente quelques nouvelles découvertes.
côté de la place
Riad el-Solh. Photo
Chr. Matar Beaino.                         Assaad SEIF, avec la collaboration de Fadi BEAINO et Hadi CHOUERI
national. Un an après, le 6 novembre
                                                        1992, un séminaire se tient au CDR pour
                                                        élaborer une méthodologie de fouilles
                                                        dans le centre-ville. De plus, un projet
                                                        d’aide et d’assistance (LEB/92/008), mis
                                                        en place entre la DGA, l’Unesco et le
                                                        CDR, verra le jour en juin 1993. Son but
                                                        sera de soutenir techniquement et scien-
                                                        tifiquement la DGA dans le processus de
                                                        réhabilitation, et plus particulièrement
                                                        dans la gestion des fouilles.
                                                             Mais ce n’est qu’en septembre 1993
                                                        que le ministre de la Culture et de l’Ensei-
                                                        gnement supérieur lance officiellement, de la place       La tombe datant du Bronze
                                                        des Martyrs, le projet des fouilles archéologiques du     ancien I découverte à
                                                                                                                  Ashrafieh, à l’est de
                                                        centre-ville. En effet, les trois premiers chantiers      Beyrouth. Photo H. Choueri.
                                                        débutent aux environs de cette place en octobre
                                                        1993, dans des endroits connus pour leur potentiel
                                                        archéologique sûr. Peu de temps après, deux autres
                                                        fouilles sont entreprises vers la zone des églises et
                                                        dans le sud-ouest de la ville.
                                                             Compte tenu des gigantesques travaux et de
                                                        l’énorme tâche que les archéologues doivent affron-
                                                        ter, un appel international d’entraide sera lancé
                                                        quelques mois plus tard, par le ministre de la Culture
                                                        et de l’Enseignement supérieur, en mars 1994. Tou-
                                                        tefois, les terrains destinés aux fouilles n’étant pas
                                                        tous déblayés et déminés, un programme de démi-
                                                        nage sera également mis en place en avril 1994.
                                                             Ce n’est qu’en juin 1994 que de nouvelles fouilles
                                                        commencent à s’établir successivement dans diffé-
                                                        rents endroits du centre-ville, pour atteindre le nom-
                                                        bre de 62 en janvier 1996. On compte aujourd’hui
                                                        plus de 300 fouilles, dont 210 dans le centre-ville et
                                                                                                                  Une structure du PPNB avec
                                                        les autres dans les zones périphériques.
                                                                                                                  sol chaulé découverte lors
                                                             Les efforts se sont aussi concentrés sur l’infor-    des travaux d’infrastructure
                                                        mation pour le public des résultats des travaux en        effectués à Bchara
                                                                                                                  el-Khoury, au sud du
                                                        cours. Dans ce cadre, en 1995, une exposition inti-       centre-ville. Photo
APERÇU HISTORIQUE DES FOUILLES                          tulée « Journées archéologiques de Beyrouth »             H. Choueri.
DU CENTRE-VILLE

A
         ussitôt que les conflits armés se sont arrê-
         tés, les travaux préliminaires de déblaie-
         ment du centre-ville de Beyrouth ont
commencé, faisant place au nouveau plan direc-
teur de développement de la ville, présenté offi-
ciellement au public en septembre 1991. Devant la
pression qu’exercent les travaux de développe-
ment sur le sous-sol de la ville, un « aide-
mémoire » entre le Conseil de développement et
de reconstruction (CDR) et l’Unesco est signé le
24 octobre 1991, annonçant le début de l’aventure
archéologique de Beyrouth. À ce moment, la direc-
tion générale des Antiquités (DGA), encore sous la
tutelle du ministère du Tourisme, vient de déblayer
les décombres de ses locaux et ceux du Musée
présente une sélection d’objets provenant des dif-      cée par les projets de promotion immobilière, cette
                           férentes fouilles du centre-ville. La même exposition   équipe met en place un système de fouilles et de
                           se tiendra un an plus tard au British Museum sous le    gestion des projets d’intégration urbaine qui sera
                           titre « Beirut Uncovering the Past ». Deux ans après,   officiellement instauré par des décrets en 2016.
                           en 1998, ces objets, accompagnés d’autres pièces            Depuis ses débuts, cette équipe et de nouvelles
                           provenant du Musée national de Beyrouth, seront         qui ont émergé ensuite entreprirent plus de
                           présentés dans une plus large exposition : « Liban,     70 chantiers, révélant notamment l’extension et les
                           l’autre rive », à l’Institut du monde arabe à Paris.    limites de la nécropole de Beyrouth à l’époque
                                L’Unesco se retire de la scène beyrouthine au      romaine ainsi que l’évolution de la zone périurbaine
                           début de l’année 1996, et la DGA prend la relève        durant les différentes périodes (voir p. 24-27).
                           pour la coordination des travaux archéologiques.
                           En cette même année, les fouilles débutent dans         LES NOUVELLES DÉCOUVERTES
                           les terrains privés et dans les sous-sols des bâti-     ARCHÉOLOGIQUES
                           ments préservés pour restauration. Cette dyna-              Dans un précédent article des Dossiers
                           mique va continuer, même après la fin prévue du         d’Archéologie (n° 350, mars / avril 2012), nous
                           projet LEB/92/008, en décembre 1998. Toutefois,         avions exposé quelques-unes des découvertes
                           après une récession en 1999, qui réduira les travaux    effectuées à Beyrouth entre 2005 et 2011. Dans les
                           de construction et les fouilles, elle ces-
                           sera complètement dans le centre-
                           ville en février 2005, avec l’assassinat
                           du Premier ministre Rafik Hariri.
                                Quelques mois plus tard, de nou-
                           velles spéculations foncières com-
Tête d’une statuette       mencent à se manifester dans la zone
féminine découverte        est de Beyrouth. Afin de répondre à
dans les couches de
                           ce nouvel élan de la promotion
destruction de la
structure hellénistique.   immobilière, la DGA met en place sa
Photo F. Beaino.           première équipe d’archéologie
                           urbaine libanaise, composée de pro-
Vue générale d’une
partie des bains, qui      fesseurs, d’archéologues et d’étu-
sera probablement          diants en archéologie des universités
transformée en église
                           libanaises, travaillant sous sa tutelle
au Ve siècle. Photo
Chr. Matar Beaino.         administrative et scientifique. Finan-

                                                                                   lignes qui suivent, nous allons présenter quelques
                                                                                   nouvelles découvertes révélées au cours de l’aven-
                                                                                   ture archéologique dans cette ville millénaire.

                                                                                   La préhistoire
                                                                                       L’une des plus importantes découvertes de
                                                                                   cette période a lieu dans la zone de Bchara el-
                                                                                   Khoury, au sud du centre-ville. Les travaux d’infra-
                                                                                   structure effectués à cet endroit ont révélé des
                                                                                   structures à sols chaulés remontant au Néolithique
                                                                                   précéramique B (PPNB – 7000 avant J.-C.). Des
                                                                                   inhumations ainsi que des aires de cuissons et de
                                                                                   rejets domestiques ont aussi été identifiées.
                                                                                       Plus loin à l’est, vers la colline d’Ashrafieh, une
                                                                                   structure domestique datant du Chalcolithique
                                                                                   (vers 4000 avant J.-C.) a été mise au jour au cours
                                                                                   des travaux de fouilles d’un projet résidentiel. Dans
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