Quand le vin a soif de recherches - Septembre 2013

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Quand le vin a soif de recherches - Septembre 2013
Quand le vin a soif
            de recherches

Septembre 2013
Quand le vin a soif de recherches - Septembre 2013
Sommaire
                                                          4    La dégustation au centre des attentions
                                                          6    C’est le bouquet !
                                                          7    Les vins en voient de toutes les couleurs
                                                          8    Les AOC, un air de famille
                                                          10   Zoom sur les prix
                                                          11   Des baies à croquer
                                                          13 Des innovations depuis les vendanges jusqu’à la bouteille

                                                          16   Ces levures qui font du bon vin
                                                          18   Les nouvelles pratiques œnologiques
                                                          22   Changement climatique : quel vin demain ?
                                                          24   C’est tendance !

2   Service de presse I 01 42 75 91 86 I presse@inra.fr
Quand le vin a soif de recherches - Septembre 2013
Quand le vin a soif de recherches
Rouge, blanc, rosé, liquoreux, brut, pétillant... Depuis que l’homme cherche à maî-
triser la fabrication et la conservation du vin, la science joue un rôle central. Comment
se forme le goût du vin ? D’où viennent ses arômes ? En scrutant la vigne, son génome,
les cépages, baies, bactéries ou levures, les chercheurs de l’Inra percent les secrets
de ce mélange si complexe pour en améliorer la qualité.
S’ils enrichissent sans cesse leurs connaissances de la chimie du vin, les scientifiques
de l’Inra sont aussi à l’origine de procédés technologiques déjà transférés aux quatre
coins du monde. Désalcoolisation, Flash détente, capture d’arômes, microfiltration
tangentielle... ces innovations permettent d’optimiser l’élaboration du vin, sa
stabilisation, son conditionnement. Mais l’Inra est également à la pointe lorsqu’il
s’agit de comprendre le lien au terroir et de proposer des scénarios d’adaptation au
changement climatique. Aujourd’hui, l’un des axes prioritaires de recherche consiste
à assurer une transition vers une viticulture réduisant au maximum les intrants et
à faire du vin avec le minimum d’additifs possible.
La France, premier producteur de vin au monde, est marquée par ce symbole de la
gastronomie et de l’art de vivre. Le vin y est la boisson alcoolisée la plus consom-
mée. L’Inra mène des recherches sur le vin et l’œnologie dans ses domaines viti-
coles, sur ses parcelles expérimentales ou dans ses laboratoires implantés au cœur
des régions viticoles françaises, au plus près des acteurs de la filière. Depuis sa per-
ception jusqu’à son élaboration, depuis nos verres jusqu’au raisin, ce dossier est
consacré au vin.
A découvrir sans modération !

                                                                          Service de presse I 01 42 75 91 86 I presse@inra.fr   3
Quand le vin a soif de recherches - Septembre 2013
La dégustation
                                                                au centre des attentions
                                                                Robe, couleur, tanin, charpente, corps, astringence... le vocabulaire lié au vin
                                                                foisonne ! Et cette richesse est d’autant plus grande que la dégustation fait appel
                                                                à tous les sens. Si l’intensité de la couleur, la limpidité et le brillant font la robe du
                                                                vin, sa chair apporte plénitude et densité en bouche... Mais que perçoit-on dans ce
                                                                mélange complexe ? Et comment le perçoit-on ?

                                                                                                                                                                                            © Fotolia

      Verres noirs pour analyse sensorielle.
                                                                 De la chimie au subjectif
      © Inra - Yves Cadot
                                                                 Examiner les cuvées, définir les caractères organoleptiques 1, mesurer les conséquences d’un changement de procédé,
                                                                 optimiser les assemblages, former un jury, mesurer l’impact d’un packaging... A l’Inra, plusieurs équipes se consacrent
                                                                 à l’analyse sensorielle et en particulier à celle du vin. Grâce à des jurys de personnes sélectionnées et entraînées aux
                                                                 dégustations, leurs recherches permettent de définir les profils sensoriels des vins. Elles permettent aussi de mieux
                                                                 comprendre les mécanismes liés au plaisir ou au rejet, variables d’un individu à l’autre et qui contribuent à définir
                                                                 la qualité d’un produit. Depuis les années 70, les spécialistes cherchent à identifier les arômes du vin, leurs saveurs
                                                                 élémentaires et leurs origines moléculaires. L’utilisation d’analogies (fruits, fleurs, épices) reste toutefois nécessaire.
                                                                 Ainsi, les descripteurs des arômes de “banane”, “floral” ou “fruité” désignent l’acétate de butyle ; ceux d’“abricot” et
                                                                 de ”miel“ se réfèrent au béta-phénylacétate d’éthyle ; celui de ”truffe“ correspond plutôt au sulfure de diméthyle.
                                                                 Si la description de l’odeur d’un vin est souvent au centre d’une dégustation, nos sens privilégient la vue. Petit subter-
                                                                 fuge : en colorant du vin blanc en rouge, les dégustateurs se mettent à employer le vocabulaire associé au vin rouge (fruits
                                                                 rouges), alors qu’il s’agirait d’employer les descripteurs de vin blanc (miel, abricot, pomme, banane) ! La dégustation
    1 Apparence, odeur, goût, texture ou consistance
                                                                 induit donc une activation du cortex visuel. Et c’est pour gommer ce biais que des verres teintés en noir sont souvent
    constituent les caractères organoleptiques d’un aliment      utilisés en analyse sensorielle.
    ou d’une boisson, rassemblant tout ce qui est susceptible
    d’agir sur les sens.
                                                                 Au final, c’est le consommateur qui a le dernier mot, dépendant de sa propre subjectivité.

4           Service de presse I 01 42 75 91 86 I presse@inra.fr
Quand le vin a soif de recherches - Septembre 2013
Bouche, nez, cerveau... le vin dans tous les sens
Des centaines de composés chimiques ont été identifiés dans le raisin et le vin. Cependant, une infime partie est responsable
de son bouquet, c’est-à-dire de l’ensemble de ses composantes aromatiques. De récents travaux menés à l’Inra ont montré
que des substances odorantes, issues des fûts de chêne, à très faible concentration (parfois même en dessous du seuil de
détection) peuvent avoir une incidence sur le bouquet du vin. Autre expérience : des chercheurs ont présenté à 30 volontaires
des mélanges d’une substance odorante boisée et d’une autre fruitée, soit directement par le nez, soit par la voie buccale (dite
rétronasale). Premier constat : selon que les molécules odorantes parviennent par le nez ou la bouche, il y a des différences
de perception. Par exemple, les scientifiques ont montré que la perception de l’odeur fruitée est renforcée lorsque l’odeur
boisée dans le mélange est présente à un niveau à peine perceptible. Au contraire, lorsque l’odeur boisée est plus intense, la
note fruitée voit sa perception diminuée. De tels effets sensoriels résultent d’interactions perceptives lors de l’intégration de
l’information olfactive par notre cerveau, et ce, dès qu’un mélange de substances odorantes atteint la muqueuse olfactive.
La quantité de molécules odorantes identifiées dans les vins est considérable et fait encore
l’objet de nouvelles découvertes. La perception que l’homme en a n’est pas uniquement le
                                                                                                       Exemples de profils de sensibilités olfactives de deux experts
résultat de leurs concentrations individuelles, mais de leurs puissances aromatiques et de leurs
                                                                                                       vis-à-vis de 10 composés clés du vin. Sur ces graphes, les sensibilités
associations. C’est pourquoi le capteur humain est le seul capable d’intégrer l’ensemble des
                                                                                                       étiquetées 10 correspondent à un sujet très sensible pour la substance
perceptions, de les traduire sous forme de descripteurs et de les quantifier.
                                                                                                       odorante symbolisée par une source émettrice, au contraire 0 à un sujet
                                                                                                       peu sensible. L’expert A ne sent quasiment pas la banane (une odeur
                                                                                                       fruitée caractéristique notamment des vins jeunes) ou la noix de coco
                                                                                                       (caractéristique d’un élevage du vin en barrique). L’expert B est lui,
Des notes fruitées                                                                                     très peu sensible au goût de bouchon, un défaut bien connu des vins.
                                                                                                       Dans la partie grisée, on retrouve 80% des sensibilités olfactives
difficiles à appréhender                                                                               de la population experte.
Les vins rouges de Bordeaux sont bien connus pour leurs notes fruitées évoquant les
                                                                                                                                                       EXPERT A
fruits rouges ou noirs. Cependant, aucune molécule “clé” à l’origine de cette expression
                                                                                                                                                  Floral, violette, fruité
fruitée n’a été identifiée (c’est-à-dire d’une teneur nettement supérieure à son seuil                                                                   10
de perception). L’origine de ces nuances fruitées fait l’objet de plusieurs études. Ainsi,                                      Champignon                 8
                                                                                                                                                                              Poivron

de nombreux composés sont connus pour influencer fortement l’expression fruitée des                                                                        6
vins rouges alors même qu’ils sont présents à des teneurs très éloignées de leur seuil                         Graine de coriandre,                        4
                                                                                                                                                                                         Terreux
                                                                                                               floral, citrus
de perception. Un exemple : le leucate d’éthyle s’avère un remarquable exhausteur des                                                                      2

notes de fruits noirs et de fruits frais. A l’inverse, d’autres composés (acétoïne, acide                                                                  0

acétique, γ-butyrolactone) conduisent à une diminution de l’intensité aromatique du vin                                 Ecurie, cuir                                                     Banane
et du caractère de fruits frais. Obtenus par une équipe de l’Université Bordeaux Segalen
impliquant l’Inra, ces résultats soulignent toute la difficulté d’appréhender précisément
le bouquet des vins. Ils remettent également en question l’approche traditionnelle qui                                                  Beurre                                Bouchon

considère la contribution d’un composé à l’arôme selon la valeur de son seuil de perception.                                                           Noix de coco

                                                                                                                                                       EXPERT B
                                                                                                                                                   Floral, violette, fruité
                                                                                                                                                           10

Du flair chez les experts ?                                                                                                       Champignon                8
                                                                                                                                                            6
                                                                                                                                                                               Poivron

Les spécialistes de la dégustation ne sont pas toujours unanimes dans leurs commentaires                        Graine de coriandre,                        4
                                                                                                                                                                                          Terreux
et leurs jugements. Partant de ce constat, une équipe de l’Université Bordeaux Segalen                          floral, citrus                              2

impliquant l’Inra s’est intéressée aux capacités olfactives des dégustateurs experts. Une très                                                              0

grande variation entre les individus a été mise en évidence. De même, leur étude révèle                                  Ecurie, cuir                                                     Banane
que le dégustateur “parfait” en termes de sensibilité olfactive n’existe pas ! Pour améliorer
la sensibilité à telle ou telle odeur, des chercheurs proposent donc des méthodologies
d’entraînement et d’apprentissage dont les résultats sont positifs : par une exposition                                                  Beurre                                 Bouchon
répétée à une substance odorante et, plus inédit, par de l’imagerie mentale olfactive.                                                                   Noix de coco

                                                                                                            Service de presse I 01 42 75 91 86 I presse@inra.fr                                     5
Quand le vin a soif de recherches - Septembre 2013
C’est le bouquet !
                                                                                  Le vin, boisson complexe, compte près de 1 500 composés différents, volatils ou non :
                                                                                  beaucoup d’eau, des sucres, de l’éthanol évidemment. Il y a aussi du glycérol (dont le
                                                                                  rôle est encore peu connu), des minéraux, des polysaccharides (ou sucres complexes).
                                                                                  Quant à la catégorie des polyphénols 2, elle regroupe les anthocyanes (pigments des
                                                                                  baies de raisins rouges) et les tanins qui jouent un rôle crucial dans notre perception.
                                                                                  Enfin et non des moindres parmi les composés du vin : les arômes. Fruités, floraux,
                                                                                  animaux, épicés... ils apparaissent et disparaissent au cours de l’élaboration du vin et
                                                                                  ont un impact organoleptique majeur. Plaisir du nez et du palais, le bouquet d’un vin
                                                                                  évolue, se diversifie et se complexifie au cours du temps. Si des chercheurs de l’Inra
                                                                                  analysent les réactions de nos sens, ils scrutent également les composés du vin.

                                                                                     La petite douceur des vins secs
                                                          © Inra - Axel Marchal

                                                                                     La plupart des grands vins secs sont dénués de sucre au sens chimique du terme. Et pourtant, ils développent
                                                                                     paradoxalement une douceur, appelée sucrosité, qui restait mystérieuse. Les observations suggéraient qu’au cours
    Représentation moléculaire des Quercotriterpénosides,                            de la vinification, les levures et le bois de chêne libèrent des molécules à saveur sucrée responsables de l’édulcoration
    nouvelle famille de composés édulcorants libérés                                 des vins. C’est désormais prouvé. Une équipe de l’Institut des sciences de la vigne et du vin de Bordeaux impliquant
    par le bois de chêne.                                                            l’Inra a mis en évidence, pour la première fois, l’implication d’une protéine de la levure (appelée Hsp12) dans le gain de
                                                                                     sucrosité du vin. Les scientifiques ont également découvert l’influence du bois de chêne, au cours de l’élevage des vins,
    Comprendre                                                                       sur la saveur sucrée. Leurs résultats révèlent une famille de molécules chimiques inconnues jusque-là et libérées par
                                                                                     le bois de chêne : les Quercotriterpénosides. Leur pouvoir sucrant dans le vin s’avère près de 1 000 fois plus important
    la sensation                                                                     que celui du saccharose !

    d’astringence                                                                             Les arômes des vins
                                                                                  Fil rouge

    En dégustant une groseille peu mûre, du thé
                                                                                              Parmi la multitude de composés présents dans le vin, les arômes sont parmi ceux qui sont présents en plus
    ou un verre de vin, la sensation est la même :
                                                                                              petite quantité. Et pourtant, leurs propriétés organoleptiques sont uniques. Aujourd’hui, plus de 700 composés
    l’astringence. L’interaction entre des protéines
                                                                                              aromatiques ont été dosés dans les vins. On distingue trois grandes familles d’arômes (primaires, secondaires
    salivaires et les tanins (ces molécules produites par
                                                                                              et tertiaires) qui sont libérés au cours des différentes étapes de l’élaboration du vin. Dans le verre et même
    les plantes) participe à diminuer la lubrification
                                                                                              en bouche, la vie du vin continue. Mis au contact de l’air, les arômes évoluent, certains disparaissent en
    des muqueuses de l’intérieur de la bouche et
                                                                                              quelques minutes et d’autres apparaissent. Finesse des arômes et du fruité, voilà la grande caractéristique
    intervient dans la sensation de sécheresse buccale
                                                                                              des vins blancs secs. Leur équilibre s’inscrit selon deux axes : acidité et mœlleux. Les vins rouges sont, eux,
    typique de l’astringence. Ces interactions entre
                                                                                              décrits en fonction de trois axes d’équilibre : acidité, mœlleux et astringence.
    tanins et certaines protéines salivaires appelées
    PRP - pour Protéines Riches en Proline (la proline
    est un acide aminé) dont la seule fonction
                                                                                                                                                                                                                       Paru dans Quand le raisin se fait vin, Pascale Scheromm, Editions Quæ.
                                                                                                                                                                                                                                                                                  D’après Les mots du goût, Vedel et al., 1972 .

    connue est d’interagir avec les tanins - sont au
    cœur des recherches menées par les équipes
    de l’Inra. Des chercheurs ont montré comment
    les PRP se replient autour des tanins pour les
    piéger et comment les complexes ainsi formés
    sont à l’origine de la sensation d’astringence.
    Plus récemment et grâce à une méthode inédite
    utilisant le rayonnement ultraviolet lointain, des
                                                                                                                                                          L’équilibre des blancs secs est plus facile à apprécier
    chercheurs ont localisé et identifié très précisément                                                                                                 car il s’inscrit selon deux axes : l’acidité et le mœlleux
                                                                                                 Les vins rouges sont décrits en fonction de trois axes   (relatif à la teneur en alcool).
    le site d’interaction entre tanins et protéines.                                             d’équilibre : l’acidité, le mœlleux et l’astringence.

    2 Les polyphénols constituent une famille de molécules produites par les végétaux. La majeure partie des pigments rouges et bleus des plantes sont des polyphénols.

    Ils interviennent dans les mécanismes de défense contre les UV, les attaques fongiques... Les polyphénols ont aussi des effets bénéfiques sur la santé ; ils sont utilisés
    comme additifs pour l’industrie agroalimentaire, pharmaceutique et cosmétique.

6               Service de presse I 01 42 75 91 86 I presse@inra.fr
Quand le vin a soif de recherches - Septembre 2013
Les vins en voient
            de toutes les couleurs
                                                                                                                       Du blanc au rouge en passant par du rosé très pâle ou rouge cerise,
                                                                                                                       la palette des couleurs des vins est immense. Les raisins blancs
                                                                                                                       donnent uniquement des vins blancs qui ont des caractéristiques
                                                                                                                       de fruité, de fraîcheur et de légèreté. Quant aux raisins noirs, ils
                                                                                                                       donnent des vins rouges, rosés ou encore parfois des blancs (Pinot
                                                                                                                       noir et Pinot Meunier en Champagne). Ce sont les anthocyanes qui
                                                                                                                       leur confèrent leur couleur rouge.

                                                                                                                               Comment le vin change-t-il de robe ?
                                                                                                                               La vue est le premier sens en éveil lors d’une dégustation. La robe du vin désigne
                                                                                                                               la couleur, l’aspect extérieur du vin et plusieurs facteurs influencent la couleur
© Fotolia

                                                                                                                               des vins. Les différences de couleur, et notamment la différenciation entre raisins
                                                                                                                               blancs et rouges, sont avant tout liées à la génétique : les travaux menés à l’Inra
                                                                                                                               ont révélé les mécanismes moléculaires (gènes de régulation) impliqués dans la
            La vie en rosé                                                                                                     variation génétique des teneurs en anthocyanes. Mais la synthèse des pigments
            Les vins rosés ne sont pas issus de mélange de vin blanc et de vin rouge. Cette pratique                           dépend aussi de la maturité, des conditions climatiques et en premier lieu l’intensité
            n’est autorisée que dans certains cas particuliers, comme celui du champagne rosé. On                              du rayonnement solaire. Un ensoleillement faible donne des raisins rouges peu
            distingue essentiellement le rosé de pressurage direct (les grappes entières ou éraflées                           colorés ; c’est pourquoi les régions septentrionales cultivent principalement des
            sont directement pressées) et le rosé de saignée (pour lequel les raisins sont encuvés                             cépages blancs. Deux autres paramètres définissent l’obtention d’un vin rouge,
            comme pour élaborer un vin rouge, mais avec une durée de macération très courte). Pour                             blanc ou rosé : le moment du pressurage 3 et la durée de la macération 4. Plus on
            définir et apprécier la qualité d’un vin rosé, le premier critère auquel le consommateur                           retarde le pressurage, plus les jus seront colorés. Pour le vin blanc, le pressurage
            est confronté : c’est la couleur. Une vaste étude menée par l’Inra, le Centre du Rosé et                           est immédiat en général sans macération tandis que pour le rouge, le pressurage
            l’Institut français du vin a permis de passer au crible une collection de 298 vins rosés issus                     s’effectue en fin de macération. Par ailleurs, la couleur du vin donne des indices
            de 21 pays du monde entier et de mettre en évidence les molécules et les mécanismes                                sur son âge. Les vins rouges perdent en effet leur couleur au fur et à mesure qu’ils
            responsables de leur large palette de couleurs.                                                                    vieillissent, passant du violet-pourpre à l’orange-tuilé. Quant aux vins blancs, ils
                                                                                                                               virent du jaune clair au doré, voire même parfois au brun.

            Et le jaune ?                                                                                                        Gamay Fréaux
            Produits exclusivement dans le Jura, les vins jaunes font appel à un élevage tout à fait                             Avant véraison*
            particulier. Au cours de leur vieillissement qui dure de trois ans minimum jusqu’à six ans,
            le vin prend sa couleur or et développe une odeur typique, rappelant la noix, le curry ou
                                                                                                                                                                                                                                  © Inra - Zhanwu Dai et Wenling Xia

            la noisette. Celle-ci est due à la présence d’un composé chimiquement identifié et connu
            sous le nom de sotolon. En cuisine, cette petite molécule peut être ajoutée (en quantités
            très faibles) dans une pâte à brioche pour en renforcer le goût.                                                     A maturité

            Les vins de glace
            Eux, sont élaborés à partir de raisins ayant gelé sur la vigne. Les vendanges
            ne commencent que lorsque la température a atteint -7°C minimum.                                                   Les cépages teinturiers sont des variétés de raisin dont la pulpe est colorée.
            3 Après l’égrappage et le foulage, le vigneron récupère un premier vin, dit vin de goutte (soutirage).             Ces photos de Gamay teinturier montrent les baies sur lesquelles travaillent
            Le marc restant dans la cuve est ensuite pressé pour obtenir le vin de presse, plus coloré et plus tannique        des chercheurs de l’Inra pour comprendre comment la lumière régule
            (pressurage). Vin de goutte et vin de presse peuvent être assemblés immédiatement, après élevage                   la synthèse des anthocyanes.
            ou vinifiés séparément.                                                                                            * Véraison : moment où les grains de raisin commencent à prendre la couleur qu’ils auront à maturité.
            4 Macération : phase de la vinification où les parties solides de la baie, les pellicules, macèrent dans le jus.
                                                                                                                                           Service de presse I 01 42 75 91 86 I presse@inra.fr                                                7
Quand le vin a soif de recherches - Septembre 2013
Les AOC, un air de famille
                                                             “Colorés”, “concentrés“, “longs en bouche”, “gras et ronds”, avec des arômes de fruits
                                                             noirs et rouges : tel est le style des vins de l’AOC Anjou-Villages-Brissac (Vallée de la
                                                             Loire). Cet air de famille - ou typicité - est un mélange d’originalité, d’authenticité et
                                                             de qualité qui est lié au terroir. C’est précisément ce lien qui relie le vin au terroir que
                                                             des chercheurs de l’Inra décortiquent depuis plusieurs années. Difficile à mesurer, ce
                                                             lien est pourtant un enjeu majeur de la viticulture française, au cœur du système de
                                                             production des vins d’Appellation d’Origine Contrôlée (AOC).
e-terroir
Grâce aux travaux de l’Inra menés depuis
plus de 20 ans, cette application en ligne
est destinée aux viticulteurs et leur permet
de visualiser les cartes thématiques
des vignobles du Val de Loire : unités
de terroir, profondeur de sol, réserve en eau,
potentiel de précocité...
http://www.carto-techniloire.com/

                                                                                                                                                                                     © Inra - Jean Weber
Le sol ne fait pas le terroir                                                               Représentation du terroir et son lien avec la typicité
Une enquête a été menée auprès de 41 producteurs de la région de l’Anjou-
Brissac sur la représentation du terroir et sur les facteurs influençant le style                Facteurs environnementaux                                  Facteurs humains
de leurs vins. Interrogés sur le concept de typicité de leurs vins, les vignerons                (sol-climat-paysage associé)                               (pratiques viticoles)
sont unanimes : c’est le sol qui fait l’air de famille. L’influence des pratiques                           Facteurs biologiques
                                                                                      Terroir

                                                                                                            (cépage / porte-greffe)
viticoles et œnologiques est mineure. Mais, étonnamment, lorsque les mêmes
vignerons jugent de la typicité lors de dégustations, l’origine de la parcelle ne                                                                Vendanges
leur permet pas de différencier les vins d’un point de vue sensoriel. Il y a donc                                                                (qualité des baies de raisin)
un écart entre la typicité telle qu’elle est conçue et telle qu’elle est perçue par                            Facteurs humains
                                                                                                               (pratiques œnologiques)
les producteurs de vins. Par ailleurs, l’importance de la date des vendanges
et la durée de cuvaison comptent pour beaucoup dans le style des vins. Les
                                                                                      Typicité

chercheurs ont montré que la date de récolte conditionne la composition
du vin d’un point de vue biochimique. Un exemple : les teneurs en sucre des
                                                                                                                                Caractéristiques sensorielles
baies de raisin ont un impact sur la typicité de l’AOC.                                                                               (air de famille)
                                                                                                   Le terroir a trois dimensions : environnementale, biologique et humaine.
                                                                                                   Il confère au produit des caractéristiques remarquables (un air de famille,
                                                                                                   identifiable). Cependant, ces dimensions sont complexes et les liens entre
                                                                                                   ces dimensions ne peuvent pas être mesurés précisément. Lorsque l’on part
                                                                                                   du vin, pour remonter jusqu’au sol, le lien passe par les pratiques œnologiques
                                                                                                   qui masquent en partie le rôle du sol.

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Quand le vin a soif de recherches - Septembre 2013
Prédire l’évolution des appellations
                     Les producteurs peuvent-ils prévoir l’évolution des appellations et de la typicité sensorielle des vins en fonction
                     des pratiques ? Des chercheurs élaborent des modèles en étudiant le système terroir dans son ensemble.
                     Une zone d’appellation, ce n’est ni des sols, ni des cépages, ni des paysages, ni des profils sensoriels mais
                     plutôt un “écosystème” particulier, toujours en mouvement, associant des sols, des cépages, des pratiques,
                     élaborant des produits non uniformes. Les scientifiques privilégient donc l’analyse d’itinéraires techniques,
                     c’est-à-dire l’étude d’enchaînements de pratiques, plutôt que l’étude séquentielle de telle ou telle pratique.

                                                                                                                                           Les appellations
                                                                                                                                           En France, l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO)
                                                                                                                                           est chargé des appellations, labels et indications. En 2010, on
                                                                                                                                           comptait 459 appellations et indications viticoles (AOC, IGP,
                                                                                                                                           AOVDQS pour Appellation d’origine vin délimitée de qualité
                                                                                                                                           supérieure) dont 293 classées AOC, et 2 889 produits différents
                                                                                                                                           (rouges, rosés, blancs, mousseux, etc. ou des dénominations
                                                                                                                                           de cépages). L’AOP ou Appellation d’Origine Protégée,
                                                                                                                                           désigne un produit dont la production, la transformation
                                                                                                                                           et l’élaboration doivent avoir lieu dans une aire géographique
                                                                                                                                           déterminée avec un savoir-faire reconnu et constaté.
                                                                                                                                           Il s’agit de la déclinaison au niveau communautaire de l’AOC
                                                                                                                                           pour Appellation d’Origine Contrôlée, en France. L’IGP
                                                                                                                                           ou Indication Géographique Protégée quant à elle, est un signe
                                                                                                                                           d’identification européen, créé en 1992. Liée à leur origine
                                                                                                                                           géographique et attribuée initialement aux produits
                                                                                                                                           alimentaires spécifiques portant un nom géographique,
                                                                                                                                           l’IGP a été étendue aux vins depuis 2009.
© Inra - Michel Adrian

                     Côté consommateurs :
                     comment s’attache-t-on aux AOC ?
                     Quelles sont les attentes réelles des consommateurs en termes de qualité gustative, de prix, d’étiquetage
                     du vin ou encore de design des bouteilles ? A l’Inra, des chercheurs en économie expérimentale apportent
                     des réponses en décortiquant les motivations des acheteurs par rapport aux différentes caractéristiques
                     des vins. Des résultats récents révèlent l’importance des AOC dans l’esprit des consommateurs européens
                     et évaluent leurs disponibilités d’achat dans différentes situations. Ces travaux relativisent la concurrence
                     supposée des vins du “Nouveau Monde”. Par ailleurs, ils montrent que, contrairement à une idée reçue,
                     la mention des cépages en appui d’une AOC ne garantit nullement une meilleure valorisation des vins.

                                                                                                                                      Service de presse I 01 42 75 91 86 I presse@inra.fr                   9
Quand le vin a soif de recherches - Septembre 2013
Zoom sur les prix
                                                          Quelle est la relation entre le prix du vin et sa qualité ? Sur un marché de connaisseurs,
                                                          dans les ventes aux enchères des grands vins par exemple, les différences de prix
                                                          reflètent assez bien les différences de qualité des vins. Mais, sur un marché composé
                                                          majoritairement de profanes : quels facteurs expliquent les différences de prix entre les
                                                          vins ? En réalité, le prix d’un vin est essentiellement déterminé par les caractéristiques
                                                          “objectives” apparaissant sur l’étiquette d’une bouteille (classement, appellation,
                                                          millésime par exemple). De manière surprenante, le prix est faiblement lié à la qualité
                                                          telle qu’elle peut être évaluée par des jurys d’experts sur la base de critères sensoriels.
Quelques chiffres
La surface viticole française était d’environ
792 000 hectares de vignes en production
en 2012. Avec 42 millions d’hectolitres en 2012,
la France a produit environ 17% du vin mondial.
30% des vins français sont exportés,
ce qui représente 7,83 milliards d’euros en 2012.
Derrière l’aéronautique et la parfumerie, le vin
est le 3e secteur économique exportateur national
et le 1er secteur exportateur agroalimentaire.
Source : FranceAgriMer

                                                                                              Les arômes des vins
Comment
les ”gourous“
des vins influencent
les prix
Robert Parker est un célèbre critique américain,                                                                                                                                     © Fotolia

connu pour ses guides sur le vin et ses dégustations
notées sur 100. En 2007, des économistes de l’Inra
ont identifié un “effet Parker”, “profitant” du fait
que le ”gourou“ ne soit pas venu en France pour son
                                                          Les mémoires d’un célèbre
voyage annuel en 2003. Les chercheurs ont conclu          château bordelais à la loupe
que la notation du vin par Robert Parker conduisait
                                                          Comment le prix et la production d’un grand vin sont-ils influencés par les conditions climatiques ? Des données issues
à une augmentation moyenne de l’ordre de 3 euros
                                                          des archives d’un célèbre château à Bordeaux, depuis 1820 jusqu’à aujourd’hui, ont permis d’analyser de nombreuses
par bouteille, soit une augmentation du prix de
                                                          informations détaillées : facteurs climatiques (températures minimales, maximales et précipitations quotidiennes), dates
15%. Pour les vins les plus prestigieux (Pomerol et
                                                          annuelles d’entrée de la vigne dans trois stades phénologiques 5, rendements annuels. Publiée en 2011, cette étude
Pauillac), l’augmentation peut atteindre jusqu’à
                                                          Inra montre que l’influence du climat sur les prix et les rendements a changé dans le temps. L’effet de la température
14 euros par bouteille. L’effet Parker est toujours
                                                          moyenne (entre avril et septembre) est de plus en plus faible sur les rendements, probablement parce que les viticulteurs
positif : tous les vins se vendent plus cher lorsqu’ils
                                                          contrôlent de mieux en mieux leur production. A l’inverse : l’impact de la température moyenne sur les prix du vin a
ont bénéficié de l’onction du maître, même si l’avis
                                                          augmenté dans le temps. Dans les périodes plus récentes, en particulier entre 1980 et 2009, la mondialisation (et la
est très réservé !
                                                          spéculation), les discussions de plus en plus nombreuses autour du vin (experts, magazines), ont tiré les prix vers le haut.
                                                          5 Phénomènes périodiques caractéristiques du cycle végétal de la croissance de la vigne ;

                                                          dans ces travaux, les dates de floraison, véraison et vendanges ont été étudiées.

10             Service de presse I 01 42 75 91 86 I presse@inra.fr
Des baies à croquer
© Inra - Françoise Dordor et Clotilde Verries

                                                                                                                                                                                                           Les polyphénols
                                                                                                                                                                                                           à la loupe
                                                                                                                                                                                                           Les polyphénols sont des constituants majeurs du vin.
                                                                                                                                                                                                           Parmi eux, on distingue essentiellement les anthocya-
                                                                                                                                                                                                           nes, pigments contenus dans la pellicule de la baie et
                                                Baie d’Alicante Bouschet coupée en deux avant véraison. A ce stade, seule la pulpe de ce cépage teinturier se colore de pigments                           les tanins qui se retrouvent dans la peau, les pépins et la
                                                rouges à partir de la base ; sur la partie supérieure, la pulpe encore translucide laisse entrevoir l’ombre des pépins
                                                                                                                                                                                                           rafle 6. Les anthocyanes, responsables de la coloration rouge,
                                                et le pinceau qui part du pédicelle pour distribuer la sève.
                                                                                                                                                                                                           participent fortement à la qualité des fruits, des jus et des
                                                La qualité du grain de raisin - matière première de l’élaboration des vins - est                                                                           vins rouges. Or, ces molécules sont très majoritairement
                                                                                                                                                                                                           méthylées (des groupes CH3 y sont rattachés), ce qui
                                                essentielle à la qualité finale des produits. La pulpe concentre avant tout l’eau                                                                          intensifie leur coloration et leur confère une grande
                                                (de 75 à 90%), les sucres, les acides (tartrique et malique), les minéraux. La                                                                             stabilité. Des équipes de l’Inra, en collaboration avec des
                                                peau du grain de raisin, quant à elle, contient les arômes et ses précurseurs mais                                                                         chercheurs italiens, ont identifié le gène responsable de
                                                également les polyphénols, si importants pour le goût, la stabilité et la couleur                                                                          cette méthylation des anthocyanes dans la baie de raisin. Ils
                                                                                                                                                                                                           ont également mis en évidence d’autres gènes à l’origine du
                                                du vin. Enfin, à la surface de la baie, une microflore variée de champignons,                                                                              transport des anthocyanes et d’autres réactions impliquant
                                                levures, bactéries se développe et intervient dans l’élaboration du vin et ses                                                                             les polyphénols. A l’avenir, ces gènes pourront servir de
                                                caractéristiques sensorielles. Par exemple, le goût des vins blancs liquoreux                                                                              marqueurs dans les programmes de sélection génétique.
                                                provient d’un champignon filamenteux (Botrytis cinerea ou ”pourriture noble”).                                                                             6 La rafle, c’est la partie verte de la grappe (sans les raisins).

                                                A partir de ce cocktail contenu dans les grains de raisin et dès leur éclatement,
                                                les réactions démarrent. Elles se poursuivent tout au long de la fermentation
                                                et du vieillissement. Il est indispensable de bien connaître les ingrédients du                                                                            Cuisine note à note :
                                                cocktail, c’est pourquoi des chercheurs de l’Inra s’attèlent à identifier les gènes                                                                        Sauce Wöhler aux polyphénols !
                                                et la structure des composés retrouvés dans les fruits mais aussi les mécanismes                                                                           Grâce à un procédé d’extraction et de fractionnement
                                                par lesquels ils se forment.                                                                                                                               mis au point à l’Inra, il est possible d’extraire
                                                                                                                                                                                                           les polyphénols du vin sous forme d’une poudre,
                                                                                                                                                                                                           baptisée “provinol”. En cuisine, on a proposé d’utiliser
                                                Le secret du Pinot gris est dans sa peau                                                                                                                   ce produit pour confectionner une sauce faite
                                                                                                                                                                                                           entièrement de composés (et non des tissus végétaux
                                                Le génome de l’épiderme du grain de raisin présente                                                                                                        ou animaux) : la “sauce Wöhler”, du nom du premier
                                                des différences avec celui de la baie elle-même :                                                                                                          chimiste à synthétiser une molécule organique en
                                                c’est une chimère naturelle ! Le caractère gris du                                                                                                         1828. La recette : dissoudre 100 grammes de glucose,
                                                Pinot est dû à l’association d’un épiderme de Pinot                                                                                                        2 grammes d’acide tartrique dans 20 centilitres d’eau ;
                                                noir autour d’une baie devenue Pinot blanc par                                                                                                             puis ajouter 2 grammes de polyphénols, saler, ajouter
                                                mutations génétiques survenues naturellement                                                                                                               un peu de pipérine (dérivé du poivre), une feuille
                                                (également appelées mutations spontanées) ! Des                                                                                                            de gélatine et une cuillerée de fécule de maïs.
                                                                                                                                                                      © Inra - Gilles Pelsy

                                                travaux ont révélé que la variation de couleur entre                                                                                                       Porter à ébullition puis émulsionner de l’huile.
                                                cépages noirs et cépages blancs est due à l’insertion                                                                                                      Certains chefs utilisent cette sauce en
                                                d’un élément mobile dans un gène de contrôle de                                                                                                            accompagnement de crustacés, tel le homard.
                                                                                                                 Mutants de Pinot gris évoluant vers le Pinot blanc
                                                la synthèse des anthocyanes.
                                                                                                                 du fait de leur structure chimérique.
                                                                                                                                                                                              Service de presse I 01 42 75 91 86 I presse@inra.fr                               11
Sucres et maths
                                                                  Autres composants clés des grains de raisin : les sucres (glucose et fructose). Génotype, environnement, gestion de la
                                                                  viticulture... nombre de paramètres influencent directement la composition en sucres des baies et leur métabolisme. Des
                                                                  chercheurs de l’Inra ont développé un modèle mathématique capable de prédire l’accumulation de sucres dans différents
                                                                  types de grappes et sous différentes conditions de croissance. Un tel modèle pourrait aider les viticulteurs à choisir ou
                                                                  adapter leurs vins et leurs pratiques dans une région donnée.
     Fil rouge

                 Arômes primaires
                 Agrumes, cassis, poivron... sont des exemples d’arômes
                 primaires (ou variétaux). A l’exception de certains cépages,
                 les baies de raisins sont peu aromatiques en elles-mêmes
                 et ne contiennent que peu d’arômes dits primaires (ou
                 préfermentaires). Ces arômes, qui donnent la typicité au
                 vin, proviennent du métabolisme du raisin au cours de la
                 maturation. Ils sont caractéristiques d’un cépage ou d’une
                 famille de cépage. Ils sont présents dans le fruit soit à l’état
                 odorant, ils participent alors à la palette aromatique du
                 vin sans transformation préalable, soit sous forme inodore
                 appelée “précurseur d’arômes” (comme les terpènes du
                 Gewurztraminer ou les thiols volatils du Sauvignon blanc). Le
                 pouvoir odorant de ces précurseurs sera alors révélé au cours
                 de l’élaboration du vin (fermentation alcoolique, élevage).
                 Le point commun entre une rose et un verre de
                 Gewurztraminer ? Les arômes floraux de ce vin sont
                 dus à des molécules odorantes que l’on retrouve dans
                 les parfums de nombreuses fleurs : les terpènes. C’est la
                 richesse exceptionnelle en terpènes des vins de Muscat

                                                                                                                                                                                          © Fotolia
                 et de Gewurztraminer qui leur confère leurs arômes
                 caractéristiques. Des travaux menés à l’Inra ont permis
                 d’identifier l’origine génétique des arômes muscatés, liée à une mutation ponctuelle localisée dans
                 un gène nommé DXS. Cette découverte offre des perspectives prometteuses en biotechnologies,
                 notamment pour la production de terpènes d’intérêt pharmacologique.                                                 Les raisins sans pépin de l’Inra
                 Des molécules au goût de poivron ! Toujours en étudiant comment les baies fabriquent                                Trois variétés blanches (Danuta, Exalta et Madina)
                 leurs arômes, des chercheurs de l’Institut des sciences de la vigne et du vin de Bordeaux et de                     et une variété noire (Alvina) ont été créées
                 l’Inra ont identifié un gène responsable de la synthèse des méthoxypyrazines dans les raisins.                      par croisement et sélection. Obtenue en 1964
                 Ces molécules, particulièrement importantes dans le Sauvignon, donnent un arôme de poivron                          en croisant le Dattier de Beyrouth et la Sultana
                 à nos breuvages ! Leurs effets sont si puissants qu’une goutte suffirait à parfumer au poivron                      moscata, Danuta a été la première variété sans
                 une piscine olympique...                                                                                            pépin inscrite au catalogue en France en 1990.

         Le génome de la vigne décrypté...
         En 2007, une collaboration internationale impliquant notamment des scientifiques du Genoscope et de l’Inra a obtenu une séquence de haute
         qualité de Vitis vinifera. La publication de la séquence du génome de la vigne a été le point de départ pour une caractérisation détaillée de la
         fonction des gènes de cette plante. Plus récemment, début 2012, l’Inra a inauguré à Colmar une plateforme de phénotypage unique en Europe.
         Ce dispositif d’observation du comportement de la vigne a pour objectif de favoriser la création de nouvelles variétés durablement résistantes
         aux principales maladies de la vigne (mildiou, oïdium). Ces variétés devront répondre aux exigences de limitation de l’usage des pesticides,
         tout en garantissant une production viticole de qualité et compétitive.

12               Service de presse I 01 42 75 91 86 I presse@inra.fr
Des innovations
            depuis les vendanges
            jusqu'à la bouteille
            Depuis une vingtaine d’années, des travaux expérimentaux initiés par l’Inra ont abouti
            à des outils technologiques, transférés vers les professionnels de la filière. Fouloir
            dynamique, Flash détente, décanteur centrifuge, macération à froid... de nouvelles
            pratiques offrent désormais aux œnologues une précision et une maîtrise d’action
            accrues. Retour sur les innovations technologiques tout au long du parcours de la
            transformation du raisin en vin.

                                                                                                                    Un concept nouveau :
                                                                                                                    l’œnologie
                                                                                                                    de “précision”
                                                                                                                    Eraflage, pressurage, fermentation, extraction,
                                                                                                                    stabilisation, conditionnement... le concept d’œno-
                                                                                                                    logie de précision se décline à toutes les étapes de
                                                                                                                    l’élaboration d’un vin. Il implique non seulement
                                                                                                                    de nouvelles méthodes de travail mais également
                                                                                                                    la maîtrise des phénomènes d’oxydation, le contrôle
                                                                                                                    de l’ensemble des déterminants de la qualité des
                                                                                                                    vins (par exemple, les précurseurs d’arômes, les
                                                                                                                    polyphénols, les composés produits en cours de
                                                                                                                    vinification ou pendant l’élevage). Enfin, ce concept
                                                                                                                    d’œnologie de précision intègre des démarches
                                                                                                                    d’éco-conception et de durabilité.
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            Un foulage
            dynamique des fruits
            Première étape de l’itinéraire des vins le plus souvent : l’éraflage (ou égrappage)
            permet de séparer les baies de la rafle, celle-ci pouvant donner au vin des arômes
            herbacés qui sont peu appréciés. Des innovations améliorent à la fois cette étape
            d’éraflage et le tri mécanique, tant à la vigne au niveau de la récolte mécanique
            du raisin, qu’à la cave. Une fois les grains collectés, ils tombent dans un fouloir
            où l’on fait éclater les baies de raisin pour en libérer le jus ou moût. Un nouveau
            procédé d’ouverture des baies élaboré par des chercheurs de l’Inra, en partenariat
            avec la société Pellenc, a été développé : le fouloir dynamique. Il permet une
            extraction plus rapide et améliorée des moûts par ouverture totale des baies.
                                                                                                                                                                        © Inra - Christophe Maître

            En 2013, il est passé en étape de production industrielle. Pour les blancs, l’étape
            suivante de l’itinéraire est le pressurage suivi de l’incontournable débourbage
            qui consiste à clarifier le moût en enlevant les particules en suspension.

                                                                                                  Service de presse I 01 42 75 91 86 I presse@inra.fr                13
Coup de chaud sur les vendanges !
                                                     A l’échelle mondiale, les viticulteurs utilisent fréquemment des technologies de vinification en phase liquide qui font
                                                     appel au chauffage des vendanges (thermovinification). Dans ce domaine, au début des années 90, des chercheurs de
                                                     l’Inra ont élaboré une technique inédite : la Flash détente. Celle-ci consiste d’abord à chauffer rapidement le raisin (en
                                                     l’absence d’oxygène) jusqu’à une température maximum de 90°C à cœur de fruit pendant quelques minutes. Puis, le
                                                     raisin chauffé est vite transféré dans une cuve sous vide où la chute brutale de pression entraîne un refroidissement
                                                     immédiat avec libération de vapeur : la détente ! Cette technologie provoque une déstructuration mécanique des cellules
                                                     de la baie qui favorise la libération des composés recherchés. La Flash détente permet ainsi d’optimiser l’étape suivante
                                                     de vinification et d’obtenir des vins d’une typicité plus marquée. Ce prétraitement physique des baies est le point de
                                                     départ de nombreuses méthodes de vinification, mais aussi celui de l’élaboration de jus de raisin naturellement plus
                                                     colorés et plus riches en polyphénols.

La macération carbonique
Déjà en 1874, Pasteur eut l’intuition
du phénomène, mais c’est en 1934
qu’un chercheur de la station de recherches
d’œnologie de Narbonne (futur Inra) a mis
au point ce procédé. La macération carbonique
consiste à placer dans un milieu pauvre
en oxygène et riche en gaz carbonique
des baies intactes, récoltées à la main,
afin d’exploiter les phénomènes de fermentation
spontanée qui se déroulent dans de telles
conditions. Cette transformation qui intervient
alors à l’intérieur de la baie, est due

                                                                                                                                                                                                   © Fotolia
au métabolisme endogène du fruit, grâce
à l’action des enzymes propres des grains de raisin et sans intervention
de microorganismes. Par la suite, le raisin est soumis à une fermentation “classique”,                             Du jus en continu
microbienne, de 8 à 10 jours. Ce procédé permet un meilleur déroulement des différentes                            L’étape emblématique du pressurage, mécanique ou pneumatique (c’est-à-
phases de vinification qui suivent et confère au vin une meilleure harmonie générale.                              dire discontinu, souvent pour les blancs et rosés), peut être remplacée par un
                                                                                                                   traitement alternatif en continu grâce à un décanteur centrifuge. Ce nouvel
Fût de micro-vinification, débourbage.                                                                             outil étudié par l’Inra permet d’extraire le jus, avec un rendement comparable
                                                                                                                   à celui des pressoirs, et avec un niveau de clarification généralement adapté à
                                                                                                                   la vinification, notamment, dans le cas des moûts blancs et rosés.

                                                                                                                   Quand le vin macère...
                                                                                                                   Dans les cuves de fermentation, l’étape de macération consiste à extraire les
                                                                                                                   constituants des parties solides de la vendange (tanins, anthocyanes, matière
                                                                                                                   colorante, précurseurs d’arômes). La macération est un moment essentiel
                                                                                                                   de la vinification en rouge. Il y a des différences entre les vins, par exemple,
                                                                                                                   les vins de garde nécessitent une macération plus longue. La macération
                                                                                                                   préfermentaire à froid (4 - 15°C pendant quelques jours) est une variante de la
                                                                                                                   macération traditionnelle : avec des raisins mûrs, elle permet d’obtenir des vins
                                                                                      © Inra - Christophe Maître

                                                                                                                   rouges aux notes fruitées plus intenses. La macération pelliculaire des blancs
                                                                                                                   et rosés consiste en un contact de quelques heures des pellicules et du jus. Elle
                                                                                                                   permet aux précurseurs aromatiques et aux anthocyanes (pour les rosés) de
                                                                                                                   diffuser dans le jus.

14            Service de presse I 01 42 75 91 86 I presse@inra.fr
La fermentation en pilotage automatique
Ce processus permet aux levures de transformer progressivement le sucre en alcool. Elle se réalise en cuve (généralement
en inox) et dure de quelques jours pour un vin sec à plusieurs mois pour un vin doux. La fermentation produit un important
dégagement de gaz carbonique et une élévation de la température qui peut être néfaste aux levures et à la qualité du
produit. Des équipes de l’Inra proposent de nouvelles stratégies de contrôle de la fermentation basées sur le suivi en ligne
de la cinétique de fermentation (mesure de la vitesse de dégagement de gaz carbonique) et sur l’optimisation, cuve par
cuve, du profil de température et des complémentations en nutriments (principalement azote assimilable et oxygène).
Ces stratégies permettent d’ores et déjà de fiabiliser les fermentations. La prochaine phase des travaux consistera à
utiliser le pilotage pour orienter le profil aromatique des vins.
                                                                                                                                                                                                      Cuves de vinification.

Le vin reste fragile tant qu’il n’est pas protégé par l’ajout de sulfites
et si la fermentation malolactique n’a pas eu lieu. Cette fermentation
malolactique permet de réduire l’acidité des vins par transformation
de l’acide malique en acide lactique, par des bactéries lactiques,
à une température de l’ordre de 20°C. Intéressante pour les vins rouges,
cette fermentation n’est pas souhaitée pour les vins blancs.
Suite de l’itinéraire des vins : l’écoulage (ou soutirage) consiste à extraire
le vin de la cuve en le séparant du chapeau de marc 7 et de la lie
(dépôt de levures mortes). Cette étape permet d’éliminer le gaz
carbonique acquis pendant les fermentations alcoolique et malolactique.

                                                                                                                                                                                                                               © Inra - Yves Cadot
Fin de parcours
Au cours de la fermentation, le délestage consiste à récupérer l’ensemble du moût accumulé dans le bas de la
cuve et à le transvaser dans une seconde cuve. Il est ensuite renvoyé sur le chapeau de marc qui s’est compacté
au fond de la cuve de macération. Quant au pigeage, il s’agit d’une opération spécifique à la vinification en
                                                                                                                                                     La chimie des sulfites
rouge qui consiste à enfoncer le chapeau de marc dans le jus en fermentation tout en l’émiettant pour favoriser
la diffusion des composés phénoliques et des arômes.                                                                                                 SO2, de son vrai nom dioxyde de soufre ou anhydride
                                                                                                                                                     sulfureux, le sulfite est utilisé pour ses propriétés
Le vin poursuit son itinéraire avec l’assemblage qui permet de composer un vin à partir des différentes cuvées
                                                                                                                                                     antiseptiques et anti-oxydantes. Il empêche
disponibles. Une fois assemblé, l’élevage du vin se fait en cuve, avec microoxygénation, ou en barriques. Les
                                                                                                                                                     les “mauvais” microorganismes de faire
vins primeurs (dans le sens “nouveaux” comme le Beaujolais nouveau) ne sont pas élevés. L’ouillage consiste
                                                                                                                                                     du vinaigre de vin, tout en permettant aux autres
à assurer le remplissage périodique des barriques pour compenser les pertes par évaporation. Le collage du
                                                                                                                                                     microorganismes de faire leur travail : transformer
vin consiste à ajouter une substance d’origine protéique. Autrefois réalisé au blanc d’œuf, il peut aujourd’hui
                                                                                                                                                     le raisin en vin. Le sulfitage du moût ou du vin permet
s’effectuer avec de nombreuses autres techniques et composés permettant de clarifier et de stabiliser les vins en
                                                                                                                                                     de protéger de l’oxydation. En France, il est obligatoire
faisant précipiter les particules en suspension. Enfin, une filtration peut être réalisée avant la mise en bouteille.
                                                                                                                                                     de mentionner sur l’étiquette des bouteilles de vin
                                                                                                                                                     l’emploi de sulfites. Les recherches actuelles visent
La plus grande collection                                                                                                                            à élaborer des vins avec moins de sulfites voire sans
                                                                                                                                                     sulfite et qui conservent leurs qualités organoleptiques.
de cépages au monde est à l’Inra !
Au bord de la Méditerranée, entre Sète et Marseillan-Plage
(Hérault), l’Inra possède et gère le plus grand conservatoire mondial
de vignes. L’unité expérimentale du Domaine de Vassal regroupe
plus de 7 500 accessions (échantillons élémentaires d’une collection
variétale) sur 19 hectares entièrement dédiés à la conservation,                                                                                     7 Le chapeau de marc désigne les parties solides du raisin (rafles,

la caractérisation et la valorisation de la biodiversité de la vigne.                                                                                pépins, pellicules) qui macèrent lors de la fermentation et remontent
                                                                                                                        © Inra - Florence Carreras

L’Inra possède également à Bordeaux, Colmar et Angers                                                                                                à la surface sous l’action du dégagement de gaz carbonique.
des collections complémentaires de cépages, d’accessions                                                                                             8 Partie principalement souterraine du pied de vigne,

et de porte-greffes 8.                                                                                                                               résistant au phylloxéra (puceron ravageur de la vigne),
                                                                                                                                                     sur laquelle on greffe un cépage producteur de fruit, le greffon.

                                                                                                               Service de presse I 01 42 75 91 86 I presse@inra.fr                                                       15
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