Quand le vin a soif de recherches - Septembre 2013
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Sommaire 4 La dégustation au centre des attentions 6 C’est le bouquet ! 7 Les vins en voient de toutes les couleurs 8 Les AOC, un air de famille 10 Zoom sur les prix 11 Des baies à croquer 13 Des innovations depuis les vendanges jusqu’à la bouteille 16 Ces levures qui font du bon vin 18 Les nouvelles pratiques œnologiques 22 Changement climatique : quel vin demain ? 24 C’est tendance ! 2 Service de presse I 01 42 75 91 86 I presse@inra.fr
Quand le vin a soif de recherches Rouge, blanc, rosé, liquoreux, brut, pétillant... Depuis que l’homme cherche à maî- triser la fabrication et la conservation du vin, la science joue un rôle central. Comment se forme le goût du vin ? D’où viennent ses arômes ? En scrutant la vigne, son génome, les cépages, baies, bactéries ou levures, les chercheurs de l’Inra percent les secrets de ce mélange si complexe pour en améliorer la qualité. S’ils enrichissent sans cesse leurs connaissances de la chimie du vin, les scientifiques de l’Inra sont aussi à l’origine de procédés technologiques déjà transférés aux quatre coins du monde. Désalcoolisation, Flash détente, capture d’arômes, microfiltration tangentielle... ces innovations permettent d’optimiser l’élaboration du vin, sa stabilisation, son conditionnement. Mais l’Inra est également à la pointe lorsqu’il s’agit de comprendre le lien au terroir et de proposer des scénarios d’adaptation au changement climatique. Aujourd’hui, l’un des axes prioritaires de recherche consiste à assurer une transition vers une viticulture réduisant au maximum les intrants et à faire du vin avec le minimum d’additifs possible. La France, premier producteur de vin au monde, est marquée par ce symbole de la gastronomie et de l’art de vivre. Le vin y est la boisson alcoolisée la plus consom- mée. L’Inra mène des recherches sur le vin et l’œnologie dans ses domaines viti- coles, sur ses parcelles expérimentales ou dans ses laboratoires implantés au cœur des régions viticoles françaises, au plus près des acteurs de la filière. Depuis sa per- ception jusqu’à son élaboration, depuis nos verres jusqu’au raisin, ce dossier est consacré au vin. A découvrir sans modération ! Service de presse I 01 42 75 91 86 I presse@inra.fr 3
La dégustation au centre des attentions Robe, couleur, tanin, charpente, corps, astringence... le vocabulaire lié au vin foisonne ! Et cette richesse est d’autant plus grande que la dégustation fait appel à tous les sens. Si l’intensité de la couleur, la limpidité et le brillant font la robe du vin, sa chair apporte plénitude et densité en bouche... Mais que perçoit-on dans ce mélange complexe ? Et comment le perçoit-on ? © Fotolia Verres noirs pour analyse sensorielle. De la chimie au subjectif © Inra - Yves Cadot Examiner les cuvées, définir les caractères organoleptiques 1, mesurer les conséquences d’un changement de procédé, optimiser les assemblages, former un jury, mesurer l’impact d’un packaging... A l’Inra, plusieurs équipes se consacrent à l’analyse sensorielle et en particulier à celle du vin. Grâce à des jurys de personnes sélectionnées et entraînées aux dégustations, leurs recherches permettent de définir les profils sensoriels des vins. Elles permettent aussi de mieux comprendre les mécanismes liés au plaisir ou au rejet, variables d’un individu à l’autre et qui contribuent à définir la qualité d’un produit. Depuis les années 70, les spécialistes cherchent à identifier les arômes du vin, leurs saveurs élémentaires et leurs origines moléculaires. L’utilisation d’analogies (fruits, fleurs, épices) reste toutefois nécessaire. Ainsi, les descripteurs des arômes de “banane”, “floral” ou “fruité” désignent l’acétate de butyle ; ceux d’“abricot” et de ”miel“ se réfèrent au béta-phénylacétate d’éthyle ; celui de ”truffe“ correspond plutôt au sulfure de diméthyle. Si la description de l’odeur d’un vin est souvent au centre d’une dégustation, nos sens privilégient la vue. Petit subter- fuge : en colorant du vin blanc en rouge, les dégustateurs se mettent à employer le vocabulaire associé au vin rouge (fruits rouges), alors qu’il s’agirait d’employer les descripteurs de vin blanc (miel, abricot, pomme, banane) ! La dégustation 1 Apparence, odeur, goût, texture ou consistance induit donc une activation du cortex visuel. Et c’est pour gommer ce biais que des verres teintés en noir sont souvent constituent les caractères organoleptiques d’un aliment utilisés en analyse sensorielle. ou d’une boisson, rassemblant tout ce qui est susceptible d’agir sur les sens. Au final, c’est le consommateur qui a le dernier mot, dépendant de sa propre subjectivité. 4 Service de presse I 01 42 75 91 86 I presse@inra.fr
Bouche, nez, cerveau... le vin dans tous les sens Des centaines de composés chimiques ont été identifiés dans le raisin et le vin. Cependant, une infime partie est responsable de son bouquet, c’est-à-dire de l’ensemble de ses composantes aromatiques. De récents travaux menés à l’Inra ont montré que des substances odorantes, issues des fûts de chêne, à très faible concentration (parfois même en dessous du seuil de détection) peuvent avoir une incidence sur le bouquet du vin. Autre expérience : des chercheurs ont présenté à 30 volontaires des mélanges d’une substance odorante boisée et d’une autre fruitée, soit directement par le nez, soit par la voie buccale (dite rétronasale). Premier constat : selon que les molécules odorantes parviennent par le nez ou la bouche, il y a des différences de perception. Par exemple, les scientifiques ont montré que la perception de l’odeur fruitée est renforcée lorsque l’odeur boisée dans le mélange est présente à un niveau à peine perceptible. Au contraire, lorsque l’odeur boisée est plus intense, la note fruitée voit sa perception diminuée. De tels effets sensoriels résultent d’interactions perceptives lors de l’intégration de l’information olfactive par notre cerveau, et ce, dès qu’un mélange de substances odorantes atteint la muqueuse olfactive. La quantité de molécules odorantes identifiées dans les vins est considérable et fait encore l’objet de nouvelles découvertes. La perception que l’homme en a n’est pas uniquement le Exemples de profils de sensibilités olfactives de deux experts résultat de leurs concentrations individuelles, mais de leurs puissances aromatiques et de leurs vis-à-vis de 10 composés clés du vin. Sur ces graphes, les sensibilités associations. C’est pourquoi le capteur humain est le seul capable d’intégrer l’ensemble des étiquetées 10 correspondent à un sujet très sensible pour la substance perceptions, de les traduire sous forme de descripteurs et de les quantifier. odorante symbolisée par une source émettrice, au contraire 0 à un sujet peu sensible. L’expert A ne sent quasiment pas la banane (une odeur fruitée caractéristique notamment des vins jeunes) ou la noix de coco (caractéristique d’un élevage du vin en barrique). L’expert B est lui, Des notes fruitées très peu sensible au goût de bouchon, un défaut bien connu des vins. Dans la partie grisée, on retrouve 80% des sensibilités olfactives difficiles à appréhender de la population experte. Les vins rouges de Bordeaux sont bien connus pour leurs notes fruitées évoquant les EXPERT A fruits rouges ou noirs. Cependant, aucune molécule “clé” à l’origine de cette expression Floral, violette, fruité fruitée n’a été identifiée (c’est-à-dire d’une teneur nettement supérieure à son seuil 10 de perception). L’origine de ces nuances fruitées fait l’objet de plusieurs études. Ainsi, Champignon 8 Poivron de nombreux composés sont connus pour influencer fortement l’expression fruitée des 6 vins rouges alors même qu’ils sont présents à des teneurs très éloignées de leur seuil Graine de coriandre, 4 Terreux floral, citrus de perception. Un exemple : le leucate d’éthyle s’avère un remarquable exhausteur des 2 notes de fruits noirs et de fruits frais. A l’inverse, d’autres composés (acétoïne, acide 0 acétique, γ-butyrolactone) conduisent à une diminution de l’intensité aromatique du vin Ecurie, cuir Banane et du caractère de fruits frais. Obtenus par une équipe de l’Université Bordeaux Segalen impliquant l’Inra, ces résultats soulignent toute la difficulté d’appréhender précisément le bouquet des vins. Ils remettent également en question l’approche traditionnelle qui Beurre Bouchon considère la contribution d’un composé à l’arôme selon la valeur de son seuil de perception. Noix de coco EXPERT B Floral, violette, fruité 10 Du flair chez les experts ? Champignon 8 6 Poivron Les spécialistes de la dégustation ne sont pas toujours unanimes dans leurs commentaires Graine de coriandre, 4 Terreux et leurs jugements. Partant de ce constat, une équipe de l’Université Bordeaux Segalen floral, citrus 2 impliquant l’Inra s’est intéressée aux capacités olfactives des dégustateurs experts. Une très 0 grande variation entre les individus a été mise en évidence. De même, leur étude révèle Ecurie, cuir Banane que le dégustateur “parfait” en termes de sensibilité olfactive n’existe pas ! Pour améliorer la sensibilité à telle ou telle odeur, des chercheurs proposent donc des méthodologies d’entraînement et d’apprentissage dont les résultats sont positifs : par une exposition Beurre Bouchon répétée à une substance odorante et, plus inédit, par de l’imagerie mentale olfactive. Noix de coco Service de presse I 01 42 75 91 86 I presse@inra.fr 5
C’est le bouquet ! Le vin, boisson complexe, compte près de 1 500 composés différents, volatils ou non : beaucoup d’eau, des sucres, de l’éthanol évidemment. Il y a aussi du glycérol (dont le rôle est encore peu connu), des minéraux, des polysaccharides (ou sucres complexes). Quant à la catégorie des polyphénols 2, elle regroupe les anthocyanes (pigments des baies de raisins rouges) et les tanins qui jouent un rôle crucial dans notre perception. Enfin et non des moindres parmi les composés du vin : les arômes. Fruités, floraux, animaux, épicés... ils apparaissent et disparaissent au cours de l’élaboration du vin et ont un impact organoleptique majeur. Plaisir du nez et du palais, le bouquet d’un vin évolue, se diversifie et se complexifie au cours du temps. Si des chercheurs de l’Inra analysent les réactions de nos sens, ils scrutent également les composés du vin. La petite douceur des vins secs © Inra - Axel Marchal La plupart des grands vins secs sont dénués de sucre au sens chimique du terme. Et pourtant, ils développent paradoxalement une douceur, appelée sucrosité, qui restait mystérieuse. Les observations suggéraient qu’au cours Représentation moléculaire des Quercotriterpénosides, de la vinification, les levures et le bois de chêne libèrent des molécules à saveur sucrée responsables de l’édulcoration nouvelle famille de composés édulcorants libérés des vins. C’est désormais prouvé. Une équipe de l’Institut des sciences de la vigne et du vin de Bordeaux impliquant par le bois de chêne. l’Inra a mis en évidence, pour la première fois, l’implication d’une protéine de la levure (appelée Hsp12) dans le gain de sucrosité du vin. Les scientifiques ont également découvert l’influence du bois de chêne, au cours de l’élevage des vins, Comprendre sur la saveur sucrée. Leurs résultats révèlent une famille de molécules chimiques inconnues jusque-là et libérées par le bois de chêne : les Quercotriterpénosides. Leur pouvoir sucrant dans le vin s’avère près de 1 000 fois plus important la sensation que celui du saccharose ! d’astringence Les arômes des vins Fil rouge En dégustant une groseille peu mûre, du thé Parmi la multitude de composés présents dans le vin, les arômes sont parmi ceux qui sont présents en plus ou un verre de vin, la sensation est la même : petite quantité. Et pourtant, leurs propriétés organoleptiques sont uniques. Aujourd’hui, plus de 700 composés l’astringence. L’interaction entre des protéines aromatiques ont été dosés dans les vins. On distingue trois grandes familles d’arômes (primaires, secondaires salivaires et les tanins (ces molécules produites par et tertiaires) qui sont libérés au cours des différentes étapes de l’élaboration du vin. Dans le verre et même les plantes) participe à diminuer la lubrification en bouche, la vie du vin continue. Mis au contact de l’air, les arômes évoluent, certains disparaissent en des muqueuses de l’intérieur de la bouche et quelques minutes et d’autres apparaissent. Finesse des arômes et du fruité, voilà la grande caractéristique intervient dans la sensation de sécheresse buccale des vins blancs secs. Leur équilibre s’inscrit selon deux axes : acidité et mœlleux. Les vins rouges sont, eux, typique de l’astringence. Ces interactions entre décrits en fonction de trois axes d’équilibre : acidité, mœlleux et astringence. tanins et certaines protéines salivaires appelées PRP - pour Protéines Riches en Proline (la proline est un acide aminé) dont la seule fonction Paru dans Quand le raisin se fait vin, Pascale Scheromm, Editions Quæ. D’après Les mots du goût, Vedel et al., 1972 . connue est d’interagir avec les tanins - sont au cœur des recherches menées par les équipes de l’Inra. Des chercheurs ont montré comment les PRP se replient autour des tanins pour les piéger et comment les complexes ainsi formés sont à l’origine de la sensation d’astringence. Plus récemment et grâce à une méthode inédite utilisant le rayonnement ultraviolet lointain, des L’équilibre des blancs secs est plus facile à apprécier chercheurs ont localisé et identifié très précisément car il s’inscrit selon deux axes : l’acidité et le mœlleux Les vins rouges sont décrits en fonction de trois axes (relatif à la teneur en alcool). le site d’interaction entre tanins et protéines. d’équilibre : l’acidité, le mœlleux et l’astringence. 2 Les polyphénols constituent une famille de molécules produites par les végétaux. La majeure partie des pigments rouges et bleus des plantes sont des polyphénols. Ils interviennent dans les mécanismes de défense contre les UV, les attaques fongiques... Les polyphénols ont aussi des effets bénéfiques sur la santé ; ils sont utilisés comme additifs pour l’industrie agroalimentaire, pharmaceutique et cosmétique. 6 Service de presse I 01 42 75 91 86 I presse@inra.fr
Les vins en voient de toutes les couleurs Du blanc au rouge en passant par du rosé très pâle ou rouge cerise, la palette des couleurs des vins est immense. Les raisins blancs donnent uniquement des vins blancs qui ont des caractéristiques de fruité, de fraîcheur et de légèreté. Quant aux raisins noirs, ils donnent des vins rouges, rosés ou encore parfois des blancs (Pinot noir et Pinot Meunier en Champagne). Ce sont les anthocyanes qui leur confèrent leur couleur rouge. Comment le vin change-t-il de robe ? La vue est le premier sens en éveil lors d’une dégustation. La robe du vin désigne la couleur, l’aspect extérieur du vin et plusieurs facteurs influencent la couleur © Fotolia des vins. Les différences de couleur, et notamment la différenciation entre raisins blancs et rouges, sont avant tout liées à la génétique : les travaux menés à l’Inra ont révélé les mécanismes moléculaires (gènes de régulation) impliqués dans la La vie en rosé variation génétique des teneurs en anthocyanes. Mais la synthèse des pigments Les vins rosés ne sont pas issus de mélange de vin blanc et de vin rouge. Cette pratique dépend aussi de la maturité, des conditions climatiques et en premier lieu l’intensité n’est autorisée que dans certains cas particuliers, comme celui du champagne rosé. On du rayonnement solaire. Un ensoleillement faible donne des raisins rouges peu distingue essentiellement le rosé de pressurage direct (les grappes entières ou éraflées colorés ; c’est pourquoi les régions septentrionales cultivent principalement des sont directement pressées) et le rosé de saignée (pour lequel les raisins sont encuvés cépages blancs. Deux autres paramètres définissent l’obtention d’un vin rouge, comme pour élaborer un vin rouge, mais avec une durée de macération très courte). Pour blanc ou rosé : le moment du pressurage 3 et la durée de la macération 4. Plus on définir et apprécier la qualité d’un vin rosé, le premier critère auquel le consommateur retarde le pressurage, plus les jus seront colorés. Pour le vin blanc, le pressurage est confronté : c’est la couleur. Une vaste étude menée par l’Inra, le Centre du Rosé et est immédiat en général sans macération tandis que pour le rouge, le pressurage l’Institut français du vin a permis de passer au crible une collection de 298 vins rosés issus s’effectue en fin de macération. Par ailleurs, la couleur du vin donne des indices de 21 pays du monde entier et de mettre en évidence les molécules et les mécanismes sur son âge. Les vins rouges perdent en effet leur couleur au fur et à mesure qu’ils responsables de leur large palette de couleurs. vieillissent, passant du violet-pourpre à l’orange-tuilé. Quant aux vins blancs, ils virent du jaune clair au doré, voire même parfois au brun. Et le jaune ? Gamay Fréaux Produits exclusivement dans le Jura, les vins jaunes font appel à un élevage tout à fait Avant véraison* particulier. Au cours de leur vieillissement qui dure de trois ans minimum jusqu’à six ans, le vin prend sa couleur or et développe une odeur typique, rappelant la noix, le curry ou © Inra - Zhanwu Dai et Wenling Xia la noisette. Celle-ci est due à la présence d’un composé chimiquement identifié et connu sous le nom de sotolon. En cuisine, cette petite molécule peut être ajoutée (en quantités très faibles) dans une pâte à brioche pour en renforcer le goût. A maturité Les vins de glace Eux, sont élaborés à partir de raisins ayant gelé sur la vigne. Les vendanges ne commencent que lorsque la température a atteint -7°C minimum. Les cépages teinturiers sont des variétés de raisin dont la pulpe est colorée. 3 Après l’égrappage et le foulage, le vigneron récupère un premier vin, dit vin de goutte (soutirage). Ces photos de Gamay teinturier montrent les baies sur lesquelles travaillent Le marc restant dans la cuve est ensuite pressé pour obtenir le vin de presse, plus coloré et plus tannique des chercheurs de l’Inra pour comprendre comment la lumière régule (pressurage). Vin de goutte et vin de presse peuvent être assemblés immédiatement, après élevage la synthèse des anthocyanes. ou vinifiés séparément. * Véraison : moment où les grains de raisin commencent à prendre la couleur qu’ils auront à maturité. 4 Macération : phase de la vinification où les parties solides de la baie, les pellicules, macèrent dans le jus. Service de presse I 01 42 75 91 86 I presse@inra.fr 7
Les AOC, un air de famille “Colorés”, “concentrés“, “longs en bouche”, “gras et ronds”, avec des arômes de fruits noirs et rouges : tel est le style des vins de l’AOC Anjou-Villages-Brissac (Vallée de la Loire). Cet air de famille - ou typicité - est un mélange d’originalité, d’authenticité et de qualité qui est lié au terroir. C’est précisément ce lien qui relie le vin au terroir que des chercheurs de l’Inra décortiquent depuis plusieurs années. Difficile à mesurer, ce lien est pourtant un enjeu majeur de la viticulture française, au cœur du système de production des vins d’Appellation d’Origine Contrôlée (AOC). e-terroir Grâce aux travaux de l’Inra menés depuis plus de 20 ans, cette application en ligne est destinée aux viticulteurs et leur permet de visualiser les cartes thématiques des vignobles du Val de Loire : unités de terroir, profondeur de sol, réserve en eau, potentiel de précocité... http://www.carto-techniloire.com/ © Inra - Jean Weber Le sol ne fait pas le terroir Représentation du terroir et son lien avec la typicité Une enquête a été menée auprès de 41 producteurs de la région de l’Anjou- Brissac sur la représentation du terroir et sur les facteurs influençant le style Facteurs environnementaux Facteurs humains de leurs vins. Interrogés sur le concept de typicité de leurs vins, les vignerons (sol-climat-paysage associé) (pratiques viticoles) sont unanimes : c’est le sol qui fait l’air de famille. L’influence des pratiques Facteurs biologiques Terroir (cépage / porte-greffe) viticoles et œnologiques est mineure. Mais, étonnamment, lorsque les mêmes vignerons jugent de la typicité lors de dégustations, l’origine de la parcelle ne Vendanges leur permet pas de différencier les vins d’un point de vue sensoriel. Il y a donc (qualité des baies de raisin) un écart entre la typicité telle qu’elle est conçue et telle qu’elle est perçue par Facteurs humains (pratiques œnologiques) les producteurs de vins. Par ailleurs, l’importance de la date des vendanges et la durée de cuvaison comptent pour beaucoup dans le style des vins. Les Typicité chercheurs ont montré que la date de récolte conditionne la composition du vin d’un point de vue biochimique. Un exemple : les teneurs en sucre des Caractéristiques sensorielles baies de raisin ont un impact sur la typicité de l’AOC. (air de famille) Le terroir a trois dimensions : environnementale, biologique et humaine. Il confère au produit des caractéristiques remarquables (un air de famille, identifiable). Cependant, ces dimensions sont complexes et les liens entre ces dimensions ne peuvent pas être mesurés précisément. Lorsque l’on part du vin, pour remonter jusqu’au sol, le lien passe par les pratiques œnologiques qui masquent en partie le rôle du sol. 8 Service de presse I 01 42 75 91 86 I presse@inra.fr
Prédire l’évolution des appellations Les producteurs peuvent-ils prévoir l’évolution des appellations et de la typicité sensorielle des vins en fonction des pratiques ? Des chercheurs élaborent des modèles en étudiant le système terroir dans son ensemble. Une zone d’appellation, ce n’est ni des sols, ni des cépages, ni des paysages, ni des profils sensoriels mais plutôt un “écosystème” particulier, toujours en mouvement, associant des sols, des cépages, des pratiques, élaborant des produits non uniformes. Les scientifiques privilégient donc l’analyse d’itinéraires techniques, c’est-à-dire l’étude d’enchaînements de pratiques, plutôt que l’étude séquentielle de telle ou telle pratique. Les appellations En France, l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) est chargé des appellations, labels et indications. En 2010, on comptait 459 appellations et indications viticoles (AOC, IGP, AOVDQS pour Appellation d’origine vin délimitée de qualité supérieure) dont 293 classées AOC, et 2 889 produits différents (rouges, rosés, blancs, mousseux, etc. ou des dénominations de cépages). L’AOP ou Appellation d’Origine Protégée, désigne un produit dont la production, la transformation et l’élaboration doivent avoir lieu dans une aire géographique déterminée avec un savoir-faire reconnu et constaté. Il s’agit de la déclinaison au niveau communautaire de l’AOC pour Appellation d’Origine Contrôlée, en France. L’IGP ou Indication Géographique Protégée quant à elle, est un signe d’identification européen, créé en 1992. Liée à leur origine géographique et attribuée initialement aux produits alimentaires spécifiques portant un nom géographique, l’IGP a été étendue aux vins depuis 2009. © Inra - Michel Adrian Côté consommateurs : comment s’attache-t-on aux AOC ? Quelles sont les attentes réelles des consommateurs en termes de qualité gustative, de prix, d’étiquetage du vin ou encore de design des bouteilles ? A l’Inra, des chercheurs en économie expérimentale apportent des réponses en décortiquant les motivations des acheteurs par rapport aux différentes caractéristiques des vins. Des résultats récents révèlent l’importance des AOC dans l’esprit des consommateurs européens et évaluent leurs disponibilités d’achat dans différentes situations. Ces travaux relativisent la concurrence supposée des vins du “Nouveau Monde”. Par ailleurs, ils montrent que, contrairement à une idée reçue, la mention des cépages en appui d’une AOC ne garantit nullement une meilleure valorisation des vins. Service de presse I 01 42 75 91 86 I presse@inra.fr 9
Zoom sur les prix Quelle est la relation entre le prix du vin et sa qualité ? Sur un marché de connaisseurs, dans les ventes aux enchères des grands vins par exemple, les différences de prix reflètent assez bien les différences de qualité des vins. Mais, sur un marché composé majoritairement de profanes : quels facteurs expliquent les différences de prix entre les vins ? En réalité, le prix d’un vin est essentiellement déterminé par les caractéristiques “objectives” apparaissant sur l’étiquette d’une bouteille (classement, appellation, millésime par exemple). De manière surprenante, le prix est faiblement lié à la qualité telle qu’elle peut être évaluée par des jurys d’experts sur la base de critères sensoriels. Quelques chiffres La surface viticole française était d’environ 792 000 hectares de vignes en production en 2012. Avec 42 millions d’hectolitres en 2012, la France a produit environ 17% du vin mondial. 30% des vins français sont exportés, ce qui représente 7,83 milliards d’euros en 2012. Derrière l’aéronautique et la parfumerie, le vin est le 3e secteur économique exportateur national et le 1er secteur exportateur agroalimentaire. Source : FranceAgriMer Les arômes des vins Comment les ”gourous“ des vins influencent les prix Robert Parker est un célèbre critique américain, © Fotolia connu pour ses guides sur le vin et ses dégustations notées sur 100. En 2007, des économistes de l’Inra ont identifié un “effet Parker”, “profitant” du fait que le ”gourou“ ne soit pas venu en France pour son Les mémoires d’un célèbre voyage annuel en 2003. Les chercheurs ont conclu château bordelais à la loupe que la notation du vin par Robert Parker conduisait Comment le prix et la production d’un grand vin sont-ils influencés par les conditions climatiques ? Des données issues à une augmentation moyenne de l’ordre de 3 euros des archives d’un célèbre château à Bordeaux, depuis 1820 jusqu’à aujourd’hui, ont permis d’analyser de nombreuses par bouteille, soit une augmentation du prix de informations détaillées : facteurs climatiques (températures minimales, maximales et précipitations quotidiennes), dates 15%. Pour les vins les plus prestigieux (Pomerol et annuelles d’entrée de la vigne dans trois stades phénologiques 5, rendements annuels. Publiée en 2011, cette étude Pauillac), l’augmentation peut atteindre jusqu’à Inra montre que l’influence du climat sur les prix et les rendements a changé dans le temps. L’effet de la température 14 euros par bouteille. L’effet Parker est toujours moyenne (entre avril et septembre) est de plus en plus faible sur les rendements, probablement parce que les viticulteurs positif : tous les vins se vendent plus cher lorsqu’ils contrôlent de mieux en mieux leur production. A l’inverse : l’impact de la température moyenne sur les prix du vin a ont bénéficié de l’onction du maître, même si l’avis augmenté dans le temps. Dans les périodes plus récentes, en particulier entre 1980 et 2009, la mondialisation (et la est très réservé ! spéculation), les discussions de plus en plus nombreuses autour du vin (experts, magazines), ont tiré les prix vers le haut. 5 Phénomènes périodiques caractéristiques du cycle végétal de la croissance de la vigne ; dans ces travaux, les dates de floraison, véraison et vendanges ont été étudiées. 10 Service de presse I 01 42 75 91 86 I presse@inra.fr
Des baies à croquer © Inra - Françoise Dordor et Clotilde Verries Les polyphénols à la loupe Les polyphénols sont des constituants majeurs du vin. Parmi eux, on distingue essentiellement les anthocya- nes, pigments contenus dans la pellicule de la baie et Baie d’Alicante Bouschet coupée en deux avant véraison. A ce stade, seule la pulpe de ce cépage teinturier se colore de pigments les tanins qui se retrouvent dans la peau, les pépins et la rouges à partir de la base ; sur la partie supérieure, la pulpe encore translucide laisse entrevoir l’ombre des pépins rafle 6. Les anthocyanes, responsables de la coloration rouge, et le pinceau qui part du pédicelle pour distribuer la sève. participent fortement à la qualité des fruits, des jus et des La qualité du grain de raisin - matière première de l’élaboration des vins - est vins rouges. Or, ces molécules sont très majoritairement méthylées (des groupes CH3 y sont rattachés), ce qui essentielle à la qualité finale des produits. La pulpe concentre avant tout l’eau intensifie leur coloration et leur confère une grande (de 75 à 90%), les sucres, les acides (tartrique et malique), les minéraux. La stabilité. Des équipes de l’Inra, en collaboration avec des peau du grain de raisin, quant à elle, contient les arômes et ses précurseurs mais chercheurs italiens, ont identifié le gène responsable de également les polyphénols, si importants pour le goût, la stabilité et la couleur cette méthylation des anthocyanes dans la baie de raisin. Ils ont également mis en évidence d’autres gènes à l’origine du du vin. Enfin, à la surface de la baie, une microflore variée de champignons, transport des anthocyanes et d’autres réactions impliquant levures, bactéries se développe et intervient dans l’élaboration du vin et ses les polyphénols. A l’avenir, ces gènes pourront servir de caractéristiques sensorielles. Par exemple, le goût des vins blancs liquoreux marqueurs dans les programmes de sélection génétique. provient d’un champignon filamenteux (Botrytis cinerea ou ”pourriture noble”). 6 La rafle, c’est la partie verte de la grappe (sans les raisins). A partir de ce cocktail contenu dans les grains de raisin et dès leur éclatement, les réactions démarrent. Elles se poursuivent tout au long de la fermentation et du vieillissement. Il est indispensable de bien connaître les ingrédients du Cuisine note à note : cocktail, c’est pourquoi des chercheurs de l’Inra s’attèlent à identifier les gènes Sauce Wöhler aux polyphénols ! et la structure des composés retrouvés dans les fruits mais aussi les mécanismes Grâce à un procédé d’extraction et de fractionnement par lesquels ils se forment. mis au point à l’Inra, il est possible d’extraire les polyphénols du vin sous forme d’une poudre, baptisée “provinol”. En cuisine, on a proposé d’utiliser Le secret du Pinot gris est dans sa peau ce produit pour confectionner une sauce faite entièrement de composés (et non des tissus végétaux Le génome de l’épiderme du grain de raisin présente ou animaux) : la “sauce Wöhler”, du nom du premier des différences avec celui de la baie elle-même : chimiste à synthétiser une molécule organique en c’est une chimère naturelle ! Le caractère gris du 1828. La recette : dissoudre 100 grammes de glucose, Pinot est dû à l’association d’un épiderme de Pinot 2 grammes d’acide tartrique dans 20 centilitres d’eau ; noir autour d’une baie devenue Pinot blanc par puis ajouter 2 grammes de polyphénols, saler, ajouter mutations génétiques survenues naturellement un peu de pipérine (dérivé du poivre), une feuille (également appelées mutations spontanées) ! Des de gélatine et une cuillerée de fécule de maïs. © Inra - Gilles Pelsy travaux ont révélé que la variation de couleur entre Porter à ébullition puis émulsionner de l’huile. cépages noirs et cépages blancs est due à l’insertion Certains chefs utilisent cette sauce en d’un élément mobile dans un gène de contrôle de accompagnement de crustacés, tel le homard. Mutants de Pinot gris évoluant vers le Pinot blanc la synthèse des anthocyanes. du fait de leur structure chimérique. Service de presse I 01 42 75 91 86 I presse@inra.fr 11
Sucres et maths Autres composants clés des grains de raisin : les sucres (glucose et fructose). Génotype, environnement, gestion de la viticulture... nombre de paramètres influencent directement la composition en sucres des baies et leur métabolisme. Des chercheurs de l’Inra ont développé un modèle mathématique capable de prédire l’accumulation de sucres dans différents types de grappes et sous différentes conditions de croissance. Un tel modèle pourrait aider les viticulteurs à choisir ou adapter leurs vins et leurs pratiques dans une région donnée. Fil rouge Arômes primaires Agrumes, cassis, poivron... sont des exemples d’arômes primaires (ou variétaux). A l’exception de certains cépages, les baies de raisins sont peu aromatiques en elles-mêmes et ne contiennent que peu d’arômes dits primaires (ou préfermentaires). Ces arômes, qui donnent la typicité au vin, proviennent du métabolisme du raisin au cours de la maturation. Ils sont caractéristiques d’un cépage ou d’une famille de cépage. Ils sont présents dans le fruit soit à l’état odorant, ils participent alors à la palette aromatique du vin sans transformation préalable, soit sous forme inodore appelée “précurseur d’arômes” (comme les terpènes du Gewurztraminer ou les thiols volatils du Sauvignon blanc). Le pouvoir odorant de ces précurseurs sera alors révélé au cours de l’élaboration du vin (fermentation alcoolique, élevage). Le point commun entre une rose et un verre de Gewurztraminer ? Les arômes floraux de ce vin sont dus à des molécules odorantes que l’on retrouve dans les parfums de nombreuses fleurs : les terpènes. C’est la richesse exceptionnelle en terpènes des vins de Muscat © Fotolia et de Gewurztraminer qui leur confère leurs arômes caractéristiques. Des travaux menés à l’Inra ont permis d’identifier l’origine génétique des arômes muscatés, liée à une mutation ponctuelle localisée dans un gène nommé DXS. Cette découverte offre des perspectives prometteuses en biotechnologies, notamment pour la production de terpènes d’intérêt pharmacologique. Les raisins sans pépin de l’Inra Des molécules au goût de poivron ! Toujours en étudiant comment les baies fabriquent Trois variétés blanches (Danuta, Exalta et Madina) leurs arômes, des chercheurs de l’Institut des sciences de la vigne et du vin de Bordeaux et de et une variété noire (Alvina) ont été créées l’Inra ont identifié un gène responsable de la synthèse des méthoxypyrazines dans les raisins. par croisement et sélection. Obtenue en 1964 Ces molécules, particulièrement importantes dans le Sauvignon, donnent un arôme de poivron en croisant le Dattier de Beyrouth et la Sultana à nos breuvages ! Leurs effets sont si puissants qu’une goutte suffirait à parfumer au poivron moscata, Danuta a été la première variété sans une piscine olympique... pépin inscrite au catalogue en France en 1990. Le génome de la vigne décrypté... En 2007, une collaboration internationale impliquant notamment des scientifiques du Genoscope et de l’Inra a obtenu une séquence de haute qualité de Vitis vinifera. La publication de la séquence du génome de la vigne a été le point de départ pour une caractérisation détaillée de la fonction des gènes de cette plante. Plus récemment, début 2012, l’Inra a inauguré à Colmar une plateforme de phénotypage unique en Europe. Ce dispositif d’observation du comportement de la vigne a pour objectif de favoriser la création de nouvelles variétés durablement résistantes aux principales maladies de la vigne (mildiou, oïdium). Ces variétés devront répondre aux exigences de limitation de l’usage des pesticides, tout en garantissant une production viticole de qualité et compétitive. 12 Service de presse I 01 42 75 91 86 I presse@inra.fr
Des innovations depuis les vendanges jusqu'à la bouteille Depuis une vingtaine d’années, des travaux expérimentaux initiés par l’Inra ont abouti à des outils technologiques, transférés vers les professionnels de la filière. Fouloir dynamique, Flash détente, décanteur centrifuge, macération à froid... de nouvelles pratiques offrent désormais aux œnologues une précision et une maîtrise d’action accrues. Retour sur les innovations technologiques tout au long du parcours de la transformation du raisin en vin. Un concept nouveau : l’œnologie de “précision” Eraflage, pressurage, fermentation, extraction, stabilisation, conditionnement... le concept d’œno- logie de précision se décline à toutes les étapes de l’élaboration d’un vin. Il implique non seulement de nouvelles méthodes de travail mais également la maîtrise des phénomènes d’oxydation, le contrôle de l’ensemble des déterminants de la qualité des vins (par exemple, les précurseurs d’arômes, les polyphénols, les composés produits en cours de vinification ou pendant l’élevage). Enfin, ce concept d’œnologie de précision intègre des démarches d’éco-conception et de durabilité. © Fotolia Un foulage dynamique des fruits Première étape de l’itinéraire des vins le plus souvent : l’éraflage (ou égrappage) permet de séparer les baies de la rafle, celle-ci pouvant donner au vin des arômes herbacés qui sont peu appréciés. Des innovations améliorent à la fois cette étape d’éraflage et le tri mécanique, tant à la vigne au niveau de la récolte mécanique du raisin, qu’à la cave. Une fois les grains collectés, ils tombent dans un fouloir où l’on fait éclater les baies de raisin pour en libérer le jus ou moût. Un nouveau procédé d’ouverture des baies élaboré par des chercheurs de l’Inra, en partenariat avec la société Pellenc, a été développé : le fouloir dynamique. Il permet une extraction plus rapide et améliorée des moûts par ouverture totale des baies. © Inra - Christophe Maître En 2013, il est passé en étape de production industrielle. Pour les blancs, l’étape suivante de l’itinéraire est le pressurage suivi de l’incontournable débourbage qui consiste à clarifier le moût en enlevant les particules en suspension. Service de presse I 01 42 75 91 86 I presse@inra.fr 13
Coup de chaud sur les vendanges ! A l’échelle mondiale, les viticulteurs utilisent fréquemment des technologies de vinification en phase liquide qui font appel au chauffage des vendanges (thermovinification). Dans ce domaine, au début des années 90, des chercheurs de l’Inra ont élaboré une technique inédite : la Flash détente. Celle-ci consiste d’abord à chauffer rapidement le raisin (en l’absence d’oxygène) jusqu’à une température maximum de 90°C à cœur de fruit pendant quelques minutes. Puis, le raisin chauffé est vite transféré dans une cuve sous vide où la chute brutale de pression entraîne un refroidissement immédiat avec libération de vapeur : la détente ! Cette technologie provoque une déstructuration mécanique des cellules de la baie qui favorise la libération des composés recherchés. La Flash détente permet ainsi d’optimiser l’étape suivante de vinification et d’obtenir des vins d’une typicité plus marquée. Ce prétraitement physique des baies est le point de départ de nombreuses méthodes de vinification, mais aussi celui de l’élaboration de jus de raisin naturellement plus colorés et plus riches en polyphénols. La macération carbonique Déjà en 1874, Pasteur eut l’intuition du phénomène, mais c’est en 1934 qu’un chercheur de la station de recherches d’œnologie de Narbonne (futur Inra) a mis au point ce procédé. La macération carbonique consiste à placer dans un milieu pauvre en oxygène et riche en gaz carbonique des baies intactes, récoltées à la main, afin d’exploiter les phénomènes de fermentation spontanée qui se déroulent dans de telles conditions. Cette transformation qui intervient alors à l’intérieur de la baie, est due © Fotolia au métabolisme endogène du fruit, grâce à l’action des enzymes propres des grains de raisin et sans intervention de microorganismes. Par la suite, le raisin est soumis à une fermentation “classique”, Du jus en continu microbienne, de 8 à 10 jours. Ce procédé permet un meilleur déroulement des différentes L’étape emblématique du pressurage, mécanique ou pneumatique (c’est-à- phases de vinification qui suivent et confère au vin une meilleure harmonie générale. dire discontinu, souvent pour les blancs et rosés), peut être remplacée par un traitement alternatif en continu grâce à un décanteur centrifuge. Ce nouvel Fût de micro-vinification, débourbage. outil étudié par l’Inra permet d’extraire le jus, avec un rendement comparable à celui des pressoirs, et avec un niveau de clarification généralement adapté à la vinification, notamment, dans le cas des moûts blancs et rosés. Quand le vin macère... Dans les cuves de fermentation, l’étape de macération consiste à extraire les constituants des parties solides de la vendange (tanins, anthocyanes, matière colorante, précurseurs d’arômes). La macération est un moment essentiel de la vinification en rouge. Il y a des différences entre les vins, par exemple, les vins de garde nécessitent une macération plus longue. La macération préfermentaire à froid (4 - 15°C pendant quelques jours) est une variante de la macération traditionnelle : avec des raisins mûrs, elle permet d’obtenir des vins © Inra - Christophe Maître rouges aux notes fruitées plus intenses. La macération pelliculaire des blancs et rosés consiste en un contact de quelques heures des pellicules et du jus. Elle permet aux précurseurs aromatiques et aux anthocyanes (pour les rosés) de diffuser dans le jus. 14 Service de presse I 01 42 75 91 86 I presse@inra.fr
La fermentation en pilotage automatique Ce processus permet aux levures de transformer progressivement le sucre en alcool. Elle se réalise en cuve (généralement en inox) et dure de quelques jours pour un vin sec à plusieurs mois pour un vin doux. La fermentation produit un important dégagement de gaz carbonique et une élévation de la température qui peut être néfaste aux levures et à la qualité du produit. Des équipes de l’Inra proposent de nouvelles stratégies de contrôle de la fermentation basées sur le suivi en ligne de la cinétique de fermentation (mesure de la vitesse de dégagement de gaz carbonique) et sur l’optimisation, cuve par cuve, du profil de température et des complémentations en nutriments (principalement azote assimilable et oxygène). Ces stratégies permettent d’ores et déjà de fiabiliser les fermentations. La prochaine phase des travaux consistera à utiliser le pilotage pour orienter le profil aromatique des vins. Cuves de vinification. Le vin reste fragile tant qu’il n’est pas protégé par l’ajout de sulfites et si la fermentation malolactique n’a pas eu lieu. Cette fermentation malolactique permet de réduire l’acidité des vins par transformation de l’acide malique en acide lactique, par des bactéries lactiques, à une température de l’ordre de 20°C. Intéressante pour les vins rouges, cette fermentation n’est pas souhaitée pour les vins blancs. Suite de l’itinéraire des vins : l’écoulage (ou soutirage) consiste à extraire le vin de la cuve en le séparant du chapeau de marc 7 et de la lie (dépôt de levures mortes). Cette étape permet d’éliminer le gaz carbonique acquis pendant les fermentations alcoolique et malolactique. © Inra - Yves Cadot Fin de parcours Au cours de la fermentation, le délestage consiste à récupérer l’ensemble du moût accumulé dans le bas de la cuve et à le transvaser dans une seconde cuve. Il est ensuite renvoyé sur le chapeau de marc qui s’est compacté au fond de la cuve de macération. Quant au pigeage, il s’agit d’une opération spécifique à la vinification en La chimie des sulfites rouge qui consiste à enfoncer le chapeau de marc dans le jus en fermentation tout en l’émiettant pour favoriser la diffusion des composés phénoliques et des arômes. SO2, de son vrai nom dioxyde de soufre ou anhydride sulfureux, le sulfite est utilisé pour ses propriétés Le vin poursuit son itinéraire avec l’assemblage qui permet de composer un vin à partir des différentes cuvées antiseptiques et anti-oxydantes. Il empêche disponibles. Une fois assemblé, l’élevage du vin se fait en cuve, avec microoxygénation, ou en barriques. Les les “mauvais” microorganismes de faire vins primeurs (dans le sens “nouveaux” comme le Beaujolais nouveau) ne sont pas élevés. L’ouillage consiste du vinaigre de vin, tout en permettant aux autres à assurer le remplissage périodique des barriques pour compenser les pertes par évaporation. Le collage du microorganismes de faire leur travail : transformer vin consiste à ajouter une substance d’origine protéique. Autrefois réalisé au blanc d’œuf, il peut aujourd’hui le raisin en vin. Le sulfitage du moût ou du vin permet s’effectuer avec de nombreuses autres techniques et composés permettant de clarifier et de stabiliser les vins en de protéger de l’oxydation. En France, il est obligatoire faisant précipiter les particules en suspension. Enfin, une filtration peut être réalisée avant la mise en bouteille. de mentionner sur l’étiquette des bouteilles de vin l’emploi de sulfites. Les recherches actuelles visent La plus grande collection à élaborer des vins avec moins de sulfites voire sans sulfite et qui conservent leurs qualités organoleptiques. de cépages au monde est à l’Inra ! Au bord de la Méditerranée, entre Sète et Marseillan-Plage (Hérault), l’Inra possède et gère le plus grand conservatoire mondial de vignes. L’unité expérimentale du Domaine de Vassal regroupe plus de 7 500 accessions (échantillons élémentaires d’une collection variétale) sur 19 hectares entièrement dédiés à la conservation, 7 Le chapeau de marc désigne les parties solides du raisin (rafles, la caractérisation et la valorisation de la biodiversité de la vigne. pépins, pellicules) qui macèrent lors de la fermentation et remontent © Inra - Florence Carreras L’Inra possède également à Bordeaux, Colmar et Angers à la surface sous l’action du dégagement de gaz carbonique. des collections complémentaires de cépages, d’accessions 8 Partie principalement souterraine du pied de vigne, et de porte-greffes 8. résistant au phylloxéra (puceron ravageur de la vigne), sur laquelle on greffe un cépage producteur de fruit, le greffon. Service de presse I 01 42 75 91 86 I presse@inra.fr 15
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