RÉSUMÉS LE PEUPLE EN COLÈRE - Sfeds

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RÉSUMÉS

                 LE PEUPLE EN COLÈRE
                        La loi et la colère

Oscar Ferreira : « Le cri du peuple ne peut être la règle
de la loi. Remarques sur le respect et la garantie de la loi
par la foule au 18e siècle »
    Le 18e siècle est marqué par une définition de la liberté indis-
sociable de la loi : être libre, c’est se soumettre à la loi de la nation,
non obéir à un maître. Un ennemi se dégage : la populace en
colère, usant de procédés extra-légaux pour satisfaire ses revendi-
cations. L’appréhension du phénomène tend à muter : en atteste
l’évolution de la répression législative. Celle-ci s’effectue d’abord
dans une logique de défense des lois et du nouvel ordre établi en
1789, qui chercha l’appui des foules pour être conçu : le peuple
en colère servit opportunément de gardien d’un ordre légal à
construire. En fin de course cette répression veillera à comprimer
tout mouvement de foule, en souvenir de la Terreur. La foule rede-
vient un danger pour l’ordre public.
Léon Robichaud : « Les résistances à la loi sur la voirie
de 1796 au Bas-Canada : action populaire et débat politique »
    Le mouvement d’opposition à la loi sur la voirie de 1796 au
Bas-Canada s’est produit alors que la Grande-Bretagne, dont
dépend la colonie depuis 1760, et la France, ancienne mère-pa-
trie de la majorité des habitants, sont en guerre. Les historiens
ont généralement mis l’accent sur ce contexte et sur certains gestes
spectaculaires posés par les opposants à la loi. Cet article propose
de tenir compte du processus politique (parlementaire et électo-
ral), des actions collectives et des suites de ce mouvement. Bien

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que l’opposition soit fermement réprimée, les opposants réus-
sissent à faire amender la loi pour en retirer les articles les plus
inéquitables.
Lise Andries : « La colère et le crime »
    Au 18e siècle, malgré une présence policière importante dans
les villes, la société française a été parcourue de mouvements de
protestation plus ou moins violents, et cela de manière ininter-
rompue. On étudiera les manifestations de ce mécontentement
populaire à Paris et en Île-de-France, depuis les mots injurieux et
les chansons satiriques jusqu’aux formes de rébellion caractérisées
contre la Ferme générale. Seront également étudiées les émeutes de
la faim, le braconnage et la contrebande, et les tensions entourant
certaines exécutions judiciaires. Il sera enfin question des bandes
armées menées par des brigands dont la légende ne fait qu’embellir
tout au long du 18e siècle, au point de transformer certains d’entre
eux en meneurs révolutionnaires et en héros des luttes d’indépen-
dance nationale.
Élisabeth Rochon : « Quand le tambour résonne
parmi les hennissements. Crimes, solidarité et sollicitation
du pouvoir dans l’espace du marché aux chevaux de Paris
(1758-1778) »
    Dès la fin du 17e siècle, le marché aux chevaux de Paris connaît
une criminalité importante. En 1758, le lieutenant de police Bertin
place au marché une équipe de surveillance dirigée par l’inspecteur
Guillotte. En 1762, de Sartine instaure de nouveaux outils pour
contrer les fraudes et les vols. Grâce à ces efforts, la police du
Châtelet s’assure de contenir le mécontentement des usagers en leur
donnant accès à des intermédiaires capables de les soutenir dans
leurs infortunes. Cet article entend démontrer que les rapports entre
le peuple du marché aux chevaux et sa police ne se limitent ni à la
soumission ni à la résistance. L’inspecteur développe des relations
collaboratives avec les marchands de chevaux, permettant une meil-
leure gestion de ce commerce essentiel à la capitale.
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                Apaiser la fureur populaire
Goulven Kérien, Vincent Milliot : « Les raisons de la colère.
Relire les émeutes parisiennes du printemps 1750 »
    En mai 1750, les Parisiens se révoltent contre les enlève-
ments arbitraires d’enfants effectués par la police. Au-delà de
la chasse aux mendiants déclenchée par l’ordonnance royale du
12 novembre 1749 qui semble servir de détonateur, ces émeutes
n’ont-elles pas des causes plus profondes ? L’étude systématique
des sources policières, notamment des enfermements de famille
par lettres de cachet, permet de revenir au fondement du pacte
social scellé entre le Roi et les Parisiens à partir de la magistra-
ture du lieutenant de police d’Argenson (1697-1718). Il s’agit ici
de comprendre les raisons profondes de l’altération de ce pacte et
de la dégradation des rapports entre police et population dans les
années qui précèdent 1750. Mais aussi de souligner les leçons que
les autorités ont tirées de cette révolte pour répondre au malaise
exprimé par les Parisiens, sans rompre avec une dynamique de
transformation du système policier parisien.
Clara Chevalier : « Apaiser l’émeute :
analyse d’un schéma narratif »
    En entendant « réprimer » au sens qui est d’abord le sien au
18e siècle, celui de « contenir », cet article traite d’un type de
réponse à l’émeute consistant en tentatives d’« apaisement » – selon
le mot des sources – de la part des autorités. L’analyse de récits
d’interventions d’apaisement présentées comme exemplaires
– dans le Traité de la police de Delamare et dans des écrits sur
l’action du maréchal de Boufflers à Paris en 1709 – permet de
faire apparaître les principaux traits d’un schéma narratif. Celui-ci
renvoie à un modèle de maintien de l’ordre fondé sur l’autorité et
la perfection morale associées aux magistrats, qui demeure valorisé
tout au long du siècle.
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Gaël Rideau et Camille Noûs : « La marche de la colère
du peuple. Tensions sociales et processions en France
au 18e siècle »
    La procession est un lieu de communion et d’unité, dont la
colère et la division sont exclues. Pourtant, la relation avec la
colère est dialectique. La marche est d’abord un moyen d’apaise-
ment. Les pouvoirs l’utilisent comme diversion, voie de retour à
l’ordre, mais cela suppose une croyance et parfois une demande
populaire, occasion pour sublimer les peurs et demander un
secours. Loin d’être passifs, les milieux populaires y jouent un
rôle. La procession peut aussi être cristallisation de la colère, par le
contact, le contexte de tension économique, la dimension mémo-
rielle. S’exprime alors un vocabulaire politique associant religion,
rue, communauté. Dans ces contextes, elle devient elle-même l’un
des déterminants de la qualification de populaire pour cette colère
qui s’exprime.

              Représenter la colère du peuple
Geneviève Boucher et Camille Noûs : « La foule, le peuple
et la populace dans les tableaux urbains
de Louis Sébastien Mercier »
    Dans ses tableaux urbains, Mercier jette un regard analy-
tique sur le peuple de Paris, dont il cherche à saisir les mœurs
et à décrire les conditions de vie. Loin d’être une entité stable,
le peuple apparaît comme une instance problématique, traversée
de clivages et sans cesse recomposée. La Révolution accentue ces
divisions en présentant au regard de l’historien-promeneur deux
formes d’engagement populaire, correspondant à deux moments
de l’histoire révolutionnaire, à deux registres émotifs et à deux
modes d’appréhension du temps historique. D’un côté, le peuple
héroïque de 1789 se caractérise par son unité, par la spontanéité
de son action, par son engagement non médié et par son enthou-
siasme confiant. De l’autre, le peuple-traître de 1793 est le fruit
des divisions internes et du désordre émotif : manipulé par les
Jacobins, il n’est pas pleinement agent et puise son énergie dans
une colère incontrôlée qui dégénère en fureur. Ainsi Mercier
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appelle à se méfier du registre émotif qui fonde le discours de la
Terreur et prône un retour à la raison.
Margot Renard et Camille Noûs : « Le peuple après la colère :
le retour des révolutionnaires dans Les vainqueurs
de la Bastille de Paul Delaroche (1830-1838) »
    Lorsque le peintre d’histoire Paul Delaroche représente Les
vainqueurs de la Bastille entre 1830 et 1838, il ne s’est encore
jamais intéressé à la Révolution de 1789. Il traite le sujet – l’in-
surrection d’une partie du peuple parisien contre la prison
royale, symbole de l’oppression féodale – dans le contexte d’une
commande de quatre œuvres pour l’Hôtel de Ville de Paris, desti-
nées à honorer le rôle historique du peuple. En 1830, où inter-
vient une nouvelle révolution, celle des Trois Glorieuses, l’événe-
ment est encore vif dans la mémoire collective, et les historiens
commencent tout juste à le traiter comme un fait historique
majeur dans l’histoire de France. Ce regard de Paul Delaroche,
peintre du 19e siècle romantique, sur la chute de l’Ancien Régime,
est donc intéressant pour son écho politique, pour son position-
nement artistique – représenter le peuple après la colère – et pour
son rôle dans la formation d’un imaginaire collectif de la Révolu-
tion au 19e siècle.
Marianne Albertan-Coppola : « Le roman des Lumières,
une chambre d’écho de la colère du peuple ? »
    Les romans de la pauvreté mettent en lumière la colère des
mendiants face à un monde qui leur est unanimement défavorable.
Obligés de lutter pour survivre, les gueux font leur la violence
pour répondre à celle induite par le fonctionnement déréglé de la
société et de l’État. Organisés en confréries, ils paraissent à même
d’exprimer leur colère de manière retentissante et concertée, mais,
isolés dans leurs actions, ils ne parviennent pas à mettre en place
de nouveaux gestes ou rites de violence efficients et se contentent
de répliquer inlassablement aux mauvais traitements dont ils sont
victimes. La violence à laquelle ils se livrent leur est en fin de
compte préjudiciable : ils échouent à mettre à profit leur colère
pour sceller un nouvel équilibre social.
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Christoph Streb et Camille Noûs : « Les amis du peuple :
la médiatisation de la communication politique
et le journalisme “populaire” de 1789 »
    Cette contribution étudie l’appel au « peuple » comme élément
du journalisme politique de la Révolution française. Elle évite deux
positions extrêmes considérant le peuple des journalistes comme
Jean-Paul Marat soit comme réalité organique, soit comme imagi-
nation rhétorique. En revanche, l’accent est mis sur la stratégie litté-
raire et éditoriale de s’adresser en personne à un lectorat politique
en pleine effervescence. Le peuple des « amis du peuple » se présente
ainsi comme public médiatique imminent. Accusés d’égarer leur
lectorat au lieu de l’éclairer, les écrivains populaires eux-mêmes – et
Marat ne fait pas exception – discutent ce nouveau peuple-public
de manière souvent ambivalente : égalitaire, agité, curieux et volatil,
c’est à la fois un grand espoir et une déception énorme.

              La contestation de l’ordre social
Clément Weiss et Camille Noûs : « La rue contre le peuple :
colères juvéniles et mobilisations antipopulaires à Paris
en l’an III »
    La période dite « thermidorienne » qui va de l’été 1794 à l’au-
tomne 1795 apparaît, à Paris, comme un moment singulier de
reconfiguration des rapports entre deux entités matricielles du
processus révolutionnaire – le « peuple » et la « rue » – puisque la
rue devient le théâtre d’expression et de répression privilégié de
groupes hostiles au mouvement populaire. La sans-culotterie perd
alors le contrôle qu’elle exerçait dans des rues désormais occupées
par des bandes de jeunes hommes en colère décidés à prendre leur
revanche sur cette « populace ». Entre la Convention thermido-
rienne, désireuse de récupérer cette agitation réactionnaire pour en
faire le bras armé de sa politique antipopulaire, et les jeunes gens,
qui profitent de l’impunité qui leur est offerte, s’ouvre alors un
étrange jeu de dupes qui va perdurer jusqu’aux prémices de l’in-
surrection « royaliste » du 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795).
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Martial Poirson et Camille Noûs : « L’adieu aux armes.
Le désarmement des corps féminins
sous la Révolution française »
    La Révolution française promettait d’accompagner un vaste
mouvement d’émancipation des femmes en établissant leur place
au sein d’un espace public qui leur avait été longtemps interdit.
La virulence de la controverse parlementaire sur l’armement des
femmes est le résultat d’une stratégie de réassignation de genre et
de division sexuelle de l’activité martiale. Elle écarte durablement,
de droit sinon de fait, les citoyennes révolutionnaires des mouve-
ments d’insurrection populaire, mais aussi des champs de bataille.
Pourtant, la figure emblématique de la combattante devient une
véritable obsession au sein de l’imaginaire symbolique. Elle parti-
cipe à la perpétuation d’un inconscient culturel misogyne. Stig-
matisation de la boutefeux, censée exhorter les masses à la cruauté,
et caricature de la virago, supposée s’approprier les attributs de
la masculinité, sur fond d’érotisation d’un trouble dans le genre,
témoignent d’un fantasme prédominant : celui de l’inversion des
rapports de force entre hommes et femmes.
Véronique Laporte : « “C’était la justice du peuple”.
Les Champs-Élysées, tribunal populaire
lors de la promenade de Longchamp (1770-1830) »
    Sous l’Ancien Régime et jusqu’au milieu du 19 e siècle, la
promenade de Longchamp est une attraction incontournable pour
tous les Parisiens. À cette occasion, de luxueux équipages convergent
à la place Louis XV, parcourent l’avenue centrale des Champs-
Élysées, puis se dirigent vers le bois de Boulogne, où ils déambulent
dans les allées entourant l’abbaye de Longchamp. Alors que les
élégants espèrent y briller, le peuple rassemblé dans les Champs-
Élysées s’applique plutôt à faire craquer le vernis des apparences
et à dénoncer, parfois avec colère, le ridicule ou l’indécence des
participants. Bien que la tolérance pour les « aboyeurs » se modifie
au gré des différents régimes politiques, la médisance, quant à elle,
fait toujours partie intégrante de cet événement mondain.
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Francesco Toto : « “Recouvrée à la pointe de l’épée”.
Peuple et révolte dans le Discours sur l’inégalité »
     Dans cet article, l’auteur se demande si le Discours sur l’inéga-
lité de Rousseau laisse ou non une place à une résistance populaire
légitime et efficace aux pouvoirs constitués. À partir des tensions
qui traversent la conception rousseauiste du peuple, l’article met
d’abord en évidence la double image de la politique, comme
calamité et comme salut, qui émerge des pages du Discours.
Ensuite, il se tourne vers les passages qui semblent subsumer la
rébellion à la première de ces conceptions, la réduisant à un moyen
d’approfondissement de la corruption. Enfin, il montre de quelle
façon la réintégration de ces passages dans leur contexte permet
de remettre en question cette réduction. Ainsi, il démontre que la
possibilité d’une révolte légitime et victorieuse est problématique-
ment mais intensément présente dans le Discours.
Spyridon Tegos et Camille Noûs : « Démo-cratie
et mérito-cratie en perspective. Classe moyenne, manières
et régimes politiques chez Adam Smith, Guizot et Tocqueville »
    Dans le sillage du libéralisme écossais, exemplifié par Adam
Smith, le libéralisme français postrévolutionnaire porte un vif
intérêt à la classe moyenne. L’abolition de privilèges issue de la
Révolution française transforme l’héritage écossais sans pour
autant effacer les apories autour de la méritocratie et la mentalité
de la classe moyenne, tantôt louée en tant que méritoire tantôt
méprisée en tant que servile mimique de la courtoisie aristocra-
tique. La (ré)introduction d’Adam Smith en France, de Sophie
de Grouchy à Tocqueville, s’opère sur fond de transition d’un
contexte de politesse aristocratique vers une civilité associée à la
classe moyenne sur fond de républicanisme modéré. Les manières
en régime démocratique traduisent les antagonismes entre la classe
moyenne et le « peuple » sur un autre registre.
VARIA

Eleonora Alfano : « Ni Dieu ni maître. Les lectures
communistes de la métaphysique de Dom Deschamps en Italie »
    Cet article tente de mettre en lumière le pivot du système de
la nature de Dom Deschamps, à savoir le rapport de corrélation
entre sa métaphysique matérialiste et sa morale communiste. En
ce sens, il convient de se pencher sur les lectures de sa métaphy-
sique en Italie car on y retrouve une même tendance à déduire le
communisme de l’état de mœurs, conformément à la systématicité
deschampsienne, du binôme antinomique entre Le Tout (l’être de
l’univers) et Tout (l’infini). Or, bien qu’en ligne avec les principes
du Vrai Système, cette tendance historiographique n’a néanmoins
pas donné les mêmes résultats. En effet, l’analyse des premières
lectures de F. d’Amato, C. Vasoli et F. Venturi révèle qu’une telle
déduction peut avoir différentes conséquences possibles.
Jérôme Aymard : « Prier en hommes libres : le débat
sur l’introduction du français dans la liturgie catholique
à la Révolution française »
    Au moment de la Révolution française, le primat du latin dans
le culte catholique est remis en cause tant dans la sphère ecclésias-
tique que dans le monde laïque. Au nom de la régénération de la
religion se pose la question de l’introduction du français dans la
liturgie. Il s’agit en effet de rendre le culte conforme à l’avènement
du peuple souverain. Prier avec le prêtre et non plus à travers lui,
s’adresser à Dieu par la raison autant que par le cœur, affirmer
l’identité d’une Église gallicane, tels sont les enjeux du débat qui
s’amorce en 1789 et se poursuit jusqu’au Concordat. Parmi les
initiatives, le Sacramentaire français amorce une polémique qui
met à jour les fragilités de l’Église constitutionnelle.

DIX-HUITIÈME SIÈCLE, no 53 (2021)
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Maëlle Bernard : « De l’innocence juridique à la suspicion
judiciaire. Le consentement à l’acte sexuel des fillettes dans les
procès pour viol du Châtelet de la seconde moitié du 18e siècle »
    Au 18e siècle, la théorique juridique et la réalité judiciaire s’af-
frontent lorsqu’il est question du consentement juvénile. Considé-
rée dans les dictionnaires juridiques comme une victime parfaite
– parce qu’innocente par nature –, la fillette dont la famille
vient porter plainte doit prouver son innocence au tribunal,
face à des juges et des médecins qui remettent en cause l’absence
de son consentement et des accusés qui plaident la responsabi-
lité féminine. Par l’analyse d’une vingtaine de procès pour viol
issus des archives du Châtelet de Paris (1750-1785), nous avons
constaté une méfiance de la part de la justice parisienne à recon-
naître l’absence de consentement juvénile : le discours qui décide
de la peine est celui de l’accusé et non celui de la victime.
Antoine Chatelain : « La représentation du jeune dessinateur.
Un motif de la France des Lumières »
    Popularisée par les peintres Jean Siméon Chardin, Nicolas-Ber-
nard Lépicié et François-Hubert Drouais, la représentation du jeune
dessinateur se développe particulièrement durant la seconde moitié
du 18e siècle. Cette étude propose de comprendre l’exceptionnelle
fortune de ce motif, de son origine à son appropriation par une élite
lettrée, sensible aux idées de Rousseau et au goût nouveau pour la
pratique artistique. Il convient en effet de replacer cette iconogra-
phie au regard des problématiques du siècle des Lumières tout en
essayant de déterminer son genre au sein d’une hiérarchie qui tend à
s’estomper. Ce motif s’inscrit dans les autres représentations de l’en-
fance et de la jeunesse contemporaines, mais il diffère par l’attention
portée au dessin et renforce ainsi la spécificité française.
Tom Fischer : « Étienne Libois et l’Encyclopédie des dieux et des
héros (1773) : mythographie et alchimie au temps des Lumières »
    Étienne Libois (1694-1776) est l’auteur d’une vaste Encyclo-
pédie des dieux et des héros sortis des qualités des quatre élémens et
de leur quintessence, suivant la science hermétique, publiée en 1773
et rééditée dès 1776. Cette œuvre, bien que méconnue, mérite
pourtant que l’on s’y attarde. En effet, elle se situe de manière
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originale à la croisée de l’érudition mythographique et de l’exé-
gèse alchimique. S’inscrivant dans le sillage d’une pratique litté-
raire remontant au 14e siècle, l’Encyclopédie demeure à nos yeux
un remarquable exemple du chant du cygne de l’interprétation
alchimique de la mythologie gréco-romaine. Cet article se propose
donc de lever le voile sur cette œuvre, sur son contenu et sur sa
réception, avant de redonner corps à son auteur, alchimiste oublié.
Aurélia Gaillard : « “La vie empruntée” (Du Bos) des statues :
la sculpture et les émotions au 18e siècle »
    À partir du constat d’une double valorisation au 18e siècle,
celle de l’émotion du spectateur et celle de la sculpture, se pose la
question de l’articulation entre les deux. Que font les émotions à
la sculpture ou la sculpture aux émotions ? Notre étude vise alors à
montrer comment la sculpture, mieux que la peinture et la poésie
ou en concurrence avec elles, devient, dans le discours sur l’art au
18e siècle, l’art qui permet de réaliser l’empathie désirée du spec-
tateur et de l’objet d’art. La démonstration s’appuie sur l’exemple
privilégié du Laocoon (de la conférence à l’Académie de Van Opstal
de 1667 à l’article de Lévesque en 1792) mais aussi du Pygmalion et
explore les déplacements qui s’effectuent entre des conceptions de
la sculpture comme expression des passions, impression sensible,
compassion, empathie ou encore simulacre du corps vivant. Ainsi,
sculpture et émotions tendent à se confondre dans l’expérience
esthétique au 18e siècle : la statue est tour à tour, et même parfois
simultanément, un corps émotif et un corps qui suscite l’émotion.
Sylvia Giocanti et Camille Noûs : « Dérision de la philosophie
et philosophie de la dérision dans les Nouveaux dialogues
des morts de Fontenelle »
    Quel est le sens de la dérision qui anime d’une manière parfois
aigre-douce les Nouveaux dialogues des morts ? Faut-il la comprendre
comme un simple jeu qui consiste à se moquer des philosophes et
savants qui se prennent trop au sérieux, ou comme la reconnais-
sance de la pertinence d’un scepticisme philosophique qui ose avoir
recours aux ressources éthiques de la dérision ? Il s’agira de montrer
que ce texte de Fontenelle, dont l’unité de ton se comprend mieux à
la lumière de la pensée de Montaigne, Pascal, La Mothe Le Vayer et
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Nietzche, qu’à celle de la science moderne héritée de Descartes, offre
une réponse inattendue à cette question, du moins pour les lecteurs
familiers des Entretiens sur la pluralité des mondes.
Tomohiro Kaibara : « “Tout Paris pleure en sot” : Émotions,
larmes et public de théâtre dans la querelle d’Inès de Castro »
    Précurseure du genre larmoyant, la tragédie Inès de Castro
(1723) d’Antoine Houdar de La Motte occupe aujourd’hui une
place importante dans l’histoire du théâtre, mais on connaît encore
peu de choses de la vive querelle occasionnée par le succès de cette
pièce, dont le climax arracha d’abondantes larmes au public et
suscita un débat intense. Cet examen des textes polémiques, publiés
depuis août 1723 jusqu’en mars 1724, montre que la querelle d’Inès
de Castro représente un moment crucial non seulement de l’his-
toire du théâtre, mais aussi de celle des émotions : l’émergence d’une
nouvelle norme comportementale favorable à l’effusion de larmes
coïncide dans cette controverse avec la mutation de la notion de
« public », présageant ainsi l’avènement d’un espace public sensible.
Laure-Hélène Kerrio : « Les Fables de Jean de La Fontaine
dans le décor mural au 18e siècle : le cas particulier
du boudoir de l’Hôtel Dangé »
    En 1750, le fermier général François-Balthazar Dangé acquit un
hôtel particulier parisien. En 1752, douze scènes issues des Fables
de Jean de La Fontaine, peintes sur lambris dans un écrin rocaille
symétrisé, décoraient le boudoir. Utilisé par Mme Dangé pour son
usage personnel, il permettait la réception de visiteurs choisis dans
un cadre agréable, à la mode mais peu audacieux. Dans le boudoir,
le thème des fables ravit les yeux en alliant paysage et scènes anima-
lières. Il ravit l’esprit par le divertissement qu’il suscite, le parcours
iconographique qu’il propose, la réflexion qu’il permet et le discours
qu’il porte. L’auteur des scènes n’est probablement pas Jean-Baptiste
Oudry, mais il sut s’appuyer sur l’héritage iconographique des fables
pour créer des scènes originales.
Hervé Martin : « Désirer désobéir : tentation et sédition
dans Le diable amoureux de Jacques Cazotte »
   Empruntant aux codes du badinage amoureux et de la tenta-
tion diabolique, Le diable amoureux de Jacques Cazotte se présente
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autant comme une comédie légère et fantastique que comme
un un affolant drame moral pour le personnage d’Alvare. Un
drame où la passion de servir de Béelzébuth ne paraît renvoyer
en définitive qu’au seul désir d’Alvare de se faire obéir en tout,
et ce pour mieux désobéir au propre désir de sa mère, la respec-
table dona Mencia. Mais si l’enfer du désir est d’abord opposé
ici à l’enfer du devoir, c’est pour les voir mieux se rejoindre au
bout du compte — diablerie oblige — en une serve passion où
le démon n’apparaît jamais plus redoutable que lorsqu’il se fait le
suppôt zélé de l’amour et de ses lois.
Isabelle Masse : « Pastels suisses et Swiss crayons :
les moyens matériels d’une vogue artistique du 18e siècle »
    Dans la deuxième moitié du 18e siècle, les pastels confection-
nés à Lausanne faisaient la réputation de la ville au-delà même des
frontières de l’Europe. La fabrique du maître-artisan Bernard-Augus-
tin Stoupan (1701-1775) produisait des assortiments de couleurs,
destinés surtout à l’exportation, dont l’excellence était vantée tant
dans la littérature artistique que dans les guides de voyage. Cet article
montre comment les pastels suisses, qui étaient les plus prisés, émulés
et contrefaits d’Europe, firent office de référence à l’échelle interna-
tionale et comment ils établirent des normes de confection, voire de
commercialisation, pour les autres fabricants de couleurs. Il fait valoir
qu’en favorisant le développement de la production manufacturée, ils
contribuèrent activement à la vogue que connut l’art du pastel.
Blanca Maria Missé et Camille Noûs : « La paresse au travail
de Rameau : une analyse marxiste »
     Dans le Neveu de Rameau Diderot met en scène un person-
nage philosophique, Rameau, qui est aussi une figure du philo-
sophe matérialiste. Rameau développe aussi bien une critique du
travail qu’un art libératoire de la paresse. Il est plus un prolétaire
fainéant qu’un aristocrate oisif et ce qu’il refuse, c’est de s’investir
dans l’activité productive. Pour résister au travail imposé, il met
en scène un art de la paresse au travail, c’est-à-dire la réduction
de la besogne à ses simples contours, à son apparence. La paresse
au travail est pour Rameau une stratégie de survie pour résister à
l’aliénation ; mais il s’agit aussi d’une pratique sociale et politique
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qui vise à produire une dissonance d’ordre formel ou esthétique,
et qui ouvrirait la porte à une dissonance politique, à une révolte.
Fabrice Moulin et Camille Noûs : « “Faire parade
au fond de sa maison” : isolement et représentation
dans le roman sadien »
    On se propose ici d’interroger la radicalité du projet sadien
en explorant les espaces que les romans parcourent ou rêvent, et
plus particulièrement cette frontière, héritée du roman libertin
mondain – mais poussée à l’extrême chez Sade –, entre l’intime
et la représentation, l’alcôve et le théâtre. On cherche à mettre
en lumière un paradoxe, qui traverse toute l’œuvre de Sade, entre
le rêve d’enfouissement et le délire d’étalage, le désir de retraite
sans limite et celui d’expansion infinie. Un paradoxe qui semble
toucher au cœur du fantasme sadien et dont on observe la dyna-
mique à l’échelle des architectures (le château matriciel de Silling),
des discours (les rêves des grands libertins), comme de la poétique
même du roman (la structure de la Philosophie dans le boudoir).
Marie-Hélène Quéval et Camille Noûs : « Étienne Fay
(1768-1845). Un musicien dans la tourmente révolutionnaire »
    Dans quelle mesure la Révolution de 1789 a-t-elle transformé les
traditions musicales ? Dans le cadre de la déchristianisation, la ferme-
ture des chapitres et des psallettes qui seules offraient aux enfants
pauvres une formation musicale de qualité, contraignit de nombreux
musiciens d’église à se reconvertir sur la scène profane : opéra, opéra-
-comique, comme le chanteur-compositeur tourangeau Étienne
Fay (1768-1845), qui, après une carrière respectable au théâtre de
Louvois, Favart et Feydeau, finit par former sa propre troupe avec
sa femme et ses enfants pour se produire en France, en Belgique et
en Allemagne. Bien qu’ayant collaboré avec des écrivains engagés,
comme le jacobin Dubuisson, Fay resta en dehors des luttes préférant
soutenir les réformes napoléoniennes. Son parcours original et son
œuvre (dans la lignée de Gluck) méritent d’être sortis de l’ombre.
VARIA                             891
Feifei Shen et Camille Noûs : « Les dictionnaires bilingues
français/latin ↔ chinois du 18e siècle »
    La propagation de la foi chrétienne en Chine a suscité l’inté-
rêt de l’apprentissage des langues chinoises chez les jésuites. Les
dictionnaires bilingues français/latin ↔ chinois sont nés sous à la
demande des missionnaires qui ont commencé la rédaction par la
romanisation des caractères chinois en lettres latines. Le paysage
des dictionnaires bilingues du 18e siècle est caractérisé par la
production lexicographique bilingue français/chinois, dominant
sur celle du latin-chinois. Il est aussi ancré de traits de la lexico-
graphie européenne : mono-volume de grand format, traitement
multilingue. Les dictionnaires bilingues sont à la fois le fruit d’une
étude linguistique et le reflet des relations entre la France et la
Chine, notamment au niveau de leur idéologie, de leur technique
et de leur volonté.
Madeleine van Strien-Chardonneau et Camille Noûs :
« Langue(s) et identité(s) à l’époque des Lumières.
Le cas du patricien néerlandais Gijsbert Karel van Hogendorp
(1762-1834) »
    Dans le contexte multilingue des Provinces-Unies, le français
devient progressivement seconde langue des élites néerlandaises.
Au cours du 18e siècle, la critique des valeurs culturelles fran-
çaises va de pair avec l’intérêt croissant pour l’allemand et l’an-
glais, et la revalorisation du néerlandais. Nous étudions l’influence
de ce multilinguisme sur la construction identitaire de Gijsbert
Karel van Hogendorp (1762-1834) : identité sociale et culturelle
façonnée par sa mère Carolina van Haren, puis par un mentor qui
consolide ses connaissances des langues classiques et l’initie à l’al-
lemand et à l’anglais. Alors que se diffuse l’idée qu’une nation est
une communauté liée à une langue, on constate chez Van Hogen-
dorp, une prise de conscience de son identité nationale liée à une
maîtrise de plus en plus affinée du néerlandais.
Laurence Vanoflen et Camille Noûs : « Vers une plus grande
égalité : Isabelle de Charrière et la fiction (1740-1805) »
    La romancière Isabelle de Charrière s’est montrée lucide vis-à-
vis des normes sociales et de ce que les sociologues appellent la
892                             RÉSUMÉS
construction de genre. Son commentaire désabusé sur l’indignation
suscitée par le Caleb Williams de Godwin, en 1798, l’atteste. En
rendant visible la violence symbolique qui s’exerce sur les femmes,
ses romans et comédies contestent sourdement dès 1784 les struc-
tures d’une domination. Dotant leurs héroïnes de nouvelles trajec-
toires, et d’une « agentivité », ils rétablissent une égalité de fait - et
postulent un véritable universel au moment où le roman sentimen-
tal met en place des modèles genrés. Après avoir secoué les pres-
criptions de son milieu dans son existence, elle se montre critique
lorsque l’égalité des citoyens laisse à l’écart les femmes.
Dans l’ombre des ténébres. Beccaria et les incertitudes
du droit pénal
   Coordinateur : Philippe Audegean
Gianni Francioni et Camille Noûs : « Jus et Potestas.
Les arguments de Beccaria contre la peine de mort »
    Dans le § xxviii de Des Délits et des peines, Beccaria soutient
que, dans un État de droit, la peine de mort n’est ni légitime,
ni nécessaire, ni utile. Dans un passage qu’il n’est pas facile d’in-
terpréter, il évoque cependant le cas d’un homme qui, quoique
prisonnier, constitue pourtant, par ses relations et sa puissance,
une telle menace pour la sécurité de la nation que seul l’échafaud
représente alors un remède nécessaire. Mais cette situation, qui
évoque entre les lignes celle d’un souverain déposé, ne désigne pas
un état d’exception où seraient suspendues les règles « normales »
de la société politique. Elle décrit plutôt le retour à un véritable
« état de guerre », où « les désordres tiennent lieu de lois ».
Philippe Audegean et Camille Noûs : « Aux sources
de l’arithmétique criminelle : pitié et amour de soi.
Beccaria et le temps judiciaire »
   Dans le § xxx de Des Délits et des peines, Beccaria aborde le
problème du temps judiciaire : non seulement celui de la procé-
dure pénale, mais aussi celui de la prescription des infractions.
Afin de combattre l’arbitraire, il élabore un modèle mathématique
pouvant servir de règle pour déterminer ces durées par la loi. Cette
analyse le conduit toutefois au constat d’un saut qualitatif – et
non quantitatif – entre deux classes d’infractions : les atteintes aux
VARIA                               893
biens et les atteintes aux personnes. L’anthropologie prend alors le
relais de l’arithmétique pour justifier cette solution de continuité
entre le droit à la vie – qui relève du « droit de nature » – et le
droit de propriété – qui relève d’un « droit de société ».
Dario Ippolito et Camille Noûs : « Prohibitions pénales
et laïcité du droit. Adultère, homosexualité et infanticide
chez Beccaria »
    À la faveur d’une analyse textuelle et contextuelle du § xxxi
Des Délits et des peines, cet article aborde le problème de la
légitimité et de l’utilité des prohibitions pénales. Quelle
est la position de Beccaria face au système des infractions
d’Ancien Régime ? Quels sont les comportements qu’il juge
légitime de sanctionner ? Au nom de quels principes revendique-t-il
la nécessité d’une vaste décriminalisation ? Il est possible de fournir
une réponse articulée à ces questions en examinant les réflexions de
Beccaria sur l’adultère, l’homosexualité et l’infanticide.
Luigi Delia : « “Un délit qui ne semble pas pouvoir admettre
une peine”. Beccaria et le suicide »
    S’il est vrai que l’intolérance religieuse et sociale envers les
conduites suicidaires se laïcise lentement durant le 18e siècle, force
est de constater que, dès 1764, le § xxxii des Délits appelle de ses
vœux cette évolution normative. Plaidoyer magistral contre la légis-
lation infamante à l’encontre des suicidés, ce chapitre place le débat
hors des catégories religieuses en montrant qu’il est injuste, inutile et
même nuisible de punir une telle conduite. Pour prévenir ce genre
d’action, la voie de la répression doit donc être écartée au profit
d’autres remèdes d’ordre économique et social. Ainsi, le suicide
donne l’occasion à Beccaria de prôner, en homme des Lumières, une
société qui soit aussi peu punitive que possible, et en même temps la
plus soucieuse de garantir le bien-être du citoyen.
Giulia Maria Labriola : « Prévenir et punir. Beccaria
et la prévention des crimes »
    On comprend mieux le § xli Des Délits et des peines, consacré
au thème de la prévention des infractions, si on le situe au cœur
d’un mécanisme qui se déploie dans les chapitres précédents
(autour du principe de la douceur des peines) et surtout dans les
894                          RÉSUMÉS
suivants (à propos des caractères de la loi, des récompenses qu’elle
doit dispenser et de son interprétation). Cet article se propose
également de montrer que l’exigence générale de la prévention ne
repose pas seulement sur les instruments du droit, mais aussi sur
ceux de la philosophie, comme le démontre l’importance accordée
à la science comme émancipation et à l’éducation comme pédago-
gie politique – c’est là un thème constant dans la culture juridique
de Beccaria.
SUMMARIES

                        par Laurent Châtel

                 THE PEOPLE IN ANGER
                         Law and Anger

Oscar Ferreira : « The People’s Cry Cannot be the Rule of Law.
Remarks on the Respect and Guarantee of The Law
by the crowd in the Eighteenth Century »
    The eighteenth century is characterized by a definition of
liberty which cannot be disassociated from the law : to be free is
to submit to the law of the nation, not to obey one master. An
enemy lurks : the mob up in arms, which uses extra-legal means
to satisfy its claims. The fears linked to this phenomenon tend
to mutate as is evidenced by the changes in repressive legislation
which were at first carried out in a logic of defense of the laws
and of the new order established in 1789, appealing to the crowds
for its conception. The people up in arms served opportunely as
a guardian of the legal order to be built. But in the end, with
the Terror in mind, repression sought to restrain all crowd move-
ments. Crowds became again a danger to public order.
Léon Robichaud : « Resistance to Legislation on the Streets
in 1796 in lower Canada : popular action and political debate »
    The opposition movement to the legislation on public streets
in Lower Canada in 1796 came about when Great Britain, of
which the colony had since 1760 been a dependency, and France,
its previous mother-nation for the majority of its inhabitants, were
at war. Historians have generally emphasized this context and

DIX-HUITIÈME SIÈCLE, no 53 (2021)
896                         SUMMARIES
some of the more spectacular signs of the opponents to the legis-
lation. In this article, I will examine the political process (parlia-
mentary and electoral), the collective actions and the sequels to
this movement. Although opposition was firmly repressed, the
opponents succeeded in bringing amendments to the legislation
in order to withdraw the most inequitable articles.
Lise Andries : « Anger and crime »
    Despite the heavy presence of police in towns, French society
experienced throughout the eighteenth century and without inter-
ruption numerous movements of more or less violent protest.
This article studies the various manifestations of popular protest
inside Paris, and its surroundings, ranging from insulting words
and satiric songs to forms of rebellion identifiable as being against
the Ferme générale. Riots caused by hunger, illegal hunting and
trading, and the tensions relating to specific sentences will also be
examined. Finally, the armed bands led by brigands whose fame
was only embellished throughout the eighteenth century, with
some of them changing into revolutionary leaders and heroes of
the struggles of national independence, will then be studied.
Élisabeth Rochon : « When the Drum resounds amongst
the Whinnying. Crime, Solidarity and Appeal to Government
in the Paris Horse Market Place (1758-1778) »
    From the end of the seventeenth century, much crime was
committed at the Paris horse market. In 1758, police lieutenant
Bertin set up a surveillance team led by Inspector Guillotte. In
1762, de Sartine established new tools to counter fraud and thefts.
Thanks to his efforts, the Châtelet police made sure it contained
the users’ discontents by giving them access to intermediaries
capable of helping them in their misfortunes. This article wishes
to show that the relationships between the market people and its
police were not limited either to submission or to resistance. The
Inspector developed collaborative relations with horse traders,
thus enabling a better management of such essential business to
the life of the capital city.
THE PEOPLE IN ANGER                        897

                  Appeasing Popular Fury
Goulven Kérien, Vincent Milliot : « The Grapes of Wrath.
Reviewing Paris Struggles in the Spring of 1750 »
    In May 1750, Parisians rebelled against arbitrary infant abduc-
tions by the police. Leaving aside the chasing away of beggars
unleashed by the Royal Ordonnance of 12 November 1749
which acted as a trigger, do these riots not have deeper roots ?
The systematic study of police sources, notably family imprison-
ments under lettres de cachets, helps get back to the basics of the
social compact sealed between the King and Parisians on the basis
of the magistrature of police lieutenant d’Argenson (1697-1718).
This article sets out to account for the reasons behind the changes
of such a compact and the deterioration of relations between the
police and and the population in the years preceding 1750. It will
also highlight how the authorities drew lessons from the protest
to respond to the discontent of the Parisians, without breaking off
the dynamic transformation of the system of the Paris Police.
Clara Chevalier : « Appeasing Protests : Analysis
of a Narrative Outline »
   Understanding « to repress » in its original eighteenth-century
sense of « to contain », this article studies the type of response
to protests consisting of attempts at ‘appeasement’ – to use the
source word – on the part of the authorities. Essential features of
a narrative outline clearly emerge from an analysis of the accounts
of appeasing interventions considered as exemplary – in the
Treatise on Police by Delamare and in the writings of Maréchal
de Boufflers’s actions in Paris in 1709. The outline reveals a model
of maintenance of order, valid throughout the eighteenth century,
based on the authority and the moral perfection associated with
magistrates.
Gaël Rideau and Camille Noûs : « The Anger of the People
Marching on. Social Tensions and Processions
in Eighteenth-Century France »
   The procession is a locus for communion and unity, leaving
no place for division and anger. And yet there is a dialectical
898                        SUMMARIES
connexion with protest/anger. Marching is for a start a means to
appeasement. Authorities use it as a diversion, a way to a return
to order, but this presupposes a belief and sometimes a popular
demand, an occasion to sublimate fears and to ask for help. Far
from being passive, the popular milieux have their role to play
here. The procession can also help to crystallize anger through a
negotiation of physical contact, the context of economic tensions
and elements of memory- generating a political lexicon associat-
ing religion, street and community. With such contexts in mind,
procession becomes itself one of the main reasons for this anger to
be designated as popular.

             Representing the People’s Anger
Geneviève Boucher and Camille Noûs : « The Crowd,
the People and the Mob in Urban Paintings
by Louis Sébastien Mercier »
    In his urban paintings, Mercier casts an analytical eye on the
people of Paris, being keen to convey their mores and describe
their conditions of living. Far from being a stable entity, the
people feature as a complex matter, full of rifts and ever recon-
figured. The Revolution accentuated the divisions in presenting
to the eyes of the historian stroller two forms of popular commit-
ment, corresponding to two moments in revolutionary history,
two emotional registers and two modes of perception of historical
time. On the one hand, the heroic people of 1789 is characterized
by its unity, by the spontaneity of its action, by its unmediated
commitment and by its confident enthusiasm. On the other hand,
the treacherous people of 1793 is the product of internal divisions
and of emotional disorder : manipulated by the Jacobins, it was
not a fully-fledged agent and expends its energy in the expression
of uncontrolled anger which degenerated into fury. Mercier, in
this way, makes a call to mistrust the emotive register on which
the Terror is founded and promotes a return to reason.
THE PEOPLE IN ANGER                         899
Margot Renard and Camille Noûs : « The People
In the Aftermath of Anger : The Return of Revolutionaries
in The Victors of the Bastille by Paul Delaroche (1830-1838) »
    When history painter Delaroche depicted Les vainqueurs de la
Bastille between 1830 and 1838, he had not taken any interest as
yet in the French Revolution of 1789. He tackled the topic – the
insurrection of part of the Parisian people against the royal prison,
a symbol of feudal oppression – in the context of a commission
of four works for the town hall of Paris, meant to honour the
historical role of the people. In 1830, when another revolution
happened, that of the Trois Glorieuses, the event was still so acute
in the collective memory and the historians were just about
beginning to tackle it as a major historical fact in the history of
France. Paul Delaroche’s view on the fall of the Ancien Régime, as
a nineenth-century and romantic artist, is thus interesting for its
political resonance, its artistic position – representing the people
once the anger has subsided – and for his role in the shaping of a
collective imaginary of the Revolution in the nineteenth century.
Marianne Albertan-Coppola : « The Enlightenment Novel,
an Echoing Chamber of the Anger of the People ? »
    Novels of poverty cast light on the anger of beggars towards
a world which is unanimously unfavourable to them. In these
novels, forced to fight for survival, and responding to the violence
caused by the dysfunctionning of society and the state, beggars
took on this very violence and made it their own. Organized as
they were in brotherhoods, they give the impression of having
capabably expressed their anger in a resounding and concerted way
but, isolated in their actions as they also were, they did succeed
in implementing efficient new gestures or rituals and contented
themselves with responding ceaselessly to the bad treatments to
which they were subjected. The violence which they carried out in
the end worked against them- they failed to transform their anger
into a new social equilibrium.
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