RAPPORT D'ÉTONNEMENT 2 ÉDITION - SOCIAL DEMAIN 2021

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RAPPORT D'ÉTONNEMENT 2 ÉDITION - SOCIAL DEMAIN 2021
RAPPORT
D’ÉTONNEMENT
2° ÉDITION - SOCIAL DEMAIN 2021

              www.socialdemain.fr
RAPPORT D'ÉTONNEMENT 2 ÉDITION - SOCIAL DEMAIN 2021
2

n n n n INTRODUCTION
Inspiration, aspiration, respiration, Philippe CAMPINCHI / Denis MAILLARD		 Page 3

n n n n PRÉFACE Un regard frais et nécessaire sur les enjeux du social, David MAHÉ,               Page 4

n n n n 6 MOIS D’ATELIERS ET DE RENCONTRES				                                                    Page 5

n L’ENGAGEMENT, ENTRE SENS ET CONFIANCE 			                                                       Page 7

     ◊   Lina ARNAUD : Vertige de l’engagement
     ◊   Maxime BLONDEAU, Dorian DREUIL : Assos, syndicats, élus politiques – croiser les regards
     ◊   Margot LE GUEN, Emilie SCHMITT : La société de la défiance
     ◊   Régis GUILLEN : Penser la reconversion professionnelle
     ◊   Claudine LECLERC : Quel «sens» au travail ?
     ◊   Për-Erwan LESCOP : Essence/quête de sens
     ◊   Mathilde DESPAX : La démesure de l’hybris
     ◊   Alexia TRONEL : Pour une mode responsable

n « EN PROMOTION » 			                           				                                            Page 29

     ◊   Antonin VALLS : Qu’est devenue la question sociale ? Témoignage
     ◊   Floriane MAILLET : Planète mère Témoignage
     ◊   Afi AFFOYA : Sécurité financière, préoccupations socio-écologiques : sœurs ennemies ?
     ◊   Jama LACHKAR : Français (si affinités)

n VIEILLES QUESTIONS, NOUVEAUX ENJEUX			                                                         Page 40

     ◊   Camille ALLEX, Mathilde DESPAX, François DOS SANTOS : Le syndicalisme – la citoyenneté en entreprise ?
     ◊   Guillaume DEDIEU, Chloé GRENOUILLEAU, Alexandre ORTS : Retour sur une «séquence» syndicale
     ◊   Mathilde PANHALEUX : Un syndicalisme d’avenir
     ◊   Maxime BERGONSO : Travailler pour le rural
     ◊   Aurélien CADIOU : L’engagement des apprentis
     ◊   Antoine REYDELLET : Repeupler les villages
     ◊   Edouard BERNASSE : La liberté contrainte
     ◊   Julian GUERIN, Quentin PANISSOD, Caroline SPAN : Quelle Tech pour demain ?
     ◊   Sofia KRIEM : Congé menstruel – déterminisme biologique ou mesure d’inclusion ?

n L’ENTREPRISE, FRONTIÈRE DU SOCIAL 			                                                          Page 68

     ◊   Antoine AMIEL : Les cols gris
     ◊   Jordan CALMARD : Les RH après la crise sanitaire Témoignage
     ◊   Yann-Maël LARHER : Où sont les chercheurs dans les entreprises françaises ?
     ◊   Dylan MONCHAUX : Un PSE signé en temps de crise sanitaire
     ◊   Laure SQUARCIONI : Transposer une expertise dans des milieux professionnels différents
     ◊   François PERRIN : Socialdemain et après ?

n n n n TROMBINOSCOPE DE LA 2èmePROMO 		                                                     Page 85
RAPPORT D'ÉTONNEMENT 2 ÉDITION - SOCIAL DEMAIN 2021
2 ème édition 2021                                 Rapport d’étonnement

INSPIRATION, ASPIRATION,
RESPIRATION
La deuxième Promo’ Social Demain              périence ou une approche différentes          véritable esprit Social demain qui per-
a confirmé le succès d’une initiative         de ce qu’ils connaissent : l’entreprise, le   dure au-delà du temps du programme,
qui a vu le jour comme un pari, fin           dialogue social, le syndicalisme, la poli-    de favoriser l’intérêt mutuel et l’envie
2019, et s’est installée depuis comme         tique, l’engagement dans la société ci-       de réfléchir ensemble pour bâtir un
une évidence dans le paysage de la            vile et beaucoup d’autres choses encore.      objet tel ce rapport d’étonnement que
réflexion sur le social.                                                                    nous proposons à votre curiosité. n
                                              La crise sanitaire n’a évidemment pas
                                              facilité un tel programme. Pourtant,
Ce dispositif n’aurait pas été possible       comme l’ensemble des Français, Social
sans le soutien de partenaires bienveil-      Demain s’est adapté à la contrainte
lants et d’un jury engagé, présidé par        pour chercher à mettre en place une or-
Claire Guichet, ancienne présidente de        ganisation qui facilite, malgré tout, les
la FAGE, et Pierre Ferracci, président du     échanges. Désormais, chaque rencontre
groupe Alpha, mais également de tous          « inspirante » avec une personnalité est
ces jeunes qui ont joué le jeu de la can-     systématiquement tenue en visioconfé-
didature et de la Promo’.                     rence et enregistrée puis mise à disposi-
                                              tion sur l’intranet de Social Demain : de
Qu’est-ce que ces lauréats attendent          cette manière, on rétablit une véritable
d’un tel programme ? De l’inspiration         égalité de traitement entre membres
d’abord, ce que leur offrent les ren-         de la Promo’ sur l’ensemble du terri-
contres avec toutes ces personnalités         toire, voire avec des personnes se trou-
du social qui acceptent de se présenter       vant à l’étranger ou en outre-mer ; une
à eux dans une démarche de transmis-          égalité également entre celles et ceux
sion ; de l’aspiration ensuite, que consti-   qui disposent d’une souplesse d’orga-
tuent les échanges – organisés ou spon-       nisation et d’autres jonglant entre les
tanés – qu’ils nourrissent entre eux ; de     horaires de travail ou familiaux. En re-
la respiration enfin que représentent         vanche, et dans la mesure du possible,
tous ces moments au cours desquels ils        les échanges entre membres de la Pro-
acceptent de se confronter avec ce qui        mo’ se tiennent physiquement. C’est la
n’est pas eux, c’est-à-dire avec une ex-      garantie de construire dans la durée un

Merci à Claire Guichet, Pierre Ferracci et
à toutes les personnalités et partenaires
qui soutiennent Social Demain !
                                                                                                            Philippe CAMPINCHI
                                                                                                             et Denis MAILLARD
                                                                                                            Fondateurs de Temps
                                                                                                                        Commun
                                                                                                             et de Social Demain.

                                 www.socialdemain.fr
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2 ème édition 2021                                 Rapport d’étonnement

UN REGARD FRAIS ET
NÉCESSAIRE SUR
LES ENJEUX DU SOCIAL
Offrir un espace d’échanges et de            Construire ensemble un monde du tra-
partage à la génération des lea-             vail inclusif, responsable et serein, c’est
ders de demain sur les questions             la raison d’être de Human & Work.
sociales, telle est la belle ambition
de Social Demain depuis sa création          Partenaires de Social Demain, nous
il y a trois ans. C’est aussi l’oppor-       sommes tous heureux de voir arriver
tunité de confronter la vision et            une nouvelle génération de penseurs
les réflexions de la génération des          et d’acteurs du social, pour apporter un
moins de 35 ans avec celles des plus         regard « frais », voire impertinent sur
« ancien.nes » d’entre nous, celles          les questions qui secouent la société
et ceux qui naviguent parmi les pro-         aujourd’hui et qui nous occupent au
blématiques des relations sociales,          quotidien. Comment prendre soin des
des enjeux de RSE, d’inclusion ou de         gens ? Comment garantir le bien-être au
santé publique depuis un certain             travail, prévenir les risques psycho-so-
nombre d’années déjà.                        ciaux, traiter au mieux les situations
                                             de harcèlement ? Mais aussi comment
Cette volonté de pousser une nouvelle        améliorer l’employabilité de tous, des
génération à nous bousculer par son          plus jeunes aux seniors, comment favo-
regard différent et indispensable sur les    riser l’inclusion et l’égalité profession-
enjeux de société d’aujourd’hui, nous y      nelle ? Comment accompagner les ma-
avons adhéré immédiatement au sein           nagers confrontés aux transformations
de Human & Work. Tellement, d’ail-           du travail ? Enfin, comment renouveler
leurs, que nous avons été ravis que deux     les relations sociales, en engageant l’en-
de nos collaboratrices se présentent         semble des parties prenantes de l’entre-
parmi les candidat.es des deux pre-          prise, internes comme externes, dans
mières promotions de Social Demain.          un dialogue social élargi ?

La nécessité de faire émerger ce regard      La crise sanitaire que nous vivons de-
nouveau, d’encourager la jeune géné-         puis deux ans bientôt a fait émerger
ration à s’engager sur les enjeux du         ces questions de façon plus prégnante,
« care », de l’attention portée à l’Humain   dans les entreprises comme dans l’en-
au sein des entreprises, c’est aussi une     semble de la société. J’ai confiance dans
conviction profonde qui nous anime           la nouvelle génération pour apporter
chez Human & Work. Nous essayons             des réponses différentes à ces ques-
                                                                                                    David MAHÉ
de la mettre en œuvre au quotidien           tions. Et nous sommes là pour encou-                   Président du
dans nos pratiques, nos organisations        rager les leaders de demain à partager        groupe Human & Work
et notre gouvernance, en associant           leur vision du social le plus largement
nos équipes au futur de notre groupe.        possible. n

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2 ème édition 2021                           La Promo’ des 50

                        6 mois d’ateliers et de rencontres...
DÉCEMBRE n 15/12/2020 :           pense donc j’agis... avec Phi-      rée. n 04/03/2021 : Atelier de
Révélation de la Promo’ en        lonomist avec Anne-Sophie           la Promo’ n°2. n 09/03/2021:
présence du Jury présidé par      MOREAU, rédactrice en chef          Masterclasse avec Véronique
Claire GUICHET et Pierre          de Philonomist et membre            BARLA, ancienne respon-
FERRACCI.                         de la Prmo’ social Demain           sable de l’analyse sociale
                                  2020. n 10/02/2021 : Retour         à EDF. Comment mesurer le
JANVIER n 07/01/2021 : Zoom       d’expérience Comment peut-          climat social et analyser les si-
Promo’n°1. n 08/01/2021 :         on être ministre du Travail ?       gnaux faibles ? n 11/03/2021:
Les coulisses d’un média RH       avec Myriam EL KHOMRI.              Retour d’expérience avec
avec Laurent PILLIET et Fa-       n 17/02/2021 : Groupe de lec-       Isabelle MOREAU, direc-
bien CLAIRE, dirigeants de        ture animé par Anousheh             trice de la rédaction du pôle
News Tank RH. n 12/01/2021 :      KARVAR, Déléguée du Gou-            RH-Protection sociale de
Zoom        Promo’n°2.       n    vernement français auprès           l’AEF, ancienne présidente
14/01/2021 : Zoom Promo’n°3.      de l’OIT autour de l’ouvrage        de l’Association des journa-
n 19/01/2021 : Zoom Pro-          de de Sandel Michael J., Ce         listes de l’information so-
mo’n°4. n 21/01/2021 : Zoom       que l’argent ne saurait acheter     ciale. n 15/03/2021 : Retour
Promo’n°5. n 22/01/2021 :         : les limites morales du marché     d’expérience avec Claude
Forum Social Demain avec          n 18/02/2021: Masterclasse          Evin, ancien ministre de la
Raphaël LLORCA Le monde           avec Laetitia VITAUD Ce que         Santé : forces et les faiblesses
d’après : l’entreprise-provi-     le virus à fait au travail : sept   du politique devant des lob-
dence ? n 25/01/2021 : Ciné So-   tendances du future of work. n      bys puissants. n 16 /03/2021 :
cial Club En guerre avec Jean     24/02/2021 : Retour d’expé-         .Lecture au Faubourg avec
GROSSET, ancien numéro 2          rience avec Benjamin RAI-           Jérôme SAINTE-MARIE au-
de l’Unsa, directeur de l’Ob-     GNEAU, ancien DRH de la             tour de Bloc contre bloc : La
servatoire du dialogue social     SNCF et membre de la Promo’         dynamique du Macronisme,
de la Fondation Jean-Jaurès.      Social Demain 2020 : DRH de         Paris, éditions du Cerf, 2019.
n 26/01/2021: .Lecture au Fau-    la SNCF à moins de 35 ans. n        n 17/03/2021 : Masterclasse
bourg avec Didier LESCHI,         25/02/2021 : Ciné Social Club       avec Dominique LIBAULT,
Préfet et Directeur de l’Office   Ressources humaines avec            directeur de l’École Natio-
français de l’immigration         Thomas XANTIPPE secré-              nale Supérieure de Sécurité
et de l‘intégration (OFII) et     taire général des Assises du        Sociale (EN3S) : Les défis de la
auteur Ce grand dérangement       droit social et Promo’ Social       protection sociale au XXIème
L’immigration en face Ed. Gal-    Demain 2020 n 26/02/2021            siècle. n 22/03/2021 : Ciné So-
limard 2020. n 28/01/2021 :       : Forum Social Demain avec          cial Club Corporate ave Mi-
Atelier de la Promo’ n°1 Por-     Olivier TIRMARCHE Le nou-           chaël PRIEUX inspecteur du
trait de Groupe.                  vel horizon de la productivité En   travail à Rouen et Laurent
                                  finir avec le surtravail.           ZYLBERBERG ancien Direc-
FEVRIER n 02/02/2021 : Re-                                            teur des relations sociales
tour d’expérience Le ma-          MARS n 01/03/2021 : Retour          chez Orange. n 25/03/2021 :
nagement de la sûreté avec        d’expérience avec Laurent           Ciné Social Club Mr. Smith
Jean-Philippe      BAINIER        GRANDGUILLAUME, ancien              au Sénat avec Antoine SIRE,
ancien dirigeant de sites         député de la Côte-d’Or, pré-        directeur de l’engagement
de production d’électrici-        sident bénévole de l’associa-       de BNP-Paribas et Sacha
té d’origine nucléaire. n         tion nationale Territoires          HOULLIE, député LREM de
04/02/2021 : Masterclasse Je      zéro chômeur de longue du-          la Vienne, membre de la pre-

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2 ème édition 2021                           La Promo’ des 50

                         6 mois d’ateliers et de rencontres...
mière Promo’ Social Demain.         avec Olivier PASTOR, Co-fon-      27/05/2021 : Ciné Social Club
n 26/03/2021 : Forum Social         dateur de l’Université du         Dark Waters avec Claire GUI-
Demain avec Yann-Maël               Nous, expert en gouvernance       CHET co-présidente du Jury
LARHER - avocat et membre           partagée : Outils et Postures     Social Demain.
de la deuxième Promo’ Social        de la Gouvernance Partagée.       JUIN n 02/06/2021 Rencontre
Demain - pour son ouvrage           n 22/04/2021 : Masterclasse       Promo’. n 03/06/2021 : ES-
Le droit du travail à l’heure       avec Claude Emmanuel              Sisation et ESS politique avec
du numérique. n 30/03/2021          TRIOMPHE sur le thème En-         Erwan TISON directeur des
: Groupe de lecture animé           gagements sociaux d’hier et       études de l’Institut Sapiens
par Thierry ROCHEFORT               d’aujourd’hui. n 27/04/2021 :     et Nicolas HAZARD pré-
responsable du DU Manage-           Masterclasse avec François        sident fondateur d’INCO. n
ment de la qualité de vie au        MATTENS, co-fondateur d’un        08/06/2021 Rencontre Pro-
travail et santé de l’IAE de        accélérateur de start-up et di-   mo’ n 23/06/2021 Rencontre
Lyon, autour de l’ouvrage On        recteur des affaires publiques    Promo’. n 25/06/2021 : Fo-
ne change pas l’entreprise par      et de l’innovation dans le sec-   rum Social Demain Les struc-
décret de François DUPUY. n         teur industriel L’intelligence    tures de l’ESS, proposent-elles
31/03/2021 : Masterclasse avec      situationnelle, une compétence    (vraiment) des modèles de
Alain BAUER, criminologue           pour réussir dans un monde in-    travail plus durable : le mythe
: Tout le monde déteste-t-il la     certain. n 30/04/2021 : Forum     et la réalité avec Camille
police ? Violence et maintien de    Social Demain : L’entreprise      DORIVAL consultante chez
l’ordre : un problème de mana-      doit-elle être woke ? avec Be-    Coopaname (ex-directtrice
gement ?                            noît LOZE, directeur du plan-     générale d’Alternative éco-
                                    ning stratégique d’Havas.         nomique) et Céline JULIEN
AVRIL n 08/04/2021 : Mas-                                             coach et formatrice (Ex-
terclasse avec Elise DEBIES         MAI n 04/05/2021: .Lecture        DRH d’Emmaüs France). n
Directrice de l’Institut des        au Faubourg avec Julien           26/06/2021 Rencontre Pro-
hautes études de protection         DAMON Professeur associé          mo’. n 29/06/2021 Rencontre
sociale : La data surveillance      à Sciences Po, Conseiller         Promo’. n 30/06/2021 Ren-
en temps de crise sanitaire.        scientifique de l’Ecole Na-       contre Promo’.
n 12/04/2021 : Rencontre            tionale Supérieure de Sécu-
autour de la question du tra-       rité Sociale (En3s), Chroni-      JUILLET 2021
vail avec Laurent BERGER            queur aux Échos et au Point.      n 06/07/2021 : Atelier de la
Secrétaire général de la            n 06/05/2021 : Atelier de la      Promo’ n°4.
CFDT et Philippe MARTI-             Promo’ n°3. n 11/05/2021 :
NEZ Secrétaire général de la        Groupe de lecture animé
CGT. n 15/04/2021 : Retour          par François-Xavier PETIT,
d’expérience avec Sebastien         directeur général de Ma-
MOREAU autour de la candi-          trice, autour de l’ouvrage
dature de Paris aux Jeux Olym-      Robert CASTEL Les Métamor-
piques. n 19/04/2021 : Master-      phoses de la question sociale :
classe avec Céline JULIEN,          Une chronique du salariat. n
ancienne DRH d’Emmaus et            25/05/2021: Masterclasse Les
coach : la quête de sens au tra-    travailleurs détachés avec
vail, entre mythe et besoin, com-   Christophe TEISSIER, Asso-
ment ne pas en faire un dogme ?     ciation Travail, Emploi, Eu-
n 20/04/2021 : Masterclasse         rope, Société (ASTREES). n

                       RAPPORT D’ÉTONNEMENT 1° ÉDITION SOCIAL DEMAIN 2021

                    www.socialdemain.fr
RAPPORT D'ÉTONNEMENT 2 ÉDITION - SOCIAL DEMAIN 2021
L’ENGAGEMENT,
 ENTRE SENS
 ET CONFIANCE
  Pourquoi s’engager ? Comment s’enga-           rait alors sur le reste de l’existence comme
  ger ? Et jusqu’où ? Mais aussi comment         un surcroît d’âme, et la confiance dont
  achever dans de bonnes conditions des          il faut aussi s’armer pour se glisser dans
  années d’engagement associatif, syndical,      des appartenances plus grande que soi.
  politique ou tout simplement profession-       Fondées sur des expériences personnelles
  nel ?...                                       ou des réflexions plus académiques, voire
                                                 des interventions au style plus libre, ces
  Les textes réunis dans ce chapitre ques-       contributions donnent une idée de la soif
  tionnent tous la question de l’engage-         d’action qui anime les membres de Social
  ment « entre sens et confiance ». Car tels     Demain.
  apparaissent, au fil de la lecture, les deux
  pôles de l’action collective : le sens dont
  serait porteur l’engagement et qui rejailli-

     RAPPORT D’ÉTONNEMENT 2° ÉDITION SOCIAL DEMAIN 2021
RAPPORT D'ÉTONNEMENT 2 ÉDITION - SOCIAL DEMAIN 2021
8
sens et confiance
L’engagement, entre

                      VERTIGE
                      DE L’ENGAGEMENT
                      Très impliquée, dès le plus jeune âge, dans des structures associatives
                      et militantes – jusqu’à devenir vice-Présidente de la FAGE - Lina
                      Arnaud, étudiante en santé publique, revient ici, en expérience et
                      métaphores, sur les réalités de l’engagement aujourd’hui.

                                                         «
                                                                Engage-toi, ça fera une bonne ligne sur le CV », « Rentre
                                                               dans une asso étudiante, ça nourrira ton futur réseau
                                                               professionnel »… Beaucoup de nos parents et profes-
                                                          seurs formulent régulièrement de tels arguments pour
                                                          nous pousser dans les voies de l’engagement. Au demeu-
                                                          rant, je ne suis pas certaine que notre génération ait besoin
                                                          de trouver des raisons parallèles pour choisir de devenir
                                                          bénévole, tant prendre part à un projet associatif semble
                                                          tout simplement constituer le langage que nous avons
                                                          choisi pour nous exprimer, et réagir à ce qui compose le
                                                          monde qui nous entoure.

                                                          L’engagement, c’est évident
                                                          Restons tout de même réalistes : même si beaucoup de
                                                          jeunes engagés qui gravitent dans les milieux bénévoles
                                                          sont plutôt sensibilisés à l’importance d’aller voter, il
                                                          semble que nous soyons fatalement déjà convaincus que
                                                          nos projets locaux changeront davantage notre société
                                                          qu’un papier glissé dans une urne. C’est d’ailleurs mûs par
                                                          cet élan un peu candide que beaucoup de jeunes (près de
                                                          20% des 15-34 en 2020) poussent la porte du fameux monde
                                                          des engagés.

                                                          D’expérience, pour eux, deux itinéraires se dessinent en-
                                     Lina ARNAUD
                      Étudiante en santé publique,        suite, dans cette aventure. Concernant le bénévole soumis
                           ex-vice-Présidente de la       au trio des ultimatums financier, familial et académique,
                       FAGE (2019). Coordinatrice         il empruntera par défaut la 2 voies à 90 km/h. Une voie au
                      jeunesse de la campagne de
                                                          rythme tendu, plutôt risquée dans la mesure où les obsta-
                       Cédric Villani. Responsable
                        d’unité Scouts et guides de       cles arrivent de face, imposant une vigilance permanente
                                    France (SGDF).        pour garantir un équilibre entre vie personnelle et vie
RAPPORT D'ÉTONNEMENT 2 ÉDITION - SOCIAL DEMAIN 2021
9

                                                                                                                           sens et confiance
                                                                                                                           L’engagement, entre
associative. A l’arrivée, il pourra parfois rejoindre une     ciatifs constitue un phénomène assez emblématique
route de campagne, ou une avenue mieux implantée              de ce malaise. Même la façon dont on s’exprime n’est
dans l’espace urbain, sans avoir perdu complètement           plus la même : nos phrases, inspirantes autrefois, se li-
ses repères. Son mandat associatif aura marqué son            mitent désormais à des éléments de langage dédiés à
cheminement, mais se sera développé au même titre             des thématiques que très peu de personnes, a fortiori
que tous les autres aspects qui dessinent un parcours         les jeunes générations, ne maîtrisent ni n’éprouvent le
de vie. En un sens, on pourra dire que ce jeune aura          souhait d’aborder.
vacillé dans une sorte de “zone proximale d’engage-
ment”.                                                        Les enquêtes actuelles dénoncent souvent l’obsoles-
                                                              cence programmée des outils que nous manipulons.
Ce bénévole, qui deviendra le futur cadre permanent           J’ai un peu, parfois, l’impression que le rêve associatif,
d’une structure, s’embarque lui, d’entrée, sur l’auto-        pour les jeunes qui le vivent, porte dans son ADN le
route. Une voie encore plus rapide, où les sorties ne         même goût d’une confrontation inéluctable au monde
sont envisageables qu’à certains moments bien mar-            dit “réel”. Dans laquelle il reste peu envisageable de
qués, mais qui confère plusieurs avantages : un cadre         l’emporter. Car sortis de nos mandats, nous vivons un
protecteur, pour des militants bien protégés par les          vrai choc, une prise de conscience nécessaire, au mo-
barrières de sécurité de leur structure d’engagement,         ment de valoriser nos compétences auprès du monde
lancés sur un axe droit et continu. Ce serait folie, alors,   universitaire ou professionnel : si l’expérience que
de stopper net sur une bande d’arrêt d’urgence, pour          nous nous faisons du monde est très enrichie, nourrie
risquer de tout perdre ! Ainsi, pour lui, les années uni-     d’acquis qui ont forgé des personnalités pleines de
versitaires passent, les prises de responsabilité s’en-       ressources, cette vision ne peut se traduire dans l’im-
chaînent, les nuits se raccourcissent sans cesse, pour        médiat.
concilier validation des examens et conduite des pro-
jets.                                                         C’est un peu comme le négatif d’une photo bien ca-
                                                              drée. En ce sens, nous sommes prématurément en
Et quand la part d’engagement devient plus impor-             mesure de décrypter les codes du monde politique et
tante que les impératifs académiques, impossible              managérial, auquel il nous reste impossible d’accéder
de savoir qui de la poule ou de l’œuf nous pousse à           directement sans nous placer en situation d’insécu-
continuer l’aventure : délaissons-nous nos études             rité. En effet, accepter directement en sortie de man-
pour mieux nous engager, ou nous engageons-nous               dat un poste à responsabilités, dans un conseil ou un
pour mieux fuir nos études ? Impossible (et inutile) de       groupe politique, semble évident – mais le fruit est
chercher une vraie réponse à cette question, tant elle        empoisonné : dans ce nouveau monde, rien ne garantit
interrogerait ce que nous ne souhaitons pas question-         l’emploi permanent sur toute une carrière, si ce n’est la
ner – surtout quand on est impliqué à 200% dans des           confiance en des promesses qui seront sûrement vite
actions.                                                      oubliées. Un jour, notre talent sera forcément rempla-
                                                              cé par celui d’un autre, les idées du groupe que nous
L’ivresse, liée au caractère imprévisible de cette route,     défendons ne seront peut-être plus en accord avec nos
nous fait vivre dans un espace-temps parallèle. Et sans       idées, ou alors s’imposera la simple envie de quitter ce
doute parce que finalement, ce monde-là demeure as-           milieu engagé.
sez restreint, nous formons peu à peu notre promotion
de jeunes engagés – qui ne portent le logo d’aucune           Mais alors, quel sera notre passeport pour rebondir ?
grande école mais accèdent pourtant à des sphères de          Car l’engagement associatif doit compléter un par-
décisions qui les dépassent quotidiennement.                  cours qui sécurise notre devenir (contrairement à ses
                                                              parents, la génération Z doit absolument assurer son
                                                              embauche par le diplôme). Dans notre cas, le diplôme
Désenchantement programmé                                     doit nous permettre d’accéder… aux mêmes responsa-
                                                              bilités que celles de notre précédent mandat, en “re-
Ainsi, la permanence de notre statut associatif fait de       partant de zéro” en quelque sorte.
nous les équipiers polyvalents du monde politique,
absolument inadaptés aux contraintes du monde qui             Si le système de l’enseignement supérieur promet au-
nous entoure : famille, diplôme, vie sociale, salaire, lo-    jourd’hui la reconnaissance d’une certaine forme d’en-
gement… Les moines-soldats que nous sommes deve-              gagement, il n’offre absolument pas la possibilité de
nus ne savent généralement plus trop comment se pré-          convertir ce dernier en validation d’acquis théoriques –
senter. Notre identité personnelle, en effet, a presque       ni même, parfois, pratiques. Cette transition peut alors
intégralement fusionné avec le projet que nous avons          être vécue comme une forme de sanction, le diplôme
incarné. A ce titre, la conversion de nos CV en CV-asso-      qu’il faut décrocher devant traduire dans un langage
RAPPORT D'ÉTONNEMENT 2 ÉDITION - SOCIAL DEMAIN 2021
10
sens et confiance
L’engagement, entre

                      universel quels professionnels nous sommes devenus.         conseiller aux jeunes qui souhaitent se lancer dans le
                      Même si, bien sûr, nier les apports nécessaires offerts     “grand bain” associatif. Stricto sensu, elle ne peut se
                      par les formations universitaires serait faire preuve       vivre sans inviter à la table une forme de démesure (au
                      d’une coupable désinvolture.                                même titre qu’il est impossible de rouler à 90 km/h
                                                                                  sur l’autoroute). Mais si l’observation rétrospective des
                      Certes, la fin d’une aventure associative passe souvent     parcours des “retraités associatifs” nous enseigne une
                      par une fracture dans notre parcours, une forme de          chose, c’est qu’il faut ensuite apprendre à déconstruire
                      deuil à surmonter. Mais cette introspection m’apparaît      l’ubris que le monde syndical ou associatif façonne en
                      finalement salvatrice, tant elle ouvre la voie à d’autres   nous, et à admettre lucidement que notre avenir doit
                      parcours de réussite. Au final, je ne saurais quoi          se construire… sur des fondations diversifiées. n
11

                                                                                                             sens et confiance
                                                                                                             L’engagement, entre
  ASSOS, SYNDICATS,
  ÉLUS POLITIQUES :
  CROISER LES REGARDS
                                      Ancien Secrétaire général d’Action contre la
                                      faim, Dorian Dreuil vient, entre mai et juin dernier,
                                      de créer l’association A Voté et de rejoindre la
                                      Fondation Jean Jaurès. De son côté, Maxime
                                      Blondeau, récent cofondateur d’une coopérative
                                      de voyage en voiliers, Sailcoop, a lancé début
                                      2020 le Printemps écologique, le premier éco-
                                      syndicat. Entretien croisé, sur la mobilisation
                                      citoyenne et les modes d’action, au moment où
          Maxime BLONDEAU
  Enseignant, cofondateur et          le premier vient d’accepter de rejoindre le CA du
   porte-parole du Printemps
     écologique, premier éco-         syndicat créé par le second.
       syndicat, créé en 2002,
        qui milite pour inscrire
  l’impératif écologique dans
            le Code du Travail.
                                     Quel état des lieux de l’action collective, et de sa perception
                                     dans la population, êtes-vous en mesure de dresser, au-
                                     jourd’hui ?

                                     Dorian Dreuil : Ma motivation, quand j’ai créé A Voté, avec un
                                     collectif de citoyens engagés, était de répondre à deux paradoxes
                                     particulièrement prégnants depuis 2014 – et en particulier 2017,
                                     quand où on nous a annoncé le “grand big bang du renouveau
                                     démocratique”. D’abord, le point commun de toutes les mobili-
                                     sations collectives depuis lors, malgré des sociologies d’action et
                                     des moteurs d’indignation différents, est le sentiment que le ci-
                 Dorian DREUIL       toyen n’a plus de pouvoir, qu’il n’a pas droit de cité. Cette volonté
Consultant en communication          individuelle des citoyens de disposer de canaux, pour exprimer
  et en mobilisation citoyenne,
                                     des choses, n’est plus seulement du ressort de quelques bénévoles
        co-Président de A Voté,
  membre de l’Observatoire de
                                     associatifs.
la vie politique de la Fondation
                                     Ensuite, alors que nous sommes indéniablement dans une so-
 Jean Jaurès, ancien Secrétaire
      général d’Action contre la     ciété de l’engagement – avec une myriade de gens qui se mobi-
 faim, auteur du livre Plaidoyer     lisent -, il apparaît que les combats se structurent moins autour
     pour l’engagement citoyen       d’organisations que de causes, avec une soif de concret, une vo-
              (VA Editions, 2019).   lonté d’avoir un impact à petite échelle plutôt qu’au sein d’une
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sens et confiance
L’engagement, entre

                      énorme structure qui proposerait de “changer la vie”. Un           DD : Je suis d’accord avec Maxime, en particulier sur la dé-
                      phénomène qu’il est intéressant de corréler avec la baisse de      territorialisation, alors même que pendant le premier confi-
                      participation électorale. Il apparaît, à tort ou à raison, que     nement, il y a eu beaucoup d’actes de solidarité en proximité.
                      la politique telle qu’on la connaît n’a plus le monopole du        Car ce ré-ancrage territorial n’a à mon avis pas duré au-delà
                      changement effectif – ce changement est aussi porté, plus          de la période de crise. Aujourd’hui, l’énergie associative se
                      que jamais, par des associations, des syndicats, des ONG, des      concentre beaucoup plus sur des causes et des enjeux.
                      structures de l’ESS…
                                                                                         Sur la dimension intergénérationnelle, je constate que cela
                      Dans ces deux paradoxes, le point commun n’est-il pas              dépend beaucoup de la structure du groupe dirigeant des
                      la question de la représentation ?                                 structures concernées. Pour certaines de ces dernières, cette
                                                                                         question constitue un enjeu d’avenir ; d’autres, en revanche,
                      DD : Oui. Qu’est-ce qu’on fait pendant les cinq ans qui sé-        jouent au contraire pleinement la fracture. Mais il reste in-
                      parent deux élections de représentants politiques ? A ce titre,    téressant de constater que de plus en plus d’espaces existent
                      Maxime constitue un bon exemple : quand on ne trouve pas           désormais, qui permettent aux leaders d’organisations de
                      sa place dans une organisation qui existe depuis 50 ou 60          croiser les regards.
                      ans, on n’hésite plus aujourd’hui à créer sa propre organisa-
                      tion.                                                              Faut-il y voir une tentative de “refaire” société civile,
                                                                                         dans un paysage, justement, décrit comme très fractu-
                      Maxime Blondeau : Mon ressenti, qui n’est pas basé sur             ré ?
                      une analyse profonde ni une batterie de chiffres, c’est que
                      l’on trouve, d’un côté, un affaiblissement d’une forme d’en-       DD : On remarque en effet, depuis 3/4 ans, une forme de
                      gagement collectif, lié à un affaissement de la transmis-          retour de la société civile, après que cette expression a été
                      sion d’un certain nombre de cadres d’action collective qui         un peu usée, dans tous les sens du terme, en 2017. Toute la
                      furent extrêmement structurants pour la société des 80             sémantique marketing développée alors a vidé le concept
                      dernières années. Il y a cinquante ans, si l’on naissait dans      de son sens, au point que l’on a assisté ensuite à un retour
                      une famille engagée dans le socialisme, ou dans un univers         de la société civile, qui n’acceptait plus que l’on parle en son
                      chrétien démocrate, dans 90% des cas on reprenait, à peine         nom. On a donc vu ce retour du corps intermédiaire – mais
                      majeur, le flambeau. Et si son grand-père était syndicaliste       d’un corps intermédiaire en phase de réinvention -, après un
                      dans l’usine du coin, on avait de grandes chances de le de-        temps où il a été effacé, où tout était très “descendant”. Ce
                      venir à son tour.                                                  qui a démontré, aussi, l’importance des capteurs d’opinion,
                                                                                         des relais de transmission entre les dirigeants politiques et
                      Mais au même moment, tout un éventail de nouvelles mo-             les citoyens.
                      dalités d’action collective, formes de mobilisation, lieux
                      d’expression s’est développé. A titre personnel, je regrette       MB : J’ai personnellement un problème avec le concept de
                      que ces derniers espaces et formes d’engagement soient             “société civile”. L’ensemble des salariés adhérant à un syndi-
                      essentiellement déterritorialisés : ils ne vont plus concer-       cat en font-ils partie ? Juridiquement, non. On accole souvent
                      ner le voisin, le lieu de travail, la ville de résidence mais de   l’expression à ce qui n’est pas “les partis politiques”… La dé-
                      grandes causes nationales, européennes voire mondiales             finition du périmètre de société civile, en somme, m’apparaît
                      – comme l’écologie. La nouvelle génération explore ainsi           très floue, ce qui contribue à mon avis à consolider la barrière
                      de nouveaux territoires de mobilisation, avec une envie au         entre les politiques et le reste de la population, à accroître le
                      moins équivalente à celle des plus anciennes de changer le         fossé entre l’action publique et l’engagement citoyen. Et ce,
                      monde. Ce qui induit, depuis deux décennies, une reconfi-          alors même que la défiance croissante à l’égard du monde
                      guration complète des structures de l’action collective avec,      politique, des médias et des syndicats n’est plus un secret
                      comme toujours dans ces cas-là, des choses que l’on perd et        pour personne. Pour le reste, je rejoins pleinement l’analyse
                      d’autres que l’on gagne.                                           de Dorian : juste après l’élection d’Emmanuel Macron, la
                                                                                         population a repris espoir dans le politique, l’action du gou-
                      Faut-il donc prendre acte d’un schisme irréversible                vernement. Ensuite, la confrontation avec la réalité a provo-
                      entre les générations ?                                            qué une déception si grande que le corps politique ne trouve
                                                                                         désormais plus grâce aux yeux de personne.
                      MB : Non. Sur mon terrain de militantisme, en Bretagne, je
                      constate au quotidien qu’il y a vraiment de tout. De nouvelles     DD : De mon côté, quand je parle de société civile, j’y inclus
                      initiatives suscitent l’intérêt de personnes de 60 ans ou plus,    tout ce qui relève de la démocratie contributive, de l’enga-
                      tandis que certains jeunes de 25 ans sont englués dans des         gement en-dehors du champ électoral ou partisan. Mais
                      schémas plus traditionnels, des prolongements du XXème             je partage la réserve de Maxime : tandis que 2017 devait
                      siècle. Je ne dis pas que cette reconfiguration contribue à un     constituer l’apogée de la recherche d’acteurs non issus du
                      schisme intergénérationnel, mais à un schisme culturel.            champ politique classique (pour renouveler ce dernier), il
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                                                                                                                                       sens et confiance
                                                                                                                                       L’engagement, entre
faut désormais aller encore plus loin pour renouveler le per-      associatif n’a jamais été aussi forte. Je pense que ce phéno-
sonnel politique.                                                  mène de distanciation vis-à-vis du territoire ou de la réalité
                                                                   sociale, ce comportement un peu “hors sol” des mobilisations
Vit-on une période de transition, qui attend d’être or-            de certains – y compris des plus virulents – naît également
ganisée pour sortir d’un apparent “fouillis” ?                     de cette crainte paradoxale de l’exposition. Il s’agit pour moi
                                                                   d’un sujet-clé quand on parle d’action collective.
MB : Pour créer une transformation de structure paradig-
matique au sein d’un système aussi complexe que le nôtre,          DD : Quand on essaie de prendre une photographie du
il faut agir à trois niveaux : enseignement (à destination des     monde des corps intermédiaires, on trouve effectivement
nouvelles générations), action politique (pour changer le          au moins le même niveau de défiance à l’égard du monde
cadre législatif) et proposition d’alternative (pour remplacer     politique que chez les citoyens à l’échelle individuelle. Par
un système obsolète). J’essaie de le faire, en tant qu’ensei-      conséquent, vouloir être à la fois engagé associativement et
gnant, que porteur d’initiatives alternatives et que candidat      politiquement apparaît immédiatement comme suspect : on
politique - aux élections départementales de Vannes.               prête instantanément des intentions coupables à celui qui
                                                                   voudrait s’y essayer. « Gare à ne pas franchir le Rubicon ! »,
Sur mon territoire, le tissu associatif climat et alimentation     semblent intimer les acteurs associatif, qui par conséquent
rassemble 200 à 250 associations, face à des élus locaux qui       induisent une dichotomie susceptible de pétrifier les candi-
disposent de plusieurs centaines de milliers d’euros de sub-       dats à une telle “hérésie”.
ventions à accorder. Or, alors que les personnels politiques de
droite ont toujours mené un travail main dans la main avec         Ce qui m’a d’ailleurs empêché, jusqu’ici, de cocher la case
le tissu associatif local, les représentants de ce collectif re-   de l’action politique parmi les trois proposées par Maxime.
chignent à se rapprocher des élus du territoire - ce qui me pa-    Vouloir intervenir en politique, ce serait, à en croire certains,
raît très dommageable, et même dangereux tant pour notre           perdre immédiatement la dimension désintéressée de l’ac-
société que pour notre démocratie. Je milite au contraire, de      tion associative. A terme, cette conception manichéenne
mon côté, pour un renforcement du lien entre action poli-          constitue un vrai danger pour l’engagement (en produisant
tique, par le biais d’un mandat public, et société civile, pour    une organisation en silos déconnectés ou de l’apathie démo-
enclencher des transformations profondes.                          cratique). Au contraire, je pense que rien n’est incompatible,
                                                                   et qu’une démocratie qui fonctionne nécessite des croise-
Comment expliquez-vous cette réticence ?                           ments de regards constructifs entre élus, acteurs associa-
                                                                   tifs et syndicaux. Il faut cultiver une forme de pragmatisme
MB : Cela tient à mon avis à la notion de rapport au risque.       d’impact dans son action, sous peine de ne jamais parvenir
L’un des principaux freins à notre développement, en tant          à transformer la société. A ce titre, l’aller-retour entre les
que syndicalistes, est la crainte de l’exposition. On a du mal,    mondes politique et associatif ne doit pas être systémati-
aujourd’hui, à trouver des gens qui acceptent de prendre le        quement perçu comme suspect, a fortiori au niveau des terri-
risque personnel de devenir le visage d’une mobilisation, par      toires : il faut l’encourager ! n
exemple sur un lieu de travail. Ceci, aussi, parce que socia-
lement, on ne valorise plus le rôle des corps intermédiaires,
alors même que la confrontation entre mondes politique et
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sens et confiance
L’engagement, entre

                        LA SOCIÉTÉ
                        DE LA DÉFIANCE
                        Partageant un même constat sur le climat de violence et de défiance
                        qui règne en France, Margot Le Guen et Emilie Schmitt tentent ici
                        de comprendre d’où il provient, d’en comprendre et d’en cerner
                        les conséquences… voire les remèdes. Leur postulat : au-delà du
                        mécontentement général, la société française souffre d’une défiance
                        profonde, aux multiples aspects, qui menace l’adhésion commune
                        au socle des valeurs républicaines.

                                                          I
                                                              l est facile de s’accorder, tous bords politiques confon-
                                                              dus, sur le fait qu’il existe aujourd’hui un sentiment
                                                              général de ras-le-bol, de clivages insolubles ; un climat
                                                          de violence. Les enquêtes sur cette ambiance générale sont
                                                          nombreuses, ainsi que les faits politiques associés (théo-
                                                          ries complotistes, fake news, crise des Gilets jaunes, mani-
                                                          festations “anti-pass” sanitaire). Tout porte à penser que
                                   Margot LE GUEN         notre système social et politique est trop essoufflé pour
                      Co-fondatrice de CliMates, ex-      autoriser espoir et optimisme. Il est bien moins aisé, en
                      Secrétaire du CSE et référente
                              «Harcèlement sexuel»
                                                          revanche, d’attribuer des contours précis à l’hypothétique
                           (Total Eren). Responsable      source de ces fractures.
                        «Investissements, Transition
                       écologique & Energétique» à
                               la Caisse des Depôts.      Confiance, défiance : définitions

                                                          En mars 2020, l’analyse du Baromètre de la confiance poli-
                                                          tique (Fondapol, Institut Montaigne, Fondation Jean Jaurès)
                                                          par le politologue Bruno Cautrès pointait « une logique de
                                                          descente aux Enfers en matière de perception par les Français du
                                                          système démocratique et du personnel politique. » De fait, mal-
                                                          gré les recompositions partisanes depuis 2017, et malgré
                                                          une apparente remontée avant la crise sanitaire, l’image
                                    Emilie SCHMITT
                                                          des hommes et femmes politiques, celle des institutions
                         Co-fondatrice et directrice      à tous les niveaux semblent marquées par un prisme né-
                        de l’association Activ’Action     gatif.
                         (insertion professionnelle).
                           Ancienne Service civique
                      Unis-Cités en partenariat avec
                                                          Mais de quoi parle-t-on réellement ? Le sociologue Niklas
                             le Défenseur des droits.     Luhman définit la confiance comme « un simplificateur de
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                                                                                                                              sens et confiance
                                                                                                                              L’engagement, entre
la complexité humaine », quand François Dress parle            des agressions d’élus, violence verbale ad hominem
d’un « sentiment de faire partie d’une société juste dans la   amplifiée sur les réseaux sociaux… Selon Bruno Cau-
durée. » Plus prosaïquement, on peut considérer l’acte         très, le Baromètre de la confiance politique rapporte une
de confiance comme une démarche visant à se fier               image dominante de politiques « peu empathiques, voire
à quelqu’un ou quelque chose, qui autorise des sen-            corrompus, loin des préoccupations des Français, parlant de
timents de stabilité, tranquillité voire certitude sur         manière trop abstraite. » Ce sentiment, ajouté à celui des
l’avenir.                                                      « promesses non tenues » et à la multiplication des “af-
                                                               faires” ont poussé Emmanuel Macron à lancer le chan-
La confiance implique l’engagement envers et avec              tier de la «moralisation de la vie publique» – devenue
autrui, la réciprocité et la solidarité. Le langage com-       entretemps… «loi sur la confiance publique».
mun nous invite d’ailleurs à la décliner sur trois ni-
veaux : personnel (confiance en soi), interpersonnel           D’autres figures d’autorité ou institutions font par
(confiance en quelqu’un) et collectif (confiance en            ailleurs l’objet de défiance depuis plusieurs années :
l’avenir). Dans tous les cas, elle insinue une harmonie        institution médicale (voir la perception actuelle de
collective heureuse, qui s’impose durablement sur les          l’industrie pharmaceutique ou de la parole de l’expert
formidables diversités qui constituent toute forme de          scientifique après la crise du Covid) ; école ; justice ;
société. Ainsi, le contrat social ne serait-il pas une émo-    forces policières ; sans même parler des partis poli-
tion plus ou moins conscientisée ?                             tiques, syndicats ou médias…

Quand on aborde le manque de confiance – notam-
ment politique -, le terme de “défiance” s’impose
                                                               Une défiance sociale multiforme
souvent. S’agit-il donc du parfait antonyme de la
“confiance” ? Rien de moins sûr. Etymologiquement,             François Dress s’intéresse également au concept de
sémantiquement, c’est la “méfiance” qui conviendrait           “défiance sociale”, pointant les chiffres sur les inéga-
mieux. La défiance, elle, sous-entend une réserve, voire       lités croissantes pour justifier la défiance des moins
une désapprobation plus forte, plus affirmée qu’un             riches envers les élites économiques et culturelles. La
simple “manque” de confiance. C’est en tout cas cette          dénonciation de la “fracture sociale” n’est pas nou-
définition que nous choisissons ici d’interroger.              velle pourtant, et a fait l’objet de nombreuses ana-
                                                               lyses (voire de discours de campagne politique...). En
                                                               1985, Marcel Gauchet écrivait, dans son Désenchante-
Etat des lieux                                                 ment du Monde : « Un mur s’est dressé entre les élites et
                                                               les populations, entre une France officielle, avouable, qui
Dans La société de la défiance – Comment le modèle Fran-       se pique de ses nobles sentiments, et un pays de marges,
çais s’autodétruit, Yann Algan et Pierre Cahuc rappro-         renvoyé dans l’ignoble, qui puise dans le déni opposé à
chaient en 2007 la défiance (entre concitoyens, mais           ses difficultés d’existence l’aliment de sa rancœur. » Et en
aussi plus générale) et l’incivisme, et en dénonçaient         2010, Christophe Guilluy décrivait, dans sa France pé-
le coût élevé pour la société (réduction d’emploi, de          riphérique, le « gouffre idéologique et culturel » séparant
croissance, et surtout d’aptitude au bonheur). De              métropolitains multiculturels et ruraux/périurbains
nombreuses études, quant à elles, s’accordent pour             de souche, relégués.
déplorer une défiance croissante à l’égard des pou-
voirs publics, vus comme personne morale. Défiance             Sur ce point, le dernier essai de Pierre Rosanvallon,
s’illustrant tout particulièrement au travers du vote,         Les épreuves de la vie : Comprendre autrement les Français,
via une abstention croissante sur tous les scrutins            vient nous fournir une clé d’analyse plus originale. Sa
autres que le présidentiel, ou via la montée des ex-           réflexion s’attache justement à ce qui nous intéresse
trêmes. La remise en cause des principes républicains          ici - la nature de la colère et des peurs -, en creusant
(laïcité, égalité hommes/femmes) révèle aussi une              les expériences négatives vécues ou perçues par nos
forme de défiance morale, de rejet, “désalignant” les          concitoyens. Expériences susceptibles de déborder
fondations d’un système commun. Algan et Cahuc                 largement les classements sociologiques, démogra-
expliquent en partie ce phénomène par des raisons              phiques ou même géographiques traditionnels, et
structurelles à une France jugée corporatiste (droits          qu’il organise en trois catégories expliquant indirec-
sociaux dépendant du statut socio-professionnel) et            tement cette défiance multiforme : épreuves de l’in-
hiérarchique (omniprésence de l’Etat-arbitre, frac-            dividualité ou de la dignité (harcèlement, burn-out,
tionnement vertical de la société).                            violences sexuelles) ; crises du lien social (inégalités
                                                               sociales, injustices) ; et incertitudes sur l’avenir (chan-
Mais si les pouvoirs publics sont décriés, les person-         gement climatique, crises sanitaires). Cette dernière
nalités politiques ne sont pas en reste : multiplication       catégorie s’avère d’autant plus intéressante qu’elle
16
sens et confiance
L’engagement, entre

                      s’inscrit dans un cercle vicieux : si la figure d’autorité        tions politiques et sociales, mais aussi dans la décen-
                      suprême (l’Etat) est discréditée, comment parvenir à              tralisation, des moyens efficaces d’apprendre la vie en
                      se rassurer ?                                                     communauté, pour garantir dans la durée l’égalité et
                                                                                        la liberté. Or des associations, entrepreneurs sociaux
                      Inverser la tendance                                              et d’autres agents de la société civile ont depuis long-
                                                                                        temps développé des innovations sociales pour favori-
                      La défiance tend donc à s’installer dans notre paysage            ser la rencontre entre CSP, combattre les stéréotypes,
                      français, menaçant notre système démocratique et so-              ouvrir des espaces pour exprimer sa solidarité, sur-
                      cial. Est-ce une fatalité ? On ne peut s’y résigner. Et si,       monter les épreuves de la vie grâce au soutien de ses
                      en 2020, 84,6% des Suisses déclaraient avoir confiance            pairs… Sans oublier les expérimentations de gouver-
                      en leur gouvernement (contre 41% des Français), cela              nance partagée, dans le secteur privé, qui accordent
                      démontre qu’il n’est pas impossible de (re)créer de la            plus de pouvoir – et donc plus de responsabilités – à
                      confiance entre les citoyens et le pouvoir politique.             l’ensemble des parties prenantes. Pourquoi ne pas va-
                      Mais comment ?                                                    loriser ces initiatives ?

                      A coup sûr, cette défiance reculera une fois que des              Pour souligner le paradoxe entre un pays « berceau de la
                      solutions systémiques auront été mises en œuvre,                  philosophie des Lumières » et une propension hexagonale
                      pour s’attaquer aux problèmes pris individuellement :             à craindre l’ouverture et le changement, le sociologue
                      exemplarité des dirigeants politiques, réforme de                 Philippe d’Iribarne parle d’une « étrangeté française ».
                      l’école et de la justice, redistribution plus équitable           Si l’on souhaite la dépasser, tout particulièrement en
                      des richesses… Mais au-delà de ces décisions poli-                temps de crise(s), il nous paraît primordial de redéfi-
                      tiques fortes, il faut s’attaquer au sous-jacent profond          nir les valeurs communes qui nous relient. Par-delà les
                      de la crise politique et sociale actuelle. Pour ce faire,         différences (visibles et invisibles) entre les individus
                      l’OCDE nous propose plusieurs pistes d’actions pour               qui composent notre société plurielle, il est indispen-
                      restaurer la confiance : en premier lieu, créer des po-           sable de revaloriser l’importance du lien social, du dia-
                      litiques publiques basées sur la compétence et les                logue et de la confiance interpersonnelle : « Alors que
                      valeurs. Un gouvernement compétent doit en effet,                 les sociétés traditionnelles peuvent survivre même si on ne
                      selon elle, « minimiser l’insécurité dans l’environnement         fait confiance qu’à ceux que l’on connaît personnellement,
                      économique, social et politique de ses citoyens », promou-        la société moderne, elle, ne peut fonctionner que si les gens
                      voir « l’intégrité par l’alignement des institutions publiques    partent du principe qu’un inconnu n’est pas un ennemi a
                      avec des normes de conduite plus larges », mais encore            priori. »
                      « s’engager à protéger l’intérêt public, atténuer la corruption
                      et s’efforcer de garantir l’équité autant dans les processus      Le moment est-il venu d’investir dans la vie en commu-
                      que les résultats des politiques publiques. » En outre, « un      nauté pour garantir dans la durée l’égalité et la liberté
                      gouvernement basé sur des valeurs fera également preuve           de chacun et chacune, comme le préconisait Tocque-
                      d’un degré élevé de transparence et d’inclusivité. »              ville ? D’investir dans des systèmes d’organisation so-
                                                                                        ciale qui favorisent la confiance en soi, dans les autres
                      Mais choisir des représentants compétents ne résou-               et en l’avenir, pour arriver collectivement, un jour, à
                      dra pas tous les problèmes. Il convient aussi, urgem-             incarner concrètement nos valeurs républicaines ? A
                      ment, de responsabiliser les citoyens, de redonner un             n’en pas douter. n
                      sens plein à la démocratie. Théorisées par Tocqueville,
                      les « écoles de la démocratie » constituent à ce titre une
                      piste à explorer. Ce dernier voyait dans les associa-
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