Exposition du 19 au 28 nov. jeudi 18 nov 2010 - à la bellone, bruxelles conférence et vernissage - Contredanse
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P.B - P.P. B - 802 Bureau de dépôt Charleroi X Autorisation de fermeture B - 802 P401064 Isabelle Meurrens - Trimestriel gratuit exposition du 19 au 28 nov. Éditeur responsable : conférence et vernissage jeudi 18 nov 2010 à la bellone, bruxelles
édito Vous l’aurez sans doute constaté avant d’ouvrir ce journal, le centre de documentation de Contre- créations Monkey Sandwich est un spectacle pluridisciplinaire dirigé et mis en scène danse fête ses 20 ans. Alors qu’il y a un an, Contredanse passait discrètement le cap des 25 ans, par Wim Vandekeybus. La danse, le c’est en grande pompe que son centre de doc soufflera ses 20 bougies. Quand je me remémore théâtre et la musique gravitent autour mes 20 ans, je pense à la célèbre phrase de Nizan «J’avais 20 ans. Je ne laisserai personne dire d’un film où l’impact émotionnel des que c’est le plus bel âge de la vie» (1). Enfant, nous n’avons cessé de rêver à la magie du « quand images prime sur l’anecdote. Les per- je serai grand, je serai… ». Mais voilà que le jour où nous avons enfin tous les attributs d’une sonnages fictifs, vus comme des ad- « grande personne », l’horizon du bonheur et de l’accomplissement se dérobe sous nos pas (2). Je versaires, entrent en relation avec un n’ai pas perçu de crise existentielle semblable au Centre de doc, c’est en toute insouciance qu’Elle homme seul sur scène, interprété par (Contredanse) et Lui (le centre de doc) préparent cette fête, remuant joyeusement des vieux sou- Damien Chapelle. La création s’ins- venirs. Pourquoi? Contredanse n’est pas intrinsèquement mortelle même si elle a de fulgurantes pire d’événements imprévus, de revire- angoisses de mort lorsque tous les cinq ans, elle renouvelle son contrat-programme. Son écono- ments soudains et d’une structure nar- mie – son mode d’alimentation – détermine sa biologie. Si elle n’est pas née pour mourir, qu’a-t-elle rative en fragments. C’est l’histoire d’un à commémorer? Nous remuons nos vieux souvenirs à chaque fête d’anniversaire parce que nous homme qui veut faire le bien mais qui sommes voués à disparaître. Si un jeune homme de 20 ans parle de « ses vieux souvenirs», je est la cause de beaucoup de mal. La penserai en souriant, quels souvenirs a-t-il déjà amassés? Il suffit qu’il tende le bras derrière lui chorégraphie explore les changements pour palper de sa main ces moments encore présents-à-lui. Pourtant, 20 ans ou 25 ans pour des physiques en fonction du contexte et institutions (le Centre de doc., la Compagnie Mossoux-Bonté, la Compagnie Thor) m’apparaissent interroge le rapport du corps face à comme des âges de grande maturité. Ce qui voudrait dire que non seulement ces ASBL ne sont l’écran. Première le 10 septembre au pas mortelles par essence, mais qu’en outre elles n’évoluent pas dans la même dimension spatio- KVS à Bruxelles. temporelle que nous. Celles qu’on appelle «personnes morales» ne sont donc pas des personnes et, de ce fait, se situent en dehors du cadre de la morale. Pour être honnêtes, nous ne devrions Johanne Saunier présente la première pas dire que le centre de doc fête ses 20 ans, mais que nous, mortels, fêtons les 20 ans du centre de Line Oblivion, le 21 septembre au de doc. Tous ces créateurs, vivants ou morts, qui peuplent notre centre (Bonté, Brown, Droulers, théâtre Les Tanneurs à Bruxelles (voir Graham, Mossoux, Noiret, Paxton, Smits, Wigman,…), tous ces journalistes (Baudet, Diez, Dubois, la rubrique Création à l’œuvre). Génicot, Wynants,…), ces pédagogues (Alexander, Feldenkrais, Schirren,…), tous ces penseurs (Banes, Dobbels, Gélinas, Godard, Laban, Louppe, …) sont serrés dans nos boîtes d’archives. Ils Jan Decorte a déjà fait appel à la dan- déambulent , débattent et performent au rythme des questionnements de nos visiteurs. La densité se et aux danseurs (Charlotte Vanden de population a tellement crût en 20 ans que lorsqu’ils sortent se dérouiller les jambes ou discuter Eynde et Anne Teresa De Keersmae- entre confrères on a du mal à se frayer un passage et suivre le fil d’une conversation. Pour fêter ker) dans ses spectacles de théâtre, les 20 ans, nous avons désiré faire valser les boîtes dans toute La Bellone pour vous faire voir les où le texte restait cependant la source personnes, leurs œuvres, leur pensée au cours d’une conférence et d’une exposition. principale. Dans la création Tanzung, il Au Plaisir de vous y retrouver.(3) choisit pour la première fois de partir du Isabelle Meurrens mouvement plutôt que du texte. Ici, il se livre lui-même à des improvisations Phrase d’ouverture du roman Aden Arabie de Paul Nizan, 1931. voir Pierre-Henri Tavoillot, «20 ans, un bel âge?» in Philosophie magazine n° 42, septembre 2010 avec comme devise «prendre chaque Toutes les infos en 4e de couverture mouvement au sérieux». Sa danse réa- git aux mouvements, gestes, chants que développent deux comédiens et une danseuse. Jan Decorte a écrit éga- SOMMAIRE lement six poèmes d’amour en anglais qui évoquent principalement le plaisir et le désir. Fidèle à une scénographie sobre, il propose une table sur laquel- le est posée la sculpture d’un robuste p. 2 Créations taureau. Première le 23 septembre au p. 4 Création à l’oeuvre centre Campo à Gand. Line of Oblivion de Johanne Saunier par Anthoni Dominguez Après la création de deux solos, Lis- p. 6 Paysage beth Gruwez s’attaque à une pièce de groupe, HeroNeroZero, qui implique un Génération 90: Trois anniversaires et... musicien et deux danseuses, dont elle- Martine Dubois dresse un panorama de la danse en Belgique même. La chorégraphe étudie comment ces dernières années le corps se désintègre dans le temps et p. 8 Pratiques laisse derrière lui une mémoire ou juste une empreinte de la vie. Elle interroge Feedback. Parler ensemble d’oeuvre par Nadia Benzecri ainsi la condition humaine. Les êtres p. 10 Recherche humains sont déterminés à chercher le succès et à désirer toujours plus, à trou- De la mémoire à la scène ver des signes qui confirment leur exis- Claudio Bernardo et Fabian Barba exposent leur démarche tence. Parfois héroïques, parfois humi- p. 12 Publications liés, ils combattent ou résistent, toujours pourchassés par la crainte de tomber p . 13 Hommages un jour dans l’oubli. Première le 23 sep- à Odile Duboc, Vincent Druget et Kazuo Ohno tembre au Centre Buda à Courtrai. p. 14 Agenda Anne Teresa de Keersmaeker/Rosas crée En Atendant au Cloître des Céles- p. 16 Festivals tins lors du festival d’Avignon 2010, sur demande du directeur Vincent Beau- p. 18 à l’entour driller. Le titre orthographié en ancien p. 19 Brèves français répond au choix contextuel de la chorégraphe. Fidèle à son rapport 4e de couverture avec la musique, ATDK choisit pour Les 20ans du centre de documentation cette création les mélodies polyphoni- Stage avec Liz Lerman et John Borstel sur le feedback ques du 14ème siècle, caractéristiques du sud de la France médiévale: l’Ars Subtilior. Basée sur la dissonance et le contraste, cette forme musicale appa- Pour le numéro de janvier/février/mars: date limite de réception des informations le 20 novembre 2010 rait sous le fléau de la peste et dans ndd@contredanse.org une époque où les piliers politiques, religieux et sociaux se fragmentent. Coordination: Matilde Cegarra Polo. Rédaction: Mathilde Laroque. Contributions: La pièce, jouée par neuf danseurs et Fabian barba, Nadia Benzekri, Claudio Bernardo, Boris Charmatz, Florent Delval, Jo quatre musiciens, replace ce désarroi Dekmine, Anthoni Dominguez, Martine Dudois. Comité de rédaction: Contredanse. dans l’actualité contemporaine et pose Correctrice: France Muraille - Publicité: Contredanse. Diffusion et Abonnements: la question de la mortalité et de la ma- Michel Cheval. Graphisme: Contredanse/Alexia Psarolis. Couverture et 4e de couverture: Thomas térialité. Première le 25 septembre à la Delord. Impression: Imprimerie Havaux - Éditeur responsable: Isabelle Meurrens à la Maison du Spec- Monnaie à Bruxelles. tacle-la Bellone - 46, rue de Flandre - Be - 1000 Bruxelles. La danse, la vidéo et la musique co- NDD L’actualité de la danse est édité avec le soutien des institutions suivantes: habitent en direct sur la scène dans Le Ministère de la Communauté française (Service de la Danse), la COCOF et la Ville de Bruxelles (Échevi- You’ve changed, la dernière pièce de nat des Beaux-Arts). Thomas Hauert, qui est accompagné du compositeur Dick van der Harst. Le chorégraphe propose un dialogue en- tre ces trois disciplines. Le principe re- pose sur une réaction en chaine dont le mouvement est la matrice. Tout d’abord 02
livre» prêt à être consulté par le visi- novembre à La Rose des Vents à Vil- teur. La performance a lieu dans une leneuve-d’Ascq (France) dans le cadre bibliothèque où tous les espaces sont du festival NEXT. exploités: de la salle de lecture jusqu’à la rue en passant par la cafétéria et les La compagnie 36,37, etc, formée du couloirs. Première le 4 novembre à la trio Carole Frères, Bénédicte Mottart et Marc Vanrunxt & Salva Sanchis For Edzward Krasinski bibliothèque Tweebronnen à Louvain, Coralie Vanderlinden, crée le duo Cor- dans le cadre du Playground festival. tex, interprété par ces deux dernières. Entre danse et théâtre, la pièce, dont Studium du collectif Busy Rocks s’ins- le titre fait référence à la zone frontale pire d’une esthétique kantienne où l’on du cerveau, interroge la mémoire du voit des danseurs s’investir dans quel- corps et de l’esprit. Cette mémoire in- que chose qui, en soi, n’a absolument terpelle le présent, transforme le passé, pas de but et d’intérêt apparents. Pour invente le futur. Elle permet un voyage cela, le collectif fait le choix d’étudier temporel dans lequel la réalité flirte les schémas de la locomotion animale. avec la perception. Sur le plateau les Cette activité «absurde» devient alors danseuses-comédiennes entrent dans © Raymond Mallentjer sujet de réflexion. Les danseurs, dont la peau de deux femmes, deux filles ou les corps ne sont jamais montrés seuls encore deux enfants qui voyagent dans mais toujours liés, attachés et interdé- le temps. La dualité joue entre l’une et pendants les uns des autres, forment son double, l’une et son souvenir. Pre- une «machine-animal». Les uns de- mière le 19 novembre au Centre cultu- viennent actifs et les autres passifs. rel Jacques Franck à Bruxelles. Qu’est-ce qui dans cette configuration conduit le mouvement? Parallèlement, Michèle Noiret, artiste associée au la pièce fait écho au travail du photo- Théâtre National de Bruxelles depuis graphe Eadweard Muybridge. Celui-ci, la saison 2006-2007, réunit quatre dan- au début du 19ème siècle, étudie la loco- seurs dans sa nouvelle création Minu- motion et conduit au développement du tes opportunes. Elle joue avec différen- les danseurs improvisent. À tout mo- Une chaise et une table, les seuls élé- film. Dans Studium, le plateau de théâ- tes perceptions du temps qui s’écoule, ment, ils inventent leur propre matériel ments sur scène du spectacle Mirliflor, tre devient une expansion de la boîte la notion d’une vie qui peut changer en de mouvements et le mettent en scène dessinent un lieu hors du temps pour noire de l’appareil photo. Première le un instant et le moment-clé qui inter- au sein d’une structure de groupe. La quatre danseurs. Les personnages 11 novembre au Beursschouwburg rompt le passé et dessine le futur. La chorégraphie agit comme un micro- pourraient être dans une salle d’atten- dans le cadre du festival BITS (&pie- pièce renvoie à cette minute de l’entre- cosme où chacun doit négocier entre te, une antichambre ou encore un lieu ces) à Bruxelles. deux appelée chez les Grecs anciens sa liberté individuelle et sa relation aux d’autopsie, d’ordre, de désordre, de rê- «Kaïros». La chorégraphe dénonce pa- autres. De la danse improvisée découle verie. Les manies gestuelles évoluent In that case… Rather not de Coral Or- rallèlement le mode de vie occidental une création vidéo, puis une musique, d’une élégance intérieure à une défor- tega et Niko Hafkenscheid est un re- qui a fait de chaque minute un capital une lumière… l’ensemble bénéficie de mation étrange, non pour singer la vie gard sur soi, un constat d’état d’être au censé produire des intérêts. Pour cela, la tension et de l’attention qu’offre l’im- mais pour lui restituer ses ondulations monde, une dénonciation de l’imprédic- elle traverse l’histoire, entre une collec- provisation. Thomas Hauert joue avec dociles et grotesques à la fois. Créée tibilité des choses, une prise en compte tion d’œuvres du répertoire classique une forme qui apparaît mais qui n’est par Karine Ponties pour la compagnie des erreurs et de leurs conséquences. et contemporain. Dans un jeu d’écriture jamais achevée. Première le 13 octo- russe Dialogue Dance, cette pièce s’ins- Les deux performeurs, qui travaillent scénique, Michèle Noiret manie diffé- bre au Stuk à Louvain. crit dans le cadre d’Intradance 2010, ensemble depuis 2005, s’intéressent rentes associations entre la musique, projet européen de danse en Russie. aux possibilités d’interaction avec le la chorégraphie, la lumière et l’espace. Dans le processus de création de la Intradance a sélectionné sept choré- public et questionnent les évidences Première le 23 novembre au Théâtre pièce Edward Krasinski, Marc Vanrunxt graphes de l’Union européenne et sept de la création théâtrale. Première le 12 National à Bruxelles. invite Salva Sanchis. Les deux choré- groupes de danse pour mettre en place novembre au kc nOna à Malines. graphes ont créé séparément un solo à des coproductions dans sept villes dif- Loss de la compagnie Giolisu ques- partir de la musique Triadic Memories de férentes du pays. Moscou a rendu tous Sur une composition musicale pour or- tionne la présence de l’être humain Morton Feldman, une composition d’en- les projets visibles au public lors du fes- gue de Bernard Foccroulle, Annabelle sur terre, sa nécessité d’exister au viron une heure et demie pour un solo tival Intradance en mai 2010. Première Chambon danse Preparatio Mortis sein d’une nature et d’une histoire qui de piano. L’interprète de Marc Vanrunxt belge le 28 octobre aux Halles de de Jan Fabre. Habillée en sous-vête- le dépasse. Dans une atmosphère dé- est Etienne Guilloteaux; Salva Sanchis Schaerbeek à Bruxelles, dans le cadre ments noirs raffinés, la jeune danseuse solante, les chorégraphes et interprè- a choisi Georgia Vardarou. La rencon- de la programmation Prési-danses. improvise des mouvements félins, ser- tes Lisa Da Boit et Giovanni Scarcella tre sur scène des deux danseurs, avec rant des fleurs sur son cœur pour en- cherchent «un sens dans un monde de la musique jouée en direct par Champ Barbara Mavro Thalassitis, chorégra- suite les rejeter de façon violente selon non-sens». Ils explorent le déséquilibre d’Action, a lieu une semaine avant la phe en résidence à Charleroi/Danses le caractère de la musique. Sa perfor- et tentent de trouver des points d’accro- première. Les deux solos peuvent se et aux Brigittines, complète sa série mance est basée sur le souffle. La fin che, d’appui et de repos chez l’autre ou rejoindre ou bien entrer en confronta- d’œuvres de danse et d’art plastique se solde par une ultime respiration qui dans l’espace. Les lumières et les ima- tion. Marc Vanrunxt ne s’attend certai- autour de la thématique de l’objet qu’el- amène l’artiste à s’allonger sur l’autel ges de Vincent Pinckaers dépeignent nement pas à un conflit. Pour lui, voir le développe depuis 2008. Le corps de dépouillé, pour prendre la pose d’un un paysage blanc qui efface toute trace et expérimenter deux versions simulta- l’interprète est envisagé comme objet gisant médiéval. Avec Preparatio Mor- du temps. L’ensemble avec la créa- nément permet de mieux comprendre d’étude et de composition chorégra- tis, Jan Fabre complète son répertoire tion musicale d’Eric Ronsse plonge les la musique. La durée de la composition phique, au même titre que les objets de solo pour femmes. Première le 18 spectateurs dans une ambiance quasi musicale laisse la possibilité de redéfinir et matériaux utilisés dans cette série. constamment l’espace et le temps. Ces Après Pavane, un trio qui met en jeu dimensions spatiales et temporelles «l’Autre» en tant qu’objet, et PicNic, un sont renforcées par la présence phy- duo sur des questions de couples, elle sique des performeurs. Première le 14 propose Still (a)Live. Cette création se octobre au Monty à Anvers. présente sous la forme d’un triptyque et aborde le genre de la «nature morte». La conférence-performance UNE Le premier tableau, Still Life, est une INTRODUCTION est le premier vo- installation photographique et textuelle let de la nouvelle recherche d’Olga hors scène. Le deuxième, Still a life et de Soto dans le cadre de son projet le troisième, Still alive, sont construits Histoire(s). Ce projet tente de révéler comme une performance où le plateau les traces laissées par le spectacle de théâtre devient support et cadre. vivant et la mémoire du spectateur. Première le 3 novembre aux Brigittines Après l’exploration du ballet de Jean à Bruxelles. Barbara Mavro Thalassitis Still Alive © Roberta DC Cocteau Le Jeune homme et la Mort (1946) débutée en 2002, la chorégra- Avec Time has fallen asleep in the af- phe s’intéresse à présent au ballet de ternoon sunshine, Mette Edvardsen Kurt Jooss, La table verte (1932), qui s’engage dans une recherche sur la di- aborde la montée du fascisme et la mension enrichissante du livre d’après guerre. Elle pose de nouvelles ques- la nouvelle de science-fiction Fahren- tions sur la mémoire des créateurs, heit 451 de Ray Bradbury (1953). Cette le travail de transmission, l’évolution histoire dépeint une société future où le d’une œuvre au sein de l’histoire… À livre est jeté au feu car il est considéré travers cette conférence-performan- dangereux et où l’absence de connais- ce, Olga de Soto souhaite partager sances et de pensées individuelles son processus de recherche qu’elle conduirait à la joie. Un groupe de per- considère aussi important que l’abou- sonnes commence alors à mémoriser tissement de l’œuvre finale prévue clandestinement les livres par cœur afin en 2011. Première le 25 octobre aux de les préserver. En écho, Mette Ed- Halles de Schaerbeek à Bruxelles, vardsen met en scène une bibliothèque dans le cadre de la programmation vivante où les performeurs mémorisent Prési-danses. un livre de leur choix et deviennent «le Une 03
cinématographique. Première le 23 no- mière le 26 novembre au théâtre de la vembre aux Brigittines à Bruxelles. Balsamine à Bruxelles dans le cadre du festival Mini Balsa Marni d’Automne. Sidi Larbi Cherkaoui et le chorégra- phe sud-africain Gregory Maqoma se Créé en partenariat avec les com- réunissent pour créer Bound, dansé pagnies Ladon et Pierre Sacrée du par ce dernier au côté de la sud- afri- Burkina Faso, Danse en Papier est caine Shanell Winlock. La pièce ex- le nouveau spectacle de la compa- plore comment nous sommes liés les gnie Transe-en-Danse fondée par Michèle Noiret Minutes opportunes uns aux autres, liés à nos héritages et Colline Billen. Les artistes se rencon- à nos désirs. Pour exprimer cette idée, trent autour de plusieurs disciplines: les mouvements sont construits avec le théâtre, les danses contemporaine, une corde qui symbolise aussi bien le africaine, urbaine et tzigane, accom- jeu que la prise d’otage. La musique pagnées de slam, contes et musique est jouée en direct par trois musiciens. joués en direct. La pièce aborde la Bound est le résultat d’une recherche problématique des migrations clandes- commune dans laquelle le bagage tines comme conséquence extrême de culturel de chacun s’exprime. Les trois l’inégalité des rapports Nord-Sud. Le danseurs se sont rencontrés quelques temps de la traite négrière est posé années auparavant, lors de leurs étu- en parallèle avec les rapatriements de des à l’école P.A.R.T.S. En tant qu’ex- force d’aujourd’hui. La mise en scène étudiants, ils se rappellent que la danse reste cependant ludique et humoristi- contemporaine est non seulement que. Les interprètes développent une le lieu d’une recherche de nouveaux interaction avec les spectateurs qui mouvements mais aussi un espace de sont invités à participer de différentes confluence et de traditions. Première le manières. Première le 30 novembre À travers les vies de Beatrix Potter et 24 novembre au Théâtre de Courtrai au Centre culturel Jacques Franck à de Beatrice Potter Webb, Bud Blu- dans le cadre du festival NEXT. Bruxelles. menthal explore un duo de femmes intitulé Beatrix//Beatrice. La première José Besprosvany convoque la my- Les thèmes de la source, la montagne, personnalité est auteure de livres pour thologie grecque, partagée entre les la pluie, l’immobilité, l’immensité et le enfants et fervente militante pour la mondes antique et contemporain, dans vent constituent les six tableaux de la protection de la nature. La seconde est la pièce pluridisciplinaire Prométhée pièce Rédimer créée par le collectif sociologue avant-gardiste. Leur par- enchaîné. Il marie la danse, le théâtre, Lookatmekid. Marion Schrotzenber- cours est troublant de similitude. Toutes la marionnette autour des textes de ger danse sur la musique d’Ismaël Co- deux sont issues de la haute société et Henry Bauchau, d’après Eschyle. Un lombani jouée en direct et sous les lu- habitent Londres. Elles vivent à une homme prisonnier rêve qu’il est le titan mières de Michel Delvigne. Rédimer se époque charnière où l’Angleterre victo- Prométhée, celui qui a volé le pouvoir veut un appel vers tout ce qui, en l’être rienne affiche des traditions archaïques du feu aux dieux pour le donner aux humain, fait nature, thématique cen- alors que le monde moderne se tourne êtres humains. Deux comédiens, qua- trale dans le travail du collectif depuis résolument vers l’avenir. Première le tre danseurs manipulateurs et un mu- sa création en 2005. Première le 9 dé- 15 décembre à l’espace Senghor à sicien donnent vie à cette histoire. Pre- cembre au théâtre Marni à Bruxelles. Bruxelles. ■ création a l’oeuvre La dictature des lignes Line of Oblivion de Johanne Saunier Par Anthoni Dominguez frontière emblématique des disparités Nord/Sud, sans doute l’une des fron- Johanne Saunier Line of Oblivion © Arturo Fuentes tières les plus surveillées au monde. Mais cette ligne représente également le fossé marquant l’écart entre les gé- nérations dans un pays où l’émigration que suscite le rêve américain est symp- tomatique d’une course en avant réso- lument contemporaine. Loin de vouloir illustrer La ligne de l’oubli, JOJI Inc tente ici de poser les bases d’une narration interrogeant tou- tes les frontières, et au-delà des consi- dérations Nord/Sud, les tensions per- sonnelles qu’elles génèrent en nous, car la frontière est toujours synonyme d’interdit. Ainsi que l’explique Johanne Saunier, «elle marque les choix que l’on a fait comme les choix que l’on n’a pas fait». Pour développer cette narration, «La terre ne connaît pas de sépara- pe avec Line of Oblivion un travail qui la compagnie fait appel à de multiples tions. Le trait affirme le contraire». Ba- s’attache à questionner nos rapports intervenants qui sont invités à occuper sée sur une nouvelle de Carlos Fuentes aux frontières qui dessinent et jalon- l’espace scénique, dont le compositeur intitulée La ligne de l’oubli, la dernière nent notre quotidien. Le texte de Carlos mexicain Arturo Fuentes (qui ne par- création de la compagnie JOJI Inc évo- Fuentes, qui fait ici office de substrat lit- tage aucun lien de parenté avec l’écri- que les multiples séparations que l’être téraire, présente un vieil homme aban- vain), l’acteur François Beukelaers ou humain dessine, qu’elles soient géo- donné en plein désert sur un fauteuil encore le joueur de viole Garth Knox. graphiques, économiques, culturelles roulant. Ce dernier ne parvient pas à Chacun de ces protagonistes traduit un ou intimes, ainsi que les dispositifs de se souvenir qui il est, ni comment il est rapport à la ligne et aux deux espaces surveillance qui en assurent la validité arrivé là et, dans l’obscurité d’une nuit qu’elle matérialise: si Johanne Saunier et la pérennité. Tout est affaire de lignes abyssale, perçoit une ligne fluorescen- voyage d’un bord à l’autre en électron car la ligne identifie autant qu’elle dis- te sous ses pieds, un marquage dont libre, figurant notamment les pensées tingue, protège autant qu’elle enferme, il ignore la signification. Se demandant vagabondes du vieil homme, les deux définit autant qu’elle exclut. les raisons pour lesquelles il a été ainsi clarinettistes se faisant face, côté cour abandonné, il tente désespérément de et côté jardin, représentent chacun un Née en 1998 de la rencontre de Johan- se remémorer son passé, son pays, territoire officiel, bien identifié, alors que ne Saunier, ancienne danseuse de Ro- son amour et ses enfants. Si l’on s’en le lecteur situé à cheval sur le trait scin- sas, et de Jim Clayburgh, scénographe tient à une lecture strictement culturel- dant la scène fait figure de funambule, et membre fondateur de The Wooster le, le texte nous renvoie à la réalité d’un d’être à la fois abandonné et apatride. Group, la compagnie JOJI Inc dévelop- Mexique séparé des États-Unis par une Littérature, danse, musique et vidéo se 04
Johanne Saunier Line of Oblivion © Arturo Fuentes rencontrent comme pour formuler les ser d’une grande marge de manœuvre, l’escalade sécuritaire qui caractérise rapports à l’espace qui orientent nos le lecteur choisit son rythme en écho l’époque. La compagnie a pourtant pris existences: une expérience simultanée avec les enregistrements réalisés en soin de dissimuler au mieux ces cen- de la transgression et du conformisme. espagnol par Carlos Fuentes lui-même seurs de la danse qui font immédiate- de telle sorte que l’écoute et l’attention ment sens et Johanne Saunier explique La dimension collective est ici fonda- réciproques voulues par un tel mode de cette volonté de camouflage par son re- mentale dans la mesure où Johanne fonctionnement impliquent une dimen- fus d’être identifiée comme une artiste Saunier affirme la volonté de ne pas sion collective incontournable, impéra- «danse-nouvelles technologies». D’une s’imposer en tant que chorégraphe, du tive. certaine manière, provoquer sa propre moins de rompre avec l’aspect vertical «labellisation» reviendrait à pratiquer Pour approfondir et patriarcal que la fonction induit tra- L’autre aspect qui tend à s’affirmer une forme d’autocensure. La compa- ditionnellement. Citant volontiers le col- comme constante dans l’univers de la gnie, qui utilise régulièrement des dis- La danse et les nouvelles lectif anglais Massive Attack, lequel dis- compagnie JOJI Inc est sans nul doute positifs technologiques, a pressenti les technologies pose d’un noyau dur mais introduit en un goût certain pour l’utilisation des dangers de catégorisation inhérents à permanence de nouveaux participants, «nouvelles technologies» sur scène. la démarche («Beaucoup de personnes Revues: elle explique se «sentir assez proche de Depuis les années 60, les collabora- se sont trouvées à aller voir un specta- Le numéro 40/41 de la revue Nouvelles de cette logique de collaboration» relative- tions initiées par Merce Cunningham cle pour un seul aspect et ont été insa- danse (automne/hiver 1999) se consacre ment rare dans le champ chorégraphi- ont largement démocratisé l’usage de tisfaites parce que le spectacle n’était entièrement à la danse et aux nouvelles que, quand la musique et les arts plas- ces dernières dans le processus de pas QUE tourné vers la technologie»). technologies. Il reprend les réflexions de tiques ont exploré et explorent encore création mais aussi, directement, dans De la même manière que la «trans- Scott deLahunta, Sally Jane Norman, Ste- ces modes de fonctionnement depuis l’espace scénique. Il s’agissait pour le disciplinarité» était devenue un label larc, Merce Cunningham, William Forsythe de nombreuses années (les perfor- chorégraphe de développer, d’une part, durant les années 90, les «nouvelles et Susan Kozel entre autres. mances des Black Mountain College, de nouveaux rapports entre le corps et technologies» font presque office de De son côté, Nouvelles de danse 52 (2004) Fluxus, Présence Panchounette, Wu l’espace, comme dans Variation V en genre alors que bon nombre d’artistes Interagir avec les technologies numéri- Tang Clan, etc.). La transdisciplinarité 1965, d’autre part, de développer des n’y voient qu’un moyen d’étayer leurs ques, assorti d’un DVD-ROM, questionne qu’autorise ce mode de fonctionnement gammes de mouvements inconceva- propos et certainement pas l’objet de l’interactivité dans la danse. est ainsi mise au service du sujet dé- bles sans les apports de l’informatique leurs recherches. veloppé, elle doit esquisser un système (l’utilisation du logiciel Life/Forms créé Livres: ouvert multipliant les grilles de lecture. par Thomas Calvert a joué un rôle dé- Line of Oblivion promet donc une ex- Olympe Jaffré, Danse et nouvelles techno- Le temps fort ayant scellé cette volonté terminant dans l’émergence des nou- périence de la frontière, une cartogra- logies: enjeux d’une rencontre, éd. L’Har- d’ouvrir la création et ses origines fut veaux vocabulaires corporels mis en phie des rapports de force générés mattan, 2007, dresse un panorama histori- visiblement Erase-E(x), projet le plus œuvre par la compagnie à la fin du par ces lignes autoritaires qui ordon- que et présente les problématiques que la connu de la compagnie et fonctionnant XXème siècle). Ici, la compagnie JOJI nent autant qu’elles interdisent. Cette rencontre art/technologie soulève. comme un work in progress débuté en Inc a disposé sur scène des capteurs création prend tout son sens dans le Le projet éditorial coordonné par Philipe Avignon en 2004. La compagnie JOJI de mouvement émettant des signaux contexte d’une Belgique plus que ja- Franck Corps numériques en scène. À Inc s’est inspirée d’une œuvre de Ro- sonores chaque fois qu’un protagoniste mais divisée, où les frontières culturel- partir de l’expérience de Bains numériques bert Rauschenberg pour laquelle l’ar- passe dans son champ. Dans la mesu- les, administratives et idéologiques se et du Réseau Arts Numériques (Centre tiste a effacé une toile de Willem de re où la ligne doit imposer sa légitimité superposent dans le flou le plus total. des arts d’Enghien-les-Bains/La Lettre Kooning afin de se la réapproprier par à l’ensemble des êtres humains, elle se Si la compagnie JOJI Inc se défend de volée, 2008) fait notamment un focus sur la suite (ce type d’action ayant large- doit d’être en permanence surveillée, manifester un quelconque engagement trois artistes qui mêlent ces deux discipli- ment été favorisé par les travaux de protégée. Ces capteurs font donc figure politique, force est de constater que nes: Thierry de Mey, Myriam Gourfink et Marcel Duchamp, lesquels ont provo- de censeurs, sorte de police des fron- Line of Oblivion s’annonce comme une Hiroaki Umeda. Il est complété par un do- qué une remise en question radicale du tières, car ainsi que l’explique Johanne œuvre politique au sens le plus large, cumentaire. statut de démiurge dont jouit souvent Saunier: «Un mur de surveillance se une œuvre qui évoque l’arbitraire de la Citons aussi, autour de Merce Cunnin- l’artiste). Développé en six parties, Era- dresse désormais, non plus comme censure et le fruit de l’ignorance, toutes gham, le récent The modernizing of Mo- se-E(x) a ainsi convoqué de multiples métaphore, mais comme une réalité ces lignes qui offrent le triste spectacle dern Dance de Roger Copeland, Rout- intervenants (Isabelle Soupart, Kurt quotidienne». de jumeaux assis dos à dos. ■ ledge, 2004. d’Haeseleer ou encore Georges Aper- ghis) dont la mission était d’effacer une L’utilisation de ces dispositifs de cen- DVD: phrase initiale donnée par Anne Teresa sure sur scène (qui réécrivent donc en Le DVD/DVD-ROM et livre Double Skin/ de Keersmaeker pour s’en emparer en- permanence la partition) soumet indi- Double Mind d’Emio Greco présente une suite. Line of Oblivion achève ainsi d’af- rectement à critique les usages répres- Après un master de Conservation, Gestion installation interactive, extrait d’un stage firmer le goût de la compagnie JOJI Inc sifs dévolus à la technologie, technolo- et Diffusion des Œuvres d’Art à Montpel- du même nom qui est enseigné par la pour ce type de processus, quand bien gie qui aurait dû être mise au service lier, Anthoni Dominguez intègre l’équipe compagnie d’Emio Greco depuis 1996. même le schéma de la compagnie n’est de l’homme. Certes, la surveillance et de rédaction de la revue Mouvement dé- En regardant le DVD, on a la possibi- pas strictement horizontal (Johanne le contrôle de l’expression, quels qu’en but 2008. Il collaboreraussi à la revue por- lité de participer virtuellement au stage. Saunier et Jim Clayburgh constituant soient les formes, ne sont pas des thè- tugaise Obscena et aux projets du réseau Tous ces documents peuvent être consul- le noyau dur, sinon les initiateurs du mes nouveaux. Néanmoins, leurs para- européen des revues transdisciplinaires tés au Centre de Documentation sur la projet). Les musiciens jouent essentiel- mètres se renouvellent à mesure que TEAM Network. Danse de Contredanse. lement en improvisation afin de dispo- les états et les individus poursuivent 05
PAYSAGE Génération 90: trois anniversaires et… Par Martine Dubois Champagne dans les chaumières! Les compagnies de danse soufflent leurs bougies d’anniversaire: 15 ans pour Claudio Ber- nardo, 20 ans pour Thierry Smits, 25 pour Nicole Mossoux et Patrick Bonté, bientôt rejoints par Michèle Noiret… En l’espace de quelques mois, c’est toute une génération de chorégraphes, pour la plupart issus de Mudra, qui célèbre une longévité parfois inattendue vu l’éternel combat pour défendre les arts contemporains en Belgique. Petit retour en arrière pour mieux plonger vers l’avenir… Quand le chat régnait en maître… cle et jette par là les bases de la danse contempo- Le rêve (contrat-) programmé raine en Belgique et dans le monde. Les étudiants y Sans remonter au déluge – disons un demi-siècle –, découvrent non seulement différentes techniques de Après le foisonnement et l’enthousiasme des débuts, brossons très rapidement l’historique du PAC – pay- danse et la chorégraphie, mais aussi le chant, le ryth- le soufflé retombe quelque peu et la dure réalité de sage chorégraphique – en Belgique. À l’aube des an- me, le solfège ou la scénographie. C’est ainsi qu’ils l’artiste en Belgique refait surface: moyens de création nées 60, donc, un jeune chorégraphe français débar- seront à jamais marqués par des personnalités com- limités, chômage, programmateurs frileux, public peu que à La Monnaie. Il y restera 27 ans. Suffisamment me Fernand Schirren. De cette pépinière sortiront les habitué au contemporain, etc. Les conditions de vie en pour asseoir sa légende et façonner ce PAC encore danseurs et les chorégraphes d’aujourd’hui: Maguy décourageront plus d’un. vierge de tout modernisme. La danse s’y résumait à Marin, Dominique Bagouet, Catherine Diverrès, Yann Parallèlement, les compagnies ont pris du galon. La quelques compagnies étrangères de renom qui ve- le Gac, Gil Roman, Ohad Naharin (chorégraphe de la Communauté flamande soutient celles d’Anne Teresa naient danser Giselle, Don Quichotte, Casse-Noiset- Batsheva Dance Company) ou encore Nacho Duato, de Keersmaeker, de Wim Vandekeybus et d’Alain Pla- te ou La Belle au Bois dormant et quelques ballets qui vient d’être nommé à la direction du Théâtre Mi- tel. La Communauté française met en place un Ser- d’opéra. Maurice Béjart fonde le Ballet du XXe siècle, jailowsky à Saint-Pétersbourg. Chez nous, un des vice de la danse qui tente de mettre un peu d’ordre s’installe à La Monnaie, bouleverse les convenances premiers étudiants n’est autre que Pierre Droulers, et dresse les premiers jalons d’une politique de la classiques, choque le public et réinvente un langage bientôt rejoint – dans le désordre — par Anne Teresa danse en Communauté française avec la création, en du corps. Il sort le danseur étoile de son rôle de faire- De Keersmaeker, Michèle Anne De Mey, Michèle 1991, de la Compagnie et du Centre Chorégraphique valoir pour le mettre au centre de la scène, objet de Noiret, Nicole Mossoux, José Besprosvany, Claudio de la Communauté française Charleroi/Danses sur toutes les convoitises. Il rêve de spectacle total. Bernardo, Félicette Chazerand, Gabriella Koutchou- les cendres du défunt Ballet de Wallonie. À sa tête, Mais ce qui nous intéresse ici, c’est le rôle qu’il va mova, Fernando Martin, Matteo Moles, Karine Pon- Frédéric Flamand, metteur en scène imprégné de l’en- jouer en façonnant toute une génération de choré- ties, Ida De Vos et même Thierry Smits, qui y passera seignement de Grotowski venu au spectacle choré- graphes. En 1970, il fonde Mudra, école qui forme les six mois (liste non exhaustive!). graphique, obsédé par la déshumanisation du monde danseurs à toutes les disciplines des arts du specta- Pépinière de créateurs donc, mais qui seront curieu- contemporain et la contamination du virtuel. Sous son sement muselés en Belgique tant que durera le règne impulsion, la technologie va bientôt envahir les scè- du Maître. Pour la presse comme pour une partie du nes et entamer un dialogue toujours en cours avec le public, il semble en effet n’y avoir de place sur les corps du danseur. Quelques repères scènes belges que pour les créations béjartiennes, Petit à petit, la Communauté française va stabiliser même si quelques ovnis comme Fase d’Anne Teresa quelques compagnies, leur accordant le sacrosaint 1959: Maurice Béjart fonde le Ballet du XXe siècle et crée De Keersmaeker (1982) traversent la scène belge. «contrat-programme», objet de toutes les convoitises Le Sacre du Printemps. Il faudra attendre qu’en 1987, Maurice Béjart parte et solution miracle aux galères et aux fins de mois dif- 1970: Mudra ouvre ses portes. sous les cieux lausannois pour que les premières ficiles. En 1994, cinq compagnies décrochent le pré- 1987: Béjart quitte la Belgique pour Lausanne. créations contemporaines soient réellement remar- cieux sésame: Michèle Anne De Mey, Nicole Mossoux 1988: Mudra ferme. quées. et Patrick Bonté, José Besprosvany, Pierre Droulers et 1985: Juste Ciel de Mossoux-Bonté au Plan K. Michèle Noiret, avec des montants allant de 1 900 000 1986: If Pyramids were square de Frédéric Flamand au Du temps où les souris dansaient… à 8 500 000 FB (ndlr: de 47 100 à 210 000 euros). Plan K. Trois ans plus tard, Thierry Smits, Claudio Bernardo et 1989: Von Heute of Morgen de José Besprosvany aux Révélateur: à la création de Sinfonia Eroica, un de Nadine Ganase les rejoignent. Beaux-Arts. nos confrères du Soir titrait: «Quand le chat est par- Le PAC évolue à deux vitesses: d’un côté, les «nan- 1990: Sinfonia Eroica de Michèle Anne De Mey au ti, les souris dansent…». Michèle Anne De Mey et tis», ceux qui bénéficient d’une aide structurelle et qui Varia, La grâce du Tombeur de Thierry Smits aux Halles, consœurs étaient — on s’en doute! — ravies de se peuvent donc envisager l’avenir (un peu) plus sereine- Histoire de Sel de Claudio Bernardo aux Brigittines, faire traiter de souris! C’est donc encore et toujours ment, s’engager sur le long terme et assurer la diffu- Vertèbres de Michèle Noiret au Théâtre 140. l’image du Maître qui façonne le PAC (oublions le sion de leurs créations; de l’autre, ceux qui émargent 1991: Frédéric Flamand est nommé à la tête du Centre triste passage de Mark Morris à La Monnaie)! Pire, à l’aide aux projets, tributaires de l’enveloppe budgé- chorégraphique de la Communauté française; Comme on voit se développer un véritable culte à l’idole per- taire et dépendant du jugement de la (soi-disant) toute si on était leurs petits poucets de Pierre Droulers aux due, lâchée par la Belgique. puissante Commission de la danse. «Au début, c’était Halles. Tsunami artistique! Béjart est parti. Mudra ferme ses plutôt au coup par coup» confirme Thierry Smits. C’est 1994: 1ère vague de contrats-programmes, La Danse des portes. Les ballets classiques disparaissent. Anne quand on a été plus institutionnalisé, quand on a reçu Pas Perdus de Furiosas à la Balsa, Falling de Nadine Teresa De Keersmaeker s’installe à La Monnaie. Mi- un contrat-programme, que j’ai pu commencer à ré- Ganase à Charleroi. chèle Anne De Mey est en résidence au Varia. Fré- fléchir sur le long terme, même si le risque demeure 1997: 2ème vague de contrats-programmes. déric Flamand transgresse les frontières des genres toujours de disparaître en tant qu’artiste». 2003: 1ères conventions. au Plan K. Nicole Mossoux et Patrick Bonté inven- 2004: Frédéric Flamand est nommé à la tête du Ballet tent un spectacle multiforme à création bicéphale, National de Marseille, Michèle Anne De Mey, Pierre Nadine Ganase interroge le corps et l’image. Pierre Maturité et désenchantement Droulers, Thierry De Mey et Vincent Thirion prennent la Droulers flirte avec la performance. José Bespros- direction de Charleroi/Danses. vany explore le texte. Wim Vandekeybus se lance Au début des années 2000, l’enthousiasme des débuts 2006: La Cie Michèle Noiret fête ses 20 ans. avec frénésie sur la scène bruxelloise. La danse s’est émoussé. On assiste à la fois à une certaine éro- 2009: As Palavras fête ses 15 ans. contemporaine explose dans toutes les directions. sion – des chorégraphes comme Alain Populaire, Na- 2010: Thor fête ses 20 ans, Mossoux-Bonté un quart de Les chorégraphes sortent de partout, certains déjà dine Ganase se sont tus, d’autres sont partis vers des siècle. confirmés, d’autres tous neufs. Les lieux s’ouvrent cieux plus cléments – et à une stabilisation couplée 2011: Michèle Noiret et Pierre Droulers fêtent 25 ans de à la danse, le public découvre de nouveaux langa- à une professionnalisation de certaines compagnies. carrière ges… Bref, c’est l’engouement total sous l’impulsion Parallèlement, la Communauté française instaure les de la génération Mudra. conventions, sorte de palier entre l’aide au projet et Jose Besprosvany Von Heute auf morgen © DR Claudio Bernardo Usdum © Jean-Luc Tanghe Furiosas A corps perdus © Monica Klinger 06
le contrat-programme, pour aider les chorégraphes qui échéance, la chasse est ouverte – avec le risque que aux Halles de Schaerbeek: le fascinant Khoom, les ob- souhaitent élaborer un réel travail de compagnie. Les le budget global de la danse en 2011 ne permette pas sédants Corps magnétiques, l’irrésistible Skeleton et premiers à bénéficier de ce nouveau type d’aide au de réelles avancées. Du côté des éternellement jeu- l’étrange Kefar Nahum. Rien que du neuf, donc! Mais fonctionnement en 2003 sont Karine Ponties, Bud Blu- nes chorégraphes – certains sont presque quinquas! le couple est champion tout terrain de la danse dura- menthal, Fatou Traoré, Matteo Moles, Joanne Leighton –, c’est la précarité institutionnalisée, les interrogations ble puisque Twin Houses, créé en 1994, est toujours et Félicette Chazerand, qui a orienté son travail vers qui tuent à petit feu et la retraite anticipée qui se pro- à l’affiche et a dépassé les 200 représentations! Autre les spectacles jeune public. Avec le recul, on constate file. «remake», celui des Dernières hallucinations de Lucas qu’il est difficile de concevoir une aide en réelle adé- Parallèlement, si les demandes de consolidation arri- Cranach l’Ancien qui va renaître pour 10 représenta- quation avec le travail de l’artiste, forcément soumis vent toujours, les voix sont nombreuses à dénoncer tions en janvier, à l’occasion de l’exposition que Bozar aux variations de ses pulsions créatrices et obligé par l’absence de nouvelles forces créatrices. Le discours consacre au peintre. Pur bonheur à ne pas manquer! le système de «tenir» le cap d’une certaine régularité n’est pas nouveau: la jeune génération n’est plus ce Cerise sur le gâteau: un numéro d’Alternatives théâtra- dans ses productions. qu’elle était! Amertume de vieux blasé? Peut-être. les consacré au Théâtre-Danse et à leur travail. Deux ans plus tard, nouveau changement de taille: Quoique… Si l’on peut discuter sur la réelle présence Du côté de Charleroi/Danses, c’est carrément le recy- Frédéric Flamand quitte les brumes du Nord pour le d’une génération émergente, de projets novateurs, clage! Michèle Anne De Mey tourne depuis plusieurs mistral marseillais et un quatuor prend la tête de Char- d’écriture enthousiasmante, certains chorégraphes se saisons avec la nouvelle version de Sinfonia Eroica leroi/Danses. Si la mutation est importante, rien ne plaignent du manque de technique des danseurs, et (1990) et envisage de reprendre Katamênia. Pierre change pourtant fondamentalement: par sa position et notamment de technique classique. Revoilà le spectre Droulers, quant à lui, replonge dans De l’air et du vent. l’importance de sa dotation, Charleroi/Danses est l’in- de l’école supérieure… Voilà qui donne une dimension nouvelle au «réper- terlocuteur unique des compagnies en quête de copro- Plusieurs projets sont sur la table, mais le cabinet du toire»! Et, pour faire bonne figure, Anne teresa De ductions. Le monopole a la vie dure. ministre Marcourt semblait d’abord vouloir miser sur Keersmaeker reprend les mythiques Fase et Rosas les briques avant de choisir le projet le plus performant. danst Rosas. Voilà qui donne une dimension nouvelle 2010 Odyssée de la danse C’est en tout cas ce qui ressortait des propos de son au «répertoire». ■ conseiller lors de la table ronde consacrée au sujet en Le PAC aujourd’hui? Géographiquement, Bruxelles mars dernier à La Bellone (Rond-Point de la Danse caracole toujours en tête, suivie par Charleroi gagnée #6, École de danse, où en est-on?). Ceci, c’était sans Mudra et les mudristes aux forceps et Liège qui s’affirme chaque année un compter la crise et avant la chute du gouvernement… Impossible de se promener à la Tanzmesse de peu plus. Un pôle chorégraphique unique, donc for- Une fois de plus, la Belgique francophone reste à la Düsseldorf sans rencontrer des mudristes: ils sont cément dictatorial, avec deux chorégraphes de la pre- traîne. partout, parmi nos chorégraphes présents là, bien mière heure, Michèle Anne De Mey et Pierre Droulers. sûr, mais aussi parmi les stands. Et quand des Quatre compagnies disposant de contrats-program- Un nouveau concept: la danse durable mudristes se rencontrent, les souvenirs fusent! mes relativement confortables (à l’échelle de la Com- «C’était une étape très importante», souligne munauté bien sûr): Nicole Mossoux et Patrick Bonté, Après la non-danse, voici la danse aux accents verts: la Gianfranco Brogne, «C’était la première fois que Michèle Noiret, Thor, Claudio Bernardo. Pas innocent: danse durable ou le recyclage chorégraphique. Est-ce je sortais d’Italie tout seul. Il y avait plein de gens ce sont ceux des deux premières vagues de stabilisa- une conséquence des jubilés? Un effet de mode? Une qui venaient de partout… Ceux qui sont restés à tion, ceux qui fêtent aujourd’hui leur anniversaire. Cinq influence de la vague verte? Une stratégie post-crise? Rome, ce n’est pas la même chose! C’était une compagnies bénéficiant d’une convention et d’aides Ou plus simplement le souci de la transmission aux jeu- expérience, une ouverture, et puis, Mudra, c’est un aux projets. Le reste – innombrable au sens premier du nes générations? Toujours est-il que l’heure est à la re- label: tu fais partie de l’histoire, c’est un héritage terme – dépendant uniquement des aides aux projets. création. Ainsi, Claudio Bernardo a retrouvé son com- spirituel. Et puis, quand on disait qu’on était de Parmi eux, des mudristes comme Fernando Martin ou plice Matteo Moles dans Usdum pour fêter les 15 ans Mudra, toutes les portes s’ouvraient! C’est la seule Matteo Moles, des artistes de la deuxième ou de la de la compagnie As Palavras. Créée en 1991 à l’Atelier fois où j’ai été chez le médecin sans payer!» Si le troisième génération dont quelques-uns de P.A.R.T.S, Sainte-Anne, la pièce «est emblématique de mon tra- danseur a aujourd’hui abandonné la danse (mais l’école d’Anne Teresa De Keersmaeker. Une relève qui vail, dans le fond comme dans la forme puisqu’elle est pas le théâtre), ce n’est pas le cas d’autres de sa peine à percer, faute de moyens peut-être, par manque aussi une rencontre entre différentes formes d’art et le promotion: Fernando Martin, Ida De Vos, Matteo de structure d’accueil certainement, mais peut-être mélange des sources d’inspiration» explique Claudio. Moles, Monica Marti… Au détour d’un stand, un aussi faute de nourriture créatrice. Une école supé- «Cela donnera le sentiment que nous avons continué autre mudriste, Luca Bruni, «le dernier Italien de rieure, la solution miracle? Sûrement pas, mais force à travailler dans cette mine!» ajoute-t-il. Mudra» comme il se nomme, qui dirige aujourd’hui est de constater que les mudristes sont toujours bien Pas question de reprise chez Thor: le passé, ça n’est la compagnie Oplas en Ombrie et qui a travaillé présents! pas le genre de Thierry Smits, qui a toujours un grand avec Micha Van Hoecke. «Je n’ai qu’un regret, jeté d’avance sur ses créations. Petite concession à la c’est de ne pas avoir auditionné chez Béjart qui 2010, l’année de tous les dangers? tentation de la commémoration tout de même: un su- m’avait dit: “viens travailler ici”. Mais je n’aime pas perbe livre, Le Corps sous tension, écrit par son com- le système d’étoile…» «Évidemment, on aurait Le PAC va-t-il changer? En tout cas, la volonté politi- plice de toujours, Antoine Pickels. pu aller à Lausanne», enchérit Gianfranco, «mais que est de renouveler les contrats-programmes et les Nicole Mossoux et Patrick Bonté ont choisi de célébrer ce n’était déjà plus la même chose…» The lost conventions en bloc, pour dresser une carte plus co- leurs 25 ans en reprenant quelques-unes de leurs der- paradise… hérente du paysage. La plupart des contrats arrivant à nières créations en une semaine de fête en novembre Les 20 ans de Thierry Smits… … et les 25 de Mossoux-Bonté «C’est une victoire dans le sens où un artiste qui Cet anniversaire? «Juste un prétexte pour faire tient le coup 20 ans, ce n’est pas anodin! C’est la fête et, forcément prendre un peu de recul. aussi une victoire pour l’institution qui a misé sur Qu’est-ce qui a changé en vingt-cinq ans, qu’est- cet artiste qui tient la route. Et c’est une victoire ce qui demeure constant? Ce qui a changé: le parce que rien n’était joué à l’avance! C’est aussi contexte. Ce qui est constant: l’obsession de un tremplin au niveau de l’ambition artistique. J’ai créer des formes». Avec quel regard? «Étonnés envie de continuer avec des créations très diffé- nous-mêmes d’en arriver là! Nous restera-t-il as- rentes les unes des autres, avec de plus gros sez de temps pour faire tous les détours qu’on moyens et des projets plus ambitieux. À presque a envie de faire? À chaque projet abordé, c’est 50 ans, on a envie de délirer plus et de concréti- un infini qui s’ouvre». Et l’avenir? «C’est à cha- ser des délires artistiquement plus sophistiqués. que fois un nouveau projet qui vient à nous, dont Faire moins, mieux, plus grand. Il y a aujourd’hui nous ignorons la forme finale. Ce qui est certain, Martine Dubois, maître-assistante à la Haute École Gali- une surabondance de créations, je ne suis pas c’est que nous rencontrons dans le travail la gé- lée et journaliste, assure depuis près de trois ans la prési- dans cette surenchère. Je veux plus de qualité et nération qui nous suit et c’est passionnant…». dence du Conseil de la danse. Elle prépare actuellement plus grand. C’est ça dont la Communauté fran- une étude sur la danse contemporaine en Communauté çaise a besoin. Et c’est ça que j’aime!» française. Plan K If Pyramids were square © DR Moussoux Bonté Juste Ciel © Danièle Pierre Michèle Anne de Mey Sinfonia Eroica © DR mudra © DR 07
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