Exposition du 19 au 28 nov. jeudi 18 nov 2010 - à la bellone, bruxelles conférence et vernissage - Contredanse

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P.B - P.P.
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                                                        Bureau de dépôt Charleroi X

                                                         Autorisation de fermeture
                                                                  B - 802
                                                                 P401064
Isabelle Meurrens - Trimestriel gratuit

                                          exposition du 19 au 28 nov.
Éditeur responsable :

                                            conférence et vernissage
                                              jeudi 18 nov 2010
                                             à la bellone, bruxelles
édito
     Vous l’aurez sans doute constaté avant d’ouvrir ce journal, le centre de documentation de Contre-
                                                                                                                 créations
                                                                                                                 Monkey Sandwich est un spectacle
                                                                                                                 pluridisciplinaire dirigé et mis en scène
     danse fête ses 20 ans. Alors qu’il y a un an, Contredanse passait discrètement le cap des 25 ans,           par Wim Vandekeybus. La danse, le
     c’est en grande pompe que son centre de doc soufflera ses 20 bougies. Quand je me remémore                  théâtre et la musique gravitent autour
     mes 20 ans, je pense à la célèbre phrase de Nizan «J’avais 20 ans. Je ne laisserai personne dire            d’un film où l’impact émotionnel des
     que c’est le plus bel âge de la vie» (1). Enfant, nous n’avons cessé de rêver à la magie du « quand         images prime sur l’anecdote. Les per-
     je serai grand, je serai… ». Mais voilà que le jour où nous avons enfin tous les attributs d’une            sonnages fictifs, vus comme des ad-
     « grande personne », l’horizon du bonheur et de l’accomplissement se dérobe sous nos pas (2). Je            versaires, entrent en relation avec un
     n’ai pas perçu de crise existentielle semblable au Centre de doc, c’est en toute insouciance qu’Elle        homme seul sur scène, interprété par
     (Contredanse) et Lui (le centre de doc) préparent cette fête, remuant joyeusement des vieux sou-            Damien Chapelle. La création s’ins-
     venirs. Pourquoi? Contredanse n’est pas intrinsèquement mortelle même si elle a de fulgurantes              pire d’événements imprévus, de revire-
     angoisses de mort lorsque tous les cinq ans, elle renouvelle son contrat-programme. Son écono-              ments soudains et d’une structure nar-
     mie – son mode d’alimentation – détermine sa biologie. Si elle n’est pas née pour mourir, qu’a-t-elle       rative en fragments. C’est l’histoire d’un
     à commémorer? Nous remuons nos vieux souvenirs à chaque fête d’anniversaire parce que nous                  homme qui veut faire le bien mais qui
     sommes voués à disparaître. Si un jeune homme de 20 ans parle de « ses vieux souvenirs», je                 est la cause de beaucoup de mal. La
     penserai en souriant, quels souvenirs a-t-il déjà amassés? Il suffit qu’il tende le bras derrière lui       chorégraphie explore les changements
     pour palper de sa main ces moments encore présents-à-lui. Pourtant, 20 ans ou 25 ans pour des               physiques en fonction du contexte et
     institutions (le Centre de doc., la Compagnie Mossoux-Bonté, la Compagnie Thor) m’apparaissent              interroge le rapport du corps face à
     comme des âges de grande maturité. Ce qui voudrait dire que non seulement ces ASBL ne sont                  l’écran. Première le 10 septembre au
     pas mortelles par essence, mais qu’en outre elles n’évoluent pas dans la même dimension spatio-             KVS à Bruxelles.
     temporelle que nous. Celles qu’on appelle «personnes morales» ne sont donc pas des personnes
     et, de ce fait, se situent en dehors du cadre de la morale. Pour être honnêtes, nous ne devrions            Johanne Saunier présente la première
     pas dire que le centre de doc fête ses 20 ans, mais que nous, mortels, fêtons les 20 ans du centre          de Line Oblivion, le 21 septembre au
     de doc. Tous ces créateurs, vivants ou morts, qui peuplent notre centre (Bonté, Brown, Droulers,            théâtre Les Tanneurs à Bruxelles (voir
     Graham, Mossoux, Noiret, Paxton, Smits, Wigman,…), tous ces journalistes (Baudet, Diez, Dubois,             la rubrique Création à l’œuvre).
     Génicot, Wynants,…), ces pédagogues (Alexander, Feldenkrais, Schirren,…), tous ces penseurs
     (Banes, Dobbels, Gélinas, Godard, Laban, Louppe, …) sont serrés dans nos boîtes d’archives. Ils             Jan Decorte a déjà fait appel à la dan-
     déambulent , débattent et performent au rythme des questionnements de nos visiteurs. La densité             se et aux danseurs (Charlotte Vanden
     de population a tellement crût en 20 ans que lorsqu’ils sortent se dérouiller les jambes ou discuter        Eynde et Anne Teresa De Keersmae-
     entre confrères on a du mal à se frayer un passage et suivre le fil d’une conversation. Pour fêter          ker) dans ses spectacles de théâtre,
     les 20 ans, nous avons désiré faire valser les boîtes dans toute La Bellone pour vous faire voir les        où le texte restait cependant la source
     personnes, leurs œuvres, leur pensée au cours d’une conférence et d’une exposition.                         principale. Dans la création Tanzung, il
     Au Plaisir de vous y retrouver.(3)                                                                          choisit pour la première fois de partir du
                                                                                        Isabelle Meurrens        mouvement plutôt que du texte. Ici, il
                                                                                                                 se livre lui-même à des improvisations
     Phrase d’ouverture du roman Aden Arabie de Paul Nizan, 1931.
     voir Pierre-Henri Tavoillot, «20 ans, un bel âge?» in Philosophie magazine n° 42, septembre 2010
                                                                                                                 avec comme devise «prendre chaque
     Toutes les infos en 4e de couverture                                                                        mouvement au sérieux». Sa danse réa-
                                                                                                                 git aux mouvements, gestes, chants
                                                                                                                 que développent deux comédiens et
                                                                                                                 une danseuse. Jan Decorte a écrit éga-

     SOMMAIRE                                                                                                    lement six poèmes d’amour en anglais
                                                                                                                 qui évoquent principalement le plaisir
                                                                                                                 et le désir. Fidèle à une scénographie
                                                                                                                 sobre, il propose une table sur laquel-
                                                                                                                 le est posée la sculpture d’un robuste
     p. 2       Créations                                                                                        taureau. Première le 23 septembre au
     p. 4       Création à l’oeuvre                                                                              centre Campo à Gand.
                Line of Oblivion de Johanne Saunier par Anthoni Dominguez                                        Après la création de deux solos, Lis-
     p. 6       Paysage                                                                                          beth Gruwez s’attaque à une pièce de
                                                                                                                 groupe, HeroNeroZero, qui implique un
                Génération 90: Trois anniversaires et...
                                                                                                                 musicien et deux danseuses, dont elle-
                Martine Dubois dresse un panorama de la danse en Belgique                                        même. La chorégraphe étudie comment
                ces dernières années                                                                             le corps se désintègre dans le temps et
     p. 8       Pratiques                                                                                        laisse derrière lui une mémoire ou juste
                                                                                                                 une empreinte de la vie. Elle interroge
                Feedback. Parler ensemble d’oeuvre par Nadia Benzecri                                            ainsi la condition humaine. Les êtres
     p. 10 Recherche                                                                                             humains sont déterminés à chercher le
                                                                                                                 succès et à désirer toujours plus, à trou-
                De la mémoire à la scène
                                                                                                                 ver des signes qui confirment leur exis-
                Claudio Bernardo et Fabian Barba exposent leur démarche
                                                                                                                 tence. Parfois héroïques, parfois humi-
     p. 12 Publications                                                                                          liés, ils combattent ou résistent, toujours
                                                                                                                 pourchassés par la crainte de tomber
     p . 13 Hommages                                                                                             un jour dans l’oubli. Première le 23 sep-
                à Odile Duboc, Vincent Druget et Kazuo Ohno                                                      tembre au Centre Buda à Courtrai.

     p. 14 Agenda                                                                                                Anne Teresa de Keersmaeker/Rosas
                                                                                                                 crée En Atendant au Cloître des Céles-
     p. 16 Festivals                                                                                             tins lors du festival d’Avignon 2010, sur
                                                                                                                 demande du directeur Vincent Beau-
     p. 18 à l’entour                                                                                            driller. Le titre orthographié en ancien
     p. 19 Brèves                                                                                                français répond au choix contextuel de
                                                                                                                 la chorégraphe. Fidèle à son rapport
     4e de couverture                                                                                            avec la musique, ATDK choisit pour
                Les 20ans du centre de documentation                                                             cette création les mélodies polyphoni-
                Stage avec Liz Lerman et John Borstel sur le feedback                                            ques du 14ème siècle, caractéristiques
                                                                                                                 du sud de la France médiévale: l’Ars
                                                                                                                 Subtilior. Basée sur la dissonance et le
                                                                                                                 contraste, cette forme musicale appa-
     Pour le numéro de janvier/février/mars: date limite de réception des informations le 20 novembre 2010       rait sous le fléau de la peste et dans
     ndd@contredanse.org                                                                                         une époque où les piliers politiques,
                                                                                                                 religieux et sociaux se fragmentent.
                         Coordination: Matilde Cegarra Polo. Rédaction: Mathilde Laroque. Contributions:         La pièce, jouée par neuf danseurs et
                         Fabian barba, Nadia Benzekri, Claudio Bernardo, Boris Charmatz, Florent Delval, Jo      quatre musiciens, replace ce désarroi
                         Dekmine, Anthoni Dominguez, Martine Dudois. Comité de rédaction: Contredanse.           dans l’actualité contemporaine et pose
                         Correctrice: France Muraille - Publicité: Contredanse. Diffusion et Abonnements:        la question de la mortalité et de la ma-
     Michel Cheval. Graphisme: Contredanse/Alexia Psarolis. Couverture et 4e de couverture: Thomas               térialité. Première le 25 septembre à la
     Delord. Impression: Imprimerie Havaux - Éditeur responsable: Isabelle Meurrens à la Maison du Spec-         Monnaie à Bruxelles.
     tacle-la Bellone - 46, rue de Flandre - Be - 1000 Bruxelles.
                                                                                                                 La danse, la vidéo et la musique co-
     NDD L’actualité de la danse est édité avec le soutien des institutions suivantes:                           habitent en direct sur la scène dans
     Le Ministère de la Communauté française (Service de la Danse), la COCOF et la Ville de Bruxelles (Échevi-   You’ve changed, la dernière pièce de
     nat des Beaux-Arts).                                                                                        Thomas Hauert, qui est accompagné
                                                                                                                 du compositeur Dick van der Harst. Le
                                                                                                                 chorégraphe propose un dialogue en-
                                                                                                                 tre ces trois disciplines. Le principe re-
                                                                                                                 pose sur une réaction en chaine dont le
                                                                                                                 mouvement est la matrice. Tout d’abord

02
livre» prêt à être consulté par le visi-                                   novembre à La Rose des Vents à Vil-
                                                                                                    teur. La performance a lieu dans une                                       leneuve-d’Ascq (France) dans le cadre
                                                                                                    bibliothèque où tous les espaces sont                                      du festival NEXT.
                                                                                                    exploités: de la salle de lecture jusqu’à
                                                                                                    la rue en passant par la cafétéria et les                                  La compagnie 36,37, etc, formée du
                                                                                                    couloirs. Première le 4 novembre à la                                      trio Carole Frères, Bénédicte Mottart et
Marc Vanrunxt & Salva Sanchis For Edzward Krasinski

                                                                                                    bibliothèque Tweebronnen à Louvain,                                        Coralie Vanderlinden, crée le duo Cor-
                                                                                                    dans le cadre du Playground festival.                                      tex, interprété par ces deux dernières.
                                                                                                                                                                               Entre danse et théâtre, la pièce, dont
                                                                                                    Studium du collectif Busy Rocks s’ins-                                     le titre fait référence à la zone frontale
                                                                                                    pire d’une esthétique kantienne où l’on                                    du cerveau, interroge la mémoire du
                                                                                                    voit des danseurs s’investir dans quel-                                    corps et de l’esprit. Cette mémoire in-
                                                                                                    que chose qui, en soi, n’a absolument                                      terpelle le présent, transforme le passé,
                                                                                                    pas de but et d’intérêt apparents. Pour                                    invente le futur. Elle permet un voyage
                                                                                                    cela, le collectif fait le choix d’étudier                                 temporel dans lequel la réalité flirte
                                                                                                    les schémas de la locomotion animale.                                      avec la perception. Sur le plateau les
                                                                                                    Cette activité «absurde» devient alors                                     danseuses-comédiennes entrent dans
© Raymond Mallentjer

                                                                                                    sujet de réflexion. Les danseurs, dont                                     la peau de deux femmes, deux filles ou
                                                                                                    les corps ne sont jamais montrés seuls                                     encore deux enfants qui voyagent dans
                                                                                                    mais toujours liés, attachés et interdé-                                   le temps. La dualité joue entre l’une et
                                                                                                    pendants les uns des autres, forment                                       son double, l’une et son souvenir. Pre-
                                                                                                    une «machine-animal». Les uns de-                                          mière le 19 novembre au Centre cultu-
                                                                                                    viennent actifs et les autres passifs.                                     rel Jacques Franck à Bruxelles.
                                                                                                    Qu’est-ce qui dans cette configuration
                                                                                                    conduit le mouvement? Parallèlement,                                       Michèle Noiret, artiste associée au
                                                                                                    la pièce fait écho au travail du photo-                                    Théâtre National de Bruxelles depuis
                                                                                                    graphe Eadweard Muybridge. Celui-ci,                                       la saison 2006-2007, réunit quatre dan-
                                                                                                    au début du 19ème siècle, étudie la loco-                                  seurs dans sa nouvelle création Minu-
                                                                                                    motion et conduit au développement du                                      tes opportunes. Elle joue avec différen-
les danseurs improvisent. À tout mo-                  Une chaise et une table, les seuls élé-       film. Dans Studium, le plateau de théâ-                                    tes perceptions du temps qui s’écoule,
ment, ils inventent leur propre matériel              ments sur scène du spectacle Mirliflor,       tre devient une expansion de la boîte                                      la notion d’une vie qui peut changer en
de mouvements et le mettent en scène                  dessinent un lieu hors du temps pour          noire de l’appareil photo. Première le                                     un instant et le moment-clé qui inter-
au sein d’une structure de groupe. La                 quatre danseurs. Les personnages              11 novembre au Beursschouwburg                                             rompt le passé et dessine le futur. La
chorégraphie agit comme un micro-                     pourraient être dans une salle d’atten-       dans le cadre du festival BITS (&pie-                                      pièce renvoie à cette minute de l’entre-
cosme où chacun doit négocier entre                   te, une antichambre ou encore un lieu         ces) à Bruxelles.                                                          deux appelée chez les Grecs anciens
sa liberté individuelle et sa relation aux            d’autopsie, d’ordre, de désordre, de rê-                                                                                 «Kaïros». La chorégraphe dénonce pa-
autres. De la danse improvisée découle                verie. Les manies gestuelles évoluent         In that case… Rather not de Coral Or-                                      rallèlement le mode de vie occidental
une création vidéo, puis une musique,                 d’une élégance intérieure à une défor-        tega et Niko Hafkenscheid est un re-                                       qui a fait de chaque minute un capital
une lumière… l’ensemble bénéficie de                  mation étrange, non pour singer la vie        gard sur soi, un constat d’état d’être au                                  censé produire des intérêts. Pour cela,
la tension et de l’attention qu’offre l’im-           mais pour lui restituer ses ondulations       monde, une dénonciation de l’imprédic-                                     elle traverse l’histoire, entre une collec-
provisation. Thomas Hauert joue avec                  dociles et grotesques à la fois. Créée        tibilité des choses, une prise en compte                                   tion d’œuvres du répertoire classique
une forme qui apparaît mais qui n’est                 par Karine Ponties pour la compagnie          des erreurs et de leurs conséquences.                                      et contemporain. Dans un jeu d’écriture
jamais achevée. Première le 13 octo-                  russe Dialogue Dance, cette pièce s’ins-      Les deux performeurs, qui travaillent                                      scénique, Michèle Noiret manie diffé-
bre au Stuk à Louvain.                                crit dans le cadre d’Intradance 2010,         ensemble depuis 2005, s’intéressent                                        rentes associations entre la musique,
                                                      projet européen de danse en Russie.           aux possibilités d’interaction avec le                                     la chorégraphie, la lumière et l’espace.
Dans le processus de création de la                   Intradance a sélectionné sept choré-          public et questionnent les évidences                                       Première le 23 novembre au Théâtre
pièce Edward Krasinski, Marc Vanrunxt                 graphes de l’Union européenne et sept         de la création théâtrale. Première le 12                                   National à Bruxelles.
invite Salva Sanchis. Les deux choré-                 groupes de danse pour mettre en place         novembre au kc nOna à Malines.
graphes ont créé séparément un solo à                 des coproductions dans sept villes dif-                                                                                  Loss de la compagnie Giolisu ques-
partir de la musique Triadic Memories de              férentes du pays. Moscou a rendu tous         Sur une composition musicale pour or-                                      tionne la présence de l’être humain
Morton Feldman, une composition d’en-                 les projets visibles au public lors du fes-   gue de Bernard Foccroulle, Annabelle                                       sur terre, sa nécessité d’exister au
viron une heure et demie pour un solo                 tival Intradance en mai 2010. Première        Chambon danse Preparatio Mortis                                            sein d’une nature et d’une histoire qui
de piano. L’interprète de Marc Vanrunxt               belge le 28 octobre aux Halles de             de Jan Fabre. Habillée en sous-vête-                                       le dépasse. Dans une atmosphère dé-
est Etienne Guilloteaux; Salva Sanchis                Schaerbeek à Bruxelles, dans le cadre         ments noirs raffinés, la jeune danseuse                                    solante, les chorégraphes et interprè-
a choisi Georgia Vardarou. La rencon-                 de la programmation Prési-danses.             improvise des mouvements félins, ser-                                      tes Lisa Da Boit et Giovanni Scarcella
tre sur scène des deux danseurs, avec                                                               rant des fleurs sur son cœur pour en-                                      cherchent «un sens dans un monde de
la musique jouée en direct par Champ                  Barbara Mavro Thalassitis, chorégra-          suite les rejeter de façon violente selon                                  non-sens». Ils explorent le déséquilibre
d’Action, a lieu une semaine avant la                 phe en résidence à Charleroi/Danses           le caractère de la musique. Sa perfor-                                     et tentent de trouver des points d’accro-
première. Les deux solos peuvent se                   et aux Brigittines, complète sa série         mance est basée sur le souffle. La fin                                     che, d’appui et de repos chez l’autre ou
rejoindre ou bien entrer en confronta-                d’œuvres de danse et d’art plastique          se solde par une ultime respiration qui                                    dans l’espace. Les lumières et les ima-
tion. Marc Vanrunxt ne s’attend certai-               autour de la thématique de l’objet qu’el-     amène l’artiste à s’allonger sur l’autel                                   ges de Vincent Pinckaers dépeignent
nement pas à un conflit. Pour lui, voir               le développe depuis 2008. Le corps de         dépouillé, pour prendre la pose d’un                                       un paysage blanc qui efface toute trace
et expérimenter deux versions simulta-                l’interprète est envisagé comme objet         gisant médiéval. Avec Preparatio Mor-                                      du temps. L’ensemble avec la créa-
nément permet de mieux comprendre                     d’étude et de composition chorégra-           tis, Jan Fabre complète son répertoire                                     tion musicale d’Eric Ronsse plonge les
la musique. La durée de la composition                phique, au même titre que les objets          de solo pour femmes. Première le 18                                        spectateurs dans une ambiance quasi
musicale laisse la possibilité de redéfinir           et matériaux utilisés dans cette série.
constamment l’espace et le temps. Ces                 Après Pavane, un trio qui met en jeu
dimensions spatiales et temporelles                   «l’Autre» en tant qu’objet, et PicNic, un
sont renforcées par la présence phy-                  duo sur des questions de couples, elle
sique des performeurs. Première le 14                 propose Still (a)Live. Cette création se
octobre au Monty à Anvers.                            présente sous la forme d’un triptyque et
                                                      aborde le genre de la «nature morte».
La conférence-performance UNE                         Le premier tableau, Still Life, est une
INTRODUCTION est le premier vo-                       installation photographique et textuelle
let de la nouvelle recherche d’Olga                   hors scène. Le deuxième, Still a life et
de Soto dans le cadre de son projet                   le troisième, Still alive, sont construits
Histoire(s). Ce projet tente de révéler               comme une performance où le plateau
les traces laissées par le spectacle                  de théâtre devient support et cadre.
vivant et la mémoire du spectateur.                   Première le 3 novembre aux Brigittines
Après l’exploration du ballet de Jean                 à Bruxelles.
                                                                                                                          Barbara Mavro Thalassitis Still Alive © Roberta DC

Cocteau Le Jeune homme et la Mort
(1946) débutée en 2002, la chorégra-                  Avec Time has fallen asleep in the af-
phe s’intéresse à présent au ballet de                ternoon sunshine, Mette Edvardsen
Kurt Jooss, La table verte (1932), qui                s’engage dans une recherche sur la di-
aborde la montée du fascisme et la                    mension enrichissante du livre d’après
guerre. Elle pose de nouvelles ques-                  la nouvelle de science-fiction Fahren-
tions sur la mémoire des créateurs,                   heit 451 de Ray Bradbury (1953). Cette
le travail de transmission, l’évolution               histoire dépeint une société future où le
d’une œuvre au sein de l’histoire… À                  livre est jeté au feu car il est considéré
travers cette conférence-performan-                   dangereux et où l’absence de connais-
ce, Olga de Soto souhaite partager                    sances et de pensées individuelles
son processus de recherche qu’elle                    conduirait à la joie. Un groupe de per-
considère aussi important que l’abou-                 sonnes commence alors à mémoriser
tissement de l’œuvre finale prévue                    clandestinement les livres par cœur afin
en 2011. Première le 25 octobre aux                   de les préserver. En écho, Mette Ed-
Halles de Schaerbeek à Bruxelles,                     vardsen met en scène une bibliothèque
dans le cadre de la programmation                     vivante où les performeurs mémorisent
Prési-danses.                                         un livre de leur choix et deviennent «le
                                   Une
                                                                                                                                                                                                                         03
cinématographique. Première le 23 no-                                                           mière le 26 novembre au théâtre de la
 vembre aux Brigittines à Bruxelles.                                                             Balsamine à Bruxelles dans le cadre du
                                                                                                 festival Mini Balsa Marni d’Automne.
 Sidi Larbi Cherkaoui et le chorégra-
 phe sud-africain Gregory Maqoma se                                                              Créé en partenariat avec les com-
 réunissent pour créer Bound, dansé                                                              pagnies Ladon et Pierre Sacrée du
 par ce dernier au côté de la sud- afri-                                                         Burkina Faso, Danse en Papier est
 caine Shanell Winlock. La pièce ex-                                                             le nouveau spectacle de la compa-
 plore comment nous sommes liés les                                                              gnie Transe-en-Danse fondée par

                                                                                                                                               Michèle Noiret Minutes opportunes
 uns aux autres, liés à nos héritages et                                                         Colline Billen. Les artistes se rencon-
 à nos désirs. Pour exprimer cette idée,                                                         trent autour de plusieurs disciplines:
 les mouvements sont construits avec                                                             le théâtre, les danses contemporaine,
 une corde qui symbolise aussi bien le                                                           africaine, urbaine et tzigane, accom-
 jeu que la prise d’otage. La musique                                                            pagnées de slam, contes et musique
 est jouée en direct par trois musiciens.                                                        joués en direct. La pièce aborde la
 Bound est le résultat d’une recherche                                                           problématique des migrations clandes-
 commune dans laquelle le bagage                                                                 tines comme conséquence extrême de
 culturel de chacun s’exprime. Les trois                                                         l’inégalité des rapports Nord-Sud. Le
 danseurs se sont rencontrés quelques                                                            temps de la traite négrière est posé
 années auparavant, lors de leurs étu-                                                           en parallèle avec les rapatriements de
 des à l’école P.A.R.T.S. En tant qu’ex-                                                         force d’aujourd’hui. La mise en scène
 étudiants, ils se rappellent que la danse                                                       reste cependant ludique et humoristi-
 contemporaine est non seulement                                                                 que. Les interprètes développent une
 le lieu d’une recherche de nouveaux                                                             interaction avec les spectateurs qui
 mouvements mais aussi un espace de                                                              sont invités à participer de différentes
 confluence et de traditions. Première le                                                        manières. Première le 30 novembre             À travers les vies de Beatrix Potter et
 24 novembre au Théâtre de Courtrai                                                              au Centre culturel Jacques Franck à           de Beatrice Potter Webb, Bud Blu-
 dans le cadre du festival NEXT.                                                                 Bruxelles.                                    menthal explore un duo de femmes
                                                                                                                                               intitulé Beatrix//Beatrice. La première
 José Besprosvany convoque la my-                                                                Les thèmes de la source, la montagne,         personnalité est auteure de livres pour
 thologie grecque, partagée entre les                                                            la pluie, l’immobilité, l’immensité et le     enfants et fervente militante pour la
 mondes antique et contemporain, dans                                                            vent constituent les six tableaux de la       protection de la nature. La seconde est
 la pièce pluridisciplinaire Prométhée                                                           pièce Rédimer créée par le collectif          sociologue avant-gardiste. Leur par-
 enchaîné. Il marie la danse, le théâtre,                                                        Lookatmekid. Marion Schrotzenber-             cours est troublant de similitude. Toutes
 la marionnette autour des textes de                                                             ger danse sur la musique d’Ismaël Co-         deux sont issues de la haute société et
 Henry Bauchau, d’après Eschyle. Un                                                              lombani jouée en direct et sous les lu-       habitent Londres. Elles vivent à une
 homme prisonnier rêve qu’il est le titan                                                        mières de Michel Delvigne. Rédimer se         époque charnière où l’Angleterre victo-
 Prométhée, celui qui a volé le pouvoir                                                          veut un appel vers tout ce qui, en l’être     rienne affiche des traditions archaïques
 du feu aux dieux pour le donner aux                                                             humain, fait nature, thématique cen-          alors que le monde moderne se tourne
 êtres humains. Deux comédiens, qua-                                                             trale dans le travail du collectif depuis     résolument vers l’avenir. Première le
 tre danseurs manipulateurs et un mu-                                                            sa création en 2005. Première le 9 dé-        15 décembre à l’espace Senghor à
 sicien donnent vie à cette histoire. Pre-                                                       cembre au théâtre Marni à Bruxelles.          Bruxelles. ■

                                                                                                 création a l’oeuvre
                                                                                                 La dictature des lignes
                                                                                                 Line of Oblivion de Johanne Saunier
                                                                                                                                                                                                            Par Anthoni Dominguez

                                                                                                                                                                                               frontière emblématique des disparités
                                                                                                                                                                                               Nord/Sud, sans doute l’une des fron-
                                             Johanne Saunier Line of Oblivion © Arturo Fuentes

                                                                                                                                                                                               tières les plus surveillées au monde.
                                                                                                                                                                                               Mais cette ligne représente également
                                                                                                                                                                                               le fossé marquant l’écart entre les gé-
                                                                                                                                                                                               nérations dans un pays où l’émigration
                                                                                                                                                                                               que suscite le rêve américain est symp-
                                                                                                                                                                                               tomatique d’une course en avant réso-
                                                                                                                                                                                               lument contemporaine.

                                                                                                                                                                                               Loin de vouloir illustrer La ligne de
                                                                                                                                                                                               l’oubli, JOJI Inc tente ici de poser les
                                                                                                                                                                                               bases d’une narration interrogeant tou-
                                                                                                                                                                                               tes les frontières, et au-delà des consi-
                                                                                                                                                                                               dérations Nord/Sud, les tensions per-
                                                                                                                                                                                               sonnelles qu’elles génèrent en nous,
                                                                                                                                                                                               car la frontière est toujours synonyme
                                                                                                                                                                                               d’interdit. Ainsi que l’explique Johanne
                                                                                                                                                                                               Saunier, «elle marque les choix que l’on
                                                                                                                                                                                               a fait comme les choix que l’on n’a pas
                                                                                                                                                                                               fait». Pour développer cette narration,
                                                                                                 «La terre ne connaît pas de sépara-           pe avec Line of Oblivion un travail qui         la compagnie fait appel à de multiples
                                                                                                 tions. Le trait affirme le contraire». Ba-    s’attache à questionner nos rapports            intervenants qui sont invités à occuper
                                                                                                 sée sur une nouvelle de Carlos Fuentes        aux frontières qui dessinent et jalon-          l’espace scénique, dont le compositeur
                                                                                                 intitulée La ligne de l’oubli, la dernière    nent notre quotidien. Le texte de Carlos        mexicain Arturo Fuentes (qui ne par-
                                                                                                 création de la compagnie JOJI Inc évo-        Fuentes, qui fait ici office de substrat lit-   tage aucun lien de parenté avec l’écri-
                                                                                                 que les multiples séparations que l’être      téraire, présente un vieil homme aban-          vain), l’acteur François Beukelaers ou
                                                                                                 humain dessine, qu’elles soient géo-          donné en plein désert sur un fauteuil           encore le joueur de viole Garth Knox.
                                                                                                 graphiques, économiques, culturelles          roulant. Ce dernier ne parvient pas à           Chacun de ces protagonistes traduit un
                                                                                                 ou intimes, ainsi que les dispositifs de      se souvenir qui il est, ni comment il est       rapport à la ligne et aux deux espaces
                                                                                                 surveillance qui en assurent la validité      arrivé là et, dans l’obscurité d’une nuit       qu’elle matérialise: si Johanne Saunier
                                                                                                 et la pérennité. Tout est affaire de lignes   abyssale, perçoit une ligne fluorescen-         voyage d’un bord à l’autre en électron
                                                                                                 car la ligne identifie autant qu’elle dis-    te sous ses pieds, un marquage dont             libre, figurant notamment les pensées
                                                                                                 tingue, protège autant qu’elle enferme,       il ignore la signification. Se demandant        vagabondes du vieil homme, les deux
                                                                                                 définit autant qu’elle exclut.                les raisons pour lesquelles il a été ainsi      clarinettistes se faisant face, côté cour
                                                                                                                                               abandonné, il tente désespérément de            et côté jardin, représentent chacun un
                                                                                                 Née en 1998 de la rencontre de Johan-         se remémorer son passé, son pays,               territoire officiel, bien identifié, alors que
                                                                                                 ne Saunier, ancienne danseuse de Ro-          son amour et ses enfants. Si l’on s’en          le lecteur situé à cheval sur le trait scin-
                                                                                                 sas, et de Jim Clayburgh, scénographe         tient à une lecture strictement culturel-       dant la scène fait figure de funambule,
                                                                                                 et membre fondateur de The Wooster            le, le texte nous renvoie à la réalité d’un     d’être à la fois abandonné et apatride.
                                                                                                 Group, la compagnie JOJI Inc dévelop-         Mexique séparé des États-Unis par une           Littérature, danse, musique et vidéo se

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Johanne Saunier Line of Oblivion © Arturo Fuentes

rencontrent comme pour formuler les          ser d’une grande marge de manœuvre,          l’escalade sécuritaire qui caractérise
rapports à l’espace qui orientent nos        le lecteur choisit son rythme en écho        l’époque. La compagnie a pourtant pris
existences: une expérience simultanée        avec les enregistrements réalisés en         soin de dissimuler au mieux ces cen-
de la transgression et du conformisme.       espagnol par Carlos Fuentes lui-même         seurs de la danse qui font immédiate-
                                             de telle sorte que l’écoute et l’attention   ment sens et Johanne Saunier explique
La dimension collective est ici fonda-       réciproques voulues par un tel mode de       cette volonté de camouflage par son re-
mentale dans la mesure où Johanne            fonctionnement impliquent une dimen-         fus d’être identifiée comme une artiste
Saunier affirme la volonté de ne pas         sion collective incontournable, impéra-      «danse-nouvelles technologies». D’une
s’imposer en tant que chorégraphe, du        tive.                                        certaine manière, provoquer sa propre
moins de rompre avec l’aspect vertical                                                    «labellisation» reviendrait à pratiquer        Pour approfondir
et patriarcal que la fonction induit tra-    L’autre aspect qui tend à s’affirmer         une forme d’autocensure. La compa-
ditionnellement. Citant volontiers le col-   comme constante dans l’univers de la         gnie, qui utilise régulièrement des dis-       La danse et les nouvelles
lectif anglais Massive Attack, lequel dis-   compagnie JOJI Inc est sans nul doute        positifs technologiques, a pressenti les       technologies
pose d’un noyau dur mais introduit en        un goût certain pour l’utilisation des       dangers de catégorisation inhérents à
permanence de nouveaux participants,         «nouvelles technologies» sur scène.          la démarche («Beaucoup de personnes            Revues:
elle explique se «sentir assez proche de     Depuis les années 60, les collabora-         se sont trouvées à aller voir un specta-       Le numéro 40/41 de la revue Nouvelles de
cette logique de collaboration» relative-    tions initiées par Merce Cunningham          cle pour un seul aspect et ont été insa-       danse (automne/hiver 1999) se consacre
ment rare dans le champ chorégraphi-         ont largement démocratisé l’usage de         tisfaites parce que le spectacle n’était       entièrement à la danse et aux nouvelles
que, quand la musique et les arts plas-      ces dernières dans le processus de           pas QUE tourné vers la technologie»).          technologies. Il reprend les réflexions de
tiques ont exploré et explorent encore       création mais aussi, directement, dans       De la même manière que la «trans-              Scott deLahunta, Sally Jane Norman, Ste-
ces modes de fonctionnement depuis           l’espace scénique. Il s’agissait pour le     disciplinarité» était devenue un label         larc, Merce Cunningham, William Forsythe
de nombreuses années (les perfor-            chorégraphe de développer, d’une part,       durant les années 90, les «nouvelles           et Susan Kozel entre autres.
mances des Black Mountain College,           de nouveaux rapports entre le corps et       technologies» font presque office de           De son côté, Nouvelles de danse 52 (2004)
Fluxus, Présence Panchounette, Wu            l’espace, comme dans Variation V en          genre alors que bon nombre d’artistes          Interagir avec les technologies numéri-
Tang Clan, etc.). La transdisciplinarité     1965, d’autre part, de développer des        n’y voient qu’un moyen d’étayer leurs          ques, assorti d’un DVD-ROM, questionne
qu’autorise ce mode de fonctionnement        gammes de mouvements inconceva-              propos et certainement pas l’objet de          l’interactivité dans la danse.
est ainsi mise au service du sujet dé-       bles sans les apports de l’informatique      leurs recherches.
veloppé, elle doit esquisser un système      (l’utilisation du logiciel Life/Forms créé                                                  Livres:
ouvert multipliant les grilles de lecture.   par Thomas Calvert a joué un rôle dé-        Line of Oblivion promet donc une ex-           Olympe Jaffré, Danse et nouvelles techno-
Le temps fort ayant scellé cette volonté     terminant dans l’émergence des nou-          périence de la frontière, une cartogra-        logies: enjeux d’une rencontre, éd. L’Har-
d’ouvrir la création et ses origines fut     veaux vocabulaires corporels mis en          phie des rapports de force générés             mattan, 2007, dresse un panorama histori-
visiblement Erase-E(x), projet le plus       œuvre par la compagnie à la fin du           par ces lignes autoritaires qui ordon-         que et présente les problématiques que la
connu de la compagnie et fonctionnant        XXème siècle). Ici, la compagnie JOJI        nent autant qu’elles interdisent. Cette        rencontre art/technologie soulève.
comme un work in progress débuté en          Inc a disposé sur scène des capteurs         création prend tout son sens dans le           Le projet éditorial coordonné par Philipe
Avignon en 2004. La compagnie JOJI           de mouvement émettant des signaux            contexte d’une Belgique plus que ja-           Franck Corps numériques en scène. À
Inc s’est inspirée d’une œuvre de Ro-        sonores chaque fois qu’un protagoniste       mais divisée, où les frontières culturel-      partir de l’expérience de Bains numériques
bert Rauschenberg pour laquelle l’ar-        passe dans son champ. Dans la mesu-          les, administratives et idéologiques se        et du Réseau Arts Numériques (Centre
tiste a effacé une toile de Willem de        re où la ligne doit imposer sa légitimité    superposent dans le flou le plus total.        des arts d’Enghien-les-Bains/La Lettre
Kooning afin de se la réapproprier par       à l’ensemble des êtres humains, elle se      Si la compagnie JOJI Inc se défend de          volée, 2008) fait notamment un focus sur
la suite (ce type d’action ayant large-      doit d’être en permanence surveillée,        manifester un quelconque engagement            trois artistes qui mêlent ces deux discipli-
ment été favorisé par les travaux de         protégée. Ces capteurs font donc figure      politique, force est de constater que          nes: Thierry de Mey, Myriam Gourfink et
Marcel Duchamp, lesquels ont provo-          de censeurs, sorte de police des fron-       Line of Oblivion s’annonce comme une           Hiroaki Umeda. Il est complété par un do-
qué une remise en question radicale du       tières, car ainsi que l’explique Johanne     œuvre politique au sens le plus large,         cumentaire.
statut de démiurge dont jouit souvent        Saunier: «Un mur de surveillance se          une œuvre qui évoque l’arbitraire de la        Citons aussi, autour de Merce Cunnin-
l’artiste). Développé en six parties, Era-   dresse désormais, non plus comme             censure et le fruit de l’ignorance, toutes     gham, le récent The modernizing of Mo-
se-E(x) a ainsi convoqué de multiples        métaphore, mais comme une réalité            ces lignes qui offrent le triste spectacle     dern Dance de Roger Copeland, Rout-
intervenants (Isabelle Soupart, Kurt         quotidienne».                                de jumeaux assis dos à dos. ■                  ledge, 2004.
d’Haeseleer ou encore Georges Aper-
ghis) dont la mission était d’effacer une    L’utilisation de ces dispositifs de cen-                                                    DVD:
phrase initiale donnée par Anne Teresa       sure sur scène (qui réécrivent donc en                                                      Le DVD/DVD-ROM et livre Double Skin/
de Keersmaeker pour s’en emparer en-         permanence la partition) soumet indi-                                                       Double Mind d’Emio Greco présente une
suite. Line of Oblivion achève ainsi d’af-   rectement à critique les usages répres-      Après un master de Conservation, Gestion       installation interactive, extrait d’un stage
firmer le goût de la compagnie JOJI Inc      sifs dévolus à la technologie, technolo-     et Diffusion des Œuvres d’Art à Montpel-       du même nom qui est enseigné par la
pour ce type de processus, quand bien        gie qui aurait dû être mise au service       lier, Anthoni Dominguez intègre l’équipe       compagnie d’Emio Greco depuis 1996.
même le schéma de la compagnie n’est         de l’homme. Certes, la surveillance et       de rédaction de la revue Mouvement dé-         En regardant le DVD, on a la possibi-
pas strictement horizontal (Johanne          le contrôle de l’expression, quels qu’en     but 2008. Il collaboreraussi à la revue por-   lité de participer virtuellement au stage.
Saunier et Jim Clayburgh constituant         soient les formes, ne sont pas des thè-      tugaise Obscena et aux projets du réseau       Tous ces documents peuvent être consul-
le noyau dur, sinon les initiateurs du       mes nouveaux. Néanmoins, leurs para-         européen des revues transdisciplinaires        tés au Centre de Documentation sur la
projet). Les musiciens jouent essentiel-     mètres se renouvellent à mesure que          TEAM Network.                                  Danse de Contredanse.
lement en improvisation afin de dispo-       les états et les individus poursuivent

                                                                                                                                                                                        05
PAYSAGE
     Génération 90: trois anniversaires et…
                                                                                                                                                                                                                       Par Martine Dubois

     Champagne dans les chaumières! Les compagnies de danse soufflent leurs bougies d’anniversaire: 15 ans pour Claudio Ber-
     nardo, 20 ans pour Thierry Smits, 25 pour Nicole Mossoux et Patrick Bonté, bientôt rejoints par Michèle Noiret… En l’espace de
     quelques mois, c’est toute une génération de chorégraphes, pour la plupart issus de Mudra, qui célèbre une longévité parfois
     inattendue vu l’éternel combat pour défendre les arts contemporains en Belgique. Petit retour en arrière pour mieux plonger
     vers l’avenir…

     Quand le chat régnait en maître…                                              cle et jette par là les bases de la danse contempo-                                                  Le rêve (contrat-) programmé
                                                                                   raine en Belgique et dans le monde. Les étudiants y
     Sans remonter au déluge – disons un demi-siècle –,                            découvrent non seulement différentes techniques de                                                   Après le foisonnement et l’enthousiasme des débuts,
     brossons très rapidement l’historique du PAC – pay-                           danse et la chorégraphie, mais aussi le chant, le ryth-                                              le soufflé retombe quelque peu et la dure réalité de
     sage chorégraphique – en Belgique. À l’aube des an-                           me, le solfège ou la scénographie. C’est ainsi qu’ils                                                l’artiste en Belgique refait surface: moyens de création
     nées 60, donc, un jeune chorégraphe français débar-                           seront à jamais marqués par des personnalités com-                                                   limités, chômage, programmateurs frileux, public peu
     que à La Monnaie. Il y restera 27 ans. Suffisamment                           me Fernand Schirren. De cette pépinière sortiront les                                                habitué au contemporain, etc. Les conditions de vie en
     pour asseoir sa légende et façonner ce PAC encore                             danseurs et les chorégraphes d’aujourd’hui: Maguy                                                    décourageront plus d’un.
     vierge de tout modernisme. La danse s’y résumait à                            Marin, Dominique Bagouet, Catherine Diverrès, Yann                                                   Parallèlement, les compagnies ont pris du galon. La
     quelques compagnies étrangères de renom qui ve-                               le Gac, Gil Roman, Ohad Naharin (chorégraphe de la                                                   Communauté flamande soutient celles d’Anne Teresa
     naient danser Giselle, Don Quichotte, Casse-Noiset-                           Batsheva Dance Company) ou encore Nacho Duato,                                                       de Keersmaeker, de Wim Vandekeybus et d’Alain Pla-
     te ou La Belle au Bois dormant et quelques ballets                            qui vient d’être nommé à la direction du Théâtre Mi-                                                 tel. La Communauté française met en place un Ser-
     d’opéra. Maurice Béjart fonde le Ballet du XXe siècle,                        jailowsky à Saint-Pétersbourg. Chez nous, un des                                                     vice de la danse qui tente de mettre un peu d’ordre
     s’installe à La Monnaie, bouleverse les convenances                           premiers étudiants n’est autre que Pierre Droulers,                                                  et dresse les premiers jalons d’une politique de la
     classiques, choque le public et réinvente un langage                          bientôt rejoint – dans le désordre — par Anne Teresa                                                 danse en Communauté française avec la création, en
     du corps. Il sort le danseur étoile de son rôle de faire-                     De Keersmaeker, Michèle Anne De Mey, Michèle                                                         1991, de la Compagnie et du Centre Chorégraphique
     valoir pour le mettre au centre de la scène, objet de                         Noiret, Nicole Mossoux, José Besprosvany, Claudio                                                    de la Communauté française Charleroi/Danses sur
     toutes les convoitises. Il rêve de spectacle total.                           Bernardo, Félicette Chazerand, Gabriella Koutchou-                                                   les cendres du défunt Ballet de Wallonie. À sa tête,
     Mais ce qui nous intéresse ici, c’est le rôle qu’il va                        mova, Fernando Martin, Matteo Moles, Karine Pon-                                                     Frédéric Flamand, metteur en scène imprégné de l’en-
     jouer en façonnant toute une génération de choré-                             ties, Ida De Vos et même Thierry Smits, qui y passera                                                seignement de Grotowski venu au spectacle choré-
     graphes. En 1970, il fonde Mudra, école qui forme les                         six mois (liste non exhaustive!).                                                                    graphique, obsédé par la déshumanisation du monde
     danseurs à toutes les disciplines des arts du specta-                         Pépinière de créateurs donc, mais qui seront curieu-                                                 contemporain et la contamination du virtuel. Sous son
                                                                                    sement muselés en Belgique tant que durera le règne                                                 impulsion, la technologie va bientôt envahir les scè-
                                                                                    du Maître. Pour la presse comme pour une partie du                                                  nes et entamer un dialogue toujours en cours avec le
                                                                                    public, il semble en effet n’y avoir de place sur les                                               corps du danseur.
                      Quelques repères                                              scènes belges que pour les créations béjartiennes,                                                  Petit à petit, la Communauté française va stabiliser
                                                                                    même si quelques ovnis comme Fase d’Anne Teresa                                                     quelques compagnies, leur accordant le sacrosaint
                      1959: Maurice Béjart fonde le Ballet du XXe siècle et crée    De Keersmaeker (1982) traversent la scène belge.                                                    «contrat-programme», objet de toutes les convoitises
                      Le Sacre du Printemps.                                        Il faudra attendre qu’en 1987, Maurice Béjart parte                                                 et solution miracle aux galères et aux fins de mois dif-
                      1970: Mudra ouvre ses portes.                                 sous les cieux lausannois pour que les premières                                                    ficiles. En 1994, cinq compagnies décrochent le pré-
                      1987: Béjart quitte la Belgique pour Lausanne.                créations contemporaines soient réellement remar-                                                   cieux sésame: Michèle Anne De Mey, Nicole Mossoux
                      1988: Mudra ferme.                                            quées.                                                                                              et Patrick Bonté, José Besprosvany, Pierre Droulers et
                      1985: Juste Ciel de Mossoux-Bonté au Plan K.                                                                                                                      Michèle Noiret, avec des montants allant de 1 900 000
                      1986: If Pyramids were square de Frédéric Flamand au         Du temps où les souris dansaient…                                                                    à 8 500 000 FB (ndlr: de 47 100 à 210 000 euros).
                      Plan K.                                                                                                                                                           Trois ans plus tard, Thierry Smits, Claudio Bernardo et
                      1989: Von Heute of Morgen de José Besprosvany aux            Révélateur: à la création de Sinfonia Eroica, un de                                                  Nadine Ganase les rejoignent.
                      Beaux-Arts.                                                  nos confrères du Soir titrait: «Quand le chat est par-                                               Le PAC évolue à deux vitesses: d’un côté, les «nan-
                      1990: Sinfonia Eroica de Michèle Anne De Mey au              ti, les souris dansent…». Michèle Anne De Mey et                                                     tis», ceux qui bénéficient d’une aide structurelle et qui
                      Varia, La grâce du Tombeur de Thierry Smits aux Halles,      consœurs étaient — on s’en doute! — ravies de se                                                     peuvent donc envisager l’avenir (un peu) plus sereine-
                      Histoire de Sel de Claudio Bernardo aux Brigittines,         faire traiter de souris! C’est donc encore et toujours                                               ment, s’engager sur le long terme et assurer la diffu-
                      Vertèbres de Michèle Noiret au Théâtre 140.                  l’image du Maître qui façonne le PAC (oublions le                                                    sion de leurs créations; de l’autre, ceux qui émargent
                      1991: Frédéric Flamand est nommé à la tête du Centre         triste passage de Mark Morris à La Monnaie)! Pire,                                                   à l’aide aux projets, tributaires de l’enveloppe budgé-
                      chorégraphique de la Communauté française; Comme             on voit se développer un véritable culte à l’idole per-                                              taire et dépendant du jugement de la (soi-disant) toute
                      si on était leurs petits poucets de Pierre Droulers aux      due, lâchée par la Belgique.                                                                         puissante Commission de la danse. «Au début, c’était
                      Halles.                                                      Tsunami artistique! Béjart est parti. Mudra ferme ses                                                plutôt au coup par coup» confirme Thierry Smits. C’est
                      1994: 1ère vague de contrats-programmes, La Danse des        portes. Les ballets classiques disparaissent. Anne                                                   quand on a été plus institutionnalisé, quand on a reçu
                      Pas Perdus de Furiosas à la Balsa, Falling de Nadine         Teresa De Keersmaeker s’installe à La Monnaie. Mi-                                                   un contrat-programme, que j’ai pu commencer à ré-
                      Ganase à Charleroi.                                          chèle Anne De Mey est en résidence au Varia. Fré-                                                    fléchir sur le long terme, même si le risque demeure
                      1997: 2ème vague de contrats-programmes.                     déric Flamand transgresse les frontières des genres                                                  toujours de disparaître en tant qu’artiste».
                      2003: 1ères conventions.                                     au Plan K. Nicole Mossoux et Patrick Bonté inven-
                      2004: Frédéric Flamand est nommé à la tête du Ballet         tent un spectacle multiforme à création bicéphale,
                      National de Marseille, Michèle Anne De Mey, Pierre           Nadine Ganase interroge le corps et l’image. Pierre                                                  Maturité et désenchantement
                      Droulers, Thierry De Mey et Vincent Thirion prennent la      Droulers flirte avec la performance. José Bespros-
                      direction de Charleroi/Danses.                               vany explore le texte. Wim Vandekeybus se lance                                                      Au début des années 2000, l’enthousiasme des débuts
                      2006: La Cie Michèle Noiret fête ses 20 ans.                 avec frénésie sur la scène bruxelloise. La danse                                                     s’est émoussé. On assiste à la fois à une certaine éro-
                      2009: As Palavras fête ses 15 ans.                           contemporaine explose dans toutes les directions.                                                    sion – des chorégraphes comme Alain Populaire, Na-
                      2010: Thor fête ses 20 ans, Mossoux-Bonté un quart de        Les chorégraphes sortent de partout, certains déjà                                                   dine Ganase se sont tus, d’autres sont partis vers des
                      siècle.                                                      confirmés, d’autres tous neufs. Les lieux s’ouvrent                                                  cieux plus cléments – et à une stabilisation couplée
                      2011: Michèle Noiret et Pierre Droulers fêtent 25 ans de     à la danse, le public découvre de nouveaux langa-                                                    à une professionnalisation de certaines compagnies.
                      carrière                                                     ges… Bref, c’est l’engouement total sous l’impulsion                                                 Parallèlement, la Communauté française instaure les
                                                                                   de la génération Mudra.                                                                              conventions, sorte de palier entre l’aide au projet et
                                                                                             Jose Besprosvany Von Heute auf morgen © DR
     Claudio Bernardo Usdum © Jean-Luc Tanghe

                                                                                                                                             Furiosas A corps perdus © Monica Klinger

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le contrat-programme, pour aider les chorégraphes qui       échéance, la chasse est ouverte – avec le risque que                aux Halles de Schaerbeek: le fascinant Khoom, les ob-
                                            souhaitent élaborer un réel travail de compagnie. Les       le budget global de la danse en 2011 ne permette pas                sédants Corps magnétiques, l’irrésistible Skeleton et
                                            premiers à bénéficier de ce nouveau type d’aide au          de réelles avancées. Du côté des éternellement jeu-                 l’étrange Kefar Nahum. Rien que du neuf, donc! Mais
                                            fonctionnement en 2003 sont Karine Ponties, Bud Blu-        nes chorégraphes – certains sont presque quinquas!                  le couple est champion tout terrain de la danse dura-
                                            menthal, Fatou Traoré, Matteo Moles, Joanne Leighton        –, c’est la précarité institutionnalisée, les interrogations        ble puisque Twin Houses, créé en 1994, est toujours
                                            et Félicette Chazerand, qui a orienté son travail vers      qui tuent à petit feu et la retraite anticipée qui se pro-          à l’affiche et a dépassé les 200 représentations! Autre
                                            les spectacles jeune public. Avec le recul, on constate     file.                                                               «remake», celui des Dernières hallucinations de Lucas
                                            qu’il est difficile de concevoir une aide en réelle adé-    Parallèlement, si les demandes de consolidation arri-               Cranach l’Ancien qui va renaître pour 10 représenta-
                                            quation avec le travail de l’artiste, forcément soumis      vent toujours, les voix sont nombreuses à dénoncer                  tions en janvier, à l’occasion de l’exposition que Bozar
                                            aux variations de ses pulsions créatrices et obligé par     l’absence de nouvelles forces créatrices. Le discours               consacre au peintre. Pur bonheur à ne pas manquer!
                                            le système de «tenir» le cap d’une certaine régularité      n’est pas nouveau: la jeune génération n’est plus ce                Cerise sur le gâteau: un numéro d’Alternatives théâtra-
                                            dans ses productions.                                       qu’elle était! Amertume de vieux blasé? Peut-être.                  les consacré au Théâtre-Danse et à leur travail.
                                            Deux ans plus tard, nouveau changement de taille:           Quoique… Si l’on peut discuter sur la réelle présence               Du côté de Charleroi/Danses, c’est carrément le recy-
                                            Frédéric Flamand quitte les brumes du Nord pour le          d’une génération émergente, de projets novateurs,                   clage! Michèle Anne De Mey tourne depuis plusieurs
                                            mistral marseillais et un quatuor prend la tête de Char-    d’écriture enthousiasmante, certains chorégraphes se                saisons avec la nouvelle version de Sinfonia Eroica
                                            leroi/Danses. Si la mutation est importante, rien ne        plaignent du manque de technique des danseurs, et                   (1990) et envisage de reprendre Katamênia. Pierre
                                            change pourtant fondamentalement: par sa position et        notamment de technique classique. Revoilà le spectre                Droulers, quant à lui, replonge dans De l’air et du vent.
                                            l’importance de sa dotation, Charleroi/Danses est l’in-     de l’école supérieure…                                              Voilà qui donne une dimension nouvelle au «réper-
                                            terlocuteur unique des compagnies en quête de copro-        Plusieurs projets sont sur la table, mais le cabinet du             toire»! Et, pour faire bonne figure, Anne teresa De
                                            ductions. Le monopole a la vie dure.                        ministre Marcourt semblait d’abord vouloir miser sur                Keersmaeker reprend les mythiques Fase et Rosas
                                                                                                        les briques avant de choisir le projet le plus performant.          danst Rosas. Voilà qui donne une dimension nouvelle
                                            2010 Odyssée de la danse                                    C’est en tout cas ce qui ressortait des propos de son               au «répertoire». ■
                                                                                                        conseiller lors de la table ronde consacrée au sujet en
                                            Le PAC aujourd’hui? Géographiquement, Bruxelles             mars dernier à La Bellone (Rond-Point de la Danse
                                            caracole toujours en tête, suivie par Charleroi gagnée      #6, École de danse, où en est-on?). Ceci, c’était sans                Mudra et les mudristes
                                            aux forceps et Liège qui s’affirme chaque année un          compter la crise et avant la chute du gouvernement…                   Impossible de se promener à la Tanzmesse de
                                            peu plus. Un pôle chorégraphique unique, donc for-          Une fois de plus, la Belgique francophone reste à la                  Düsseldorf sans rencontrer des mudristes: ils sont
                                            cément dictatorial, avec deux chorégraphes de la pre-       traîne.                                                               partout, parmi nos chorégraphes présents là, bien
                                            mière heure, Michèle Anne De Mey et Pierre Droulers.                                                                              sûr, mais aussi parmi les stands. Et quand des
                                            Quatre compagnies disposant de contrats-program-            Un nouveau concept: la danse durable                                  mudristes se rencontrent, les souvenirs fusent!
                                            mes relativement confortables (à l’échelle de la Com-                                                                             «C’était une étape très importante», souligne
                                            munauté bien sûr): Nicole Mossoux et Patrick Bonté,         Après la non-danse, voici la danse aux accents verts: la              Gianfranco Brogne, «C’était la première fois que
                                            Michèle Noiret, Thor, Claudio Bernardo. Pas innocent:       danse durable ou le recyclage chorégraphique. Est-ce                  je sortais d’Italie tout seul. Il y avait plein de gens
                                            ce sont ceux des deux premières vagues de stabilisa-        une conséquence des jubilés? Un effet de mode? Une                    qui venaient de partout… Ceux qui sont restés à
                                            tion, ceux qui fêtent aujourd’hui leur anniversaire. Cinq   influence de la vague verte? Une stratégie post-crise?                Rome, ce n’est pas la même chose! C’était une
                                            compagnies bénéficiant d’une convention et d’aides          Ou plus simplement le souci de la transmission aux jeu-               expérience, une ouverture, et puis, Mudra, c’est un
                                            aux projets. Le reste – innombrable au sens premier du      nes générations? Toujours est-il que l’heure est à la re-             label: tu fais partie de l’histoire, c’est un héritage
                                            terme – dépendant uniquement des aides aux projets.         création. Ainsi, Claudio Bernardo a retrouvé son com-                 spirituel. Et puis, quand on disait qu’on était de
                                            Parmi eux, des mudristes comme Fernando Martin ou           plice Matteo Moles dans Usdum pour fêter les 15 ans                   Mudra, toutes les portes s’ouvraient! C’est la seule
                                            Matteo Moles, des artistes de la deuxième ou de la          de la compagnie As Palavras. Créée en 1991 à l’Atelier                fois où j’ai été chez le médecin sans payer!» Si le
                                            troisième génération dont quelques-uns de P.A.R.T.S,        Sainte-Anne, la pièce «est emblématique de mon tra-                   danseur a aujourd’hui abandonné la danse (mais
                                            l’école d’Anne Teresa De Keersmaeker. Une relève qui        vail, dans le fond comme dans la forme puisqu’elle est                pas le théâtre), ce n’est pas le cas d’autres de sa
                                            peine à percer, faute de moyens peut-être, par manque       aussi une rencontre entre différentes formes d’art et le              promotion: Fernando Martin, Ida De Vos, Matteo
                                            de structure d’accueil certainement, mais peut-être         mélange des sources d’inspiration» explique Claudio.                  Moles, Monica Marti… Au détour d’un stand, un
                                            aussi faute de nourriture créatrice. Une école supé-        «Cela donnera le sentiment que nous avons continué                    autre mudriste, Luca Bruni, «le dernier Italien de
                                            rieure, la solution miracle? Sûrement pas, mais force       à travailler dans cette mine!» ajoute-t-il.                           Mudra» comme il se nomme, qui dirige aujourd’hui
                                            est de constater que les mudristes sont toujours bien       Pas question de reprise chez Thor: le passé, ça n’est                 la compagnie Oplas en Ombrie et qui a travaillé
                                            présents!                                                   pas le genre de Thierry Smits, qui a toujours un grand                avec Micha Van Hoecke. «Je n’ai qu’un regret,
                                                                                                        jeté d’avance sur ses créations. Petite concession à la               c’est de ne pas avoir auditionné chez Béjart qui
                                            2010, l’année de tous les dangers?                          tentation de la commémoration tout de même: un su-                    m’avait dit: “viens travailler ici”. Mais je n’aime pas
                                                                                                        perbe livre, Le Corps sous tension, écrit par son com-                le système d’étoile…» «Évidemment, on aurait
                                            Le PAC va-t-il changer? En tout cas, la volonté politi-     plice de toujours, Antoine Pickels.                                   pu aller à Lausanne», enchérit Gianfranco, «mais
                                            que est de renouveler les contrats-programmes et les        Nicole Mossoux et Patrick Bonté ont choisi de célébrer                ce n’était déjà plus la même chose…» The lost
                                            conventions en bloc, pour dresser une carte plus co-        leurs 25 ans en reprenant quelques-unes de leurs der-                 paradise…
                                            hérente du paysage. La plupart des contrats arrivant à      nières créations en une semaine de fête en novembre

                                                Les 20 ans de Thierry Smits…                                             … et les 25 de Mossoux-Bonté
                                                «C’est une victoire dans le sens où un artiste qui       Cet anniversaire? «Juste un prétexte pour faire
                                                tient le coup 20 ans, ce n’est pas anodin! C’est         la fête et, forcément prendre un peu de recul.
                                                aussi une victoire pour l’institution qui a misé sur     Qu’est-ce qui a changé en vingt-cinq ans, qu’est-
                                                cet artiste qui tient la route. Et c’est une victoire    ce qui demeure constant? Ce qui a changé: le
                                                parce que rien n’était joué à l’avance! C’est aussi      contexte. Ce qui est constant: l’obsession de
                                                un tremplin au niveau de l’ambition artistique. J’ai     créer des formes». Avec quel regard? «Étonnés
                                                envie de continuer avec des créations très diffé-        nous-mêmes d’en arriver là! Nous restera-t-il as-
                                                rentes les unes des autres, avec de plus gros            sez de temps pour faire tous les détours qu’on
                                                moyens et des projets plus ambitieux. À presque          a envie de faire? À chaque projet abordé, c’est
                                                50 ans, on a envie de délirer plus et de concréti-       un infini qui s’ouvre». Et l’avenir? «C’est à cha-
                                                ser des délires artistiquement plus sophistiqués.        que fois un nouveau projet qui vient à nous, dont
                                                Faire moins, mieux, plus grand. Il y a aujourd’hui       nous ignorons la forme finale. Ce qui est certain,                  Martine Dubois, maître-assistante à la Haute École Gali-
                                                une surabondance de créations, je ne suis pas            c’est que nous rencontrons dans le travail la gé-                   lée et journaliste, assure depuis près de trois ans la prési-
                                                dans cette surenchère. Je veux plus de qualité et        nération qui nous suit et c’est passionnant…».                      dence du Conseil de la danse. Elle prépare actuellement
                                                plus grand. C’est ça dont la Communauté fran-                                                                                une étude sur la danse contemporaine en Communauté
                                                çaise a besoin. Et c’est ça que j’aime!»                                                                                     française.
                                                                                                                                           Plan K If Pyramids were square
                                                                                                                                                                    © DR

                                                                                                                                                                                               Moussoux Bonté Juste Ciel © Danièle Pierre
Michèle Anne de Mey Sinfonia Eroica © DR

                                                                             mudra © DR

                                                                                                                                                                                                                                              07
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