Revue de presse Comité Consultatif National d'Ethique - du 17 au 31 janvier 2019 N 372 - CHU de St-Etienne
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Comité Consultatif National d’Ethique pour les sciences de la vie et de la santé Revue de presse du 17 au 31 janvier 2019 N° 372 66, rue de Bellechasse – 75700 Paris 01.42.75.66.44 DIFFUSION RESTREINTE
SOMMAIRE n° 372 du 17 au 31 janvier 2019 I- ÉTHIQUE 250 € pour choisir « son » donneur de sperme danois sur photo 1 The Daily Mail, 16/01/19 Vers une procréation sans sexe « pour tous » ? 1-2 La Vie, 18/01/19 Bioéthique : les propositions explosives du rapport parlementaire 2-3 Aleteia, 22/01/19 L’euthanasie en Belgique sous la loupe de la Cour européenne des droits de l’homme 3-6 Gènéthique, 23/01/19 De plus en plus d’avortements tardifs au Royaume-Uni : une banalisation de l’IVG 6-7 Society for the Protection of Unborn Children, 24/01/19 Publicité pour l’IVG en Allemagne : un projet de loi va être examiné pour assouplir l’interdiction 7 AFP, 29/01/19 Bioéthique : un rapport parlementaire explosif 7-9 La Lettre de Galilée, 29/01/19 Les avancées scientifiques sont-elles toutes bonnes à prendre ? 9-11 Le Quotidien du Médecin, 28/01/19 Bioéthique, le premier séminaire pour les parlementaires organisé lundi 4 février 11 La Croix, 30/01/19 II- SOCIÉTÉ Bioéthique : La Marche pour la vie « revigorée », La Manif pour tous promet des actions de « grande ampleur » 12-13 Le Parisien, 16/01/19 GPA et PMA « pour toutes » : de quel droit pourraient-elles être interdites du Grand Débat ? 13-15 Blog de Jean-Yves Nau, 15/01/19 Vincent Lambert : nouvelle audience cruciale programmée lundi 15 Le Figaro avec AFP, 16/01/19 Bioéthique : de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace 16-17 Journal International de Médecine, 16/01/19 Les dons d’organes ont encore augmenté en 2018 17-18 Le Matin, 17/01/19
Réforme du système de santé : les médecins libéraux sur leurs gardes 18-19 Le Monde, 17/01/19 Autoconservation des ovocytes : un impact bénéfique pour la natalité française ? 19-20 Parents, 18/01/19 Bébés nés sans bras : une nouvelle affaire dans les Bouches-du-Rhône 20-22 Le Parisien, 20/01/19 « Bioéthique, LaREM et le choix risqué du durcissement » 22-23 Le Figaro, 20/01/19 Une marche pour défendre la clause de conscience sur l’IVG 23-24 La Croix, 21/01/19 « Bébés OGM » : une deuxième femme enceinte 24-25 L’Obs avec AFP, 21/01/19 Dangers du déclin démographique et éthique en France 25-26 Boulevard Voltaire, 21/01/19 Vincent Lambert : une audience tendue 26-27 Le Figaro, 22/01/19 Alternative à la FIV : un hôpital de Londres pratique la congélation ovarienne 27 Daily Mail, 17/01/19 Libres propos sur l’intelligence artificielle 27-28 DSIH e-santé, 22/01/19 VIH et génétique : science sans conscience 28-30 Seronet, 22/01/19 Bioéthique et PMA : le projet de loi en Conseil des ministres en juin 30-31 L’Obs avec AFP, 22/01/19 Défendre la vie ou sauver la planète ? 31-32 Famille Chrétienne, 22/01/19 Médicaments : une pénurie en bande organisée 32-33 L’Humanité, 23/01/19 Ils vont manifester pour une psychiatrie plus humaine 33-34 La Croix, 22/01/19 Quand le nom de la patiente est incorrect 35 La Croix, 22/01/19 La situation explosive de la pédopsychiatrie 35-36 Le Quotidien du Médecin, 21/01/19 Filiation, les propositions contestées de Jean-Louis Touraine 36-38 La Croix, 25/01/19 Pourquoi les euthanasies clandestines sont plus nombreuses dans les pays qui l’ont légalisée que dans les autres 38-40 Atlantico, 25/01/19 PMA pour toutes : les réserves des députés LaREM 40-41 Le Figaro, 25/01/19 Vincent Lambert : 55 médecins contestent la validité de l’expertise médicale 41-42 Gènéthique, 22/01/19
La patiente morte aux urgences de l’hôpital Lariboisière s’est étouffée, révèle son autopsie 43-44 Le Monde, 25/01/19 La PMA pour toutes peut tout chambouler 44-45 Marianne, 25/01/19 A La Haye, le discret travail juridique sur les règles de GPA 46-47 La Croix, 29/01/19 PMA pour toutes : les réserves de députés LaREM 48 Le Figaro, 25/01/19 Autisme : la prise en charge psychanalytique toujours enseignée dans les facultés de psychologie 49-50 Le Figaro, 29/01/19 L’or blanc : un pognon de dingue 50-51 Boulevard Voltaire, 30/01/19 9ème Forum Européen de Bioéthique. Mon corps est-il à moi ? 51-52 Mediapart, 30/01/19 Précarité. Kévin meurt de froid… et la société regarde ailleurs 52-53 L’Humanité, 30/01/19 Agnès Buzyn enclenche la réforme du financement de l’hôpital 54-55 Le Monde, 30/01/19 Euthanasies clandestines : une association alerte sur de faux chiffres 55-56 Le Figaro, 30/01/19 III – RECHERCHE Santé : tenter de comprendre l’impact de l’environnement 57-58 Le Figaro, 22/01/19 Des chercheurs parviennent à modifier les caractères héréditaires de souris 58 Up Magazine, 24/01/19 L’autisme, un trouble précoce du développement cérébral mieux compris 59-60 Le Figaro, 29/01/19 IV - PERSONNALITÉS, FILMS ET OUVRAGES La conservation des ovocytes pourra contribuer à relancer la natalité (Buzyn) 61 L’Indépendant avec AFP, 16/01/19 La sortie polémique de trop sur la PMA pour une députée LREM ? 61-63 Huffington Post avec AFP, 17/01/19 Bioéthique : refusons la mainmise du marché sur la procréation humaine 63-64 Le Figaro, 20/01/19 Bioéthique : Leonetti dénonce une mission « idéologique » 64-65 Le Point avec AFP, 21/01/19
François-Xavier Bellamy (LR) critiqué pour son opposition « personnelle » à l’IVG 65-66 Le Figaro, 20/01/19 « L’Ordre des médecins » : les tourments d’un pneumologue, médecin et humain 66-67 Le Monde, 23/01/19 Jean-René Binet : « le rapport des parlementaires sur la bioéthique ne cherche pas l’équilibre » 67-70 Le Figaro, 24/01/19 L’épigénétique, vers une médecine révolutionnaire 70-72 La Vie, 24/01/19 Luc Ferry : « Santé, le prix et le coût » 72-73 Le Figaro, 24/01/19 Jean-François Delfraissy reconduit à la présidence du CCNE 73-74 Gènéthique, 25/01/19 Jean-François Delfraissy reconduit à la présidence du Comité d’éthique 74-75 Le Quotidien du Médecin, 13/01/19 « Il faut faire émerger une "génétique 2.0" à la française » 75-76 Le Monde, 30/01/18
ÉTHIQUE 250 € pour choisir « son » donneur de sperme danois sur photo The Daily Mail du 16 janvier 2019 par Chloé Morgan Choisir son donneur de sperme dans une galerie photo, c’est ce que propose désormais Cryos, une banque de sperme danoise, « afin d'obtenir les plus bébés les plus beaux ». Pour les clients, le coût supplémentaire est de 250 € de plus, mais ils sont nombreux à payer le prix fort. « La photo adulte les aide à reproduire le mécanisme de sélection naturel », explique Peter Reeslev, PDG de Cryos, qui se déclare « très satisfait de l'intérêt que cela suscite ». La banque de sperme danoise officie depuis plus de 30 ans dans une centaine de pays et revendique la fabrication de 65 000 enfants. Ils sont les premiers en Europe à avoir créé une galerie en ligne de donneurs de sperme, il y a un an. Avec la photo, l’entreprise fournit aussi toute une série d’information, « des photos de bébé, des enregistrements audio, des salutations manuscrites, des tests d'intelligence émotionnelle, des arbres généalogiques et les impressions de l’entreprise sur le donneur ». L’entreprise a indiqué que les clients britanniques sont les plus intéressés par ce nouveau service. Elle a précisé aussi que parmi ses clients la proportion de célibataires et de couples de femmes augmentait considérablement depuis cinq ans. Aujourd’hui 50 % de ses clients sont des femmes célibataires, 35 % des couples de femmes et 15 % seulement des couples hétérosexuels. Les homosexuels sont les plus demandeurs d’informations détaillées sur le donneur, alors que les hétérosexuels préfèrent généralement en savoir le moins possible « par respect pour le père social ». Vers une procréation sans sexe "pour tous" ? La Vie du 18 janvier 2019 par Olivia Elkaim L’extension de la PMA à toutes les femmes, recommandée par le rapport Touraine, conduit, dans une logique libérale, à découpler la sexualité de la procréation. Doit-on considérer cela comme un progrès ou comme une négation de notre humanité ? « Je savais bien que si par malheur l’humanité occidentale en venait à séparer effectivement la procréation du sexe (comme le projet lui en venait parfois), elle condamnerait du même coup non seulement la procréation, mais également le sexe, et se condamnerait elle-même par un identique mouvement, cela les catholiques identitaires l’avaient bien senti... » Cette citation, extraite de Sérotonine de Michel Houellebecq (Flammarion), fait étrangement écho à une expression figurant dans le rapport de la mission d’information parlementaire sur la révision de la loi relative à la bioéthique, rendu public le 15 janvier dernier : l’extension de la procréation médicale assistée pourrait, si on en pousse la logique jusqu’au bout, légitimer la « procréation sans sexe pour tous ». 1
C’est Eugénie Bastié, chroniqueuse au Figaro, conservatrice assumée, qui l’a relevé sur Twitter. Elle y conspue « l’affligeante (et glaçante) expression du député LREM Jean-Louis Touraine ». L’expression « pour tous » renvoie aux slogans « Mariage pour tous » et « PMA pour toutes » utilisés par leurs promoteurs depuis le quinquennat de François Hollande. Et interroge les fondements même de notre humanité : notre rapport au corps, ce qui nous fait père et mère, notre identité, la manière dont nous nous inscrivons dans une lignée. Il faut lire attentivement l’intégralité du chapitre intitulé « La procréation technique, horizon de l’AMP » (aide médicale à la procréation). Il permet de saisir la logique libérale à l’œuvre dans tout le rapport : « Le maintien du critère pathologique n’apparaît pas tenable dans la mesure où, déjà aujourd’hui, l’AMP apportée aux couples hétérosexuels ne s’appuie pas toujours sur des critères pathologiques. Il serait alors logique d’égaliser les conditions d’accès et de légitimer une “procréation sans sexe pour tous”. Cette évolution serait par ailleurs assez cohérente avec l’idée d’égaliser les conditions de filiation au regard de la diversité des modèles familiaux. » Jean-Louis Touraine, rapporteur de la mission, est connu pour ses positions libérales sur les sujets de société – en 1985, dans l’un de ses livres, il annonçait déjà l’avènement de l’utérus artificiel. « Ce rapport prône une bioéthique libérale », félicite Daniel Borrillo, professeur de droit au CNRS, auteur de la Famille par contrat (Puf), connu pour ses positions libérales – pro-gestation pour autrui notamment. Derrière l’expression de « procréation sans sexe pour tous » se pose donc la question de l’usage non médical de la PMA. Pendant 40 ans, elle est restée un palliatif à la stérilité d’un couple hétérosexuel. Avec son extension, elle devient un droit pour l’individu, les couples de lesbiennes et les femmes seules. Cela produit une rupture juridique, anthropologique et philosophique sur laquelle s’affrontent les camps libéraux, les « techno-progressistes », et les « bio-conservateurs », parmi lesquels se trouvent des personnalités disparates, issues de la Manif pour tous, d’associations comme Alliance Vita, ou le biologiste Jacques Testart, auditionnés à l’Assemblée. Pour les libéraux, il s’agit simplement de donner les mêmes droits aux uns et aux autres. Ils se fondent sur la notion d’égalité, reprise par tous les défenseurs de l’extension de la PMA – responsables politiques et militants LGBT. Pour Daniel Borrillo, « les conservateurs défendent une humanité in abstracto, ils imaginent qu’il y a une humanité définie une fois pour toutes ». De leur côté, les conservateurs mettent en garde contre les dérives scientifiques liées à la procréation. Jacques Testart, par exemple, n’hésite pas à citer le risque eugéniste que comporte la pratique de la PMA, dont il fut pourtant l’un des pères. « Cette revendication d'apparence libertaire s'inscrit dans le système néolibéral et technicisé qui régit de plus en plus l'économie, mais aussi la bioéthique. On peut lui préférer des relations humaines riches où les enfants s'inscriraient dans la convivialité des genres plutôt que dans la mécanisation de la procréation, et déjà sa marchandisation », publie-t-il sur son site. Pour le blogueur catholique Erwan le Morhedec, collaborateur à La Vie, « l’expression “procréation sans sexe”, en dissociant le sexe de la procréation, dit un refus de notre nature profondément biologique, faite de limites, et de la nécessaire rencontre des corps. Elle charrie le rêve d’une maîtrise technologique de la vie et de la personne ». « La procréation sans sexe pour tous », voilà une dérive selon l’Église catholique, qui prône une vision unifiée de la procréation. Elle a statué sur ces questions de procréation par deux instructions, Donum vitæ en 1987 et Dignitas personæ en 2008. Et s’oppose à la PMA, y compris pour les couples hétérosexuels, car l’enfant doit être le fruit de la communion des conjoints. Les évêques de France, dans leur déclaration « la Dignité de la procréation » (2018), soulignent que « la souffrance liée au désir d’enfant ne peut être ni minimisée ni abordée par le seul remède de la technique ». Bioéthique : les propositions explosives du rapport parlementaire 2
Aleteia du 22 janvier 2019 par Xavier Mirabel Le rapport de la mission d’information sur la révision de la loi bioéthique dynamite les principes protecteurs de la bioéthique française. La mission d’information parlementaire sur la bioéthique vient de rendre son rapport. Le député LREM Jean-Louis Touraine, anciennement socialiste, franc-maçon revendiqué, est le rapporteur de cette commission. Il avait la charge de rédiger le rapport final, rapport qui a vocation à éclairer les députés lors de la prochaine discussion du texte. Dans le quotidien Libération, le journaliste Éric Favereau assure que « c’est une vraie révolution qui est proposée en matière de bioéthique ». Pour l’association Alliance Vita, « le rapport de la mission d’information sur la révision de la loi bioéthique avance des propositions explosives qui ruinent les principes protecteurs de la bioéthique française ». En effet, tout y passe : de la recherche sur l’embryon à l’eugénisme prénatal, de la dérégulation de l’assistance médicale à la procréation aux pressions sur les personnes en fin de vie pour récupérer leurs organes ! La seule barrière qui persisterait serait la non-autorisation de la GPA, autrement dit la procréation en ayant recours à des mères porteuses. Mais les enfants issus de GPA réalisée à l’étranger seraient automatiquement inscrits à l’état-civil français. Le rapport propose aussi d’instituer dans la loi le « parent d’intention » une nouvelle définition du parent. Après la redéfinition du mariage, de la famille, nous voici à redéfinir le parent. C’est l’idéologie qui guide nos politiques. Un même mépris pour le débat et pour l’éthique Agnès Thill est députée LREM aussi. Elle est membre de la mission d’information parlementaire. Elle a publié sur son blog une longue analyse très critique de ce rapport, analyse dont je vous recommande la lecture. Conséquence ? Elle a subi un tsunami d’insultes et d’agressions de la part de ses collègues députés d’En Marche. Drôle de conception du débat… Pour Jean-Louis Touraine, « il ne s’agit plus de choisir aujourd’hui entre un bien et un mal, dit-il, car il n’y a plus de vérité unique ». Quel mépris pour l’éthique, pour la protection des enfants, pour les Français qui se sont fortement mobilisés pendant les états généraux de la bioéthique ! C’est révoltant ! Tout cela laissera des traces profondes et suscitera de bien légitimes colères. L’euthanasie en Belgique sous la loupe de la Cour européenne des droits de l’homme Gènéthique du 23 janvier 2019 La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) vient de recevoir la requête d’un plaignant suite à l’euthanasie de sa mère en Belgique. Une première qui pourrait contraindre l’Etat belge à justifier sa loi. Carine Brochier de l’Institut Européen de Bioéthique revient pour Gènéthique sur les enjeux de cette affaire. La CEDH vient d’accepter de se prononcer sur un cas d’euthanasie en Belgique. Que représente cette décision ? 95 % des dossiers qui sont présentés à la CEDH ne dépassent pas le seuil de la recevabilité. La décision de se pencher sur la requête Mortier vs Belgique a donc un caractère assez exceptionnel. Dans ce dossier, la CEDH va examiner si l’euthanasie de Godelieve de Troyer, la maman du requérant, Tom Mortier, bafoue un droit humain fondamental. 3
Dans ce cadre, la Cour a interpellé le gouvernement belge, qui a jusqu’au mois d’avril pour présenter une défense. Le requérant, Tom Mortier, sera à son tour entendu, et ce n’est qu’après cet échange d’arguments que la Cour statuera. C’est la première fois qu’en matière d’euthanasie, les juges de la CEDH acceptent de s’interroger pour savoir si un droit humain a été piétiné. La requête déposée s’appuie sur l’article 2 de la CEDH. Cet article, assez explicite, s’intitule d’ailleurs « droit à la vie ». C’est le premier droit substantiel proclamé dans la Convention et l'un des droits essentiels car considéré comme « le droit humain le plus fondamental de tous » ou comme le « droit suprême de l'être humain », mais surtout comme « la condition d'exercice de tous les autres ». Si toute personne a droit à la vie, ce droit doit être protégé par des lois, ce qui implique pour l’Etat d’interdire toute atteinte à la vie de ses citoyens et, en corolaire, lui intime l’obligation de protéger la vie des personnes les plus vulnérables. C’est sur cette base que l’avocat de Tom Mortier, Robert Clarke d’ADF International, a fondé sa requête. Quels sont les faits présentés à la Cour ? La mère de Tom Mortier était en condition de souffrance psychique avérée. Depuis 20 ans, elle était suivie pour une dépression grave. Elle avait fait appel à plusieurs médecins, avant de trouver un praticien qui a accédé à sa demande d’euthanasie. Certains praticiens, en effet, sont plus enclins que d’autres à avaliser les demandes d’euthanasie. Au nom de la liberté et du droit des patients, la loi belge n’interdit pas ce qu’on appelle couramment le « shopping » médical. Si votre médecin traitant estime que vous n’entrez pas dans le cadre légal permettant l’euthanasie, vous pourrez toujours chercher ailleurs, et éventuellement trouver un médecin plus « accommodant », qui, même s’il ne vous a pas suivi dans la durée, provoquera votre mort dans ce qu’il jugera le respect du cadre légal. En Belgique, Tom Mortier a porté plainte contre le Dr Wim Distelmans qui a euthanasié sa mère, mais sa plainte a été classée sans suites. Comment le Ministère public belge est-il arrivé à cette conclusion ? Pour le Ministère public, l’euthanasie a été pratiquée dans des conditions qu’il considère comme « légales ». Tom Mortier quant à lui, estime qu’une loi basée sur des termes et des conditions tellement subjectifs, est en réalité absolument incontrôlable : en effet, comment mesurer le fait que les souffrances soient inapaisables ? De plus, comment peut-on être sûr, absolument sûr, que tout a été tenté pour alléger la souffrance et qu’il n’y aura pas de déclic imprévisible conduisant à un changement d’avis de la personne, un désir de vivre, surtout quand il s’agit de souffrances psychiques ? Comment affirmer qu’il n’y a aucune rémission envisageable ? Ariane Bazan, Professeur de psychologie clinique à l’Université Libre de Bruxelles, affirmait ceci : « Dépressions sur dépressions, récidives sur récidives, dépressions psychotiques. Même dans ces cas-là, rien ne prouve que ce soit incurable. On voit de drôles de choses parfois. Une nouvelle cuisinière qui arrive dans l’hôpital et une connivence se crée parfois… »* Mais il y a un autre aspect inquiétant : la loi requiert que la personne demandant à être euthanasiée soit capable et consciente, donc apte à exprimer sa volonté ; sa demande doit être volontaire, réfléchie et répétée, et ne peut résulter d’une pression extérieure. Nous avons tous connu dans notre entourage des personnes atteintes dans leur psychisme : comment croire qu’une personne dispose, même en période paisible, de toutes ses capacités et de son équilibre, lorsqu’une maladie psychique la torture ? Les psychologues, les thérapeutes, répètent que l’un des symptômes de la pathologie psychiatrique est précisément ce désir de mort. Je pense aussi à Laura, une jeune femme de 24 ans. Elle avait planifié son décès. Elle a été suivie tout au long de son cheminement par des caméras de télévision et puis, la veille du jour de son décès programmé, elle a tout arrêté et en Belgique, Laura ne sera finalement pas euthanasiée. Il y a toujours des impondérables et il est de notre devoir de tout faire pour aider ces personnes à vivre. En Belgique aujourd’hui, nombreux sont les soignants qualifiés qui, heureusement, s’opposent ouvertement à l’euthanasie pour seule souffrance psychique et en cas de maladies psychiatriques. 4
A ce sujet la prise de position de plus de 253 soignants dont de nombreux psychiatres et psychologues** est un cri d’alarme dont il faut tenir compte. Elle témoigne de la prise de conscience croissante des soignants. Ils s’interrogent et, loin de tout formatage idéologique ou militant, ils réalisent que cette loi en vigueur depuis 18 ans, dérape totalement. Un avis du Comité Consultatif de Bioéthique de Belgique a été publié récemment. Il aborde des questions essentielles telles que : qu’est-ce que la souffrance, la douleur, le fondement médical ? Toutes ces notions qui constituent le socle de la loi dépénalisant l’euthanasie. Il aura donc fallu 18 ans pour que les spécialistes et les éthiciens, les politiques, les médecins, les juristes se posent les questions essentielles qui auraient dû être étudiées avant la loi ! En attendant, il y a eu plus de 17 000 personnes euthanasiées depuis 2002, dont plusieurs centaines pour seules souffrances psychiques… Notez-vous des évolutions dans le monde politique sur cette question ? Il existe dans certains partis politiques, des voix (trop timides) demandant une évaluation en profondeur de la loi, avec comme priorité l’abandon de l’euthanasie pour seules souffrances psychiques. Quand l’Institut Européen de Bioéthique communique avec la société civile, nous soulignons le paradoxe : d’un côté nos gouvernants mettent en place des services d’écoute et de prévention du suicide, des lieux d’accompagnement, des équipes qui se déplacent en pleine nuit et sauvent la vie de personnes déprimées et atteintes par une maladie psychiatrique. De l’autre, on propose d’euthanasier, après « mûre réflexion collégiale », des personnes atteintes du même mal ! Pourtant, la politique de prévention du suicide est essentielle sur cette question de vie et de mort. Les malades psychiatriques ont besoin d’être accompagnés, soignés, aimés, entourés, protégés, parfois contre eux-mêmes. Il ne revient pas aux soignants de provoquer leur mort. L’Etat a le devoir de protéger les droits des personnes vulnérables. Un pays qui autorise, comme la Belgique, l’euthanasie des personnes fragiles psychologiquement, respecte-t-il ce droit humain fondamental de chacun, le droit d’être protégé et gardé en vie ? Dans le cas Mortier vs Belgique, le requérant veut montrer que la Belgique, par cette loi euthanasie, ne protège pas une catégorie de ses citoyens, mais qu’elle enfreint les droits humains fondamentaux. Mais est-ce qu’on ne peut pas dire que finalement, au nom de l’autonomie, la décision de mourir était la sienne. Pourquoi ne fallait-il pas la respecter et l’aider à mourir ? Ce que remet en cause la mort de Godelieve de Troyer, c’est précisément le dogme de l’autonomie qui considère que c’est SA décision à elle d’être tuée, qu’elle est autonome dans son choix et qu’il n’est même pas utile que quelqu’un prévienne la famille de ce qui va se passer. N’y a-t-il pas ici un aveuglement idéologique à penser que ce geste de mort provoquée ne concerne que la personne qui le demande ? Peut-on vraiment croire que cette décision ne touche ni sa famille, ni les soignants, ni la société dans son ensemble ? A l’Institut Européen de Bioéthique, nous recevons les témoignages des soignants, mais aussi des enfants de personnes qui ont été euthanasiées. Un médecin nous a dit récemment qu’il ne pratiquait l’euthanasie que le vendredi car il avait besoin d’un week-end entier pour s’en remettre. Que dire encore de cette femme qui voulait accompagner, jusqu’au bout et dans la tendresse, son père atteint d’un cancer qui lui, au nom de son autonomie, voulait en finir. Cette femme est aujourd’hui blessée et a recours à un psychologue… Les médecins lui disent qu’elle doit respecter le choix et la volonté de son père. Devons-nous vraiment nous incliner devant ce choix de mort ? Nous inclinons-nous devant un geste de suicide ? Or, il me semble que le suicide et l’euthanasie ont de nombreux effets collatéraux négatifs en commun. La relation entre Tom Mortier et sa mère n’était, dit-il, sans doute pas optimale. Fallait-il la laisser telle quelle ? Les médecins, en provoquant la mort d’une personne fragilisée, ont-ils envisagé un instant les effets destructeurs sur Tom, sa famille, ses enfants, et leur histoire familiale ? Cette tragique histoire montre combien une famille a été largement et définitivement affectée. L’autonomie ainsi comprise est un non-sens et, sans porter aucun jugement sur sa personne, cette femme a laissé derrière elle beaucoup de souffrances ; son euthanasie a brisé quelque chose chez ses descendants. 5
Il est sans doute difficile de comprendre combien elle souffrait, mais ce qu’elle lègue à ses enfants, à ses petits-enfants est extrêmement lourd. On peut comprendre la révolte de Tom Mortier surtout vis-à-vis des médecins qui ont provoqué l’irrémédiable. Dans le débat autour de l’euthanasie, on se fige sur le respect et le contrôle de la loi. L’enjeu véritable est ailleurs me semble-t-il. Ce n’est pas rendre service aux vivants que de provoquer la mort de ceux qui demandent à mourir. C’est aussi abîmer la vocation des médecins que de leur demander de poser ces actes qui provoquent la mort. Voulons-nous être soignés par des médecins « abimés » ? Quel impact peut avoir une telle procédure de la CEDH sur les médecins ? L’implication morale de la procédure pour les médecins est lourde. C’est la troisième fois en peu de temps que des médecins sont pointés du doigt. On peut penser que cette succession de poursuites judiciaires refroidira les plus enclins à euthanasier des patients psychiatriques. Du moins seront-ils plus prudents ou moins ostentatoires. Il faut espérer qu’il y aura une prise de conscience. Le nombre d’euthanasies pour souffrances psychiques ne cesse d’augmenter. On dénombre 77 cas ces deux dernières années. Au regard des 4 337 euthanasies pratiquées sur la même période, ce chiffre semble faible, mais il ne cesse d’augmenter et manifeste clairement la montée d’une mentalité euthanasique. En réaction, quelque chose bouge en Belgique, me semble-t-il : des lettres ouvertes, la démission d’un membre de la commission de contrôle de l’euthanasie et la parole libérée de certains médecins qui disent « Euthanasie, faut pas pousser ! » et « pas dans mon service ! ». Le prochain épisode prévisible en vue d’un nouvel élargissement du cadre de la loi sera probablement celui de la liberté des institutions de soins, qui elles aussi, sont menacées par le totalitarisme de l’euthanasie. Il est grand temps de s’interroger. Le cas Mortier vs Belgique pourrait-il remettre en question l’euthanasie demandée pour d’autres motifs ? La démarche de Tom Mortier et de ses avocats auprès de la CEDH est le cri de révolte d’un homme, qui pourrait aider à ouvrir les yeux en Belgique. Et pas seulement ceux des soignants. Notre société ne grandit pas en humanité en répondant à la demande légale d’être tué, quelle que soit la souffrance, que ce soit en phase non terminale, ou s’il ne lui reste que trois jours à vivre. Il est du devoir de la société, de chacun d’entre nous, d’accompagner les plus fragiles, les plus vulnérables, ceux qui souffrent. Ce doit être notre premier investissement familial et humain, économique et culturel. Prendre soin des plus fragiles, nous rend plus humain. Le psychiatre et neurologue Viktor Frankl l’a si bien exprimé par la logothérapie : « Face à l’absurde, les plus fragiles ont développé une vie intérieure qui leur laissait une place pour garder l'espoir et questionner le sens ». Traverser ensemble l’épreuve et la souffrance, est porteur de sens. N'en avons-nous pas tous besoin ? De plus en plus d'avortements tardifs au Royaume-Uni : une banalisation de l’IVG Society for the Protection of Unborn Children du 24 janvier 2019 Depuis cinq ans, 15 000 fœtus britanniques ont été avortés en fin de grossesse. Le secrétaire d’Etat à la Santé et aux Affaires sociales vient de révéler les statistiques sur les avortements tardifs au Royaume-Uni. Les avortements dits « tardifs » sont pratiqués après la 20ème semaine de grossesse. L’avortement est autorisé jusqu’à la naissance en cas de handicap, trisomie ou autre malformation fœtale. Ce nombre augmente depuis cinq ans : 2 753 en 2013, 3 564 en 2017. Soit une augmentation de 30 % en cinq ans, pour un total de 14 996 avortements. Parmi les bébés avortés en 2017, 3 314 l’ont été à cause d’un « risque que l'enfant naisse gravement handicapé ». 6
Rien que pour la trisomie 21, le nombre d’avortements a augmenté de 50 % en dix ans*, « malgré une prise de conscience plus positive des personnes vivant avec cette maladie ». Et le personnel médical fait état d’une pression très forte sur les parents pour effectuer les dépistages prénataux, puis, en cas d’anomalie fœtale, pour avorter. Pourtant « des études montrent que les parents ne regrettent presque jamais de porter à terme un bébé qui va mourir »**. Sans compter, que malgré des avortements tardifs, de plus en plus d’enfants naissent vivants***. Si aucune statistique n’est établie sur le sujet, le Royal College of Obstetricians and Gynaecologists a rédigé plusieurs pages sur la façon de gérer cette question. A vingt semaines de grossesse, le cerveau du fœtus fonctionne déjà, et son cœur bat. Il a des cheveux et des ongles, sa mère sent ses coups de pieds et son hoquet. Il est même capable de réagir à des stimuli douloureux. A cet âge, personne ne peut affirmer que le fœtus n’est qu’un amas de cellules. L’augmentation des avortements à ce stade avancé témoigne d’une « normalisation de l’avortement », qui est un « signe inquiétant » de la façon dont la mort devient une « solution médicale ». *Trisomie 21 : le nouvel eugénisme américain ? **Soins palliatifs néonataux : Rencontrer son enfant qui va mourir ***Heily, née vivante après une IMG, va bien. Ses parents sont heureux. Leur enfant survit à un avortement, la famille porte plainte pour erreur médicale Publicité pour l’IVG en Allemagne : un projet de loi va être examiné pour assouplir l’interdiction AFP du 29 janvier 2019 En Allemagne, l’interdiction de faire de la publicité en faveur de l’IVG devrait être assouplie. Les médecins et gynécologues pourraient être autorisés à indiquer sur leur site Internet qu’ils pratiquent des avortements et à mettre un lien vers le site Internet du planning familial. Des informations qui ne seront donc plus considérées comme de la promotion de l’IVG, délit passible de « jusqu'à deux ans d'emprisonnement ou une amende », selon l'article 219a du Code pénal. Le ministre de la Santé, Jens Spahn, est opposé à cette modification, demandée par la majorité. Le projet de loi sera examiné en conseil des ministres le 6 février prochain. Bioéthique : un rapport parlementaire explosif La Lettre de Galilée du 29 janvier 2019 par Vincent Fromentin Dernière étape du cycle de révision des lois de bioéthique, une mission parlementaire, présidée par Xavier Breton (député LR), avec pour rapporteur Jean-Louis Touraine (député EM), a remis le 15 janvier dernier son rapport sur un sujet attendu mais épineux. 7
Un rapport de plus diront les mauvaises langues après celui de l'Agence de Biomédecine en janvier 2018, des États généraux de la bioéthique en juin, du Conseil d'État en juillet, du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) en septembre, de l'Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) en octobre. En tout, plus de 1600 pages à lire avec la plus grande attention pour tenter de se faire une idée sur le « monde que nous voulons pour demain », pour reprendre les termes ambitieux, mais tellement réalistes, des États généraux. Les réactions n'ont pas manqué dans la presse. La Croix s'émeut d'un rapport qui « ouvre grand les portes », Jean Leonetti dénonce sur RCF un « parti pris idéologique », un « rapport de trop » pour Famille Chrétienne. Des réactions de réactionnaires en somme. Il n'y avait bien que Le Monde pour se réjouir d'un rapport « audacieux »... Lors du vote sur ce rapport parlementaire, Jean-Louis Touraine prévient : « Le rapport surprend ? Peut-être mais, dans le fond, ce n’est pas une mauvaise chose : quand les conclusions d’un rapport correspondent trop à ce que l’on attendait et sont trop conventionnelles, on le lit avec moins d’intérêt. (...) Les connaissances existantes ont nourri ce travail. (...) Je respecte parfaitement les croyances, mais il est moins aisé de débattre de façon rationnelle sur des croyances que sur des connaissances. Le parti pris adopté a été de fonder ce rapport sur les connaissances, sur l’état de l’art sur les différents sujets. (...) Nous pouvons débattre sur ces connaissances. Cela ne nous empêche pas d’avoir chacun notre propre philosophie, fondée sur des croyances ou d’autres points de vue, mais c’est là un élément qui vient en sus du corpus des connaissances. » Plus loin, sur l'ouverture de la procréation médicalement assistée aux femmes non stériles : « d’aucuns trouvent injuste que la PMA ne soit accessible qu’aux seuls couples hétérosexuels. Les femmes homosexuelles ont le droit de se marier et d’adopter, c’est-à-dire d’élever des enfants. Pourquoi n’auraient-elles pas le droit de faire des enfants pour les élever ? Pour une question d’égalité, certains estiment donc qu’il faudrait étendre le droit d’accès à la PMA. C’est un point de vue. Même si c’est aussi mon point de vue, je comprends que d’autres ne le partagent pas et considèrent que cela reviendrait à organiser des naissances d’enfants volontairement dépourvus de père. Est-ce que cela va engendrer des conséquences ? La question est légitime ; c’est une vision du bien. Même si les nombreuses études montrent toutes que les conséquences ne sont pas redoutables, je peux comprendre que chacun ait sa propre idée du bien ». L'argumentaire du rapport repose sur l'idée de s'abstraire de toute vision partisane pour produire un état de l'art, un exposé sur l'état des connaissances actuelles. Et c'était aussi la position de Jean-François Delfraissy, président du CCNE : « Je ne sais pas ce que sont le bien et le mal, et vous avez de la chance si vous le savez vous-même ! En tout cas, le CCNE n’est pas là pour indiquer où se trouvent le bien et le mal. » avait-il lancé dans Valeurs Actuelles en mars dernier. Autrement dit, d'un point de vue philosophique, pour réviser une loi qui encadre les enjeux de bioéthique à venir, on ne se base plus que sur l'état des connaissances, sur les seules possibilités techniques. C'est-à-dire que s'il est possible techniquement de réaliser des naissances artificiellement, ex utero, pourquoi ne pas le rendre juridiquement possible si cela permet à des femmes ou des hommes de combler leur désir ? « Il faut prendre en compte l’accélération des avancées scientifiques et des technologies biomédicales, dans un contexte de mondialisation des enjeux de santé et de recherche, ainsi que les nouvelles demandes de la société induites par ces innovations » souligne le rapport. Exit l'éthique, si la science répond aux droits de chacun. C'est un argumentaire qui peut paraître dangereux car il légitimerait in fine le transhumanisme ou l'eugénisme. Pour le rapporteur de ce rapport explosif, la loi devrait s'adapter à cette marche du progrès. S'y opposer ou émettre des réserves ne relève plus de l'éthique mais de la croyance. C'est cette manière inhabituelle de poser les choses qui fait regretter au Dr Jean-Yves Nau cette « bioéthique à la française » : « comment invoquer la prudence quand, précisément, on entend graver dans le marbre de la loi des dispositions opposées à ce qui, depuis plus d’un demi-siècle, fonde, définit et structure "la bioéthique à la française" ». 8
Alors justement le Gouvernement souhaite dépassionner le débat. L'alchimie du Grand Débat pourra peut-être transformer la « colère des gilets jaunes en solution » comme l'espérait Emmanuel Macron qui souhaite aussi que la « PMA pour toutes » puisse devenir un « sujet sur lequel la France ne se déchire pas ». Il faudra donc beaucoup de pédagogie pour faire passer la prochaine loi de bioéthique et, surtout, faire taire les voix dissidentes, comme celle d'Agnès Thill (En Marche), certainement encore trop maladroites... Le Gouvernement prévoit d'ailleurs des séminaires pour instruire les députés sur les enjeux bioéthiques comme le révèle le JDD. Qui évoque aujourd’hui les dangers de la marchandisation du corps humain ? Le rapport Touraine dans ses recommandations pousse délibérément les possibilités actuelles de la technique pour susciter le débat. Mais qui parlera, par exemple, de Cryos, la plus grande banque de sperme d’Europe, pour les cliniques et les particuliers, qui s’enorgueillit d’avoir fabriqué déjà plus de 65 000 enfants, où l’on peut acheter et sélectionner son échantillon à partir de différents critères et même à partir de photos de donneurs ? Combien de temps les Centres d'Etudes et de Conservation des Œufs et du Sperme français (CECOS), où sont congelés 220 000 embryons, résisteront-ils à la loi puissante du marché ? Clonage, manipulation de génome… Les avancées scientifiques sont-elles toutes bonnes à prendre ? Le Quotidien du Médecin du 28 janvier 2019 par Elsa Bellanger Les progrès techniques et scientifiques en capacité de bouleverser notre rapport au monde et notre humanité se multiplient. Nos sociétés étant façonnées par les innovations, faut-il toutes les appliquer ? Chercheurs, médecins, mais aussi citoyens sont confrontés à la nécessité d’un questionnement éthique. L’annonce en novembre dernier, de l’utilisation par le généticien chinois He Jiankui de l’outil d’édition CRISPR pour manipuler l’ADN de jumelles et leur conférer la capacité de résister à une infection par le virus du Sida, a rappelé brutalement à quel point les progrès scientifiques et techniques sont en capacité de bouleverser notre humanité et celle des futures générations. Cette expérience, réalisée sans concertation ni validation d’un comité d’éthique, remettait du même coup sur le devant de la scène la nécessité d’un questionnement éthique. « L’équation au cœur de l’éthique est simple, résume le Pr Jean-François Mattei*, ancien ministre de la Santé et ancien membre du Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Quand il y a de nouvelles connaissances, nous sommes face à de nouvelles situations devant lesquelles de nouveaux choix, c’est exercer une liberté et assumer une responsabilité. Quand aucun principe moral n’éclaire un choix, l’éthique doit se frayer un chemin ». Ce cheminement se révèle actuellement d’autant plus nécessaire que les innovations que l’on dit désormais « disruptives », sont réalisées dans un contexte international de compétition scientifique, qui touche la recherche privée aussi bien qu’académique et se caractérise, en l’absence d’instance dédiée, par une dérégulation. Penser les impacts sociétaux des avancées scientifiques Chercheurs, médecins, mais aussi citoyens, sont ainsi confrontés à l’urgence de définir ce qui est souhaitable ou acceptable. Cette ligne de crête impose de réfléchir aux conséquences et aux impacts sociétaux des avancées scientifiques. « Il est nécessaire de distinguer la qualité du jugement de la valeur scientifique d’une innovation, d’une part, et l’évaluation de la caractéristique éthique de son application, d’autre part. Ce sont deux efforts distincts qui doivent être menés séparément, rappelle le Pr Axel Kahn, généticien, membre du CCNE de 1992 à 2004. 9
Dans le cas du clonage de la brebis Dolly par une équipe britannique en 1996, par exemple, l’intérêt scientifique de l’expérience ne doit pas permettre d’occulter l’aspect extrêmement répréhensible du clonage humain ». « En bioéthique, certains possibles ont un impact déterminant sur nos représentations de l’humain et sur les générations futures et invitent à la prudence, voire à un moratoire. D’autres s’imposent à nous de par leur bénéfice et par l’amélioration de la condition humaine qu’ils apportent. Le préalable est de définir ce que l’on considère favorable et pour qui », ajoute Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale à l’Université Paris-Saclay, directeur de l’Espace de réflexion éthique Île-de-France. Ce préalable renvoie aux critères de jugement sur lesquels les choix éthiques s’opèrent. « S’il ne doit pas y avoir de limites à la recherche », estime Axel Kahn, des textes internationaux offrent des pistes pour définir un cadre éthique au progrès scientifique : le Code de Nuremberg, élaboré après la découverte des atrocités réalisées par les médecins nazis, de même que la convention d’Oviedo (1999) qui vise la protection des individus et de la dignité de l’être humain dans les applications de la biologie et de la médecine. « Les dispositions de ces textes restent valables et encadrent les conditions d’une expérimentation, juge Axel Kahn. Quatre grands principes en ressortent et constituent un socle pour la pensée éthique : ce sont l’autonomie et l’obligation d’un consentement libre et éclairé, le principe de bienveillance (au bénéfice des personnes), et celui de non-malveillance et, enfin, le principe de justice ». Selon Jean Leonetti, ancien député (LR), coauteur de la loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie adoptée en 2005, ces grands principes s’inscrivent par ailleurs dans deux postures théoriques : « celle qui pose que tout ce qui est possible n’est pas éthiquement souhaitable et une théorie utilitariste selon laquelle tout ce qui est possible s’appliquera de toute façon ». Ainsi, « le débat éthique est toujours un conflit de valeurs. Ce n’est pas le bien contre le mal, mais un affrontement entre deux biens. Dans le débat sur l’assistance médicale à la procréation par exemple, le conflit oppose l’éthique de la liberté et de l’autonomie (choix individuel) face à l’éthique de la vulnérabilité (protection) ». Un questionnement permanent En France, la tradition relève plutôt de la prudence, via notamment le recours à des moratoires. « Entre la peur des avancées et du progrès et la confiance dans la science et sa régulation par le bon sens, la France tend à attendre une maturité de la technique et de la société, estime le Pr Jean- Louis Touraine, député LREM et rapporteur de la mission d’information sur la révision de la loi Bioéthique. Sur l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, les expériences menées dans les pays voisins offrent une base pour statuer. Cette approche, dans l’entre-deux, offre la possibilité d’apporter satisfaction aux deux idéologies ». Ces questions nous rappellent que la science évolue dans un contexte social tout en façonnant nos sociétés. Ainsi, les recherches sur l’embryon ont ouvert un champ des possibles et d’espérance, mais n’ont été que progressivement acceptées après avoir été interdites. Dans ce contexte, les chercheurs, mais aussi les médecins, ont une responsabilité à assumer et ne peuvent travailler en huis clos. « Les acteurs de la recherche doivent intégrer les sciences humaines et sociales dans leurs travaux. René Frydman, le père des bébés éprouvettes, s’était entouré de sociologues, de psychologues, d’anthropologues, etc., souligne Emmanuel Hirsch. C’est bien en amont que la réflexion doit débuter. Il s’agit de mettre en œuvre une éthique d’anticipation. On le voit avec la mise au ban du généticien He Jiankui, l’éthique a posteriori n’est plus satisfaisante ». C’est tout le sens des comités éthiques créés au sein des structures de recherche françaises. « La formation à l’éthique des chercheurs vise à les éveiller, à les faire pénétrer dans un univers qui n’est pas le leur. Les scientifiques sont beaucoup dans le comment, or, ils ne peuvent échapper à la question du pourquoi », indique Jean-François Mattei. Cette perspective apparaît d’autant plus nécessaire que la confiance dans la science et ses progrès est parfois mise à mal, comme nous le rappellent notamment les mouvements contre la vaccination. 10
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