TRADUIRE LES LIVRES SACRÉS - L'ART DE REFUSER UN CONTRAT - BANQ

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TRADUIRE LES LIVRES SACRÉS - L'ART DE REFUSER UN CONTRAT - BANQ
MAGAZINE D’INFORMATION SUR LA LANGUE ET LA COMMUNICATION                                                                               Numéro 77 • Automne 2002

                                                                                                                                             www.ottiaq.org

                                                            T R A D U I R E L E S L I V R E S S AC R É S   L’A RT D E R E F U S E R U N CO N T R AT
Envoi de publication canadienne convention numéro 1537393
TRADUIRE LES LIVRES SACRÉS - L'ART DE REFUSER UN CONTRAT - BANQ
2021, avenue Union, bureau 1108
                                     Publié quatre fois l’an par l’Ordre des traducteurs,
                                                                                                                                                                                                                                       Montréal (Québec) H3A 2S9
                                      terminologues et interprètes agréés du Québec
                                                                                                                                                                                                                                       Tél. : (514) 845-4411, Téléc. : (514) 845-9903
                                                                                                                                                                                                                                       Courriel : circuit@ottiaq.org
                                                                                                                                                                                                                                                                                                          Nous aimons
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                                                                                                                                                                                                                                                                                                            vous lire.
                             Vice-présidente, Communications — OTTIAQ                                                                                                                                                      Publicité                                                                      Écrivez-nous
                             Danielle Henripin                                                                                                                                                                             Jérôme Demers, Agence Tournesol
                             Direction
                                                                                                                                                                                                                           Tél. : (514) 398-9838 (221)
                                                                                                                                                                                                                           Téléc. : (514) 398-9800
                                                                                                                                                                                                                                                                                                           pour nous
                             Michel Buttiens
                             Rédactrice en chef                                                                                                                                                                            Avis aux auteurs : Veuillez envoyer votre article à l’atten-                     faire part
                             Gloria Kearns                                                                                                                                                                                 tion de Circuit, sous format RTF, sur disquette ou par cour-

                             Rédaction
                                                                                                                                                                                                                           rier électronique.
                                                                                                                                                                                                                           Toute reproduction est interdite sans l’autorisation de l’éditeur et de
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                             Betty Cohen (Sur le vif), Didier Lafond (Curiosités), Solange                                                                                                                                 l’auteur. La rédaction est responsable du choix des textes publiés, mais
                             Lapierre (Des livres), Benoît Le Blanc (Classe affaires), Marie-                                                                                                                              les opinions exprimées n’engagent que les auteurs. L’éditeur n’assume
                             Ève Racette (secrétaire du comité), Éric Poirier (Des revues),                                                                                                                                aucune responsabilité en ce qui concerne les annonces paraissant dans
                             Eve Renaud (Notes et contrenotes), Wallace Schwab (Des                                                                                                                                        Circuit.
                             techniques)                                                                                                                                                                                   © OTTIAQ
                             Dossier                                                                                                                                                                                       Dépôt légal - 4e trimestre 2002
                                                                                                                                                                                                                           Bibliothèque nationale du Québec
                             Pierre Cloutier
                                                                                                                                                                                                                           Bibliothèque nationale du Canada
                             Ont collaboré à ce numéro                                                                                                                                                                     ISSN 0821-1876                                                             2021, avenue Union, bureau 1108
                             André Chouraqui, Robert David, Véronique Décarie,                                                                                                                                                                                                                           Montréal (Québec) H3A 2S9
                             Carlos del Burgo, Luc Huard, Margaret Jackson,                                                                                                                                                Tarif d’abonnement
                             Francine Kaufmann, Tania Nicolas, Hart Wiens                                                                                                                                                  Membres de l’OTTIAQ : abonnement gratuit                                         Tél. : (514) 845-4411
                                                                                                                                                                                                                           Non-membres : 35 $ par année (40 $ à l’extérieur du Ca-
                             Direction artistique, éditique, prépresse et impression
                                                                                                                                                                                                                           nada), toutes taxes comprises. Chèque ou mandat-poste à
                                                                                                                                                                                                                                                                                                           Téléc. : (514) 845-9903
                             Mardigrafe inc.
                                                                                                                                                                                                                           l’ordre de « Circuit OTTIAQ » (voir adresse ci-dessus).                       Courriel : circuit@ottiaq.org
                                                                                                                                                                                                                                                                                                      Site Web : http://www.ottiaq.org
                                                                                                                                                                                                                                         Deux fois lauréat du Prix de la meilleure pu-
                                                                                                                                                                                                                                         blication nationale en traduction de la Fédé-
                                                                                                                                                                                                                                         ration internationale des traducteurs.

                                                                                                                                                                                                                           N E RESTEZ PAS
                                        MAGAZINE D’INFORMATION SUR LA LANGUE ET LA COMMUNICATION                                                                                                  Numéro 76 • Été 2002

                                                                                                                                                                                                   www.ottiaq.org

                                                                                                                                                                                                                                                   Veuillez m’abonner à Circuit,
                                                                                                    L E S O U T I LS : N O U V E AU T É S E T E N J E U X   L A L E X I CO G R A P H I E D ’ I C I V U E D ’ E U R O P E

                                                                                                                                                                                                                                     magazine d’information sur la langue et la communication
                                                                                                                                                                                                                                                 (un an, 4 numéros : 35 $ toutes taxes comprises, extérieur du Canada : 40 $)
                                                                                                                                                                                                                                                             Chèque ou mandat à l’ordre de « Circuit OTTIAQ »
                                        Envoi de publication canadienne convention numéro 1537393

                                                                                                                                                                                                                              nom

                                                                                                                                                                                                                              adresse

                                                                                                                                      Circuit
Circuit • Automne 2002

                                       Ordre des traducteurs, terminologues
                                         et interprètes agréés du Québec                                                                                                                                                      code postal
                                      2021, avenue Union, bureau 1108
                                        Montréal (Québec) H3A 2S9
                                        Télécopieur : (514) 845-9903                                                                                                                                                          signature                                                                  date

                         2
TRADUIRE LES LIVRES SACRÉS - L'ART DE REFUSER UN CONTRAT - BANQ
POUR      COMMENCER

L’ancienne et le nouveau                                                                 N   O   77          AUTOMNE              2002

               Michel Buttiens, trad. a.
                                                                                                 Dossier                               5
                                                                                                 C’est vraiment une entreprise
                                                                                                 de longue haleine. Et l’aspect
                                                                                                 symbolique de la source peut
                                                                                                 être intimidant. Mais pour ceux
               Il y a du nouveau à la direction de votre magazine préféré. Comme                 et celles qui se sont, un jour ou
               vous l’apprendrez dans la chronique Sur le vif, si vous habitez vrai-             l’autre, attelés à la traduction
               ment une autre planète, Betty Cohen, jusqu’à tout récemment di-                   partielle ou intégrale de la Bible,
                                                                                                 l’expérience a été des plus
rectrice de Circuit, préside désormais aux destinées de la Fédération internatio-                enrichissantes. Dans la foulée de
nale des traducteurs. Elle a été élue à ce poste au cours du XVIe congrès statutaire             la parution de la Bible Nouvelle
                                                                                                 Traduction, Circuit s’est adressé
mondial de la FIT, tenu à Vancouver au début du mois d’août dernier. Toute l’équipe              à quelques spécialistes du
de rédaction se joint à moi pour l’en féliciter des plus chaleureusement et pour la              domaine, qui parlent de divers
                                                                                                 aspects d’un projet de
remercier d’avoir dirigé le comité avec autant de doigté que de dynamisme depuis                 traduction d’une telle ampleur.
cinq ans.

   Lorsqu’on a goûté à Circuit, il est bien difficile de s’en détacher cependant (j’en           Sur le vif                            19
sais quelque chose), de sorte que Betty conservera son poste de chroniqueuse                     Des nouvelles du congrès de
au sein du comité de rédaction. Nul besoin d’ajouter que, par son entremise, nous                la FIT ; le français en danger
                                                                                                 en France ; remise du Mérite
serons directement branchés sur les cercles mondiaux de la traduction.                           OTTIAQ 2002 ; Notes et
                                                                                                 contrenotes.
    Et voilà ! L’équipe de rédaction a estimé que mon expérience passée de la di-
rection du magazine faisait de moi le candidat idéal pour prendre la relève ; je la
                                                                                                 Des revues                            22
remercie de cette marque de confiance et m’engage à la diriger avec le souci de
                                                                                                 Des chercheurs mettent au jour
l’intérêt des lecteurs dont je crois avoir fait preuve dans un passé pas si lointain.            le « gène de la parole » ; la
                                                                                                 langue catalane et la volonté
    Dans cette livraison, nous vous proposons un dossier sur la traduction des                   d’autonomie ; les difficultés à
livres sacrés, remarquablement coordonné par Pierre Cloutier. Parmi les textes ras-              déterminer si l’emploi d’un mot
                                                                                                 est canadien ou non.
semblés dans ce dossier, tous dus à des experts de grande renommée, nous
sommes particulièrement fiers de publier un article signé André Chouraqui, au-
teur de fascinantes traductions de la Bible et du Coran.                                         Des livres                            24
                                                                                                 Un ouvrage terminologique
    Si vous me permettez un élément de réflexion, à la lecture de ce dossier, je n’ai            pour débutants. Les nouveautés.
pu m’empêcher de penser qu’à l’instar des traductions réalisées récemment pour
le monde du théâtre, on a préféré confier la Nouvelle Traduction de la Bible à des               Curiosités                            26
binômes d’exégètes et d’écrivains, reconnus pour leur plume et parfois aussi, un                 Une réflexion sur le mot « pain »,
peu accessoirement peut-être, pour leur fréquentation de la traduction. Sans doute               le premier mot de l’humanité.
y a-t-il là pour les langagiers actuels un grand défi à relever, celui de prouver que
eux aussi ont l’envergure, la culture et la plume nécessaires pour se lancer, avec               Des techniques                        27
l’aide d’exégètes, dans l’aventure traductionnelle la plus extraordinaire qui soit.              Reverso Expert, Reverso Pro 5
J’imagine déjà saint Jérôme en train de s’en frotter les mains.                                  et Antidote passés en revue.

   Bonne lecture à tous et à toutes.
                                                                                                 Classe affaires                       30
                                                                                                 L’art de dire « non » de façon
                                                                                                 constructive.
From Scotland with love?                                                   date when Gaulish died out in France. Caesar’s campaign (“the Gallic
                              Cette lettre fait écho à l’article « Parlez-vous gaulois ? »               War”) in the 1st Century BC was against Celtic societies which were
                              (Circuit, no 76, p. 23)                                                    linguistically undisturbed except for some urban bilingualism in the
                                                                                                         Greek colonies in the South and the Rhone valley. Linguists are uncer-
                                                                                                         tain about how much Gaulish was spoken in Brittany at the time of the
                                  Dear Circuit,                                                          colonisation from Britain in the 5th and 6th Centuries. Some French
                                  The argument does not surprise me. My Breton friends try to say        linguists believe that Gaulish persisted in the Massif Central well into
                              that Breton is Gaulish, which I consider wrong, but of course the colo-    the Middle Ages.
                              nial British language would a fortiori be subject to Gaulish substra-          About ffroen, etc., it seems very probable. But I am not sure about
                              tum and probably also adstratum influence. I consider the term galleg      the forms srokna—“nose” and srenk—“snore”. The latter looks suspi-
                              used in Breton for French very significant, as is the term brezhoneg for   cious. Could any reader help?
                              Breton.
                                  Two things seemed strange — the date 2nd Century BC for the                                                                             David Clement
                              extinction of Gaulish in North Italy. Linguists do not agree about the                                                                           Scotland

                                 P R O G R A M M E D ’ A S S U R A N C E P O U R L E S M E M B R E S D E L’ O T T I A Q
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                                                                                Le programme d’assurance de                    • assurance auto-habitation
                                                                                l’Ordre des traducteurs, termino-              • assurance vie, accidents, salaire
                                                                                                                               • assurance médicaments
                                                                                logues et interprètes agréés du                • assurance voyage
                                                                                Québec est le seul qui puisse                  • assurance juridique
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                                                                                seul pour lequel une équipe multi-
                                                                                disciplinaire a été mise sur pied à
                                                                                votre intention.
Circuit • Automne 2002

                                                                                                                                HULL • JONQUIÈRE • MONTRÉAL
                                                                                                                                QUÉBEC (Poitras, Lavigueur)
                                                                                                                                SHERBROOKE (Dunn-Parizeau)

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                         4
DOSSIER                    TRADUIRE              LES      LIVRES       SACRÉS

         Traduire les livres sacrés

L
         a diffusion à l’échelle mondiale du judéo-christianisme n’aurait
         jamais pu être réalisée sans que soit tenu l’impossible pari de la
         traduction. C’est par elle que tous les peuples sont venus à la
sainte montagne qu’est le texte biblique. C’est par elle que les mille hori-
zons de l’existence humaine, et notamment l’Amérique, sont devenus an-
nonciateurs de Terres promises. Et, il faut bien l’avouer, c’est elle qui a éga-
lement peint la face sombre de cette aventure excentrée où croisés en
quête d’infidèles, inquisiteurs à la poursuite d’hérétiques et dragons du
roi décimant les parpaillots dans les Cévennes tiraient une tout autre cer-
titude de ces textes, l’assurance du salut pour soi les portant à occire au-
trui. Comme quoi, on est toujours le philistin de quelqu’un…
   C’est que l’on trouve de tout et son contraire dans cette fresque dé-
mesurée, bigarrée et paradoxale comme la vie, dans le lumineux et re-
doutable héritage abrahamique qui a constitué le fondement de la spiri-
tualité occidentale. Il y a de quoi faire sombrer le Proche-Orient dans
l’abîme d’une violence dont celui-ci n’a pas, et de loin, le monopole.
Rappelons qu’il y eut aussi, tout récemment, de quoi libérer l’Europe de
l’Est du poing d’acier qui l’enferrait depuis un demi-siècle.
   Constatation qui livre le secret de l’énigme : les éventuels dérapages
de cette évolution spirituelle séculaire, les compromis et compromis-
sions qu’a inévitablement suscités l’adaptation du message originel aux diverses philosophies, mentalités,
langues et cultures le véhiculant au fil de l’histoire n’ont jamais empêché et n’empêchent pas la génération            Pierre Cloutier, trad. a.

montante de faire table rase du passé pour recommencer à zéro, repartir à neuf et réamorcer l’inépuisable
quête d’un sens dont ces textes témoignent et qu’ils inspirent au lecteur de tous les temps et de tous les lieux.
Et ici, il n’y a plus, pour ainsi dire, « ni Juif, ni Grec, ni esclave, ni homme libre, ni homme, ni femme » car tous
sont animés, chacun selon son époque, sa culture et son génie propre par une volonté commune de transfigurer
la vie. Comme s’ils étaient captifs d’un champ de force, tous sont convaincus d’œuvrer au contact et à la source
de l’océan d’énergie spirituelle dont l’univers est issu, d’être au bénéfice de l’Esprit.
   Les multiples interprétations du texte au fil des siècles forment-elles une série continue et évolutive ou dis-
continue et hétérogène de visions ? Question à laquelle l’histoire des idées n’apporte pas une réponse unanime.
Une réalité demeure. Cette gigantesque, amoureuse et industrieuse entreprise de traduction, où science et
conscience ont conjugué leurs efforts pour relier des intelligences et des cœurs séparés par le gouffre de plus
de deux mille ans d’histoire, pour amener des êtres vivant aux antipodes à communier à des certitudes à tout le
moins issues d’un même tronc commun, est la réalisation capitale des praticiens de notre art, des membres de
                                                                                                                                                        Circuit • Automne 2002

notre profession largement considérée, et constitue l’une de ses contributions les plus marquantes. Elle repré-
sente un fait de culture unique dans l’histoire de la spiritualité humaine. Dans ce dossier, Circuit a voulu déga-
ger certaines des problématiques qui la sous-tendent.

                                                                                                                                                    5
DOSSIER               TRADUIRE               LES              LIVRES                        SACRÉS

                                                                        Traduire la Bible
                                                                        et le Coran au XXI e siècle

                             Traduire la Bible
                                                          M       a traduction de la Bible est née comme le fruit d’un
                                                                  développement organique : mon milieu natal, en
                                                          Algérie française, était un carrefour des langues et des
                                                                                                                                                                               un texte d’une langue sémitique à une langue indo-
                                                                                                                                                                               européenne ou du contexte historique de l’âge du
                                                                                                                                                                               bronze à celui de l’ère atomique.
                                                          cultures française, arabe, espagnole et, pour les Juifs,                                                                 La complexité de la traduction est telle que les
                             ou le Coran,                 spécialement dans ma famille, hébreue et araméenne.                                                                  techniciens ont dû renoncer pour l’instant à la confier
                             c’est s’exposer aux          Chacun y vivait sur plusieurs registres culturels. La tra-                                                           à des ordinateurs. La course en vue d’inventer les ma-
                                                          duction y était un exercice naturel, immédiat sans que                                                               chines à traduire a abouti à un constat d’échec dont
                             problèmes que pose           personne n’ait eu à se poser des questions de problé-                                                                voici, me dit-on, un exemple :
                             l’interprétation             matique et de méthodologie. Vivre, c’était traduire, pour
                                                          le jeune et pour l’ancien, pour le savant et pour l’anal-
                                                                                                                                                                                   Le technicien livre à l’ordinateur le verset « L’esprit
                                                                                                                                                                               est prompt, mais la chair est faible », et celui-ci rend
                             de tout autre texte.         phabète. Mon grand-père a laissé une correspondance                                                                  l’énoncé en russe comme suit : « Les spiritueux saou-
                                                          où il ne lui faut pas moins de cinq langues pour s’expri-                                                            lent vite, mais la viande est avariée ».
                             Mais en plus de se           mer : arabe, français, espagnol, hébreu, araméen. C’est                                                                  La problématique de la traduction de la Bible et du
                             heurter aux écueils          cette expérience ancestrale qui m’a, dès mon adoles-                                                                 Coran est d’abord celle que pose l’interprétation de
                                                          cence, livré aux démons de la traduction.                                                                            tout autre texte. Je suppose connus les problèmes liés
                             propres à son art,                Malgré l’accueil favorable réservé à mes premières                                                              à l’art de traduire quelque texte que ce soit, dans
                             le traducteur                traductions, les choses en seraient restées là sans
                                                          l’élan, décisif pour moi, que m’a donné mon enracine-
                                                                                                                                                                               quelque langue possible, pour ne traiter ici que des
                                                                                                                                                                               difficultés inhérentes à la traduction de la Bible hé-
                             se trouve                    ment à Jérusalem : là, j’ai pu reconsidérer, chaque jour                                                             braïque et de ses fragments araméens. La traduction
                                                          de ma vie, les problèmes et les méthodes de la traduc-                                                               du Nouveau Testament soulève encore d’autres pro-
                             devant le fossé              tion. Je ne dis pas et ne pense pas qu’il suffit de naître                                                           blèmes théoriques et pratiques qui devraient faire
                             impressionnant               à Aïn-Témouchent et de vivre à Jérusalem pour tra-                                                                   l’objet d’une autre étude et que je n’aborderai ici que
                                                          duire la Bible. Je constate simplement que, dans mon                                                                 de manière allusive.
                             du temps écoulé              cas particulier, ces deux facteurs ont certainement
                             et de la différence          joué un rôle et un rôle probablement déterminant
                                                          pour l’entreprise et l’achèvement de mon œuvre.
                                                                                                                                                                               … sauf que…
                             des contextes                     C’est au sommet de la côte que l’on découvre le                                                                     La Bible est un texte écrit en hébreu, parfois en
                                                          mieux le paysage. Après avoir gravi la Bible, de la                                                                  araméen, dans la deuxième moitié du deuxième millé-
                             culturels.                   Genèse aux Chroniques et de Matthieu à l’Apocalypse,                                                                 naire pour ses textes les plus anciens, à la fin du pre-
                                                          et les 114 sourates du Coran, j’ai devant moi la somme                                                               mier millénaire pour ses textes les plus récents. Le tra-
                                                          accablante de problèmes théoriques et des solutions                                                                  ducteur français du XXIe siècle doit faire faire à ces
                                                          techniques que j’ai dû leur apporter empiriquement.                                                                  textes un bond de deux à trois millénaires dans le
                                                          Je dis empiriquement parce que la traduction n’est pas                                                               temps et un saut, beaucoup plus périlleux, du con-
                                                          encore une science bien qu’elle ait besoin du secours                                                                texte culturel de l’hébreu biblique à celui du français
                                                          de toutes les sciences du langage et de l’histoire, à                                                                moderne. À l’énoncé de ce programme, les sages s’en-
                                                          commencer par l’archéologie, la sémantique et la lin-                                                                fuient, et ne restent dans l’arène que des fous qui
                                                          guistique. La traduction est encore un artisanat, dans                                                               savent être des victimes condamnées d’avance.
                                                          le meilleur des cas, un art.                                                                                             La Bible est considérée par les Juifs et par les Chré-
                                                               L’homme moderne sait aller dans le cosmos, mais                                                                 tiens comme un texte sacré, inspiré sinon dicté par
                                par André Chouraqui       il ignore la secrète alchimie qui permet de faire fran-                                                              Dieu lui-même. Qu’il le veuille ou non, le traducteur
                                                          chir à une idée, sans la mutiler, les hermétiques fron-                                                              est pris dans le faisceau, toujours éblouissant, parfois
                                                          tières des langues et des cultures.                                                                                  aveuglant, de cette sacralité. En interprétant le texte
                                                                                                                                                                               de la Bible, il s’en prend à Dieu lui-même. Comme
                                                                                                                                                                               Jacob luttant avec l’ange, il ne peut manquer d’être
                                                          Une traduction comme une autre…                                                                                      blessé au tressaut de la hanche : ainsi, le texte de
                                                              Traduire la Bible, traduire le Coran, c’est affronter                                                            toute traduction doit-il accepter de se traîner en boi-
Circuit • Automne 2002

                                                          les problèmes que pose toute traduction de n’importe                                                                 tant auprès du texte original qu’il prétend refléter,
                                                          quel texte en n’importe quelle langue. Notons ici                                                                    sans jamais y réussir totalement.
                                                          l’extrême rareté des travaux théoriques sur l’art de                                                                     Ce texte sacré est, par surcroît, le plus ancienne-
                                                          traduire. Ceux qui existent, à ma connaissance, dé-                                                                  ment et le plus souvent interprété de tous les livres du
                                                          laissent presque toujours les problèmes particu-                                                                     monde. Il a été traduit en 2 000 langues et dialectes,
                                                          liers qui se posent lorsqu’il s’agit de faire passer                                                                 et de multiples fois dans chacune de ces langues. Pour

                         6                                E s s a y i s t e , p o è t e e t d ra m a t u rg e , A n d r é C h o u r a q u i a t ra d u i t l a B i b l e e t l e C o ra n . I l v i t à J é r u s a l e m .
ce qui est du français, le seul livre des psaumes a été        vanche pour ceux-ci, n’est-il pas vrai, que de donner
traduit plus de 2 000 fois. Ces traductions projettent         leur nom propre à leur vieil adversaire pour que celui-
une ombre géante sur le traducteur moderne, déjà               ci puisse se faire entendre en grec ? La structure du vo-
ébloui par les feux et la sacralité du Texte lui-même.         cabulaire grec des Septante reflète la philosophie
Pour tenter de surmonter sa malheureuse condition, il          grecque, son dualisme foncier qu’elle introduit résolu-
lui faudra faire l’effort nécessaire afin d’échapper à         ment dans la Bible : les Septante distinguent, comme
l’écrasante emprise des habitudes : les traductions ten-       les Grecs, entre l’âme et le corps, entre le temps et
dent un voile d’autant plus épais devant le texte que les      l’éternité, alors que pour les Hébreux, le nephesh dé-
plus célèbres d’entre elles, la Septante, les Targoumims,      signe l’être même de l’homme, en lui-même et sans
la Vulgate et même la King James Version, ou la Bible de       aucune allusion à la division platonicienne âme-corps.
Luther sont elles-mêmes nimbées d’une auréole de sa-           Le ‘Olam désigne la totalité du réel, espace et temps,
cralité qui entoure non seulement la Bible et sa traduc-       perçu dans son insondable mystère, sans aucune allu-
tion, mais souvent aussi ses traducteurs eux-mêmes. La         sion à la distinction temps-éternité ou esprit-matière,
lettre d’Aristée affirme que le texte grec des Septante a      courante en grec.
été dicté par l’esprit de Dieu. Et de fait, pour l’Occident,       À ce prix seulement, les Septante permettent à la
la traduction des Septante a été décisive pour fixer dans      Bible d’être lisible dans toute l’étendue de l’Empire. Elle
toutes les langues où elle est traduite, le vocabulaire, le    devient le texte qui fait autorité d’autant plus aisément
style et parfois les pensées de la Bible. Même lorsqu’il       que la langue de la Bible a presque totalement sombré
entend réagir contre l’hellénisation de la Bible pour re-      dans le naufrage, après l’an 70, de la patrie et du peuple
venir à la véritas hebraïca, si chère à son coeur, Jérôme      des Hébreux. De fait, les traducteurs de la Bible, dans
vit encore sous l’influence des premiers et géniaux tra-       les 2 000 langues et dialectes où elle a été traduite, re-
ducteurs de la Bible en grec.                                  flètent, tous, la terminologie et les structures mentales
                                                               des Septante, plus que celles des Hébreux.

Un monument grec
et non hébraïque                                               Une langue ressuscitée
    Les Septante n’ont pas été seulement les premiers              Le développement des études hébraïques et de
traducteurs de la Bible, mais davantage encore : ils           l’esprit historique, l’essor de nos connaissances ar-
sont les premiers traducteurs de l’histoire universelle.       chéologiques, historiques, linguistiques et exégé-
Ils avaient à se poser toutes les questions auxquelles         tiques ont mis à notre disposition, dans les trois der-
le traducteur moderne, 23 siècles après eux, ne sait           niers siècles, une somme prodigieuse d’information
pas encore comment répondre. Leur œuvre géniale                sans cesse accrue.
constitue, à n’en pas douter, un monument de la civili-            Par surcroît, la résurrection de l’hébreu, redevenu
sation humaine ; mais, à n’en pas douter non plus, elle        la langue vivante du peuple et de l’État d’Israël, a
reflète une époque dont elle déverse les idées, et par-        donné aux biblistes qui le parlent quotidiennement
fois les préjugés, dans le texte de la Bible.                  une sensibilité nouvelle à ses structures linguistiques
    La traduction des Septante est une œuvre résolu-           et au poids spécifique de chaque mot et de chaque
ment apologétique et résolument syncrétiste.                   tournure de phrase. Je ne pense pas qu’il suffise de
    Apologétique, elle est faite pour démontrer aux            parler l’hébreu moderne pour traduire la Bible et, à
Juifs d’Alexandrie et du monde hellénistique que les           bien des égards, il faut se méfier de commettre des
Prophètes avaient au moins autant de philosophie que           anachronismes, toujours possibles à l’hébraïsant mo-
Platon et Artistote. Pour cela, la Bible devait être           derne. Mais, pour la première fois, le bibliste n’est
coulée dans le moule de la pensée et du style de la            plus irrémédiablement condamné à se référer à des
Grèce. Les Septante se livrent d’autant plus allègre-          dictionnaires, eux-mêmes fabriqués en se référant à
ment à cette synthèse que, à leurs yeux, Platon et             des traductions ou à des commentaires : il y a désor-
Aristote sont des disciples de Moïse. Si Platon et             mais l’irremplaçable recours aux valeurs de la langue
Aristote ont lu Moïse, il n’est pas étonnant de retrou-        vivante ressuscitée.
ver dans Moïse les échos de la pensée et de la termi-              Au terme du périple que je viens de faire sur la mer
nologie philosophique des Grecs. Il est possible d’ob-         immense de la Bible, je pense résolument qu’il existe
server l’étonnant mariage de Jérusalem et d’Athènes            différentes manières de lire, de comprendre et donc,
que célèbrent les Septante à Alexandrie.                       d’interpréter la Bible.
    Prenons seulement un exemple de cette alchimie.                Les rabbins disaient que chaque verset de la Bible
À l’époque des Septante, le mot Theos désigne les              a 70 sens. Il y a donc aussi 70 manières de la traduire :
dieux de l’Olympe et le mot Nomos, la loi de ces dieux.        il suffit de lire les traductions modernes de la Bible,
                                                                                                                                                                                           Circuit • Automne 2002

Sans hésiter, les rabbins d’Alexandrie s’approprient           même celles qui se reflètent scrupuleusement les
ces deux termes, les détournent de leur sens originel :        unes les autres, pour saisir combien ils avaient raison.
dans le grec des Septante, Theos désigne Elohims,              Si, bousculant tant d’idées acquises, je propose une
Kyrios désigne Adonaï YHWH et Nomos, sa tora. Si               71e lecture de la Bible, il est bien clair que je n’ai pas
l’on songe que, en son éternité, l’Elohims du Sinaï            la prétention d’inventer une orthodoxie nouvelle
rêvait de détrôner les dieux de l’Olympe, quelle re-           qui remplace les anciennes mais, tout au plus, de

                                                                  I l l u s t ra t i o n s u t i l i s é e s a ve c p e r m i s s i o n ( w w w. a n d re c h o u ra q u i . c o m )
                                                                                                                                                                                       7
DOSSIER   TRADUIRE      LES     LIVRES         SACRÉS

                                           démontrer la nécessité de s’engager en matière de tra-      académique. Il est, à ce point de vue, impossible de
                                           duction de la Bible sur des voies nouvelles où le texte,    continuer à traduire la Bible comme si les prophètes
                                           enfin débarrassé de la poussière des siècles, comme         avaient tous lu les Romantiques et s’étaient appliqués
                                           des a priori théologiques, puisse à nouveau respirer        à écrire à la manière de Chateaubriand et de Lamar-
                                           de son éternelle jeunesse.                                  tine ou de Victor Hugo.

                                           Se libérer des habitudes                                    Le temps des verbes
                                               Le premier commandement du traducteur moderne               Les Septante, la Vulgate et, à leur exemple, toutes
                                           de la Bible, et sans doute celui que j’ai le plus de mal    les traductions de la Bible ont attribué aux Hébreux la
                                           à respecter, est de se libérer du poids des habitudes       conception du temps qu’avaient les Grecs et les
                                           acquises. Celles-ci, je l’ai dit, remontent presque         Latins : pour ceux-ci, il y a un passé, un présent et un
                                           toutes aux Septante, dont l’influence continue,             avenir, qui se conjuguent selon les modalités com-
                                           23 siècles après, de nous écraser.                          plexes du verbe grec ou latin.
                                               Prenons l’exemple des noms propres et des noms              La conception du temps chez les Hébreux et dans
                                           de lieux de la Bible. Les Septante les hellénisent réso-    les langues sémitiques est radicalement différente. Le
                                           lument : Moshè devient Moïsès, Iéhoshoua’ et Ié-            verbe ne décrit pas un temps — passé, présent ou futur
                                           shoua’ deviennent Iesou et ainsi de suite. Les Sep-         — mais une action accomplie ou inaccomplie. Les lin-
                                           tante ne sont pas fâchés de donner une couleur              guistes le savent : « le verbe hébraïque est par essence
                                           « civilisée » aux noms des héros de la Bible, de les li-    intemporel », affirme Petersen. On se heurte constam-
                                           bérer des ombres « barbares » du « patois » de              ment à la difficulté de faire correspondre la valeur des
                                           Canaan ! Mais, compte tenu des habitudes de leur            temps — et plus encore, de l’accord des temps de l’hé-
                                           temps, pouvaient-ils faire autrement ? Les « Aîn » et       breu et du français. Comment, par exemple, traduire
                                           les autres gutturales n’existent pas en grec, pas plus      des mots aussi simples que Az Yashir Moshè — « Alors
                                           que les chuintantes. D’où ces métamorphoses qui             (dans le passé) Moshè chantera » ?
                                           s’imposent par la suite, même dans les langues qui              Les traducteurs ne s’embarrassent pas de ces
                                           auraient pu se dégager de l’empreinte hellénistique et      nuances quand ils mettent presque tout au passé. Et
                                           redonner aux personnages de la Bible leur véritable         sans doute n’ont-ils pas entièrement tort puisque, en
                                           identité sémitique. C’est ainsi que Iéshoua’ continue       fin de compte, nous sommes en présence de deux
                                           de se prononcer Jésus en français et ‘Issa en arabe et      échelles de valeurs dont les barreaux ne correspon-
                                           d’autant de manières différentes qu’il y a de langues.      dent pas.
                                           Parfois, l’éloignement des sources est tel qu’il est im-        J’ai tenté de résoudre le problème insoluble de la
                                           possible de découvrir, sous les plâtres, la véritable       traduction du temps en recourant souvent au présent
                                           identité de l’homme : par exemple, en Angleterre, qui       français. Ce temps, très souple et puissamment évoca-
                                           soupçonne que James, notre Jacques, désigne tout            teur en français, est lui aussi intemporel : la langue de
                                           prosaïquement l’hébraïque Ia’aqob ? Et qui soupçon-         Racine admet le présent historique, qui décrit au pré-
                                           nerait que les Fils de Zébédée sont tout bonnement          sent une action passée, et celle de Claudel utilise
                                           les Bèn Shabtaï ?                                           aussi le présent prophétique, qui met au présent un
                                               Pour ma part, je n’interdirai à personne de conti-      événement futur. Si l’accompli doit continuer à se tra-
                                           nuer à parler de Moïse, de Jésus ou même de James.          duire par le passé, si l’inaccompli peut judicieusement
                                           Mais toute traduction scientifique de la Bible a l’évi-     correspondre à un futur, ces verbes sous leur forme
                                           dent besoin de rompre avec des habitudes injusti-           convertie ont à mes yeux valeur de présent et parfois
                                           fiables de nos jours, pour accéder enfin au respect du      d’impératif.
                                           texte et de sa vérité historique. Ce principe s’applique
                                           en premier lieu pour le nom de Dieu que j’ai simple-
                                           ment transcrit de l’hébreu : YHWH Elohims – sûr, ainsi,
                                                                                                       Les substantifs
                                           de ne pas déformer les significations originelles de ces        Là encore, il faut nous arracher, au prix d’un im-
                                           noms sacrés.                                                mense effort, aux habitudes acquises. Commençons à
                                               La méthode de traduction que j’ai adoptée aspire à      le faire pour les mots qui ont été exactement compris
                                           deux buts principaux : insérer le texte dans son con-       et traduits par les Septante, dans la Vulgate et dans
                                           texte historique pour tenter de le comprendre tel qu’il     les traductions qui en dérivent plus ou moins directe-
                                           l’était par les contemporains du temps où il a été écrit,   ment, y compris à la fin du siècle dernier, la Bible du
                                           et le traduire de telle manière que, tout en lui gardant    Rabbinat français.
                                           les caractères originaux de ses structures linguis-             Prenons par exemple le mot Malakh.
Circuit • Automne 2002

                                           tiques propres, il puisse néanmoins s’insérer dans le           Les Septante le traduisent exactement par le terme
                                           tissu linguistique du français moderne. À ce point de       aggelo que Jérôme et tous les autres traducteurs ren-
                                           vue, le traducteur ne doit pas hésiter à mettre en          dent par « ange », angel, etc. À l’époque des Septante,
                                           œuvre toutes les ressources du français contemporain        cette traduction était parfaite : un « ange » était, en
                                           tel qu’il est écrit à la suite des récentes évolutions du   grec comme en hébreu, le messager d’un homme,
                                           langage, non seulement parlé mais poétique et même          d’un roi ou d’Elohims. Puis, le sort s’est acharné sur

                         8
nos malheureux anges, qui ont beaucoup souffert du
                                                             Homogénéité de la traduction
traitement qu’ils ont subi de la part des peintres, des          Un mot hébreu doit toujours être traduit, lorsqu’il
sculpteurs et plus encore, des théologiens : auréoles,       a le même sens, par le même mot français. Le mot ne
ailes, allures et postures « angéliques » ont été pla-       doit pas être employé pour traduire un autre terme hé-
quées sur leur rude réalité hébraïque. Les kéroubîm,         braïque. Bien entendu, ce principe doit être compris
qui représentaient, dans la conscience des Hébreux,          avec souplesse : un mot employé dans le même sens
de terrifiants animaux mythiques, sont devenus dans          peut être traduit de deux manières différentes s’il ap-
le langage courant de doux et attrayants « chéru-            partient, par exemple, à deux époques différentes ou
bins ». Ces exemples extrêmes montrent bien comment          l’un, à un texte en prose et l’autre, à un texte

                                                                                                            L
le langage des traducteurs, obnubilés par le caractère       poétique. Mais cela dit, le lecteur français                a fonction essentielle
sacré de la Bible et de ses traductions, restait figé dans   n’aura une idée des structures de la langue
                                                                                                                         du traducteur libéré
un vocabulaire qui, dans ses structures essentielles,        hébraïque et de la Bible que lorsqu’il pourra
n’avait pas changé depuis deux millénaires. Or, les          en admirer le reflet dans une traduction qui                des habitudes sera ainsi
mots ont une vie et changent de sens aujourd’hui plus        respecte rigoureusement le principe fonda-                  d’inventer un langage
vite encore que jadis. Il faut donc, pour être exacts,       mental d’homogénéité de la traduction. Pour
cesser de parler d’« anges » et de « chérubins » pour        évident qu’il soit, il faut bien reconnaître qu’il          neuf pour traduire plus
les désigner sous leur vraie nature de « messagers »,        est universellement violé. Le record dans l’hé-             exactement les termes
de « griffons » ou mieux, de kéroubîm. Pour chaque           térogénéité de la traduction est sans doute at-
                                                                                                                         hébraïques par des mots qui
terme, il faut faire le même exercice critique pour savoir   teint par les Septante qui traduisent par un
si le mot choisi a ou a encore dans la langue vivante le     seul verbe grec, poeïen, (faire), 118 verbes hé-            appartiennent au tissu vivant
sens qu’on lui prête et qu’il pouvait avoir jadis.           braïques différents ! L’homogénéité de la tra-              de la langue contemporaine.
     Cet exercice est d’autant plus difficile que les tra-   duction est d’autant plus difficile à obtenir que
ducteurs élevés dans le sérail biblique ont facilement       la traduction mobilise un plus grand nombre
l’illusion de croire que les mots qu’ils utilisent, usés     de traducteurs qui travaillent sur une plus
jusqu’à la corde pendant des siècles par trop d’usage        longue période. L’esprit humain vaut mieux
théologique ou littéraire, ont encore pour le bon            qu’un ordinateur, mais il n’est pas un ordina-
peuple le sens qu’ils ont pour eux. Il faut ainsi scrupu-    teur ; d’où les constants flottements des traductions qui
leusement peser chaque mot dans les balances du              oscillent entre des synonymes pour traduire un même
français contemporain pour savoir s’ils ont encore au-       mot ou, au contraire, interprètent plusieurs termes hé-
jourd’hui leur sens de jadis.                                braïques par le même mot français.
                                                                 J’ai traduit la Bible seul et dans un laps de temps
                                                             relativement court pour m’apercevoir, malgré toute la
Quelques exemples                                            rigueur observée que, à moi aussi, il m’est arrivé de
    La fonction essentielle du traducteur libéré des ha-     pécher par là. Aussi, prenant le taureau par les cornes
bitudes sera ainsi d’inventer un langage neuf pour tra-      et la Concordance de Mandelkern, puis celle de Ibn
duire plus exactement les termes hébraïques par des          Shoshân à pleines mains, j’ai décidé de revoir ma tra-
mots qui appartiennent au tissu vivant de la langue          duction, non seulement phrase par phrase, mais en
contemporaine. Lorsque le mot juste fait défaut, le tra-     vérifiant chaque mot dans chacun de ses emplois,
ducteur ne devra pas hésiter à le rechercher dans les        dans l’ensemble de la Bible, de telle manière qu’au-
immenses réserves, le plus souvent inexploitées, de la       cune place ne soit laissée à l’inadvertance ou à l’er-
langue française. Mon expérience me fait dire que le         reur. La dernière étape de mon travail a consisté ainsi
mot juste que le traducteur recherche pour exprimer          en une révision synchronique et diachronique de l’en-
avec exactitude toutes les nuances d’un concept hé-          semble de mes traductions. L’énoncé de ces principes
braïque existe presque toujours.                             de traduction peut paraître relativement simple, mais
    Le mot Bereshit a été traduit par les Septante En        je sais par expérience combien leur application est
arché (au commencement). Peu après, Aquilas jugeait          difficile.
En arché inexact et remplaçait justement ce terme par            Conscients de l’« impossible possibilité » de la tra-
En Kephalaïon (en tête), qui cerne de plus près le           duction, nous devons cependant nous efforcer de ré-
terme hébraïque. Jérôme, pris entre l’hébreu et les          duire le fossé, parfois l’abîme, qui sépare le texte de
deux traductions grecques, choisit un moyen terme, In        sa version.
principio, que les traducteurs français rendent généra-          Au troisième millénaire, les pionniers de la renais-
lement par « Au commencement ». Or, Bereshit est             sance biblique de notre temps devront avoir l’audace
un mot très certainement voulu. Employé comme                de créer un langage nouveau, des mots neufs, pour
substantif, il n’apparaît qu’une seule fois dans toute la    traduire les plus anciennes réalités de l’univers intel-
                                                                                                                                                           Circuit • Automne 2002

Bible. Il fallait trouver un mot qui, en français aussi,     lectuel des prophètes et restituer à la Bible, en langue
soit un mot voulu et un hapax, comme il l’est en             française comme dans les autres langues, les struc-
hébreu. L’analyse de Bereshit m’a conduit à former un        tures toujours neuves et éblouissantes de son original
néologisme — « Entête » — qui peut ainsi couvrir tous        hébraïque.
les sens de Bereshit dont les siècles n’ont pas épuisé
les significations.

                                                                                                                                                       9
DOSSIER                 TRADUIRE                LES               LIVRES                         SACRÉS

                                                                          Quand l’Ancien
                                                                           Testament parle hébreu
                              Les traductions
                              grecque et latine
                                                            Où il apparaît que la traduction                                                                                           Des formules toutes faites
                              de la Bible ont,              fait figure d’original                                                                                                         Cette histoire heurtée explique que, enracinés
                              chacune en son
                              temps, été
                                                            Q      ue de chemin parcouru depuis une cinquantaine
                                                                   d’années : la floraison des traductions de la Bible
                                                            dans toutes les langues modernes risque de faire ou-
                                                                                                                                                                                       dans l’évolution théologique, idéologique et littéraire
                                                                                                                                                                                       de chaque groupe humain, des usages se sont impo-
                                                                                                                                                                                       sés dans la traduction et l’interprétation du texte bi-
                              considérées                   blier les luttes idéologiques qui ont accompagné la
                                                            conquête du droit des laïcs (surtout catholiques) à
                                                                                                                                                                                       blique, par le biais du grec et du latin, voire par des
                                                                                                                                                                                       traductions de traductions. Chaque langue possède
                              comme l’original              lire et traduire la Bible sans dictats des autorités                                                                       aujourd’hui des formules toutes faites, des locutions,
                                                            religieuses. Les premiers chrétiens revendiquaient,                                                                        des images empruntées à la Bible telle qu’elle s’est
                              de l’œuvre. Il a              lisaient et commentaient, comme s’il s’agissait d’un                                                                       inscrite dans son patrimoine culturel. Et de même
                              fallu attendre 1943           original, la version grecque des Septante (source des                                                                      qu’un anglophone sera heurté par une formule qui
                                                            interprétations théologiques des Pères de l’Église et,                                                                     s’écarte trop gaillardement de l’anglais somptueux de
                              avant de pouvoir              aujourd’hui encore Bible des chrétiens d’Orient). De                                                                       la Authorized King James Version (1611), de même
                              traduire la Bible             même, une majorité de chrétiens d’Occident a pu
                                                            croire durant quinze siècles que l’original de la Bible
                                                                                                                                                                                       un francophone sera irrité par une traduction qui lui
                                                                                                                                                                                       ferait oublier les sonorités entendues dès l’enfance et
                              catholique de                 était le latin de la Vulgate, traduction réalisée par                                                                      qui semblent avoir été proférées en français : « Au
                                                            saint Jérôme, au IVe siècle, à la demande du pape
                              l’hébreu. On a                Damase et devenue version de référence de l’Église au
                                                                                                                                                                                       commencement, Dieu créa le ciel et la terre… »
                                                                                                                                                                                       (Genèse I,1), « Vanité des vanités, tout est vanité » (Ec-
                              donc eu droit,                VIIIe siècle. Quant aux laïcs, un jeune catholique pou-                                                                    clésiaste, I,2), « De leurs épées, ils forgeront des socs
                                                            vait encore penser, en 1930, n’être pas « autorisé » à                                                                     de charrue et de leurs lances des serpettes ; un peuple
                              au fil du temps,               lire la Bible, « livre protestant, placé à l’Index »                                                                       ne lèvera plus l’épée contre l’autre et l’on n’apprendra
                              à différentes                 (témoignage du père Duployé cité par Dominique                                                                             plus l’art de la guerre (Isaïe II, 4). »
                                                            Barrios, Naissance de la méthode critique, Cerf, 1992,                                                                         Dans le cas de la Bible, on a souvent l’impression
                              interprétations du            p. 140).                                                                                                                   que c’est « la traduction qui fait foi », et non l’original.
                              texte par le biais                 Il est vrai que dans l’Église romaine, le recours à
                                                            des filtres placés entre le lecteur et le texte de la
                                                                                                                                                                                       Mais imaginerait-on des siècles d’exégèses littéraires
                                                                                                                                                                                       sur l’œuvre de Shakespeare conduites sur des traduc-
                              de traductions                Bible n’avait fait que s’intensifier avec l’invention de                                                                   tions françaises, biaisées par les préjugés nourris
                                                            l’imprimerie en 1450 (qui permit une large diffusion                                                                       contre la « Perfide Albion » ? Prendrait-on au sérieux
                              de traductions.               du Livre) et en réaction à la Réforme qui légitimait la                                                                    des générations de chercheurs analysant l’art de
                                                            lecture de la Bible par tous les fidèles. Peu après que                                                                    Racine dans ses tragédies classiques en alexandrins, à
                                                            Luther eût commencé à traduire la Bible en allemand,                                                                       travers leur transposition — par exemple — dans le
                                                            en 1520, en partant des originaux hébraïques et                                                                            système iambique du théâtre romantique russe ?
                                                            grecs, complétés par le latin, le Concile de Trente,                                                                           Pourtant, quel scandale s’il fallait corriger tous les
                                                            réuni entre 1545 et 1553 rappelait que « la vieille édi-                                                                   tableaux, toutes les œuvres qui présentent la nudité
                                                            tion de la Vulgate, approuvée dans l’église par le                                                                         d’Adam et Ève voilée de feuilles de vigne alors que
                                                            long usage de tant de siècles, doit être tenue pour                                                                        l’original hébreu parle de feuilles de figuier (aley
                                                            authentique dans les leçons publiques et les explica-                                                                      te’eina, Genèse III,7) ou le front de Moïse orné de pe-
                                                            tions, et personne ne doit avoir l’audace de la rejeter                                                                    tites cornes (en hébreu : kéren : une corne, mais aussi
                                                            sous aucun prétexte ». Qui plus est, l’Index romain                                                                        kéren : un rayon) parce qu’en redescendant du Mont
                                                            du Concile de Trente précisait en 1564 que « les                                                                           Sinaï avec les Tables d’Alliance, son visage rayonnait
                                                            bibles en langue vulgaire ne peuvent être imprimées                                                                        (karan or panav, Exode XXXIV, 29-30). Quel étonne-
                                par Francine Kaufmann       ou possédées sans autorisation du Saint-Office ».                                                                          ment pour beaucoup d’apprendre que le fruit défendu
                                                            Certes, ces restrictions n’empêchèrent pas les tra-                                                                        n’était pas une pomme, que la Genèse ne précise pas
                                                            ductions catholiques de se multiplier. Mais il faudra                                                                      la nature de l’arbre de la connaissance du bien et du
                                                            attendre l’encyclique Divino Affluante Spiritu, en                                                                         mal (Genèse III, peut-être un cédratier d’après la tradi-
                                                            1943, pour que la papauté remette en cause le mono-                                                                        tion juive) et que le concept de « péché originel » n’ap-
Circuit • Automne 2002

                                                            pole de la Vulgate latine et favorise la traduction                                                                        paraît pas dans le texte. Quelle contrariété de devoir,
                                                            dans toutes les langues, permettant la traduction de                                                                       peut-être, renoncer à l’image si frappante de « la voix
                                                            bibles catholiques de l’hébreu, surtout à partir de                                                                        qui crie dans le désert » (Isaïe XL, 3) parce qu’une lec-
                                                            Vatican II. À cette date, bien des simples fidèles igno-                                                                   ture malencontreuse de la Septante a omis une césure,
                                                            raient encore que l’« Ancien Testament » était un                                                                          pourtant appelée par le contexte : « Une voix crie :
                                                            texte hébreu.                                                                                                              “Dans le désert, frayez la route de l’Éternel, dans la
                         10                                 F r a n c i n e K a u f m a n n e s t p ro f e s s e u re t i t u l a i re a u D é p a r t e m e n t d e t ra d u c t i o n , i n t e r p r é t a t i o n e t t ra d u c t o l o g i e à l ’ U n i ve r s i t é B a r- I l a n ,
                                                            à Ra m a t - G a n , e n I s ra ë l .
steppe, nivelez un sentier pour notre Dieu”. » Par          d’introduire une souplesse d’interprétation que n’au-
contre, aujourd’hui que le black est beautiful, quel        torise pas la forme figée de l’Écriture qui, sacralisée,
soulagement de pouvoir redonner sa valeur courante          devient immuable, invariable.
de coordination au « ve » du verset : Ch’hora ani                Le Mikra désigne au sens strict le Pentateuque,
ve-nava : « je suis noire et belle » (Cantique des Can-     (les Cinq livres de Moïse), plus couramment appelé la
tiques I, 5) et non plus d’y sentir une concession « Je     Torah. Traduit par Nomos (la Loi) dans le grec des Sep-
suis noire, mais je suis belle ». Enfin, en hommage au      tante, le mot Torah (« instruction »), est dérivé du
féminisme triomphant, quelle satisfaction de savoir         verbe le-horot, qui signifie « instruire » au sens d’en-
que si Ève a été formée à partir d’une tsèla, ce subs-      seigner (moreh = maître, enseignant, guide, instruc-
tantif traduit généralement par « côte » signifie tout      teur) et au sens de « prescrire » (horaa = une ordon-
autant un « côté », un « pan », un « versant », ce qui      nance, une instruction). C’est ainsi que dans le Mikra
étaye les interprétations traditionnelles d’un Adam à       une même torah (règle) doit s’appliquer à l’indigène et
deux faces, originellement androgyne avant d’avoir          à l’étranger pour la consommation du Sacrifice pascal
été sexuellement différencié (évolution plus valori-        à la Sortie d’Égypte (Exode XII, 49), mais l’enfant est
sante que l’opération de « charcuterie » induite par la     invité par le livre des Proverbes (VI, 20) à suivre les re-
traduction tsèla = « côte »).                               commandations de son père et la torah (l’enseigne-
                                                            ment) de sa mère. La tradition juive distingue
                                                            d’ailleurs la Torah chè-bikhtav (l’enseignement con-
Des remises en cause                                        servé dans l’écrit) de la Torah chè-bealpé (l’enseigne-
    Le retour à l’hébreu permet donc de faire place         ment transmis oralement).
nette pour relire le texte biblique avec un regard neuf.         Tous deux comportent une partie prescriptive (la
Mais il remet en cause, également, certains dogmes          Halakha ou « marche à suivre », de la racine HLKH,
bien établis. Ainsi la traduction de alma « la jeune        marcher) et une partie narrative, (la Aggada ou
femme » d’Isaïe VII,14 (Bible du Rabbinat) par la           « récit »). Si donc la Torah se présente parfois comme
« Vierge » des bibles chrétiennes (« vierge » se disant     un code de règles de comportement envers Dieu et
betoula dans la bible hébraïque).                           envers les hommes, elle comprend aussi de larges
    Dans la seconde partie de cet article, je voudrais      passages « historiques », sapientiaux et poétiques.
donc aborder quelques exemples qui témoignent, à                 Mais le choix du mot « Loi » pour traduire Torah
travers le vocabulaire théologique, de l’intensité de la    n’est pas indifférent. Le christianisme ancien a voulu
polémique religieuse qui aboutit à la séparation du         convaincre ses adeptes que le judaïsme privilégiait la
christianisme d’avec le judaïsme, aux premiers siècles      « lettre », la rigueur, la pratique rituelle, plutôt que
de l’ère chrétienne. Je n’envisagerai que la relation       « l’esprit », l’amour, la charité. On retrouve ce parti
hébreu/français, rendant compte des habitudes tra-          pris dans la traduction par « Tables de la loi » et « Dix
ductologiques de transfert en français de concepts, à       commandements », des locutions lou’hot ha-berith
l’origine hébraïques.                                       (littéralement les « tables de l’Alliance », Deutéro-
                                                            nome IX, 9, 11,15) et asséreth ha-devarim (« Déca-
                                                            logue », littéralement en grec comme en hébreu
Petit lexique d’un divorce                                  biblique : « les dix paroles », Exode XXXIV,28 ; Deuté-
    « Bible » (du pluriel latin Biblia, lui-même dérivé     ronome IV, 13 et X, 4), formule devenue asséreth ha-
du grec Biblion) signifie les « Livres », appelés encore    dibroth, au féminin, dans l’hébreu de la Michna).
« Écrits Saints » ou « Les Écritures ». Cette préémi-            Ces concepts hébraïques ont été transformés en
nence accordée à l’écrit contredit la dénomination hé-      insistant sur le caractère prescriptif de la « loi »
braïque : Mikra (de la racine KRH, « lire à voix haute »,   juive. De même le Tanakh (sigle hébraïque composé
« crier », « appeler », racine que l’on retrouve dans       des initiales de Torah , Neviïm (les Prophètes) et
l’arabe Coran), et qui reflète l’usage hébraïque de         Ketouvim (les Écrits) devient l’« Ancien Testament »
transmission orale de la Bible juive, par la lecture pu-    du christianisme.
blique ou l’enseignement de maître à élève. La « tradi-          « Testament », en français, calque l’ancienne ver-
tion » (massoreth) de lecture, ou massorah, « trans-        sion latine de la Bible, qui utilise testamentum pour
mission », conserve le secret de la vocalisation, de la     traduire le grec des Septante, diatheke (clause, dispo-
ponctuation, des accents toniques, et du découpage          sition, notamment testamentaire). C’est ainsi que les
des versets, aboutissant au VIIIe siècle à la fixation du   Septante traduisent indifféremment le mot hébreu
texte « massorétique » de la Torah hébraïque. La tradi-     Brith (« alliance », « pacte ») mais aussi le mot êdout
tion ésotérique, ou Kabbalah (KBL, « recevoir ») est        (« témoignage »), souvent employés comme syno-
également transmise de maître à élève, comme la             nymes dans le Pentateuque (tables, arche, ou sanc-
                                                                                                                               Circuit • Automne 2002

somme des enseignements rabbiniques anciens (le             tuaire d’alliance ou du témoignage). En français, le
Talmud, de LMD, « étudier », « apprendre », dévelop-        choix s’est porté sur « Ancien » et « Nouveau Testa-
pement de la Michna, CHNH signifiant « répéter » pour       ment » au lieu d’« Ancienne » et « Nouvelle Alliance ».
mieux mémoriser). Tout cela n’est pas indifférent           Quoi qu’il en soit, cette terminologie transpose la doc-
puisque la transmission orale personnalisée et adap-        trine biblique de la substitution du fils cadet à l’aîné.
tée à chaque époque et à chaque milieu permet               Mais cette fois, c’est Israël, le peuple juif, qui est

                                                                                                                          11
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