Les filières déchets DOSSIER - Travail et Sécurité
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LE MENSUEL DE L’INRS POUR LA PRÉVENTION DES RISQUES PROFESSIONNELS DOSSIER Les filières déchets N° 822 JANVIER 2021 – 6 € n LE GRAND ENTRETIEN n UNE JOURNÉE AVEC n EN IMAGES n EN ENTREPRISE Hugues Leloix, médecin Un animateur QSE Chantier autoroutier. Construction. Petits coordinateur partagé et partageur Anticiper pour ne pas par la taille, grands de Groupe PSA subir par l’engagement
SOMMAIRE 12 10 © Grégoire Maisonneuve pour l'INRS/2020 © Patrick Delapierre pour l'INRS/2020 © Gaël Kerbaol/INRS/2020 26 04 ACTUALITÉS DOSSIER 12 n Covid-19 Interrogations sur les conséquences LES FILIÈRES DÉCHETS sur la santé mentale des travailleurs français 13. Valoriser les déchets, n Purificateurs d’air mais pas à n’importe quel prix Un complément dans la prévention 15. Dasri : la Covid accélère les flux de la Covid-19 16. Avec les Zar, pas de lézard n Nanoparticules 18. Une deuxième vie moins fripée La qualité des déclarations 20. Déchets métalliques : recyclage nuit à la traçabilité en petits bouts, façon puzzle n Baromètre 22. Quand le déchet réorganise La Covid-19 marque les esprits l’activité durablement 24. Du plastique au plastique 10 LE GRAND ENTRETIEN « Être attentif à soi, c’est être attentif aux autres » 26 UNE JOURNÉE AVEC Hugues Leloix, médecin coordinateur de Groupe PSA Un animateur QSE partagé et partageur travail & sécurité – n° 822 – janvier 2021
© Patrick Delapierre pour l'INRS/2020 36 © Fabrice Dimier pour l'INRS/2020 © Gaël Kerbaol/INRS/2020 28 40 28 EN IMAGES Chantier autoroutier Anticiper pour ne pas subir Revue mensuelle publiée par l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles 65, boulevard Richard-Lenoir – 75011 Paris Tél. : 01 40 44 30 00. Fax : 01 40 44 30 41 36 EN ENTREPRISE Dépôt légal 1950-9005. ISSN 0373-1944 www.inrs.fr 36. Logistique Abonnez-vous : www.travail-et-securite.fr Stockage grande hauteur : Photo de couverture : Fabrice Dimier/INRS/2020 un projet maîtrisé E-mail rédaction : ts@inrs.fr Prix au numéro : 6 € 38. Démolition Abonnement annuel (France métropolitaine) : 60 € Directeur de la publication : Stéphane Pimbert Deconstructosaurus Rex Rédactrice en chef : Delphine Vaudoux 40. Restauration Assistante : Bahija Augenstein, 01 40 44 30 40 Secrétaire de rédaction : Alexis Carlier Une rénovation en mode confiné Rédacteurs : Grégory Brasseur, Katia Delaval, Damien Larroque, Céline Ravallec 42. Construction Ont collaboré à ce numéro : Philippe Castano, Patrick Delapierre, Petits par la taille, grands Fabrice Dimier, Grégoire Maisonneuve, Cédric Pasquini, Guillaume J. Plisson par l’engagement Maquettiste : Amélie Lemaire Reporter-photographe : Gaël Kerbaol Iconographe : Nadia Bouda Chargée de fabrication : Sandrine Voulyzé 44 SERVICES Documents officiels : assistance juridique, 01 40 44 30 00 Abonnements-diffusion : 01 40 94 22 22 n Retour sur Photogravure : Key Graphic Impression : Maury n À la loupe Ce journal est imprimé par une imprimerie certifiée Imprim’vert®, n Extraits du Journal officiel avec des encres à base d’huile végétale sur papier issu n Questions-réponses de forêts gérées durablement.
ACTUALITÉS COVID-19 Interrogations sur les conséquences sur la santé mentale des travailleurs français En pleine période de deuxième confinement, les résultats d’une grande enquête sur les conditions de travail et les pratiques addictives des travailleurs français pendant et après le premier confinement ont été dévoilés fin novembre. Sans être alarmants, les chiffres appellent à la vigilance et à la mise en place de mesures d’anticipation. les agents de la fonction publique hospitalière). Il est à noter que les réponses sont peu différentes, que les répondants soient en télétravail ou en travail sur site. © Philippe Castano pour l’INRS/2020 Augmentation, diminution et arrêt C’est en termes de consommation de substances psy- choactives que les résultats peuvent être les plus sur- prenants. On n’assiste pas à une explosion de ce phé- nomène, plutôt même à une modération dans certains cas. La consommation d’alcool reste élevée puisqu’elle concerne 65 % des salariés et agents, mais rien n’in- dique qu’elle ait augmenté durant la crise. En revanche, le tabac, lui, est en hausse de 30 % mais on constate dans le même temps que 12 % des fumeurs déclarent TÉLÉTRAVAIL, TRAVAIL SUR SITE, confinement, décon- avoir diminué leur consommation et 5 % auraient arrêté. finement, chômage partiel, autorisation spéciale d’ab- Mêmes chiffres pour le vapotage. sence… Depuis la mi-mars et le premier confinement, La tendance est identique pour les médicaments psy- les situations de travail des salariés français ont été très chotropes : les salariés ont augmenté leur consomma- variées. Et, pour beaucoup, elles ont évolué en fonction tion de 20 %, mais ils sont 11 % à déclarer une diminution des périodes, s’enchaînant au gré des restrictions sani- REPÈRES des prises et 7 % à avoir arrêté. En termes de cannabis, taires décidées par les autorités. Ces modifications dans > PARTENAIRES la tendance est clairement à la baisse avec 30 % des les habitudes de travail, dans les organisations, dans de la Mildeca consommateurs qui affirment avoir réduit, voire arrêté pour l’enquête : les rythmes ne peuvent pas a priori être dénuées de leur usage. La mauvaise nouvelle vient des nouveaux • Anact : Agence conséquences. C’est ce qu’a cherché à savoir la Mildeca consommateurs puisque 5,2 % de l’ensemble des nationale pour (mission interministérielle de lutte contre les drogues et l’amélioration répondants déclarent avoir consommé de l’alcool les conduites addictives) en lançant en septembre 2020 des conditions durant cette période (4,3 % pour les médicaments psy- une vaste enquête réalisée auprès d’environ 4 000 sala- de travail ; chotropes) alors qu’ils ne le faisaient pas avant. riés et agents publics. Objectif : mesurer l’évolution des • Anses : Agence Le lien entre conditions de travail et conduites addic- conditions de travail des salariés en France en période nationale de tives semble confirmé par l’enquête. Si plus des trois d’épidémie de Covid-19 et celle des consommations de sécurité sanitaire quarts des travailleurs (à distance ou sur site) portent substances psychoactives. de l’alimentation, un regard globalement positif sur la période écoulée, Les résultats de ce sondage réalisé par Ipsos à la de l’environnement 75 % des répondants évoquent les conditions de travail et du travail ; demande de la mission interministérielle et de ses par- comme facteurs d’augmentation des consommations • Coct : Conseil tenaires (lire l’encadré Repères ci-contre) sont pour le (36 % pour les conditions de vie au foyer). Le stress et d’orientation moins contrastés. Si l’état psychique des travailleurs des conditions de l’isolement ressentis durant et même après le confine- français a été clairement atteint par la crise, la travail ; ment ainsi que l’évolution de la charge de travail sont consommation de substances psychoactives ne suit • INRS : Institut clairement mis en cause par les personnes qui ont pas l’évolution qui aurait pu être imaginée puisque, en national de déclaré une consommation à la hausse. fonction des produits, les consommations peuvent recherche Tous ces résultats ouvrent de nombreux champs de être tant à la hausse qu’à la baisse. et de sécurité pour réflexion et d’action pour les employeurs et pour les Côté ressenti personnel, c’est l’augmentation du stress la prévention des pouvoirs publics. Si ce type de situation tendait à se par rapport à la période précédant le premier confi- accidents du travail prolonger ou à se renouveler, les conséquences pour- et des maladies nement qui ressort, exprimée par 34 % des personnes raient s’aggraver en termes d’impacts sur la santé des professionnelles ; interrogées. La plupart déclarant une hausse de leur salariés français. Il apparaît nécessaire pour l’en- • OFDT : charge de travail, de leurs horaires, ou de leurs objec- Observatoire semble des acteurs du monde du travail de mettre en tifs de performance. Ensuite vient le sentiment d’isole- français des drogues place des mesures pour anticiper l’organisation du ment, notamment par rapport à leurs collègues de et des toxicomanies ; travail et ses conditions de réalisation, en adaptant la travail, qui est partagé par 31 % des répondants. 13 % • Santé publique charge de travail et les objectifs aux situations parti- ont déclaré un état de santé dégradé (en particulier France. culières. n A. C. 04 travail & sécurité – n° 822 – janvier 2021
QUALITÉ DE L’AIR CHARGE DE TRAVAIL Purificateurs d’air et Les Suédois ont trop à faire prévention de la Covid-19 Selon le rapport d’une enquête réalisée par l’Office suédois de l’environnement de travail (Arbetsmiljö verket), les salariés du royaume scandinave se déclarent en souffrance au travail. Ainsi, 64 % des répondants estiment avoir une charge de travail trop élevée et beaucoup trop à faire et 23 % estiment avoir des emplois sous pression, avec des exigences élevées et peu d’autonomie dans leur travail. Cependant, 72 % pensent avoir un travail intéressant et stimulant. Selon Erna Zelmin- Ekenhem, directrice générale de l’Office suédois de l’environnement de travail, © PIRO4D de Pixabay « les problèmes de stress et de manque d’autonomie ne sont pas nouveaux. Mais ils s’intensifient avec la pandémie ». Un employé sur trois des secteurs de la santé, des soins et de l’éducation – à prédominance féminine – dit LES PURIFICATEURS d’air sont des dispositifs cas se substituer aux apports d’air extérieur exercer un travail éprouvant sur le qui aspirent l’air d’un local de travail et le définis par le Code du travail », rappelle-t-il plan psychologique. Il est confronté rejettent dans ce même local après l’avoir toutefois. Et à condition d’un entretien régu- au fait de ne pouvoir penser traité par différents procédés. Une fiche de lier suivant les préconisations du fournisseur. à autre chose qu’au travail, de l’INRS, intitulée Ventilation, chauffage, cli- Il est également nécessaire de s’assurer que ne pas avoir le temps de déjeuner matisation : quelles précautions prendre ces purificateurs d’air intérieur sont adaptés et de ne pas pouvoir influencer contre la Covid-19 ?, précise les points de au volume des locaux dans lesquels ils sont l’organisation du travail et le vigilance dans le choix des purificateurs disposés et qu’ils n’entraînent pas des moment où il doit être exécuté. d’air dans le cadre de la lutte contre le coro- vitesses trop élevées au niveau des salariés « Personne ne devrait avoir à navirus. Seuls les dispositifs équipés de afin de limiter la dispersion des gouttelettes. tomber malade, se blesser ou filtres très performants et installés de Par ailleurs, il est déconseillé de choisir des mourir à cause de son travail », manière parfaitement étanche s’avèrent appareils utilisant un traitement physico- déclare Erna Zelmin-Ekenhem. efficaces pour filtrer les aérosols suscep- chimique de l’air (catalyse, photocatalyse, En ce qui concerne la violence au travail, « les employeurs ont une tibles de véhiculer les virus et lutter effica- plasma, ozonation, charbons actifs…). D’une grande responsabilité en matière cement contre leur transmission. part, leur efficacité vis-à-vis des virus est de prévention des situations « C’est-à-dire les filtres HEPA de classe mini- difficile à évaluer. D’autre part, ils pourraient de vulnérabilité et pour soutenir male H13 selon la norme EN 1822-1 », précise impacter négativement la qualité de l’air les employés », poursuit-elle. Bruno Courtois, expert d’assistance conseil intérieur par la formation de composés 1. Enquête réalisée sous forme à l’INRS. potentiellement dangereux pour la santé, y de 7 000 entretiens téléphoniques entre « Si certains purificateurs diminuent la compris des agents chimiques cancéro- l’automne 2019 et le printemps 2020. concentration des virus susceptibles d’être gènes, mutagènes ou toxiques pour la présents dans l’air, ils ne peuvent en aucun reproduction. n K. D. AIDES FINANCIÈRES Quatre ÉTUDE subventions La santé des prêtres en question sont arrêtées Une étude portant sur la santé des prêtres diocésains de moins de 75 ans en activité a été Depuis le 31 décembre dernier, rendue publique le 25 novembre dernier. Si 93 % des 2 656 répondants déclarent une bonne quatre subventions prévention santé physique, l’étude a montré une prévalence d’états dépressifs, quel que soit l’âge, chez TPE, déployées par le réseau 9 % d’entre eux : 7 % ont notamment déclaré un état d’épuisement professionnel et près de 2 % Carsat/Cramif/CGSS, ne sont disent souffrir d’un burnout. Par ailleurs, 40 % des répondants ont déclaré un faible degré plus disponibles. Il s’agit de : d’accomplissement personnel, accentué par l’isolement dans leur lieu de vie (54 % d’entre eux - Couteau + vivent seuls) et l’absence de soutien social. - Garage + sûr Source : Étude sur la santé des prêtres, réalisée par Icone médiation santé, entre le 27 février - Préciseo et le 30 juin 2020. - Stop Essuyage. travail & sécurité – n° 822 – janvier 2021 05
ACTUALITÉS NANOMATÉRIAUX Les mauvaises déclarations nuisent à la traçabilité L’Anses a réalisé une première évaluation de R-Nano, registre MONDE français de déclaration des substances à l’état nanoparticulaire. DANEMARK L’absence ou la mauvaise qualité des données transmises Le Sars-CoV-2 a été ajouté par les entreprises dessert la traçabilité et limite l’exploitation à la liste des agents biologiques scientifique de ces informations. susceptibles de provoquer une maladie chez l’homme (groupe de risque 3). Le décret « La flexibilité octroyée aux déclarants lors de n° 1652 sur les agents biologiques la mise en place du dispositif pour les aider et l’environnement de travail, dans leur déclaration entrave aujourd’hui entré en vigueur le 24 novembre 2020, définit les exigences grandement la qualité des données », estime en matière de sécurité lors l’Anses qui souhaite la suppression des déro- © Gaël Kerbaol/INRS/2019 de travaux exposant ou gations et l’obtention d’informations plus susceptibles d’exposer le travailleur justes et plus complètes. La mise en place à ces agents. Les modifications d’un système de vérification de la qualité et qu’il introduit sont conformes de la pertinence des données serait un pas aux recommandations de l’OMS dans la bonne direction. et à la directive communautaire 2020/739 du 3 juin 2020. À terme, Mieux que l’Europe ce sont l’ensemble des pays de l’UE qui devraient transposer dans leur Autres propositions formulées par l’Anses : droit national les dispositions de DEPUIS 2013 et la création par la France du abaisser le seuil à partir duquel les nano- cette directive. registre R-Nano, les fabricants, importateurs matériaux doivent faire l’objet d’une et distributeurs de plus de 100 grammes de déclaration (à l’heure actuelle, seuls ceux ESPAGNE substances nanométriques par an ont l’obli- contenant au moins 50 % de particules de L’Institut national de la sécurité et gation d’en faire la déclaration. Gestionnaire taille comprise entre 1 et 100 nanomètres de la santé au travail (INSST) vient de ce registre, l’Anses a évalué la qualité des doivent être déclarés) et demander des de publier les chiffres de sinistralité données recueillies dont l’objectif est de informations complémentaires aux entre- 2019. 650 602 accidents du travail « mieux connaître les nanomatériaux mis sur prises comme le nombre de travailleurs (AT) avec arrêt ont été enregistrés le marché, les quantités manipulées et les potentiellement exposés aux nanomaté- parmi lesquels sont inclus les usages prévus, de disposer d’une traçabilité riaux. Enfin, l’Anses recommande que les accidents de trajet (87 846). des filières d’utilisation et de rassembler des textes réglementaires qui rendent confi- La grande majorité (86,5 %) connaissances à des fins d’évaluation des dentielles certaines informations soient des AT s’est produite sur le lieu risques et d’information du public ». révisés pour que ces données soient plus de travail. Le taux d’incidence pour 100 000 salariés (hors Il ressort de cette analyse, publiée à la fin facilement et largement accessibles. accidents de trajet) était deux fois du mois de novembre dernier, que L’Agence souligne tout de même un point plus élevé chez les hommes 400 000 tonnes de nanomatériaux, pro- positif. Bien qu’imparfait, R-Nano a l’avan- que chez les femmes. Les jeunes duites ou importées, sont mises sur le mar- tage permettre de tracer les utilisations de constituent le groupe le plus ché chaque année sur le territoire national petites quantités, contrairement au dispo- vulnérable. Sans grande surprise, et que 90 % des déclarations ne sont pas sitif européen. En effet, le règlement Reach, c’est le secteur de la construction correctement renseignées, entraînant des destiné à la gestion des produits chimiques qui enregistre un fort taux conséquences sur l’évaluation des risques circulant sur le territoire communautaire, d’incidence, deux fois supérieur aussi bien dans le cadre professionnel prévoit un seuil de déclaration seulement à à la moyenne sectorielle. Le secteur agricole arrive ensuite, suivi de près qu’en santé publique. partir d’une tonne. n D. L. par l’industrie. Le taux d’incidence des AT est, avec le nombre de travailleurs par secteur d’activité, le paramètre pris en compte PRÉSENTS PARTOUT, INCONNUS SOUVENT pour déterminer les secteurs Les nanomatériaux entrent dans la composition d’une grande variété de produits d’activité sur lesquels devront de la vie courante : crèmes solaires, textiles, aliments, peintures, etc. se concentrer les actions de Utilisés pour leurs spécificités (taille, morphologie, caractère soluble, etc.), prévention. Le rapport de l’INSST les nanomatériaux concernent de nombreux secteurs industriels (bâtiment, présente une analyse en trois automobile, emballage, agroalimentaire, cosmétiques, santé…). La multiplicité phases : sur l’ensemble des AT, des substances existantes, le manque de connaissances concernant les effets sur les accidents les plus graves sur la santé humaine et sur l’environnement, et les expositions auxquelles elles et en tenant compte du genre conduisent constituent encore à ce jour un frein majeur à l’évaluation des risques. des travailleurs. 06 travail & sécurité – n° 822 – janvier 2021
L’IMAGE DU MOIS Fin novembre s’est déroulé durant deux nuits un chantier expérimental sous le tunnel du Mont-Blanc. Il s’agissait de raboter sur 12 à 14 cm d’épaisseur 1,5 km d’enrobé qui contenait des fibres d’amiante en faible quantité. Des moyens matériels innovants ont été mis en œuvre : brumisateurs pour former un barrage empêchant la dispersion des poussières en dehors des zones de travaux, raboteuse avec cabine surpressurisée, installations extérieures sous chapiteau pour décontaminer les engins et déchets conditionnés, dispositif de dépollution et traitement des eaux issues des travaux... © Guillaume J. Plisson pour l’INRS/2020 travail & sécurité – n° 822 – janvier 2021 07
ACTUALITÉS BAROMÈTRE La Covid-19 marque les esprits durablement Un baromètre réalisé par OpinionWay avant le second confinement pour le cabinet Empreinte humaine LES RÉGIONS alerte sur la dégradation de la santé mentale des salariés AQUITAINE en France. La Carsat Aquitaine met à disposition en replay deux webinaires consacrés À PÉRIODE PARTICULIÈRE attention parti- travail leur plaît moins qu’avant et 35 % ont au document unique, diffusés culière. Les études, enquêtes et autres baro- réalisé, avec la crise, que ce qu’ils faisaient cette année. Le premier, mètres destinés à scruter la santé mentale n’avait pas de sens pour eux. » « Comment réaliser et mettre des salariés français en ces temps de crise Un constat global qui fait craindre une à jour son document unique ? », se multiplient. Après la grande enquête de explosion de l’absentéisme dans les mois s’adresse aux néophytes la Mildeca (lire page 4), c’est OpinionWay qui à venir. L’enquête met également en avant et présente les enjeux et les dégaine son baromètre sur le sujet. Réalisée la perception d’un relâchement des notions clés d’une démarche en octobre dernier auprès d’un échantillon mesures de prévention prises par des d’évaluation des risques représentatif de 2 000 salariés, l’étude directions d’entreprise. 32 % d’entre elles professionnels efficace. publiée fin novembre par Empreinte seulement témoigneraient d’un engage- Le second, « Comment rendre humaine, cabinet de conseil en prévention ment pour la santé mentale des salariés. son document unique des risques psychosociaux, constitue la qua- « On fixe aux équipes les mêmes objectifs , opérationnel ? », répond à cette question à travers trième vague d’une enquête démarrée au comme s’il ne s’était rien passé, sans tenir des exemples fréquemment début de la crise sanitaire. compte de leur état de fatigue, relatent observés en entreprise, Et selon les chiffres présentés, le bilan n’est salariés et managers », poursuit Christophe les écueils à éviter et une pas fameux : 49 % des salariés interrogés se Nguyen. approche de l’évaluation déclarent en situation de détresse psycho- Parmi les problèmes posés, le télétravail est des risques différente. logique, soit 7 points de plus qu’au mois de révélateur d’inégalités (taille du logement, Il s’adresse à un public mai. La dégradation est encore plus nette présence ou non d’enfants, adaptation aux expérimenté. lorsque l’on monte dans la hiérarchie : 58 % outils numériques…) pour 68 % des sondés, il https://entreprises.carsat-aquitaine.fr/ des managers expriment cette détresse et renforce l’isolement (41 %) et nuit au collectif 72 % des managers de managers. Après (55 %). Un télétravailleur sur deux peine à ÎLE-DE-FRANCE neuf mois d’épidémie, 24 % des salariés oublier le travail après la journée et la Afin de s’adapter à la situation interrogés déclarent avoir déjà été en arrêt même proportion vit les webcams comme épidémique, la Cramif a complété maladie à cause du stress ou de l’anxiété une forme d’intrusion dans la vie person- en 2020 son offre de formations liés à la Covid-19. nelle. 70 % des managers déclarent par ail- en présentiel par des formations leurs que le télétravail rend leur rôle plus à distance et des formations Comme s’il ne s’était rien passé compliqué. Du côté des salariés, un télé- mixtes (combinant présentiel « La crise ne fait pas qu’exacerber les fragi- travailleur sur deux estime que le manage- et à distance). Six formations ment ne se préoccupe que du résultat et lités, elle en crée de nouvelles, décrypte seront proposées en 2021 Christophe Nguyen, psychologue du travail évoque la sensation de devenir des selon ces nouvelles modalités : et des organisations, et président d’Em- « machines à produire ». « 77 % pensent que améliorer son DU, engager une démarche de prévention, preinte humaine. 36 % des sondés craignent le style de management de leur entreprise initier son projet de formation de ne plus pouvoir faire face psychologi- doit changer pour s’adapter », remarque sur les TMS, participer à une quement. Il sont 42 % à déclarer que leur Christophe Nguyen. n G. B. démarche de prévention des RPS, intégrer les RPS dans son document unique et participer à une démarche de prévention des risques chimiques. Tous formats confondus, la Cramif propose 25 formations, sur des thèmes 78 % des dirigeants ignorent toujours que variés, s’adressant aux différents le risque routier est la première cause d’accident acteurs de la prévention : chefs d’entreprise, IRP, chargés mortel en entreprise. En 2019, 406 personnes sont de prévention ou tuteurs. décédées sur les routes lors d’un déplacement Retrouver le catalogue : www.cramif.fr/formation-la-prevention- lié au travail. des-risques-professionnels Source : Étude de l’assureur MMA. 08 travail & sécurité – n° 822 – janvier 2021
LES PARUTIONS INRS n Chargeuses. Manuel de sécurité n Évaluation des risques lors de la conception de machines. Ce document détaille à la fois la Démarche de prévention réglementation et les bonnes pratiques Cette brochure a pour objectif en matière de conduite des chargeuses. d’aider les concepteurs de Il s’adresse aux chefs d’établissement, machines à comprendre et à aux chargés de sécurité, aux formateurs déployer la démarche d’évaluation et aux conducteurs. des risques professionnels tout au ED 910 (mise à jour) long de leurs projets. Elle détaille comment l’évaluation des risques peut s’articuler avec chacune des n Les radars. Champs étapes du processus de électromagnétiques conception. Un exemple concret Cette fiche de la collection « Champs illustre cette approche de électromagnétiques » traite des radars : prévention dès la conception. technique, risques pour l’homme, ED 6389 (nouveauté) réglementation et niveaux d’exposition, évaluation des risques et moyens de prévention. n Écrans de visualisation. Santé et ergonomie ED 4212 (mise à jour) Le travail sur écran peut engendrer fatigue visuelle, stress et troubles musculosquelettiques. Les facteurs n Grossesse et exposition professionnels qui déterminent professionnelle aux champs ces problèmes de santé sont liés, électromagnétiques notamment, à l’affichage de Cette fiche de la collection « Champs l’information, à l’espace de travail, électromagnétiques » traite de la à l’environnement physique grossesse : état des connaissances, et à l’organisation du travail. risques pour l’enfant à naître, En conséquence, ce guide réglementation, évaluation des risques comporte deux volets, l’un axé et mesures de prévention. sur la santé et l’autre, sur ED 4216 (mise à jour) l’ergonomie de la situation de travail sur poste informatisé. ED 924 (mise à jour) n 10 questions sur les robots collaboratifs Les robots collaboratifs suscitent de plus en n Amiante. S’informer pour agir. plus d’intérêt. Pour Catalogue des productions autant, sont-ils sûrs ? La principale mission de l’INRS Permettent-ils est d’informer sur la prévention de soulager les des risques professionnels opérateurs ? Sont-ils et l’amélioration des conditions des collègues comme de travail. Ce catalogue propose les autres ? Peuvent-ils l’essentiel des productions remplacer les robots de l’INRS (brochures, dépliants, industriels classiques ? affiches, vidéos, pages web...) Ce guide répond aux sur la prévention des risques liés aux expositions à l’amiante. principales questions ED 4704 (mise à jour) que peut se poser un chef d’entreprise de l’industrie n Au travail, ne pas vapoter manufacturière tenté dans un local à usage collectif par l’acquisition Deux affiches sur le vapotage d’un robot collaboratif, en entreprise. afin d’améliorer A 852, A 857 (nouveautés) les conditions de travail de ses salariés tout en augmentant sa compétitivité. Il explique les conséquences de l’utilisation des robots collaboratifs sur la santé et la sécurité des opérateurs. ED 6386 (nouveauté) Les brochures sont à consulter et à télécharger sur www.inrs.fr ou à demander, lorsqu’elles existent en format papier, aux caisses régionales (Carsat, Cramif et CGSS). travail & sécurité – n° 822 – janvier 2021 09
LE GRAND ENTRETIEN « Être attentif à soi, c’est être attentif aux autres » HUGUES LELOIX © Grégoire Maisonneuve pour l’INRS/2020 Hugues Leloix est médecin coordinateur de Groupe PSA. Il revient sur certains projets transversaux et sur le rôle joué ces derniers mois par les services de santé au travail dans la prévention du risque lié à l’épidémie de Covid-19. Travail & Sécurité. Vous êtes médecin du travail l’emploi... Pour ma part, je consacre désormais moins sur le site de Rennes de Groupe PSA. Vous êtes de 20 % de mon temps à l’activité clinique, c’est-à-dire également médecin coordinateur du groupe, aux visites médicales, sur le site de Rennes. En tant que comment est organisé le service autonome de médecin coordinateur de Groupe PSA depuis 2013, santé au travail ? j’exerce l’essentiel de mon activité dans la coordination Hugues Leloix. Nous sommes organisés en un service des services de santé autonomes du groupe, tant en autonome unique, constitué de 27 médecins et de France qu’à l’international. Cela consiste notamment 80 infirmières, répartis sur les 19 sites français du groupe. à élaborer des consensus de bonnes pratiques, qui Sur chaque site, nous travaillons avec d’autres inter- visent à aller au-delà de la réglementation : ils sont n Propos recueillis venants comme les préventeurs sur l’évaluation des par Grégory basés sur les données scientifiques et leurs évolutions. risques, des ergonomes sur des projets industriels, Brasseur Par exemple, nous travaillons à détecter les signaux d’amélioration de la vie courante, de maintien dans et Katia Delaval annonciateurs de maladies professionnelles comme 10 travail & sécurité – n° 822 – janvier 2021
les troubles musculosquelettiques (TMS) pour pouvoir monde. Au total, une trentaine de groupes de travail intervenir de façon précoce. Nous interagissons éga- impliquant le service de santé au travail ont été consti- lement avec les services de santé des sites des autres tués pour résoudre les problématiques de terrain : que pays du groupe, en Amérique latine, en Europe… Bien fait-on pour les douches ? Comment gérer l’accueil ? que chaque pays ait ses spécificités, culturelles et Quelle solution organisationnelle apporter lorsqu’un réglementaires, nous partageons un socle commun, processus industriel ne permettant pas aux collabo- afin d’assurer la prévention de nos quelque 200 000 rateurs de rester à plus d’un mètre les uns des autres collaborateurs dans le monde. a été identifié ? À chaque fois, nous nous coordonnons Je participe également à des projets transversaux en entre services de santé au travail : cela a renforcé le santé au travail, notamment sur les TMS et les risques travail en équipe, déjà habituel chez nous ! Puis, nous psychosociaux (RPS). Pour ces derniers, nous avons par présentons les protocoles aux organisations syndicales exemple établi un questionnaire standardisé en 2010. et nous communiquons auprès des salariés, afin que Cette « enquête RPS », qui vise à évaluer le bien-être les mesures soient comprises et acceptées. REPÈRES au travail, le niveau de stress et la motivation des sala- riés, est déjà effective dans quinze pays. Nous prévoyons La reprise pour chaque site était donc conditionnée 1999-2007 de la déployer le plus largement possible, afin de cou- au respect des règles définies dans le protocole… Médecin du travail de Groupe PSA, vrir l’ensemble des pays dans lesquels l’entreprise a H. L. En effet. Nous avons réalisé des audits pour mesu- à Sochaux des effectifs significatifs. Elle est réalisée lors de la visite rer la capacité des établissements à appliquer le pro- médicale. Malgré les changements liés à la réforme en tocole. Puis nous les avons audités à nouveau, d’une 2007- santé au travail de 2016, notamment sur la fréquence part pour s’assurer de la pérennité des procédures et, AUJOURD’HUI du suivi médical des salariés, nous avons gardé une d’autre part, pour étudier le traitement des anomalies Médecin du travail de Groupe PSA, régularité dans les entretiens de suivi de santé qui ont et la gestion des aléas. Nous avons également insisté à Rennes lieu tous les deux ans en France. Cela peut être davan- auprès de tous nos collaborateurs pour qu’ils ne viennent tage dans certains pays, suivant les réglementations pas travailler dès lors qu’ils ressentaient des symptômes. DEPUIS 2013 en vigueur. Ce n’est pas un message si simple à faire passer en Coordinateur France, alors que cela l’est dans d’autres pays. Il faut santé en France Comment avez-vous vécu la crise liée à l’épidémie déployer de la pédagogie, expliquer qu’être attentif du groupe puis extension de Covid-19 ? à soi, en période d’épidémie, c’est être attentif aux à l’international H. L. Nos services de santé ont été mobilisés très tôt autres. Nous avons mis en place une application en dans cette crise sanitaire, dont on ne connaissait pas juillet avec un protocole d’autosurveillance. Tempé- l’ampleur à l’époque. Les premières sollicitations sont rature, toux, perte d’odorat… Nous aidons nos colla- venues dès janvier 2020, car nous avions des expatriés borateurs à mieux s’observer. Le télétravail reste la et des collaborateurs dans la région de Wuhan. Nous règle quand c’est possible, ainsi que la limitation des avons créé une cellule de crise internationale, dont je déplacements. Nous sommes aujourd’hui encore for- fais partie. Le but était de freiner l’entrée du virus dans tement mobilisés autour de la prévention de la Covid-19 : les établissements du groupe. En février, il est apparu 80 % du temps de travail de nos équipes de santé est que le problème ne resterait pas en Chine. La question dédié à ce sujet. Nous avons mené énormément de s’est posée ensuite à Milan, où nous avons un site. travaux transversaux et pluridisciplinaires. J’ai la convic- Comme il y a beaucoup d’administratifs, cela s’est tion que nous avons collectivement beaucoup appris géré notamment avec le déploiement du télétravail. de cette crise, et que cela aura un impact durable et Puis, ce sont nos sites de l’Est de la France qui ont été positif sur la façon d’appréhender la santé et la sécu- touchés : Sochaux, Mulhouse et Vesoul. Ils sont très rité au travail. connectés les uns aux autres et nous avons limité les déplacements des collaborateurs. À la mi-mars, l’ac- Mesurez-vous également les effets de cette crise tivité s’est arrêtée sur l’ensemble des sites français. Le pandémique au travers des enquêtes RPS ? télétravail est rapidement devenu la règle pour les H. L. C’est encore difficile à dire. Nous avons diffusé activités tertiaires. Pour les salariés pour lesquels cela moins de questionnaires pendant cette période, n’était pas possible, notre objectif a été de préparer puisque nous avons arrêté les suivis de santé au tra- la reprise sans que cela ne présente de risques pour vail pendant quelques mois. Mais, paradoxalement, eux. À noter que cette reprise s’est opérée progressi- nous n’avons jamais autant été en contact avec les vement, et à des rythmes différents selon les usines. salariés. Un premier retour d’expériences a révélé notamment que les personnes en télétravail l’avaient Quel a été le rôle du service de santé au travail ? plutôt bien vécu, malgré des disparités sociales. Les H. L. Comme aucune mesure ne suffit à elle seule à services de santé au travail ont été très présents pour assurer la protection à 100 % contre une contamination, répondre aux appréhensions que chacun pouvait nous avons établi un protocole avec un ensemble de avoir, à différents stades de la crise. Pendant des mois, mesures qui vise à s’en approcher le plus possible. Cela la santé et la sécurité des collaborateurs a été le point commence bien sûr par le respect des gestes barrières. de vigilance principal pour Groupe PSA. Ils en ont Nous avons imposé le port du masque partout sur les conscience et y ont été, je crois, assez sensibles. Le sites, en intérieur comme en extérieur, dès le 18 mai souci majeur de l’entreprise, aujourd’hui encore, est dernier. Cela nous semblait plus simple et plus clair qu’un collaborateur ne puisse pas être contaminé sur pour les collaborateurs. Nous avons défini une centaine son lieu de travail. C’est aussi ce que nous devons à de directives pour couvrir tous les cas de figure, tous ceux qui sont à risque de développer une forme sévère les postes, sur l’ensemble de nos sites, partout dans le de Covid-19. n travail & sécurité – n° 822 – janvier 2021 11
DOSSIER n Réalisé par Damien Larroque avec Céline Ravallec et Delphine Vaudoux 13. Valoriser les déchets, mais pas à n’importe quel prix 15. Dasri : la Covid accélère les flux 16. Avec les Zar, pas de lézard 18. Une deuxième vie moins fripée 20. Déchets métalliques : recyclage en petits bouts, façon puzzle 22. Quand le déchet réorganise l’activité 24. Du plastique au plastique Les filières déchets © Gaël Kerbaol/INRS/2020 12 travail & sécurité – n° 822 – janvier 2021
LES FILIÈRES DÉCHETS Les activités de gestion des déchets, fortement structurées par la réglementation, doivent sans cesse se réinventer pour répondre à leurs évolutions rapides. Ces dernières engendrent de nouvelles filières spécialisées et revoient régulièrement à la hausse les objectifs en matière de collecte et de recyclage. Dans un secteur à faible valeur ajoutée, cette impermanence a des conséquences sur la prévention des risques professionnels. Valoriser les déchets, mais pas à n’importe quel prix EN FRANÇAIS, le terme « déchet » l’Hexagone. Elles sont mutuali- est associé à quelque chose d’ul- sées entre plusieurs producteurs time dont il ne reste plus rien à tirer, par l’entremise de structures de sale et dont il faut se débarras- appelées « éco-organismes », ou ser. Cependant, engagé il y a une bien individuelles. Certaines sont quarantaine d’années, un renver- communes à l’Europe comme sement dans l’approche de la ges- celles des emballages ménagers, tion des ordures pourrait bien finir des piles et accumulateurs, des par changer la donne. Et si les automobiles, des équipements déchets devenaient synonymes de électriques et électroniques valeur et de richesse ? Dans les faits, (DEEE) ou des médicaments. ces mal-aimés ont pris une tout D’autres sont d’initiative fran- autre dimension. Fini le temps de çaise, comme celles de l’ameu- la mise en décharge et de l’inci- blement, des pneumatiques, des nération. Place à la valorisation. produits chimiques, des textiles, Ce changement de paradigme, des linges de maison et chaus- issu de la prise de conscience sures ou des déchets d’activi- de la nécessité de préserver tés de soin à risques infectieux la planète et ses ressources, a (Dasri)… Des professionnels ont rendu caduc le modèle linéaire également organisé volontaire- © Fabrice Dimier pour l’INRS/2020 de gestion des déchets qui, petit ment leurs propres filières. C’est le à petit, devient circulaire. Il faut cas, par exemple, des fabricants réutiliser, recycler, valoriser. Seuls de cartouches d’encre et de ceux les déchets ultimes, ceux que de mobile homes. Et, à partir du l’on ne sait pas (encore) valoriser, 1er janvier 2022, le BTP, plus gros doivent être stockés et éliminés. pourvoyeur de déchets, aura lui Cette nouvelle perspective est aussi sa filière dédiée. soutenue par des directives qui « Cette spécialisation, par type de s’écrivent au niveau européen avant d’être transposées dans les droits nationaux des États membres. Cette réglementation définit des objectifs en termes Des hommes, des entreprises, un secteur de collecte et de recyclage, mais n En 2017, 111 650 personnes travaillaient n Selon l’Ademe, en 2017, la quantité aussi d’organisation pour les dans le secteur des déchets. Cela estimée de déchets produits en France atteindre. De ce fait, elle contraint représente quasiment 25 % des emplois s’élevait à 326 millions de tonnes, et structure fortement le secteur du secteur de l’environnement. Environ en légère hausse par rapport à l’année des déchets. 90 % des plus de 8 000 entreprises précédente. Elles se répartissent entre du secteur ont moins de 10 salariés. le BTP (224 Mt), l’activité économique Une spécialisation Selon les données de l’Insee de 2018, et associée (66,1 Mt), les ménages à double tranchant 45 % des salariés travaillent à la collecte, (31,7 Mt) et les collectivités (4,2 Mt). Différentes filières « responsa- 31 % à la récupération et le reste Sur le total, 15,7 Mt sont éligibles bilité élargie des producteurs » à l’élimination. pour entrer dans les REP françaises… (REP) ont ainsi vu le jour dans >>> travail & sécurité – n° 822 – janvier 2021 13
DOSSIER déchets, a débouché sur des inno- vations en matière de modes de ZOOM tri, de techniques de recyclage et de valorisation. En contrepartie, elle CLASSEMENT DES DÉCHETS a rendu plus complexe le secteur Selon leur origine, les déchets peuvent être classés en deux en multipliant les filières de traite- grandes catégories : les déchets ménagers qui comme leur nom ment, estime Éric Silvente, respon- l’indique, sont produits par les ménages, et les déchets d’activités sable du laboratoire procédé et économiques provenant des collectivités et des entreprises. épuration des polluants de l’INRS. Les déchets peuvent également être classés selon leurs propriétés : De même, de nombreux acteurs • non dangereux inertes : ferrailles, métaux non ferreux, bétons, interviennent lors des différentes briques… Ils ne subissent aucune transformation physique, étapes du cycle de vie du déchet chimique ou biologique importante. Ce sont essentiellement des (« metteur sur le marché », consom- déchets du BTP ; • non dangereux : biodéchets, déchets de plastiques, bois… Ils ne mateur, collectivités territoriales, présentent aucune des 15 propriétés de danger telles que définies recycleurs, éco-organismes…) et dans la réglementation ; obéissent souvent à des logiques • dangereux : ils représentent un risque pour la santé ou différentes. Qu’elles soient d’ordre l’environnement et nécessitent un traitement adapté qui dépend économique ou politique, ces pré- de leur nature (recyclage, valorisation énergétique, traitement occupations variées ne facilitent chimique, enfouissement, incinération). clairement pas les choses. » En fonction de leur catégorie, les déchets sont censés suivre une filière de gestion propre (recyclage, valorisation, traitement, Des activités élimination…). extrêmement divers Du point de vue de la sécurité au travail, cette multiplication des filières, des acteurs et des inté- l’intégrité de leurs enveloppes outils, agents biologiques, bruit… rêts n’est certainement pas un peut être compromise et laisser les sources de risques potentiels avantage. Pour une prévention échapper des produits dange- ne manquent pas dans le secteur. efficace des risques profession- reux ou provoquer des réactions « Ils sont fonction non seulement nels, la coordination est primor- dangereuses. De quoi exposer à des procédés mis en œuvre, mais diale. Par exemple, lorsqu’une des risques les salariés des mail- aussi du type de déchets, pour- entreprise chargée de la collecte lons suivants de la chaîne qui sont suit Éric Silvente. Par exemple, si des piles ne les stocke pas à l’abri chargés de les trier. le risque biologique est présent des intempéries ou les manipule Port de charge, manutentions, dans la REP Dasri, il ne l’est pas violemment à l’aide d’engins, travail en hauteur, machines- dans celle des piles. En outre, la composition des déchets n’est pas toujours connue des entre- prises qui les prennent en charge. Ils recèlent potentiellement des substances bannies ou concen- trées au-delà des seuils autori- sés aujourd’hui, car toxiques ou délétères pour l’environnement. » Enfin, certains matériaux se trans- forment ou se dégradent, à l’ins- tar des déchets biologiques et, ce faisant, peuvent développer des caractéristiques dangereuses pour la santé. La complexité du secteur des déchets, du point de vue de sa structuration comme de celui des risques auxquels il expose ses salariés, a des conséquences en matière de sécurité au travail. Les chiffres de sinistralité sont là © Fabrice Dimier pour l’INRS/2020 pour le prouver. La collecte et le recyclage présentent des taux d’accidents du travail élevés. En 2018, avec un indice de fréquence respectivement de 67,9 et 80,1, ces activités sont devant le BTP qui atteignait un taux de fréquence de 56,1 cette année-là. n D. L. 14 travail & sécurité – n° 822 – janvier 2021
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