1/2016 Des bovins broutent le hêtre à Montricher - Schweizer Wald
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1/2016 Des bovins broutent Arbres en ville, Les Chinois lorgnent le hêtre à Montricher supports de biodiversité sur le bois du Congo
Bonne année N 1 SOMMAIRE o 2016! janvier 2016 revue fondée en 1947 Actualité Photo: Christian Reiter Forum WSL Suisse romande 2016 Newsletter Forêts de l’OFEV 3 Succès des formations à l’encordage Suva BFH et Gabon: prolongations Catalogue des formations en France Sols: la forêt concernée La mortaise diagonale à l’épreuve 17 Bostryches: temps déterminant 5 Forêts du bassin du Congo, quel avenir? 18 proQuercus: campagne 2016 lancée La forêt et ses acteurs à Beaulieu L’année 2016 commence bien: l’éditeur de notre Passage de témoin 6 Marché du bois revue a changé de nom et se profile toujours plus, Diminution ou augmentation des coûts? 21 Photo: Fabio Gilardi/LA FORÊT Marché des résineux: sous sa nouvelle appellation ForêtSuisse, comme interrogations/Brèves 22 l’entité fédérative et incontournable de la défense Deux chênes battent le record des intérêts des propriétaires forestiers en général, Mise de bois en demi-teinte à Lausanne 23 de l’ensemble de leurs contributions à la popula- Services tion, mais toujours sans oublier que la production Agenda et publication Les métiers du de bois demeure une tâche aussi principale que Les conseillers s’immergent en forêt 7 bois à Genève, des origines à nos jours – primaire et incontournable. Histoire d’une association 24 Pour LA FORÊT, la charte rédactionnelle admise Science et pratique La biodiversité en ville et ses contraintes 8 Echos des régions et souhaitée par ForêtSuisse ne change pas et A Montricher, les bovins pâturent VD: Miser sur le bois massif indigène continue, comme par le passé sous l’égide de en forêt 10 pour construire l’EFS, à nous offrir toute liberté dans le choix et le La famille des coins s’allège et s’agrandit 13 JU: Sentier forestier olympique 25 Un défi préoccupant pour les forestiers 14 VD: La SVS à la découverte de Baulmes 26 traitement des sujets qui vous sont présentés. Ce BE: Inventaire des objets naturels en forêt n’est pas le cas de tous les éditeurs, aussi bien au FR: Manque de précipitations VD: Plan directeur forestier adopté 25 niveau privé, associatif ou public. Collaborateurs de la rédaction ainsi quasi libres, à la très grande Page des associations indépendance, nous apprécions cette ouverture Photo de couverture Entrepreneurs forestiers Suisse et Asso d’esprit, qui admet aussi de présenter des opi- ciation suisse du personnel forestier: Photo: Alain Douard/LA FORÊT nions parfois divergentes dans l’objectif d’un Salaires 2016, recommandations 29 ForêtSuisse, ce qu’ils en disent 30 dialogue constructif qui permet à tous d’aller de L’EFS s’efface en faveur de ForêtSuisse l’avant et de progresser. Progresser, c’est ce que Nouvelle solution de branche Forêt Petites annonces 31 je vous souhaite, chères lectrices et chers lecteurs, Les arbres, élé- ments de biodi- à toutes et à tous, avant de me réjouir de vous versité urbaine. retrouver, au début de chaque mois à venir. Que Lausanne, 28 décembre, l’année 2016 soit excellente, bonne lecture. floraison hiver- nale devant la La prochaine édition de LA FORÊT paraîtra cathédrale. début février 2016. Fabio Gilardi Revue spécialisée dans le domaine de la forêt Administration: Tirage: et du bois, paraît 11 fois par an Rosenweg 14, 4501 Soleure, tél. 032 625 88 00, 1654 ex. (REMP 22.9.2015) fax 032 625 88 99, www.foretsuisse.ch Impression: Editeur: Annonces: Stämpfli SA, Wölflistrasse 1, 3001 Berne Agence d’Annonces Bienne SA, Roger Hauser, La reproduction des articles est autorisée uniquement Président: Max Binder chemin du Long-Champ 135, CH-2501 Bienne avec l’accord de la rédaction. Directeur: Markus Brunner T +41 32 344 83 84, F +41 32 344 83 53, M +41 79 669 92 55 Mention des sources obligatoire Responsable d’édition: Urs Wehrli anzeigen@gassmann.ch Label de qualité Rédaction: Abonnements: du groupe presse Rosenweg 14, 4501 Soleure Manuela Kaiser, kaiser@waldschweiz.ch spécialisée Tél. 032 625 88 00, fax 032 625 88 99 de l’Association laforet@foretsuisse.ch Prix de vente: de la presse suisse Réd. en chef: Fabio Gilardi (fg), gilardi@foretsuisse.ch Abonnement annuel: Fr. 89.–. Prix spéciaux pour apprentis, Réd. adjoint: Alain Douard (ad), douard@foretsuisse.ch étudiants, retraités et groupes. Prix à l’unité: Fr. 10.– ISSN 0015-7597 2 LA FORÊT 1/16
www.laforet.ch L A F O R Ê T - infos sciences forestières Le WSL renoue avec son public romand En organisant un Forum WSL Suisse romande 2016, l’institut renoue, le 19 avril à l’EPFL, avec une tradition que le monde forestier romand regrettait depuis sa suppression en 2007. En accord avec la Stratégie énergétique Photo: Alain Douard/LA FORÊT 2050, la Politique fédérale de la ressource bois vise à utiliser au maximum le potentiel de production de bois des forêts suisses et à augmenter la mise en valeur du bois- énergie en forêt. En parallèle, la Politique forestière 2020 ainsi que la Stratégie bio- diversité Suisse et son plan d’action pré- voient de maintenir la biodiversité, voire de la promouvoir par des mesures ciblées. Mais comment augmenter l’exploitation forestière tout en préservant la biodiver- sité? Où se trouvent les synergies? Où se cachent d’éventuels conflits? Le bois-énergie sera Le Forum WSL Suisse romande 2016 au centre des débats examinera ces questions dans un esprit de du Forum WSL. dialogue entre la recherche et la pratique. Il sera consacré aux interactions entre l’ex- représentants des propriétaires forestiers voies pour concilier exploitation forestière ploitation plus intensive du bois (-énergie) et des ONG et aux scientifiques. et biodiversité. WSL/LF et la biodiversité en forêt à différentes Au-delà de l’information qui sera don- échelles. Son objectif est de montrer les née sur l’influence de l’utilisation plus Renseignements et inscriptions: synergies et conflits possibles et d’identi- intensive des forêts sur la biodiversité, www.wsl.ch/dienstleistungen/ fier des solutions. Il s’adresse aux spécia- ce forum permettra aux participants de veranstaltungen/veranstaltungskalender/ listes de la forêt, de l’environnement et de contribuer aux réflexions sur cette thé- forum_romand/index_FR l’énergie des secteurs publics et privés, aux matique, voire à esquisser des nouvelles Inscriptions ouvertes jusqu’au 15 mars Newsletter Présence renforcée en Romandie Abonnement 2016: En 2007, l’Institut fédéral de recherches La voix de merci de compléter! sur la forêt, la neige et le paysage (WSL) Chers abonné(e)s, ramenait son «Antenne romande» de la division Forêts Suite à un problème informatique lors de Lausanne au rang de «Site». Nombre l’envoi des factures d’abonnement 2016, le de représentants des milieux forestiers La division Forêts de l’Office fédéral de numéro de référence n’apparaît pas sur romands goûtèrent peu cette réorganisa- l’environnement (OFEV) publie quatre fois chaque bulletin de versement. tion qui entraînait, entre autres, la dispa- par an un bulletin en ligne. La dernière En conséquence, nous vous demandons de rition du forum annuel de feue l’antenne. édition de cette newsletter est parue le verser le montant de votre abonnement à Depuis 2014, le WSL s’efforce de corriger 17 décembre et avec une multitude d’in- formations sur le monde de la forêt, en l’aide d’un bulletin vierge sur notre compte le tir. Il a nommé Rita Bütler pour renfor- Suisse et dans le monde. Les internautes postal 45-600-2 (IBAN CH02 0900 0000 cer ses relations avec les milieux forestiers peuvent s’abonner gratuitement à cette 4500 0600 2) avec indication de vos numé- francophones (voir LA FORÊT 9/2015). publication. ros de client et de facture. Nous vous remer- Elle se charge, cette année, de relancer le Forum WSL Suisse romande, qui se dérou- cions par avance et vous demandons de bien lera le 19 avril sur le site de l’Ecole poly- 4e Newsletter Forêts 2015: vouloir nous excuser pour ces désagréments. technique fédérale (EPFL). Les exposés et www.bafu.admin.ch/wald/01256/11479/ Service édition LA FORÊT discussions en français et en allemand se- 16230/index.html?lang=fr#sprungmarke1_2 ront traduits simultanément. Une dizaine d’intervenants, chercheurs, universitaires Cette page reprend et adapte un choix de nouvelles parues dans la rubrique LA FORÊT-INFOS et enseignants, traiteront de différents as- du site internet de LA FORÊT et d’Economie forestière Suisse. pects du thème choisi pour cette journée, «Concilier bois-énergie et biodiversité en forêt – Chercher les synergies et atténuer les conflits». L’après-midi sera consacrée à La Forêt-Infos des ateliers autour de cette question. En ligne sur www.laforet.ch et www.wvs.ch 3 LA FORÊT 1/16
www.laforet.ch L A F O R Ê T - infos SUVA BFH et Gabon Succès des formations à l’encordage On joue Dans le cadre des travaux forestiers, les les prolongations Photo: Suva risques de chute de hauteur sont accrus lorsqu’on travaille sur un terrain abrupt, La collaboration initiée en 2011 entre la qu’on escalade des arbres ou qu’on tra- Haute école spécialisée bernoise et le vaille sur des échelles. Face à de graves Gabon entre en 2016 dans une deuxième accidents par chutes dans ces activités, phase, après cinq ans de succès. De la la Suva avait mis l’accent sur le thème de nouvelle convention-cadre signée fin l’encordage lors de la Foire forestière de septembre 2015 découlent trois contrats 2013 à Lucerne. Depuis lors, des offres de prestations passés avec le Ministère de de formations supplémentaires ont été l’éducation nationale et de l’enseignement créées et suivies par de nombreux colla- technique du Gabon. Ils régissent les acti- boratrices et collaborateurs d’entreprises vités des cinq prochaines années. forestières assurées auprès de la Suva. Le but est de mettre en place au Gabon En août 2014, la Suva avait annoncé un système de formation professionnelle qu’elle soutiendrait les formations au duale basé sur le modèle suisse, et de travail encordé dans les entreprises fores- former des professionnels qui renforce- tières en accordant une ristourne de ront l’activité économique gabonaise liée 80 francs par personne. De nombreuses au bois. entreprises forestières ont profité de cette La première phase du projet a déjà per- action et obtenu des ristournes pour envi- mis de développer quatre types de forma- ron 350 personnes, ce qui prouve que les tions professionnelles duales au Gabon, entreprises forestières suisses mettent auxquelles participent une centaine d’ap- tout en œuvre pour prévenir les accidents prentis et une soixantaine d’entreprises. graves. Cette démarche permet non seu- La collaboration revêt d’une grande lement d’éviter beaucoup de souffrance importance à la fois pour le Gabon mais mais aussi de réduire les primes. En effet, aussi pour la Haute école spécialisée qui dit réduction du coût des accidents bernoise, car elle constitue un exemple lors des travaux forestiers dit primes excellent de coopération internationale Les travaux encordés sont exigeants et moins élevées pour les entreprises fores- dans le domaine capital de la formation requièrent une formation. Grâce au soutien tières. C’est sur ce résultat réjouissant que professionnelle. de la Suva, de nombreux collaborateurs l’action a pu être clôturée fin 2015. d’entreprises forestières ont pu acquérir les Informations : connaissances nécessaires. Informations: www.suva.ch https://www.ahb.bfh.ch/fr/home.html ➞ News Formation Sols et constructionS Bostryches Catalogue français La forêt concernée Temps déterminant L’Institut français pour le développement Cette publication Des signes montrent une forte augmen- forestier (IDF) propose des stages de for- de l’Office fédé- tation des attaques de bostryches dans mation continue abordant une multitude ral de l’environ- certaines parties du Plateau et du Jura. La de thèmes. Si certains de ces cours sont, nement (OFEV) situation à l’échelle du pays est en revanche de par leur caractère, réservés à un public vise à actuali- stable, voire à un niveau bas. hexagonal, une partie peut intéresser des ser l’état des Cette progression régionale est due francophones d’autres pays. L’offre 2016 connaiss ances d’abord à la sécheresse de l’été 2015 et, s’enrichit de nouveaux stages tels que: en matière de ensuite, à des épisodes de vents forts, • Diagnostiquer le dépérissement du chêne protection des comme la tempête Niklas, qui favorisent pubescent avec la méthode ARCHI sols sur les chan- la multiplication du bostryche. L’évolution • Prendre en compte le changement cli- tiers. La pratique des populations dépendra en grande par- matique pour le choix des essences de la protection tie des conditions météo du printemps pro- • Connaître les mousses et les fougères des sols sur les chain: un printemps pluvieux, comme en de plaine, identification et diagnostic chantiers est principalement issue de la 2015, serait plutôt un frein à leur dévelop- écologique protection des bonnes terres labourables pement, tandis qu’une sécheresse précoce • Développer des partenariats et des du Plateau suisse. Cette brochure traite affaiblirait encore plus les épicéas et serait paiements pour services environne- également des situations en milieux fores- propice à la prolifération du bostryche. mentaux: carbone, eau, biodiversité. tiers, alpins et montagnards, ainsi qu’en Le rapport annuel sur la protection des zone urbaine. forêts du WSL paraîtra au printemps. Catalogue à télécharger: www.foretpriveefrancaise.com/ Téléchargement: Protection de la forêt suisse: le-catalogue-des-formations-2016- www.bafu.admin.ch/publikationen/ www.wsl.ch/fe/walddynamik/ de-l-idf-est-paru-128847.html publikation/01808/index.html?lang=fr waldschutz/index_FR 5 LA FORÊT 1/16
actualité candidatures 2016 proQuercus: la campagne est lancée Les candidats à la distinction annuelle liée à la promotion du chêne ont jusqu’au 6 mars prochain pour soumettre leur dossier à l’association. L’association proQuercus encourage par candidature peuvent être téléchargés sur Photo: Fabio Gilardi/LA FORÊT une distinction des personnes, des orga- le site www.proquercus.ch. nisations, des actions ou des réalisations D’éventuels compléments d’informa- qui contribuent à stimuler et à promouvoir tion peuvent être obtenus directement à les multiples valeurs et aspects du chêne l’adresse marcus.ulber@pronatura.ch ou en Suisse. Pour l’année 2016 aussi, cette par téléphone au numéro 061 317 91 35. distinction est dotée d’un montant glo- bal de 3000 francs, pouvant être partagé Informations: entre plusieurs lauréats. Dans sa mission, www.proquercus.ch proQuercus est soutenue par la Parquete- rie Les Breuleux SA. La distinction proQuercus concerne toutes les actions qui valorisent le chêne Sylviculture de montagne en particulier, mais aussi ses hôtes ou ses produits dans les domaines les plus divers Passage de témoin de l’éducation, de la formation, de la Photo: LDD recherche, de la culture, de l’archéologie, de l’histoire, de la sylviculture, du maintien de la biodiversité, de la mise en valeur des produits, du paysage. La liste n’est natu- rellement pas exhaustive. Propositions L’association invite toutes les personnes concernées à s’inscrire ou à proposer des candidatures pour cette distinction. Pour 2015, celles-ci sont à transmettre jusqu’au 6 mars prochain, dernier délai, à l’asso- ciation proQuercus (si possible sous forme digitale), à l’adresse suivante: marcus.ulber@pronatura.ch ou Marcus Ulber, c/o Pro Natura, Chêne fraîchement abattu dans les côtes case postale, 4018 Bâle. de la Montagne de Boudry. Le règlement, ainsi que le formulaire de Samuel Zürcher, ingénieur forestier, reprend la direction du CSM.. Samuel Zürcher est le nouveau respon- Swiss expo 2016 sable du Centre suisse de sylviculture de montagne (CSM). Ingénieur forestier La forêt et ses acteurs à Beaulieu EPFZ de 35 ans, il travaille depuis six ans au CSM ainsi qu’au Centre forestier de for- Du jeudi 14 au dimanche 17 janvier, énergies renouvelables, permettent au mation ibW de Maienfeld. Samuel Zürcher les halles d’Expo Beaulieu Lausanne premier salon de l’année de compléter a succédé le 1er janvier 2016 à Raphael accueillent l’édition 2016 de Swiss Expo. son offre qui vise mieux que les résultats Schwitter, responsable CSM depuis 1997. Au programme, le traditionnel grand de 2015, avec 150 exposants sur plus de Ce dernier est désormais engagé à un concours international bovin; les stands 15 000 m2 de halles. taux d’occupation réduit au centre durant de machines, de services et de produits Du reste, la branche forestière reste natu- l’année de transition 2016. du terroir attendront aussi les visiteurs. rellement à l’honneur pour cette 5e année Le nouveau responsable va gérer le Les nouveautés, tout comme les produits consécutive, et l’Association romande des centre en collaboration avec Lukas Glanz- et les services présentés à Swiss Expo, entrepreneurs forestiers (AREF) fera vivre mann et reprendre l’enseignement de la constituent une part non négligeable de sa halle, dans un espace unique au cœur sylviculture de montagne et de la plani- la manifestation qui couvre l’ensemble du salon, au rythme de la forêt. fication forestière dans la formation des des besoins de la branche, aussi bien sous gardes forestiers. son angle agricole que forestier. Informations : Et justement les deux nouveaux sec- www.swiss-expo.com Informations: teurs introduits, ceux forestier et des www.entreprises-forestieres.ch www.foret-de-montagne.ch 6 LA FORÊT 1/16
actualité orientation professionnelle Les conseillers s’immergent en forêt Les collaborateurs de l’Office cantonal neuchâtelois de l’orientation scolaire et professionnelle sont allés dans les bois. But de la journée: apprendre à connaître en immersion les métiers de la forêt. Mardi matin de décembre, dans le brouil- Photo: Fabio Gilardi/LA FORÊT lard, au centre forestier de la Montagne de Boudry. Dans la grande salle largement éclairée, c’est le remue-ménage: sous la direction de David Vuillemez, responsable de la formation professionnelle forestière du canton de Neuchâtel, tout est mis en place afin d’accueillir dans les meilleures conditions la trentaine de conseillères et conseillers de l’Office cantonal de l’orien- tation scolaire et professionnelle (OCOSP). Le cadre idéal de ce nouveau centre fores- tier permet de mettre immédiatement les visiteurs dans l’ambiance et de les sensibi- liser «physiquement» à l’importance des forêts et des métiers qui s’y rapportent. L’impact, inconscient, est réussi: intérêt marqué dans une atmosphère détendue. Un secteur porteur à l’avenir Goûter à des formations en immersion permet de savoir de quoi on parle de manière concrète. La première moitié de la matinée a été consacrée à présenter la forêt neuchâte- loise, les métiers forestiers et les filières la base de son expérience personnelle Dans le terrain de formation, les attentes des formateurs riche de nombreuses années d’encadre- ainsi que les critères d’entrée en appren- ment des futurs forestiers-bûcherons. La fin de la matinée et l’après-midi ont tissage. Prémices à cette journée de «Un apprenti doit avoir les yeux ouverts permis aux quatre groupes de conseillers découverte en vue de faciliter l’orientation et voir jour!» en orientation de se rendre dans le terrain professionnelle et le renouveau du «futur Cette petite phrase en dit plus qu’une et de participer à autant d’ateliers. Ils et personnel forestier»: l’étude présentée longue liste de critères d’engagement. elles ont pu s’essayer à la réalité du quo- en juillet dernier par CODOC (Coordina- L’homme gère 500 hectares de forêts avec tidien du forestier-bûcheron. «Il faut déjà tion et documentation pour la formation deux forestiers-bûcherons et deux appren- apprendre à marcher en forêt, à travers le forestière), qui prévoit une pénurie de col- tis. «Il faut des gars débrouilles, et l’entrée sous-bois, sans piste à suivre», a remarqué laborateurs du secteur forestier en géné- en formation n’est proposée qu’après un une participante. «Pas évident non plus ral dans les années à venir. stage d’une semaine où le candidat est de définir un arbre dominant, à potentiel, Bases légales, aspects climatiques, éco- observé.» Sens technique, manière d’être, et quels sont ses concurrents à éliminer», nomie et exploitation forestière, fonctions motivation, toujours dans le terrain, sont relève une autre qui, après la démonstra- de production d’eau et de protection de évalués. «Et le courant doit passer.» La tion d’abattage d’un chêne, souligne la la biodiversité, agrémentés de quelques semaine se clôt sur un test écrit: connais- pénibilité physique du travail. statistiques, ont permis à Pascal Junod, sances scolaires acquises et le pourquoi du Avec, à la clé, la question des femmes ingénieur forestier responsable de l’arron- choix de ce métier de forestier. dans ces métiers. Gloria Locatelli, ingénieur dissement de Boudry, de rappeler l’impor- Dernier élément, capital, celui de forestière HAFL et responsable de l’arrondis- tance de la forêt et les enjeux auxquels elle la proximité du domicile avec le site sement du Val-de-Ruz, illustre cette mino- est liée. David Vuillemez a pris le relais, d’apprentissage. «Au début, tous les rité dans la branche. A son avis, elles pour- en proposant un tour d’horizon des dif- parents promettent de véhiculer leur raient y être plus nombreuses: «Les offres férentes possibilités de formation et des enfant, mais s’arrêtent au cours des de formation et les passerelles permettent filières existantes, de l’attestation de for- trois premiers mois. Pour cette raison, d’évoluer vers des emplois moins pénibles.» mation (peu conseillée ici) et du CFC de la préférence est donnée aux personnes Aux yeux de tous, la journée a été quali- forestier-bûcheron aux filières d’ingénieur habitant dans un rayon proche.» Une fiée de réussie et pourrait être reconduite. ou de master de l’Ecole polytechnique règle non écrite qui s’explique, relève La démarche a du reste déjà été entreprise, fédérale ou des hautes écoles. David Vuillemez: «Les raisons d’échecs, avant les forestiers, avec les boulangers. au bout de trois mois d’essai, sont jus- Témoignage de formateur tement les déplacements, les problèmes Fabio Gilardi / LF conjugaux dans les familles et le manque Ce cadre une fois défini, Jean-Pierre Rau- de motivation. Le métier est physique, il Informations: sis, garde forestier du cantonnement Mont faut de la volonté, ne s’engager qu’un www.ne.ch/autorites/DDTE/SFFN/forets/ Racine, a apporté sa vision des choses sur minimum ne suffira jamais.» Pages/accueil.aspx 7 LA FORÊT 1/16
science ET PRATIQUE Journée suisse de l’arbre La biodiversité en ville et ses contraintes La biodiversité en ville a constitué le thème central de la Journée suisse de l’arbre. Les arbres sont les piliers de la diversité des espèces. Mais pour pouvoir remplir leur fonction d’habitat, ils doivent être plantés et entretenus dans les règles de l’art et disposer de suffisamment d’espace pour se développer. Parallèlement à la question des besoins, les intervenants ont discuté des obstacles à l’épanouissement de la biodiversité urbaine, notamment des contraintes posées par la responsabilité civile. Texte et photos: Ferdinand Oberer* Les arbres âgés sont particulièrement Bavière (LWG), de nombreuses essences précieux du point de vue écologique. La indigènes n’auront pratiquement aucune couronne d’un chêne centenaire offre un chance de survivre ces prochaines années espace de 4000 m3 colonisable par les dans certaines stations à cause du réchauf- insectes, tandis que chez un exemplaire fement climatique. «Aujourd’hui déjà, de 10 ans celui-ci n’est que de 40 m3. bon nombre de ces espèces se portent mal dans les sols urbains imperméabilisés Espèces indigènes et compactés – plus mal qu’en forêt.» Susanne Böll travaille sur le projet de Le choix du chêne dans cet exemple n’est recherche «Stadtgrün 21». Depuis l’au- pas fortuit. En effet, comme l’a souligné tomne 2009, le LWG teste 20 essences Sandra Gloor, un chêne adulte abrite plus pour des plantations urbaines (Wald und de 500 espèces d’insectes, contre «seule- Holz 9/15). Les essais sont menés dans ment 200 pour un tilleul, et moins de dix trois villes de Bavière très différentes pour un ginko». les unes des autres quant à leur climat: «En principe, la diversité des espèces est Kempten, en zone préalpine pluvieuse, plus grande chez les arbres indigènes que Hof, le «frigo» de la Bavière, et Würz- chez les essences introduites par l’homme, burg, ville au climat chaud et sec où l’on car une longue coévolution a pu se déve- a mesuré cet été des températures record lopper entre eux et les insectes», a précisé de plus de 40° C. la biologiste. Une coévolution s’observe aussi chez les archéophytes – autrement Les essences méridionales Sandra Gloor, biologiste suisse spécialiste dit les espèces déjà importées à l’époque de la faune sauvage. antique depuis les régions voisines de plus résistantes l’Europe centrale, comme le poirier, le «Les études menées jusqu’ici ont montré pommier et le châtaigner. que de nombreuses essences d’Europe du La question de la place de l’arbre en ville Mais avec les «néophytes», introduites Sud-Est s’adaptaient plus facilement au a figuré au cœur de la Journée suisse de après la découverte de l’Amérique, les climat urbain que les espèces indigènes», l’arbre, qui s’est déroulée le 17 novembre insectes n’ont pas encore pu s’adapter à a relevé Susanne Böll. Sur les 20 essences au Casino de Montbenon à Lausanne. ces nouveaux venus (et inversement). Les testées, 16 n’ont pas subi de dégât liés à la Dans un exposé consacré à la valeur essences originaires d’Amérique du Nord sécheresse et la chaleur de cet été. «Seul écologique des arbres dans nos cités, San- et d’Asie de l’Est sont donc difficilement le parrotie de Perse (Parrotia persica) a dra Gloor, du bureau SWILD – Stadtöko- accessibles aux insectes. «Par exemple, souffert à Würzburg.» logie, Wildtierforschung Kommunikation, seules les abeilles mellifères et quelques Parmi les essences méridionales, le a présenté les résultats du programme bourdons peuvent utiliser les robiniers; les micocoulier de Provence (Celtis australis) national de recherche BiodiverCity** et abeilles sauvages et les papillons sont trop s’est montré sensible au gel, alors que les six recommandations remises à la «ville faibles pour ouvrir les fleurs», a expliqué l’érable de Montpellier (Acer monspessu- verte» de Zurich pour les nouvelles plan- Sandra Gloor, qui déconseille également lanum) a résisté à des températures infé- tations (voir encadré). les plantations de robiniers en raison des rieures à –20° C à Hof. «La biodiversité en ville est comparable risques de propagation envahissante. Pour les plantations urbaines, Susanne à la biodiversité en forêt. Dans les deux cas, Pour conclure à propos de la coévolution, Böll recommande de choisir des essences les arbres jouent un rôle déterminant: ils elle a précisé que «la biodiversité chez les bien adaptées à la station et de privilégier établissent des prolongements verticaux néophytes est encore très peu étudiée, il des espèces pures plutôt que des varié- et agissent comme des multiplicateurs y a beaucoup de retard à rattraper dans tés hybrides. S’agissant de l’entretien, de biotopes», a expliqué la biologiste. ce domaine». elle conseille de peindre en blanc le tronc des arbres en ville afin de les protéger Sécheresse et chaleur du rayonnement solaire, et de réaliser régulièrement des tailles d’entretien pour * Ferdinand Oberer est rédacteur auprès de la Selon Susanne Böll, de l’Institut pour la éviter d’infliger de grosses blessures de revue WALD und HOLZ. viticulture et l’horticulture du Land de coupe aux arbres. 8 LA FORÊT 1/16
science ET PRATIQUE Le paysagiste et ingénieur horticole français Dans le parc de Montbenon trône un majes- Le professeur Franz Werro, de l’Université de Gilles Clément partage ses impressions par tueux séquoia, qui illustre la problématique Fribourg, s’exprime par vidéoconférence sur le rapport à son travail avec le public. des arbres en ville. thème de la responsabilité liée aux arbres en ville. Le libre développement face Intervenant par vidéoconférence de Franz Werro a rappelé que «jusqu’ici, les aux contraintes légales Londres, Franz Werro, professeur de droit jugements des tribunaux suisses concer- à l’Université de Fribourg, a donné des nant des cas d’accidents liés à des arbres Le jardinier paysagiste Gilles Clément explications sur la thématique de la res- ont été plutôt cléments. Les contrôles quant à lui table sur l’encouragement ponsabilité civile en Suisse en lien avec les visuels réguliers et bien documentés ont de la succession naturelle plutôt que sur arbres. «Les seules bases légales concer- été jugés suffisants pour un prononcé les plantations. Sa stratégie fondée sur nant la responsabilité civile en cas de dom- d’acquittement.» le libre développement et la création de mages causés par des arbres figurent dans jachères en ville avait été décrite dans un le droit des obligations et le droit privé. En ouvrage de 2004 intitulé «Manifeste pour outre, il n’existe pas de norme juridique, Informations: le tiers paysage». A Lausanne, il a présenté mais seulement trois lois servant de base ** BiodiverCity (PNR 54): quelques-uns de ses projets, notamment pour la jurisprudence», a souligné Franz Valeurs écologiques et sociales de la celui du Parc Henri-Matisse à Lille. Werro en mentionnant à ce propos les nature en ville – identification, conser- Les autres intervenants, comme l’archi- articles 41 (Conditions de la responsabilité) vation et promotion de la biodiversité et tecte paysagiste Christophe Hüsler, du et 85 (Responsabilité pour des bâtiments de son acceptation dans le processus de Büro Hüsler & associés Sàrl, ont aussi et autres ouvrages) du Code des obliga- développement urbain exprimé le souhait que les arbres et le tions, et l’article 679 (Responsabilités du www.biodiversity.ch bois mort puissent disposer de davantage propriétaire) du Code civil. d’espace. Mais ils constatent que souvent ce désir se heurte aux risques liés à la res- Ouvrage et devoir de ponsabilité civile. diligence Se fondant sur trois arrêts de tribunaux, il a exposé les différents cas de figure Recommandations pour les en matière de responsabilité: «Un cas plantations d’arbres en ville de responsabilité se présente lorsqu’un 1) Conserver le plus longtemps possible dommage a été causé par un arbre qui a les arbres âgés et planifier assez tôt les été modifié par l’homme et a acquis ainsi nouvelles plantations la qualité d’ouvrage et que le devoir de diligence a été violé.» En outre, les arbres 2) Planter des essences indigènes ou des situés sur des ouvrages créés par l’homme espèces nonindigènes d’une grande (p. ex. sur une place de parc ou le long Moderne, valeur écologique d’une route), peuvent aussi devenir 3) Ne pas planter des espèces envahis- des ouvrages. compétente santes comme le robinier, l’ailante ou Franz Werro a également donné des le sumac vinaigrier précisions sur le devoir de diligence, qui dépend notamment de la sécurité atten- 4) Planter des espèces d’arbre sauvages et non des cultivars due. «En ville, les attentes en matière de sécurité sont plus élevées qu’en forêt. Les et vivante 5) Favoriser de manière ciblée la diversité arbres doivent donc être inspectés plus des essences soigneusement par rapport aux risques 6) Entretenir les alentours des arbres potentiels.» En principe, plus le lieu est www.laforet.ch dans le respect de la nature fréquenté, plus le propriétaire des arbres doit se montrer vigilant. Pour conclure, 9 LA FORÊT 1/16
science ET PRATIQUE Sylviculture A Montricher, les bovins pâturent en forêt Les réserves forestières spéciales de Montricher (VD) font l’objet de projets pilotes originaux, à l’exemple d’une réintroduction de bétail pour contenir le hêtre ou d’un suivi de l’efficacité des précautions prises pour épargner les myrtilliers, deux essais dont il est ici question. Texte et photos: Eric Morard* Depuis une dizaine d’années, les réserves Graphique: Eric Morard forestières spéciales de Montricher (VD) sont le théâtre d’une gestion sylvicole adaptée pour favoriser des espèces cibles. Un essai de remise en pâture (1) a en particulier été lancé afin d’évaluer si la présence de bétail permet de contenir la régénération du hêtre et de conserver une forêt irrégulière dominée par le rési- neux favorable au grand tétras. Dans un autre secteur, un essai a été mené afin de suivre l’efficacité de précautions particu- lières prises pour épargner les massifs de myrtilliers au moment des coupes. Les réserves de Montricher, instaurées en 2001, s’étendent entre 800 m et 1679 m d’altitude sur le flanc est de la chaîne juras- sienne vaudoise et du Mont Tendre. En plus des quelque 115 hectares de réserves forestières naturelles où les propriétaires renoncent à toute intervention sylvicole pour au moins 50 ans, des réserves spé- ciales ont été délimitées, couvrant envi- ron 240 hectares. Ces dernières ont pour but de contribuer à la préservation et au développement d’habitats favorables aux espèces cibles définies par secteurs.(2) Pour ces réserves, le programme de mesures spécifiquement défini est mis en œuvre sous la supervision du garde forestier. Carte des réserves forestières de Montricher. Gestion du recrû du hêtre: à leur efficacité pour freiner la régénéra- vaches a commencé durant l’été 2003. bovins ou débroussailleuses? tion du hêtre. Elle s’est poursuivie ensuite sans interrup- Plusieurs mesures sylvicoles sont mises en Après la mise en place du dispositif tion mais avec une pression de pâture œuvre pour conserver un milieu favorable nécessaire à cet essai (clôture, interven- variable d’une année à l’autre. au grand tétras et à la gélinotte des bois. tions sylvicoles) et le relevé de l’état ini- Le projet a pu bénéficier de la pré- L’une d’entre elles a trait à la lutte contre le tial entre 2001 et 2003, des relevés ont sence d’une exploitation existante au pré recrû du hêtre dont le recouvrement trop été effectués jusqu’en 2013. Ils ont porté Anselme et de la participation de l’amo- important est défavorable à ces espèces. notamment sur des paramètres bota- diataire et du berger pour la conduite Un dispositif de suivi a été mis en place niques et structuraux généraux (taux de et la surveillance des génisses. Le bétail au nord-ouest du Pré Anselme , dans une recouvrement des espèces par strates). n’est en effet pas confiné dans le parc, portion de forêt d’environ 16 hectares en Des relevés plus précis ont également mais celui-ci est ouvert par l’amodiataire contact avec un pâturage exploité avec été menés de façon ciblée sur le hêtre et lorsque les conditions sont favorables (la des génisses, afin de comparer entre eux la myrtille (taux d’abroutissement, crois- qualité et la quantité d’herbe dépendent les moyens mécaniques et la pâture quant sance apicale, hauteur, etc.). D’autre part, beaucoup de la météo). Les génisses sont la charge en bétail a été évaluée chaque donc libres de passer de la forêt au pâtu- année par le garde forestier. rage à leur guise. Une nouvelle clôture a dû être installée * Eric Morard est biologiste au bureau d’études Remise en pâture en 2003 tout comme une bossette pour l’approvi- biologiques BEB SA à Aigle. Il est répondant sionnement en eau du parc. En moyenne, du suivi scientifique auprès de la Commission des réserves forestières de Montricher. Après des interventions sylvicoles en une pression de pâture d’environ 25 uni- Internet: www.beb-etudes-biologiques.ch 2001 afin de faciliter l’accès du bétail au tés de gros bétail (UGB) par jour/ha a pu Courriel: info.beb@bluewin.ch sein du peuplement, la pâture par les être assurée chaque année. 10 LA FORÊT 1/16
science ET PRATIQUE Impacts de la pâture forêt à la pâture. Il a également permis de mettre en évidence les conditions et Un projet pour praticiens Les résultats du suivi ont permis d’obser- contraintes qui y sont associées. La diffé- Le projet-pilote d’une gestion écologique ver que le recrû du hêtre a pu être contenu rence de coûts importante entre la ges- des forêts de Montricher est né d’une par les génisses jusqu’en 2009, mais tion par pâture par rapport à des inter- volonté commune de trois partenaires: la quelques nouveaux foyers de développe- ventions sylvicoles montre que l’option Commune de Montricher, l’Etat de Vaud, ment ont vu le jour depuis. Il apparaît ainsi de la remise en pâture est moins rentable par sa Direction générale de l’environne- que ce mode de gestion a bel et bien un et qu’elle nécessite que certaines condi- ment (DGE), et la fondation MAVA en effet sur la régénération des ligneux, mais tions-cadres soient assurées (exploitation faveur de la biodiversité. Il consiste à fa- que la seule pression du bétail n’est pas agricole existante à proximité, terrain voriser le développement des stades âgés suffisante pour contenir à moyen et long peu escarpé, aide financière pour initier et de laisser évoluer le plus naturellement terme la progression du hêtre. le projet …). A préciser que l’évaluation possible la forêt; le but est de préserver La topographie accidentée du terrain des interventions qui auraient été néces- ainsi les populations d’espèces rares de implique que le bétail ne peut exercer saires par des forestiers est une estimation la région. Le grand tétras (3) en fait partie, une pression uniforme sur toute la sur- et que les coûts indiqués (voir tableau en mais également les lichens et les insectes face ouverte à la pâture. Il faut préciser page suivante) doivent être considérés par xylophages. que les génisses qui pâturent cet alpage rapport à la situation du cas étudié (pré- Ce projet-pilote a aussi été initié pour ne sont pas de la race la plus adaptée à la sence préalable d’un troupeau, etc.). acquérir une expérience pratique rela- pâture en terrain difficile. Il en résulte que tive à des modes de gestion particuliers des pieds de hêtre peuvent se maintenir Préservation des myrtilliers qui pourraient être transposés dans et s’étendre à nouveau dès que la pression d’autres sites. Il s’agit notamment de de pâture diminue localement. Dans le cadre d’une intervention de mise tester en grandeur réelle des méthodes Le suivi a également confirmé l’exis- en lumière dans un secteur de hêtraie à novatrices et de mesurer leurs effets tence d’une relation positive entre la sapin d’une réserve forestière spéciale, il sur l’écosystème forestier. Pour cela, un croissance apicale du hêtre et la mise en a été décidé en 2002 de suivre l’effica- suivi scientifique a été associé au projet; lumière du sous-bois. Toutefois, il est éga- cité des précautions particulières prises il vise à suivre l’évolution de la structure lement apparu que d’autres conditions pour épargner les massifs de myrtilles au des massifs forestiers et de la biodiversité stationnelles doivent entrer en jeu pour moment de la coupe, afin de savoir si ces au travers de différents indicateurs. Les expliquer la dynamique du recrû du hêtre. mesures se justifient vraiment. résultats obtenus permettent d’aider les D’autre part, il n’a pas été constaté d’in- Dans le secteur d’intervention situé à autorités à choisir et adapter les modes fluence négative du pacage sur le déve- 1350 m d’altitude, onze transects perma- de gestion à appliquer par secteur. loppement des massifs de myrtilliers, un nents de relevé ont été implantés avant paramètre important pour le grand tétras. la coupe. Pour trois d’entre eux, signa- Le taux de recouvrement de cette érica- lés sur le terrain, des prescriptions par- cée, qui apprécie des conditions semi- ticulières ont été données aux forestiers strates et du recrû ont été relevés mètre ombragées, évolue principalement en visant à dégager les massifs de myrtilliers par mètre en 2002, 2005 et 2011. Le fonction de la fermeture ou de l’ouverture de toute végétation pouvant les étouf- degré de changement d’ensoleillement le des strates arborée et buissonnante. fer. Il a notamment été demandé que les long des transects a également été évalué. branches tombées sur des massifs lors de Enseignements pratiques l’intervention soient mises en tas dans une Evolution constatée zone dépourvue de myrtilles. Cet essai a démontré la faisabilité mais Le recouvrement et la hauteur maximale Globalement, on a pu constater que les également les limites d’un mode de des myrtilles, la végétation dominante interventions réalisées ont bien été béné- gestion par ouverture d’une portion de ainsi que le recouvrement des différentes fiques pour le développement des myr- A g., dans le cadre du projet, du bétail est mis à la pâture en forêt. Le résultat en fin de saison est bien visible (à d.). 11 LA FORÊT 1/16
science ET PRATIQUE Bilan comparatif de deux modes de gestion du recrû du hêtre Paramètres Gestion par pâture Gestion par des forestiers Travaux préalables Préparation du terrain pour faciliter l’accès Pas nécessaires du bétail dans le massif boisé Infrastructures Clôture, abreuvoir Aucune n écessaires Intervenants Participation active de l’amodiataire Interventions nécessitant une équipe (conduite du troupeau, surveillance …) de 2 forestiers pendant 4 jours Coûts 158.–/ha*an (sans fournitures); 45–68.–/ha*an 223.–/ha*an (tout compris) Bilan général Pression de pâture suffisante Interventions possibles partout, à (~ 25 UGB*jours/ha) et régulière assurée sur répéter tous les 4–5 ans les surfaces peu escarpées Nécessité d’interventions sylvicoles ciblées Travail relativement astreignant sur de dans les zones difficilement accessibles par grandes surfaces les vaches (1 intervention tous les 10 ans, soit environ 8.–/ha*an pour la période de l’essai) tilliers (et des éricacées en général), avec fois avoir biaisé un peu les résultats du fait une augmentation du recouvrement et qu’il applique généralement déjà les prin- de la hauteur des plants dans les mètres cipes de base d’une sylviculture proche de carrés où la luminosité avait augmenté la nature dans son travail quotidien. modérément. Aucune diminution signifi- Dans le cadre de la gestion de réserves cative de cette espèce adaptée à la mi- forestières spéciales, la mise en œuvre de ombre n’a été constatée, à l’inverse, dans modes de gestion particuliers et la prise en les surfaces plus fortement remises en compte de précautions ciblées se justifient lumière. toutefois et peuvent apporter une plus- Concernant l’effet des précautions par- value écologique. Ces mesures nécessitent ticulières durant les coupes, une évolution toutefois que différentes conditions cadres assez similaire est observée entre les tran- soient assurées à moyen-long terme, en sects avec et sans précautions. Une dif- particulier un financement spécifique. férence significative n’est constatée que L’implication des différents intervenants pour la variation de hauteur des myrtilliers (exploitants, forestiers, propriétaires) est entre 2002 et 2011. Ces résultats sug- aussi importante afin de trouver les syner- gèrent au final que les précautions prises gies nécessaires au bon développement ont bien permis de favoriser le dévelop- de ces projets. Ces derniers sont égale- pement des myrtilliers (meilleure vigueur, ment un bon moyen de sensibiliser les augmentation de la biomasse végétale différents acteurs impliqués aux «bonnes disponible pour le grand tétras) mais que, pratiques» favorisant la préservation de la aux endroits sans ces précautions, les biodiversité forestière (4) . myrtilliers n’ont toutefois pas été réduits dans leur étendue. Références: Interventions avec, en haut, les précautions Conclusions pratiques (1) Neet C., Goeldlin P. et Delarze R. (2003): particulières pour épargner les myrtilliers. En Projet-pilote de gestion écologique des bas: intervention sans précautions spéciales. Le bilan après dix ans de suivi des réserves forêts de Montricher (Jura vaudois, Suisse). forestières de Montricher ne livre encore Mémoires de la Société vaudoise des sciences naturelles, vol. 20, fasc. 2. que peu d’indices d’évolution marquée (2) Bolliger M. (2014): Réserves forestières tura, la fondation Ellis Elliot et aux membres des peuplements forestiers et des espèces en Suisse. Rapport d’état fin 2012. Office de la Commission des réserves qui gère et associées. La mise en œuvre de mesures fédéral de l’environnement, Berne. développe ce projet. Ce dernier ne pourrait de gestion particulières permet toutefois (3) Sachot S. et Neet C. (2006): Gestion sylvi- exister sans les acteurs locaux (forestiers, déjà de tirer quelques enseignements. cole et grand tétras: les actions du canton amodiataires, bergers, autorités publiques, Il apparaît notamment que les interven- de Vaud (Suisse), in Natures Sciences naturalistes …) qui œuvrent à préserver un Sociétés 14, p. 60–62, NSS Dialogues, EDP équilibre entre la gestion et la préservation tions sylvicoles appliquées de façon routi- Sciences 2006, DOI: 101051./nss 2006057. des ressources naturelles de la région. nière par les forestiers dans le massif boisé (4) Kaufmann G., Staedeli M. et Wasser B. Le suivi des mesures présentées a été réalisé de Montricher sont compatibles avec la (2010): Exigences de base d’une sylviculture en grande partie par Franco Ciardo du Ser- préservation des habitats des espèces proche de la nature. Rapport de projet. vice cantonal vaudois des forêts, de la faune cibles visées. Elles ont l’avantage de Office fédéral de l’environnement, Berne. et de la nature (actuelle Division biodiversité demander moins de temps et donc d’être et paysage), avec l’aide de plusieurs autres Remerciements: personnes. moins onéreuses que des interventions Nos remerciements s’adressent aux instances Nous espérons que cet article permettra de spécifiquement définies pour de petites participant au financement du projet (la rendre hommage à toutes les personnes qui zones. L’implication de longue date du Commune de Montricher, l’Etat de Vaud, ont passé des heures et des heures à relever garde forestier dans le projet peut toute- la fondation MAVA pour la nature, Prona- méticuleusement les données sur le terrain. 12 LA FORÊT 1/16
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