Architecture et pandémie - QUE RÉSERVE L'APRÈS-COVID ? LA DENSIFICATION EST-ELLE COMPROMISE ? - Ordre des architectes du Québec
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Magazine de l’Ordre des architectes du Québec hors-série
Architecture
et pandémie
QUE RÉSERVE
L’APRÈS-COVID ? +
LA DENSIFICATION
EST-ELLE
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12 e étage, Montréal (Québec) H2P 1B6. En raison des lois provinciales, ce programme d’assurances auto et véhicules récréatifs n’est pas offert en Colombie-Britannique, au Manitoba
ni en Saskatchewan. L’assurance voyage Solution sans frontièreMD est administrée par Assurance Voyage RSA inc. et offerte par Royal & Sun Alliance du Canada, société d’assurances.
L’aide en cas d’urgence médicale ou de réclamation, le paiement des réclamations et les services administratifs sont fournis par l’administrateur décrit dans les polices d’assurance.
Toutes les marques de commerce appartiennent à leurs propriétaires respectifs. MD Le logo TD et les autres marques de commerce TD sont la propriété de La Banque Toronto-Dominion.
sommaire
ESQUISSES vol. 31, hors-série
Mai 2020
12
Une fin de journée d’avril 2020,
s
en plein confinement : la rue
Sainte-Catherine, désertée
de ses passants, Montréal
Photo : Nicolas McComber, gettyimages
dossier
ARCHITECTURE
ET PANDÉMIE
La COVID-19 est une lame de
fond qui n’épargne aucune 14 Confinement
sphère de nos vies. Accès aux Résilience et optimisme
services, vie familiale,
pratique professionnelle et 18 Industrie
20
loisirs se transforment à Que réserve l’après-COVID ?
grande vitesse, provoquant 20 Urbanisme
une révision en profondeur La densification est-elle compromise ?
de nos modes d’occupation
23 Hôpitaux
des lieux et du territoire.
Penser l’espace pour contrer les épidémies
Regards sur les interventions
à chaud que suscite la 26 Réponse des architectes
pandémie, et réflexions sur Intervenir à chaud
les enjeux architecturaux
qu’elle soulève.
Le Paris « ville du quart
s
d’heure », la vision d’avenir de
la mairesse Anne Hidalgo pour
la capitale française
Illustration : Céline Orsingher,
Paris en commun
Prototype d’écran facial, Foster + Partners
s
Photo : Aaron Hargreaves
26
3
hors-série COVID-19
30
ÉDITORIAL
7 De l’air, SVP !
actualités
8 Mesures spéciales de l’OAQ
11 Aide humanitaire
L’architecture au service des sans-abri
aide à la pratique
CARNET D’INSPECTION
11
30 Télétravail
Rester en contrôle
34 Contrôle qualité
C’est le temps d’y voir !
ESQUISSES Magazine de l’Ordre des architectes
du Québec (OAQ)
MISSION Le magazine Esquisses a pour but d’informer les membres de l’OAQ des conditions de pratique de la profession d’architecte au Québec et
des services de l’Ordre. Il vise également à contribuer à l’avancement de la profession et à une protection accrue du public. Les opinions qui y sont exprimées
ne sont pas nécessairement celles de l’Ordre. Les produits, méthodes et services faisant l’objet d’annonces publicitaires dans Esquisses ne sont ni
approuvés, ni recommandés, ni garantis par l’Ordre.
ÉDITRICE Christine Lanthier
RÉDACTEUR EN CHEF Steve Proulx (37e AVENUE)
RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE Anne-Hélène Dupont (37e AVENUE)
RÉVISEURE Christine Dufresne
CORRECTRICE D’ÉPREUVES Stéphanie Lessard
CONCEPTRICE GRAPHIQUE Amélie Beaulieu (Kokonut design)
ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO Jessica Dostie, Maude Hallé Saint-Cyr, Emilie Laperrière, Karène Laprise, Marie-Joëlle Larin-Lampron,
Sylvie Lemieux, Jean-François Venne.
PUBLICITÉ CPS Média inc. Dominic Roberge droberge@cpsmedia.ca | 450-227-8414 | poste 303
COMMENTAIRES ET SUGGESTIONS esquisses@oaq.com | ABONNEMENT oaq.com/esquisses-abonnement
DIRECTION ET PERSONNEL DE L’OAQ consultez le oaq.com, sous l’onglet « L’Ordre »
FRÉQUENCE quatre fois l’an | DISTRIBUTION Ce numéro est offert en format électronique seulement (oaq.com/magazine-esquisses)
DÉPÔT LÉGAL Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Bibliothèque et Archives Canada
4
hors-série COVID-19
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aériens, bruits de structure et bruits d’impact) ASSEMBLAGES DE MURS
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éditorial
De l’air, SVP !
PAR PIERRE CORRIVE AU, PRÉSIDENT
Le moins qu’on puisse dire, c’est que La promiscuité peut avoir des effets Pour y arriver, nous devrons persister
le confinement commence à nous peser, désastreux, et malheureusement, les dans la densification urbaine, même si cela
même si on en voit poindre la fin. Le clivages sociaux font que certains en peut sembler contre-intuitif à l’heure
contact avec mes collègues de travail me pâtissent plus que d’autres. Au retour à la actuelle. En effet, le succès de la lutte au
manque, et je ne suis pas le seul à normale, j’espère sincèrement que notre virus ne dépend pas tant de la densité
trépigner. Certes, il est de notre devoir de société aura compris sa responsabilité d’un territoire que du respect des règles
suivre les prescriptions de santé publique d’offrir des logements décents à chacun. d’hygiène et de distanciation physique.
– la santé collective est en jeu. Mais il me À ce chapitre, de meilleurs aménagements
semble que les êtres de communication La planète doit respirer urbains peuvent nous aider, soit dit en
que nous sommes ne pourront pas Le Grand Confinement aura eu un aspect passant. Par ailleurs, du moment où la
demeurer ainsi encore très longtemps positif : la diminution radicale des densité permet de se ravitailler sans avoir
sans virer un peu fous. émissions de CO2. Avant la crise, nous nous à changer de quartier, elle contribue d’une
Comme architectes, nous sommes demandions comment modifier nos modes certaine manière à ralentir la contagion.
capables de répondre à la plupart de nos de vie pour limiter les changements On nous dit que rien ne sera plus
obligations en télétravail. Il reste que climatiques. Nous l’aurons fait bien comme avant après cette crise. Mais au
nous avons un viscéral besoin d’échanges malgré nous. regard de ce qui nous sera proposé, gardons
impromptus, de spontanéité, de discussions Quand la pandémie sera terminée, notre esprit critique : adoptons ce qui
de machine à café qui nous détendent, comment ferons-nous pour ne pas constitue un réel progrès et refusons tout
nous inspirent et nous instruisent parfois à retomber dans les mêmes habitudes qui ce qui pourrait faire de nous des humains
notre insu. Alors qu’il y a quelques nous mènent droit vers une crise encore sans humanité. ●
semaines, un simple déplacement au sein bien pire ? Peut-être y réfléchirons-nous à
d’un espace de travail pouvait amener à deux fois avant de prendre la voiture ou
maints échanges productifs, il faut l’avion pour assister à une réunion dans
maintenant un prétexte pour entrer en une ville éloignée ? La vidéoconférence
« contact ». dont nous avons maintenant le réflexe
Nous sommes certainement plus agiles sera-t-elle alors moralement préférable ?
dans l’utilisation des différentes
plateformes qui nous permettent de
collaborer à distance. Mais on aurait tort de
les considérer comme des infrastructures
Cette crise nous aura fait
publiques, même si elles sont souvent
gratuites. Rappelons-nous qu’elles
prendre conscience
appartiennent à des sociétés privées qui
prospèrent grâce à nos données
de l’importance de la
personnelles… Une réflexion s’impose sur
la manière dont on les utilise, en attendant
qualité de nos espaces
qu’elles soient mieux réglementées.
Quoi qu’il en soit, à long terme, j’espère
de vie et de travail.
que ces outils n’en viendront pas à
nous détourner du bonheur de travailler
ensemble. Pour les déplacements quotidiens, nous
devrons continuer de chercher ensemble
Et les espaces dans tout cela ? des solutions durables pour remplacer la
Cette crise nous aura d’ailleurs fait prendre voiture individuelle. Il faudra tout faire pour
conscience de l’importance de la qualité faciliter et encourager le transport actif en
de nos espaces de vie et de travail. Dans la toutes saisons. On doit aussi améliorer sans
mesure où ils ont été bien conçus, les tarder l’offre de transports collectifs, quitte
quatre murs qui nous entourent auront à imputer les dépenses à la COVID-19,
atténué l’impression de contrainte. Mais qui aura coûté bien plus de milliards
tous, soit par manque de ressources ou par que les rêves les plus fous de métros, de
manque d’intérêt, n’ont pas cette chance. tramways ou de services rapides par bus.
7
hors-série COVID-19
Mesures
spéciales
de l’OAQ
Évènements de l’Ordre : reports
et changement de format
s
En raison des mesures de
Siège social de l’OAQ, Montréal
distanciation sociale prescrites par Aménagement intérieur :
la Direction générale de la santé Intégral Jean Beaudoin (2014), L. McComber (2019)
publique, la remise des Prix Photo : Raphaël Thibodeau M. Arch
d’excellence en architecture se fera
en mode téléconférence le 4 juin
prochain. D’abord prévue en avril,
elle a dû être reportée afin de
permettre au jury de se
réorganiser pour tenir ses
délibérations à distance. L’OAQ
anticipe également le recours aux
plateformes électroniques pour la tenue de Guide de survie
son assemblée générale annuelle, en de la communauté
septembre, de même que pour un colloque architecturale Formation continue : report de l’échéance
sur les ensembles patrimoniaux, en Peu de temps après l’annonce, par le et création de webinaires
novembre. gouvernement du Québec, de directives À la suite de l’annulation ou du report de
visant à limiter la propagation de la plusieurs activités de formation continue,
Esquisses : nouveau calendrier COVID-19, l’OAQ, l’Association des l’OAQ a reporté la fin de cycle de formation
de publication architectes en pratique privée du Québec, continue des membres de l’Ordre, initiale
Le report des évènements de l’OAQ, auxquels le Fonds des architectes et Kollectif ont ment fixée au 30 juin, au 31 décembre 2020.
la publication d’Esquisses est rattachée, a uni leurs efforts pour alimenter un Guide Les membres ayant terminé leur cycle
conduit l’équipe du magazine à revoir le de survie à l’intention de la communauté pourront, dès juillet, comptabiliser leurs
calendrier de publication. Le présent numéro architecturale, hébergé sur le site Web de heures aux fins du prochain cycle.
a été élaboré pour offrir un contenu adapté à l’OAQ. Tant que durera la crise sanitaire, Afin d’ajouter à l’offre de formation à
la situation. Il est exceptionnellement diffusé l’Ordre continuera d’y afficher l’infor distance, la direction de la pratique
en format électronique seulement. La mation la plus récente quant aux mesures professionnelle a mis sur pied une série de
parution du numéro sur les lauréats des Prix mises en place par les différents ordres de webinaires portant sur des thématiques qui
d’excellence en architecture, initialement gouvernement et aux outils mis à la revêtent un intérêt particulier dans le
prévue en juin, est reportée en septembre. Le disposition des entreprises. contexte actuel, dont les actes à distance, le
numéro sur les ensembles patrimoniaux Consultez-le souvent pour vous tenir plan de continuité des affaires et le
paraîtra quant à lui en novembre. au courant des derniers développements. télétravail.
8
hors-série COVID-19
Me Jean-Pierre Dumont
actualités
s
Photo : Jimmy Hamelin
Jean-Pierre Dumont est Lettre au premier ministre
donc maintenu dans son Le 24 avril dernier, le président de l’OAQ,
poste de directeur Pierre Corriveau, a fait parvenir une
Cotisation : rappel de la général et secrétaire de lettre au premier ministre du Québec,
nouvelle date limite l’OAQ pour les mois à François Legault, ainsi qu’à plusieurs
Les membres de l’Ordre ont venir. Cette décision est membres du Conseil des ministres.
jusqu’au 1er juin pour payer leur motivée par une volonté Saluant la volonté du gouvernement
cotisation professionnelle 2020- de préserver la stabilité d’accélérer les projets d’infrastructures
2021. L’OAQ a annoncé en mars de l’organisation dans le publiques au Québec, il y insiste sur
ce prolongement de la période contexte particulier de la l’importance de maintenir malgré tout
de paiement. La date limite était pandémie et par la bonne tenue des les processus entourant la qualité
initialement fixée au 1er avril. opérations sous la direction de M. Dumont au et l’acceptabilité sociale. Il souligne en
cours des 18 derniers mois. Ce dernier a outre la pertinence de poursuivre le
Direction générale de l’Ordre : notamment contribué au succès de la délicate travail en vue de l’adoption d’une
Jean-Pierre Dumont demeure en poste intégration du Fonds des architectes à la Stratégie québécoise de l’architecture, qui
Le 27 mars dernier, le conseil d’adminis structure de l’OAQ en plus d’assurer une devrait constituer un guide pour
tration de l’Ordre a adopté une résolution transition harmonieuse à la présidence. relancer le secteur sur des bases
afin de suspendre le processus de Le comité de gouvernance, d’éthique et de pérennes et durables. Il conclut sa lettre
recrutement à la direction générale de l’OAQ ressources humaines se repenchera à en offrant le soutien de la communauté
qui avait été annoncé dans le précédent l’automne sur l’organisation administrative architecturale aux efforts de relance
numéro d’Esquisses (printemps 2020, p. 14). de l’Ordre. économique. ●
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brèves
s
Écrans de plexiglas
Intervention d’ASFQ à la Mission Old Brewery. installés au site
s
De gauche à droite : Florence Dostie, bénévole, d’injection de CACTUS
Amal El Hamdouchi, bénévole, Claire Montréal
Davenport, bénévole, Maude Ledoux, Photo : ASFQ
coordonnatrice de projet chez ASFQ
Photo : ASFQ
Aide humanitaire
Dans plusieurs organismes communautaires,
le personnel doit garder en tout temps un
contact visuel avec les usagers. C’est le cas
au site d’injection de CACTUS Montréal, où
on doit rapidement repérer une personne qui
L’architecture au aurait des problèmes, comme une surdose.
service des sans-abri CACTUS offre aussi une salle où les usagers
peuvent prendre une douche. Elle a dû
La pandémie de COVID-19 complique le travail des être fermée en raison des mesures de
organismes qui accueillent les gens vulnérables. distanciation sociale qui rendent impossible
Architecture sans frontières Québec (ASFQ) leur la surveillance adéquate par le personnel.
vient en aide. « Nous avons construit une annexe à la
douche, explique Maude Ledoux. Elle agit
PAR JE AN-FRANÇOIS VENNE comme un sas et instaure une barrière
physique entre le personnel et les usagers. »
Depuis le début de la pandémie, ASFQ est Protéger sans enfermer L’équipe de bénévoles a aussi aménagé
intervenue auprès de CACTUS Montréal, de Les refuges pour itinérants comme la Mission des écrans de plexiglas autour du comptoir où
la Mission Old Brewery, de Projets Old Brewery ou PAQ ont été initialement travaille le personnel infirmier afin de le mettre
autochtones du Québec (PAQ) et de la conçus pour accueillir le plus de personnes à l’abri des particules émises par les visiteurs
Maison Benoît Labre, entre autres. « Il possible dans des espaces restreints. Pour et susceptibles de transmettre la maladie.
s’agissait de concevoir et d’installer des eux, la distanciation sociale constitue donc
« Nous devons trouver des solutions simples,
aménagements d’urgence pour que un réel casse-tête. Les organisateurs de PAQ,
abordables et qui se fabriquent et s’installent
les organismes qui œuvrent auprès de un centre ouvert de nuit en temps normal,
rapidement, explique Bruno Demers.
populations vulnérables puissent continuer souhaitaient permettre à des gens parmi les
L’expertise en architecture est fort utile pour
de jouer leur rôle, qui est crucial », explique plus susceptibles d’être infectés par le
y arriver. » ●
Bruno Demers, directeur général d’ASFQ. coronavirus de rester toute la journée. Ils
voulaient aussi les isoler pour leur protection.
« Sans déplacer les lits, nous avons installé
des cloisons physiques dans les dortoirs avec
du polythène transparent », explique Adaptation d’urgence des
Maude Ledoux, architecte et coordonnatrice commerces montréalais
de projet pour ASFQ. La transparence
ASFQ vient de conclure une entente avec la Ville
représentait un aspect crucial afin d’éviter de Montréal pour venir en aide aux petits
d’enfermer dans de petites pièces sombres commerces de la métropole qui devront adapter
des gens habitués à vivre dans la rue. leur espace en fonction des mesures de protection
contre la COVID-19. De mai à octobre 2020, une
équipe de trois architectes bénévoles offrira du
Intervention d’ASFQ à Projets soutien technique à ces établissements afin de
s
autochtones du Québec, Montréal les aider à poursuivre leurs activités.
Photo : ASFQ
11
hors-série COVID-19dossier
Architecture
et pandémie
La COVID-19 est une lame de fond qui n’épargne
aucune sphère de nos vies. Accès aux services, vie
familiale, pratique professionnelle et loisirs se
transforment à grande vitesse, provoquant une révision
en profondeur de nos modes d’occupation des lieux et
du territoire. Regards sur les interventions à chaud que
suscite la pandémie, et réflexions sur les enjeux
architecturaux qu’elle soulève.
Depuis le début de la pandémie, Laurent McComber,
s
architecte principal et fondateur de L. McComber,
se rend seul au bureau.
Le reste de l’équipe est en télétravail.
Photo : Laurent McComber
12
hors-série COVID-1913 hors-série COVID-19
dossier
architecture et pandémie
Confinement
Résilience et
optimisme
Quelques jours après le décret de fermeture des entreprises non essentielles, quatre
architectes patrons ont témoigné de leur expérience de la crise sanitaire sur le site de
l’OAQ. Un mois plus tard, alors que le Québec se prépare au « déconfinement », ils nous
redonnent de leurs nouvelles. Les propos ont été recueillis du 27 au 29 avril 2020.
PAR ANNE-HÉLÈNE DUPONT
Jean-Yves Montminy
architecte associé principal Olympus NDT, Québec,
STGM/Planidesign
chez STGM Architectes Photo : Stéphane Groleau
s
(Montréal et Québec; 5 associés principaux; 130 employés)
Notre équipe s’adapte bien au confinement. Nous communiquons plus qu’avant !
Les chantiers de nos projets sont encore fermés. Heureusement, nos clients sont
surtout dans le secteur public, où des appels d’offres continuent d’être publiés, alors
nous travaillons à des offres de services. Cela dit, nous avons dû mettre à pied
de 5 à 10 % de notre personnel environ. Nous ressentons une certaine insécurité,
mais nous sommes optimistes : les chantiers vont probablement rouvrir
prochainement; nous nous préparons à la reprise.
L’expérience du télétravail
Auparavant, mes associés et moi avions cette idée selon laquelle l’architecture est
incompatible avec le télétravail. Mais la pandémie nous a forcés à en faire
l’expérience, et c’est intéressant ! Je gagne au moins une heure par jour en n’ayant
pas à me rendre au bureau. Les interruptions sont moins fréquentes. Le télétravail
nous pousse à planifier finement le travail et sa distribution entre les employés.
Nous avons ainsi un meilleur suivi des dossiers. Je ne passe plus mes lundis à
« éteindre des feux » ! Il faudra attendre pour mesurer l’effet réel sur la qualité et
l’efficience de notre travail, mais la crise a estompé mes préjugés sur le télétravail.
Occuper l’espace autrement
Vendredi dernier, lors de la réunion hebdomadaire de notre « comité COVID », mes
associés et moi avons discuté des mesures à adopter en vue du retour au bureau.
Outre les achats de désinfectant pour les mains et le protocole de nettoyage, faudra-
t-il installer des panneaux de plexiglas entre les bureaux ? Prévoir différents quarts
de travail pour limiter le nombre d’employés sur place ? Conserver une portion de
télétravail ? Nous explorons différentes possibilités.
La situation actuelle est anxiogène, mais c’est aussi une belle occasion de
remettre en question et d’améliorer nos pratiques, comme architectes et plus
largement dans nos sociétés.
14
hors-série COVID-19dossier
architecture et pandémie
Clinique de dermatologie
s
du Haut-Richelieu, Saint-Jean-sur-Richelieu,
L. McComber
Photo : Raphaël Thibodeau
Laurent McComber
architecte principal et fondateur
de L. McComber
(Montréal; 3 associés, 5 employés)
La semaine dernière [du 20 au 24 avril] a été très Le retour sur les chantiers
occupée. Nous avons signé de nouveaux contrats, Mon associé Olivier Lord et moi avons visité trois
dont un gros projet multilogement. C’est encou chantiers cette semaine. Nous avons rédigé notre
rageant ! D’autres clients ont par contre mis leur propre politique en lien avec la pandémie, inspirée
projet résidentiel sur pause. des lignes directrices de la Commission des
En plus de mon propre travail, je dois normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du
effectuer certaines tâches administratives dont travail et de l’Association des professionnels de la
Pascale [Barrette-Brisson], ma femme et associée, construction et de l’habitation du Québec. Notre
se charge habituellement, parce qu’elle s’occupe responsabilité est double. D’une part, informer les
de notre famille. entrepreneurs quant à leurs responsabilités en
Après avoir réduit les heures de travail à la matière d’hygiène et de distanciation. D’autre part,
fin mars et en avril, nous prévoyons revenir à respecter nous-mêmes les règles d’hygiène,
35 heures la semaine prochaine, tout en favoriser les communications à distance et éviter
demeurant flexibles, parce que chacun réagit les documents papier.
différemment à ce contexte étrange. L’essentiel
est que chacun préserve son équilibre. Le retour au bureau
Nous nous préparons à retourner au bureau
Les mesures d’aide dès que ce sera autorisé. Au sein de l’équipe, c’est
Nous nous prévalons de tout ce qui est offert ! partagé : certains ont hâte, d’autres sont bien en
Pascale reçoit la Prestation canadienne d’urgence. télétravail. Nous avons l’intention de permettre
Nous avons demandé et reçu le prêt de 40 000 $ les deux.
que les banques accordent aux PME avec le La situation est difficile, mais nous sommes
soutien du gouvernement fédéral; c’est efficace pleins de ressources et nous nous en sortons bien !
pour pallier le manque de liquidités. Nous C’est beau de voir la capacité d’adaptation de
comptons aussi profiter du soutien financier à la chacun : notre équipe, les clients, le gouvernement,
formation du gouvernement québécois. la société en général. Je suis impressionné !
15
hors-série COVID-19dossier
architecture et pandémie
s
Centre de santé et unité
Suzanne Bergeron dentaire de Valcartier,
Valcartier, Louise Amiot
associée chez Louise Amiot et Suzanne Bergeron, architectes et Suzanne Bergeron,
(Québec; 2 associées, 8 employés) architectes
Illustration : Louise Amiot
et Suzanne Bergeron,
Moi qui ne suis pas à l’aise avec les technologies de l’information, j’ai réussi avec l’aide de nos architectes
employés à les apprivoiser et je suis fière de l’autonomie que j’ai développée ! Malgré le contexte un
peu décourageant, notre équipe garde le moral et fait preuve d’humour.
Des projets retardés
Certains projets sont au ralenti, voire compromis, en raison de l’impossibilité de tenir des
consultations citoyennes. Par ailleurs, nous ne savons pas toujours comment concilier les décrets
gouvernementaux avec nos responsabilités professionnelles. Dans un projet pour lequel la poursuite
des travaux est autorisée, nous ne savons pas si la reprise inclut la surveillance de chantier par
l’architecte au dossier. Logiquement oui, mais nous n’avons pas obtenu de réponse claire à cette
question.
Les prochains mois
Nous ne sommes pas inquiètes pour l’entreprise. Après 40 ans de pratique, mon associée et moi avons
la notoriété suffisante pour que les mandats continuent de se présenter d’eux-mêmes. Nous voulons
surtout que nos employés se sentent en sécurité. Je ne vois pas l’incertitude des prochains mois
comme un problème. Nous aurons à composer avec une réalité encore inconnue, tout simplement.
16
hors-série COVID-19dossier
architecture et pandémie
Bryan Fecteau-Berman et Anaïs Duval
associés, AURA Architecture & Design
(Sainte-Marie; 2 associés, 1 employée)
Bryan Fecteau-Berman (BFB) : Tout est au Des projets se transforment
ralenti autour de nous et nos deux plus gros BFB : Fait intéressant, certains de nos projets
projets sont sur pause. Au moins, les se transforment pour tenir compte des
municipalités continuent de donner des consignes de distanciation. Par exemple, un
permis et d’examiner les demandes de client industriel nous demande maintenant
dérogation mineure. La principale bonne de prévoir deux mètres de distance entre les
nouvelle, c’est que nous avons de nouveaux travailleurs dans la configuration des espaces
projets : multilogement, résidences, bâtiments de travail.
agricoles.
La reprise des activités
La motivation en priorité AD : Tous les projets risquent de redémarrer
Anaïs Duval (AD) : Nous nous préoccupons en même temps, ce qui va être difficile pour
beaucoup de la motivation de notre employée. notre petite équipe. Déjà, cet hiver, nous
Nous tenons à elle ! Nous veillons à diversifier voulions embaucher un employé
ses tâches et à la tenir au courant de supplémentaire, mais c’est difficile en région...
l’avancement des projets. Si jamais il y a un Au moins, jusqu’à maintenant, la survie de
ralentissement, nous allons en profiter pour notre jeune entreprise n’est pas menacée. On
qu’elle suive des formations – nous en touche du bois ! ●
suivrons aussi, d’ailleurs – grâce au
programme de subvention du gouvernement
québécois [le Programme actions concertées
pour le maintien en emploi].
Bâtiment d’affaires VIVA,
s
Sainte-Marie,
AURA Architecture & Design.
Illustration : AURA
Architecture & Design
17
hors-série COVID-19dossier
architecture et pandémie
Industrie
Que réserve
l’après-COVID ?
Comme beaucoup d’entreprises, les firmes d’architecture ne savent pas ce que l’avenir
leur réserve à l’issue de la pandémie de COVID-19. Pour l’instant, celles qui le peuvent
s’accrochent aux projets publics, qui devraient se poursuivre pour la plupart.
PAR JESSICA DOSTIE
« Il est excessivement difficile de prévoir à d’architecture. D’ailleurs, le tiers des pour continuer leur projet plus tard ? »
quoi s’attendre, puisqu’on reçoit de répondants au sondage de l’AAPPQ demande-t-il, évoquant les restaurants, les
nouvelles informations chaque jour », prévoyaient être à sec de trois à cinq boutiques et les autres commerces touchés
convient d’emblée la directrice générale de semaines après le début de la crise. par la crise. Un récent sondage de la
l’Association des architectes en pratique Certes, le sondage a été mené avant Fédération canadienne de l’entreprise
privée du Québec (AAPPQ), Lyne Parent, que les gouvernements ne précisent leurs indépendante (FCEI) indique d’ailleurs que
interrogée au début du mois d’avril. programmes d’aide aux entreprises, mais 63 % des entreprises au pays ne pensent
Bien que certaines activités étaient ces données démontrent néanmoins « la pas pouvoir compenser leurs pertes une
sur pause – entre autres les visites fragilité de plusieurs firmes », selon Lyne fois la crise passée. « Les projets non
de chantiers ou les rencontres de Parent. Elle poursuit : « [Leur capacité à essentiels risquent donc d’être remis aux
coordination de projets considérés comme s’en sortir] dépend autant de la fragilité calendes grecques », s’inquiète-t-il.
« non essentiels » –, la plupart des firmes qu’elles avaient avant la crise que de leur « Les firmes qui détiennent un
d’architecture au Québec ont pu maintenir portfolio. Les firmes d’architecture qui ont portefeuille de mandats équilibré,
une partie de leurs services à distance, beaucoup de contrats publics sont moins contenant des projets publics et privés
a révélé un sondage de l’AAPPQ mené inquiètes. » La directrice générale rappelle dans différents domaines, sont peut-être
auprès d’une centaine de firmes de toutes que, toujours selon le même sondage, mieux équipées pour traverser la crise.
tailles à la fin du mois de mars. Près de la seulement 19,5 % des projets suspendus L’avenir nous le dira », lance Lyne Parent,
moitié (45 %) des répondants avaient ou annulés provenaient de donneurs précisant que l’AAPPQ ne ménage pas
d’ailleurs évalué pouvoir continuer de d’ordre publics. ses efforts pour que toutes les firmes
fonctionner à 80 % ou plus de leurs Du côté de la Société québécoise des d’architecture aient accès aux appels
capacités d’avant la crise. infrastructures (SQI), on confirme par d’offres publics. « Nos travaux avec la SQI
« On m’a confirmé que le télétravail voie de communiqué avoir la volonté de pour proposer des critères de sélection
avait été relativement facile à instaurer, poursuivre les projets en cours, en et de pondération permettant à un plus
explique la directrice générale. Toute la particulier ceux qui en sont aux étapes de grand nombre de firmes de se qualifier
planification, l’analyse, de même que la planification et de conception, de même pour ses projets sont prometteurs à cet
conception des plans et devis peuvent se que les appels d’offres pour les services égard, dit-elle. Cela permettra, je le
faire à distance. » Les enjeux de d’architecture. souhaite, d’élargir le bassin des firmes
confidentialité sont en outre tout à fait Le bât blesse surtout du côté des obtenant des mandats avec cet important
gérables, selon elle (voir à ce sujet « Rester projets privés. Et rares sont les industries donneur d’ouvrage. »
en contrôle », page 30). épargnées, comme le rappelle Jean-
Philippe Bonneau, président de Gestion Arrimer toute la chaîne
Projets annulés et problèmes Ambicio, qui offre des services-conseils d’approvisionnement
de liquidités d’accompagnement aux entreprises. « Les Chose certaine, croit Lyne Parent, les
Les enjeux de liquidités risquent toutefois petits clients [des firmes d’architecture] architectes se trouvent au cœur d’une
de freiner l’élan de plusieurs firmes auront-ils eux-mêmes assez de liquidités chaîne d’approvisionnement qui sera
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hors-série COVID-19dossier
architecture et pandémie
appelée à s’adapter au cours des prochains
mois. Des producteurs de matériaux de
construction aux entrepreneurs généraux,
chaque maillon de cette chaîne dépend
des autres.
Les matières premières seront-elles
accessibles ? Les grossistes et les
fournisseurs seront-ils capables de s
s’approvisionner ? Les prix fluctueront-ils ? Ilan Gewurz,
Autant de questions auxquelles on n’a pas vice-président
de la Corporation
nécessairement de réponse pour le Proment
moment. « Alors que les conditions du Photo : gracieuseté
marché ont changé du jour au lendemain,
rien n’indique que les entrepreneurs
pourront réaliser les travaux aux mêmes
conditions contractuelles, ajoute Lyne
Parent. Chaque projet sera un cas d’espèce
et on devra revoir tous les contrats signés
avant la crise. » s
En clair, échéanciers et coûts devront Karine St-Pierre, responsable du
développement et du service chez
être réévalués. Cela signifie aussi que les Construction St-Pierre Roseberry
architectes et les concepteurs pourraient Photo : gracieuseté
devoir retourner à leur table à dessin et
faire preuve de créativité dans la recherche Lyne Parent, directrice
s
de solutions. « La communication entre générale de l’Association
tous les intervenants d’un projet est, plus des architectes en pratique
privée du Québec
que jamais, primordiale », insiste-t-elle. Photo : Fany Ducharme
Sur le terrain, les différents acteurs
tentent d’anticiper les conséquences de la
crise. « Beaucoup de chantiers
recommencent en même temps, analyse
Ilan Gewurz, vice-président de la
Corporation Proment, dont le siège est
situé à L’Île-des-Sœurs, à Montréal. On « Les firmes qui détiennent un portefeuille de
s’attend donc à des délais plus longs en
ce qui concerne la réception des mandats équilibré, contenant des projets publics
matériaux. »
Une préoccupation partagée par et privés dans différents domaines, sont peut-être
la dirigeante de Construction St-Pierre
Roseberry. « On a bien planifié et mieux équipées pour traverser la crise. »
commandé nos matériaux à l’avance
afin d’être prêts à relancer nos chantiers
– Lyne Parent
à 7 h le jour 1 », souligne Karine St-
Pierre, responsable du développement et
du service de ce promoteur situé à Québec. d’habitation de 20 M$ peuvent donner « C’est peut-être un bon moment pour
du travail à 10 petites firmes compétentes, repenser son modèle d’affaires, voire
Regards vers la reprise alors qu’un projet de 200 M$ ne créera développer de nouvelles méthodologies
Selon l’architecte Toon Dreessen, de la d’occasion que pour une seule entreprise », de travail. »
firme Architects DCA, à Ottawa, les plaide-t-il dans le blogue de son site Et si la crise permettait à la profession
gouvernements auraient tout intérêt à Internet. de s’améliorer ? ●
lancer en parallèle des projets de moindre En attendant la reprise, Jean-Philippe
envergure afin d’aider les PME telles que Bonneau conseille aux entreprises de
les firmes d’architecture à se relever de la profiter du ralentissement des affaires
crise actuelle. « Dix modestes projets pour entamer une réflexion stratégique :
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hors-série COVID-19dossier
architecture et pandémie
Le Paris « ville du quart d’heure », la vision d’avenir de la
s
mairesse Anne Hidalgo pour la capitale française
Illustration : Céline Orsingher, Paris en commun
Urbanisme
La densification
est-elle
compromise?
Il serait réducteur de croire que c’est leur densité qui a rendu les grandes
villes plus vulnérables à la propagation du coronavirus, selon plusieurs
experts. Du reste, la crise sanitaire actuelle fournit une belle occasion de
repenser la conception des villes pour réagir plus efficacement aux épidémies
émergentes.
PAR SYLVIE LEMIEUX
« Ce ne sont pas forcément les milieux type 2 sont des facteurs aggravants. Les expliqué lors d’un Facebook Live tenu
hautement densifiés qui sont les plus inégalités sociales, l’accès plus limité à des début avril.
touchés, affirme Éric Robitaille, conseiller services de santé de qualité sont aussi des « C’est vrai que, dans les villes, les
scientifique à l’Institut national de santé causes sous-jacentes à la prolifération », résidents sont plus proches les uns des
publique du Québec (INSPQ). Certaines ajoute-t-il. autres. Mais il y a aussi une concentration
grandes villes comme Séoul et Hong Kong Pour Christian Savard, directeur de services de santé. Cela vient
ont réussi à contraindre la propagation général de Vivre en Ville, il serait contrebalancer », ajoute Éric Robitaille.
[du coronavirus] grâce à une intervention irrationnel de créer une nouvelle vague
rapide des autorités et à des mesures de d’étalement urbain sur la base d’un La voie du milieu
confinement plus strictes. » évènement ponctuel comme la pandémie « La COVID-19 met en lumière le besoin de
Selon le chercheur, qui se spécialise de coronavirus. Si les métropoles sont mieux penser la densité, affirme Patrick
dans l’étude des liens entre l’environne fortement touchées, c’est d’abord et avant Marmen, chercheur associé à la Chaire en
ment bâti et les saines habitudes de vie, tout parce qu’elles constituent la paysage et environnement de l’Université
d’autres facteurs que la densité influent sur porte d’entrée des virus en raison des de Montréal. Elle fournit une occasion
la fameuse courbe des cas. « La structure déplacements de voyageurs incroyable de revoir l’organisation
d’âge de la population, la prévalence de internationaux et des grands urbaine. » Entre un centre-ville vers lequel
maladies chroniques comme le diabète de rassemblements plus fréquents, a-t-il tout le monde se dirige en même temps
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hors-série COVID-19dossier
architecture et pandémie
Entre un centre-ville vers lequel
pour consommer et travailler – et qui
tout le monde se dirige en même temps
devient ainsi un point chaud pour la pour consommer et travailler – et qui
propagation des virus – et la banlieue très
étendue, il faudrait viser la « voie du milieu ». devient ainsi un point chaud pour la
Il donne l’exemple de Paris, qui aspire à
devenir une « ville du quart d’heure ». « En propagation des virus – et la banlieue très
gros, c’est une ville où la population a accès à
tout ce dont elle a besoin, que ce soit le étendue, il faudrait viser la « voie du milieu ».
travail, les loisirs, les commerces, les services
publics, à 15 minutes ou moins à pied ou à
vélo de son habitation, un concept qui est
appelé à se répandre.» infrastructures de loisirs), ils accueillent de et particulièrement lorsqu’il faut se tenir à
Cela implique des quartiers qui misent moins grands rassemblements et sont donc au moins deux mètres de distance des
sur la mixité des usages et les transports moins propices à la contagion. En outre, autres passants. Montréal en fait d’ailleurs
actifs. Parce que les lieux de convergence y ces quartiers requièrent l’élargissement des l’expérience avec l’installation de corridors
sont de moins grande taille (qu’il s’agisse trottoirs et des pistes cyclables, ce qui sanitaires sur plusieurs artères
des commerces de proximité ou des facilite la circulation locale en tout temps, commerciales. ➔
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hors-série COVID-19dossier
architecture et pandémie
Des leçons
à tirer « Les espaces publics doivent
Peste, choléra, grippe
espagnole... Ce n’est pas la
contribuer à la santé de la population.
première fois que les Rendre la densité plus acceptable
sociétés sont touchées par
une pandémie. « À chaque [dans un monde post-COVID-19] passe par
crise, il y a eu des leçons à
tirer, affirme Éric Robitaille, une meilleure conception des lieux
conseiller scientifique à
l’Institut national de santé de rassemblement. » – Ron Rayside
publique du Québec. Le
choléra, une infection
virulente causée par
l’ingestion d’aliments ou
« Un autre aspect important, c’est de acceptable [dans un monde post-COVID-19]
d’eau contaminés, a incité
revoir la place de la nature dans la ville, passe par une meilleure conception des
les villes à améliorer le
ajoute Patrick Marmen. Plutôt que des lieux de rassemblement. » Autrement dit, il
système d’aqueducs. » Au
parcs fermés sur eux-mêmes, il est plus faut les rendre moins propices à la
début du 20e siècle, il a
été démontré que des lieux intéressant d’avoir un réseau de voies propagation.
lumineux et bien aérés piétonnières et cyclables facilitant l’accès à
favorisaient la guérison des ces espaces naturels. » Un exemple à Repenser les habitations
personnes atteintes de reproduire, selon lui, est le corridor de Si tous s’entendent pour dire que la
tuberculose. Les épidémies biodiversité de Saint-Laurent, qui prévoit pandémie n’arrêtera pas le mouvement de
forcent à l’innovation. La des passages entre le milieu urbain et la densification, elle pourrait toutefois
crise sanitaire actuelle n’y nature. « Les espaces publics doivent ralentir la course à la hauteur, croit
fera pas exception. contribuer à la santé de la population, l’architecte Pierre Thibault. « On va
souligne Ron Rayside, associé principal de remettre en question la très grande
Rayside Labossière. Rendre la densité plus hauteur, qui rend plus difficile l’application
des mesures de distanciation. Il est possible
de densifier une ville avec des bâtiments
de cinq ou six étages. » Ces immeubles
peuvent même aider les occupants à rester
en forme étant donné que le recours à
l’ascenseur y est moins systématique. De
nombreuses études ont en effet démontré
que le fait d’emprunter régulièrement les
escaliers au lieu de l’ascenseur diminue les
risques de maladies cardiovasculaires.
« Il faudra toutefois concevoir des escaliers
larges et fenêtrés, plus lumineux et plus
invitants. Cela aura aussi un impact sur la
santé publique », ajoute Pierre Thibault.
« Offrir des logements de qualité pour
une population plus en santé, c’était vrai
avant la pandémie, et ça va l’être encore
plus après », soutient Éric Robitaille. Selon
lui, l’élément qui compte le plus dans le
taux de mortalité en général, c’est le
fardeau des maladies chroniques. « Or, ce
qui peut en ralentir la prévalence, ce sont
des villes qui favorisent le transport actif et
mettent de l’avant différentes mesures pour
réduire la pollution atmosphérique », dit-il.
Autant de bonnes raisons de poursuivre
le mouvement de densification. ●
Le futur corridor de biodiversité de Saint-Laurent,
s
arrondissement de Saint-Laurent, Montréal.
Plan directeur : civiliti, LAND Italia, Table Architecture et
Biodiversité Conseil
Illustration : arrondissement de Saint-Laurent
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